Jeudi 16 octobre 2025
- Présidence de Mme Micheline Jacques, présidente -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Audition de M. Manuel Marcias, auteur de l'étude de la Banque de France « Quelles perspectives pour le commerce extérieur des territoires français ultramarins ? »
Mme Micheline Jacques, présidente. - Chers collègues, dans le cadre de notre étude sur la coopération régionale dans le bassin Atlantique, que nos deux rapporteures Evelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion, et Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d'Oise, sont en train de finaliser, nous accueillons ce matin M. Manuel Marcias, économiste, auteur d'une étude récente et remarquée de la Banque de France intitulée « Quelles perspectives pour le commerce extérieur des territoires français ultramarins ? ». Nous sommes vraiment dans le vif du sujet.
Monsieur Marcias, nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Vous êtes économiste, chargé d'études économiques au sein des instituts d'émission d'outre-mer (Iedom-Ieom). Vos missions incluent la réalisation d'études sectorielles et macroéconomiques, ainsi que la participation à des rapports sur l'attractivité des territoires ultramarins.
L'insuffisante intégration des outre-mer dans leur environnement proche, déjà observée l'an dernier pour les collectivités du bassin océan Indien, et leur dépendance marquée à l'Hexagone ont conduit notre délégation à rechercher des pistes d'amélioration concrètes pour nos outre-mer.
Votre étude nous a intéressés, car elle établit l'existence pour ces territoires d'un potentiel de commerce encore largement sous-exploité avec leur environnement régional.
En conséquence, nos interrogations concernent en particulier la politique commerciale que vous recommandez pour les différents territoires, en particulier la Guyane, les Antilles françaises et Saint-Pierre-et-Miquelon. Quels accords manquent, selon vous ? Faut-il par exemple privilégier des accords ciblés par produit ?
Comme à notre habitude, un questionnaire indicatif vous a été transmis afin de guider nos échanges.
Je laisserai nos rapporteures vous poser des questions après votre exposé liminaire. Puis, ce sera le tour des autres collègues qui le souhaitent. Je salue nos collègues qui assistent à cette réunion en visioconférence.
M. Manuel Marcias, auteur de l'étude de la Banque de France intitulée « Quelles perspectives pour le commerce extérieur des territoires français ultramarins ? ». - Merci de nous permettre de vous présenter les résultats de nos travaux. J'ai préparé un diaporama qui présente le contexte de notre étude et quelques résultats.
D'où vient notre volonté de mener cette étude ? La question du commerce extérieur des territoires français ultramarins, qui est essentielle, a été remise à l'ordre du jour par la publication de nombreux rapports, du conseil économique, social et environnemental (Cese) comme du Parlement, sur le problème de la vie chère et son impact sur les populations ultramarines. La plupart des biens consommés outre-mer sont importés, ce qui a une incidence sur leur coût.
Il s'agit donc d'abord d'un intérêt de politiques publiques, auquel s'ajoute un intérêt scientifique. Les douanes transmettent à l'Iedom (Institut d'émission des départements d'outre-mer) des données très précises sur les exportations des territoires ultramarins, ainsi que sur le commerce entre les territoires ultramarins et le reste du monde (autres territoires ultramarins, Hexagone, pays étrangers). Cela nous donne une base de travail très précise et assez unique.
Nous souhaitions enfin compléter la littérature sur ce sujet et renouveler des études produites il y a une dizaine d'années en remettant à jour nos modèles.
Dans cette étude, nous parlons exclusivement de commerce de marchandises et de biens et non de commerce de services.
Les outre-mer souffrent d'une double « insularité ». Les guillemets s'imposent. En effet, si tous les territoires ultramarins ne sont pas des îles, en revanche, d'une part, tous sont isolés dans leur environnement géographique, au sens où ils appartiennent à un bassin isolé (Caraïbes, océan Indien...), c'est-à-dire des territoires avec de petites économies insulaires - c'est la première insularité - ; d'autre part, ils sont victimes d'un isolement au sein de territoires déjà isolés - c'est la seconde insularité.
Les territoires ultramarins se trouvent donc dans un environnement géographique « insulaire » qui vont contraindre leur accès au commerce international.
D'abord, le marché intérieur est très étroit, du fait du faible nombre d'habitants. Il est difficile de développer une industrie large et compétitive. Qui imaginerait développer l'industrie automobile en Guadeloupe ?
Ensuite, certains territoires sont isolés économiquement : ils sont loin de l'Union européenne continentale, de l'Asie ou des États-Unis.
Enfin, leur économie faible limite le nombre de produits qu'ils peuvent exporter et crée un risque lié aux fluctuations de ces biens spécifiques sur les marchés internationaux. C'est le cas de la Nouvelle-Calédonie avec le nickel.
Comment rendre les territoires ultramarins plus autonomes, moins dépendants de l'Hexagone, et améliorer la diversification de leurs exportations ?
Si l'on ne prend que la dimension géographique, on se rend compte à quel point certains territoires sont éloignés des principaux pôles économiques mondiaux et l'on s'aperçoit que nos territoires ultramarins ont des valeurs d'indices très faibles, surtout les bassins Indien et Pacifique. Pour ces territoires, les distances à parcourir pour écouler leurs marchandises et accéder à des marchés sont beaucoup plus importantes que pour le reste du monde. Cela pose des problèmes de coût, mais aussi de connaissance des marchés étrangers. La distance a un effet de complexification. La Guadeloupe et la Martinique sont deux exceptions, en raison de leur proximité avec les États-Unis.
L'isolement est également logistique. La plupart des marchandises arrivent et partent par voie maritime. Le niveau d'intensification des lignes maritimes est donné par l'indice de connectivité (fréquence des bateaux, nombre de lignes connectées, tonnages...). Si les territoires ultramarins ont des performances plutôt faibles, certains d'entre eux arrivent à se distinguer. C'est le cas de la Nouvelle-Calédonie, grâce au nickel, et de la Polynésie française, tellement isolée que des lignes ont dû être créées.
Les ports ultramarins français sont à la charnière : ils ont une faible connectivité à l'échelon international, mais ils parviennent à concurrencer les plus grands ports régionaux. C'est le cas de la ligne La Réunion-île Maurice, grâce au hub CMA CGM situé à La Réunion.
Même si c'est difficile, les territoires ultramarins exportent-ils ? Oui, et certains plus que d'autres. Ces territoires répondent à des spécialisations sectorielles qui sont communes à l'ensemble des petits États insulaires en développement.
Deux possibilités s'offrent à eux : soit les territoires ultramarins exploitent une ressource naturelle - le nickel en Nouvelle-Calédonie - qu'ils exportent, avec une spécialisation totale ; soit ils profitent d'un avantage comparatif dans des secteurs agricoles - le sucre à La Réunion, la banane à la Martinique, ou encore le rhum à la Martinique et en Guyane. Je signale une spécificité pour la Martinique où l'implantation de la société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara) permet une exportation importante d'hydrocarbures.
On le voit, la première insularité a un impact sur le commerce international. Ces territoires possèdent des similarités avec leurs voisins en matière d'exportations : ils sont soumis aux mêmes contraintes.
Pour autant, au sein de leur environnement géographique, ils peinent à s'intégrer. C'est ce que j'ai appelé la double insularité.
Ils ont des PIB par habitant beaucoup plus importants que les pays voisins. Si le niveau de développement est beaucoup plus important, le niveau de vie et les coûts de production le sont également beaucoup plus.
Ainsi, les logiques de spécialisation sont les mêmes : ils produisent les mêmes biens, mais plus cher, ce qui pose des problèmes d'exportation.
Par ailleurs, la faible intégration des économies ultramarines dans leur environnement régional et à l'international est également un facteur d'isolement.
Dans leur commerce, les outre-mer français dépendent de façon quasi-exclusive de l'Hexagone et des autres territoires ultramarins. Si l'on prend l'exemple de la Guadeloupe et de la Martinique, cela représente 80 % des exportations et 60 % des importations.
Mme Micheline Jacques, présidente. - Quel est le poids des normes ?
M. Manuel Marcias. - Nous n'avons pas réalisé d'étude spécifique sur les normes, mais nous avons montré que l'impact des droits de douane était assez limité. Ce sont d'autres causes qui expliquent cette situation.
Mme Micheline Jacques, présidente. - Le président Trump a initialement annoncé 10 % de droits de douane pour les territoires insulaires et ultramarins, mais ce sont finalement les mêmes que pour l'Hexagone qui ont été décidés. Cela a-t-il un impact sur les exportations et les importations ?
M. Manuel Marcias. - Les droits de douane ont un impact sur le commerce international, les études le montrent, mais ce n'est pas l'objet de notre travail.
Appartenir à une zone de libre-échange a une incidence et facilite le commerce. Qui dit droits de douane dit prix plus élevés pour le consommateur et baisse de la demande. Sur les droits de douane aux États-Unis, il y a eu beaucoup de revirements : il est donc difficile d'avoir une idée précise de ce qui se passera.
Globalement, les exportations des outre-mer vers les États-Unis, à part pour Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie française, n'atteignent pas des niveaux très élevés : pour la Guadeloupe et la Martinique, elles représentent moins de 5 %. Il faut aider les entreprises guadeloupéennes et martiniquaises à pénétrer le marché américain, qui est un marché potentiel, et explorer d'autres pistes. Ce n'est pas uniquement dû aux droits de douane.
En revanche, près de 40 % des importations de la zone Caraïbes viennent d'Amérique du Nord, contre moins de 10 % pour la Martinique et la Guadeloupe.
En Guyane, qui se trouve pourtant dans un environnement économique qui n'est pas comparable, les constats sont très similaires. En matière d'exportations comme d'importations, la dépendance vis-à-vis de la France est très forte, alors même que la Guyane se trouve à proximité immédiate du Brésil, qui pourrait être un fournisseur de nombreux biens.
On raisonne sur des valeurs théoriques, mais on n'étudie pas la dimension logistique. Ainsi, il n'existe pas de liaison directe entre le Brésil et la Guyane qui permettrait des exportations importantes ; une grande ligne CMA CGM relie la France, la Guyane et le Brésil, puis revient en Europe. La logistique est capitale : il faut développer les ports et les lignes maritimes.
Pour revenir à notre question de départ, c'est-à-dire la vie chère, les départements et régions d'outre-mer (Drom) se fournissent principalement sur le marché européen à des prix bien plus élevés que dans leur zone, ce à quoi s'ajoutent des frais de transport et des frais de grossistes.
Mon graphique s'appuie sur les statistiques produites par l'Autorité de la concurrence en 2019 à propos des coûts moyens dans les cinq Drom.
Deux blocs nous intéressent : le premier, c'est le prix des marchandises à l'origine, qui représente 50 % du prix final. Le deuxième, ce sont les frais d'approche - grossistes, octroi de mer et transport -, qui en représentent 32 %. En faisant venir les marchandises de moins loin, nous pourrions agir sur ces deux facteurs. Notez que nous n'avons pas abordé la question de l'octroi de mer dans notre étude...
M. Manuel Marcias. - Mais le protocole de Fort-de-France a ouvert la question ; il sera intéressant de voir les effets de ce protocole très ambitieux sera appliqué en Martinique.
Revenons à notre étude scientifique théorique, consistant à soumettre des données à un modèle pour obtenir à travers des estimations statistiques une image de ce qui est envisageable.
Je ne vous présente pas d'équations - sinon dans une diapositive en annexe ; pour faire simple, nous cherchons à expliquer les exportations d'un pays I vers un pays J en fonction de trois groupes de facteurs. Le premier concerne la capacité du pays exportateur à exporter : coût du travail, conditions à l'export, infrastructures. Le second porte sur la capacité du pays importateur à importer : niveau de vie, ouverture du marché, etc. Le troisième agrège des caractéristiques de chaque couple de pays : l'échange est-il facile ou non ? quels sont les coûts au commerce, les liens historiques, la distance, etc. ?
Cela nous permet d'obtenir un graphique pour l'ensemble des situations envisageables. Nous constatons un gros défaut d'export de la Martinique et de la Guadeloupe vers les États-Unis. Dans mon graphique, le point rouge représente ce que chaque territoire exporte vraiment vers les États-Unis en 2021 ; le point noir représente ce que, selon notre modèle, la géographie devrait déterminer. En comparaison avec les autres économies de la région, la Martinique et la Guadeloupe exportent plutôt peu vers les États-Unis ; surtout, elles sont assez loin de leur potentiel, alors que, pour les économies les plus exportatrices, le réel égale plus ou moins le potentiel.
Reprenons les trois groupes de facteurs ou effets. La capacité à exporter est globalement assez élevée : aucune contrainte n'empêche les exportations et celles-ci sont fortes vers l'Hexagone. La capacité générale à importer des États-Unis est la même pour tous. Reste l'effet « couple de pays ». Avec les États-Unis, il est plus fort pour la Martinique et la Guadeloupe que pour les autres pays de la zone.
La Martinique et la Guadeloupe présentent des coûts au commerce vers cette destination plus importants : cela représente 30 % du potentiel pour la Guadeloupe et 12 % pour la Martinique.
Allons plus loin dans l'analyse. Le potentiel est donc plus bas que pour les voisins, mais imaginions qu'il soit le même. La Martinique et la Guadeloupe pourraient exporter respectivement 25 millions et 33 millions de dollars de plus par an vers les États-Unis. Le potentiel est inexploité et même sous-estimé.
Intéressons-nous spécifiquement aux produits agroalimentaires. La Barbade, île voisine, exporte en effet énormément vers les États-Unis, principalement des produits agroalimentaires, notamment du rhum. C'est sans commune mesure : le rhum de la région s'exporte en effet très bien vers les États-Unis, sauf depuis la Martinique et la Guadeloupe. Ces exportations pourraient être multipliées par 5 pour la Martinique et par 3,6 pour la Guadeloupe.
Ces deux Drom sont les deux pays de la zone qui pâtissent le plus de l'effet couple pays avec les États-Unis. Pourquoi ? nous n'avons pas de réponse définitive, mais nous avons des pistes.
Première piste : les droits de douane. La différence entre les territoires ultramarins et les pays voisins est que ces derniers font partie des pays d'Afrique, Caraïbe, Pacifique (ACP) bénéficiant d'accords préférentiels avec la plupart des pays développés. Ils ne paient donc pas de droits de douane à l'export vers les États-Unis, tandis que la Martinique et la Guadeloupe paient les mêmes droits que l'Union européenne. Cela peut changer avec la stratégie de Trump de différencier les droits pour les territoires insulaires, mais il restera malgré tout des tariffs.
Deuxième piste : la logistique. Il faudrait mener des études sur les difficultés de ce côté-là, qui obèrent la capacité à exporter vers les États-Unis. Actuellement, ce que ces derniers achètent passe d'abord par le marché européen avant d'être réexporté aux États-Unis.
Enfin, pour exporter, il est nécessaire de connaître le marché de destination. Il est plus facile d'exporter vers une métropole avec laquelle on partage la langue, à travers des circuits logistiques peu coûteux. Pour exporter aux États-Unis, il faut trouver un distributeur, traduire les étiquettes, choses très coûteuses pour des entreprises, surtout ultramarines, faute d'expérience en la matière.
Vous m'interrogez sur le rôle que pourraient jouer les grands acteurs du développement des entreprises en France. Je travaillais à Business France avant de travailler à l'Iedom ; je connais donc mieux cet acteur que les chambres de commerce et d'industrie. Son rôle est très important. Il dispose d'une expertise importante sur les marchés à haut niveau de vie, notamment les États-Unis, une connaissance sectorielle, lui permettant de réaliser des études de marché. Les entreprises ultramarines peuvent demander à Business France d'organiser des voyages pour rencontrer des distributeurs ; elles peuvent demander des subventions pour payer les prestations de cet organisme, qui peuvent être chères. Pour cette projection, qui n'est ni facile ni innée, les entreprises ultramarines doivent être accompagnées par des acteurs publics.
Dans la vie chère, les importations sont au centre. Nous nous sommes interrogés sur les conséquences de l'accord entre le Forum Caribéen des États de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Cariforum) et l'Union européenne, notamment sur les Antilles et la Guyane : on pourrait penser que, si l'on diminue les tarifs douaniers, cela permettra d'importer davantage des pays alentour. Les premiers résultats de travaux prospectifs montent qu'a priori, cela n'a pas eu d'impact. La baisse des droits de douane n'est donc pas la solution à tout et ne suffira pas à mieux intégrer les outre-mer. D'autres choses jouent, qu'on appelle les barrières non tarifaires.
Les normes, d'abord : pour la construction, les Drom importent des biens de l'Union européenne aux normes CE, alors qu'on pourrait faire venir de pays plus proches des matériaux qui, quoique non conformes à ces normes, pourraient s'avérer plus adaptés aux conditions climatiques.
Il y a eu une avancée : un vote du Parlement européen en juin 2024 ouvre une négociation sur des normes relatives aux régions ultrapériphériques (RUP), ce qui a été validé au niveau français. Des comités consultatifs des normes doivent être mis en place dans chaque territoire pour déterminer des normes RUP permettant l'import de biens ne respectant pas les normes CE. Cela devrait avoir un effet important.
On ne peut pas faire d'étude a priori sur ce sujet ; il faudra donc en faire une a posteriori. Les comités consultatifs devront établir des normes protégeant la sécurité des consommateurs, mais adaptées aux territoires.
C'est aussi pour des raisons logistiques que les Drom importent de l'Hexagone : les lignes arrivent depuis l'Europe ; les grandes enseignes se fournissent sur leurs plateformes logistiques : en Nouvelle-Calédonie, Super U propose des produits U. C'est plus simple de les faire venir de l'Hexagone.
C'est enfin en raison des liens historiques : l'habitude de commercer, la langue, l'absence de formalités, et les habitudes culturelles concernant les biens à consommer.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Merci infiniment. Vous clôturez nos auditions et votre analyse technique nous éclaire sur les sujets que nous avons abordés auparavant. Vous êtes très clair, et votre analyse correspond à notre ressenti. N'étant pas élue des outre-mer, j'ai appris beaucoup de choses. La situation est complexe, mais rien n'est impossible !
Vous avez parlé tout à l'heure du rhum qui n'est pas exporté aux États-Unis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater, au tout début de nos auditions, que l'on trouve, aux États-Unis, du rhum en provenance de tous les autres pays - Colombie, etc. -, mais pas le nôtre ! Il est vrai qu'il existait, bien avant la taxe Trump, une taxe très importante sur les rhums. Cependant, rien n'est impossible pour autant. Il faut que nous arrivions à percer ce marché.
Sur la barrière de la langue, je pense qu'il n'est pas compliqué de coller des étiquettes bilingues... Il faut peut-être que nous essayions de pousser un peu les choses, car ces territoires ont besoin de se développer avec les acteurs locaux.
Je pense que vous avez posé aujourd'hui certaines clés que tout le monde devra s'approprier.
On peut peut-être aussi se demander s'il n'y a pas une complexité qui tient à la manière dont la vie et le développement de ces îles sont organisés. Il me semble que c'est le cas : tout le monde s'occupe de tout, mais pas de manière individualisée, si bien que l'on n'avance pas beaucoup. Nous savons que, partout, y compris dans l'Hexagone, des mille-feuilles nous empêchent d'avancer. Ces mille-feuilles sont peut-être cependant encore plus handicapants dans ces territoires. Avez-vous pu avoir une réflexion à ce sujet ?
M. Manuel Marcias. -Non, je n'ai pas du tout étudié la complexité liée à l'existence de différentes structures.
Lors d'une conférence Arum (Actes de la recherche ultramarine) sur l'économie ultramarine - ces conférences Arum sont organisées tous les deux ans -, une élue du bassin Atlantique a déclaré que nous disposions de financements, mais que nous manquions d'ingénierie de projet, ce qui ne nous permet pas de répondre de manière satisfaisante aux demandes d'aides. Nous proposons des aides, mais nous ne donnons pas aux territoires les moyens de s'en saisir. Accorder des aides ne suffit pas ! Il faut également accompagner les entreprises. Il est nécessaire que les organismes tels que Business France ou les chambres de commerce et d'industrie, par exemple, les aident à intégrer ces financements dans leur développement.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Vous avez également abordé un vrai sujet, qui est mentionné quasiment à chaque audition : celui des normes européennes. Vous avez raison de rappeler qu'elles protègent, au niveau sanitaire ou en matière de sécurité. Cependant, nous nous apercevons qu'elles sont aussi très bloquantes pour les territoires ultramarins. Comme je le dis souvent, nous avons construit l'Europe sans songer que nous avions des territoires ultramarins. Il faut dire que, parmi les pays européens, la France est celui qui a le plus de territoires ultramarins ! Les autres n'en ont pas, ou quasiment pas. Le sujet n'a donc pas dû s'y poser de la même manière. C'est, pour nous, une double difficulté d'adaptation.
Vous avez parlé du lien entre la Guyane et le Brésil. Nous avons pu constater le poids des contraintes lors d'un déplacement que nous avons effectué. Il existe même parfois des infrastructures qui permettraient une gestion différente, mais cela ne se fait pas. C'est un vrai sujet, que vous avez raison de soulever. Sur cette question des liens, la logistique est fondamentale.
M. Manuel Marcias. - Nous pourrons proposer tous les dispositifs possibles et imaginables, s'il n'y a pas de liens de transport entre deux pays, les exportations et les importations ne se feront pas.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Bien sûr !
Je vous remercie, car vous avez répondu à toutes les questions que nous vous avions fait passer. Vos schémas sont très éclairants sur les forces et faiblesses de nos territoires.
Mme Solanges Nadille. - Merci pour vos premiers propos.
Vous êtes-vous intéressé à la question des monopoles dans les territoires ultramarins et à leurs conséquences ?
Je vous rejoins sur de nombreuses conclusions de votre étude, mais il y a une particularité que vous n'avez pas citée : la triple insularité pour les territoires qui sont eux-mêmes composés de plusieurs îles, comme la Guadeloupe ou la Polynésie. Il me semble que ce problème n'est pas pris en compte au niveau national.
Pour ma part, je considère que l'ingénierie ne manque pas : c'est une stratégie nationale qui consiste à empêcher l'ouverture vers le continent américain. De fait, si nous exportons vers l'Amérique, nous pouvons aussi chercher à importer. Il faut pousser la réflexion et se demander s'il n'est pas opportun d'en rester à la situation actuelle, même si les coûts de production sont élevés. N'oublions pas la valeur des territoires ultramarins pour la balance commerciale de la France.
M. Jean-Gérard Paumier. - Je souhaite prolonger les propos de notre rapporteure sur l'Europe. Il y a une sensibilisation très importante à mener, car nous nous rendons bien compte qu'un certain nombre de normes et de règles sont inadaptées aux territoires ultramarins - c'est mon sentiment depuis que je suis sénateur.
Une étude comparative a-t-elle été menée avec les autres pays de l'Union européenne qui ont des territoires ultramarins ? Constate-t-on chez eux les mêmes phénomènes que ceux que vous avez relevés ? Si nous sommes plusieurs dans la même situation, nous serons peut-être un peu plus forts pour sensibiliser davantage l'Union européenne à l'importance de faire évoluer les normes.
Enfin, quelles propositions ou orientations que nous pourrions défendre auprès de l'Union européenne en tant que parlementaires pourriez-vous nous suggérer, au-delà de vos très justes constats ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je vous remercie pour les éclairages que vous nous avez apportés.
Vous avez évoqué un certain nombre de freins au développement d'une véritable politique de commerce extérieur pour les territoires ultramarins, dans une optique de lutte contre la vie chère dans ces territoires. Vous avez également esquissé l'idée d'une spécialisation, qui pourrait être sectorielle, avec un ou plusieurs produits par territoire. Dans cette optique, la problématique des chaînes d'approvisionnement ne doit-elle pas être prise en compte ? Celles-ci sont importantes, puisqu'elles concernent les matières premières, mais aussi tout ce qui peut concourir à la construction d'une activité industrielle ou de production. Elles peuvent également freiner la stratégie de construction d'une véritable économie productive à partir d'une idée de spécialisation sectorielle.
Je n'ai pas le sentiment que la question des infrastructures logistiques, notamment portuaires, ait été prise en compte dans votre étude et dans votre modèle de gravité. Considérez-vous que cette donnée n'a pas beaucoup d'importance ? À moins que ce sujet n'ait fait l'objet d'une autre étude ? En particulier, les caractéristiques des infrastructures portuaires, notamment l'accès ou les tonnages, peuvent limiter ou faciliter l'activité maritime. Les caractéristiques des ports dans nos territoires leur permettent-elles d'avoir une taille critique pour s'insérer véritablement dans le commerce international ? Je songe notamment au tirant d'eau.
Par ailleurs, dans ces territoires, les considérations écologiques et environnementales sont importantes, en particulier les problématiques de dragage, qui peuvent constituer des entraves. Le développement d'une véritable activité commerciale extérieure est-il compatible avec la protection des littoraux et des environnements physiques de ces territoires ? Si oui, dans quelle mesure ?
Enfin, a-t-on tenté d'évaluer ce que représenterait une mise à niveau des infrastructures maritimes sur un plan financier ? Quelles pourraient être les sources de financement pour nous permettre de nous insérer véritablement dans le commerce maritime international ?
M. Manuel Marcias. - Le problème des monopoles, que nous n'avons pas abordé dans cette étude, est réel. Dans les chaînes logistiques intégrées, que j'évoquais tout à l'heure, ce sont ces monopoles qui interviennent. Concernant la distribution, il s'agit plutôt d'oligopoles, avec une concurrence très faible. Ces oligopoles ont un impact sur les prix. Ces éléments seront étudiés dans une étude que mène actuellement la Cour des comptes, me semble-t-il, sur les marges des entreprises. Il existe aussi un monopole en matière de transport : vers la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, c'est principalement CMA CGM qui assure les transports et qui peut donc fixer les prix. Oui, ces éléments jouent un rôle très important. L'absence de concurrence impacte toujours les prix à la hausse. Une réflexion doit être menée pour limiter ces monopoles et oligopoles, y compris pour lutter contre la vie chère.
Sur la triple insularité, je ne peux que vous rejoindre. Cette situation existe effectivement dans de nombreux territoires ultramarins. Les îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie, en sont un exemple. Il y a donc, au sein même de nos territoires déjà isolés, des territoires qui subissent des contraintes encore plus fortes.
Je suis assez réservé sur l'analyse concernant les exportations de rhum à destination des États-Unis et les importations. Le fait d'exporter permettra à la fois d'augmenter la production et de se tourner vers un marché avec des prix plus élevés, pour retirer des marges plus importantes sur nos productions. Il est donc dans notre intérêt de nous orienter vers ces marchés. Nous avons intérêt à diversifier nos marchés de destination, d'autant que nous produisons des rhums de qualité qui ont toute leur place sur le marché américain, lequel est l'un des premiers marchés consommateurs de rhum au monde.
Se restreindre au seul marché hexagonal ne suffit pas. Surtout, cela ne permet pas de valoriser notre production ! Nous produisons un rhum de qualité, que nous n'arrivons pas à exporter vers des marchés pour lesquels nous savons qu'il y aurait un potentiel. Il serait important que nous ayons une meilleure connaissance de ces marchés.
Pour rebondir sur ce qui a été dit, traduire une étiquette en anglais ne suffit pas. C'est un peu plus compliqué que cela : il faut contacter - en anglais - des distributeurs, rédiger des contrats...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Oui, mais ce n'est pas insurmontable ! D'autres pays ont réussi à le faire.
M. Manuel Marcias. - Oui, mais ce sont des démarches qui peuvent donner lieu à une demande d'accompagnement.
Plus de 60 % des importations de ces territoires viennent de l'Hexagone. Je ne pense pas que la création d'un lien commercial avec les États-Unis pour le rhum changera cet équilibre du tout au tout ! Comme le montrent les graphiques que nous avons projetés, l'Amérique du Nord représente, pour la Caraïbe, un importateur important - de l'ordre de 40 % -, mais le taux n'est pas de 60 % ou 70 % comme il peut l'être avec la métropole.
Je vois deux intérêts à l'ajout de concurrence : il fait venir des biens extérieurs, qui seront parfois moins chers ; pour les produits venant de métropole qui étaient en situation de monopole, ces monopoles seront dans l'obligation de diminuer leurs prix ou d'offrir une palette de biens plus importante. Cette concurrence m'apparaît donc plutôt positive. Elle ne viendra pas, à mon sens, remplacer le lien étroit qui existe entre l'Hexagone et les territoires ultramarins.
Mme Solanges Nadille. - Pour qui cette concurrence est-elle positive ?
M. Manuel Marcias. - Elle sera positive pour les habitants, en ce sens qu'elle permettra une baisse des prix. Je suis incapable de vous dire la part de marché que les États-Unis pourraient prendre. Nous aurons, bien sûr, des entreprises qui exportent vers les Antilles et la Guyane qui perdront des parts de marché. Peut-être que cette concurrence accrue leur fera changer leur stratégie concernant les produits qu'ils envoient en outre-mer. Les prix baisseront, et un équilibre se créera.
Ce qu'il faut voir, c'est que la situation de monopole ou d'oligopole a un impact sur le niveau des prix. Si nous voulons baisser les prix, il faut un peu de concurrence.
J'émettrais juste une réserve très importante : la politique commerciale doit être réfléchie, certes en termes de prix, mais aussi en termes de protection des productions locales. Cette volonté d'augmenter la production locale est l'un des points importants du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère qui a été proposé en Martinique l'année dernière. La meilleure production que nous pourrons avoir est celle qui sera faite par les territoires eux-mêmes. De nombreux apports très intéressants ont été proposés dans ce protocole, notamment le développement d'une autonomie alimentaire, avec le passage des aides Poséi (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) de 15 % à 30 %. Il faut prendre en compte que les coûts de production dans nos territoires, notamment pour l'agriculture, sont très importants, alors qu'il est normal que nos territoires ultramarins se fournissent auprès de leurs agriculteurs pour leur consommation. Ce changement de paradigme impose de développer la production vivrière, avec l'aide des pouvoirs publics. Pour ce qui n'est pas produit localement, il faut parvenir à diversifier les fournisseurs et à offrir une gamme plus importante de produits aux consommateurs.
Non, aucune comparaison n'a été faite avec les autres pays qui possèdent des territoires ultramarins. C'est un point qui pourrait être étudié. Il faudra simplement que nous vérifiions la disponibilité des données. Pour l'ensemble des Drom, les douanes nous fournissent des données sur leurs échanges avec l'Hexagone. Si nous voulons étudier la situation des Canaries, par exemple, il faudra sûrement établir un partenariat avec les douanes espagnoles.
Il faut noter que le statut des outre-mer européens - mis à part le cas de Madère, des Açores et des Canaries, qui sont aussi des régions ultrapériphériques (RUP) - est principalement celui de pays et territoire d'outre-mer (Ptom), qui les fait disposer de droits très larges en matière d'autonomie : ils ont la capacité de signer des accords, ils possèdent leur propre monnaie, leur propre banque centrale... Ils sont donc plus indépendants que nos propres territoires. La comparaison est intéressante à faire, mais il faudra garder cet élément à l'esprit.
Mme Micheline Jacques, présidente. - Pour le marché américain, quel volume de production permettrait d'être rentable, compte tenu des contraintes logistiques et des coûts de transport des marchandises ?
Par ailleurs, l'Union européenne vient de créer la taxe carbone aux frontières, qui contraint les pays importateurs européens, donc les territoires ultramarins, à déclarer le contenu carbone des produits importés. Cela n'aurait-il pas un impact supplémentaire si l'on veut s'orienter vers le marché américain ? Nous sommes un peu pris en otage par toutes ces taxes. À cela s'ajoute la BAF (Bunker Adjustment Factor), qui est liée au carburant consommé. Compte tenu de la distance qui sépare les territoires ultramarins de la France, nous sommes aussi assujettis à cette taxe.
Comment amoindrir tous ces coûts ?
M. Manuel Marcias. - On envisage plus les États-Unis comme un marché potentiel à l'export, puisque c'est un pays à un revenu et à coût du travail élevés. La valeur critique dépendra en effet des coûts du transport.
De mémoire, pour aller aux États-Unis, il faut passer par la Jamaïque ; cela suppose d'avoir la capacité de remplir un « équivalent vingt pieds », donc d'avoir des volumes assez importants.
Entre 2013 et 2022, sur l'ensemble des exportations des territoires du bassin Caraïbes vers l'international, à l'exception de la Jamaïque et de la République dominicaine qui sont des cas particuliers, on constate que la Martinique, parce qu'elle exporte beaucoup d'hydrocarbures, et la Guadeloupe ont des niveaux d'exportation qui ne sont pas si faibles par rapport aux îles alentour, alors même que ces dernières exportent vers les États-Unis.
Si elles y arrivent, pourquoi pas nous ? Tout cela reste toutefois très théorique : il faudrait connaître les données du coût du commerce, de transport, etc.
En revanche, pour répondre à votre question sur la taxe carbone, je ne pense pas qu'il faille forcément viser les États-Unis pour les importations, puisque c'est un pays plutôt cher. Il faudrait préférer les pays de la Caraïbe, de l'Amérique centrale ou de l'Amérique du Sud. Il faut bien comprendre que produire a un coût environnemental qu'il faut bien payer à un moment donné.
Se fournir directement auprès de ces pays éviterait que ces produits passent d'abord par l'Union européenne, pour être ensuite de nouveau transportés, comme c'est le cas actuellement, avec des coûts de transport encore plus importants.
Mme Micheline Jacques, présidente. - Pendant très longtemps, Saint-Barthélemy et Saint-Martin se sont approvisionnés en produits américains via Puerto Rico. Il faudrait pouvoir créer des flux. La CMA CGM nous a expliqué que, pour créer une ligne maritime, il fallait du flux et du reflux. En d'autres termes, pour importer, il faut être en mesure d'exporter. C'est pourquoi il n'y a pas beaucoup de lignes maritimes entre les petits territoires. En outre, il faut tenir compte du verdissement du transport maritime.
La CMA CGM a décidé de créer deux hubs en Guadeloupe et en Martinique. Plus aucune ligne ne rejoint directement Saint-Martin et chaque container doit faire je ne sais combien d'escales avant d'arriver en Guyane. Il faudrait lancer une étude approfondie sur les possibilités d'import-export entre ces îles.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - J'ai bien conscience que, s'agissant des États-Unis, il vaut mieux exporter qu'importer.
Reste qu'il faut trouver d'autres possibilités d'y arriver : il y a tout de même des monopoles sur les transports maritimes qui posent question ! Il y va de l'intérêt et du développement des territoires.
Je suis très inquiète sur l'avenir de ces territoires en matière de développement économique et d'emploi. Quid du devenir de ces îles demain et après-demain pour une jeunesse qui a moins de perspectives ? C'est pourquoi il faut peut-être bousculer les choses, développer les points forts de ces territoires et interroger la réalité de nos liens avec l'environnement. Tous les ans, certaines îles perdent des habitants.
M. Manuel Marcias. - Je rappelle que notre étude ne porte que sur les biens. Toutefois, une meilleure intégration régionale permettra un développement plus important. Je pense à des coopérations régionales scientifiques sur l'impact du réchauffement climatique ou les sargasses dans le bassin Atlantique, ainsi qu'à des coopérations régionales de services.
Il ne faut pas non plus oublier le tourisme. Alentour, la plupart des économies dépendent très largement du tourisme. Un bien qui est consommé sur place par un touriste, c'est aussi un bien exporté ! L'exportation au sens propre ne doit pas être l'unique objectif. Un touriste qui consomme sur place, c'est de la création de valeur venue de l'extérieur sur le territoire.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - En Guadeloupe et en Martinique, de jeunes femmes développent des soins écolos, un peu bobo - ce n'est pas péjoratif ! Ce faisant, ces jeunes valorisent leur territoire, ses forces et la nature. Cela peut favoriser un tourisme un peu différent, qui viendra de métropole, mais aussi d'un environnement plus proche. C'est important et source d'espoir.
Mme Solanges Nadille. - Je conclurai sur une note positive. Pendant longtemps, la canne à sucre et la banane ont été les seuls produits d'exportation majeure ; aujourd'hui, la Guadeloupe développe une culture très sélective de la vanille qui est exportée à l'international, en particulier au Japon. De la même façon, si les États-Unis ne connaissent pas encore notre rhum, ce n'est pas le cas du Japon ! C'est bien la preuve que c'est possible.
Mme Micheline Jacques, présidente. - Il ne faut pas oublier le marché canadien, qui a développé des liens avec les territoires ultramarins grâce à des étudiants partis y suivre leurs études.
Vous avez parlé de coopération scientifique. Une start-up a inventé un processus de fabrication de biocarburant à partir des rejets des distilleries et de sargasses. C'est prometteur, c'est aussi une ouverture vers de l'exportation de la production locale.
Nos territoires regorgent de potentiels, mais nous n'arrivons pas encore à bien les mettre en valeur.
M. Manuel Marcias. - J'ai dû enlever de nombreux éléments pour respecter les critères de la Banque de France, mais à l'origine, nous parlions bien des éléments portuaires. Les outre-mer ont un indice de connectivité assez faible au niveau international. En revanche, à l'exception de Mayotte et de la Guyane, qui ont des ports plus petits, les infrastructures portuaires de nos Drom se situent plutôt bien dans l'environnement régional, entre les ports des petites économies et les grands ports régionaux. La Guadeloupe et la Martinique, par exemple, sont derrière la Jamaïque ou la République dominicaine, mais bien devant la Barbade.
Nous disposons donc d'infrastructures de qualité. Le port de la Guadeloupe possède, il me semble, la plus importante zone réfrigérée de l'arc caribéen. Nous avons des ports technologiques, avec des infrastructures récentes, de qualité, rénovées relativement récemment, des longueurs de quais très importantes et des tirants d'eau assez élevés par rapport à la région. Il ne faut pas se laisser distancer sur la compétitivité des ports, mais il faut garder à l'esprit qu'ils sont déjà très compétitifs et voir ce que nous pouvons faire avec cet atout.
Concernant l'aspect environnemental, des études d'impact doivent être menées, mais nos ports figurent parmi les plus efficaces de la zone. J'exprime ici une opinion personnelle : la richesse de nos outre-mer étant aussi leur richesse écologique, il faut déterminer si nous avons atteint un niveau de saturation de nos ports ou si, dans un avenir proche, les bateaux ne s'y arrêteront plus. La question est là. À un horizon de quelques années, la réponse est non, mais il faudra voir à terme ce qui sera nécessaire.
Enfin, nous sommes dépendants d'un seul armateur : s'il estime qu'un plus gros bateau est nécessaire, que faisons-nous ? Cette question est un peu trop complexe pour ma modeste étude. J'ai une opinion personnelle sur le sujet, mais qui ne saurait permettre de répondre de manière politique à cette question.
Mme Micheline Jacques, présidente. - Merci. Vous faites le lien avec les travaux futurs de la délégation sur les filières d'excellence, les atouts et la croissance économique des outre-mer. Comme vous l'avez dit, il n'y a pas assez d'études statistiques permettant de mettre en lumière les pistes pour le développement économique des outre-mer. Merci infiniment de vous intéresser à ces territoires.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 30.