Mardi 1er juillet 2025

- Présidence de Mme Muriel Jourda -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière - Examen des amendements au texte

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  3, qui est contraire à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 1er quinquies

Les amendements nos  1 et  2 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Mme LINKENHELD

3

Circonstance aggravante pour le conducteur novice conduisant un véhicule surpuissant

Défavorable

Article 1er quinquies

Mme LINKENHELD

1

Interdiction pour un conducteur novice de conduire un véhicule surpuissant

Irrecevable art. 44 bis, al  5 et 6 RS (entonnoir)

Mme LINKENHELD

2

Peines d'amende liées à la conduite d'un véhicule surpuissant par un conducteur novice

Irrecevable art  44 bis, al. 5 et 6 RS (entonnoir)

Proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons aux amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme. Nous commençons par l'examen de deux amendements du rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 3

L'amendement rédactionnel LOIS.1 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement LOIS.2 est un amendement de coordination portant sur les aménagements de peine au regard de l'article 723-15 du code de procédure pénale.

L'amendement LOIS.2 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  3 visant à supprimer cet article.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement n°  4 est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article 2

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°  5.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n°  6, qui tend à modifier les seuils d'aménagement ab initio ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement n°  2 vise à remplacer une participation « essentielle » par une participation « utile » du condamné à la vie de sa famille pour justifier un aménagement de peine. J'en demande le retrait ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 2 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  1, qui concerne l'aménagement des peines de prison ferme lorsque le condamné fournit tout élément permettant d'apprécier ses efforts d'insertion ou de réinsertion.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

Article 6 (supprimé)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  7 rectifié, qui vise à rétablir une demande de rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7 rectifié.

Les sorts des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de la commission

Article 3

M. LE RUDULIER

9

Rédactionnel

Adopté

M. LE RUDULIER

8

Coordination

Adopté

La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

M. BENARROCHE

3

Suppression de l'article

Défavorable

M. BENARROCHE

4

Suppression du rétablissement de la possibilité de prononcer des peines d'emprisonnement de moins d'un mois

Défavorable

Article 2

M. BENARROCHE

5

Suppression de l'article

Défavorable

M. BENARROCHE

6

Modification des seuils d'aménagement ab initio

Demande de retrait

Mme BRIANTE GUILLEMONT

2 rect.

Remplacement d'une participation « essentielle » par une participation « utile » à la vie de famille pour justifier un aménagement de peine

Demande de retrait

Mme BRIANTE GUILLEMONT

1 rect.

Aménagement des peines de prison ferme lorsque le condamné fournit tout élément permettant d'apprécier ses efforts d'insertion ou de réinsertion

Défavorable

Article 6 (Supprimé)

M. BENARROCHE

7 rect.

Rétablissement d'une demande de rapport

Défavorable

La réunion est close à 14 h 05.

Mercredi 2 juillet 2025

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois, et de M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) - Rapport d'activité 2024 - Audition de M. Vincent Mazauric, Président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - Nous entendons aujourd'hui, en commun avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Vincent Mazauric, président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), sur son rapport d'activité 2024.

La CNCTR, créée en 2015, est une autorité collégiale indépendante chargée du contrôle des techniques de renseignement utilisées sur le territoire national. Elle intervient à deux niveaux : d'une part, elle émet un avis préalable sur chaque demande formulée par les services de renseignement ; d'autre part, elle exerce un contrôle a posteriori sur l'usage effectif des techniques autorisées. Ses avis préalables sont transmis au Premier ministre, qui, en pratique, les suit systématiquement.

La commission compte notamment parmi ses membres deux de nos collègues sénateurs, Chantal Deseyne et Jérôme Darras. Elle exerce, dans des délais contraints, une mission exigeante, qui porte sur les enjeux majeurs de garantie de la sécurité nationale et de protection des libertés fondamentales.

Cette double exigence place la CNCTR au coeur de l'équilibre entre l'efficacité du renseignement et le respect de l'État de droit. Elle joue un rôle de régulateur, qui nécessite à la fois une solide expertise technique et un dialogue permanent avec les services de renseignement.

À ce titre, le rapport annuel de la CNCTR revêt une importance toute particulière. Il nous offre un regard concret sur l'encadrement des techniques de renseignement, mais aussi un exercice salutaire de transparence démocratique. Ce rapport invite également à dépasser les imaginaires anxiogènes d'une surveillance de masse pour revenir à la réalité des faits. Si des personnes font l'objet de techniques de renseignement, cela se fait dans des conditions encadrées et pour des motifs précis. C'est bien ce cadre qui garantit la légitimité et la crédibilité de l'action de nos services.

Nous avons souhaité cette audition commune pour vous permettre, monsieur le président, d'exposer ces constats à un public parlementaire élargi. Votre arrivée récente à la présidence de la CNCTR, il y a trois mois, donne une dimension particulière à cette audition. Elle nous permet de prendre connaissance de vos premières analyses, dans un contexte où les menaces évoluent rapidement, tout comme les techniques mises en oeuvre pour y répondre.

Je vous poserai, à cet égard, deux questions.

La première concerne l'essor du recueil des données informatiques. Il s'agit d'une technique particulièrement intrusive, dont le contrôle est d'autant plus complexe qu'elle ne fait pas l'objet d'une centralisation par le groupement interministériel de contrôle (GIC) : la pratique du recueil de données informatiques peut ainsi différer selon le service qui y a recours. La CNCTR a déjà exprimé ses préoccupations sur ce sujet dans ses précédents rapports. Vous soulignez à nouveau cette année que la montée en puissance de ces techniques ne s'accompagne pas d'un recul proportionnel du recours aux méthodes classiques, comme les interceptions de sécurité. Quelles sont, selon vous, les raisons de cette tendance ? Quels risques en résultent et quelles actions menez-vous pour éviter une « déconnexion » entre les techniques employées et les capacités de contrôle effectives ?

J'aborderai également la question du séparatisme. À ce jour, cet enjeu ne constitue pas, en tant que tel, un fondement légal autorisant le recours aux techniques de renseignement. Pourtant, face à des stratégies d'entrisme parfois particulièrement élaborées, cette limite peut légitimement soulever des interrogations. Dès lors, comment ce phénomène peut-il, selon vous, être appréhendé dans le cadre juridique actuel ? Existe-t-il, à vos yeux, des marges d'interprétation ou des perspectives d'évolution du droit en la matière ?

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères. - Monsieur le président, je vous remercie de venir présenter devant nos deux commissions le rapport d'activité pour l'année 2024 de la CNCTR. Il y a tout lieu de se féliciter de ce format, dans la mesure où vos missions concernent aussi bien la sécurité intérieure que la sécurité extérieure de notre pays.

Or, peu de publications officielles rendent compte au grand public des conditions juridiques et matérielles d'emploi des techniques de renseignement que mettent en oeuvre nos services, notamment la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), pour protéger les intérêts fondamentaux de la Nation.

Je forme également le voeu que cette audition contribue à l'acculturation plus générale de nos collègues parlementaires sur l'encadrement de l'usage des techniques de renseignement. Il faut en effet battre en brèche les fantasmes ou idées reçues que véhiculent la presse et certains débats parlementaires. La discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic est un exemple de la difficulté de concilier l'information légitime de tous les parlementaires avec le nécessaire respect du secret de la défense nationale sur certaines données et certains modes opératoires.

Pour avoir présidé la délégation parlementaire au renseignement (DPR) pendant la période 2023-2024, je dois bien dire ici qu'il n'est pas aisé de concilier ces deux impératifs. Néanmoins, c'est ce que je me suis efforcé de faire, d'une part en conduisant les travaux de la DPR, d'autre part en proposant certaines dispositions pour lutter contre le narcotrafic, comme l'extension des finalités de la technique des algorithmes et la demande de communication aux plateformes de messages cryptés. Ces mesures n'ont pas rencontré à l'Assemblée nationale le succès escompté, et je serais très intéressé par votre analyse pour savoir comment remettre sur le métier ce type de propositions.

En effet, l'un des principaux constats effectués par le rapport de la DPR, publié au mois d'avril, est que les services de renseignements intérieurs et extérieurs ont très largement contribué au succès des jeux Olympiques de Paris en 2024, ce grâce à l'usage des techniques de renseignement.

Enfin, je remarque que nos points d'attention convergent, puisque votre rapport consacre un dossier particulier aux matériels, aux algorithmes et aux conditions très strictes de leur usage. C'est l'occasion pour vous, monsieur le président, de faire oeuvre de pédagogie et, le cas échéant, de faire des propositions d'évolution du dispositif actuel pour faire face aux nouvelles menaces, qu'elles émanent de notre territoire ou de l'étranger.

Avant de vous donner la parole, je voudrais d'une part saluer nos collègues parlementaires membres de la CNCTR, notamment Jérôme Darras, qui siège au sein de notre commission, d'autre part exprimer une pensée à votre prédécesseur, Serge Lasvignes, qui a toujours été un interlocuteur précieux de la DPR et à qui vous rendez très justement hommage dans votre rapport.

M. Vincent Mazauric, président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). - Je suis accompagné de Mme Magali Ingall-Montagnier, conseillère doyenne à la Cour de cassation, de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes au Conseil d'État et secrétaire générale de la CNCTR, et de Mme Juliette Emard-Lacroix, conseillère chargée des relations institutionnelles.

Il est très important pour nous de présenter devant vos deux commissions réunies les principaux constats que nous avons établis dans notre rapport d'activité pour 2024. Bien entendu, j'insisterai plus particulièrement aujourd'hui sur un certain nombre de sujets, d'interrogations ou de perspectives de nature législative.

En 2024, nous avons examiné 98 000 demandes de techniques de renseignement, un chiffre impressionnant, mais qui ne dépasse que de quelques milliers celui de 2023. Plus frappant encore, le nombre de personnes faisant l'objet d'une technique de surveillance, que nous estimons avec une marge d'erreur de 10 %, était de 24 308, soit moins de 100 personnes de plus qu'en 2023. C'est incontestablement un signe de maîtrise, comme l'a été, de manière plus générale, la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Nous avons en revanche assisté à une recomposition des sept finalités déterminées par la loi au titre desquelles les services de renseignement peuvent demander la mise en oeuvre d'une technique de surveillance. Sans surprise, c'est la prévention du terrorisme qui arrive en tête des motifs en 2024, en lieu et place de la prévention de la criminalité en bande organisée en 2023.

Concernant les techniques employées, les plus intrusives sont utilisées de manière croissante, et aussi de façon plus précoce que les années précédentes. La plus intrusive est le recueil de données informatiques, qui consiste à capter le contenu d'un appareil téléphonique ou d'un ordinateur. Elle ne fonctionne pas dans 100 % des cas, à la différence des interceptions de sécurité - autrement dit les écoutes . Il est frappant de constater que ce recueil de données informatiques a progressé de 27 % en 2024 par rapport à 2023. Sur cinq ans, de 2020 à 2024, elle progresse de 136 %, soit plus qu'un doublement. Il ne faut pas pour autant négliger la progression d'autres techniques intrusives, en particulier la captation d'images ou de sons dans des lieux privés ou des véhicules. Si la progression de cette technique en 2024 reste modérée par rapport à 2023, elle est de 150 % sur la période 2020-2024.

Deux explications peuvent permettre de comprendre, au moins partiellement, cette évolution. Tout d'abord, les personnes faisant l'objet d'une surveillance pour de bonnes raisons montrent une compréhensible prudence, ce qui oblige à chercher d'autres moyens d'accéder à leurs communications. Ensuite, la seule manière de contourner le mur que représente le cryptage de certains services de messagerie est d'accéder à l'appareil pour prendre connaissance des consultations, conversations ou communications.

Cette évolution soulève pour nous deux principaux défis. Nous devons d'abord nous demander dans quelle mesure l'utilisation croissante de cette technique est proportionnée à son efficacité, au regard de son caractère très intrusif. Ensuite, contrairement aux écoutes téléphoniques, qui sont centralisées depuis les années 1960 par le GIC, directement rattaché au Premier ministre, le recueil des données informatiques est mis en oeuvre directement par les différents services de renseignement. Cela rend le travail de contrôle de la Commission plus compliqué, plus long et moins normalisé, puisqu'il faut s'adapter aux manières de faire de chaque service.

C'est pourquoi je prête une très grande attention au projet de centralisation des renseignements recueillis par ce moyen, que mon prédécesseur a convaincu le Président de la République de mettre en oeuvre, et qui doit aboutir au mitan de l'année 2027. Nous souhaiterions aussi que les innovations techniques apportées par ce projet permettent aux services de renseignement de travailler dans de meilleures conditions.

Sur les questions juridiques soulevées par cette évolution des techniques de surveillance, la réflexion doit se poursuivre entre les différents acteurs pour trouver le bon équilibre entre efficacité et protection des libertés publiques. Le crescendo classique, qui part de la fadette pour aller jusqu'à la technique la plus intrusive, ne répond plus exactement ni à l'état de la technologie ni aux nécessités de la politique publique de renseignement. Le 22 septembre prochain, lors du colloque marquant le dixième anniversaire de notre commission et de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, nous consacrerons d'ailleurs une partie de nos débats à la mise en oeuvre, dans le contexte actuel, du principe de proportionnalité.

Cette évolution rend d'autant plus nécessaire notre travail de contrôle a posteriori, qui représente environ la moitié de notre activité. Cela représente chaque année 120 à 130 contrôles sur pièces et sur place des services de renseignement. Ils nous permettent d'apprécier la bonne mise en oeuvre des avis que nous rendons et des autorisations données par le Premier ministre. Ils nous permettent aussi de nous faire comprendre. Car si la loi est claire, elle mérite parfois des explications et une contextualisation. C'est le rôle de notre doctrine, que nous élaborons au cas par cas, comme celle relative au phénomène de violences collectives, afin que les services sachent comment s'orienter. Nous l'avons rendue publique, sous forme d'extraits, en 2022. Cette démarche de contrôle n'est pas un piège. Nous cherchons à guider les services ; nous leur montrons les limites de la loi et nous les aidons à améliorer leurs pratiques, dans un souci constant de dialogue et de pédagogie.

Cela nous oblige à être à la fois rigoureux sur le plan juridique et compétents sur le plan technique. Nous devons comprendre le fonctionnement des dispositifs et savoir les expertiser. Nous pouvons nous appuyer pour cela sur une personnalité qualifiée, membre de notre collège, mais aussi sur des personnes disposant de compétences spécifiques au sein de nos équipes.

Nous devons également faire preuve d'exigence dans notre manière d'agir et de rendre compte. Nous cherchons à être aussi complets, ouverts et transparents que le secret de la défense nationale nous l'autorise. Pour y parvenir, la Commission déploie un effort soutenu. Elle fonctionne actuellement à la limite de ses capacités, et c'est d'ailleurs un sujet de dialogue entre notre autorité indépendante et les pouvoirs publics, dans un contexte marqué par des tensions bien réelles sur les ressources disponibles.

J'aborderai à présent trois questions de nature législative, dont deux au moins ont fait l'objet de débats récents et, pour l'une d'elles, d'une décision constitutionnelle.

La première, spontanément soulevée par ce rapport, est celle de l'absence de cadre légal à l'échange entre les services de renseignement français et leurs partenaires étrangers, dans un sens comme dans l'autre, alors même que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme le juge nécessaire. Il serait donc opportun de réfléchir assez rapidement à l'insertion d'un tel cadre dans la loi, sans pour autant entraver l'action des services, car ces échanges avec nos partenaires étrangers restent indispensables.

La deuxième question est celle du cryptage des données, qui a notamment fait l'objet de débats lors de l'examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Au nom de la CNCTR, je serai extrêmement prudent sur ce point. On comprend le besoin des services de renseignement de franchir l'obstacle du cryptage pour l'accomplissement légal de leur mission. Nous n'avons pas de problème avec le principe de nécessité, mais il subsiste une difficulté juridique liée au respect de la vie privée, un principe consacré par le premier article du livre VIII du code de la sécurité intérieure, consacré au renseignement, qui englobe également la correspondance. Quelle atteinte porte-t-on à la vie privée de tous en cherchant à franchir l'obstacle du cryptage ?

Ma prudence s'explique aussi par le fait que la CNCTR n'est pas la seule autorité administrative indépendante compétente pour donner un avis sur cette question : il y a aussi l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). C'est un sujet très technique. Si le cryptage est déverrouillé, la tranquillité de toutes et tous peut être mise en péril. Est-il proportionné d'aller jusque-là ? Le rôle de la CNCTR est de mettre en garde contre d'éventuels débordements.

La troisième question législative est relative aux algorithmes. Dans sa décision sur la loi dite « Narcotrafic », le Conseil constitutionnel a censuré l'article 15, dont l'objet était d'étendre à la finalité relative à la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées l'usage de la technique dite de l'algorithme, prévue depuis 2015 par l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure. Le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause la conformité à la Constitution de cette extension. La CNCTR, consultée par le Gouvernement sur un projet d'amendement, s'est efforcée, dans une délibération de mars 2025, de préciser la définition du narcotrafic en bande organisée, en recherchant le référentiel juridique dans le code pénal et dans le code des douanes, afin que le champ d'application soit approprié - et cela n'a pas été remis en cause.

Le Conseil constitutionnel a, dans les faits, censuré une disposition de la loi Pacte de 2021 - qu'il n'avait pas examinée à l'époque - et qui permet de faire entrer dans l'algorithme des adresses URL en tant qu'indices. Consultée, la CNCTR avait rendu, dans une délibération publique d'avril 2021, un avis favorable à l'utilisation des adresses URL dans les algorithmes, au motif qu'elles ne constituaient pas le contenu de la page internet. Mais cela n'a pas paru suffisant pour le Conseil constitutionnel, au regard du caractère précis de l'adresse URL : il a donc considéré que le législateur n'avait pas encadré suffisamment l'usage de tels traitements algorithmiques. S'il a considéré que des garanties faisaient défaut, il reste donc à les concevoir.

La CNCTR a consacré un dossier à la technique de l'algorithme dans son rapport de cette année. L'algorithme est, pour l'essentiel, une technique anonyme. Il ne recherche que des signaux faibles, qui justifieront le cas échéant, sous notre contrôle, une demande de levée d'anonymat, puis in fine la mise en oeuvre de techniques de renseignement sur les personnes ainsi identifiées. Ce n'est pas un dispositif de surveillance de masse. L'algorithme ne fait jamais de croisements entre deux catégories générales de données. Il ne s'agit pas de cribler toutes les consultations sur internet de toutes les personnes résidant en France, car cela ne répondrait ni au principe de nécessité ni à celui de proportionnalité. Il y a toujours au moins un paramètre très ciblé. Nous assurons ce contrôle sur les algorithmes existants.

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères. - Cette technique est moins intrusive que d'autres, son objet étant de réaliser une présélection.

M. Vincent Mazauric. - Madame Jourda, le séparatisme, qui, bien entendu, n'a pas été analysé par la Commission d'un point de vue social et politique, n'est pas en tant que tel une des finalités définies à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure. Cette liste est logique - il s'agit de déclinaisons de l'intérêt supérieur de la nation -, précise et finie - elle n'est pas sujette à interprétation. La première mission de la CNCTR est de vérifier la justification de la demande au regard d'une de ces finalités.

Certains phénomènes que l'on peut ranger sous le vocable de séparatisme sont susceptibles de se rattacher à l'une de ces finalités. C'est le cas notamment quand une puissance étrangère en est à l'origine : la finalité relative aux intérêts majeurs de la politique étrangère et à la prévention de toute forme d'ingérence étrangère peut alors trouver à s'appliquer. Mais cela n'est pas le seul axe possible.

Les techniques de renseignement, telles que contrôlées par la CNCTR, ne peuvent répondre qu'aux finalités prévues par la loi. Il ne serait pas si aisé de prévoir de nouvelles finalités, car, dans sa décision fondatrice de 2015 sur la loi relative au renseignement, le Conseil constitutionnel impose qu'elles trouvent leurs fondements juridiques dans des infractions, délictuelles ou criminelles, prévues par le code pénal. Cette logique doit être respectée.

Enfin, la technique de renseignement n'est pas le seul outil de la politique publique de renseignement. Il y a aussi la source ouverte, la source humaine, l'analyse, le partage d'informations entre services. Se focaliser sur les seules techniques de renseignement serait une erreur.

M. Jérôme Darras. - Quand on siège au sein de la commission des affaires étrangères, on est au coeur du fonctionnement d'une grande démocratie, dans l'exercice délicat de la conciliation entre l'indispensable efficacité des services et l'application de l'État de droit. Le contrôle de proportionnalité est extrêmement précis et est toujours à refaire. C'est la vieille histoire du glaive et du bouclier que vous avez décrite en référence à la loi dite « Narcotrafic » et en esquissant un chemin pour atteindre cet objectif.

Vous avez rappelé le caractère intrusif du recueil de données informatiques (RDI). Notre rapport a souligné que le caractère inéluctable de l'usage de l'intelligence artificielle (IA) devait s'exercer dans le respect du principe de la primauté humaine. Comment, selon vous, le cadre et les modalités d'action de la CNCTR vont-ils évoluer ?

Le nombre de demandes qui vous est adressé est proche de 100 000. Vous devez y répondre avec un effectif très limité, dans des temps de réaction nécessairement très courts. Quelle serait la configuration idéale pour que la CNCTR remplisse au mieux ses missions ?

Mme Lauriane Josende. - Vous l'avez dit avec une grande prudence : les défis techniques et juridiques sont nombreux. En 2024, le terrorisme est devenu le premier motif de recours aux techniques de renseignement : au-delà du contexte spécifique des jeux Olympiques et Paralympiques, cette tendance va-t-elle se prolonger ? Comment analysez-vous, en parallèle, la stabilité du nombre de personnes surveillées au titre de la prévention de la criminalité organisée ? La loi dite « Narcotrafic » va-t-elle modifier cet équilibre ou ses effets seront-ils limités ?

Mme Michelle Gréaume. - Merci pour votre rapport très détaillé.

Les échanges de données sensibles entre États soulèvent des questions de confidentialité et de souveraineté numérique. Comment sont-ils encadrés pour garantir la protection des droits fondamentaux ? Quelle est l'évolution récente des partenariats d'échanges de données avec nos homologues étrangers ? Quelles sont les garanties juridiques et techniques destinées à encadrer ces échanges et à éviter que les règles nationales de protection de données soient contournées ?

M. Vincent Mazauric. - Madame Gréaume, les échanges entre les services français et les services étrangers ne sont pas encadrés juridiquement : la CNCTR est aveugle à ce sujet - ce qui n'est pas un problème en tant que tel au regard de nos prérogatives.

Mais nous partageons votre objectif : nous considérons que ces échanges doivent être couverts par les mêmes garanties. Bien sûr, il ne faut pas entraver des échanges qui peuvent être décisifs pour prévenir un risque majeur ; mais il y a un vide juridique à combler. Cela nécessite des réflexions, auxquelles nous sommes disposés à contribuer.

S'agissant de la surveillance internationale, une des techniques de renseignement permet aux services français, dans des circonstances déterminées par le Premier ministre, de mener des enquêtes de police administrative dans des communications internationales. Nous veillons au respect de la loi : ces communications ne doivent pas toucher le territoire français. Si par accident, le territoire français est touché, la donnée est repérée, puis détruite.

Pourquoi une telle étanchéité ? Parce que toute technique de renseignement appliquée sur le territoire doit être individualisée - on vise une personne, même inconnue -, alors que les autorisations données au titre de la surveillance internationale peuvent concerner une zone géographique. Cela justifie qu'il n'y ait pas de mélange avec le territoire national.

Madame Josende, le fait que la prévention du terrorisme soit devenue en 2024 la première finalité est très étroitement lié aux jeux Olympiques et Paralympiques. La tendance longue, manifeste en 2023, concernant le recours croissant aux techniques de renseignement aux fins de prévention de la criminalité organisée se poursuivra - et la loi dite « Narcotrafic » ne sera pas sans effet. La CNCTR le constatait dès son rapport de 2023 : le narcotrafic en bande organisée est devenu « un enjeu pour le fonctionnement normal de nos institutions ». Il est logique que la police administrative s'y intéresse davantage. Nous allons probablement assister en 2025 à un rééquilibrage.

Nous constatons aussi le recul des enquêtes déclenchées au titre de la finalité sur la prévention des violences collectives : on peut s'en réjouir, parce que c'est la plus délicate de toutes , étant à la limite de la liberté d'opinion, d'expression et de réunion. Le risque de passage à l'acte est ainsi délicat à caractériser. La CNCTR a fait l'effort d'affiner sa doctrine à ce sujet.

Monsieur Darras, compte tenu des tendances inéluctables de l'IA, de l'augmentation des volumes et de l'exigence des délais, nous devons nous maintenir à niveau. Cela suppose de favoriser sans relâche des progrès techniques : je pense à la centralisation du RDI, ou encore à la collaboration avec les services de renseignement pour être capables de nous servir de leurs propres outils - sinon le contrôleur est peu efficace. Nous devons inciter, par l'exemple et par le dialogue, en dosant notre activité de contrôle, à un meilleur respect spontané de la loi.

Mme Magali Ingall-Montagnier, membre du collège de la CNCTR. - Nos échanges avec les parlementaires sont une grande richesse.

Monsieur Darras, la question des effectifs est importante. La Commission fonctionne comme en 2015 ; mais depuis, le paysage informatique a beaucoup changé et cela va se poursuivre avec l'IA. Nous employons des chargés de mission d'horizons très divers. Il peut s'agir de techniciens de pointe, mais aussi de juristes - magistrats judiciaires et administratifs, commissaires de police, colonels de gendarmerie.

Le plus difficile n'est pas de répondre aux 98 000 demandes, car il s'agit le plus souvent de questions légales assez simples pour les membres du collège et les chargés de mission. En revanche, le contrôle suppose un dialogue permanent avec les services pour faire de la pédagogie et comprendre leurs besoins : cela prend de plus en plus de temps, notamment à nos juristes.

La loi de 2015, dont nous allons fêter les dix ans, a évolué ; les techniques aussi. Le contexte budgétaire est contraint. Nous devons nous poser la question de l'IA et des algorithmes. Nous faisons intervenir les services dans nos réunions mensuelles, afin qu'ils nous éclairent sur les grandes tendances, car la pédagogie se fait dans les deux sens, et cela prend du temps. Nous ne devons pas négliger les contrôles. La question des effectifs se pose, compte tenu de l'ancienneté de la loi et de l'évolution des techniques.

Mme Nadine Bellurot. - Vous avez déjà répondu en grande partie à ma question sur les effectifs : j'ai compris que vous avez besoin de moyens humains compte tenu des évolutions technologiques.

Diriez-vous que, avant la centralisation de la mise en oeuvre des techniques de renseignement, leur déploiement auparavant dispersé au sein des différents services a été préjudiciable à l'efficacité du renseignement?

M. François Bonneau. - L'utilisation de logiciels étrangers peut être source de fuites. Quelles actions la CNCTR mène-t-elle pour sécuriser les données de nos entreprises stratégiques ?

Mme Catherine Di Folco. - Les finalités qui encadrent le recours aux techniques de renseignement sont-elles de nos jours adaptées aux menaces et aux besoins des services ?

M. Vincent Mazauric. - Madame Bellurot, ce qui est clair, c'est que les services ne pâtissent pas de la centralisation des demandes de mise en oeuvre de techniques de renseignement par le groupement interministériel de contrôle, système en vigueur depuis 1960. Le GIC dispose des moyens technologiques avancés, ce qui permet aux services d'accomplir efficacement leurs missions.

Parmi nos 130 contrôles annuels, une douzaine prend la forme de visites dans les territoires. Cela nous permet de discuter avec tous les services territoriaux : renseignements territoriaux, sécurité intérieure, douanes, gendarmerie, police judiciaire, renseignement pénitentiaire.

Spontanément, un service préférera une mise en oeuvre des techniques de renseignement décentralisée, puisque plus proche de lui. Toutefois le bon ordre prime, car il sert l'intérêt du service. Cette exigence est d'autant plus cruciale quand il s'agit des données aussi sensibles, soumises à un cadre légal particulièrement strict concernant leurs délais de conservation, leurs exploitations et la traçabilité des mises en oeuvre. La pluralité des services de renseignement ne saurait être synonyme de dissémination des données et de désordre. Tous les services font des efforts, et les plus petits font des progrès.

Monsieur Bonneau, la Commission n'est pas en lien direct avec les entreprises - ce n'est pas son rôle. Mais sensibiliser les entreprises, notamment celles qui sont les plus stratégiques, à la nécessité de se protéger, constitue une mission croissante des services de renseignement, de sécurité intérieure, de sécurité extérieure, ainsi que de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), qui y sont très attentifs.

Nous contrôlons le travail des services au regard de la finalité relative à la protection des intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France. Vous trouverez les chiffres dans notre rapport : cette activité, qui vise à protéger les entreprises stratégiques françaises des risques d'ingérence ou d'influence, est en légère croissance.

Madame Di Folco, pour que la loi soit fidèle aux principes constitutionnels, nous devons nous concentrer sur les menaces - même s'il ne faut pas négliger les besoins. On peut se poser la question de l'adaptation de la liste des finalités aux menaces séparatistes. Mais il ne faut toucher à la loi qu'avec une extrême prudence. Nous devons d'abord caractériser juridiquement le phénomène observé. C'est le travail - très bien fait - des états-majors des services de renseignement qui disposent de services juridiques. C'est aussi notre travail de pédagogie.

Sur des sujets aussi délicats, ne nous précipitons pas pour adopter une finalité supplémentaire : regardons d'abord ce qui pose vraiment problème, ce qui peut être abordé via un autre outil du renseignement, ou ce qui est plus proche de l'action judiciaire que de l'action de police administrative - c'est une de nos lignes de crête, car les grands équilibres constitutionnels sur l'autonomie et l'indépendance de l'autorité judiciaire doivent être respectés. N'oublions pas que certains actes doivent être assez rapidement soumis au contrôle du juge. La police administrative n'est pas un état permanent : soit la personne ne présente finalement pas de risque et la mesure prend fin ; soit le risque persiste et elle est prolongée ; soit la situation justifie un recours au juge - ce qui constitue également l'un de nos axes de contrôle.

Je précise que nous sommes une équipe de 22 personnes, dont 14 chargés de mission qui examinent les demandes et réalisent les contrôles, lesquels s'effectuent toujours en présence d'un membre du collège.

M. Étienne Blanc. - Dans la discussion de la loi dite « Narcotrafic », j'ai pointé l'usage des messageries cryptées par les narcotrafiquants. Nous avons proposé, dans notre rapport, qu'elles soient plus accessibles, au moyen de « backdoors », pour être ensuite traitées avec de l'IA. J'entends les réserves, mais quel est le risque ? Que nous n'ayons pas suffisamment de moyens de contrôle ? Que nous ne sachions pas faire techniquement ? Pourquoi ne réussissons-nous pas à lever cet interdit ? C'est pourtant indispensable pour lutter contre le narcotrafic.

M. Henri Leroy. - Vous avez rendu hommage à l'efficacité de votre prédécesseur, qui a convaincu le Président de la République sur la nécessité d'une centralisation du recueil des données informatiques, . Pouvez-vous nous en dire plus sur cette nécessité de centralisation, désormais maître-mot dans le domaine, pour l'exploitation judicieuse des renseignements ?

Mme Marie Mercier. - Je suis troublée : toutes nos lois ne nous brident-elles pas ?

Dans le cadre de l'activité des groupes interparlementaires d'amitié comment mieux nous protéger ?

M. Vincent Mazauric. - Madame Mercier, les préoccupations de sécurité concernent effectivement tous les acteurs de notre société, les parlementaires mais également les entreprises et les particuliers.

Monsieur Leroy, la centralisation ne vise pas à compliquer le travail des services. Le diagnostic établi par le président Lasvignes est désormais partagé par tous : plus une technique est puissante et utilisée, plus son recours doit être rigoureusement organisé. La Commission a des moyens limités, mais de lourdes missions, qu'elle souhaite remplir sincèrement. Elle a ainsi mis en évidence la nécessité d'une relation proportionnelle entre le niveau de sécurité, d'une part, et la puissance et le caractère intrusif des techniques employées, d'autre part.

Comme proposé par le président Lasvignes, nous devons être capables de contrôler à distance, depuis nos locaux, toutes ces techniques. Il ne s'agit pas de le faire à l'insu du service, le contrôle reposant avant tout sur un échange constructif. Néanmoins, plutôt que de patienter plusieurs heures sur place pour accéder aux données, il est plus efficace de pouvoir les consulter en amont depuis nos locaux. Cela permet de consacrer davantage de temps au dialogue une fois sur le terrain.

Monsieur Blanc, la question est la suivante : est-on capable de déverrouiller le cryptage, via une backdoor ou une obligation pesant sur l'opérateur de messagerie, de façon parfaitement ciblée, justifiée et contrôlée ? Ne risque-t-on pas, au passage, de priver de protection la vie privée d'un nombre indéterminé de citoyens ? Tant que nous n'aurons pas trouvé de réponse technique et juridique - notamment constitutionnelle - à cette question, il n'y aura pas de solution. D'où ma prudence. La CNCTR n'est pas la seule experte en la matière et le débat n'a pas encore abouti.

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères. - Merci de vos réponses exhaustives. Nous créerons d'autres occasions d'informer davantage nos collègues sur la question du renseignement, notamment à l'occasion d'une prochaine proposition de loi à laquelle nous réfléchissons avec la présidente Muriel Jourda, sur le sujet.

La réunion, suspendue à 10 h 25, est ouverte à 10 h 30.

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -

Proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 4

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable aux deux amendements n°  3 rectifié et n°  7.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 3 rectifié et n° 7.

Article 5

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  1 rectifié ter.

Article 6

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  6, de même qu'aux amendements identiques n°  2 rectifié et n°  5.

Les sorts des amendements examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 4

M. KERROUCHE

3 rect.

Rétablissement de la version initiale de l'article 4

Défavorable

Le Gouvernement

7

Suppression de la mention de la dérogation à l'article 3 de la loi Evin

Défavorable

M. MOUILLER

4

Modification du régime applicable aux successions de contrats

Irrecevable art. 40 C

Article 5

M. MASSET

1 rect. ter

Obligation d'information des agents en arrêt de travail par leur employeur sur la possibilité d'adhésion au contrat collectif

Sagesse

Article 6

Mme CUKIERMAN

6

Avancement de l'entrée en vigueur du 1er janvier 2029 au 1er janvier 2028

Défavorable

Mme SCHILLINGER

2 rect.

Report de l'entrée en vigueur pour les collectivités disposant d'un contrat collectif en cours à la date de publication de la loi

Défavorable

Le Gouvernement

5

Report de l'entrée en vigueur pour les collectivités disposant d'un contrat collectif en cours à la date de publication de la loi

Défavorable

Bilan de la mise en place des directions départementales de la police nationale sur la filière investigation - Examen du rapport d'information

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nos collègues Nadine Bellurot et Jérôme Durain vont nous présenter leur rapport d'information sur le bilan de la mise en place des directions départementales de la police nationale sur la filière investigation.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Madame la présidente, mes chers collègues, nous vous présentons ce matin, avec mon collègue Jérôme Durain, les conclusions de notre rapport d'information sur le bilan de la mise en place des directions départementales et interdépartementales de la police nationale - les DDPN et les DIPN - pour la filière investigation.

Nous nous réjouissons que la commission des lois nous ait confié cette mission, deux ans après notre premier rapport d'information sur l'impact de la réforme de la gouvernance de la police nationale sur la police judiciaire. Bien que notre préconisation principale de l'époque - un moratoire sur l'application de la réforme jusqu'à la fin des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 - soit restée lettre morte, cela nous a permis d'assurer un suivi de nos travaux de contrôle. L'exercice nous paraît à la fois utile et vertueux.

Cette réforme a été conduite entre 2020 et 2024 par l'ancien ministre de l'intérieur Gérald Darmanin et s'articule autour de deux grands principes : d'une part, réorganiser la gouvernance de la police nationale selon une logique de filières métiers ; d'autre part, décloisonner les services à l'échelle départementale.

Cette réforme a eu pour principal effet de regrouper l'ensemble - ou presque - des services effectuant des missions de police judiciaire dans une nouvelle filière investigation unique. Auparavant, ces missions étaient en effet éparpillées entre deux directions. La direction centrale de la police judiciaire, qu'on appelait « la PJ », descendante des célèbres « brigades du Tigre » créées par Clemenceau au début du siècle dernier, était spécialisée dans les enquêtes complexes et la lutte contre la criminalité organisée. En parallèle, la direction centrale de la sécurité publique, en plus d'assurer l'ensemble des missions de voie publique et de maintien de l'ordre, traitait également les affaires judiciaires de moindre ampleur.

Désormais, l'ensemble de la filière judiciaire est placé sous l'autorité fonctionnelle d'une nouvelle direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), tandis que la nouvelle direction nationale de la sécurité publique (DNSP) est recentrée sur son coeur de métier.

Le décloisonnement des différentes filières - investigation, sécurité publique, police aux frontières, renseignement territorial - a ensuite été opéré à l'échelle départementale. Les services concernés ont été regroupés sous l'autorité d'un unique directeur départemental de la police nationale, rattaché au préfet. Dans les départements abritant des services dont le champ d'action dépasse le territoire d'un département, comme les brigades de recherche et d'intervention (BRI), cette direction est dite « interdépartementale ». La mise en place de ces nouvelles directions a été généralisée à compter du 1er janvier 2024.

Le niveau départemental devient ainsi l'échelon opérationnel par excellence. Contrairement à l'ancienne « PJ », la DNPJ est désormais cantonnée à un rôle essentiellement stratégique d'animation de la filière, sauf pour ce qui concerne les offices centraux tels que l'Office antistupéfiants (Ofast), chargés des enquêtes d'envergure nationale, voire internationale.

Entre les deux, le niveau zonal a été investi d'une mission de coordination, sous l'autorité d'un directeur zonal de la police nationale, secondé, pour ce qui concerne la filière investigation, par un directeur zonal adjoint chargé de la police judiciaire (DZA-PJ).

Dans ce nouveau contexte, la réforme introduit une innovation, à savoir la distinction entre l'autorité dite « hiérarchique » et l'autorité « fonctionnelle ». Il en découle que les services départementaux ou interdépartementaux de police judiciaire sont placés sous l'autorité hiérarchique du DDPN ou du DIPN - concrètement, c'est lui qui dirige leur action au quotidien et qui évalue leurs agents. Mais ces services sont également placés sous l'autorité fonctionnelle du DNPJ et du DZA-PJ, qui veillent à ce que leur action s'inscrive dans le cadre des priorités définies pour l'ensemble de la filière.

Comme vous pouvez le constater, cette nouvelle organisation ne frappe pas par sa simplicité.

Dans le cadre de notre rapport d'information de 2023, nous mettions en lumière certains risques importants que recelait pour la filière judiciaire cette réforme qui, à l'évidence, a été pensée en fonction des besoins de la sécurité publique.

D'abord, nous avions alerté sur le fait que l'échelon départemental était totalement inadapté à la lutte contre la criminalité organisée, dont les réseaux se déploient à l'échelle nationale et internationale.

Ensuite, nous relevions un risque de déport des agents très spécialisés de l'ex-« PJ » sur des missions relevant de la sécurité du quotidien, qui sont bien plus au coeur des priorités des préfets. Il s'agirait pour nous d'une bien mauvaise allocation des ressources humaines de la police.

C'est la raison pour laquelle, comme je l'indiquais, notre proposition centrale était de reporter l'entrée en vigueur de cette réforme, menée à marche forcée. Nous n'étions pas opposés par principe à toute réforme, et jugions même que le décloisonnement des services et l'unification de la filière judiciaire constituaient des pistes intéressantes.

Nous considérions cependant qu'il était indispensable de se donner le temps de concilier ces objectifs avec la nécessité de garantir la préservation des compétences et des méthodes de travail de la PJ, qui ont fait la preuve de leur efficacité pour lutter contre la criminalité organisée.

De surcroît, il nous paraissait pour le moins risqué de bouleverser ainsi le fonctionnement de la police nationale à la veille du défi sécuritaire que représentait l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Nous avions donc proposé un moratoire, le temps de poser les jalons indispensables à la réussite de la réforme.

Cette proposition pourtant raisonnable de la commission des lois est restée lettre morte, et le ministre de l'intérieur s'en est tenu au calendrier initial.

Il résulte des travaux que nous avons menés que, près d'un an et demi après son entrée en vigueur, la mise en oeuvre qui en a été faite a largement confirmé les risques que nous avions identifiés. C'est d'autant plus regrettable que, dans le même temps, la lutte contre la criminalité organisée et le narcotrafic a été érigée en priorité de l'action des forces de sécurité intérieure.

Si nous maintenons notre analyse et considérons que la réforme n'aurait pas dû être menée dans ces conditions, nous admettons cependant que son annulation pourrait déstabiliser encore davantage une institution qui ne l'a pas encore totalement absorbée.

C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix, pour le court terme, de formuler une série de propositions très concrètes et directement opérationnelles pour corriger certains effets négatifs de la réforme.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Le fait que nous nous réunissions dans la salle Clemenceau me conduit à constater que les crocs et les griffes des brigades du Tigre sont malheureusement bien élimés !

Je m'attacherai à vous présenter les principaux leviers d'amélioration que nous avions identifiés, qui sont principalement inspirés par notre détermination à préserver, autant qu'ils peuvent l'être, le savoir-faire et les méthodes de la PJ.

Tout d'abord, signe de la précipitation avec laquelle la réforme a été menée, nous avons constaté que certaines fonctions supports n'avaient pas été adaptées à la nouvelle organisation. Notre première proposition est donc bien sûr d'y remédier, car cela a des conséquences très concrètes sur le travail quotidien des enquêteurs. Je pense en particulier à l'adaptation de l'environnement numérique à la nouvelle organisation, qui ne devrait être effectif qu'à compter de 2026. Il faut également trouver une solution au problème, qui n'avait clairement pas été anticipé, de l'allocation spécifique d'ancienneté (ASA), un dispositif indiciaire attribué sur une base géographique. C'est un point très important : dans plusieurs départements, la réorganisation territoriale n'a pu être menée à son terme car elle aurait impliqué la perte du bénéfice de l'ASA pour certains agents.

La mise en oeuvre de la réforme, pour le reste, a malheureusement confirmé nos craintes.

Au terme des auditions que nous avons conduites, comme lors des déplacements que nous avons effectués sur le terrain, à Nantes et à Nancy, nous pouvons affirmer que la PJ spécialisée que nous connaissions se trouve à la fois affaiblie dans la police nationale ; diluée dans la nouvelle filière investigation unifiée ; et enfin complexifiée par le nouvel organigramme.

Si la PJ se trouve affaiblie dans la police nationale, c'est parce qu'elle est désormais exposée aux arbitrages des DDPN et DIPN.

À ce stade, nous n'avons certes pas observé de mobilisation massive des agents de l'ex-PJ sur des missions de voie publique ou sur de la délinquance de faible gravité, même si cela a pu ponctuellement arriver.

La vigilance reste de mise sur le long terme. Ce résultat, qui n'a rien d'acquis, n'aurait sans doute pas été obtenu sans le « tir de barrage » des anciens de la PJ au moment du lancement de la réforme. En effet, la grande majorité des agents des DDPN et des DIPN sont issus de l'ancienne direction centrale de la sécurité publique et ils ont d'ores et déjà tendance à appliquer les méthodes de management inspirées de la sécurité publique, exposant les enquêteurs spécialisés à une certaine pression pour traiter plus rapidement les dossiers, à rebours de la culture de la police judiciaire et au détriment de leur qualité procédurale.

In fine, la compréhension des enjeux et des nécessités de la PJ devient dépendante de l'appétence plus ou moins forte des préfets et des DDPN pour la matière, qui s'avère variable. Nous considérons que le sujet est trop important pour être laissé à l'aléa. C'est la raison pour laquelle, outre le fait que nous plaidons en faveur de davantage de diversité dans les profils des directeurs nommés, nous appelons à ce que les instructions du DGPN affirment le principe de « sanctuarisation » des agents de la PJ sur leur coeur de métier.

La réforme a également eu pour effet d'affaiblir le pouvoir de direction de l'autorité judiciaire. La dispersion des procureurs de la République d'un même département fragilise leur position dans le rapport de force qui les « oppose » au préfet, interlocuteur quotidien du DDPN. Nous invitons donc les parquets à adapter leur organisation locale à la réforme et ainsi peser davantage dans le dialogue stratégique, afin de s'assurer que les priorités de la politique pénale puissent être relayées efficacement.

Par ailleurs la PJ spécialisée s'est trouvée quelque peu diluée dans la filière investigation unifiée.

Certes, la réforme a permis une communication plus fluide entre les différentes composantes de la filière. Mais, aux « silos » des anciennes directions centrales se sont substitués des « îlots » départementaux. Les divisions de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS), qui reprennent au sein des DIPN les attributions de l'ex-« PJ », parlent davantage aux autres divisions, mais elles se parlent moins entre elles. Auparavant, des échanges très opérationnels, centrés sur la connaissance des réseaux criminels et de leur mode d'action sur le territoire, étaient organisés par la direction centrale de la police judiciaire. Désormais, les échanges se font au niveau zonal et sont noyés dans la masse d'informations liées à la délinquance de moindre gravité.

À Nantes, le chef du service interdépartemental de la police judiciaire a rapporté un exemple symptomatique de cette dégradation de la communication. Alors que les auteurs d'une fusillade ayant eu lieu à Rennes dans le cadre d'un règlement de comptes étaient Nantais, cette information ne lui est parvenue que quarante-huit heures plus tard, par l'intermédiaire du service départemental de renseignement territorial. Dans l'ancienne DCPJ, une telle désinvolture aurait été impensable. En effet, une information immédiate était indispensable, notamment pour permettre de procéder à des perquisitions à Nantes.

Il est donc indispensable, à nos yeux, de restructurer un cadre d'échanges d'informations opérationnelles à un niveau supra-départemental, centré sur le haut du spectre de la criminalité organisée. Ce cadre doit se détacher du carcan départemental, ou même zonal, en prenant pour base les bassins de criminalité réellement existants, car les organisations criminelles n'ont pas la courtoisie d'inscrire leur action dans le cadre de nos circonscriptions administratives. L'exemple de la DDPN de Dreux, rattachée à la zone Ouest alors que la criminalité locale est résolument tournée vers la région parisienne, peut être cité en exemple.

Enfin, les nouvelles instances de pilotage complexifient lourdement l'organisation de la police judiciaire.

Dans une organisation imprégnée de culture hiérarchique comme la police, la notion d'« autorité fonctionnelle », décorrélée de la notation et du management quotidien, est peu comprise. Un haut cadre de la police nationale a admis devant nous, en audition, que l'exercice de cette autorité « lui coûtait beaucoup de salive »...

Dans ce contexte, l'utilité de l'échelon zonal a régulièrement été mise en cause par les agents que nous avons auditionnés. Plus encore, ils déplorent que cet échelon de pilotage, dédié à l'exercice de l'autorité fonctionnelle, mais sans moyens opérationnels, ait « absorbé » un grand nombre d'enquêteurs très qualifiés.

De même, nous avons constaté que la réforme n'a pas tranché de façon satisfaisante la question de la doctrine d'emploi des services de police judiciaire interdépartementaux, comme les BRI. Si leur mobilisation est en principe décidée par la zone, ils sont de fait sous l'autorité hiérarchique des DIPN, qui tendent à orienter leur action au profit de « leur » département. Dans ce contexte, nous considérons que des protocoles nationaux doivent être adoptés pour garantir une répartition interdépartementale efficace des moyens des services spécialisés.

Voilà, mes chers collègues, les principales pistes que nous proposons pour corriger certains aspects néfastes de la réforme.

Si nous avons délibérément centré nos travaux sur ces questions, nous avons également tenu à rappeler que la réforme n'a pas apporté de réponse aux problématiques structurelles dont souffre la filière judiciaire, au premier rang desquelles la crise d'attractivité de ses métiers. Ses causes sont connues de longue date : complexité de la procédure pénale, cycles horaires, insuffisance du régime indemnitaire, charge mentale pesant sur les enquêteurs, excessive lenteur de la réponse judiciaire, obsolescence des outils informatiques, etc.

La filière souffre également fortement de la croissance insoutenable du stock de procédures, dont le nombre est passé de 2,8 millions à 3,3 millions depuis notre précédent rapport.

Ces difficultés, nous tenions à le souligner, sont particulièrement prégnantes en matière de lutte contre la criminalité économique et financière, comme l'a récemment mis en évidence une commission d'enquête du Sénat.

Sur ces sujets, les constats et propositions que nous avions formulés lors de notre précédent rapport d'information restent valables et nous ne pouvons que les reconduire.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous pouvons agir sur la complexité de la procédure pénale, mais je crains que notre action n'aille pas toujours dans le bon sens.

Mme Catherine Di Folco. - Merci aux deux rapporteurs pour cet exposé parfois édifiant. La mise en oeuvre de vos préconisations devra-t-elle être effectuée de manière essentiellement réglementaire, ou nécessite-t-elle une action législative ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci pour ce rapport. Nous avions déjà identifié une série de craintes par le passé, dont la moindre priorité accordée aux enquêtes en matière financière, craintes qui se sont confirmées ; nous avions aussi dressé une série de constats, dont la perte d'attractivité de la filière de la police judiciaire.

En 2023 également, Philippe Dominati avait remis un rapport d'information intitulé « La direction centrale de la police judiciaire : des brigades du Tigre bientôt mises en cage ? », dans lequel il s'était montré sévère à l'égard de la réforme. En janvier 2025, enfin, le procureur de Versailles avait évoqué une « catastrophe » lors d'une audition solennelle devant le garde des Sceaux.

J'aimerais toutefois comprendre votre position définitive : le bilan est-il « globalement positif » ou bien « globalement négatif » ? En outre, quel est l'avis du ministre de l'intérieur sur le sujet ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Madame Di Folco, la plupart des recommandations pourront être mises en oeuvre par le biais de mesures réglementaires.

Mme Catherine Di Folco. - Est-ce le cas pour l'ASA ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Ce sujet revêt un caractère financier et devra donc être traité, en premier lieu, dans le cadre du budget. Un décret sera également nécessaire pour corriger cette lacune.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Imaginer une remise à plat complète de la réforme, aussi discutable soit-elle, est sans doute de mauvaise politique et vraisemblablement impossible en pratique.

Il n'en reste pas moins que nous n'avons pas soigné les maux profonds de l'investigation, puisque nous n'avons pas progressé sur la résorption du stock de procédures, ni sur les rémunérations et les conditions de travail.

Nous avions voté, dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur - portée à l'époque par Gérald Darmanin - la création d'un « bloc OPJ » destiné à orienter les jeunes policiers vers l'investigation dès le début de leur carrière. Or lors des derniers concours, les élèves policiers s'organisent massivement pour ne pas réussir ce bloc, ne soit en ne se présentant pas à l'épreuve, soit en rendant copie blanche, et être ainsi certains de ne pas être orientés vers l'investigation.

Faute de pouvoir remettre en cause la totalité de la réforme, il faut donc apporter quelques correctifs, notamment pour mieux définir les conditions d'exercice de l'autorité fonctionnelle. La place de la zone, échelon complètement déconnectée de la réalité de la criminalité, doit également être réinterrogée.

Si certaines craintes pour l'indépendance des enquêtes relatives aux atteintes à la probité ou sur le dévoiement de l'investigation au profit du maintien de l'ordre n'ont pas été confirmées, il importe, malgré tout, de rétablir le métier de police judiciaire et de donner à cette filière de l'investigation les moyens d'exister pleinement.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Il n'est pas question de repartir de zéro, mais de réinsuffler de l'énergie à la PJ, la réforme n'ayant pas permis - loin s'en faut - de redonner un élan aux vocations. Par ailleurs, il faut donner davantage de visibilité à la police judiciaire au sein de la nouvelle organisation.

Le ministre de l'intérieur, quant à lui, a indiqué qu'une inspection de ses services consacrée aux conditions de mise en oeuvre de la réforme était en cours.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Le sujet de l'investigation est suffisamment important pour justifier une audition du ministre de l'intérieur lorsque ce rapport d'inspection aura été rendu.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je rappelle le titre proposé pour ce rapport : « La police judiciaire dans la police nationale (II) : une réforme imposée à marche forcée, des correctifs à apporter. »

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

La réunion est close à 11 h 05.