Mercredi 18 juin 2025

- Présidence de M. Olivier Rietmann, président -

La réunion est ouverte à 12 h 30.

Examen du rapport d'information « Le fabriqué en France »

M. Olivier Rietmann, président. - Mes Chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le rapport d'Anne-Marie Nédélec et Franck Menonville qui ont mené une mission d'information sur le « Fabriqué en France ».

Je donne tout de suite la parole à nos rapporteurs et les remercie pour le travail de fond qu'ils ont mené.

Je mettrai ensuite le rapport au vote, après les questions diverses. Je vous rappelle que si ce rapport n'était pas voté, il ne pourrait pas être publié.

Mme Anne-Marie Nédélec, co-rapporteure. - Je voudrais tout d'abord remercier le Président de m'avoir associée à cette mission très intéressante.

Mes chers collègues, en cette date hautement symbolique du 18 juin, nous évoquons l'achat patriotique de produits français, donc un nouvel appel à la résistance, en quelque sorte.

Tout le monde, apparemment, exprime une volonté d'acheter français, mais pourtant, le pays de fabrication n'occupe que le quatrième rang dans les critères guidant l'acte d'achat (avec 23 %), loin derrière le prix (80 %), puis la qualité et la durée de vie. Pourtant, acheter local, bien au-delà du prix, c'est soutenir nos entreprises, préserver nos emplois, réduire considérablement notre empreinte carbone, préserver notre indépendance économique et affirmer notre souveraineté.

Certes, la réalité tempère un petit peu ce constat, puisque l'inflation, la crise du pouvoir d'achat, ont ralenti l'acte d'achat français, alors même que la valorisation du fabriqué France, elle, progresse. Les salons professionnels, comme le Made in France ou la grande exposition du fabriqué en France à l'Élysée, témoignent de cette attractivité. La première édition de cette exposition avait d'ailleurs accueilli les robots Nao et Pepper, mais hélas, l'entreprise Aldebaran, qui les fabriquait, symbole de l'innovation française dans la robotique humanoïde, vient d'être placée en liquidation judiciaire. Donc, vous le constatez, loin de devenir une start-up nation, la désindustrialisation a repris. Les pouvoirs publics sont dans le déni, sans aucune action pour tenter de redresser la situation.

Pourtant, selon une étude du Conseil d'orientation pour l'emploi en date de 2018, si seulement 10 % des biens consommés par les ménages français actuellement importés étaient produits sur le territoire, la production française serait augmentée de 11,2 milliards d'euros, permettant de créer 150 000 emplois. À cela, il faudrait bien sûr ajouter les retombées en cotisations sociales, les retombées sur la balance commerciale, les impôts, la baisse des allocations chômage, etc.

Notre premier sujet est celui de la définition du fabriqué France. Nous ne disposons pas des matières premières qui nous assurent l'autosuffisance. Par voie de conséquence, un produit manufacturé intégralement français est extrêmement rare. Or, un produit importé peut être qualifié de « fabriqué en France » dès lors qu'il subit sa dernière transformation substantielle sur notre sol. Évidemment, tout est dans le « substantiel ». Donc, qualifier un produit français ne signifie pas que le produit est 100 % français et qu'il a été fabriqué en France uniquement avec des composants français. Il peut ainsi y avoir confusion pour le consommateur qui, en lisant « fabriqué en France », peut croire que le produit est 100 % français.

À cette complexité, il faut ajouter les près de 900 pages de règles d'origine dans le Journal Officiel de l'Union européenne. Six fonctionnaires seulement du service de l'origine et du Made in France, le SOMIF, sont habilités à fournir des attestations aux entreprises. Cependant, il n'y en a que 850 par an. Ces attestations peuvent, malgré cette présomption, être remises en question par les contrôles de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). Vous comprendrez bien que ça ne motive pas les entreprises à demander cette certification. Les consommateurs sont donc dubitatifs. 35 % déclarent ne pas être convaincus que les produits sont vraiment fabriqués en France, bien qu'ils soient étiquetés comme tels. Ils jugent qu'ils ne sont pas vraiment identifiables dans les points de vente.

S'ajoute à ce scepticisme une prolifération de 92 labels et certifications, privés ou publics, nationaux ou locaux, et la multiplication de pratiques trompeuses qu'on appelle « francolavage », qui désigne tout procédé visant à faire croire aux consommateurs qu'un produit est fabriqué en France, alors qu'il ne l'est pas. Cela peut être l'utilisation des trois couleurs, l'utilisation du drapeau, le petit dessin de l'hexagone etc... Vous voyez par exemple cette écharpe du Paris Saint-Germain (PSG), qui est fabriquée en Italie, ou ces capsules lave-vaisselle dont le lieu de fabrication n'est pas précisé alors que l'emballage comporte les trois couleurs nationales. / (La rapporteure montre les produits apportés)

Dans le domaine alimentaire, l'indication de l'origine est obligatoire, mais en matière non alimentaire, le marquage de l'origine est facultatif. Il est laissé à l'initiative du professionnel, qui doit toutefois être en mesure de justifier son allégation. La commercialisation de marchandises comportant un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire qu'elles ont été fabriquées en France ou qu'elles sont d'origine française, alors qu'elles ne le sont pas, est prohibée.

Lorsque le drapeau bleu-blanc-rouge est apposé, il s'agit de « francolavage », mais comme le pays d'origine est indiqué en petits caractères, on ne considère pas que ce produit tombe sous le coup de la loi. Par contre, l'apposition du drapeau bleu-blanc-rouge sans indication du pays d'origine, peut être effectivement répréhensible.

Du fait de l'imprécision de la notion, les allégations sont multiples : « conçu en France », « créations françaises », « collections françaises », « savoir-faire français », « conditionné en France », « imprimé en France », etc. L'imagination n'a pas de limites. Il faut savoir également - c'est aussi un point faible - que l'utilisation du drapeau français n'est pas protégée en tant que telle. Un importateur indélicat peut donc tout à fait s'approprier le drapeau national pour un produit qui n'est pas fabriqué en France.

J'en arrive au deuxième sujet, celui des contrôles. En France, la douane contrôle les importations et la DGCCRF la commercialisation sur le territoire français.

En matière alimentaire, 8 398 établissements ont été concernés et ont fait l'objet de 9 620 visites en 2024, avec un taux d'anomalie de 34 %, qui ne concernait pas seulement une tromperie sur l'origine. Mais en matière non alimentaire, 1 200 établissements ont été contrôlés pour un taux d'anomalie de 15 %. En 2024, plus de 22 millions de contrefaçons importées ont été saisies. C'est quatre fois plus en cinq ans, mais c'est nettement moins que chez nos voisins italiens. La contrefaçon est aujourd'hui une activité criminelle organisée et industrialisée qui submerge nos douanes et nos systèmes pénaux. C'est d'ailleurs l'objectif de cette massification. Ces contrôles sont particulièrement difficiles pour les plateformes de commerce. Le commerce en ligne explose. En 20 ans, il est passé de 8,4 milliards en 2005 à 175 milliards d'euros en 2025, dont 67 milliards de produits. Comment contrôler 2,6 milliards de transactions annuelles ?

Certes, le commerce en ligne facilite l'accès à des produits et services fabriqués en France, puisque la France est aujourd'hui le seul pays d'Europe où les acteurs nationaux restent très largement majoritaires sur leur propre marché et celui qui compte le plus grand nombre d'entreprises nationales implantées sur les autres marchés européens. Mais le problème, c'est le « tsunami » des colis chinois en Europe qui risque de s'amplifier avec la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis. En 2024, 4,6 milliards de colis de moins de 150 euros ont été livrés en Europe, c'est quatre fois plus en quatre ans. Sur les 1,5 milliard de colis livrés en France, plus de la moitié, 800 millions, concernaient des articles de moins de 150 euros qui proviennent à 91 % de Chine, particulièrement dans le secteur textile. Par ailleurs, les contrefaçons chinoises représentent 85 % des saisies mondiales en ligne et 51 % des saisies de vente mondiale hors ligne.

Or, ces colis de moins de 150 euros sont exemptés de droits de douane et bénéficient d'un tarif postal préférentiel car la Chine est encore considérée par l'Union postale universelle comme un pays en développement, alors qu'elle est devenue la deuxième puissance économique du monde. Donc, nous marchons un peu sur la tête, d'autant plus que la France est devenue elle-même, malheureusement sur certains segments, un pays en voie de développement, comme Arnaud Montebourg nous l'a rappelé dans son audition. Nous vendons des produits bruts, par exemple du bois, et nous achetons et importons des produits finis, par exemple des meubles à plus haute valeur ajoutée.

Par ailleurs, et cela a été une révélation lors de nos investigations, Temu pratiquerait un dumping massif en perdant en moyenne 30 dollars par commande alors que le panier d'achat moyen est de 6 euros. Cela signifie qu'en fait, le coût réel est de 36 euros. Dès janvier 2024, la Fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD) a alerté les pouvoirs publics au sujet de ce dumping.

Un plan d'action pour la régulation et la sécurité du e-commerce a été présenté par le ministère de l'Économie le 29 avril 2025. Il a donc fallu 15 mois pour réagir, et encore très faiblement, puisque ce plan ne s'accompagne d'aucune augmentation des moyens de l'administration, censée contrôler des centaines de millions de produits, dont des millions ont une provenance frauduleuse. Vous voyez que l'État et l'Union européenne ont très probablement un temps de réaction mortifère et ne sont pas capables de produire une réponse efficace.

M. Franck Menonville, co-rapporteur - La commande publique doit absolument devenir patriote dans notre pays. Avec un volume de plus de 170 milliards d'euros et plus de 243 000 contrats passés, la commande publique occupe une place essentielle dans l'économie nationale, soit 8 % du produit intérieur brut (PIB). C'est un levier essentiel de notre politique économique. Si la France appliquait tout simplement le taux de produits nationaux de notre voisin allemand, les entreprises françaises pourraient bénéficier de 15 milliards d'euros supplémentaires.

Si seulement 25 % des marchés publics étaient réservés aux produits français, cela représenterait 50 milliards d'euros par an d'achats supplémentaires des Français. Or, le fabriqué en France aujourd'hui est le « trou noir » de la commande publique. L'achat de produits fabriqués en France n'est pas mesuré par l'observatoire économique de la commande publique. Une meilleure connaissance de l'achat français permettrait de mesurer son impact sur le surplus de recettes fiscales nationales et locales.

En effet, aujourd'hui, nous raisonnons uniquement en matière de coût d'achat, alors que bien évidemment, en face de ce coût, il y a aussi un bénéfice économique et social au profit de notre pays et de nos territoires. On sait toutefois qu'une part substantielle des entreprises françaises adjudicatrices de marchés publics proposent des produits importés dans leur offre. Un opérateur privé, attributaire d'une procédure de mise en concurrence peut en effet s'approvisionner dans le pays de son choix. Sur le site de l'Union de groupements publics, (UGAP), la part de produits « Origine France » ne représente que 1 % des références proposées aux acheteurs publics, soit 10 000 références sur 1 million. Il s'agit principalement du label Made in France et plus rarement de la certification Origine France garantie, avec seulement 467 références.

L'achat français dans la commande publique souffre de nombreux handicaps. La préférence locale n'est pas admise par l'Union européenne, mais elle n'est pas plus dans les autres pays. Donc, les réponses aux appels d'offres doivent être traitées sans prendre en compte l'origine des entreprises candidates. Si réserver l'achat public aux entreprises françaises est impossible, il est en revanche tout à fait possible d'énoncer, de bâtir et d'utiliser un certain nombre de critères permettant de favoriser les achats locaux, comme la proximité géographique des candidats afin de faciliter les contrôles de l'acheteur public. Il faut bien évidemment avoir de l'imagination et de l'inventivité, et surtout une stratégie et une volonté.

Cependant, plusieurs facteurs affaiblissent le réflexe national dans l'achat public en France. La commande publique est éclatée, beaucoup trop éclatée, entre 60 centrales d'achat public (dont la plus importante a été précédemment citée, l'UGAP) avec un chiffre d'affaires de 5,6 milliards d'euros, et surtout 135 000 acheteurs, les pouvoirs adjudicateurs, contre 30 000 en Allemagne et 3 500 en Italie.

Par ailleurs, la France est l'un des rares pays d'Europe qui pénalise le délit de favoritisme, applicable à l'ensemble de la commande publique, ce qui opère une pression pénale très importante sur les acheteurs, et les rend excessivement prudents. Elle les conduit à une lecture restrictive des règles, comme l'a très bien souligné Arnaud Montebourg lors de son audition du 15 mai 2025.

En outre, 90 % des acheteurs publics sont des juristes. Ils ne sont pas assez sensibilisés aux aspects économiques et ne connaissent pas suffisamment les entreprises locales qui pourraient concourir et fournir cette commande publique. Par ailleurs, la moitié des marchés publics en volume est passée sous le seuil de la mise en concurrence de 40 000 euros. Dans ce cas, l'acheteur public est libre. Il peut se fournir sur les plateformes du e-commerce chinois sans se préoccuper de l'achat français.

Le point faible de la commande publique est l'inexistence des contrôles des engagements des attributaires du marché public, notamment en matière environnementale et sociale au niveau national. En revanche, les contrôles européens peuvent être de plus en plus stricts. Les rares leviers actuels sont environnementaux. La loi du 22 août 2021 portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ces effets prévoit qu'au plus tard, le 21 août 2026, tous les acheteurs et autorités concédantes devront intégrer une clause sous forme de conditions d'exécution environnementale et d'autres dans le domaine social ou ayant des références à l'emploi et un critère prenant compte des caractéristiques environnementales de l'offre.

Le plan national pour l'achat durable, le PNAD 2022-2025, pose l'objectif de 100 % des contrats comportant une considération environnementale. Par définition, les produits fabriqués en France disposent d'une empreinte environnementale plus faible qu'un produit importé et pourraient donc davantage être favorisés à ce titre.

Une réponse ministérielle du 19 décembre 2023 indique, je cite : « En accordant à ces critères une pondération supérieure à celle du prix, les acheteurs peuvent lutter contre la concurrence déloyale des entreprises étrangères et défendre le savoir-faire de nos entreprises sans pour autant tenir compte de leur implantation géographique ». À ce titre, pour aider à s'inscrire pleinement dans cette démarche, le gouvernement propose des outils pédagogiques et opérationnels.

Je voudrais revenir sur l'approche allemande qui constitue une autre piste et qui devrait être étudiée. Si 50 % des appels d'offres ne s'y jugent que sur le prix, contre 15 % en France, l'achat de produits allemands s'effectue grâce à une sélection en amont en se fondant sur des critères techniques. La stratégie allemande consiste à être assez fin dans l'approche du cahier des charges technique pour favoriser ce qui répond à ces critères techniques en phase avec la fabrication allemande.

Mme Anne-Marie Nédélec, co-rapporteure. - Nous vous avons formulé un certain nombre de constats. Maintenant, nous allons vous indiquer quelles sont nos recommandations.

Le premier axe, c'est d'abord de mieux identifier et définir le fabriqué en France, tant la zone grise est importante. Toutes les allégations connexes, vous l'avez compris, déroutent complètement le consommateur, le font douter et le détournent d'un marquage d'origine. Une approche économique plus solide est nécessaire en retenant, comme l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) l'a fait, le critère de la majorité de la valeur ajoutée créée sur le territoire national et non plus la dernière transformation substantielle en application des règles des douanes de l'Union.

En second lieu, il s'agit d'imposer le marquage de l'origine de fabrication des produits importés dans l'Union européenne, comme nos principaux partenaires commerciaux le font, ce qui mettra les États membres de l'Union sur un pied d'égalité. Comme l'a souligné aussi le rapport Jégo, ce principe est conforme aux règles du GATT (l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), que l'Union européenne n'applique pas et qui pose le principe de marquage des biens importés. Il est paradoxal de constater que les États-Unis respectent, ici, scrupuleusement les règles de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), contrairement à l'Union européenne. L'outil technologique de cette révolution économique existera bientôt, théoriquement, avec le passeport numérique des produits. En revanche, nous proposons de maintenir le caractère facultatif du marquage de l'origine de production des produits fabriqués et commercialisés dans l'Union européenne, à l'inverse des préconisations du rapport Jégo.

Pourquoi ? Je vous l'ai dit tout à l'heure, parce que ce marquage obligatoire ferait supporter sur les entreprises une charge supplémentaire, et que nous considérons que la priorité, c'est aujourd'hui de lutter contre la contrefaçon et le dumping des importations de produits à bas coût. Si nos entreprises disparaissent, du fait de cette concurrence déloyale, le problème du fabriqué en France ne sera même plus d'actualité. Cependant, cette perspective pourrait être reconsidérée avec la mise en place du passeport numérique des produits, qui devrait entrer en vigueur progressivement à partir de 2027 et permettrait de tracer un produit de A à Z jusqu'à son recyclage ou son réemploi. Techniquement, nous pourrions aussi y imposer la traçabilité, donc son origine.

Il faudra en tout état de cause une étude d'impact à l'échelle européenne, démontrant son coût quasi-nul pour les entreprises. Il faudra aussi dégager une majorité au Conseil européen. Les deux précédentes tentatives en 2003 et 2014 ont échoué, mais il faut savoir que l'Allemagne, par exemple, ne tient pas à afficher que les voitures allemandes sont fabriquées en Europe centrale ou même au-delà, même si je pense maintenant que c'est un « secret de Polichinelle ».

En quatrième lieu, nous proposons de réserver aux produits réalisés à plus de 50 % en France l'exclusivité de l'apposition du drapeau français, mais actuellement, je vous l'ai dit, l'utilisation du drapeau n'est pas protégée en tant que telle, donc il faudra forcément y remédier. Nous souhaitons également mettre fin à ce qu'on a appelé la « tour de Babel des labels », en regroupant progressivement les labels publics et privés et les certifications sous un label unique du Fabriqué France. Nous recommandons aussi aux pouvoirs publics d'encourager les acteurs économiques à créer une plateforme en ligne unique, exclusivement réservée aux produits fabriqués en France.

Enfin, pour consolider l'offre de produits français, il faut absolument une vraie politique de réindustrialisation et de relocalisation, en confiant au comité stratégique de filière le ciblage des produits à relocaliser, en priorisant sur les produits identifiés comme en situation de vulnérabilité, avec la création de zones franches ayant une fiscalité allégée au sein des zones de développement prioritaire qui existent actuellement.

Le deuxième axe vise à rétablir une concurrence libre et non faussée. Notre sujet majeur, c'est de savoir si l'Europe veut être un continent de producteurs ou simplement de pays consommant des produits venant de l'étranger. C'est ce qu'a indiqué le président de la Confédération des PME lors de son audition par la délégation aux entreprises lors de la table ronde du 29 avril sur les entreprises françaises dans la guerre commerciale. Il faut donc des décisions rapides et impactantes, et c'est là que réside la difficulté, puisque nous manquons de réactivité par rapport à nos concurrents chinois qui, eux, réagissent et s'adaptent très rapidement. Donc, il nous faudrait des décisions rapides et déterminantes sans lesquelles nous courons à la catastrophe, puisque de nombreux producteurs français, mais aussi européens, risquent de disparaître.

Les États-Unis imposent des frais radicalement dissuasifs. La stratégie de dumping des plateformes chinoises leur a permis une conquête ultra rapide des marchés européens. En 18 mois, ils se sont approprié 11 % du marché en ligne et ils aspirent les données numériques des consommateurs, ce qui est sans doute l'un de leurs principaux objectifs. De nombreuses entreprises françaises et européennes sont menacées de faillite à très court terme. Proposée par la Commission européenne le 8 décembre 2022, la mesure visant à imposer un minimum de droits de douane pour chaque colis extracommunautaire de moins de 150 euros constitue une mesure d'urgence vitale. Mais nous sommes en 2025 et elle n'est toujours pas appliquée.

Le Sénat a voté le 2 juin, lors de l'examen de la proposition de loi sur la fast-fashion, une taxation comprise entre 2 et 4 euros des colis de moins de 150 euros et de moins de 2 kilos. Il faudrait que cette taxe soit reprise par l'Union européenne et entre en vigueur très rapidement. Les États-Unis ont adopté une taxe sensiblement plus élevée, 100 dollars pour les colis de moins de 800 dollars. Si l'Europe n'agit pas vite, elle sera submergée, car les flux chinois cherchent des débouchés, puisque le marché américain se ferme drastiquement. Donc, à moyen terme, il sera aussi nécessaire que l'Union européenne étende sa taxe carbone aux produits de consommation courante.

Le renforcement du contrôle des plateformes étrangères à bas coût est urgent. C'est la raison pour laquelle nous proposons à la délégation de saisir l'autorité de la concurrence au sujet des reventes à perte de la part des plateformes de commerce en ligne, notamment chinoises. Nous demandons aussi à l'Union européenne d'aller au-delà en lançant une procédure anti-dumping et en enquêtant sur les subventions octroyées par des pays non membres de l'Union européenne à des entreprises actives sur son territoire. L'Europe se doit de rétablir une concurrence loyale entre les produits importés des pays tiers et les produits fabriqués dans l'Union. Elle joue sa survie en quelque sorte.

À terme, la politique concurrentielle européenne doit être refondée afin d'intégrer la nouvelle stratégie industrielle de l'Union européenne de réduction de la dépendance dans les domaines stratégiques. Elle doit permettre de développer la notion d'empreinte territoriale afin de prendre en considération l'impact d'un achat local en termes d'emploi ou de recettes fiscales supplémentaires.

M. Franck Menonville, co-rapporteur - Nous proposons pour notre troisième axe de renforcer le contrôle sur le fabriqué en France. En effet, les contrôles de la DGCCRF semblent aller au plus simple, principalement axés sur les entreprises françaises et concernent parfois des broutilles ou des sujets minimes et secondaires. Certes, à l'égard des plateformes de commerce, la DGCCRF dispose depuis 2020 d'un pouvoir d'obtenir des référencements. Il a été exercé d'ailleurs en 2020 à l'égard de la plateforme américaine Wish, qui proposait 95 % d'appareils électriques, jouets, bijoux non conformes à la réglementation et dont 45 à 90 % étaient dangereux. Mais la plateforme américaine est à nouveau aujourd'hui accessible depuis la France et continue à proposer de la contrefaçon. Les enquêtes sur Temu et Shein sont enlisées depuis trois ans, car à chaque remarque, les plateformes corrigent leur offre, ce qui étend la période de la procédure contradictoire.

La lutte contre le « francolavage » se heurte à des obstacles procéduraux insurmontables. Alors qu'une seule procédure pourrait être engagée contre le contenu d'un conteneur, chaque colis doit faire l'objet d'une procédure judiciaire distincte, ce qui paralyse toute répression efficace. Il faut donc réorienter les contrôles de la DGCCRF et des douanes vers le commerce en ligne extracommunautaire. C'est une priorité absolue, en se focalisant sur le contrôle de la sécurité des consommateurs et en autorisant des listes noires d'importateurs qui fraudent massivement, soit en matière de contrefaçon, soit en matière de « francolavage ». Il existe tellement de contrôles sur les entreprises françaises qu'on pourrait envisager leur regroupement afin de réaffecter des contrôleurs à la vérification de ces importations, en les formant bien évidemment. Ce redéploiement doit s'opérer à coût constant, compte tenu de la situation budgétaire.

En Italie, la Garde des finances, qui est militaire, dispose de 65 000 agents contre, en France, 17 000 douaniers. En France, leur nombre a d'ailleurs été diminué d'un quart en 30 ans. En Italie, c'est, même s'il faut être prudent sur le chiffre qui nous a été indiqué, près de 800 millions de produits contrefaits qui ont été saisis en 15 mois, contre seulement 22 millions en France.

Sans un accroissement des moyens, et une réorganisation des moyens matériels et humains, le renforcement des procédures juridiques de lutte contre la contrefaçon sera inefficace et vain. Il faut en effet adapter les contrôles douaniers à la massification du commerce en ligne et à l'industrialisation des rapports commerciaux par la livraison de milliards de colis. Il faut intensifier l'utilisation de l'IA pour lutter contre la contrefaçon en réponse à son industrialisation croissante.

Il faut étendre les compétences judiciaires des douanes sur le modèle de la Garde des finances italienne, qui a des compétences horizontales. En France, nous avons une approche beaucoup trop segmentée, trop séparée et, finalement, une organisation en silo qui ne rend pas suffisamment efficace le dispositif. On gère d'un côté le narcotrafic, on contrôle d'une autre manière la contrefaçon, d'une troisième manière d'autres délits, alors qu'ils sont gérés par une même organisation et les mêmes réseaux.

Il faut également rendre possible le blocage des sites miroirs qui tendent de contourner une décision judiciaire en créant un nouveau site et avec une réactivité absolument remarquable. En matière de droits d'auteur, cette possibilité existe depuis la loi du 25 octobre 2021, relative à la régulation et la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique pour lutter contre le streaming et le piratage audiovisuel. Elle permet la suspension groupée de nombre de domaines et de démontrer le lien de connexion entre différents sites, dont ils demandent le blocage lorsque ces sites reprennent le contenu de sites visés par une décision de justice sans avoir à en solliciter une nouvelle. Il est donc proposé de s'inspirer de cette loi et de cette procédure, qui a renforcé la protection des droits d'auteur en matière de piratage audiovisuel et de transposer ces principes à la protection de la propriété industrielle, donc au fabriqué en France.

Nous proposons également d'assimiler systématiquement la contrefaçon à la non-conformité du produit, dans le cadre de l'application du règlement européen de 2022 sur les services numériques qui s'attaquent aux produits illicites, contrefaits ou dangereux, proposés en ligne ou au règlement sur le marché numérique qui vise à mieux encadrer les activités économiques des plus grandes plateformes. Il devrait également être créé une amende délictuelle forfaitaire en cas de fraude sur une allégation de produits fabriqués en France par le vendeur. Mais nous souhaitons aussi responsabiliser et sanctionner l'acheteur, sur le modèle de l'infraction créée en 2019 pour l'achat de cigarettes vendues à la sauvette.

La dernière recommandation sera sans doute la plus difficile à mettre en oeuvre. L'Europe doit mieux se protéger. Or, la coopération douanière est insuffisante. L'Office européen de lutte anti-fraude doit faire de la contrefaçon une nouvelle priorité. Le Parquet européen doit élargir sa compétence. La coopération douanière doit se renforcer, notamment avec nos voisins, la Belgique et les Pays-Bas, qui sont aujourd'hui, par la dynamique et la taille de leur port, un lieu d'entrée massive de la contrefaçon.

Le quatrième axe de nos propositions vise à mobiliser la commande publique au service du fabriqué France. La mesure de la part importée dans la commande publique est un préalable indispensable du pilotage stratégique d'une politique d'achat, valorisant l'offre nationale. Sans elle, pas de pilotage efficace. Actuellement, nous n'avons pas suffisamment de stratégie en la matière.

Il existe par ailleurs un trop gros nombre de pouvoirs adjudicateurs d'acheteurs, je le disais tout à l'heure, 135 000 acheteurs. Il faut rationaliser en les mutualisant autour d'agences de commande publique, opérant au profit de plusieurs pouvoirs adjudicataires d'un même territoire. L'achat public doit être exemplaire. Une volonté d'achat français et local doit exister. L'État doit faire du critère bas carbone un levier en faveur des circuits d'approvisionnement territoriaux courts, interdire les appels d'offres hors taxe pour les marchés dans lesquels peuvent se présenter des entreprises extracommunautaires, assurer un contrôle des engagements sociaux et environnementaux pris par les entreprises ayant remporté des marchés publics et enfin garantir le rôle de l'UGAP afin de garantir une politique plus volontariste en matière d'achat public. Nous proposons de transférer la tutelle de l'UGAP qui est aujourd'hui au ministère des Comptes publics, au profit du ministère de l'Industrie. Nous devons passer d'une stratégie trop souvent financière à une stratégie économique et de souveraineté.

Le cinquième et dernier axe vise à informer et responsabiliser davantage le consommateur. En effet, la communication sur le fabriqué France demeure essentielle. Comme dans d'autres pays européens, en Italie par exemple, des campagnes régulières de sensibilisation en direction des consommateurs doivent être organisées, et notamment sur les retombées territoriales, économiques et sociales de l'acte de consommation. Il faut transformer le consommateur en « consom'acteur ».

L'accent doit être mis sur les conséquences sur leur santé et leur sécurité, sur l'impact essentiel et environnemental des produits importés, afin de valoriser les effets sociaux et environnementaux du fabriqué en France. Le slogan « Nos emplettes sont nos emplois » a été particulièrement efficace il y a quelques années. Nous ne préconisons pas d'organiser un mois ou une semaine annuelle de la promotion des produits fabriqués France, car elles doivent l'être toute l'année, et la grande distribution met suffisamment et en permanence en avant ces produits, dans les linéaires. On pourrait en revanche mieux promouvoir les cartes cadeaux distribuées par les comités sociaux d'entreprise, valables sur les plateformes en ligne, proposant uniquement des produits français, comme la Carte Française, qui regroupe 700 enseignes et propose 500 000 produits.

Enfin, stigmatiser et dénoncer les entreprises qui pratiquent le « francolavage » est une action de communication qui a fait ses preuves pour d'autres objectifs, les entreprises étant extrêmement sensibles à leur image et à leur représentation.

L'ensemble des mesures que nous proposons doit pouvoir marquer une nouvelle ère dans la défense et la valorisation du fabriqué France, du savoir-faire français. Si vous les adoptez, nous nous engagerons à assurer son suivi au-delà de cette publication. Mes mots de conclusion iront pour Monsieur le Président qui nous a fait confiance et nous a confié cette très belle mission avec Anne-Marie Nédélec, avec qui nous avons formé un très beau tandem sur ce sujet et cet enjeu primordial pour notre réindustrialisation et notre économie.

M. Olivier Rietmann, président. - Merci à tous les deux pour ce formidable travail de fond. Mes chers collègues vous avez la possibilité de poser des questions à nos rapporteurs.

M. Simon Uzenat. - Je tiens à remercier les deux co-rapporteurs pour le travail accompli. Je serai très concis concernant la partie relative à la commande publique, car la commission d'enquête rendra dans les prochains jours, début juillet, les conclusions de ses travaux. Je ne peux préjuger des décisions que nous prendrons avec mes collègues. Je souhaite néanmoins réagir sur les propositions 21 à 26 et établir le lien avec les témoignages recueillis lors de nos auditions, qui font écho au travail que vous avez réalisé.

Concernant les chiffres de la commande publique, les 170 milliards d'euros sont issus des données de la commande publique, mais prennent uniquement en compte les marchés supérieurs à 90 000 euros. En se fiant aux données de la Cour des comptes de l'Union européenne, qui a rendu un rapport estimant le poids de la commande publique à environ 15 % du PIB, nous pourrions évaluer le montant de la commande publique dans notre pays entre 300 et 400 milliards d'euros.

Concernant le nombre de pouvoirs adjudicateurs, nous avons plutôt constaté la nécessité de professionnaliser les acheteurs, ce qui rejoint votre préconisation. Nos structures sont souvent de taille trop réduite et il convient d'accompagner cette montée en compétences.

Sur la part importée de la commande publique, il est essentiel d'assurer la traçabilité de la création de valeur. Nous avons auditionné le ministre Éric Lombard, qui affirme que 97 % de nos marchés sont attribués à des entreprises ayant leur siège en France, mais cela n'implique aucunement qu'elles créent de la valeur sur notre territoire. Elles peuvent, par exemple, s'approvisionner en Asie. Nous rencontrons une véritable difficulté pour identifier cette création de valeur. Nous avons repéré cette problématique et j'en informerai le rapporteur afin que nous puissions faire écho aux travaux de ce rapport d'information.

Concernant les appels d'offres hors taxe, nos entreprises communautaires peuvent être concurrentes, avec des taux de TVA différents, ce qui désavantage les entreprises françaises. Nous partageons vos recommandations au profit des appels d'offre hors taxe.

Les recommandations 24 et 25 correspondent largement aux témoignages recueillis lors de nos auditions. Du point de vue des acheteurs et des opérateurs économiques, les considérations sociales et environnementales, qui sont parfois perçues comme des contraintes, représentent en réalité des leviers pour soutenir les entreprises françaises.

Quant à l'UGAP, vous évoquez un transfert de tutelle. Nous verrons quelles recommandations nous formulerons, mais le pilotage par l'État et le pouvoir politique au niveau national s'avère absolument indispensable. Un dirigeant d'entreprise que nous avons reçu donnait l'impression que l'UGAP agit de manière relativement autonome. Pour assurer une cohérence avec nos objectifs, il est nécessaire de réaligner la gouvernance de l'UGAP. Dans le rapport que nous rendrons début juillet, je souhaiterais mentionner les travaux de la délégation aux entreprises et de nos deux co-rapporteurs.

M. Pierre Cuypers. - Vous avez judicieusement choisi ces deux rapporteurs qui ont réalisé un travail considérable, ouvrant de nombreuses pistes de réflexion.

Concernant la commande publique, il convient de s'interroger sur les raisons qui nous amènent à commander des produits à l'extérieur, lesquels ne respectent pas les mêmes règles que les nôtres. Nous devons nous interroger sur la possibilité de supprimer les surtranspositions de normes que nous nous imposons dans tous les domaines, et questionner l'existence de taxes spécifiques à notre pays. Notre manque de compétitivité dépasse le cadre de l'Union européenne.

Mme Antoinette Guhl. - Je remercie les deux rapporteurs pour le travail accompli. Je lirai attentivement ce rapport, qui traite d'un sujet essentiel pour nous tous qui oeuvrons auprès des entreprises de nos régions. Les États-Unis ont réussi à interdire de nombreux produits chinois en posant comme principe qu'aucun pays recourant à l'esclavage moderne n'est autorisé à commercer sur leur territoire. En conséquence, un nombre important de produits et d'entreprises sont frappés d'interdiction d'importation, au motif qu'ils proviennent de régions où le travail forcé des Ouïghours est pratiqué.

Cette approche me semble constituer un levier d'action significatif pour empêcher l'arrivée en France de produits de qualité médiocre et dangereux pour la santé et l'environnement. Il s'agit d'une main-d'oeuvre détenue contre son gré et non rémunérée. En vertu du respect des droits humains, nous pourrions interdire ces importations à nos entreprises.

M. Olivier Rietmann, président. - Je rebondis sur les nouveaux certificats de protection environnementale chinois. Des chefs d'entreprise m'ont récemment indiqué que les panneaux photovoltaïques chinois sont désormais plus efficaces que ceux fabriqués en Europe. La Chine prétend produire son électricité grâce à l'hydroélectricité, mais celle-ci provient de 192 mégabarrages construits au Tibet sur les grands fleuves d'Asie. Ces fleuves sont les sources d'eau de nombreux pays comme le Pakistan et l'Inde. La Chine contrôlera ainsi demain le robinet d'eau d'une grande partie de ces pays, ce qui n'est pas suffisamment dénoncé.

Mme Laurence Garnier. - Merci de vous être attaqués au sujet du Fabriqué en France, qui revient dans nos débats publics depuis longtemps et d'avoir, au travers du rapport et des recommandations que vous formulez, eu le mérite de clarifier ce paysage confus et d'avancer des propositions particulièrement concrètes.

Durant mes trois mois en tant que secrétaire d'État à la consommation sous Michel Barnier, j'ai découvert que la consommation constituait le moteur de la croissance française, expliquant les deux tiers de notre croissance. Il s'agit d'un levier potentiel, mais ne serait-ce pas davantage un problème ? Une croissance française dynamique, associée à notre balance commerciale systématiquement déficitaire, signifie que la progression de la consommation française alimente les importations. Cette question mérite d'être posée, car elle représente l'un des noeuds du problème.

Nous avons l'objectif de favoriser le « fabriquer, consommer et acheter français » par rapport aux règles que nous nous imposons au sein de l'Union européenne. Pour autant, je préfère acheter une écharpe du PSG fabriquée en Italie, plutôt qu'en Inde ou en Chine. L'acte d'achat peut revêtir une dimension patriotique, qui se joue parfois à l'échelle européenne. Nous avons toutefois une problématique bien plus grave par rapport à tout ce que vous avez décrit avec les plateformes comme Shein, Temu et beaucoup d'autres, qui affichent des croissances exponentielles de leurs ventes en ligne ces trois dernières années.

Pour remédier à cette situation tout en tenant compte des impératifs de pouvoir d'achat - le produit français étant souvent perçu comme plus onéreux par nos concitoyens - un travail de pédagogie s'impose. Les Français possèdent en moyenne 19 appareils électroniques à batterie, et les jeunes 26. Ces produits, rarement fabriqués dans notre pays, ont un coût. Quand on possède autant d'appareils, on préfère acheter une voiture chinoise ou du poulet ukrainien que des produits locaux. Nous devons donc expliquer que l'achat français est une nécessité pour préserver les emplois, mais aussi vis-à-vis des enjeux de qualité, notamment sur le plan sanitaire.

Je crois à l'échelle de l'hyperlocal, c'est-à-dire privilégier les fraises du maraîcher nantais plutôt que celles du Maroc, même à un prix légèrement supérieur. Le citoyen perçoit concrètement qu'il s'agit de l'exploitation maraîchère d'un proche ou d'une entreprise locale. En favorisant l'achat local, nous encourageons implicitement l'achat français. Cette piste mérite d'être explorée.

M. Michel Canévet. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Il existe également des labels régionaux comme « Produit en Bretagne ». Comment situez-vous ces signes distinctifs, qui favorisent davantage l'économie circulaire locale ?

Par ailleurs, que recouvre votre concept de « zone franche » ? Au sein de la Commission des finances du Sénat, nous sommes plutôt réservés sur ce type de dispositif.

Mme Pauline Martin. - J'attire votre attention sur le point numéro 4 concernant le poids de la commande publique, qui continue de s'alourdir ces dernières années. Nous avons tendance à ajouter des normes sans jamais simplifier. Une vigilance particulière s'impose concernant le code des marchés publics.

M. Franck Menonville, co-rapporteur - Je répondrai d'abord sur la commande publique : nos investigations dans nos deux missions sont concordantes et complémentaires. L'absence de pilotage stratégique constitue un enjeu majeur - il n'existe pas de stratégie définie pour l'achat public favorisant le fabriqué en France ou localement.

Nos conclusions sont parfaitement complémentaires : les initiatives régionales présentent un potentiel intéressant et doivent apporter une valeur ajoutée au fabriqué en France. Cependant, la commande publique souffre d'acheteurs trop nombreux et dispersés, davantage juristes qu'acheteurs professionnels, sans véritable stratégie gouvernementale. En commission des affaires économiques, j'ai interrogé le ministre Éric Lombard, qui a indiqué que la situation s'améliorait, mais sa réponse manquait de conviction. Nous avons besoin de définir une stratégie claire.

Nous avons identifié la nécessité de transférer la tutelle de l'UGAP pour lui conférer une dimension économique et industrielle, porteuse d'une conviction et d'une volonté politique nationale, ce qui ne nous a pas semblé être le cas actuellement, l'organisation étant guidée par des habitudes structurelles et des considérations financières.

Concernant les normes, je citerai les propos d'Arnaud Montebourg : « Une bonne norme est une norme qui s'applique à tous ». La réciprocité des normes est essentielle ; nous ne pouvons les limiter au cadre franco-français sans perdre en compétitivité. Inversement, nous devons exercer une vigilance accrue sur nos importations. L'effort de contrôle doit s'appliquer au périmètre européen comme vis-à-vis des produits provenant de l'autre bout du monde, qui ne respectent aucunement nos normes environnementales et sociales. Le constat est édifiant : un panier moyen chez Temu coûte 6 euros pour un coût réel de 36 euros, soit 30 euros de dumping. Ce montant nous a paru si extraordinaire que nous l'avons fait vérifier.

Mme Anne-Marie Nédélec, co-rapporteure. - L'approche publique française manque de cohérence et de stratégie véritable. Contrairement à d'autres pays comme l'Italie, nous ne manifestons pas la volonté d'imposer des règles claires. Lorsque la détermination de l'origine d'un produit est claire, il est toujours possible de trouver des règles relatives aux conditions de production, conditions de travail, contraintes environnementales, contraintes techniques, etc.

La réactivité est également indispensable ; les plateformes de commerce électronique se reconstituent en à peine 48 heures et changent de nom. En comparaison, lorsque nous identifions un problème en janvier et que nous examinons quinze mois plus tard les mesures envisageables et notre réponse manque totalement d'efficacité.

Initialement, nous souhaitions imposer le marquage « Produit en France », qui nous paraissait absolument nécessaire. Nous nous sommes heurtés d'abord à la réglementation européenne, qui interdit d'imposer un tel marquage. Nous avons également rencontré un obstacle typiquement français : la lourdeur administrative, qui ne rend pas service à nos producteurs en leur imposant des contraintes supplémentaires. Un fabricant qui estime avantageux d'obtenir une certification s'y conformera, mais d'autres s'en abstiendront.

Dans le domaine de la commande publique, nous voulions imposer un minimum de 50 % de produits fabriqués en France, mais cette ambition s'est révélée irréalisable en raison de notre incapacité à les produire. Nous avons atteint un niveau de désindustrialisation alarmant. Pour promouvoir efficacement le Made in France, nous devons être en mesure de fabriquer en France - c'est la problématique fondamentale.

M. Olivier Rietmann, président. - Merci à tous les deux, encore félicitations pour le travail de fond que vous avez mené.

Mes chers collègues, il est temps de conclure et de mettre aux voix l'adoption de ce rapport.

Peut-on considérer qu'il est adopté par la délégation ?

Les membres de la délégation adoptent le rapport à l'unanimité.

M. Olivier Rietmann, président. - Autorisez-vous sa publication ?

Les membres de la délégation autorisent la publication du rapport à l'unanimité.

M. Olivier Rietmann, président. - Le rapport est donc adopté et sera mis en ligne d'ici peu, je vous remercie.

Je rappelle que mardi prochain 24 juin, à la même heure et dans cette même salle, nous examinerons le rapport de Michel Canévet et Guillaume Gontard sur les nouvelles contraintes des entreprises que sont les assurances et l'énergie.

Le mercredi 25 juin à 8 heures, nous recevrons le directeur général de Biocodex pour la dernière édition de « La parole aux Entrepreneurs » de la session.

Les sénateurs souhaitant participer à « La REF » ou rencontre des entrepreneurs de France du Medef, les 27 et 28 août à Roland Garros, doivent se signaler au secrétariat de la délégation.

La réunion est close à 13 h 45