Mercredi 8 octobre 2025

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Audition de M. Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir, pour la première fois ce matin devant notre commission, M. Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB).

La FFB est la première organisation représentative des employeurs du secteur. Forte de 50 000 entreprises adhérentes, en majorité artisanales, cette instance représente les deux tiers de l'activité et de l'emploi des quelque 1,2 million de salariés de la construction.

Monsieur le président, pour la FFB, la rentrée 2025 a comme un triste parfum de déjà-vu.

D'une part, comme l'an dernier, cette rentrée rime avec instabilité politique. À l'approche de l'examen du prochain budget, notre pays est de nouveau plongé dans l'incertitude. Or, chacun le sait ici, la relance de la construction et la lutte contre la crise du logement exigent des réformes - notamment fiscales - structurantes, qui obligent à des choix budgétaires. J'y reviendrai.

D'autre part, cette rentrée a aussi confirmé la récession que connaît le secteur du bâtiment, et ce pour la troisième année consécutive. Certes, la dégradation est moins brutale que vous ne le redoutiez l'hiver dernier, mais l'activité demeurerait en baisse de 3,4 % en volume en 2025. Il en va de même pour l'emploi, puisque vos prévisions annoncent un recul, certes plus contenu qu'anticipé, avec 30 000 suppressions de postes en 2025.

Monsieur le président, le bâtiment a un peu mieux résisté que l'on ne pouvait le craindre il y a encore dix-huit mois. Quels sont les facteurs qui l'expliquent ? Sont-ils durables ? Quelles sont les perspectives du bâtiment aujourd'hui ?

Depuis le début de l'année, bien que le non-résidentiel demeure atone, les autorisations et les mises en chantier progressent dans le logement neuf. Certes, nous partions de bien bas, mais les ventes de maisons individuelles affichent une hausse spectaculaire de 40 % depuis janvier 2025. Selon vous, ce dynamisme tient-il à l'ouverture du prêt à taux zéro (PTZ) à l'individuel depuis le 1er avril dernier ?

À l'inverse, les ventes dans le collectif poursuivent leur repli, en contrecoup du plan de relance qu'Action Logement et CDC Habitat ont accepté de lancer à la demande du gouvernement et qui a joué un rôle contracyclique précieux en 2024. L'état de la promotion privée et la production de logements sociaux sont très liés, alors que plus de 40 % de nos logements sociaux sont aujourd'hui produits en vente en l'état futur d'achèvement (Vefa). C'est d'autant plus le cas dans un contexte où nos bailleurs sociaux voient leurs capacités d'investissement réduites par la réduction de loyer de solidarité (RLS) et où la pérennité financière du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) est compromise ! La Banque des territoires vient d'annoncer un nouveau plan de prêts en faveur de la construction de logements sociaux. Plus encore que des prêts, ce sont de marges d'investissements dont ont véritablement besoin les bailleurs sociaux pour retrouver une capacité d'action contracyclique, pour construire et pour rénover des logements.

Quant à l'investissement locatif, il reste à la peine depuis la fin du dispositif Pinel et le durcissement de l'accès au crédit. Le rapport du sénateur Marc-Philippe Daubresse et du député Mickaël Cosson propose de créer un « statut du bailleur privé », grâce à un nouvel amortissement pour les logements loués en longue durée, une hausse de l'abattement pour les locations nues et une exclusion des logements loués en longue durée de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Monsieur le président, ce sont des pistes que notre commission soutient depuis longtemps et que nous avons préconisées pas plus tard qu'au printemps 2024, avec Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, dans le rapport d'information sur la crise du logement. Il faut arrêter de voir un rentier là où il y a, à l'inverse, un contributeur - un entrepreneur - à la vie économique et sociale de notre pays !

Selon les auteurs du rapport Daubresse-Cosson, si elle était mise en place dès décembre 2025 - donc inscrite dans le prochain budget -, cette réforme permettrait la production de 90 000 logements supplémentaires à horizon 2030 et aurait un impact budgétaire favorable dès 2026. Cela vous semble-t-il optimiste ? Quelles sont les projections de la FFB ?

Enfin, le marché de la rénovation énergétique est fortement pénalisé par les revirements successifs autour de MaPrimeRénov'. Au mois de juin dernier, la fermeture du guichet pour les rénovations d'ampleur, véritable manoeuvre budgétaire non assumée, a brutalement freiné l'activité. Pour ne rien arranger, au mois de septembre, plusieurs textes réglementaires ont modifié, une énième fois, les règles d'octroi des aides : non seulement les aides à la rénovation d'ampleur seront recentrées sur les passoires thermiques et fortement réduites, mais surtout l'installation de chaudières biomasses et les travaux d'isolation des murs seront exclus des aides monogestes en 2026. La FFB a déjà fait part de sa consternation le 4 septembre dernier. Pourtant, nous n'étions pas au bout de nos peines : la réouverture du guichet de MaPrimeRénov' la semaine dernière s'est soldée par un échec cuisant, avec une nouvelle fermeture en raison d'un trop grand nombre de connexions - 150 000 ! -, alors que seuls 13 000 dossiers seront retenus.

Dans ces conditions, peut-on rester optimiste sur l'avenir de MaPrimeRénov' ? Comment le marché de la rénovation va-t-il surmonter ces stop and go ? Enfin, que pensez-vous de la piste évoquée par le précédent gouvernement de financer davantage les travaux de rénovation énergétique par les certificats d'économies d'énergie (C2E) ?

Monsieur le président, tels sont les sujets que, sans surprise, je souhaitais vous soumettre. Les membres de la commission compléteront ces questions après votre intervention liminaire. Je vous cède la parole et je rappelle que cette audition, comme l'ensemble des auditions que nous faisons, fait l'objet d'une captation vidéo et est diffusée en direct sur le site du Sénat.

L'action que vous menez à la tête de la FFB avec volontarisme, courage et engagement est essentielle pour notre économie. L'ancienne ministre chargée du logement avait, depuis un an, fait du bon boulot, dans un contexte difficile, et créé un véritable climat de confiance avec l'ensemble des acteurs du secteur du logement. Nous ignorons ce qui va désormais advenir, et c'est bien dommageable.

M. Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment. - Madame la présidente, je vous remercie de votre présentation quasi exhaustive. Je la compléterai et parlerai d'avenir, malgré l'instabilité politique que nous connaissons.

Ma mission, c'est d'avancer avec un optimisme réaliste en dépit de tous les changements que nous avons pu connaître. Pour ma part, ça commençait mal : j'ai été élu président de la Fédération française du bâtiment le 20 mars 2020, c'est-à-dire deux jours après la grande fermeture, et je me suis retrouvé tout seul dans mes locaux à Périgueux.

Je ne dirais pas que l'on a malgré tout réussi à soutenir le bâtiment, car les mauvais chiffres s'accumulent, tout comme les crises : covid, crise des matériaux, crise de l'énergie, crise des livraisons, problèmes géopolitiques comme la guerre en Ukraine, taux d'intérêt, inflation, crise du neuf... Nous sommes dans une période compliquée. Qui plus est, nous en sommes à notre huitième ou neuvième ministre du logement en cinq ans et demi, alors même que le bâtiment s'inscrit dans le temps long. Il faut environ quatre à cinq ans - quelquefois plus - entre la décision de créer des logements et leur achèvement.

Au regard de cette instabilité politique et décisionnelle, on ne peut pas dire que le bâtiment soit au mieux. Au cours des années 2024-2025, le chiffre d'affaires du bâtiment a connu une baisse de pratiquement 10 %. En 2026, malheureusement, malgré de nouvelles mesures appropriées pour la construction de logements et une stabilisation de MaPrimeRénov', cette baisse atteindra sans doute 12 %. Cela signifie qu'environ 100 000 emplois en équivalents temps plein seront en danger.

Le secteur du bâtiment a déjà perdu 65 000 salariés. Vous pouvez multiplier ce chiffre par 2,3, et l'on arrivera malheureusement à 150 000 salariés sur trois ans, comme je l'avais annoncé. C'est un drame humain, c'est un drame économique, mais c'est aussi un drame pour la société, notamment pour les plus jeunes. Toutefois, grâce à notre enthousiasme et à notre communication sur le fait que les métiers du bâtiment changent, également grâce aux mesures gouvernementales, le nombre d'apprentis dans le BTP a, l'an dernier, battu un record : 100 000 apprentis. C'est un succès. Cette année, malgré la baisse des aides et l'instabilité, ce sera encore un joli score. En effet, les entreprises du bâtiment, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, ont pris l'habitude de recruter des apprentis sur des métiers en tension. Chaque année, environ 60 000 salariés partent à la retraite, qu'il faut remplacer par au minimum 60 000 nouveaux entrants : il s'agit de jeunes, mais aussi de personnes en reconversion ou en réorientation, qui trouvent évidemment de l'intérêt dans nos métiers, lesquels deviennent beaucoup plus techniques et technologiques, avec une fibre environnementale et écologique très marquée. Il n'est qu'à voir la RE2020 sur la construction neuve, qui a été très décriée à ses débuts et qui nous place aujourd'hui en champions du monde de la construction durable obligatoire. Mes homologues étrangers le soulignent avec force, ce qui me rend évidemment très fier.

Cela dit, les normes, c'est très bien, mais instaurer de nouvelles normes tous les trois ans fait monter le prix de la construction de plus de 5 % en moyenne. La RE2020 a augmenté le coût des constructions neuves de 6 % à 7 %. Si l'on y ajoute la crise du covid, la construction neuve a augmenté de 25 % depuis 2020, ce qui est aussi l'un des noeuds du problème.

Réussira-t-on à baisser le coût de la construction ?

On a essayé la préfabrication, mais il n'y a pas de marché. Très peu de maîtres d'ouvrage veulent des bâtiments préfabriqués. Sur dix entreprises qui se sont installées sur ce créneau, sept ont disparu. Certes, on gagne du temps, mais pas d'argent, et, le volume n'étant pas là, on n'arrive pas à baisser les coûts. Qui plus est, les matériaux étant aux normes RE2020+, ils coûtent cher.

Dans le secteur du bâtiment, les salaires et les charges salariales représentent 40 % du coût de la construction. Pendant les années d'inflation, nous avons augmenté les salaires au-delà de l'inflation pour conserver l'attractivité des métiers du bâtiment. On ne peut donc pas baisser les salaires, à moins que les charges sur les entreprises ne soient baissées de façon drastique. Le coût de la construction a également augmenté en raison de facteurs négatifs, par exemple la hausse des prix des matériaux en 2021 et 2022, les problèmes géopolitiques, endémiques, le dérèglement de l'économie internationale...

À tout cela s'ajoutent des décisions franco-françaises totalement inappropriées.

Certaines mesures ont commencé par attaquer la construction neuve. Ainsi, le prêt à taux zéro a été restreint aux seules zones tendues et a exclu l'individuel. Il en a été de même pour les bâtiments collectifs : le dispositif Pinel a en quelque sorte été « essoré », avec l'instauration de nouvelles conditions, etc. Dans cette période compliquée et instable, nos concitoyens se sont éloignés de l'investissement dans la pierre. Comme le prêt à taux zéro était moins avantageux, les primoaccédants n'ont pas pu mener à bien leur projet d'acquisition. Par conséquent, tout s'est écroulé.

Depuis 2023, la construction neuve a chuté de 60 %. L'Alliance pour le logement a été créée voilà deux ans à la suite d'un Conseil national de la refondation (CNR) Logement totalement catastrophique. Le CNR Logement a constitué une régression : on disait qu'il fallait construire entre 150 000 et 200 000 logements par an et que les subventions versées par l'État aux particuliers, via le prêt à taux zéro, et aux investisseurs, via le dispositif Pinel, n'avaient pas le rendement escompté. Tout cela a provoqué cette terrible chute, avec 60 000 logements en moins.

J'en viens à l'amélioration-entretien, qui représente tout de même 55 % de l'activité des entreprises du secteur du bâtiment et au sein de laquelle la part de la rénovation énergétique est d'environ 30 % à 40 %.

Combien y a-t-il eu de réformes de MaPrimeRénov' ? Seize ? Dix-sept ? Je ne sais plus. En 2020 et 2021, j'ai dit à tous les artisans et entrepreneurs du secteur : foncez ! Rénovez vos ateliers ! Formez des jeunes ! La rénovation énergétique va permettre de préserver la planète et d'améliorer l'air français ! Du reste, j'y insiste, nos fabricants de matériels et matériaux sont certainement les plus performants au monde. Beaucoup d'usines fabriquent en France ; nous sommes donc quasiment indélocalisables.

MaPrimeRénov' n'a pas compensé cette stagnation. Sans y aller à coups de milliards d'euros - il ne faut pas exagérer -, je pensais que les aides à destination de nos concitoyens les plus modestes progresseraient. Les Français qui ont les moyens ne vont pas à la pêche aux subventions ; celles-ci peuvent éventuellement les pousser. En tant que plombier-chauffagiste dans le Périgord, je puis en attester.

Pour les Français les plus modestes, MaPrimeRénov' est un dispositif très compliqué à mettre en place. Ils n'y comprennent plus rien. Et c'est pareil pour les entrepreneurs. Aujourd'hui, je suis obligé de consulter ma fiche pour déterminer exactement les critères pour bénéficier de MaPrimeRénov' : c'est tout de même terrible pour le président de la FFB, qui plus est entrepreneur dans le chauffage ! Il en est de même pour les parlementaires et les ministres que je rencontre depuis quelques années. Quelle usine à gaz ! On n'y comprend rien.

Je pense que cette situation est voulue par Bercy, pour faire en sorte que le dispositif ne marche pas et, ainsi, dépenser moins d'année en année.

Lorsqu'il était encore ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire m'interrogeait sur le bâtiment et sur les effets des subventions, car il trouvait que celles-ci coûtaient encore trop cher, notamment au regard de la chute des constructions neuves, etc.

À cette analyse économique peut-être primaire, on m'oppose la dette maastrichtienne et la notation financière de la France.

L'année dernière, on a perdu 10 milliards d'euros de fiscalité sur la TVA. Je pense que, à hauteur de 3 milliards, voire de 4 milliards d'euros, la perte s'explique par le fait que l'on a construit 120 000 logements de moins en un an et demi. Imaginez les conséquences en matière de TVA, même si ce n'est pas que de la TVA à 20 % ! Voilà de la vraie politique de terrain...

Depuis cinq ans, en cumulé, ce sont pratiquement 500 000 logements qui auraient dû être construits et qui ne l'ont pas été. Le service des données et études statistiques (Sdes) prévoit qu'il faut construire à peu près 5 millions de logements à long terme non seulement pour rattraper le retard, mais aussi parce que la démographie est encore positive et qu'il y a des migrations externes et, plus encore, internes. Vous connaissez le lien entre emploi et logement. Malgré les efforts d'Action Logement notamment, certains ne peuvent pas changer de travail, parce qu'ils n'ont pas de logement. L'année dernière, 17 % des étudiants ont dû arrêter leurs études parce qu'ils n'ont pas trouvé de logement et n'ont pas pu se déplacer - cela a peut-être augmenté depuis.

J'en viens plus spécifiquement aux questions que vous m'avez posées, madame la présidente.

Sur la maison individuelle, après avoir fait moins 60 % en cumulé depuis deux ans - peut-être même un peu plus -, on constate une hausse de 40 % depuis le début de l'année. Cela reste donc déficitaire - moins 36 % au total. Deux raisons expliquent cette évolution : d'une part, des taux d'intérêt aux alentours de 3 % à 3,5 %, qui ont donné un petit coup de pouce et arrêté la chute ; d'autre part, l'élargissement du prêt à taux zéro à tous les logements neufs sur l'ensemble du territoire. Cette mesure, que je vous remercie d'avoir votée, a donné à nos concitoyens, même les plus modestes, l'envie, l'espoir et la possibilité de contracter des prêts. Ils construisent des maisons de 80 mètres carrés, et non plus de 100 ou 120 mètres carrés, mais ils se remettent à construire !

Malheureusement, cette mesure a une durée limitée. Nous souhaitons que le haut-commissaire à la stratégie et au plan planifie enfin quelque chose ! J'ai reçu M. Bayrou à plusieurs reprises lorsqu'il occupait ce poste : il était très local, très terrien et connaissait ces problématiques. Malheureusement, il n'y a eu ni plan ni politique du logement claire et ferme, ne serait-ce que sur trois ans, alors même qu'il faudrait un plan sur dix ans, sinon plus. Trois ans, ce n'est rien du tout.

Après une baisse de plus de 60 %, le logement collectif n'arrive pas à reprendre. Pascal Boulanger, par ailleurs président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), m'a indiqué ne faire plus que neuf affaires par semaine, contre quatre-vingt-dix auparavant. C'est pourtant un gros promoteur - je n'aime pas ce mot. Imaginez donc les petits... Ces vendeurs de maisons et d'appartements donnent du travail aux 1 600 000 actifs du secteur - 1 200 000 salariés et 400 000 personnes seules. Ces vendeurs de produits de la construction, maisons et appartements, sont toujours à l'arrêt et le sont encore plus depuis que le dispositif Pinel n'existe plus. Comment voulez-vous inciter des Français à investir dans la pierre pour sécuriser leur retraite en louant un bien immobilier ? Aujourd'hui, les taux d'intérêt sont tels qu'ils préfèrent placer leur argent ailleurs, là où cela rapporte beaucoup plus, sans avoir à gérer des immeubles. C'est le même constat pour les investisseurs institutionnels.

Avec un dispositif Pinel déjà essoré, on construisait, en 2024, jusqu'à 30 000 logements. Cette année, on est aux alentours de 7 000.

Par conséquent, non seulement on ne participe pas à la location pour les Français les plus modestes qui n'ont pas, pour l'instant, accès à la propriété, mais, surtout, le parcours résidentiel est bloqué. Tout le monde reste chez soi, en famille, et les logements sociaux ne sont pas libérés.

La mission Daubresse-Cosson a été diligentée par votre excellente ex-collègue Valérie Létard. On me dit que j'en fais trop, mais, pour moi, sur les huit, c'est de loin la meilleure ministre du logement ! Nous savions que nous étions écoutés au Sénat. J'ai aussi bien aimé travailler avec Emmanuelle Wargon sur la rénovation, malgré la polémique sur la maison individuelle.

Même si certaines adaptations pourraient être apportées, le rapport de cette mission est assez ouvert et souligne qu'il faut relancer la construction neuve pour l'investissement locatif. Sinon, ce sera une catastrophe sociale, et cela se terminera dans la rue. La crise des « gilets jaunes » n'était rien d'autre qu'un problème de lien entre emploi et logement. Elle concernait des travailleurs qui habitaient à une trentaine de kilomètres de leur emploi et qui se sont un jour arrêtés au rond-point parce que la vitesse autorisée a été abaissée à 80 kilomètres par heure et que le litre d'essence coûtait 1,50 euro. Imaginez ce qu'il en est aujourd'hui... Je n'insiste pas : vous savez comme moi à quel point la situation du logement des Français sur l'ensemble du territoire est une catastrophe.

Pour ma part, je ne vois pas aujourd'hui d'autre solution qu'une incitation à destination de nos concitoyens qui ont les moyens et qui veulent acheter pour louer à des gens plus modestes, lesquels sortiront peut-être ainsi du parc résidentiel social. Le statut de « bailleur privé » n'est peut-être pas la meilleure des appellations, mais peu importe : qu'on l'appelle comme on veut.

Il y a cinq ou six ans, l'objectif était de construire 125 000 logements sociaux par an. Ce n'était même pas pour rattraper le temps perdu : 70 % de nos concitoyens sont éligibles à un logement social, et plus de 2 millions sont sur des listes d'attente. Aujourd'hui, on construit 80 000 logements sociaux, 40 000 - donc la moitié - étant construits par Action Logement, organisation d'utilité sociale financée par la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec), à savoir 0,45 % des salaires des entreprises de cinquante salariés. Avec 25 % des ressources, Action Logement construit la moitié des logements sociaux en France, via une gestion paritaire qui fonctionne bien. Mes collègues des organisations salariales - CGT, CFDT, etc. - et moi nous réunissons chaque semaine. Ne cassez pas cette dynamique !

Je vous fais cette confidence : si jamais Action Logement, avec tous ses moyens, ses 18 000 salariés, cet effort du patronat avec les syndicats, était intégré à une administration publique, je crois que le Medef (Mouvement des entreprises de France) et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) sortiraient de sa gestion. Peut-être même certains entrepreneurs seraient-ils tentés de se débrouiller par eux-mêmes et de loger tous seuls leurs salariés. Reste que cela ne concernerait que 2 % des entreprises en France ! Les entreprises restantes, qui pourraient faire bénéficier leurs salariés du 1 % logement, se retrouveraient bien embarrassées. En effet, Action Logement fonctionne non seulement pour les travailleurs du privé, mais aussi pour les bénéficiaires Dalo (droit au logement opposable) et pour les étudiants - cela concerne aussi, et de plus en plus, les résidences étudiantes. Sur les campus de nos chambres des métiers, il y a de plus en plus de résidences pour ceux que l'on appelle les « étudiants des métiers », qui sont construites par les filiales d'Action Logement.

Alors que le logement social est, pour nous, primordial, les objectifs ne sont atteints qu'à hauteur de 70 %. Il va donc falloir relancer tout cela.

Sur la RLS, grâce à votre volonté, mesdames, messieurs les sénateurs, et à celle de Valérie Létard, à la force des bras, vous avez obtenu une ouverture de 200 millions d'euros.

Action Logement et le secteur social construisent 80 000 logements, mais en rénovent aussi autant. Il ne faut pas opposer la construction neuve qui rapporte et qui offre un logement supplémentaire avec les objectifs de décarbonation et de rénovation.

L'amélioration-entretien est une catastrophe. Je n'aurais jamais pensé que, cinq ans après la mise en place de MaPrimeRénov', je dirais, cette année, à mes artisans et entrepreneurs que la rénovation énergétique représente moins de 2,5 % d'activité, alors même que je la présentais comme l'avenir. Aujourd'hui, seize réformes plus tard, on est totalement perdus. Imaginez-vous que, même avec Valérie Létard - à moitié démissionnaire -, l'isolation des murs a été retirée de la rénovation énergétique des logements par geste ? Par qui ? Je l'ignore. Peut-être par Bercy...

Quand on pense rénovation, on pense d'abord murs et fenêtres. Et c'est un chauffagiste qui le dit ! Voilà des années que les aides ne concernent plus les fenêtres en geste simple ; à l'époque, l'aide n'était plus que de 5 euros par fenêtre. Aujourd'hui, c'est aussi le cas de l'isolation des murs intérieurs. On a fait un grand ménage pour tout ce qui concerne l'isolation des murs extérieurs. Rappelez-vous les isolations à 0 euro proposées par des margoulins qui vendaient auparavant des tapis ou des chèvres... Il y a eu des contrôles ; ils sont nécessaires, parce que la fraude existe. Pour autant, il ne faut pas profiter de l'existence de comportements frauduleux pour tout arrêter. Quand on n'a plus d'argent, on trouve une excuse !

Le coup d'arrêt fut la fin du soutien aux chaudières à bois. Pendant des années, on nous a incités à investir dans les équipements de ce type, en vantant les mérites de la filière bois française. Or, depuis quinze jours, ceux qui souhaitent remplacer leur vieille chaudière au fioul, par exemple dans le Périgord, où le gaz n'est pas disponible et où l'électricité reste trop coûteuse, ne peuvent plus bénéficier d'aucune aide. Pourtant, les chaudières à bois actuelles sont d'une performance remarquable : elles sont parfaitement filtrées et ne rejettent quasiment plus aucune particule dans l'air.

Cette décision est incompréhensible, et je dois dire qu'il devient difficile d'expliquer la situation à nos adhérents, ce qui est préoccupant. Il faut, sur ce sujet, réunir l'ensemble des acteurs autour de la table et définir un budget pluriannuel - sur trois ans, voire sur cinq ans -, afin de garantir un minimum de stabilité. Certes, la durée de vie des gouvernements rend l'exercice complexe, mais ce sujet dépasse les contingences politiques : il est sociétal, environnemental et écologique. Les jeunes générations, animées par une conscience écologique forte, souhaitent travailler dans nos métiers précisément parce que ceux-ci participent à la décarbonation du pays. Il faut, dès lors, fixer une trajectoire claire et durable. Est-ce un voeu pieux ?

Je plaide pour une stabilité budgétaire de quelques années, par exemple un engagement de 2 milliards d'euros par an. Nous savons que chaque euro investi dans la rénovation énergétique rapporte deux à trois fois plus, ne serait-ce qu'à travers les retombées économiques de MaPrimeRénov'. À cela s'ajoutent les bénéfices indirects, notamment en matière de santé publique. Il est également essentiel de ne pas opposer les gestes simples, comme l'isolation des murs et des fenêtres, au remplacement des systèmes de chauffage. L'important est de suivre une trajectoire cohérente, sur dix ou douze ans s'il le faut, afin d'atteindre nos objectifs de décarbonation.

C'est ce que nous appelons, entre organisations patronales, le « parcours de l'habitat » ou « carnet de l'habitat » : un engagement formalisé entre l'État, les ménages et les professionnels. Ce carnet constituerait une charte fixant des étapes claires, un suivi dans le temps et un contrôle effectif, garantissant à la fois les aides et les engagements nécessaires à la décarbonation du parc immobilier.

S'agissant du budget, il pourrait rester stable sur plusieurs années, autour de 3 milliards d'euros. L'essentiel est de donner de la visibilité : les entreprises pourront alors s'adapter, certaines réduiront leur activité, d'autres se réorienteront vers des créneaux plus porteurs ou développeront des innovations. L'instabilité actuelle décourage les initiatives et compromet l'atteinte des objectifs fixés.

Concernant MaPrimeRénov', repartir à zéro serait une erreur. Le précédent dispositif du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) avait ses limites, car il manquait de pilotage budgétaire, mais son principe était bon. Il faut donc imaginer des financements alternatifs. L'État doit continuer à impulser la dynamique, tout en favorisant une certaine décentralisation. D'ailleurs, le réseau régional de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), ainsi que beaucoup de communes ou d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), jouent déjà ce rôle d'accompagnement et de conseil auprès des ménages les plus modestes ou les plus âgés. Ces guichets de proximité, qui orientent vers des entreprises qualifiées, doivent être développés.

Yannick Borde, président de Procivis - membre de l'Alliance pour le logement -, a préconisé, dans un rapport, auquel ont contribué les sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté, la création d'une banque de la rénovation. Il s'agit de rapprocher les banques des ménages et de faciliter l'accès au financement par un grand emprunt national ou des prêts à taux zéro bonifiés. Sans cette composante financière, nous n'atteindrons pas l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050.

Pourtant, nous n'en sommes pas loin. Quand j'allais dans le bureau de l'antépénultième ministre de la transition écologique, M. Béchu, j'y voyais une courbe qui était descendante jusqu'à 2050. Le secteur du bâtiment représente 40 % de la consommation énergétique nationale. C'est donc un levier majeur de la transition écologique.

S'agissant des certificats d'économies d'énergie, c'est un dispositif européen intéressant et bien perçu par le public. Même son acronyme est évocateur, ce qui est rare. Il serait envisageable de renforcer ce mécanisme afin de compenser la diminution des crédits publics alloués à MaPrimeRénov'. Toutefois, il faut rappeler que les C2E sont financés indirectement par les consommateurs, via les fournisseurs d'énergie. En d'autres termes, ce sont les ménages et les entreprises qui en supportent le coût final. La question mérite donc un vrai débat politique : faut-il accroître cette contribution, au risque d'alourdir les factures ?

En résumé, plus de logements et une rénovation énergétique soutenue sont bénéfiques à la fois à l'économie, aux finances publiques et au pouvoir d'achat des Français. L'Insee l'a confirmé : la crise du logement pénalise le PIB depuis 2022. Par ailleurs, selon une enquête Ipsos réalisée pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese) en juin dernier, si les principales préoccupations des Français restent le pouvoir d'achat, la sécurité et la santé, c'est bien le logement qui, à 58 %, impacte le plus leur vie quotidienne dans les territoires - qu'il s'agisse du coût, du manque de logements disponibles ou des difficultés d'accès au parc social.

Enfin, j'invite celles et ceux qui le souhaitent à participer, le 16 octobre prochain, au Sommet de la construction organisé par la FFB. Cet événement, consacré aux enjeux municipaux et territoriaux du logement et de l'investissement, se tiendra au siège de la Fédération. Il permettra d'aborder notamment les questions liées aux politiques locales d'urbanisme, comme le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ou le schéma de cohérence territoriale (Scot), et à la mise en oeuvre du zéro artificialisation nette (ZAN), sujet sur lequel nos positions sont connues et mesurées.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je donne d'abord la parole à notre rapporteure pour avis sur les crédits du logement, Amel Gacquerre.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis des crédits du logement. - Monsieur le président, vous avez abordé le sujet de la baisse des coûts de construction. Je souhaiterais y revenir, en évoquant notamment la réglementation environnementale du bâtiment neuf, la RE2020. Le récent rapport d'évaluation de Robin Rivaton, économiste, estime que le surcoût lié à la RE2020 entraînerait un déficit de plus de 200 000 logements sur la période 2022-2035. Ce rapport préconise plusieurs ajustements à cette réglementation, notamment une meilleure prise en compte du confort d'été et une facilitation des extensions et surélévations, sans pour autant modifier les jalons fixés pour 2025, 2028 et 2031. Que pensez-vous de ces propositions ? Celles-ci devraient être traduites réglementairement par décret. Avez-vous été consulté sur ce sujet ?

Toujours au sujet de la baisse des coûts de construction, qu'en est-il des perspectives de la construction hors site ? En 2019, Robin Rivaton et Bernard Michel avaient abordé cette question en la présentant comme un levier majeur de transformation du secteur. Ils estimaient que 80 à 85 % des travaux de construction pourraient être réalisés en usine et annonçaient des gains substantiels en matière de coûts, de délais, de qualité et d'impact carbone. Qu'en pensez-vous ? Disposez-vous d'éléments ou de données précises sur la part actuelle de la construction hors site sur le marché français de la construction ? Et, surtout, comment peut-on encore développer ce type de procédés ?

Enfin, l'adaptation des logements au vieillissement et au handicap constitue un enjeu considérable. Vous avez évoqué la mission sur une banque de la rénovation, à laquelle j'ai participé, avec notamment ma collègue Marianne Margaté et M. Yannick Borde, qui a estimé à 1,9 milliard d'euros par an, dès 2027, le marché de l'adaptation des logements au vieillissement. Au 30 janvier dernier, seuls 15 000 dossiers MaPrimeAdapt' avaient été engagés, alors que l'objectif fixé était de soutenir la rénovation de 45 000 logements. Les deux tiers de cet objectif restaient donc à réaliser en un semestre seulement. Face à cette tâche immense, quels sont, selon vous, les principaux leviers à activer pour accélérer l'adaptation des logements ?

M. Olivier Salleron. - Nous partageons l'analyse de M. Rivaton, d'autant qu'il s'est appuyé sur les chiffres que nous lui avions transmis. Il s'agit bien de données issues des réalisations concrètes, comparant la période précédant l'entrée en vigueur de la RE2020 avec les perspectives fixées pour 2025, puis 2028. Cette dernière, à nos yeux, n'apportera pas d'amélioration significative en matière de performance carbone ; elle constitue plutôt une évolution administrative visant à garantir la conformité et la validation des matériaux utilisés. Or, à ce jour, à peine 40 % de ces matériaux sont réglementés, validés et conformes. L'échéance de 2028 approchant, il est prévisible que cette réglementation doive être repoussée, faute de préparation suffisante. Oui, cette évolution réglementaire a engendré des surcoûts, mais elle a également contribué à freiner la construction, entraînant la perte de près de 200 000 logements à horizon 2035, comme le souligne le rapport.

S'agissant de la surélévation, qui avait été identifiée en 2019, puis 2020, après la crise sanitaire, comme un levier efficace et moins coûteux, il faut reconnaître qu'elle demeure complexe à mettre en oeuvre. Les contraintes techniques et administratives sont nombreuses, même si certaines opérations ont pu être réalisées en structure bois. Ce type de projet reste marginal, en raison notamment des délais importants liés à l'incertitude réglementaire.

Concernant les agrandissements, ils se sont développés dans certaines zones, notamment dans les petites villes, dans le cadre de projets tels que les opérations Bimby (Build in My Backyard), qui permettaient de céder une partie de son terrain pour y construire un nouveau logement. Ces dispositifs étaient vertueux, à la fois pour la densification urbaine et la lutte contre l'artificialisation des sols.

Pour ce qui est de la construction hors site et de la préfabrication, la Fédération n'y est pas opposée, bien au contraire. Nous en reconnaissons les avantages : réduction des délais, amélioration de l'impact carbone, moindres nuisances pour les riverains lors des chantiers en zone dense. Cependant, dans les faits, cette filière n'a pas trouvé son modèle économique. De nombreuses entreprises, y compris de grands acteurs internationaux comme Katerra, s'y sont brûlé les ailes. Aujourd'hui, sept entreprises sur dix ayant investi ce secteur ont disparu, faute de débouchés. Les maîtres d'ouvrage, publics ou privés, estiment souvent que les coûts restent comparables à ceux de la construction traditionnelle, ce qui limite leur intérêt à recourir à ces procédés. Même des promoteurs majeurs comme Nexity, après avoir testé plusieurs partenariats avec des constructeurs hors site, ont progressivement renoncé à ce modèle. Il faudrait sans doute envisager d'imposer, au moins pour certains marchés publics, une part de construction hors site, afin de relancer cette filière et de bénéficier de ses atouts.

Pour ce qui concerne l'adaptation des logements au vieillissement et au handicap, le dispositif MaPrimeAdapt', lancé il y a maintenant deux ou trois ans, nécessite encore un temps d'appropriation. Nous formons actuellement nos entreprises afin qu'elles obtiennent les labels nécessaires à l'éligibilité du dispositif. Il convient toutefois de veiller à éviter toute dérive ou fraude, notamment en imposant des critères de qualification, raisonnables mais indispensables. Sans cela, comme on l'a constaté en matière de rénovation énergétique avec les fraudes liées aux labels « reconnu garant de l'environnement » (RGE) octroyés sans contrôle suffisant, les pratiques abusives risqueraient de se multiplier. Le programme MaPrimeAdapt', doté d'un budget d'environ 200 à 300 millions d'euros par an, génère pourtant des travaux utiles, permettant à de nombreux citoyens de rester à domicile, tout en soutenant l'activité de nos artisans. C'est une politique qu'il faut poursuivre et renforcer.

Enfin, au-delà du logement, je souhaite saluer une initiative réussie : celle de la rénovation énergétique des écoles. Annoncée il y a trois ans par le Président de la République, elle a effectivement été mise en oeuvre, avec des résultats tangibles. Nous constatons sur le terrain une accélération nette de la rénovation du parc scolaire, soutenue par la Banque des territoires, avec laquelle nous collaborons étroitement. Pour une fois, notre fédération a été intégrée au comité de pilotage, ce qui a permis de mobiliser l'expertise de terrain dans la définition des priorités. Les résultats sont là : cela prouve que la concertation avec les acteurs du secteur est non seulement utile, mais indispensable.

M. Daniel Fargeot. - Je veux rappeler les conséquences de l'instabilité politique - je reste poli... - sur la vie des entreprises. Cette instabilité se traduit par une baisse de la commande publique et de l'investissement local, ainsi que par un relèvement des taux d'intérêt des prêts immobiliers. Comment cette situation se traduit-elle concrètement dans le comportement des chefs d'entreprise ? Comment la prudence se reflète-t-elle dans leurs choix ? Je pense notamment à d'éventuels reports de décisions d'investissement, voire à de nouveaux licenciements, peut-être nombreux.

En juin dernier, le Gouvernement a procédé à l'arrêt temporaire du guichet de MaPrimeRenov' pour les rénovations d'ampleur. Ce dispositif a ensuite été rouvert, à la suite d'un audit et d'une révision de ses critères d'éligibilité. Avez-vous été associé aux évolutions apportées à « MaDéPrimeRénov' » au cours de l'été ? Le remaniement du dispositif visait à refroidir la machine, puisque 38 000 opérations d'ampleur étaient déjà engagées. Quels effets cette suspension et cette reprise ont-elles eus sur le secteur du bâtiment ? Les aviez-vous anticipés ?

Mme Viviane Artigalas. - Le Sénat s'apprête à examiner la proposition de loi de Paul Midy visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos microentrepreneurs et nos petites entreprises. L'objet de ce texte est de revenir sur la réforme adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2025, concernant le seuil de franchise de TVA dont bénéficient les microentrepreneurs. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles cette réforme a été portée par le Gouvernement. Selon vous, comment sortir de l'impasse sur ce dossier ?

Ensuite, s'agissant des travaux de rénovation, êtes-vous favorable à un meilleur accompagnement des parcours de rénovation globale réalisés par étapes ? C'est une approche que mon groupe défend depuis l'adoption de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, car elle permet de lisser dans le temps la réalisation et le coût des travaux en fonction des capacités des ménages, tout en leur évitant, dans certains cas, de devoir quitter leur logement pendant la rénovation.

Enfin, l'intervention sur le bâti existant constitue désormais un enjeu structurant dans tous nos territoires. En milieu rural, la mobilisation d'opérateurs capables d'intervenir dans les petites centralités demeure cependant très difficile, voire impossible. Quelles seraient vos propositions pour surmonter cette difficulté et mieux accompagner les élus locaux dans la mise en oeuvre de ces petites opérations ? Ce serait particulièrement utile à connaître dans la perspective des prochaines élections municipales.

M. Bernard Buis. - Ma question, très spécifique, concerne les territoires ultramarins, qui rencontrent des difficultés particulières : coût des matériaux, risques climatiques, foncier très rare... Avez-vous des propositions pour y soutenir la rénovation et la construction ?

M. Olivier Salleron. - S'agissant d'abord des préoccupations des chefs d'entreprise, vous l'aurez compris, chaque nouveau coup porté à leur activité agit comme une véritable épreuve. Certes, dans l'immédiat, la réaction reste combative, mais la réalité est que, aujourd'hui, l'horizon s'assombrit pour plusieurs secteurs que nous représentons. Oui, il y a une baisse des investissements. Les chefs d'entreprise adoptent une attitude prudente : à l'instar des ménages, ils préfèrent constituer des réserves plutôt que d'investir lourdement. Cette tendance se vérifie dans le bâtiment, mais également dans de nombreux autres secteurs.

Je siège à la fois à la CPME et au Medef, et je peux vous assurer qu'en France, en dehors de l'aéronautique, du secteur des campings et de l'ultra-luxe, la plupart des activités stagnent, voire sont en récession. Officiellement, les indicateurs demeurent positifs, mais la réalité économique est tout autre : plus de 100 000 emplois salariés ont déjà disparu depuis le début de l'été.

Dans le bâtiment, la perte est déjà de 65 000 emplois en deux ans. Si la situation perdure, même avec le maintien d'un budget solide pour le logement et le statut de bailleur privé, nous risquons de perdre encore environ 130 000 équivalents temps plein, voire 150 000. Cela aura des conséquences dramatiques : moins de recrutements de jeunes, départs à la retraite non remplacés, perte de savoir-faire... Lorsque la conjoncture s'améliorera - car elle s'améliorera, les besoins en construction et en rénovation sont réels -, nous manquerons de main-d'oeuvre qualifiée.

Concernant MaPrimeRénov', je déplore depuis plusieurs années l'absence de communication efficace entre l'Anah et les professionnels du secteur. Nous avons sollicité à plusieurs reprises des échanges réguliers, mais chaque changement de ministre emporte avec lui les équipes et les engagements pris. Résultat : les réunions promises n'ont pas eu lieu, alors que nous, professionnels de terrain, connaissons les réalités, les bonnes pratiques, mais aussi les dérives et les fraudes qui persistent dans certains territoires.

Nous avions d'ailleurs alerté les pouvoirs publics lors de notre congrès de Blois, le 12 juin dernier, en brandissant symboliquement un carton rouge. Les entreprises adhérentes de la FFB, nombreuses, ont ainsi exprimé leur exaspération face à l'arrêt brutal des aides pour les gestes simples de rénovation. Suspendre ces dispositifs pendant tout l'été a eu des effets dévastateurs : le secteur a été paralysé, alors même que la demande des ménages en matière de rénovation énergétique n'a jamais été aussi forte.

Nous avons dénoncé un manque de pilotage, de moyens humains à l'Anah et des défaillances informatiques récurrentes. Ce n'est pas du populisme. C'est un constat lucide : la rénovation énergétique fonctionne et répond à une attente profonde des Français. C'est pourquoi notre mouvement a été compris et relayé par la presse régionale, car cette crise touche directement tous les citoyens, qui peuvent tous envisager de rénover leurs fenêtres, par exemple, ou de changer de système de chauffage. Nous n'avons été associés à rien. J'ai dit plusieurs fois au directeur de cabinet de François Bayrou que celui-ci faisait n'importe quoi et répétait les mêmes erreurs que ses prédécesseurs, alors même qu'ils avaient pris de bonnes mesures par le passé. Il aurait mieux valu dire franchement qu'il n'y a plus d'argent, que le budget ne permet plus les mêmes choses : nous pouvons le comprendre ; les Français peuvent le comprendre. Nous pourrions alors nous mettre autour de la table et voir ce que nous pouvons faire. Au lieu de faire cela, on détricote tout : on nous prend, en fait, pour des adolescents.

Sur la question des microentrepreneurs, notre position est claire et constante depuis 2009 : nous avons toujours dénoncé l'extension sans limites de ce statut. À nos yeux, la microentreprise doit être un tremplin vers l'artisanat véritable, non un mode d'installation durable. Un artisan, c'est un professionnel installé, formé, fiscalisé, qui embauche un apprenti et qui transmet son savoir-faire. Nous accueillons les microentrepreneurs dans le cadre d'une charte précise ; toutefois, au terme de deux ou trois années, si ces entrepreneurs n'évoluent pas et utilisent ce statut pour s'y installer durablement, la situation devient problématique. Dans le bâtiment, un entrepreneur sur deux ne déclare rien, ce qui n'est pas acceptable. Et, parmi ceux qui déclarent, le chiffre d'affaires moyen reste extrêmement bas - environ 24 000 euros par an -, ce qui est économiquement intenable. Ces écarts alimentent une concurrence déloyale à l'égard des artisans soumis à la TVA et aux charges.

La sous-traitance excessive et les fraudes aggravent encore le problème. Nous plaidons depuis des années pour limiter la sous-traitance à deux niveaux, sans succès. Ce combat doit être repris par des parlementaires, car ces pratiques minent la profession. Si le Gouvernement a proposé un texte sur la microentreprise, c'est parce qu'il espère récupérer au moins 400 ou 500 millions d'euros. Nous avons toujours été très clairs sur ce point et avons milité pour ce texte, que nous avons quasiment inspiré. Il a été adopté par le Sénat et par l'Assemblée nationale, et répondait d'ailleurs à un impératif de justice économique et européenne : les entreprises de certains pays voisins bénéficiaient chez nous de franchises de TVA bien plus avantageuses que les nôtres dans ces pays. Cette loi a ensuite été annulée sans véritable justification, ce qui est incompréhensible pour nos adhérents.

Certains microentrepreneurs prennent des assurances exotiques. S'ils provoquent une fuite au dixième étage avec des millions d'euros de dégâts, je ne sais même pas si c'est couvert. Ils ne passent pas de qualification, parce qu'ils fonctionnent comme des petits boulots. On nous dit que ce ne sont pas les mêmes volumes. Je suis désolé, mais un artisan qui travaille seul, avec un salarié ou un apprenti, est en concurrence totalement déloyale avec un microentrepreneur qui ne facture pas de TVA : il y a au moins 5,5 %, 10 % ou 20 % d'écart.

Nous militons donc pour ramener le seuil, dans le bâtiment, de 37 500 à 25 000 euros, comme le prévoyait le projet de loi de finances. Mais au-delà de la question des seuils, deux principes doivent être posés : la limitation dans le temps du régime de microentreprise, de deux à quatre ans au maximum, et une distinction claire entre l'activité principale et l'activité complémentaire, qui ne peuvent pas être soumises aux mêmes règles fiscales ni aux mêmes obligations.

S'agissant de la rénovation par étapes, nous y sommes évidemment favorables. Il faut un accompagnement adapté, local, progressif - ce que nous appelons un « livret de l'habitat » -, permettant aux ménages d'avancer selon leurs moyens et leurs priorités.

Enfin, un mot sur Mon Accompagnateur Rénov' : si le dispositif est pertinent dans son principe, son déploiement a été chaotique. Le manque d'accompagnateurs a fait chuter de 85 % le nombre de dossiers au premier trimestre 2024. De plus, certaines pratiques observées - démarchage abusif, dossiers fictifs, absence de présence locale - sont problématiques. Il faut des accompagnateurs de terrain, ancrés dans les territoires, et non des prestataires à distance.

En résumé, nous soutenons un parcours de rénovation réaliste, encadré et progressif, avec un livret de l'appartement, un livret de la maison, un livret de l'habitat, garantissant la confiance des ménages et la viabilité économique des entreprises. Bien sûr, on ne va pas emprisonner le Français qui se serait engagé et qui, sur les trois parcours, n'en aurait fait que deux. Peut-être lui laissera-t-on un tout petit peu plus de temps pour aller jusqu'au bout, plutôt que de réclamer le remboursement d'aides versées dix ans plus tôt.

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques et internationales de la FFB. - En ce qui concerne les opérateurs et l'accompagnement des élus sur les opérations de restructuration plus lourdes, nous pouvons nous appuyer sur le système d'accompagnement dédié à ÉduRénov, développé par la Banque des territoires, qui fonctionne bien, puisque, sur les 10 000 opérations que nous envisageons de réaliser d'ici à 2027, nous en avons réalisé plus de 5 500. Nous pouvons également mettre à disposition des élus l'Alliance pour le logement pour massifier les expertises et trouver des systèmes de mutualisation, car il n'est évidemment pas possible de trouver un expert dans chaque collectivité.

M. Olivier Salleron. - Nous pouvons travailler localement, car nous réunissons 101 fédérations, avec un maillage parfait du territoire. Nous sommes notamment présents dans les territoires ultramarins, dans chacun desquels j'ai d'ailleurs promis de me rendre durant mon mandat. Grâce à la visioconférence, nous sommes très proches de nos adhérents d'outre-mer, qui sont extrêmement résilients et agiles. Lorsque nos adhérents de métropole se plaignent - et ils ont de quoi ! -, je leur dis qu'ils n'imaginent pas les difficultés rencontrées par leurs confrères en outre-mer.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, alors que le nombre de liaisons directes avec l'Hexagone est très insuffisant, les normes européennes empêchent les entreprises de s'approvisionner au Canada, pourtant très proche, même pour de petits outils mécaniques, des élévateurs ou des camions. Et je ne vous parle pas des problèmes d'approvisionnement en matériaux rencontrés en Guyane, où les entrepreneurs ne peuvent pas utiliser le bois ou la terre sèche pour des raisons foncières, l'État étant propriétaire de la quasi-totalité du foncier... Ils ne vont pas déforester l'Amazonie, mais ils rencontrent parfois d'importants problèmes pour construire sur des terrains déjà imperméabilisés.

Notre fédération est présente dans les territoires ultramarins, et Action Logement est également présent pour loger les plus faibles. J'étais en Martinique lors de l'invasion de la résidence du préfet au cours d'une manifestation contre la vie chère et l'état du logement. Il reste encore des bidonvilles à Fort-de-France, et les besoins de rénovation de l'habitat sont extrêmement importants. D'importants investissements sont absolument nécessaires pour protéger les Français et rénover le bâti. Malgré certains problèmes, les choses fonctionnent à La Réunion presque aussi bien que dans l'Hexagone. Quant à Mayotte, la situation avant le cyclone était déjà très difficile. Outre les problèmes de sécurité, il est parfois difficile de construire : nos adhérents nous disent que, à chaque permis de construire, après avoir aplani le terrain à 17 heures pour débuter une construction, le terrain est déjà occupé le lendemain matin par des constructions éphémères. Même si les ministres des outre-mer se sont succédé encore plus fréquemment que les ministres du logement ces dernières années, M. Valls s'est rendu plusieurs fois dans l'archipel, et nous y sommes également très présents, grâce à notre service dédié à l'outre-mer. Nous aidons nos artisans et entreprises de l'outre-mer, et nous agissons beaucoup dans ces territoires avec M. Arcadipane et Mme Bouyer, respectivement président et directrice générale d'Action Logement. Les Français d'outre-mer sont des Français à part entière, et nous contribuons à leur donner de l'emploi.

M. Guislain Cambier. - Le Nord est un département très peu boisé, mais il compte de nombreuses PME du bâtiment. Comment accompagnez-vous la consolidation de la place de la filière bois dans le bâtiment ? Les derniers décrets relatifs à la répartition entre les filières du bois et du béton dans la RE2020 vous semblent-ils équilibrés ? En matière de surtransposition des obligations de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP), de quelles remontées du terrain disposez-vous en ce qui concerne la structuration de la collecte des déchets du bâtiment ?

M. Yves Bleunven. - Je vous remercie de mieux nous faire comprendre la crise du logement et de la construction, qui est l'une des plus importantes que traverse actuellement notre pays. En mars 2024, nous auditionnions le président de l'Autorité de la concurrence (ADLC), que j'interrogeais sur l'indice du coût des matériaux, qui avait fait l'objet d'une discussion avec un ministre durant l'une des assemblées générales de votre fédération. Sans parler d'entente, nous pouvons au moins évoquer une stratégie d'opportunisme de la part d'un oligopole national. Lorsque l'on compare la courbe du prix des matériaux de construction à celle du nombre de bâtiments et de logements construits, on ne manque pas d'être effrayé... Ma question s'adresse donc autant à vous, monsieur le président, qu'à la présidente de notre commission : ne serait-il pas pertinent que nous menions une mission d'information sur le coût des matériaux de construction ?

Mme Annick Jacquemet. - Lors d'un entretien, vous avez indiqué que le secteur du bâtiment pouvait accueillir les Français au chômage ou ceux qui touchent le revenu de solidarité active (RSA), qu'il était bien plus innovant qu'auparavant, et que vous aviez besoin, pour reprendre vos termes, « autant d'intellect que de bras ». Quels sont les leviers et les freins que vous identifiez dans le recrutement de ces personnes ?

Dans le Doubs, nous avons inauguré plusieurs écoles et crèches construites avec les techniques du bâtiment passif. Vous avez indiqué avoir incité vos adhérents à se former à la rénovation énergétique il y a cinq ans. Vos adhérents sont-ils sensibilisés à ces techniques de construction ? Les chiffres sont très positifs : une école de Mamirolle, commune du Haut-Doubs qui connaît des hivers encore rudes, a vu ses coûts de fonctionnement passer de 30 000 euros à 3 000 euros.

Enfin, alors que l'examen du prochain projet de loi de finances s'annonce pour le moins périlleux, quelle serait votre principale demande ?

M. Olivier Salleron. - La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de l'époque, Mme Pompilli, avait annoncé l'application de la réforme de la RE2020 pour le 1er janvier 2021. La réforme allait totalement à l'inverse de l'expérimentation de deux ans et demi qui précédait, lors de laquelle nous avions proposé une manière de calculer la production de carbone du secteur. Lors de la conférence de presse de présentation de la réforme, Mme Pompilli n'avait répondu qu'à deux questions, renvoyant à Mme Wargon, qui semblait plus informée, ou à des conseillers ministériels, qui paraissaient ne pas savoir répondre. Nous nous sommes dit qu'il y avait un problème.

Nous avons donc analysé les conséquences de la réforme, tant pour l'Union des métiers du bois que pour l'Union de la maçonnerie et du gros oeuvre (UMGO). Nous nous sommes aperçus qu'à partir du 1er janvier 2021 nous ne pourrions construire qu'en bois, et qu'à partir de 2023 tous les immeubles de hauteur devaient être construits en bois, alors que seule la tour Hypérion de Bordeaux était ainsi construite à l'époque, Eiffage disant d'ailleurs qu'il fallait renforcer la structure avec de l'acier et couler des sols en béton. Nous avons donc demandé un report de six mois de la réforme, et nous avons retravaillé la RE2020 avec Mme Wargon pour proposer une réforme acceptable et réalisable, prévoyant davantage de mixité dans l'emploi des matériaux. Nous y sommes parvenus. Aller plus loin signifierait par exemple tout construire en chanvre ou en paille, ce qui serait compliqué et impliquerait notamment de se passer de sous-sols, car ces matériaux ne sont pas assez résistants.

Le Gouvernement a voulu aller vite, mais a proposé une réforme qui ne fonctionnait pas. Heureusement que les professionnels se sont consultés a posteriori, ce qui a permis d'éviter une guerre ouverte entre les filières du bois, de la maçonnerie, du verre ou de l'acier. La réglementation partait mal, mais nous l'avons corrigée. Continuons à digérer la réforme, qui n'est entrée en vigueur qu'il y a quatre ans, et à bien l'appliquer. Ainsi que je l'indiquais, cette réforme comporte les plus hautes exigences environnementales du monde. Insistons sur la nécessité de ne pas surtransposer, contrairement à notre habitude en France, car nous n'en avons plus les moyens : nous ne pouvons pas, à chaque réforme, augmenter de 6 % ou de 7 % le coût de la construction.

La REP pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) est un scandale absolu et une catastrophe. Sur les matériaux inertes, c'est-à-dire les cailloux ou les gravats, les professionnels du gros oeuvre savent déjà retraiter et recycler ; nous parviendrons donc à les faire sortir de la REP. Nous savons également retraiter le bois, même s'il faut réaliser des opérations spécifiques. Avec la filière REP, nous avons créé, comme le disait un ancien ministre de l'écologie, une usine à gaz, ou, pour reprendre les termes de l'ancien directeur de cabinet du Premier ministre, que j'ose à peine prononcer, un « b....l ». Les constructeurs paient plus cher leurs matériaux neufs pour que leurs déchets soient gratuitement repris, traités et réemployés. Les éco-organismes que nous avons créés dépendent souvent de très gros industriels. Ils ne sont pas censés gagner de l'argent, mais ils ont fait augmenter les prix de reprise que paient les déchetteries et les recycleurs à l'autre bout de la chaîne, tout en augmentant également leurs tarifs envers les entreprises du bâtiment. Alors que la ministre de la transition écologique avait déjà annoncé un moratoire, l'éco-organisme Valobat a tout de même augmenté ses prix en juillet dernier. En réalité, on nous prend pour des couillons : seulement 7 % des déchets du second oeuvre sont traités, deux ans et demi après l'instauration de la filière REP PMCB ! Pour nous, le sujet est inflammable. Par exemple, les étancheurs de toiture paient 5 % de plus pour acquérir des matériaux identifiés comme relevant de la filière REP pour rien, car personne ne vient collecter les déchets sur les chantiers ou dans les entreprises. Nous demandons donc une vraie réforme de la REP, qui implique que tout le monde se mette autour de la table. Nous avons attaqué l'État en recours gracieux il y a un mois, et nous les attaquerons en contentieux si nous n'avons pas de réponse d'ici à deux mois.

J'ai été auditionné par l'Autorité de la concurrence il y a trois ans. On m'y faisait la même demande que vous, monsieur le sénateur : comment est fixé l'indice du coût des matériaux ? Chaque année, sans que nous intervenions, l'Insee calcule les indices BT pour calculer l'évolution du prix de chacun de nos corps d'état - le bois, la plomberie, le chauffage, la maçonnerie, etc. Interviennent chaque année entre sept et neuf critères : prix des matériaux achetés, coût des salariés et des cotisations sociales, coût du transport, frais fixes, fiscalité, etc. L'indice BT fonctionne corps d'état par corps d'état, et l'on ne peut pas tricher sur sa fixation. Lorsque sont révisés les marchés publics ou les marchés privés qui veulent bien les appliquer, nous regardons l'évolution des indices BT à la fin du chantier, et fixons les prix en conséquence, à la hausse comme à la baisse, ainsi que cela s'est passé pendant la crise de 2008. La FFB n'a jamais demandé de limiter les baisses, et nous acceptons d'éventuelles évolutions négatives, même si elles sont très rares. Si, pour les marchés publics et la construction de logements sociaux, les indices n'avaient pas été automatiquement revalorisés, on estime que, depuis 2022, 30 000 entreprises auraient été mises sur le carreau, et 80 000 emplois auraient été supprimés, les prix des matériaux ayant augmenté parfois de 95 %, voire de 120 % pour le bois. Cela a certes, malheureusement, contribué à accroître la dette, mais cela a aussi permis de sauver des emplois. Vous avez parlé d'oligopoles nationaux, mais il s'agit de partenaires qui doivent disposer d'indices des prix des matériaux, pour s'assurer qu'en un week-end les prix n'augmentent pas de 40 %, comme pendant la crise de 2021 - je peux vous l'assurer, tout le monde n'a pas souffert. Les prix sont fixés de manière transparente, selon les calculs de l'Insee, ainsi que vous pourriez le vérifier lors d'une mission d'information.

En effet, nous serons capables d'accueillir beaucoup de personnes qui sont au bord de la route, au chômage ou qui touchent le RSA. Beaucoup d'entre eux adoreront ce secteur en se rendant compte de notre fibre environnementale et technologique - nous utilisons des écrans, des robots, des drones. Je ne critique pas la jeunesse : les Français veulent travailler, avoir un rythme, et nous pouvons les accueillir. Nous avons accueilli 120 000 salariés supplémentaires au sortir du covid, pour atteindre 1,3 million d'employés, un record depuis l'après-guerre. Aujourd'hui, en raison de décisions inappropriées de l'État, nous avons perdu 65 000 employés - peut-être beaucoup plus l'année prochaine, en chiffres cumulés.

Les hommes comme les femmes sont très attirés par nos métiers. Lundi dernier, le directeur général de France Travail et moi-même avons inauguré une maison en paille pour constater que le bâtiment est très soucieux des questions environnementales, puis nous avons visité un chantier sur les toits de Paris, où des compagnons font des ouvrages magnifiques, d'ailleurs reconnus par l'Unesco. Avec les secteurs des services et de la restauration, le bâtiment est capable d'offrir de la technicité.

Nos formations sont très organisées, notamment dans les centres de formation d'apprentis (CFA). Nous n'avons pas été opposés à la réforme du lycée professionnel, car nous avons besoin de plus de monde. Dans tous les départements, cette semaine, plusieurs chantiers ont ouvert leurs portes. Les métiers du bâtiment ne sont pas faciles, mais ce sont de beaux métiers. Nous pourrions d'ailleurs vous proposer de faire, avec les entrepreneurs, des journées sur le format de l'émission « Vis ma vie », ainsi que nous l'avons déjà fait avec des professeurs.

Des choses extraordinaires se font sur le bâtiment passif. La technologie pour assurer l'absence d'émissions de carbone est maîtrisée. Cela coûte plus cher à la construction, mais permet de nombreuses économies par la suite. Cela fait partie des choses que nous avons réussies avec la RE2020 : depuis que l'isolation de leur logement a eu lieu, certains ne paient plus du tout de chauffage - ce qui est génial, il faut le dire. Nous sommes les champions du monde de la construction durable, avec une audace architecturale particulière, ainsi qu'on le voit avec la tour Triangle, construite pour avoir, à l'usage, le moins d'impact possible sur l'environnement.

Une autre solution, plus simple, serait d'installer un thermostat d'ambiance dans tous les bâtiments de France : pour environ 200 euros, en comptant l'installation, cela permettrait 15 % d'économies d'énergie.

En ce qui concerne le budget, la priorité est le statut des bailleurs privés. Le Sénat a déjà adopté des avancées importantes lors de l'examen du budget 2025.

M. Daniel Gremillet. - Sans rouvrir le débat sur la RE2020, il y avait bel et bien une bataille entre le béton, le fer et le bois. Aujourd'hui, la bataille sur la REP a lieu autour des mêmes matériaux, les distorsions de concurrence avec d'autres pays européens posant problème. Je souscris à vos propos sur la fin des aides à l'installation des chaudières à bois : je vois mal comment les populations rurales pourraient ne pas réagir si on leur interdit de se chauffer au bois. Il s'agit d'une agression terrible, aux conséquences sociales importantes, qu'il ne faut pas sous-estimer.

Vous avez indiqué que 55 % de l'activité des entreprises du bâtiment était de la rénovation et de l'entretien. Dans certains territoires qui perdent de la population, en milieu tant rural qu'urbain, compte tenu du nombre de logements vacants, des Scot s'orientent vers la fin des constructions neuves à cinq ou à dix ans, pour privilégier la déconstruction et la rénovation de logements. Quelle est votre position sur ce sujet ? À quel prix pourrions-nous réaliser ce fabuleux pari ?

Par ailleurs, l'isolation extérieure est un problème pour le bâti ayant un certain cachet. Quelles innovations nous permettraient de ne pas sacrifier l'histoire de notre bâti urbain et rural ?

Mme Marie-Lise Housseau. - Dans le Tarn, en zone rurale, le seul secteur du bâtiment qui fonctionne est la rénovation du bâti ancien. Le 20 mars 2025, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien. De fait, on ne peut pas traiter de la même manière une maison récente et une habitation construite avant 1948 avec des techniques et des matériaux anciens. Cette proposition de loi n'a pas encore été examinée par l'Assemblée nationale, mais elle permettrait de relancer l'activité afin d'accueillir plus de monde dans nos villages comme dans le coeur des villes. Qu'attendez-vous de ce texte ? Correspond-il à une attente des constructeurs et des artisans ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Le bâtiment affronte un goulot d'étranglement des compétences, notamment en ce qui concerne les ingénieurs et les techniciens. Ces profils sont désormais très courtisés par des secteurs voisins comme l'énergie, l'industrie ou le numérique, qui offrent souvent des parcours plus attractifs et mieux valorisés socialement. La fuite des talents fragilise tout l'écosystème, des bureaux d'études aux entreprises de travaux, en ralentissant la modernisation des pratiques. Le risque, social, est aussi stratégique et industriel, avec la perte d'un certain savoir-faire dans la conception et la réalisation des parcs bâtis. Comment la fédération entend-elle fidéliser ces talents, et faire du bâtiment un secteur à haute intensité technologique, capable de rivaliser avec les filières voisines ?

M. Olivier Salleron. - Pour ce qui concerne les chaudières bois, il s'agit non d'une interdiction, mais de la fin des aides, laquelle affecterait 70 % des Français en milieu rural qui voudraient s'équiper en chaudière à bois. La technologie est compliquée, car une chaudière à bois monte très haut en température, et doit avoir de nombreuses protections répondant à des normes spécifiques. Beaucoup ne pourront pas changer leur chaudière au fioul ou au gaz. Si ces projets ne sont plus éligibles à MaPrimeRénov', je suis favorable à ce que l'on puisse soutenir l'équipement en chaudières à bois performantes par les C2E ou par d'autres moyens.

En effet, 55 % de notre activité est la rénovation. À ce titre, les travaux de Notre-Dame-de-Paris ont été emblématiques : les métiers du bâtiment ont été glorifiés, à l'Élysée comme pendant la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques. La France est demandée dans le monde entier pour la rénovation des monuments historiques, tant pour ses grandes entreprises que pour des sous-traitants de quelques salariés experts dans leur domaine. Je félicite les 140 entreprises de toute taille qui se sont très bien entendues pour tenir les délais de rénovation de la cathédrale, et je me réjouis du choix qui a été fait de ne pas attribuer l'ensemble du chantier à une seule grosse société, vous invitant à faire de même dans vos territoires. Nous valorisons ces métiers : le groupement des entreprises agissant sur les monuments historiques, très actif à la FFB, est souvent reçu au ministère de la culture. Nous demandons des subventions pour la rénovation des bâtiments historiques dans la France entière, et avons obtenu 200 millions d'euros supplémentaires pour valoriser les territoires.

Cela dit, la rénovation du bâti ancien, par exemple des maisons à colombages, est complexe. Le diagnostic de performance énergétique (DPE), les mêmes lois et les mêmes règlements s'appliquent partout sur le territoire, en Alsace comme en Guyane, ce qui est terrible. Nous nous battons pour que les matériaux spécifiques aux territoires puissent être plus facilement utilisés et assurés localement. En Guyane, si l'on n'utilise pas des matériaux plus locaux, venant du Brésil par exemple, et si leur usage n'est pas assuré, aucune entreprise ne peut construire. Il faut peut-être moduler le DPE sur le bâti ancien et sur ces habitats différents. Action Logement et les offices HLM détiennent de nombreuses bâtisses anciennes, des maisons en pierre de taille ou des bâtisses à colombages, qu'ils ne peuvent pas isoler de l'extérieur. Il faut donc moduler les règles en vigueur pour les monuments historiques. Les architectes des Bâtiments de France (ABF) nous ennuient parfois, mais il faut préserver l'habitat ancien, faute de quoi nous perdrions les plus de 80 millions de touristes qui visitent notre pays.

Selon le ministère du logement, les logements vacants qui intéressent les Français et qu'il faudrait rénover sont environ au nombre de 500 000, et non de 4 millions. Nous tenons les statistiques annuelles : dans nos villages de la diagonale du vide, les logements inutilisés sont nombreux, parce qu'il n'y a pas d'emploi. M. Jancovici veut que 500 000 personnes s'installent dans ces régions et travaillent dans l'agriculture, mais nous ne sommes pas en Corée du Nord, et nous n'obligerons pas les Français à cultiver un lopin de terre en plein milieu du Périgord ou du Massif central ! Il ne faut pas imaginer que les logements vacants sont la solution. Bien sûr, il faut déconstruire, rénover, utiliser les friches, mais il faut surtout implanter de l'activité économique dans ces régions pour donner aux Français envie d'habiter le bâti ancien sans empiéter sur les terres agricoles.

Il faut bien évidemment des règles différentes pour le DPE des bâtiments historiques. Nous savons aussi isoler les bâtiments historiques par l'intérieur, notamment pour les maisons à colombages. Il faut faire quelques exceptions sur ces bâtiments d'exception.

En ce qui concerne les compétences et les ingénieurs, 17 % de nos apprentis et alternants font des études supérieures. Les formations post-bac, brevets de technicien supérieur (BTS), bachelor universitaire de technologie (BUT) et écoles d'ingénieurs forment de plus en plus de personnes ; dans la section de l'École supérieure de commerce de Paris (ESCP) relative à notre secteur, on compte autant de filles que de garçons. La promotion des métiers fonctionne bien, et nous attirons de plus en plus dans le supérieur.

Je ne souscris pas pour autant tout à fait à vos propos, madame la sénatrice. Les ingénieurs de haut niveau vont d'abord dans de grosses entreprises, puis reviennent parfois quelques années plus tard dans des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou des PME, et créent parfois leur propre entreprise. Nous avons fait un travail de communication sur l'importance de l'innovation dans les métiers du bâtiment. En septembre, la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle (IA) et du numérique, Clara Chappaz, nous a reconnus comme « Ambassadeur IA ». Depuis plus de cinq ans, la FFB a en effet une commission dédiée, l'intelligence artificielle nous fournissant des outils extraordinaires, portés souvent par de toutes petites entreprises, de plus en plus nombreuses. Cela dit, il est vrai que certains ingénieurs se dirigent souvent vers de grandes sociétés ou vers les métiers du numérique. Nous avons développé la construction digitale numérique, sous le sigle BIM (Building Information Modelling), dont le champion du monde lors de la compétition des Worldskills de l'an dernier est d'ailleurs français. Nous mettons de l'énergie en ce qui concerne les nouvelles technologies, les nouveaux matériaux et la recherche. Ce n'est qu'en faisant la promotion de nos métiers et en étant plus attractifs que nous parviendrons à garder les bons cerveaux dans les bureaux d'études. Tous les bâtiments de bois et d'acier de Paris et de France, ce sont des entreprises et des bureaux d'études qui les ont réalisés : nous en sommes fiers.

Mme Anne-Catherine Loisier. - La RE2020 constitue un sujet, les jalons de ses prochaines exigences approchant. La RE2020 est aussi un vecteur d'innovations : elle plaide pour l'emploi de matériaux mixtes, qui manquait jusqu'à aujourd'hui. La RE2020 impose qu'il y ait entre 20 % et 50 % de matériaux biosourcés dans chaque nouvelle construction. La plupart de nos voisins, les Allemands ou les Autrichiens par exemple, utilisent beaucoup de bois dans leurs constructions, sans que cela ait emporté des conséquences négatives pour l'accès à la propriété. Nous devrons en effet nous assurer que les paliers fixés pour les prochaines échéances seront bien accessibles pour l'ensemble des entreprises. La RE2020 n'impose rien en matière de rénovation, où les coûts sont également élevés. Disposez-vous d'éléments en la matière ?

Nous sommes en effet seuls à avoir une filière REP PMCB aussi élargie, s'appliquant à tous les matériaux de la construction. Les collectivités s'occupent des déchets ménagers, mais pas des déchets professionnels, et se plaignent souvent du coût de traitement de ces derniers. Comment améliorer la collecte des déchets professionnels sur l'ensemble du territoire ? La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat mène une mission sur les surcoûts de construction et d'aménagement liés aux normes et aux règles de la commande publique, qui fait notamment apparaître que certains concepteurs de projet en cause mettent parfois ceinture et bretelles. Un de nos collègues a déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoire le recours à un économiste de la construction indépendant et qualifié. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, disposez-vous d'éléments chiffrés sur la baisse des installations de chaudières à bois liée à la diminution des aides MaPrimeRénov' ?

Mme Martine Berthet. - Je souhaite revenir sur la filière REP, qui intéresse beaucoup les élus que nous sommes. Dans mon département de la Savoie, le secteur du bâtiment est assez fort, mais les zones pour entreposer les déchets du bâtiment sont très restreintes, ce qui pose problème.

La rénovation des lits touristiques constitue un enjeu très important pour la montagne. Certes, le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 prévoit une expérimentation, mais cette dernière restera limitée. Avez-vous des propositions pour accélérer la rénovation des lits touristiques en montagne ?

J'ai été rapporteure au Sénat de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements. Voyez-vous déjà des effets positifs à l'adoption de ce texte ?

M. Henri Cabanel. - Merci d'avoir rappelé que, quand l'État investit un euro, cela rapporte. Nous avons du mal à comprendre la difficulté de Bercy à corréler dépenses et recettes.

Merci également d'avoir rappelé que, si la RE2020 coûte cher au moment de la construction, elle est économe à terme, notamment pour les locataires. De ce point de vue, il y a peut-être un manque de communication positive. Qu'en pensez-vous ?

Je souhaite revenir sur les fraudes à MaPrimeRénov', qui ont concerné des montants importants, de l'ordre de 200 millions à 400 millions d'euros et conduit l'État à arrêter le dispositif. Comment peut-il y avoir encore des entreprises frauduleuses qui fournissent des papiers illicites, avec de faux labels RGE, alors que nous pourrions trouver une parade, notamment grâce à l'intelligence artificielle ? Avez-vous des solutions pour évincer ces entreprises qui portent atteinte à celles que vous défendez ?

M. Daniel Salmon. - Nous sommes d'accord sur un certain nombre de points : la stabilité dont ont besoin les entreprises, ainsi que la lisibilité.

Le confort d'été est fondamental. Quand on construit un bâtiment, qui est appelé à durer plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, il faut se projeter dans une France à + 4 degrés Celsius. Quel regard portez-vous sur la réglementation, et quelles évolutions seraient selon vous bienvenues ?

Nous notons tous les dysfonctionnements des éco-organismes. Peut-être faudrait-il lancer une mission d'information sur ce sujet...

Enfin, je partage avec vous la nécessité de remettre de la fierté dans les métiers du bâtiment, car construire est un acte valorisant.

M. Olivier Salleron. - Au départ, la RE2020 n'était pas utilisable, mais on a désormais mis en phase certains secteurs - le bois, l'acier, le béton... -, et la mixité est possible. Vous n'imaginez pas la pression des lobbies des 33 unions de métiers que compte la FFB qui a existé à l'époque. Il a fallu tout mettre en musique. Aujourd'hui, on construit beaucoup plus en mixité. Continuons ! Il existe tellement de matériaux de récupération et de retraitement.

Les autres pays font aussi bien, quelquefois mieux, mais les obligations ne sont pas les mêmes. Nous devons être fiers de la RE2020 et de nos artisans et entrepreneurs.

Certains immeubles dont la structure et le bardage sont en bois n'ont pas l'agrément du chef des pompiers, même s'ils ont respecté la réglementation. Vous connaissez la réglementation incendie. Pour éviter les situations de ce genre, il faut inviter le référent départemental avant le projet.

Que ce soit dans la rénovation ou dans le neuf, les matériaux ont un coût. Je rappelle que les coûts ont explosé entre 2021 et 2022. Par ailleurs, le coût de la main-d'oeuvre a également augmenté, notamment en raison de l'inflation.

La massification peut conduire à l'industrialisation des tâches. Il n'est qu'à parler d'EnergieSprong : certains entrepreneurs s'y sont mis, mais ils n'ont aujourd'hui quasiment plus de marché, car cela coûte cher. Pourtant, nous avons tout ce qu'il faut : drones, caméras... Il faut massifier la rénovation énergétique pour peut-être gagner sur les coûts.

Que dire sur les déchetteries professionnelles ? La REP PMCB a été lancée sans expérimentation sur tout le territoire et a concerné l'ensemble des entreprises, quelques éco-organismes et toutes les déchetteries professionnelles, que celles-ci soient municipales ou pas. Au moment du lancement de la filière REP, au 1er janvier 2023, les déchetteries publiques ne voulaient plus prendre nos matériaux, alors que rien n'était prêt. Même si certaines se sont débarrassées de leurs déchets de façon illégale, les entreprises ont été très vertueuses et le sont encore. Pourtant, elles paient deux fois : les matériaux sont plus chers et elle doit avoir recours à des bennes. Cette injustice conduira peut-être les artisans à manifester.

Il faut vraiment une réforme de la filière REP et convaincre les écocontributeurs qu'ils ne sont pas là pour faire de l'argent.

Il y a déjà des économistes de la construction sur les grandes constructions et les constructions publiques, notamment Untec. De là à en prévoir partout, même sur les petites constructions... Pourquoi pas, peut-être sur le modèle de MonAccompagnateurRénov' ? Cela signifie que leurs prestations coûteront quelques milliers d'euros. Si c'est pour sécuriser la démarche, je ne suis pas contre, mais il ne faut pas multiplier les intervenants. Les entreprises savent chiffrer.

Je rappelle que MaPrimeRénov' chaudière bois commencera le 1er janvier prochain. Ce sera toujours bon pour les Français qui veulent se chauffer avec ce combustible.

La rénovation des lits touristiques est un problème que nous avons également soulevé de nombreuses fois, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Il est vrai que nous avons un laps de temps limité. C'est un peu comme à Saint-Pierre-et-Miquelon : là-bas, ils ne travaillent absolument pas pendant quatre mois de l'année. C'est le cas en moyenne et en haute montagne. Nos entrepreneurs de Savoie et des autres départements alpins y sont très habitués.

Peut-être devrions-nous nous inspirer de ce qui a fonctionné pour Notre-Dame ou pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, c'est-à-dire la simplification : des permis de construire, des autorisations, des recours, de tout, sauf de la sécurité. Vous avez vu que, pour les jeux Olympiques et Paralympiques, pour Notre-Dame, le bilan a été de zéro décès : tout a été bien surveillé. Il y a eu la Solideo pour 2024. De même, pour 2030, un organisme mixte et paritaire doit pouvoir se mettre en place.

Mme Martine Berthet. - En vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, la Solideo Alpes 2030 a été créée et le projet de loi prévoit des dérogations en matière d'urbanisme. Le problème reste surtout la rénovation des lits touristiques.

M. Olivier Salleron. - Bien sûr. S'agissant de la transformation des bureaux en logements, le processus est long, difficile et compliqué techniquement. Les bureaux ne sont pas forcément placés là où sont les lieux de vie, notamment en grande couronne. De plus, ils n'ont pas été prévus pour le chauffage, l'évacuation des eaux ou l'isolation, tous ces éléments qui sont prévus dans les normes RE2020. À l'époque de leur construction, ces normes n'existaient pas. C'est donc très lourd, très cher, mais c'est une solution qu'il faut effectivement appliquer. Il va falloir récupérer ces bureaux désormais vides un peu partout sur le territoire, et surtout dans les zones tendues où il y a un besoin de logements.

Oui, c'est vrai, la RE2020 est plus vertueuse. Toutefois, la construction de logements représente à peine 1 % du parc chaque année. Évidemment, il est plus vertueux de construire que de rénover au niveau environnemental. L'étiquette est meilleure. Sur ce point, il faut continuer.

Concernant la fraude à MaPrimeRénov', je suis totalement d'accord avec vous. Nous recourons largement à l'intelligence artificielle afin de simplifier nos appels d'offres, d'analyser les données et de détecter d'éventuelles anomalies. Il existe aujourd'hui de nombreuses solutions technologiques - il y en a près de 180 sur le marché, en plus de ChatGPT - capables d'identifier les sociétés qui, sur l'ensemble du territoire, présentent des devis uniformes, souvent d'un montant fixe avoisinant les 70 000 euros. Ces pratiques frauduleuses sont connues dans les régions : les services en ont parfaitement identifié les auteurs et peuvent les signaler.

L'Anah, comme je l'ai indiqué, s'est parfois trouvée déconnectée du tissu d'entreprises locales, ce qui a pu fragiliser le dispositif. Pourtant, sur le terrain, ses agents savent reconnaître les acteurs indélicats et les sociétés aux noms évocateurs, comme Rénov'Tout par exemple, dont les dirigeants, anciens marchands de tapis sans doute, se sont improvisés professionnels du bâtiment dans le seul but de tirer profit des aides publiques. Ces agissements représentent plusieurs centaines de millions d'euros de pertes et doivent être combattus sans relâche. Les précédentes campagnes d'isolation à un euro ou de pompes à chaleur gratuites ont malheureusement attiré des individus peu scrupuleux, voire des escrocs.

S'agissant de la réglementation environnementale, la stabilité et la lisibilité demeurent essentielles. Vous avez évoqué à juste titre la question du confort d'été : il est désormais pleinement pris en compte dans la RE2020. Jusqu'à récemment, un simple store n'était pas considéré comme un dispositif de protection solaire, alors qu'il peut réduire de plusieurs degrés la température intérieure d'un logement. L'évolution de la réglementation vers une meilleure intégration des protections solaires constitue donc une avancée, notamment face à la multiplication des épisodes de canicule.

Les exigences en matière de ventilation ont également progressé. Le recours au « free cooling » - la ventilation nocturne qui permet de faire entrer l'air frais durant les heures les plus tempérées, généralement autour de minuit ou de deux heures du matin - permet d'éviter que la chaleur ne s'accumule dans les habitations pendant plusieurs jours consécutifs. Ces solutions, déjà déployées dans de nombreux bâtiments publics et privés, peuvent être adaptées aux logements individuels et constituent une réponse concrète aux défis climatiques à venir.

Enfin, sur le plan social, le secteur du bâtiment a pris de l'avance. Il est le seul à avoir instauré, l'an dernier, un dispositif de « chômage intempéries » spécifique aux épisodes de canicule. Dès qu'une alerte orange ou rouge est émise par Météo-France, l'entrepreneur peut suspendre les chantiers pour protéger les salariés exposés. Certes, l'indemnisation n'est que partielle, mais cette mesure, décidée unilatéralement par la profession et non à la demande des organisations salariales, illustre l'engagement du secteur en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Elle participe également à renforcer l'attractivité des métiers du bâtiment, dont le dynamisme en matière de recrutement témoigne aujourd'hui des efforts accomplis.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Un grand merci, monsieur le président, pour les deux heures et demie que vous nous avez consacrées dans le cadre de cet échange particulièrement nourri, précis et détaillé. Vos interventions ont témoigné de votre engagement et de votre conviction. Il nous appartient désormais de parvenir à instaurer la stabilité et la lisibilité que nous appelons toutes et tous de nos voeux depuis bien trop longtemps, mais qui, force est de le constater, tardent encore à se concrétiser. Nous faisons trop souvent face à une succession d'avancées et de reculs, de décisions contradictoires qui entretiennent une forme d'instabilité préjudiciable.

Cette situation pèse lourdement sur l'ensemble des entreprises que vous représentez, dans un secteur d'activité essentiel à l'économie de notre pays et au dynamisme de nombreux territoires. Dans le mien, par exemple, le BTP constitue, aux côtés de la restauration, de l'hôtellerie et des services, l'un des principaux piliers économiques. Sans lui, c'est toute l'activité locale qui se trouverait fragilisée.

Sachez que nous vous apportons tout notre soutien. Nous sommes à vos côtés, en tenant compte des spécificités propres à chacun de nos territoires, et nous continuerons à être attentifs à vos préoccupations comme à vos propositions, afin de faire progresser, ensemble, les solutions attendues.

M. Olivier Salleron. - Merci de votre accueil. Nous restons à votre disposition, toujours dans un esprit de dialogue ouvert et constructif.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de nomination de Mme Marie-Ange Debon, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du conseil d'administration de La Poste - Désignation d'un rapporteur

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, le Président de la République a enfin proposé, la semaine dernière, deux candidats pour des nominations sur lesquelles le Parlement est appelé à se prononcer au titre de l'article 13 de la Constitution. L'examen de la candidature de Jean Castex aux fonctions de président de la SNCF revient à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et il revient à la nôtre de désigner un rapporteur pour la proposition de nomination de Mme Marie-Ange Debon à la présidence du conseil d'administration de La Poste, en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Nous avons commencé à rechercher une date pour auditionner Mme Marie-Ange Debon dans des délais assez courts, le groupe La Poste ne pouvant se passer d'un président-directeur général plus longtemps. Nous ne sommes pas en cause, le Président de la République, qui a encore trop procrastiné, ayant largement eu le temps de ne pas proposer une candidature dans la précipitation et l'urgence. Nous envisageons des auditions successives au Sénat et à l'Assemblée nationale la semaine du 20 octobre, mais le Président du Sénat a été très clair en la matière : il ne peut y avoir d'audition au titre de l'article 13 de la Constitution tant que le Gouvernement n'a pas été nommé puisque ces nominations nécessitent un contreseing ministériel. Si nous sommes aujourd'hui dans le flou, nous serons en mesure de mener cette audition, sans précipitation et sans pression, dès que possible en accord avec la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

La commission désigne M. Patrick Chaize rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Marie-Ange Debon aux fonctions de présidente du conseil d'administration de La Poste, en application de l'article 13 de la Constitution.

Organisation des travaux

M. Henri Cabanel. - Pourrions-nous, exceptionnellement, en raison de la situation particulière, tenir la réunion de la commission des affaires économiques prévue la semaine prochaine par visioconférence ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il me semble important de montrer que le Sénat continue de travailler. Les réunions de groupe ont lieu le mardi matin. Même si les travaux parlementaires sont ajournés, nos mandats continuent. Nous avons établi un programme, et nos collègues doivent nous présenter des rapports d'information importants sur le logement des jeunes et sur l'avenir de la filière automobile. Le 22 octobre prochain, nous auditionnons Mme Catherine MacGregor, directrice générale d'Engie. Les travaux en séance publique sont certes ajournés, mais le Sénat reste au travail, et nous devons montrer le sérieux qui nous anime.

La réunion est close à 12 h 15.