Mardi 8 avril 2025
- Présidence de M. Jean-Luc Brault, président -
La réunion est ouverte à 14 h 05.
Réunion constitutive
M. Jean-Luc Brault, président. - J'ai l'honneur de procéder à l'ouverture de la réunion constitutive de cette mission d'information.
Cette mission d'information a été créée à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), dans le cadre du droit de tirage prévu à l'article 6 bis du règlement du Sénat.
Les dix-neuf membres de notre mission ont été nommés lors de la séance publique du 26 mars dernier.
Je suis reconnaissant à nos collègues du groupe RDPI d'avoir choisi ce sujet, particulièrement intéressant pour les élus des territoires que nous sommes. C'est notre responsabilité d'aider à faire en sorte que les personnes les plus éloignées des services publics, notamment pour des raisons géographiques, puissent y avoir accès dans des conditions convenables. L'accès aux services publics est à double sens : multiplier les points de contact, c'est aussi rapprocher les services publics des administrés, car l'enjeu est principalement lié à la mobilité, surtout dans les territoires ruraux. Ainsi, dans la partie nord de mon département du Loir-et-Cher, du côté de Vendôme, un bus itinérant permet d'aller vers ceux qui ont du mal à faire les démarches nécessaires au quotidien. Dans la partie sud, du côté du Controis-en-Sologne, le choix a été fait d'une ouverture des sièges à mi-temps pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CCRS), et parfois des visites à domicile sont même programmées.
Je suis certain que le rapport de notre mission d'information formulera des recommandations concrètes pour faciliter la vie de nos concitoyens.
Nous devons au cours de cette réunion procéder à la désignation du Bureau de notre mission d'information, en commençant par celle du président.
Je vous rappelle que, en application du deuxième alinéa de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, « la fonction de président ou de rapporteur est attribuée au membre d'un groupe minoritaire ou d'opposition, le groupe à l'origine de la demande de création obtenant de droit, s'il le demande, que la fonction de président ou de rapporteur revienne à l'un de ses membres ».
J'ai reçu la candidature de M. Gilbert-Luc Devinaz, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Gilbert-Luc Devinaz.
- Présidence de M. Gilbert-Luc Devinaz, président -
M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Je salue moi aussi le sujet choisi par le groupe RDPI pour cette mission d'information.
Ce sujet m'intéresse tout particulièrement parce que j'ai pu mesurer très concrètement, en tant qu'élu du département du Rhône, les difficultés concrètes que peuvent rencontrer les usagers du fait de la répartition parfois incompréhensible des compétences entre la métropole de Lyon et les communes de la métropole, la métropole de Lyon exerçant à la fois les compétences du département et de l'intercommunalité. Ainsi par exemple, quand un chantier pose problème, on vient voir le maire alors que c'est la métropole qui est le maître d'ouvrage. En effet, l'on ne connaît pas les conseillers métropolitains.
Nous avons tous en mémoire les remarques exprimées lors du grand débat qui s'est tenu à la suite de la crise des gilets jaunes : si 52 % des participants estimaient avoir accès aux services publics dont ils avaient besoin, 49 % déclaraient avoir renoncé à des droits à cause de la complexité des démarches permettant de les faire valoir. La moitié de nos concitoyens est donc en risque de non-recours.
Je ne reviendrai pas sur les évolutions qui ont conduit à cette situation : nous savons tous que les fermetures d'écoles, de bureaux de poste, d'hôpitaux et de centres de recettes des impôts, surtout quand elles s'accompagnent de la disparition des commerces de proximité, suscitent chez nombre de nos concitoyens un sentiment d'éloignement, aggravé par la dématérialisation des services publics, perçue par les uns comme un progrès tandis que d'autres la vivent comme une exclusion.
La proximité et l'efficacité des services publics sont évidemment un enjeu d'égalité entre les territoires et entre les citoyens. Mais il s'agit aussi, nous ne le savons que trop, d'un enjeu démocratique puisque ce sentiment d'éloignement encourage l'abstention, comme l'a souligné un récent sondage sur les inégalités d'accès aux services publics en France et l'impact sur le vote : pour 72 % des sondés, l'état des services publics occupe une place importante dans leurs choix électoraux.
Toutes ces raisons justifient que notre assemblée se saisisse de ces problèmes. Nous avons quelques mois pour réfléchir ensemble à ces questions décisives pour nombre de nos concitoyens.
Mais avant toute chose nous allons procéder à la désignation des onze autres membres du Bureau de la mission d'information, à commencer par celle du rapporteur.
Le règlement du Sénat prévoit que le groupe à l'origine de la demande de création d'une mission d'information obtient de droit, s'il le demande, que le rapporteur soit désigné parmi ses membres.
J'ai reçu la candidature de Mme Nadège Havet, du groupe RDPI.
La mission d'information procède à la désignation de sa rapporteure, Mme Nadège Havet.
M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Nous poursuivons la constitution de notre Bureau.
Compte tenu de la désignation du président et du rapporteur, la répartition des postes de vice-présidents et de secrétaires est la suivante : pour le groupe Les Républicains, deux vice-présidents et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un vice-président ; pour le groupe Union centriste, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, un vice-président ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président.
Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Marie-Pierre Richer et M. Hugues Saury ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, M. Adel Ziane ; pour le groupe Union centriste, Mme Olivia Richard ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, M. Jean-Luc Brault ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, M. Ronan Dantec ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, M. Éric Gold ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, Mme Marianne Margaté.
Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Catherine Di Folco ; pour le groupe Union Centriste, Mme Marie-Lise Housseau.
La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son Bureau : Mme Marie-Pierre Richer, M. Hugues Saury, M. Adel Ziane, Mme Olivia Richard, M. Jean-Luc Brault, M. Ronan Dantec, M. Éric Gold et Mme Marianne Margaté, vice-présidents ; Mme Catherine Di Folco et Mme Marie-Lise Housseau, secrétaires.
Je donne la parole à notre rapporteure pour vous présenter les axes de réflexion qu'elle a identifiés, puis nous pourrons avoir un échange de vues et évoquer l'organisation de notre calendrier.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Le sujet que j'ai l'honneur de présenter dans le cadre du droit de tirage de mon groupe me tient particulièrement à coeur pour diverses raisons.
Tout d'abord, comme l'a très justement exprimé notre président, l'accès aux services publics est décisif pour notre pacte républicain ; veiller à l'effectivité de cet accès est un enjeu d'égalité et de cohésion nationale. Or d'après le sondage cité par le président, 74 % des personnes interrogées déclarent avoir eu « au moins une mauvaise expérience des services publics », alors que 43% des répondants déclarent subir de telles difficultés « de temps en temps ».
Selon le baromètre Paul Delouvrier qui, depuis vingt ans, mesure chaque année l'opinion des Français à l'égard des services publics, on observe que le taux d'opinions favorables reste toujours en dessous de 50 %, même si le taux de satisfaction moyen des usagers tend à progresser depuis deux ans. Nos concitoyens, dans la moitié des cas, attendent que les services publics fassent des progrès en matière d'accessibilité, de clarté des informations et de rapidité de réponse.
Ensuite, la dématérialisation des services publics, gage de leur modernisation, est de nature à décourager certains usagers, comme l'a rappelé le président. L'objectif est donc de concilier la poursuite de la modernisation des services publics, qui va de pair avec leur digitalisation, et la nécessaire attention portée à l'usager éloigné des nouvelles technologies.
Par ailleurs, je suis sensible à la situation difficile de certains agents qui, au contact des usagers, peuvent éprouver un sentiment de lassitude et de perte de sens qui, me semble-t-il, fait partie de notre sujet.
Enfin, l'efficacité et la proximité des services publics est un sujet majeur pour les collectivités territoriales, et donc pour le Sénat. En effet, de par leurs compétences, tous les échelons locaux sont pourvoyeurs de services publics déterminants pour la vie de nos concitoyens, qu'il s'agisse de l'école, des titres d'identité, de la prise en charge du handicap ou de l'aide sociale. De plus, les communes, les départements et les régions peuvent être forces de proposition pour améliorer l'accessibilité des services publics dans les territoires : il est donc indispensable de leur donner la parole pour identifier les bonnes pratiques susceptibles d'émerger grâce aux initiatives des élus.
Je pense notamment aux formules itinérantes portées par certaines collectivités que notre collègue Jean-Luc Brault a mentionnées, comme les bus France services développés à l'initiative de certains départements et intercommunalités, dans une logique d'« aller-vers » qui est désormais bien identifiée comme un facteur de progrès et d'égalité dans certains territoires. Je suis sûre que notre rapport permettra de mettre en valeur d'autres exemples également stimulants.
Le sujet de la proximité des services publics n'est pas nouveau au Sénat. Notre assemblée y a déjà travaillé au cours des dernières années, qu'il s'agisse entre autres exemples de la mission d'information de 2020 sur l'illectronisme et l'inclusion numérique, du rapport de la commission des finances sur le réseau France Services en 2022 ou, plus récemment, du rapport de la délégation aux collectivités territoriales sur l'intelligence artificielle (IA), qui aborde la conduite des politiques publiques locales et évoque le risque de déshumanisation des services publics locaux.
Nos réflexions pourront aussi se nourrir de rapports publics relativement récents : je pense notamment au rapport de la Défenseure des droits sur la dématérialisation des services publics, publié en 2022, au rapport annuel du Conseil d'État consacré en 2023 à L'usager, du premier au dernier kilomètre, ou aux analyses du programme France Services dues en 2023 à trois parlementaires en mission, dont notre collègue Bernard Delcros, puis en 2024 à la Cour des comptes.
Je suggère donc, afin de mieux cibler un sujet qui a déjà donné lieu à diverses analyses, que nous abordions la question de l'accès aux services publics à partir d'exemples concrets et précis.
Ainsi, parallèlement à un programme classique d'auditions faisant intervenir des acteurs institutionnels et associatifs, des universitaires, des élus ou des syndicats, notre réflexion se nourrira de déplacements sur le terrain, afin de prendre connaissance de bonnes pratiques susceptibles d'inspirer des recommandations. Je fais appel à vos suggestions, chers collègues, car vous connaissez certainement dans vos territoires des exemples d'initiatives intéressantes à partager.
Je souhaite aussi que nous donnions la parole aux élus locaux en procédant à une consultation en ligne sur la plateforme dédiée du Sénat afin de recueillir des témoignages susceptibles d'inspirer nos recommandations. Cette consultation devrait pouvoir être mise en ligne très prochainement.
Nous organiserons également, vraisemblablement au mois de juin, une séquence avec nos collègues de la délégation aux outre-mer, territoires particulièrement concernés par notre sujet.
Enfin, nous essaierons d'intégrer à nos travaux des analyses de cas étrangers, même si les enseignements issus des analyses de droit comparé ne sont pas nécessairement transposables au cas français.
Je précise par ailleurs que je ne souhaite pas inclure dans nos travaux la problématique de l'accès des étrangers aux services publics, qui constitue un sujet en soi, abordé du reste par la Défenseure des droits. Compte tenu du temps qui nous est imparti, j'ai pris le parti de centrer notre propos sur une approche plus territoriale du sujet.
J'en viens donc aux axes de travail que je vous propose pour les mois qui viennent.
Premier axe : la nécessité d'améliorer l'accès aux services publics, pour tous les usagers et dans tous les territoires, a fait l'objet d'une prise de conscience des pouvoirs publics qui s'est traduite par de réelles avancées au cours des dernières années - le réseau France Services en constitue un exemple. Nous devrons au cours de cette mission, à partir de cas concrets, tirer le bilan de cette politique publique.
Second axe : parallèlement aux progrès accomplis par cette politique publique, nous devrons, à partir de cas concrets et d'exemples de bonnes pratiques issues d'initiatives des territoires, identifier les marges de progression à franchir pour des services publics à la fois simples, accessibles, efficaces et humains, gages de cohésion sociale.
Deux angles me paraissent pertinents pour guider notre approche des services publics dans une approche concrète : d'une part, les démarches qui accompagnent l'entrée d'un jeune dans l'autonomie, comme la première carte vitale, le premier salaire ou le premier logement, d'autre part, à l'autre bout du spectre administratif, celles qui accompagnent un décès et qui sont source de nombreux tracas pour les proches. Il nous faudra toutefois définir une méthode pour aborder ces deux aspects de notre sujet, si nous confirmons ce choix.
M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - En ce qui concerne l'organisation de nos travaux, nous procèderons à des auditions et tables rondes en réunions plénières ou au format rapporteur. Les auditions rapporteur seront naturellement ouvertes à l'ensemble de la mission. Elles figureront au calendrier prévisionnel qui vous sera adressé régulièrement.
Nos réunions, quel qu'en soit le format, auront généralement lieu le mardi après-midi et le mercredi avant la séance des questions au Gouvernement. Des réunions au format rapporteur pourront également se tenir à d'autres moments de la semaine. Le jeudi sera en principe réservé aux déplacements.
Mme Olivia Richard. - Ces axes de travail me paraissent pertinents. En tant que sénatrice des Français de l'étranger, j'attire votre attention sur l'existence de services publics particulièrement innovants dont bénéficient nos compatriotes à l'étranger, notamment en matière de dématérialisation. Il serait utile de recevoir en audition la directrice des Français de l'étranger et de l'administration consulaire, Mme Pauline Carmona, sur ce sujet. Ainsi, l'expérimentation de la demande de renouvellement de passeport sous forme dématérialisée devrait être étendue à trois pays dans le monde. Les Français de l'étranger servent souvent d'incubateurs sur bien des aspects.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - J'ai pu le constater dans le cadre de la mission d'information sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique. Les écoles françaises à l'étranger étaient des exemples en matière d'innovation. Nous suivrons donc la piste que vous proposez et je vous remercie de l'avoir suggérée.
M. Éric Gold. - Il y a quelques années, nous avions fait une mission d'information sur la lutte contre l'illectronisme et l'inclusion numérique. Depuis, des évolutions sont intervenues, mais certains blocages demeurent, notamment dans les zones périphériques. Nous pourrions reprendre le sujet.
M. Ronan Dantec. - L'accès à la fibre, ou plus simplement à internet, dans les territoires est une question qu'il faudra envisager.
M. Hugues Saury. - Il faudrait voir si certains pays sont plus avancés que nous en matière de dossier unique et dématérialisé pour l'accès à tous les services publics.
M. Adel Ziane. - En Seine-Saint-Denis, les sujets sont nombreux, qu'il s'agisse des déserts médicaux, des fermetures d'école, de l'accès à internet, etc. Je pourrai vous faire parvenir des propositions.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - On parle souvent du manque de services de proximité dans les zones rurales, mais c'est en effet une réalité qui existe aussi dans un certain nombre de quartiers.
Mme Marie-Pierre Richer. - Le département du Cher a mis en place un bus médical pour faciliter l'accès aux soins. Il y a d'abord eu une collaboration avec les sapeurs-pompiers, puis le département a acquis un véhicule en 2024. Un médecin et une sage-femme exercent dans le cadre de ce dispositif.
Mme Nadège Havet. - Sont-ils salariés ?
Mme Marie-Pierre Richer. - Le médecin est salarié du département.
Mme Béatrice Gosselin. - Les personnes âgées sont souvent éloignées du numérique et dans bien des cas se retrouvent désemparées, que ce soit dans le monde urbain ou dans le monde rural. Il faut penser à elles.
Mme Patricia Demas. - Nous pourrions aussi revenir sur l'expérimentation qui a été menée dans les caisses d'allocations familiales de cinq départements, dont celui des Alpes-Maritimes, pour modéliser la dématérialisation des questionnaires préremplis de déclaration de ressources, afin de redéployer les agents sur la logique d'« aller-vers ».
Mme Nadège Havet, rapporteure. - À titre personnel, je connais un volontaire du service civique qui recevait les personnes qui le souhaitaient dans une maison France Services, ainsi qu'à l'école de musique, ou bien il se rendait chez elles pour rendre certains services, comme par exemple remettre une box en marche - un problème indépendant de l'âge... Ce lien et ce service ont été très appréciés.
M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Nous nous retrouverons le 29 avril prochain pour commencer nos auditions.
Mme Marie-Pierre Richer. - Quand le rapport devra-t-il être rendu ?
M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Compte tenu de la date à laquelle nous commençons nos travaux, je propose de programmer l'examen du rapport à la mi-septembre.
La réunion est close à 14 h 35.