- Mardi 28 octobre 2025
- Mercredi 29 octobre 2025
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi de finances pour 2026 - Audition du général d'armée Hubert Bonneau, Directeur général de la Gendarmerie nationale
- Organisation des travaux
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la coopération dans le domaine de la défense - Désignation d'un rapporteur
Mardi 28 octobre 2025
- Présidence de M. Cédric Perrin, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2026 - Audition de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères
M. Cédric Perrin, président. - Nous avons le plaisir, Monsieur le Ministre, de vous recevoir pour évoquer le budget dont vous sollicitez l'approbation par le Parlement pour 2026, et les grands dossiers de l'actualité internationale.
Nous nous réjouissons de votre renouvellement dans ces hautes fonctions, d'autant plus appréciable que le contexte international est très dégradé.
Nous commencerons par les questions budgétaires.
Votre ministère continue de participer à l'effort demandé par le Premier ministre pour respecter nos engagements et restaurer la qualité de notre signature. Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » restent à peu près stables, mais ceux de la mission « Aide publique au développement » subissent, après la baisse d'un milliard d'euros l'an dernier, une nouvelle baisse de l'ordre de 700 millions d'euros. Le programme 209, placé sous votre responsabilité, est amputé d'un tiers de ses moyens, après une baisse d'un quart l'an passé. Quels seront vos objectifs et vos priorités dans ces conditions ?
Je laisserai nos rapporteurs budgétaires vous interroger sur le détail du texte que le Gouvernement propose au Parlement, après quoi, dans un second temps, nous nous consacrerons à l'ensemble des sujets internationaux du moment.
J'ai eu la chance, avec quelques-uns de mes collègues, d'inaugurer notre nouvelle ambassade au Guyana : l'ouverture d'une ambassade est un symbole dans le contexte international actuel ; la diplomatie a tendance à se replier avant la guerre : nous faisons l'inverse, c'est courageux, il est important de parler avec nos voisins. Cette ouverture est aussi un symbole alors que nos conditions budgétaires sont difficiles ; nous l'avions demandée de longue date au Sénat, elle avait été acceptée par votre prédécesseur et vous avez pu poursuivre dans cette direction. Le président de la République du Guyana et toutes les personnalités présentes, étaient très heureux que la France soit le premier pays européen à inaugurer une ambassade dans ce pays en devenir, qui connaît la plus forte croissance mondiale, de 43 %, et d'importantes perspectives si les budgets sont utilisés à bon escient.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons nous satisfaire d'une baisse de vos crédits, alors que votre ministère a déjà subi un recul l'an passé, en particulier sur l'aide publique au développement.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. - Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, le Premier ministre nous a demandé de contribuer à l'effort d'économies auquel l'État est appelé. Cet effort nous conduira à accomplir nos missions avec plus d'efficience encore et à faire des choix, en dialogue étroit avec vous.
Nous faisons déjà beaucoup avec peu - notre réseau diplomatique fonctionne avec un budget équivalent à celui de l'Opéra de Paris, et nos effectifs correspondent à ceux de la métropole de Toulouse. Je voudrais tordre le cou à une rumeur, selon laquelle le ministère des Affaires étrangères aurait bénéficié ces dernières années de crédits très abondants, ce qui justifierait des efforts plus considérables que ceux demandés aux autres ministères. Or, on le voit sur des graphiques que je mets à votre disposition, le budget de l'État a progressé de 75 % entre 2019 et 2025, tandis que celui de mon ministère gagnait 11 % ; en 2019, mon ministère représentait 1,5 % du budget général de l'État - il n'en représentait plus que 0,93 % en 2025. Cette baisse n'est pas due seulement à celle de l'APD : la part du ministère hors APD dans le budget général passe de 0,86 % en 2019 à 0,6 % en 2025. Ces chiffres démontrent que mon ministère a déjà réalisé ces dernières années plus d'économies que la moyenne des autres ministères.
Nous faisons donc beaucoup avec peu. Depuis l'année dernière, nous avons tenu à ce que l'action des 14 000 agents du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères soit mesurable de manière plus précise, pour mieux en rendre compte aux parlementaires. Quelques chiffres : en 2024, le centre de crise et de soutien du ministère a traité 7 000 appels téléphoniques, nous serons bien au-delà cette année puisque, pendant la guerre des douze jours entre Israël et l'Iran, 12 000 appels ont été traités ; l'an dernier, 1 000 de nos compatriotes ont été mis en sécurité, 14 000 passeports d'urgence et laissez-passer ont été délivrés et plus de 500 000 documents d'identité ont été émis, faisant du Quai d'Orsay la première mairie de France. Les passeports sont délivrés à l'étranger en 22 jours en moyenne, avec des taux de satisfaction très élevés : plus de 90 % des Français de l'étranger se disent satisfaits du service public que nous leur rendons. L'année dernière, pour la sixième année consécutive, la France a été la première destination européenne pour les investissements étrangers, un résultat que l'on doit pour partie à notre diplomatie économique ; nous avons aussi examiné 443 cas d'extradition ; grâce à l'aide publique au développement, 10 millions de tonnes d'équivalent carbone ont été évitées ; quelque 30 000 notes diplomatiques ont été écrites pour éclairer les Français et leurs autorités ; 100 millions de consultations ont été enregistrées sur la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site France Diplomatie ; 68 accords et traités ont été signés par la France, dont 13 ont fait l'objet d'un projet de loi. Ces chiffres illustrent la diversité des missions du ministère, mais aussi l'aspect très concret du service que nous rendons aux Français. Ils sont tirés d'un tableau, que nous tenons à votre disposition, et qui va nous servir à orienter l'action du ministère toujours plus près des priorités des Français.
Dans ce monde qui change, qui devient plus brutal, nous avons besoin de développer notre muscle et notre force de frappe diplomatique - cela est vrai pour les trois grandes missions du ministère.
La première est de protéger nos compatriotes à l'étranger : les catastrophes naturelles et les tensions géopolitiques placeront de plus en plus fréquemment les Français, qu'ils résident ou soient de passage à l'étranger, dans des situations de difficulté ou d'insécurité. J'ai une pensée particulière pour nos compatriotes détenus arbitrairement ou retenus en otages. Grâce au travail de nos équipes, trois libérations ont pu être obtenues cette année.
La deuxième mission consiste à défendre pied à pied les intérêts de la France et des Français dans le dialogue bilatéral et dans les enceintes européennes et multilatérales. Nous entrons dans une époque beaucoup plus brutale, beaucoup plus transactionnelle, où chaque dossier donne lieu à un rapport de force entre États. Cela suppose d'être présent en permanence et sur tous les fronts pour défendre les priorités des Français : l'emploi, l'immigration, la santé et la transition écologique.
La troisième mission de mon ministère est d'informer, d'une part les Français et leurs autorités sur ce qui se passe dans le monde et, d'autre part, le reste du monde sur les positions françaises. Nous avons des progrès à réaliser et nous nous inspirons des rapports du Sénat pour reprendre du terrain dans le champ des représentations. Nous voulons en particulier assurer que, dans la guerre informationnelle qui bat son plein, la voix de la France soit entendue et que nous puissions riposter avec efficacité lorsque notre pays ou son image sont attaqués. Cela nous conduit à prioriser nos efforts d'investissement et à renforcer le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Cependant, ce qui fait la force de notre diplomatie à l'extérieur, c'est notre force intérieure : elle est militaire, économique, morale, mais aussi budgétaire. Pour reprendre les mots du Premier ministre, les seuls qui se réjouiraient d'une panne budgétaire en France ne sont pas les amis de la France - et plus nous serons forts sur le plan financier, plus nous parviendrons à nous défendre.
L'économie demandée est de l'ordre de 434 millions d'euros. Dans la loi de finances initiale pour 2025, les crédits de mon ministère s'élevaient à 5,9 milliards d'euros ; dans le projet de loi de finances pour 2026, ils s'élèvent à 5,48 milliards d'euros, en baisse de 8 % alors que le budget de l'État augmente de 3,6 %.
Où trouver ces 434 millions d'euros de repli budgétaire ? Il faut, d'abord, écarter les dépenses qui ne sont pas pilotables à court terme, celles qui correspondent à des engagements que la France a pris vis-à-vis de l'Europe ou des agents du ministère, comme certaines décisions d'ouverture de postes : elles s'élèvent globalement à 4,6 milliards d'euros ; sur les autres dépenses pilotables, qui atteignent 1,3 milliard d'euros, il faut déduire l'augmentation mécanique des dépenses non pilotables, soit 38 millions d'euros l'an prochain. Ce ne sont donc pas 434 millions d'euros que je dois trouver, mais 472 millions d'euros, ce qui représente une réduction de 40 % de mes dépenses pilotables.
Où trouver ces 472 millions d'euros ? Parmi mes dépenses pilotables, je commence par distinguer les dépenses de fonctionnement et celles d'investissement. Dans la loi de finances initiale pour 2025, les dépenses d'investissement de mon ministère sont assez modestes - vous n'en serez pas surpris puisque le Sénat avait demandé des économies substantielles l'an passé, y compris sur l'investissement de mon ministère. En réalité, mes dépenses pilotables comprennent 19 millions d'euros d'investissements et 1,2 milliard de fonctionnement. Je dois préserver l'investissement pour l'année prochaine et je vais même l'augmenter, à 20 millions d'euros, en le concentrant sur les moyens de la guerre informationnelle, sur la modernisation de l'outil de travail du ministère, en particulier la protection cyber et le développement d'outils d'intelligence artificielle, ainsi que sur la poursuite de la modernisation des services au profit des Français de l'étranger - par exemple le service France consulaire, qui permet à nos compatriotes d'avoir une réponse à tout instant, déjà disponible dans 146 pays et que nous voulons étendre au reste du monde, ou encore le registre électronique d'état civil, qui permettra de poursuivre la dématérialisation de l'émission de titres d'identité ou d'actes d'état civil.
Ayant ajouté 1 million d'euros à mon investissement, ce sont 473 millions d'euros que je dois trouver dans le fonctionnement du ministère. Au printemps dernier, nous avons eu de nombreuses discussions sur la répartition des dépenses de fonctionnement entre le ministère, ses opérateurs et les contributions diverses, vos rapporteurs me demandaient un meilleur équilibre : je vous propose d'aller dans ce sens, en baissant les contributions de 306 millions d'euros, les opérateurs de 136 millions d'euros et le ministère, de 31 millions d'euros. Certains d'entre vous appelaient à moins de contributions multilatérales et à davantage de contributions bilatérales, qui soient mieux identifiées comme venant de la France. Je l'ai vérifié il y a quelques jours au Nigeria en annonçant que l'Agence française de développement (AFD) soutiendrait un projet de transport fluvial à Lagos : la consigne a été passée, notre drapeau national apparait désormais en grand sur chaque projet bénéficiant de financements français. Dans le projet de loi de finances pour 2026, nous équilibrerons les contributions bilatérales et multilatérales, alors que ces dernières ont représenté les deux-tiers des contributions cette année - cette orientation est directement issue des discussions que nous avons eues ensemble.
Nous avons donc construit ce projet de budget en privilégiant le bilatéral sur le multilatéral, le ministère sur les opérateurs et les contributions, et le fonctionnement sur l'investissement. Cette logique étant établie, vous pouvez anticiper que l'avis du Gouvernement sera plutôt défavorable à des amendements qui renforceraient le multilatéral au détriment du bilatéral, qui déshabilleraient le ministère au profit de ses opérateurs ou qui baisseraient les dépenses d'investissement au profit des dépenses de fonctionnement. Voilà pour ce projet de budget, je vous l'ai présenté dans sa philosophie plutôt que dans la nomenclature de la LOLF, dont nous débattrons en tout état de cause.
Mme Valérie Boyer - Ma première question porte sur les dépenses d'intervention qui participent de notre action multilatérale. Les crédits relatifs à l'action européenne poursuivent leur hausse, notamment en raison de notre participation au budget du Conseil de l'Europe. La facilité européenne de paix à destination de l'Ukraine exige encore cette année une centaine de millions d'euros. Ces crédits ne sont pas toujours entièrement consommés mais ils sont, certes, non pilotables.
Le poste des contributions internationales, lui, subit une baisse d'environ 40 millions d'euros. Cette baisse est en partie liée à celle de notre poids relatif dans l'économie mondiale, qui diminue tendanciellement notre quote-part obligatoire au budget de certaines organisations. Mais pour le reste ? Quels sont les choix réalisés en matière de contributions volontaires ? Les documents budgétaires présentent le détail différemment cette année, mais de manière toujours aussi peu explicite...
La semaine dernière à l'Assemblée nationale, Mme Dominique Voynet vous a interpelé sur la concentration des pouvoirs par le Président de la République en matière internationale, et vous a interrogé sur l'opportunité d'actualiser le livre blanc de 2008 sur la politique étrangère et européenne de la France en y associant le Parlement et la société civile. Vous y avez répondu positivement. Les parlementaires que nous sommes se réjouissent d'être enfin mieux associés à la définition de nos grands objectifs de politique étrangère. Quel est calendrier de ce chantier et les modalités d'association du Parlement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne - Je regrette que les crédits de l'action extérieure de l'État n'aient pas été sanctuarisés, au même titre que les autres missions régaliennes que sont la police et la justice. Nous avons bien compris le message : vous avez suivi la consigne de contribuer à la réduction des dépenses de l'État, et vous l'avez fait de la meilleure façon possible dans le contexte actuel.
Le Conseil de sécurité des Nations unies est, sur beaucoup de sujets, en état de paralysie, compte tenu des vétos récurrents de certains de ses membres. En conséquence, ne devrions-nous pas orienter davantage notre action vers des organisations internationales sectorielles, par exemple l'Union internationale des télécommunications ou encore les organisations qui se focalisent sur les enjeux de l'espace, puisque les conflits de nouvelle génération ne sont pas uniquement territoriaux, mais également liés aux nouvelles frontières technologiques ?
L'année 2026 sera importante avec une présidence française du G7, et le sommet Afrique-France - dénommé Africa Forward - à Nairobi. Quels seront les objectifs de notre pays pour ces deux événements - comment nos compatriotes peuvent-ils les comprendre ? En d'autres termes, le G7 près de chez vous, et Africa Forward près de chez vous, qu'est-ce que c'est ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - La baisse des contributions est effectivement liée à une diminution tendancielle de notre quote-part dans certaines organisations, elle-même liée à l'évolution de notre poids relatif dans la richesse mondiale, mais aussi à des choix d'économies que nous faisons. Nos contributions volontaires aux organisations internationales passeront de 35 millions à 19 millions d'euros l'an prochain. Les crédits n'étant pas encore votés, je ne peux vous en donner la programmation exacte ; toutefois, les contributions internationales au titre du programme 105 touchent aux organisations ayant trait aux questions de sécurité, aux missions internationales de maintien de la paix, ou encore à notre contribution à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et à l'Office des migrations internationales (OMI).
Il me paraît important d'actualiser le livre blanc de 2008 sur la politique étrangère et européenne de la France, en particulier l'analyse qui avait conduit à la loi de programmation en 2021. Je n'ai pas, à ce stade, de calendrier précis à vous communiquer, mais je ne manquerai pas de revenir vers vous une fois la période budgétaire passée.
Monsieur Lemoyne, je partage en partie vos remarques sur le budget, tout en vous rappelant que, l'an passé, alors que le Gouvernement avait proposé des économies déjà substantielles sur les crédits du ministère, le Sénat en avait demandé davantage encore... Nous avons dû faire des choix et c'est pourquoi j'ai indiqué, dans mon propos liminaire, en toute bonne foi, que mon ministère a déjà contribué de manière significative à l'effort budgétaire. Nous devons aller plus loin et, par exemple sur les organisations internationales auxquelles nous versons des contributions volontaires, nous serons très à l'écoute des recommandations des parlementaires. Vous évoquez la nécessité de nous concentrer sur de nouvelles frontières et sur des secteurs où se jouent notre souveraineté et notre indépendance, cela mérite d'être regardé de près.
Quels sont les grands objectifs des sommets internationaux du G7 et du sommet Afrique-France l'an prochain ? La présidence du G7 est l'occasion pour la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, de proposer une discussion sur les déséquilibres mondiaux, non seulement au sein du G7, mais aussi avec les autres grandes puissances, notamment émergentes - les déséquilibres liés aux subventions à la production en Chine, qui ont conduit ce pays à accumuler des excédents commerciaux considérables ; les déséquilibres provoqués par une insuffisance de la demande intérieure et de l'investissement en Europe ; enfin, les déséquilibres résultant de certaines décisions de la politique commerciale américaine, comme l'augmentation des droits de douane ou les déficits publics. L'idée est de susciter une discussion, voire une négociation, conduisant chaque grand bloc à faire évoluer ses politiques dans l'intérêt collectif. Qu'est-ce que « le G7 près de chez vous » ? Concrètement, si vous êtes frontalier de la Suisse ou si vous vivez dans l'une des villes qui accueillera une réunion ministérielle du G7, nous veillerons d'abord à limiter l'impact sur la vie quotidienne de nos compatriotes ; plus largement, la vie des entreprises est très directement touchée par la concurrence chinoise et par les droits de douane américains ; le G7 a été créé par Valéry Giscard d'Estaing il y a cinquante ans pour que les grands pays du monde se concertent et prennent des orientations dans un objectif d'enrichissement mutuel, c'est ce que nous allons continuer de faire.
Quant au sommet Afrique-France, son objectif est d'approfondir la relation nouvelle que la France entretient avec ses partenaires africains, fondée sur une approche qui s'appuie sur des coopérations économiques, culturelles et scientifiques. La France, comme ses partenaires africains, y défend ses intérêts dans un dialogue transparent, franc et lucide. Ce sommet des chefs d'État et de gouvernement sera précédé par un forum d'affaires de grande envergure, auquel nous espérons voir participer le plus grand nombre possible d'entreprises françaises dans tous les domaines, y compris les industries culturelles et créatives. Il y a quelques jours à Lagos, au Nigeria, nous avons constaté les synergies qui existent entre la France et l'Afrique dans les industries culturelles et créatives, un secteur dont la France est la locomotive en Europe. Nous donnerons aussi une place particulière aux diasporas africaines en France, qui jouent un rôle important dans nos territoires. Nous voulons qu'elles puissent être un trait d'union entre la France et nos pays partenaires africains et qu'elles fassent apparaître l'approche renouvelée de notre relation avec l'Afrique.
M. Christian Cambon - Le programme 209 reçoit un deuxième coup de massue après celui de l'année dernière. Nous vous avions demandé plus de lisibilité dans la coopération multilatérale ; nous avons été entendus, puisque les crédits sont globalement divisés par cinq, avec des enveloppes qui subissent une diminution très forte - la francophonie, par exemple, passe de 50 à 30 millions d'euros. Les contributions à certaines organisations internationales comme les Nations unies, subissent aussi une diminution inquiétante : on passe de 50 millions à 8 millions d'euros - je souhaite bien du plaisir à la délégation de notre commission qui va rencontrer les Nations unies au mois de décembre, comme il est d'usage...
Je prends bien en compte les contraintes qui vous ont été imposées, d'autant que nous avons travaillé en amont avec vos équipes pour essayer d'avancer dans le cadre des 40 milliards d'euros d'économies que souhaiterait le président du Sénat. Cependant, nous ne pouvons que regretter la diminution très forte des crédits de l'APD, car elle va, d'une manière ou d'une autre, jouer sur la politique d'influence que nous conduisons à travers le monde, en particulier dans les organisations internationales.
Comment allons-nous contrecarrer ce risque de perte d'influence et, surtout, comment allez-vous, avec l'argent qui reste, sélectionner les contributions pour rendre ces financements de coopération multilatérale les plus efficaces possible ?
Certes, la commission d'évaluation a enfin été mise en place depuis le 1er septembre dernier. La loi l'avait instituée en août 2021 et je vous reconnais volontiers d'avoir réussi à lancer cette commission : c'est une bonne chose, vous savez combien nous sommes attachés à l'évaluation, elle est d'autant plus nécessaire quand on veut que l'argent soit le plus efficace possible.
L'APD diminue, nous risquons de revenir aux chiffres d'avant 2020, le mouvement est commun aux grands pays occidentaux et c'est une source d'inquiétude, car cela engendre des situations de crise, en particulier en Afrique. Il faudra examiner en détail vos crédits, pour qu'ils soient les plus efficaces et les plus lisibles possible. Quels éléments de diagnostic vous ont-ils conduits à écarter certains financements et à en retenir d'autres ? Nous avons besoin de ces éléments pour notre analyse budgétaire.
M. Patrice Joly - Les chiffres que vous nous avez présentés démontrent que le choix a été fait, au sein de votre ministère, de sacrifier l'aide au développement en maintenant les moyens de la diplomatie, alors que c'est bien de l'une et de l'autre dont nous avons besoin. L'APD est une nouvelle fois diminuée, pour la troisième année consécutive, alors que les besoins sont criants et que nous avons intérêt à y répondre, sauf à considérer que « l'Europe nationale » est la seule perspective pour régler les défis mondiaux.
Il y a des solutions financières qui n'impactent pas directement les Français, par exemple la taxe sur les transactions financières - j'y reviens chaque année. En fixant son taux à 0,5 % ou à 0,6 %, nous n'aurions pas à diminuer l'APD : pourquoi ne pas le faire - ou, autre exemple, pourquoi ne pas augmenter la taxe sur les billets d'avion, sur laquelle nous avons encore des marges de manoeuvre ?
Deuxième élément, la situation budgétaire conduit à réorienter l'AFD. Nous attendons toujours son contrat d'objectifs et de moyens, et nous avons besoin de savoir son orientation - elle semble déjà, malheureusement, devoir être appelée à devenir une banque publique de développement comme il y en a déjà, qui se finance sur les marchés internationaux pour accorder des prêts à des pays disposant d'une certaine solvabilité, loin, très loin de l'accompagnement des pays les moins avancés. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - L'aide publique au développement, pour ce qui relève des crédits de ce ministère, est revenue un peu au-dessus du niveau de 2017, mais guère plus. Nous avions augmenté les moyens de 2017 à 2023, mais les efforts demandés nous ont ramenés très loin en arrière.
Comment préserver les moyens de l'influence ? Il faut voir dans le projet de loi de finances pour 2026 un budget de consolidation qui nous permettra, je l'espère, de retrouver des marges de manoeuvre à la hauteur de notre ambition. L'influence ne repose pas uniquement sur l'APD, même si celle-ci est un levier puissant pour maximiser les intérêts de la France dans la relation avec ses partenaires. Pour faire mieux, nous analysons plus finement l'impact de notre aide, ceci pour orienter plus efficacement les ressources, le temps et l'énergie du ministère vers l'atteinte de nos objectifs.
S'agissant de l'influence définie comme la capacité de la France à faire entendre ses messages, nous transformons le ministère pour que cette fonction, qui relève de diverses directions, soit mieux articulée au quai d'Orsay et dans les postes diplomatiques, afin que, dans le champ des perceptions, nos messages soient mieux coordonnés et plus percutants.
Comment sélectionner les contributions dans l'enveloppe budgétaire qui nous reste ? Nous allons devoir recentrer nos priorités en annulant plusieurs contributions et concentrer nos moyens sur les fonds verticaux qui ont un impact direct sur les populations locales et sur nos compatriotes. Alors que s'ouvre la discussion sur le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, nous veillerons également à ce que l'enveloppe de près de 170 milliards d'euros prévue par la Commission pour son action extérieure, rejoigne nos priorités, et donc que ces crédits renforcent notre propre aide.
Les économies qui nous sont demandées mettent l'humanitaire à contribution, mais nous avons choisi de préserver le coeur de notre dispositif, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation, pour garantir une réponse rapide et efficace aux crises. Monsieur Joly, je fais le choix de préserver l'outil de travail sur les crédits d'intervention. À dire vrai, je ne vois pas quel ministre à ma place, quelle que soit sa sensibilité politique, ferait un choix différent.
Avant de présenter son projet de loi de finances, le Premier ministre a largement consulté, et, des huit responsables politiques qui se sont rendus à Matignon, je n'en ai entendu aucun dire qu'il conditionnerait son soutien, sa neutralité ou son abstention à la préservation des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Je le regrette, je sais que vous le regrettez aussi, car vous savez mieux que quiconque que l'aide publique au développement n'est pas seulement un geste de charité, mais un levier au service de la défense des intérêts français. De toute évidence, cela n'est pas perçu comme tel, nous devons poursuivre nos efforts pour que nos concitoyens, pour que les parlementaires et les chefs des partis politiques mesurent combien les crédits de l'action extérieure de la France sont un levier important.
S'agissant des propositions de ressources nouvelles, en particulier la taxe de solidarité sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières, le Fonds de solidarité pour le développement était plafonné depuis plusieurs années. Nous avons dû créer un programme budgétaire dédié, le programme 384, car la révision de la LOLF de décembre 2021 dispose que l'affectation des taxes à un tiers ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ses impositions sont en lien avec ses missions de service public. Le montant des crédits alloués à ce nouveau programme est donc indexé sur le plafond qui était précédemment fixé sur l'affectation des deux taxes que vous évoquez.
Enfin, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale propose d'aligner les calendriers des contrats d'objectifs et de moyens de l'ensemble des opérateurs européens dont le ministère a la tutelle, pour plus de cohérence et de transparence. Si les deux commissions sont favorables à ce principe, nous veillerons à ce qu'il soit mis en oeuvre.
M. Roger Karoutchi. - Cette année encore, nous ne nous occupons pas suffisamment de l'audiovisuel public extérieur, c'est-à-dire de TV5 Monde et France Médias Monde - nous en avons eu confirmation en auditionnant leurs responsables avec Mireille Jouve. Nous avons bien compris que nous ne pouvions pas obtenir de crédits supplémentaires, mais l'audiovisuel public extérieur ne représente qu'un peu plus de 400 millions d'euros, c'est peu face aux géants que sont France Télévisions et Radio France.
Monsieur le Ministre, n'est-il pas temps que l'audiovisuel public extérieur soit rattaché seulement au Quai d'Orsay, au lieu d'être sous une cotutelle partagée avec le ministère de la culture ? Vos représentants reconnaissent qu'en pratique, le ministère de la culture négocie avec Bercy ; or, ce ministère est moins concerné par la désinformation, dont vous dites vous-même qu'elle est une véritable priorité pour la France à l'international.
N'est-il pas temps de réorganiser l'audiovisuel public extérieur, de l'autonomiser par rapport au reste de l'audiovisuel public, et de le placer sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères, qui pourrait alors en faire une priorité et lui accorder plus de crédits ? Nous l'avons constaté avec Mireille Jouve, TV5 Monde nous demande 1,5 million d'euros pour refaire un studio - c'est dérisoire par rapport aux moyens que les Russes, les Turcs, les Américains consacrent à leur audiovisuel public extérieur, dérisoire par rapport aux moyens que les dictatures accordent à la désinformation systématique : nous paraissons, encore une fois, en retard d'une guerre... Monsieur le Ministre, allez-vous enfin prendre ce sujet à bras-le-corps, en demander la tutelle complète et le réorganiser ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Je me tiens prêt à prendre l'audiovisuel extérieur public à bras-le-corps, à condition que j'en prenne aussi les crédits puisque, en principe, nous ne finançons pas France Médias Monde ni TV5Monde. Cependant, nous avons décidé cette année de renforcer de 10,6 millions d'euros notre soutien à France Médias Monde - nous passons d'un soutien de 5 millions d'euros, à 15 millions d'euros inscrits au programme 209, pour conforter France 24 et RFI dans la lutte contre la désinformation dont la France est victime. Nous contribuons modestement à des actions précises qui visent à la vérification des faits et à la diffusion d'informations vérifiées dans des langues où elles ne le sont pas aujourd'hui. Mais, contrairement à d'autres partenaires ou rivaux, nous veillons à respecter l'intégrité de l'information et donc la liberté éditoriale : c'est un équilibre à trouver. Le projet de loi de finances ne vise pas à ce que le Quai d'Orsay prenne en main l'audiovisuel public extérieur, mais témoigne de l'attention que nous y portons. Étant donné les choix budgétaires que nous devons faire cette année, consacrer 10 millions d'euros supplémentaires à France Médias Monde, c'est un vrai choix politique.
Mme Michelle Gréaume. - J'associe à ma question mon collègue Akli Mellouli, retenu en séance publique.
Le budget 2026 contracte fortement les crédits de l'APD, qui passeraient de 5,76 milliards d'euros en 2024 à 3,67 milliards d'euros l'an prochain, une perte de plus de deux milliards d'euros en deux ans : en euros constant, c'est un recul de 25 %, ce qui place l'effort français à son niveau de 2018, avant la loi de programmation de 2021 ; les conséquences en sont importantes avec, par exemple, la suppression de plus de 5 000 emplois ces derniers mois dans les associations françaises de solidarité internationale, un risque de suspension ou d'arrêts des projets, la diminution des aides alimentaires... Cette trajectoire remet en cause des ambitions internationales de la France en matière de solidarité et de justice mondiale.
Dans ce contexte, le choix des priorités prend tout son sens. Vous avez inscrit, dans le « bleu » budgétaire, la gestion des migrations irrégulières comme l'un des dix objectifs stratégiques de l'APD. Je ne conteste pas l'importance de la question migratoire, et il est légitime que notre politique extérieure prenne en compte les réalités de mobilité humaine qu'elles soient dues aux guerres, au changement climatique, ou encore au manque de structure. Cependant, je m'inquiète de constater que cette approche est pensée quasi exclusivement sous l'angle du contrôle et de la rétention. Le document budgétaire indique que 1 % des crédits du programme 209 seront fléchés vers cette finalité spécifique : ce chiffre peut sembler faible, mais outre l'orientation politique lourde de sens qu'il implique, il est en réalité largement sous-estimé budgétairement. En effet, une part considérable des contributions multilatérales (programme 110) sert indirectement aux objectifs de contrôle migratoire et de stabilisation des migrations, via des instruments européens et multilatéraux.
Notre conviction est différente : la migration n'est pas un problème à contenir, mais une réalité humaine à accompagner. Plutôt que d'utiliser l'aide au développement comme un outil de dissuasion, nous devrions en faire un levier pour créer des voies légales, sécurisées et choisies de mobilité, favorisant les échanges, la formation, la circulation des compétences.
Monsieur le Ministre, comment peut-on considérer que l'aide au développement n'a plus pour finalité principale de réduire les inégalités mondiales, mais de retenir des populations dans leurs pays d'origine ? Si ce n'est pas le cas, comment justifiez-vous que le programme 209 qui perd 37% de ses crédits en deux ans, et qui est désormais orienté vers la maîtrise des flux migratoires, puisse encore se prévaloir d'une finalité de solidarité internationale ? Quelle est la garantie que l'aide au développement ne devienne pas, progressivement, un outil de gestion des flux migratoires au détriment de sa vocation solidaire ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Il n'y a pas d'incompatibilité entre l'effort de solidarité qui vise à réduire les inégalités mondiales et le développement économique local, et donc la volonté que les populations restent dans leur pays d'origine. Il y aura toujours des mobilités et, dès lors qu'elles sont choisies et légales, elles peuvent bénéficier aux pays de départ comme aux pays d'arrivée. Mais une partie non négligeable des migrations est aujourd'hui subie et résulte de tensions géopolitiques, en particulier lorsque la réponse humanitaire est insuffisante. Quand votre vie est en danger et que personne ne vient pour vous protéger, vous cherchez une échappatoire ailleurs. Ensuite, il y a les problématiques de développement. Notre argument, pour augmenter l'APD, consiste à dire qu'elle est non seulement un devoir moral pour un pays comme la France, mais aussi un levier d'influence. Lorsque nous discutons d'aide publique au développement avec un pays partenaire, nous ne perdons pas de vue nos intérêts - qu'il s'agisse de l'emploi en France, des mobilités choisies et légales, du contrôle des flux d'immigration irrégulière, de la lutte contre le narcotrafic, contre la criminalité organisée, contre le dérèglement climatique ou encore contre des pandémies : nous pensons à tous ces intérêts et c'est en ce sens que l'APD est un levier, puisqu'elle nourrit nos relations avec les pays partenaires.
Plus largement et de manière inquiétante, l'aide publique au développement est soumise à une double menace. Budgétaire, d'abord, parce que les États-Unis ont pris des décisions très lourdes de conséquences, mais également parce que d'autres pays, en particulier européens, font des économies et réduisent leur APD. Une menace politique, ensuite, parce que des responsables politiques expriment des critiques féroces contre l'APD, en clamant de manière tout à fait décomplexée qu'elle ne servirait à rien, qu'elle serait de l'argent jeté par les fenêtres. Qui sont les premières victimes de cette double menace ? Ce sont bien sûr les bénéficiaires des pays concernés, mais aussi nos compatriotes, car l'APD contribue à limiter l'immigration irrégulière, à développer des cultures de substitution à celles du narcotrafic, elle incite à des comportements plus coopératifs en matière de lutte contre la criminalité organisée ou d'accords de réadmission. Enfin, les salariés des organisations non gouvernementales et des agences des Nations unies subissent aussi ces diminutions de crédits, nous en savons quelque chose à Lyon avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais aussi dans les territoires frontaliers de la Suisse, du fait de la forte concentration d'agences onusiennes à Genève - nous veillons, autant que possible, à accompagner nos ressortissants concernés. Nous veillerons également à ce qu'il n'y ait pas de rupture pour certaines de ces grandes ONG internationales qui font la fierté de la France, mais qui pourraient être conduites à mettre la clé sous la porte, ce qui serait une perte très considérable.
M. André Guiol. - Une délégation sénatoriale s'est rendue au Guyana, au début de ce mois, pour inaugurer l'ambassade de France à Georgetown. L'inauguration d'une ambassade n'est pas un événement anodin, car rares sont les ouvertures et souvent graves sont les fermetures. Les attentes de ce pays en pleine croissance sont grandes et c'est avec intérêt que le Président de la République guyanienne a assisté à cet événement.
Monsieur le Ministre, dans le cadre du projet de loi de finances, avez-vous prévu de donner les moyens nécessaires à cette nouvelle ambassade, en personnel et en matériel biométrique, afin qu'elle puisse utilement délivrer des visas et des passeports sur place ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - À ce stade, il a été décidé de ne pas ouvrir les services consulaires de cette ambassade, mais de lui donner la plénitude de ses autres missions - nous verrons par la suite pour l'ouverture des services consulaires.
M. Cédric Perrin, président. - Notre commission fera un rapport suite à son déplacement, avec des recommandations, en particulier sur les modalités possibles de la délivrance de passeports et de visas.
M. Mickaël Vallet. - En tant que corapporteur, avec Olivier Cadic, du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », j'entends votre propos sur le manque d'intérêt des partis politiques pour l'APD - tout en vous précisant que le Parti socialiste ne mérite pas une telle critique.
Ma question porte sur le compte « French Response » - ce qui doit vouloir dire « réponse française » -, que votre ministère a ouvert sur X le 5 septembre dernier, en tant que compte officiel de riposte. Nous essayons de comprendre la distribution budgétaire des rôles entre votre ministère et celui de la défense, votre coordination - et nous aimerions vous entendre sur ce nouveau compte : qu'en attendez-vous ? Comment nos partenaires et nos rivaux font-ils en la matière ? Avez-vous des premiers résultats à nous communiquer, ou quels sont ceux que vous en attendez pour l'année prochaine ?
Vous avez mentionné les grandes ONG internationales qui font la fierté de la France. Je souhaiterais que vous vous exprimiez sur ce qui est arrivé à la fin du mois d'août dernier : on a tiré sur des Français dans les eaux internationales. Ils se trouvaient sur le navire affrété par SOS Méditerranée, un bateau battant pavillon norvégien. Ce sont des « garde-côtes » libyens, financés par l'Union européenne, qui ont tiré sans sommation. Sauf erreur de ma part, il n'y a eu aucune réaction officielle française, seul le ministère norvégien des affaires étrangères a réagi sur le sujet : pourquoi ?
M. Cédric Perrin, président. - Monsieur le ministre, c'est l'occasion de nous dire un mot sur la lutte informationnelle et vos efforts pour installer des cellules de réponse et de riposte à toutes les attaques dont nous sommes malheureusement victimes en matière cyber, informationnelle et numérique. L'an dernier, nous nous étions fortement opposés à la baisse du programme 129, qui concerne la direction de l'action du Gouvernement et les services du Premier ministre, notamment Viginum et l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (Anssi). Les ministres que nous interrogeons sur la lutte informationnelle nous expliquent tous installer des outils, mais chacun de son côté. Peut-on mutualiser les moyens entre ministères, pour gagner en efficacité ? Conduisez-vous une réflexion sur le sujet, en particulier avec le ministère des armées ou celui de l'intérieur, pour un outil commun de riposte ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - En matière de lutte informationnelle, nous sommes bien en-deçà du niveau de certains de nos partenaires, adversaires ou rivaux ; quand bien même nous avons de bonnes idées - parfois les meilleures -, il est incontestable que la masse, la force de frappe humaine et financière, peut faire la différence. Cependant, nous travaillons intelligemment et nous dotons les autorités françaises d'une capacité de veille, de détection, de production et de diffusion coordonnées. Nous avons développé Viginum, un service interministériel chargé de détecter les ingérences numériques étrangères, son travail nous a permis d'attribuer des attaques coordonnées à la Russie, mais pas seulement. Ce que nous n'avons pas encore réussi à faire, c'est de riposter en temps réel. Nous avons créé une coordination en particulier avec le ministère des armées, qui dispose d'une expertise pour contrer les attaques dont l'armée française peut être la cible à l'étranger, le Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) et d'autres ministères concernés. L'objectif est de nous répartir la charge, d'éviter les doublons et d'être le plus efficace avec nos moyens, alors que certains de nos rivaux consacrent des ressources beaucoup plus importantes que les nôtres.
Le Quai d'Orsay, chargé de porter la voix de la France, est au centre de la coordination, mais il doit lui-même, si je puis dire, muscler son jeu. C'est pourquoi, après la création de la sous-direction Veille et Stratégie, nous avons poursuivi la transformation de la direction de la communication et de la presse en développant de nouveaux outils. Parmi eux, un compte X, distinct de celui du ministère et de celui du ministre, a vocation à répondre en anglais aux attaques dont nous faisons l'objet, en répliquant de manière factuelle et en maniant les codes de la contre-offensive informationnelle, c'est-à-dire avec un peu d'humour, d'ironie et de dérision. Ce n'est que la pointe émergée de l'iceberg car dans le même temps, l'ensemble du ministère opère sa transformation pour que, de la direction de la communication jusqu'aux ambassades, les fonctions émergentes de détection, de production de contenu et de diffusion prennent le pas sur d'autres.
Nous souhaitons confier certaines tâches à des logiciels d'intelligence artificielle, par exemple l'élaboration des revues de presse : nos agents, qui en seront dégagés, pourront se consacrer plus activement à la portée de nos messages et à la riposte. Je n'ai pas encore de résultats, cette transformation est récente. Toutefois, certains postes diplomatiques, grâce à la personnalité de l'ambassadeur ou aux talents du chargé de communication, ont réussi à produire des contenus en riposte qui ont atteint des niveaux de viralité presque aussi importants que les attaques elles-mêmes, c'est le cas en Afrique du Sud.
Le message de la France doit être entendu : notre pays respecte la souveraineté de ses partenaires, qui privilégie le multilatéralisme pour la résolution des enjeux mondiaux et donne en toutes circonstances la primauté au droit international. Nous voulons que cette définition de l'action étrangère de la France soit perçue comme telle. Pour cela, nous devons trouver les moyens d'amplifier nos messages. Lorsque nous sommes attaqués, nous devons pouvoir riposter, en coordination très étroite avec les autres ministères concernés, au premier rang le ministère des armées.
Enfin, s'agissant de l'incident en mer Méditerranée que vous mentionnez, Monsieur Vallet, nous avons marqué notre inquiétude aux autorités libyennes, en lien avec nos partenaires européens. À la suite de ces démarches, elles ont lancé une enquête pour faire toute la lumière sur cet incident inadmissible.
M. Cédric Perrin, président. - J'ai eu l'occasion de dire au Président de la République et au Premier ministre qu'il fallait renforcer notre lutte informationnelle - et il faut aussi voir comment mutualiser nos moyens, pour être plus efficaces.
Mme Évelyne Perrot. - Le journal Le Monde a fait état d'un plan humanitaire en Palestine, qui donne une large part aux églises évangéliques, les ONG s'en inquiètent. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Il faut confier la distribution de l'aide humanitaire, - tant attendue et si nécessaire à Gaza -, aux ONG qui ont l'expérience du terrain et aux agences onusiennes. Nous comprenons que le dispositif américain déployé sur place entende s'appuyer sur les agences onusiennes les plus importantes, mais nous insistons pour que les organisations non gouvernementales, les grands réseaux de solidarité humanitaire, puissent être actifs dans le respect du droit international et du droit international humanitaire.
M. Cédric Perrin, président. - Monsieur le Ministre, nous en venons, après les questions budgétaires, à l'examen de la situation internationale.
Commençons par le dossier ukrainien. La semaine dernière, une dizaine de chefs d'État et de gouvernement européens, dont le président Macron, et les représentants de l'Union, ont signé une « déclaration conjointe sur la paix en Ukraine » soutenant « avec force » la position du président Trump appelant à la cessation immédiate des combats et prenant la ligne de contact actuelle pour point de départ des négociations. L'Europe adopte simultanément un dix-neuvième paquet de sanctions contre la Russie et se divise sur l'opportunité d'utiliser les avoirs russes. Quels espoirs peut-on encore nourrir de peser sur l'issue du conflit ?
Nous aimerions vous entendre plus largement sur notre politique européenne. Elle n'est pas facile à lire. Nous misons tout à la fois sur d'ambitieux traités bilatéraux avec nos grands voisins et sur une vaste « Communauté politique européenne » dont l'objet n'est pas clair. L'Europe resserre nos solidarités, mais elle accroît aussi nos dépendances et nos fragilités : je songe à l'espèce de « traité inégal » conclu par la Commission européenne avec les Etats-Unis, aux pressions allemandes pour la signature rapide de l'accord avec le Mercosur, aux conséquences de l'imprudence néerlandaise à l'égard de la Chine, aux tentations de délégations de souveraineté à Bruxelles, en matière de défense en particulier.
Le fait, très peu commenté, que ces évolutions cruciales ont lieu sous l'impulsion d'exécutifs à la légitimité de plus en plus fragile est un motif d'inquiétude supplémentaire sur la résilience de nos démocraties.
Au Moyen-Orient, la possibilité réelle apparaît, pour la première fois depuis deux ans, d'une fin du conflit. Il reste pourtant de nombreuses inconnues, tant le plan Trump en 20 points est imprécis sur de nombreux sujets. Quel sera le rôle exact de la force internationale de stabilisation ? Comment sera gouvernée la bande de Gaza, qui la reconstruira ? Le cessez-le-feu reste fragile. Le Hamas, qui a redressé la tête, semble toujours déterminé à jouer un rôle dans la gouvernance du territoire. Israël, de son côté, poursuit ses frappes, à Gaza mais aussi au Liban et en Syrie, s'octroyant une liberté d'action totale, souvent au détriment de la diplomatie. Malgré tout, l'espoir renaît d'un apaisement, notamment grâce à la dynamique engendrée par la libération des otages, mais aussi par la conférence de New York. Vous nous direz, concrètement, comment la France peut poursuivre ce travail entamé avec l'Arabie saoudite, et comment elle peut retrouver une parole utile et crédible au Moyen-Orient.
Peut-être nous direz-vous un mot encore de notre politique en Afrique, à sept mois du sommet Afrique-France, à Nairobi. Quels sont nos priorités, nos objectifs, notre stratégie sur le continent, et en avons-nous encore les moyens ? Vous vous en souvenez, notre commission avait produit un important travail sur ce continent, pour tenter de dépasser les idées reçues et d'aborder avec lucidité et finesse l'extraordinaire diversité du continent.
Je ne prétends pas faire un tour du monde complet. Les collègues ici présents ne manqueront pas de compléter ces premières interrogations par d'autres.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Sur l'Ukraine, nous constatons que, malgré les apparences, Vladimir Poutine est en échec sur les plans militaire, économique et politique : depuis mille jours, il n'a pas progressé de plus de 1 % sur le territoire ukrainien ; son économie s'affaiblit de jour en jour sous le triple effet de l'effort de guerre, qui épuise l'économie civile, des sanctions auxquelles il continue d'exposer son propre peuple et des frappes ukrainiennes sur certaines infrastructures. Dans ce contexte, notre priorité reste de le contraindre au cessez-le-feu ; nous considérons qu'il a intérêt à s'y soumettre aujourd'hui, car le temps joue contre lui. Les alliés de l'Ukraine continuent d'amplifier leur soutien, d'accroître leur pression sur la Russie et de préparer activement les conditions d'une paix juste et durable. Ce soutien se manifeste, comme l'a annoncé le Président de la République, par la poursuite des livraisons d'armes françaises à l'Ukraine. De nombreux pays européens ont fait de même, tandis que les États-Unis n'ont pas écarté l'hypothèse d'une livraison de missiles Tomahawk.
À cela s'ajoute un soutien financier qui, bien que n'ayant pas encore fait l'objet d'un accord unanime des États membres de l'Union européenne, permettrait à l'Ukraine de tenir trois années supplémentaires. Il s'agirait d'un prêt consenti par la Commission européenne, qui s'appuierait sur les actifs russes gelés - sans les saisir - et serait remboursé par les réparations versées par la Russie à la fin de la guerre. Nous sommes favorables à ce principe, dès lors que le schéma respecte le droit international, que nos partenaires du G7 y participent et que les sommes perçues par l'Ukraine bénéficient, pour l'armement, à la base industrielle et technologique de défense européenne.
La semaine dernière, ont été adoptés un paquet de sanctions européen et un paquet de sanctions américain qui touchent au nerf de la guerre, avec des mesures prises contre les plus grandes entreprises pétrolières russes - Rosneft, Lukoil, Gazprom Neft -, mais également contre les réseaux financiers qui permettent à la Russie de contourner les sanctions. Il y a aussi eu l'annonce, par l'UE, qu'elle renonçait définitivement à importer du gaz russe. Ces éléments vont priver la Russie des ressources nécessaires à son effort de guerre, dans un contexte où son fonds souverain est désormais vide, où l'économie civile s'effondre progressivement et où le pouvoir en place est obligé de lever plus d'impôt.
Enfin, il y a la préparation de la paix avec la coalition des volontaires, dont le quartier général est au Mont-Valérien, près de Paris. Peut-être des délégations des commissions parlementaires compétentes pourraient-elles rendre visite à cette force multilatérale chargée de la planification des garanties de sécurité susceptibles d'être apportées à l'Ukraine une fois un cessez-le-feu trouvé. Sur l'Ukraine, donc, nos efforts pour soutenir la résistance, pour sanctionner, pour contraindre Vladimir Poutine au cessez-le-feu et pour préparer la paix avancent dans la bonne direction.
Vous dites, ensuite, que l'Europe doit se positionner face à des empires qui se réveillent, à l'Occident comme en Orient. C'est vrai, et je me réjouis de deux initiatives récentes qui concrétisent l'agenda de souveraineté européenne que nous avons porté. La première concerne les mesures de protection du secteur sidérurgique en Europe, avec des quotas fixés sur les niveaux de production du milieu des années 2010 et des droits de douane de 50 %, ce qui va permettre de protéger l'industrie sidérurgique européenne contre la concurrence déloyale. Ensuite, nous sommes parvenus à un accord politique sur le programme européen pour l'industrie de la défense, le règlement Edip - ceci grâce à la mobilisation de parlementaires français, en particulier Nathalie Loiseau, Raphaël Glucksmann et François-Xavier Bellamy. Pour la première fois, une préférence européenne est inscrite dans un programme de financement d'acquisition conjointe, avec des critères précis tels que nous les proposions depuis longtemps : une autorité de conception en Europe et un minimum de 65 % des composantes situées dans les États membres de l'Union européenne. C'est décisif pour le développement européen de l'industrie de défense, surtout au moment où nous discutons du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, lequel réservera une part importante à la défense. Cette préférence européenne fera jurisprudence, même si elle ne concerne encore qu'un programme d'à peine 1,5 milliard d'euros, elle nous fait aborder le cadre financier pluriannuel dans un esprit d'indépendance et d'autonomie stratégique.
S'agissant du commerce européen, j'ai relevé avec beaucoup d'intérêt les déclarations de la présidente de la Commission européenne à la sortie du dernier Conseil européen. Le Président de la République y a beaucoup insisté sur la nécessité de sortir d'une forme de naïveté, au moment où les échanges internationaux se durcissent considérablement, avec la décision de la Chine, début octobre, d'imposer des licences d'exportation non seulement sur l'ensemble des terres rares, mais aussi sur tous les produits en comportant. La présidente de la Commission européenne a évoqué quasi explicitement la mise en oeuvre de l'instrument anti-coercition dont l'Union européenne s'est dotée en 2023, qui donne des pouvoirs de rétorsion considérables à la Commission lorsque les échanges commerciaux sont utilisés par un partenaire pour obtenir des concessions indues. La position de la France est d'utiliser beaucoup plus activement cet instrument de dissuasion pour défendre nos intérêts. Je me réjouis donc de ces signaux encourageants, même s'il nous faut aller beaucoup plus loin pour défendre nos intérêts, sur le chemin d'une autonomie stratégique.
Vous avez ensuite évoqué le Proche et le Moyen-Orient. Je déplore, comme vous l'avez fait, la reprise des opérations militaires à Gaza. Les informations selon lesquelles des éléments du Hamas auraient ouvert le feu sur des soldats et des mouvements terroristes auraient menti sur la restitution du corps d'un otage, sont inacceptables si elles sont avérées. Souhaitons que le cessez-le-feu, rendu possible par le plan de paix présenté le 29 septembre par les États-Unis, puisse être pleinement mis en oeuvre pour engager la région sur un chemin de paix et de sécurité pour tous, Palestiniens comme Israéliens. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé depuis plus d'un an, d'abord avec l'Arabie saoudite, puis en élargissant le cercle. Ce travail a abouti l'été dernier à la « déclaration de New York », adoptée à une immense majorité par les Nations unies le 12 septembre. Elle a ouvert la voie au plan de paix du président Trump, qui y fait explicitement référence. Nous voulons y contribuer sur trois axes. D'abord, les questions humanitaires et de reconstruction : nous coorganiserons avec l'Égypte et les États-Unis une conférence internationale sur ces sujets dans les prochaines semaines. Ensuite, la sécurité, avec le redéploiement de la police palestinienne soutenue par une force internationale de stabilisation, qui ne sera déployée que sur mandat des Nations unies ; nous avons fait des propositions en ce sens à New York. Le troisième volet est celui de la gouvernance de l'enclave, où nous souhaitons qu'un lien soit établi avec l'Autorité palestinienne, qui a pris devant la France et l'Arabie saoudite des engagements de réforme très ambitieux.
En Syrie, je me réjouis qu'un accord ait été trouvé entre les autorités de Damas et les Kurdes du nord-est syrien, alors que le plan établi au mois de mars paraissait à l'arrêt. Les Kurdes ont été des alliés très fidèles dans la lutte contre les terroristes de Daech, cet accord est déterminant pour une Syrie réunifiée, qui fasse une place à toutes les composantes de la société syrienne. Nous continuons d'inciter les autorités syriennes à rejoindre la coalition mondiale contre Daech pour témoigner de leur engagement à lutter contre toute forme de rémanence de l'organisation terroriste, dont nous savons qu'elle espère profiter de cette période de transition en Syrie pour se reconstituer.
Au Liban, trois processus doivent avancer de concert : le désarmement du Hezbollah, qui suppose un renforcement des forces armées libanaises, lesquelles doivent détenir le monopole de la force légitime ; les réformes, notamment bancaires, indispensables pour que les bailleurs internationaux réinvestissent dans le pays et participent au financement de sa reconstruction ; et enfin, le retrait d'Israël des cinq points qu'il occupe encore dans le sud du pays. Nous nous préparons à coorganiser deux conférences dans les semaines à venir : l'une en Arabie saoudite sur le renforcement des forces armées libanaises ; l'autre, une fois que les réformes financières auront été faites, sans doute à Paris, pour la reconstruction du Liban.
Un mot sur la situation en Iran. Il y a dix ans, nous avions obtenu un accord sur des restrictions très fortes sur le programme nucléaire iranien. À la fin du mois de septembre, les sanctions ont été réappliquées, mais nous avons marqué notre disponibilité à engager des négociations conduisant à un encadrement strict, mais négocié, du programme nucléaire iranien, de certaines dimensions de son programme balistique et de ses activités de déstabilisation régionale. Je n'oublie pas le sort de nos deux compatriotes, Cécile Kohler et Jacques Paris, toujours retenus otages en Iran, dont nous demandons la libération inconditionnelle et immédiate.
Vous avez évoqué notre politique en Afrique. Vous connaissez les efforts de mon ministère pour mettre en oeuvre l'agenda transformé de notre relation avec les pays africains. Nous venons d'organiser le Forum Création Africa à Lagos, au Nigeria, consacré aux industries culturelles et créatives : il y tenait sa deuxième édition, la première ayant eu lieu en 2023 à Paris. Lagos est sans doute la locomotive des industries culturelles et créatives en Afrique, de la même manière que Paris en est la capitale européenne. Nous avons été accueillis par les autorités du Nigeria avec des déclarations très positives à l'égard de la France, témoins de l'importance de ce que nous construisons avec le Nigeria et d'autres pays d'Afrique dans ces domaines.
À mesure que nous avançons vers le sommet Afrique-France, nous avons bien l'intention de passer du faire, au faire-savoir, c'est-à-dire de passer du déploiement de cet agenda transformationnel à une modification de la perception qu'ont les populations et les dirigeants africains, mais aussi les observateurs français, sur la réalité de notre action en Afrique. Nous nous appuyons sur les rapports des commissions parlementaires et sur un lien que nous recréons avec les diasporas, qui constituent un trait d'union intéressant avec les pays d'Afrique : grâce à leur double appartenance, elles peuvent être des relais très utiles - sans en faire des instruments de propagande - de la réalité de notre action en Afrique, à laquelle, je suis bien obligé de le constater, bien peu d'observateurs s'intéressent aujourd'hui : le forum Création Africa n'a fait l'objet que d'un article dans Les Échos, rien dans les autres grands quotidiens nationaux, alors qu'il s'agit du plus grand forum jamais organisé sur le continent africain sur les industries culturelles et créatives : jeux vidéo, bandes dessinées numériques, design numérique, etc. La presse africaine a couvert l'événement, mais la presse française a encore du mal à percevoir l'action de la France en Afrique autrement que par le prisme de la Françafrique. J'essaie de faire du changement de cette perspective l'une des responsabilités de ce ministère, et je sais pouvoir compter sur cette commission pour y participer.
M. Olivier Cigolotti. - La question des avoirs russes a fait l'objet d'importantes discussions lors du sommet européen du 23 octobre dernier. Les négociations ont achoppé, la Belgique estimant à juste titre être très exposée aux risques générés par l'utilisation de ces fonds, puisque la société Euroclear, basée sur son territoire, en détient plus de 80 %.
Quelle est la position de la France et quelles garanties pourrait-on apporter à la Belgique pour avancer sur ce dossier ? Il s'agirait, dans le respect du droit international, d'utiliser les quelque 200 milliards d'euros d'avoirs russes, qui seraient bien utiles à l'Ukraine dans son effort de guerre, en complément de l'emprunt de 140 milliards que vous avez évoqué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Vous avez raison de rappeler les réserves de la Belgique, nous étions également réservés sur les propositions formulées jusqu'alors. Celle qu'avance désormais la Commission est différente, puisqu'elle ne passe pas par la saisine des actifs d'Euroclear : la Commission européenne émettrait des obligations, non pas sur un marché, mais auprès d'Euroclear en contrepartie des actifs russes - lesquels, au lieu d'être placés à la Banque centrale européenne, le seraient dans des obligations ayant pour contrepartie la Commission européenne, qui devrait donc les rembourser. Les fonds ainsi levés seraient prêtés à l'Ukraine et remboursés par celle-ci à la Commission, qui pourrait alors rembourser les actifs russes via les réparations versées par la Russie. Évidemment, il y a un risque : si la Russie ne versait pas de réparations, l'Ukraine ne pourrait pas rembourser la Commission, qui se trouverait alors en difficulté pour rembourser les actifs russes. C'est là que se situe le partage du risque financier, qui peut inquiéter certains États membres et que la France examinera avec beaucoup d'attention. Il s'agira notamment de savoir si ce risque est porté par la Commission elle-même ou s'il devait, même transitoirement, être assumé par les budgets nationaux des États membres, ce qui deviendrait assez compliqué. Nous allons regarder très attentivement la manière dont le risque est porté et partagé par les pays européens, mais pas seulement. En effet, lorsque nous avons mis en place le prêt de 50 milliards de dollars fondé sur les revenus tirés des actifs russes, ce sont les pays du G7 qui ont porté ensemble le projet. L'essentiel des actifs russes se trouve en Europe, mais ce sont les pays du G7 qui avaient mené l'opération : ce n'est pas le même partage du risque ; je serai dans quelques jours au Canada pour une réunion du G7, ce sera l'occasion de sonder nos partenaires sur cette question.
Le deuxième point concerne l'utilisation qui sera faite de ces sommes : nous venons d'obtenir que, pour ce qui est de l'armement ukrainien, elles soient utilisées en priorité pour la base industrielle et technologique de défense ukrainienne et européenne, nous y serons très attentifs.
Mme Nicole Duranton. - Le 14 octobre dernier, nos deux compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris ont été condamnés sans aucun fondement à de lourdes peines par la justice iranienne. Où en êtes-vous dans les négociations - diplomatiques et politiques - pour espérer une libération prochaine ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Le 20 mars dernier, nous avons obtenu la libération d'Olivier Vandecasteele après 887 jours de détention en Iran. Le 8 octobre dernier, nous avons obtenu la libération de Benjamin Brière après quatre mois de détention. Tout cela est le fruit du travail inlassable des agents du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, notamment ceux du poste à Téhéran et ceux du centre de crise et de soutien, que je tiens à féliciter et à remercier.
Nous restons très préoccupés par le sort et par l'état de santé physique et moral de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran depuis plus de trois ans. C'est le message que j'ai répété à mon homologue iranien ce week-end encore, et que le président de la République a livré au président iranien lors de leur rencontre à New York il y a un mois, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. Nous restons aux côtés de nos deux compatriotes et de leur famille. Le 30 septembre dernier, j'ai reçu les familles de Cécile Kohler et Jacques Paris pour leur faire état de l'ensemble de nos démarches, répondre à leurs questions et les assurer de notre soutien moral. Elles sont accompagnées par un référent au centre de crise et de soutien, qui est en contact très régulier avec elles. La dernière visite consulaire à nos deux compatriotes a eu lieu le 14 octobre, jour de la condamnation sans aucun fondement dont ils ont fait l'objet. Elle a permis à notre représentant sur place de leur témoigner notre soutien. Nous poursuivons nos efforts, comme nous l'avons fait dans les cas précédents, pour obtenir cette libération et nous ne les relâcherons pas tant que nous ne l'aurons pas obtenue.
M. Hugues Saury. - La situation au Soudan s'aggrave dans une certaine indifférence, alors que ce pays compte plus de 10 millions de déplacés, des millions de personnes menacées par la famine, environ 150 000 morts en deux ans et que ce conflit déstabilise désormais l'ensemble de la région. Le contexte budgétaire est compliqué, les crédits de la mission « Aide publique au développement » diminuent fortement ; cependant, quelle marge de manoeuvre concrète votre ministère entend-t-il conserver pour soutenir l'action humanitaire et diplomatique française au Soudan ? Envisagez-vous une initiative politique ou européenne pour éviter que la crise soudanaise ne devienne un angle mort de notre action extérieure ?
Ma seconde question concerne les accords de Lancaster House de 2010 entre la France et le Royaume-Uni, qui prévoyaient une coopération approfondie en matière de défense. Ces accords ont souffert du Brexit, décidé en 2016, puis de la rupture du contrat avec l'Australie pour la vente de sous-marins français en 2021. Or, le contexte a changé, le gouvernement britannique installé l'année dernière souhaite se rapprocher de l'Europe et de la France. Quelles conséquences pour les relations franco-britanniques ? Une mise à jour des accords de 2010 peut-elle intervenir pour relancer cette coopération en matière de défense ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Le Soudan n'est pas un angle mort de notre politique étrangère, mais seulement de la couverture médiatique internationale, et c'est bien regrettable. Vous le savez : an après le début de cette tragédie, c'est à Paris qu'a eu lieu la conférence internationale de soutien au Soudan, qui a permis de lever deux milliards d'euros. Le 15 avril dernier, s'est tenu à Londres, sous coprésidence française, la deuxième édition de la conférence humanitaire, qui a permis de lever encore un milliard d'euros. Le souhait unanimement partagé est que la guerre s'arrête et que cette conférence internationale de soutien n'ait donc pas à se réunir une troisième fois. Lors de la conférence de Londres, nous n'étions pas parvenus à obtenir une déclaration politique conjointe des participants, car les belligérants ont des relais extérieurs au Soudan qui jouent une partie de leurs intérêts ; or, cet été, la diplomatie américaine a obtenu une déclaration conjointe avec l'Égypte, l'Arabie saoudite, et les Émirats arabes unis sur la situation au Soudan, appelant les parties à cesser le combat et surmontant les obstacles dans la qualification de chacun des deux belligérants, qui jusqu'à présent empêchaient le processus d'avancer. Cependant, sur le terrain, la situation continue de se dégrader, avec la chute d'El Fasher. Les motifs de préoccupation ne manquent pas. L'aide humanitaire française s'élève à 84 millions d'euros en 2024 et à 55 millions d'euros en 2025. Nous souhaitons que cette tragédie cesse, les souffrances des populations déplacées ou victimes des violences sont intolérables. Nous verrons, en fonction de l'évolution de la situation, à quel niveau nous porterons l'effort humanitaire au Soudan l'an prochain.
Les accords de Lancaster House ont été remis sur le devant de la scène à l'occasion de la visite d'État du Président de la République au Royaume-Uni en juillet dernier. La ministre des armées pourrait vous présenter les détails de cette coopération ; notre ambition conjointe est bien d'actualiser ces accords, à un moment où nous avons coopéré de manière très étroite avec le Royaume-Uni par exemple pour la coalition des volontaires sur l'Ukraine, pour convaincre les États-Unis d'élaborer un plan de paix pour Gaza, ou encore pour nous efforcer, ici avec l'Allemagne, que l'Iran renonce à son programme nucléaire. Nous avons collaboré pleinement avec nos voisins britanniques et cela justifie une actualisation de nos accords de défense.
M. Christian Cambon. - Dans quarante-huit heures, le Conseil de sécurité des Nations unies va se pencher sur le renouvellement de la mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso). Ce renouvellement prend une importance particulière cette année, puisque les Nations unies ont annoncé vouloir diminuer de 25 % leurs missions de paix, compte tenu de la baisse de leurs crédits.
Or des informations concordantes indiquent qu'une initiative importante, menée par les États-Unis et à laquelle la France participerait, se préparerait pour apporter des éléments de solution à ce conflit gelé depuis plus de soixante ans entre le Maroc et le Polisario, avec l'Algérie en toile de fond.
Monsieur le Ministre, qu'en est-il ? La France est-elle impliquée dans la préparation de cette résolution qui montrerait que le plan de large autonomie proposé par le Maroc, est la solution de bon sens qui mérite d'être enfin choisie ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - La France est naturellement impliquée dans la discussion autour de la résolution sur le Sahara occidental, qui est adoptée chaque année et qui prend cette année un tour particulier après les décisions d'un certain nombre de pays de réviser ou de clarifier leur position. L'an dernier, nous avons appelé les autorités marocaines à s'inscrire dans ce processus de négociation sous l'égide des Nations unies et à présenter à l'ensemble des partenaires, notamment aux membres du Conseil de sécurité, leurs intentions sur le contenu de ce plan d'autonomie, sur le calendrier des discussions et sur l'horizon qu'ils veulent donner à cette initiative.
Mme Gisèle Jourda. - Le programme d'accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (Pause), piloté par le Collège de France, a soutenu environ 680 lauréats depuis 2017, nombreux ayant été évacués d'urgence de zone de guerre. Or plusieurs lauréats originaires de Gaza, récemment sélectionnés par la France, sont bloqués au péril de leur vie. La suspension des évacuations, décidée en août dernier, a suscité une profonde incompréhension dans la communauté universitaire, qui y a vu une remise en cause du principe de protection humanitaire individuelle.
Quelles mesures concrètes votre ministère entend-il prendre pour rétablir un dispositif d'évacuation d'urgence, par exemple via des couloirs humanitaires ou des partenariats avec des organisations non gouvernementales, comme le fait l'Allemagne ? Peut-on envisager la création d'un fonds d'urgence pluriannuel, tant à l'échelle nationale qu'européenne ? Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Depuis le 7 octobre 2023 et l'attaque du Hamas contre Israël, qui a causé plus de 1 200 morts et l'enlèvement de 250 otages, la bande de Gaza a été le théâtre d'une guerre sans merci conduisant à une situation humanitaire catastrophique. Comme beaucoup d'autres pays européens, nous avons mené, dès novembre 2023, des opérations humanitaires de sortie de la bande de Gaza au profit de nos compatriotes et de leurs familles, ainsi que de ressortissants palestiniens ayant des liens particuliers avec la France. Les lauréats du programme Pause, sélectionnés sur des critères particulièrement stricts, ont pu bénéficier d'une évacuation. La France est également associée à des évacuations sanitaires coordonnées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Union européenne au profit d'enfants blessés ou malades.
En août dernier, j'ai suspendu ces opérations et diligenté une enquête interministérielle après qu'un étudiante gazaouie, qui avait rejoint la France par le programme Pause, avait relayé sur les réseaux sociaux des propos antisémites inacceptables et qui n'avaient pas été détectés lors des contrôles de sécurité. Cette expérience nous a démontré qu'il nous fallait établir des procédures de contrôle renforcé pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise.
Nous avons travaillé activement avec l'ensemble des services compétents et, dès que nous avons identifié les procédures à mettre en place, nous avons décidé de reprendre les évacuations. Une opération de sortie de Gaza s'est ainsi déroulée ce dimanche et permettra l'arrivée en France cette semaine de vingt bénéficiaires. Ces opérations sont d'une complexité extrême vu les conditions de terrain. C'est un engagement fort et constant depuis deux ans, notre coopération scientifique et culturelle reste active avec la Palestine - je remercie les équipes sur place ainsi qu'à Paris, notamment au centre de crise et de soutien, pour leur mobilisation constante dans des conditions très difficiles.
M. Cédric Perrin, président. - Merci pour votre disponibilité. Nous sommes tous conscients de la nécessité de faire des efforts sur le régalien et sur la diplomatie. Nous essaierons de peser dans le débat budgétaire pour expliquer que la France, qui se veut influente, doit s'en donner les moyens.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo en ligne sur le site internet du Sénat.
La réunion est close à 18 h 45.
Mercredi 29 octobre 2025
- Présidence de M. Cédric Perrin, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Cédric Perrin, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport et l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade.
M. Rachid Temal, rapporteur. - Ce texte sera examiné en séance le 6 novembre, dans le cadre du temps réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale par Gabriel Attal, à la suite d'une tribune rédigée par Pierre Moscovici, Frédéric Salat-Baroux et Louis Gautier. Au Sénat, le groupe socialiste avait déposé une proposition de loi similaire.
L'affaire Dreyfus trouve son origine au temps de la IIIe République naissante, au lendemain de la terrible défaite qui vit l'Alsace-Lorraine devenir prussienne, dans une France en proie à un antisémitisme assez profond. Pendant de longues années, les intellectuels et toutes les familles de France se déchirèrent entre dreyfusards et anti-dreyfusards.
Alfred Dreyfus, dont la famille avait fait le choix de quitter l'Alsace au moment où elle devenait prussienne, était un brillant officier juif et patriote fervent.
Dans la cour de l'École militaire, lorsqu'il fut dégradé en 1895, tout comme durant les cinq années passées sur l'île du Diable, il n'a jamais remis en cause son rapport à l'armée ni son attachement à notre pays. Une fois retraité, il s'est même réinvesti en participant à la guerre de 1914-1918.
Pourquoi une loi aujourd'hui ? Le droit a toujours été présent dans l'affaire Dreyfus. Le Parlement avait adopté un texte en extrême urgence pour que Dreyfus soit envoyé à l'île du Diable plutôt qu'en Nouvelle-Calédonie, jugée insuffisamment dure par les autorités de l'époque. Plus tard, deux sénateurs, Auguste Scheurer-Kestner et Ludovic Trarieux, ont joué un rôle majeur dans la défense d'Alfred Dreyfus. Enfin, le 13 juillet 1906, au lendemain de la décision de la Cour de cassation, la Chambre des députés puis le Sénat ont adopté une loi réhabilitant Picquart et Dreyfus, dont l'innocence était définitivement démontrée.
Toutefois, si la loi a réintégré Picquart en tenant compte de l'ensemble de son parcours, il n'en a pas été de même pour Alfred Dreyfus. Lorsque nous avons auditionné le chef du bureau des officiers généraux, il reconnaissait que Dreyfus aurait dû être général si sa carrière avait été intégralement recomposée. Aujourd'hui, nous disons simplement qu'il faut réparer cette injustice.
Certains évoquent l'obstacle de l'article 13 de la Constitution, aux termes duquel le Président de la République nomme aux emplois civils et militaires. Mais cette disposition ne s'applique qu'aux personnes vivantes et aux emplois ouverts, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La présente proposition de loi ne transgresse donc aucun article de notre Constitution.
Il existe aussi d'autres précédents de décisions individuelles dérogatoires dans notre histoire : Jean Moulin, par exemple, a été nommé général de division par décret du ministre des armées. En l'occurrence, c'est la Nation française, et non l'un des pouvoirs constitués, qui propose d'élever, et non de nommer Dreyfus au rang de général. Nous ne nous situons pas dans le cadre habituel des nominations.
Au fond, la question qui nous est posée est la suivante : allons-nous, à l'instar de nos collègues députés, permettre de clore l'affaire Dreyfus ? Il n'est pas question d'aller contre l'armée, ni de rouvrir la guerre entre dreyfusards et anti-dreyfusards, mais simplement, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises au Sénat, d'apaiser les mémoires et de rendre hommage au parcours exemplaire d'Alfred Dreyfus.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ne sont recevables, au titre de l'article 45 de la Constitution, que les amendements portant sur la reconstitution de la carrière d'Alfred Dreyfus et la reconnaissance de la Nation à son égard.
M. Rachid Temal, rapporteur. - Pour ma part, je vous propose d'adopter le texte sans modification.
M. Roger Karoutchi. - Je reste très réservé sur cette proposition de loi.
Alfred Dreyfus a été fait lieutenant-colonel après sa conduite héroïque à Verdun. Pourtant, on continue de l'appeler « capitaine Dreyfus ». Le problème n'est pas de reconstituer sa carrière, mais le climat qui régnait au sein de l'armée et de la République à l'époque. Alors que le vrai coupable, Esterhazy, était connu, on a persisté à accuser Dreyfus, par antisémitisme. Le nommer général un siècle ne changera rien au fond de l'affaire...
Il est trop facile - et illusoire - de vouloir clore un événement qui a profondément marqué la France, où les Zola, les Clemenceau et autres Jaurès se sont battus pour Dreyfus face aux antirépublicains. Cette proposition de loi n'étouffera pas l'écho de cette affaire, qui reste toujours vivace dès que l'on évoque les questions de rupture d'égalité, d'antisémitisme et de sectarisme.
Je peux comprendre que ses descendants souhaitent cette élévation de grade à titre symbolique, mais j'aurais préféré pour ma part que l'on propose de faire entrer Alfred Dreyfus au Panthéon. Je ne sais pas ce que je voterai dans l'hémicycle, par respect pour la famille, mais je suis agacé par la manière dont on prétend vouloir mettre un terme à l'affaire Dreyfus, alors que c'est impossible.
Enfin, je n'accepte pas que certains puissent dire : « Je suis pour cette proposition de loi, donc je ne suis pas antisémite. » C'est bien trop facile...
M. François Bonneau. - Il n'est pas question, évidemment, de remettre en cause les choses terribles vécues par le capitaine Dreyfus et sa famille, mais on ne peut pas réécrire l'Histoire, parsemée de faits glorieux comme de faits odieux que nous devons assumer. Il y a de surcroît un vrai danger à s'engager dans cette voie : demain, ne voudra-t-on pas dégrader le maréchal Lyautey parce qu'il était colonialiste ou remettre en cause un certain nombre de faits historiques sur lesquels notre société s'est construite ?
Notre groupe s'abstiendra donc ou ne participera pas au vote.
Mme Michelle Gréaume. - L'affaire Dreyfus est connue de toute la population, et l'erreur commise à l'époque est admise par tous. De plus, Alfred Dreyfus a été promu lieutenant-colonel après sa réhabilitation. Pourquoi vouloir en rajouter ?
Pour l'instant, je ne me prononcerai pas au nom de mon groupe, mais je vous avoue sincèrement que je ne perçois pas très bien l'utilité de ce texte aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Grand. - Les analyses des uns et des autres sont éminemment respectables, mais si nous ne votions pas ce texte, nous ferions un cadeau fantastique aux antisémites...
M. Akli Mellouli. - Remettons les choses en perspective. Il ne s'agit pas de se donner bonne conscience, mais de faire prendre conscience que l'Histoire finit toujours par réhabiliter ceux qui ont été injustement discriminés. Comme l'a dit François Bonneau, notre passé mêle le meilleur comme le pire, mais c'est justement en reconnaissant ses parts sombres et en demandant le pardon qu'une République s'honore.
Parce que d'autres personnes seront victimes de cette suspicion permanente qui pèse sur une partie de notre population, nous envoyons, au travers de ce texte, un message fort : la République se tiendra toujours aux côtés de ceux qui sont discriminés ou attaqués en fonction de leur origine ou de leur orientation religieuse.
M. Étienne Blanc. - Je partage l'avis de Roger Karoutchi : il est assez facile de se retourner vers le passé, beaucoup plus difficile de lutter contre l'antisémitisme qui ravage actuellement la France et l'Europe. Se donne-t-on bonne conscience ? Je ne veux pas sonder les coeurs de ceux qui sont à l'origine de cette proposition de loi, mais je dis très clairement que ce n'est pas le sujet.
Pour avoir lu beaucoup d'ouvrages sur l'affaire Dreyfus, j'ai toujours été frappé de constater que deux personnes en particulier ont manipulé la justice militaire. Le premier est le colonel du Paty de Clam. Ce grand officier français, spécialiste de graphologie, a été instrumentalisé pour authentifier le fameux message qui condamnera Dreyfus. Il est pourtant mort dans son lit sans jamais avoir subi la moindre sanction. Le second est le colonel Henry, qui a produit les faux, les a cachés et en a détruit une partie. Il s'est certes suicidé dans sa cellule, mais il est mort colonel et n'a jamais été dégradé.
Peut-être faut-il reconnaître à Dreyfus ce grade de général, mais, en contrepartie, nous devrions songer aussi à dégrader celles et ceux qui l'ont emprisonné dans des conditions absolument épouvantables. Si je devais amender ce texte, c'est ce que je ferais.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Je suis extrêmement sensible aux arguments de Roger Karoutchi, mais ce texte est désormais sur la table, et si nous ne le votons pas, j'imagine l'interprétation qui en sera faite à l'extérieur... Les combats que la France a menés à cette époque sont encore d'actualité. Par conséquent, je ne peux imaginer que nous ne votions pas ce texte.
M. Cédric Perrin, président. - Loin de moi l'idée de voter contre cette proposition de loi, acte de justice symbolique dont le but est de corriger un préjudice qui aura brisé un homme, généré un tumulte considérable et marqué l'histoire du XXe siècle. Je partage toutefois l'idée selon laquelle ce texte permettra à certains - je ne vise personne au sein de notre assemblée - de s'acheter à bon compte une virginité en matière d'antisémitisme, ce qui me gêne profondément.
Je regrette pour ma part que l'on décide de nommer Dreyfus général de brigade. Il aurait été plus judicieux, me semble-t-il, de proposer au Président de la République de le promouvoir à un grade élevé de la Légion d'honneur, ce qui aurait permis de reconnaître une erreur et d'honorer sa mémoire.
En ouvrant la réhabilitation, sans doute légitime, du colonel Dreyfus, on ouvre aussi la boîte de Pandore. Pourquoi ne nous intéresserions-nous pas à de Castelnau, qui n'a jamais obtenu le grade mérité parce qu'il était catholique, ou à d'autres, discriminés pour d'autres raisons ?
Pour ces raisons, je m'abstiendrai à titre personnel, même si je comprends les raisons qui ont motivé le dépôt de cette proposition de loi.
M. Rachid Temal, rapporteur. - À aucun moment nous ne proposons de réécrire l'Histoire : les faits historiques ne sont nullement impactés par le texte.
Monsieur Karoutchi, quand je parlais de clore l'affaire, je ne voulais pas dire que tout était fini. Les grands débats perdureront, bien entendu, et je n'oublie pas que l'on doit aussi une part de la place de la France dans le monde à ceux qui ont pris des risques pour protéger le capitaine Dreyfus.
Mais ce n'est pas parce qu'il restera le « capitaine » Dreyfus pour l'Histoire que nous ne devons rien faire. Comment expliquer qu'il ne puisse recouvrer le grade qu'il aurait dû obtenir au regard de sa carrière ? Cette demande de la famille me semble légitime.
Nous ne cherchons pas non plus à nous donner bonne conscience. Nous serons toujours présents pour mener le combat contre l'antisémitisme, et ce n'est pas parce que certains pourraient vouloir profiter de ce texte que l'on ne doit pas s'attaquer à cette question.
Concernant les risques de précédents que certains décrivent, il me semble que l'histoire d'Alfred Dreyfus n'est comparable à aucune autre. Demain, on pourra dire aux jeunes qui intégreront nos armées que la France a su reconnaître les mérites d'un grand militaire et d'un grand patriote.
À titre personnel, je suis favorable également à l'intégration symbolique d'Alfred Dreyfus au Panthéon - on pourrait d'ailleurs imaginer qu'il le soit avec son épouse et son frère - ainsi qu'à sa promotion à la Légion d'honneur. Il faudrait, selon moi, faire les trois, mais je vous propose pour l'instant de nous en tenir à ce qui relève de la loi. Par ailleurs, si nous décidions de modifier ce texte, nous empêcherions son adoption avant le 11 novembre, jour de l'Armistice.
Pour conclure, si j'étais un peu taquin, je rappellerais que, parmi les signataires de la proposition de résolution que nous avions déposée en 2023, qui prévoyait déjà que le colonel Dreyfus soit élevé au rang de général, figuraient Roger Karoutchi, André Guiol, Étienne Blanc, Catherine Dumas ou Sylvie Goy-Chavent...
M. Roger Karoutchi. - L'ambiance n'était pas la même !
M. Rachid Temal, rapporteur. - Justement, ce regain d'antisémitisme rend ce texte plus nécessaire que jamais ! Les députés ont voté la proposition de loi à l'unanimité des suffrages exprimés, il serait assez incompréhensible que les sénateurs n'en fassent pas de même.
M. Cédric Perrin, président. - Je m'inquiète de constater que, depuis quelques années dans ce pays, tout devient manichéen. Si vous votez contre ce texte, vous seriez antidreyfusard ; si vous votez pour, vous seriez dreyfusard. Le problème est en réalité beaucoup plus complexe que cela, et il tient surtout à la manière de faire passer le message.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.
Projet de loi de finances pour 2026 - Audition du général d'armée Hubert Bonneau, Directeur général de la Gendarmerie nationale
M. Cédric Perrin, président. - Mon général, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour ce qui est votre deuxième audition devant notre commission.
Vous avez, au début de cette année, tenu des propos très forts dans une lettre adressée à vos plus hauts commandants. Soulignant le durcissement de notre environnement stratégique, vous jugez que « la possibilité d'un conflit armé et d'une agression du sanctuaire national » doit « être sérieusement envisagée » et que la gendarmerie « a le devoir de se préparer pour tenir sa place ». La « militarité » de la gendarmerie, notion que vous mettez régulièrement en avant, retrouve ainsi sa pleine pertinence au regard des nouvelles menaces.
Je vous inviterai donc à nous indiquer comment ce constat oriente concrètement votre action à la tête de la gendarmerie nationale et comment il se reflète dans le budget du programme 152. Je vous demanderai également de revenir, si vous le voulez bien, sur la notion de défense opérationnelle du territoire (DOT), dont la gendarmerie est partie prenante, avec nos forces armées. Quelle est sa pertinence ? Et devons-nous l'adapter au nouveau contexte stratégique ?
Dès votre prise de fonctions, vous avez également identifié une autre priorité, l'immobilier, qui, à travers le logement en caserne, fonde la condition militaire du gendarme. Ceux d'entre nous qui ont été maires ou qui ont eu l'occasion d'oeuvrer à la construction de gendarmeries mesurent l'importance de cet enjeu. Plusieurs années de sous-investissement ont engendré une « dette grise » d'environ 2 milliards d'euros, qui se traduit par un délabrement notable du parc, mais aussi par le poids budgétaire croissant du locatif. Amorcé l'an dernier, le redressement se poursuit cette année, avec pas moins de 352 millions d'euros en crédits de paiement.
Nous retiendrons également la reprise du déploiement des 239 nouvelles brigades, mis en pause en 2025, les 25 millions d'euros supplémentaires pour la réserve opérationnelle, après la coupe sévère opérée l'an dernier, et la refonte de la grille indiciaire des officiers, attendue pour la fin de l'année.
Toutefois, malgré ces points de satisfaction, et en dépit d'une progression globale du budget de la gendarmerie dans le contexte budgétaire que nous connaissons, le sentiment demeure que la réalisation de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a été percutée par les priorités plus immédiates que sont les jeux Olympiques et la crise en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
Comment, dans ces conditions, la gendarmerie pourra-t-elle « tenir sa place », selon vos propres mots, face à la multiplication des défis qui l'attendent ?
Sans plus attendre, je vous cède la parole. Après votre exposé liminaire, les rapporteurs pour avis du programme 152, Philippe Paul et Jérôme Darras, vous poseront leurs questions ; je donnerai ensuite la parole aux autres commissaires.
Général Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale. - C'est pour moi un honneur de me présenter devant vous pour la deuxième fois, accompagné de M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances à la direction générale de la gendarmerie nationale, et du colonel Ronan Lelong, chef du bureau de la synthèse budgétaire.
Je souhaiterais, avant mon propos liminaire, vous présenter un court film sur les actions de la gendarmerie, afin de nous plonger dans l'ambiance de notre institution. (La vidéo de présentation est diffusée aux membres de la commission.)
Je commencerai par évoquer les éléments qui font la force de la gendarmerie et nos points de vigilance.
Plutôt que par les missions qu'elle assure - sécurité publique, renseignement, ordre public, maintien de l'ordre, police judiciaire -, je définis la gendarmerie comme une force armée dont la vocation est de garantir l'accès de tous aux services publics de sécurité sur 96 % du territoire national.
Depuis 2007, la population de notre zone de compétence a augmenté de plus de 3 millions d'habitants, tandis que les effectifs de la gendarmerie devraient seulement retrouver leur niveau de 2007 en 2026, avec l'arrivée de 400 équivalents temps plein (ETP) prévus par la Lopmi, ce qui correspond aux 58 brigades qui n'ont pas pu être créées cette année.
Au cours de la même période, nous avons constaté une hausse massive des interventions et de la délinquance.
Sur dix ans, la délinquance générale dans notre zone de compétence a augmenté de plus de 25 %. Les interventions ont crû de plus de 53 % et les gardes à vue de plus de 40 %. Nous constatons une augmentation du niveau de violence subie par la population et par les forces de l'ordre : depuis le début de l'année, six gendarmes sont décédés en service ou en mission, 4 100 ont été victimes d'agressions et 8 000 ont été blessés, soit une hausse notable de 3,5 % par rapport à l'an dernier.
La montée de la criminalité organisée est un phénomène qui ne peut pas non plus nous échapper, en métropole comme en outre-mer, et qui connecte toutes les formes de délinquance. Il n'y a pas de narcotrafic sans point de deal ou « Uber shit » ; il n'y a pas de gang criminel organisé itinérant venant d'Europe de l'Est, comme les Vory v zakone (« voleurs dans la loi »), sans cambriolages au niveau local.
Nous faisons également face à des problématiques majeures d'immigration illégale et de vols en bande organisée.
La multiplication des crises dans nos outre-mer est un autre phénomène majeur, notamment depuis mai 2024, qui entraîne un niveau d'engagement inédit de la gendarmerie mobile. Actuellement, 39 escadrons, soit 2 730 gendarmes mobiles, sont détachés en permanence dans les outre-mer. Il faut y ajouter 165 gendarmes départementaux en missions de courte durée pour apporter une compétence supplémentaire, notamment en police judiciaire. Ces escadrons ne sont pas engagés au quotidien dans le maintien de l'ordre, mais dans la sécurité publique générale en Guyane, aux Antilles et, bien évidemment, en Nouvelle-Calédonie, où nous mobilisons en permanence 20 escadrons.
Le contexte budgétaire est marqué par des contraintes qui justifient des efforts à tous les niveaux. Ceux-ci se traduisent sur le programme « Gendarmerie nationale » par certains renoncements.
La gendarmerie est une force de couverture des territoires dont la réponse opérationnelle repose sur quatre forces essentielles.
La première, la gendarmerie départementale, représente notre « système d'armes ». Les 3 700 implantations et 3 100 brigades territoriales constituent les points d'appui essentiels de la gendarmerie, qui nous permettent une rapide montée en puissance des moyens.
La deuxième, ce sont les moyens spécialisés. Nous avons développé des chaînes spécialisées qui viennent appuyer dès que nécessaire nos unités territoriales. En fait, il y a une espèce de double maillage : il y a un maillage territorial et un maillage subsidiaire qui vient renforcer le travail des unités territoriales. Nos actions à l'échelon national sont renforcées avec l'unité nationale de police judiciaire, la fameuse UNPJ, qui vient d'être créée.
La troisième, c'est évidemment la gendarmerie mobile, qui fait face à un taux d'engagement particulièrement soutenu, en particulier dans les outre-mer. Pour être à l'équilibre, il est nécessaire de faire un peu « souffler » les forces, mais aussi de les maintenir en condition opérationnelle par un entraînement. On estime que l'engagement maximum devrait être de 68 escadrons par jour. En réalité, nous montons pratiquement en moyenne à 77 escadrons par jour.
Enfin, la quatrième, essentielle à mes yeux, c'est la réserve opérationnelle, qui est un apport précieux, un atout majeur dans les territoires. Pour faire face au niveau d'engagement requis, nous avons repensé les dispositifs opérationnels. Je pense par exemple aux dispositifs de renfort estivaux et hivernaux. Grosso modo, l'hiver, des gendarmes de plaine montent en renforcement des stations de ski, et l'été, des gendarmes de l'intérieur viennent renforcer les gendarmes de la côte. Cela s'effectue à l'échelon régional, mais aussi, le cas échéant, à l'échelon national.
Notre finalité est d'abord le contrôle des flux, la surveillance et le contrôle sur le ruban routier, mais pas seulement : la gendarmerie doit être efficace en surveillance et en contrôle sur le trait de côte, dans les ports de plaisance, dans les ports secondaires, dans les ports de pêche. Elle doit être performante en surveillance et contrôle sur les canaux, sur les aérodromes secondaires, sur la voie ferrée. Tout passe par les flux.
Pour pouvoir exécuter de telles missions sous plafond d'effectifs, j'ai décidé de transformer nos escadrons départementaux de sécurité routière, qui ont été dissous, en escadrons départementaux de contrôle des flux. Ces gendarmes sont capables aujourd'hui non seulement d'être en contrôle sur les axes routiers, mais aussi de monter dans les trains et d'avoir une surveillance particulière sur le trait de côte et des compétences supplémentaires, y compris sur l'immigration illégale.
Les efforts que nous avons réalisés se sont répercutés sur notre chaîne de police judiciaire. L'approche que nous avons retenue est d'abord celle du renseignement judiciaire et administratif, ce qu'on appelle le renseignement criminel. Nous avons rapproché partout, dans toutes nos structures, les responsables de la police judiciaire et du renseignement. Je demande aujourd'hui aux gendarmes de travailler plus sur les criminels que sur la criminalité. Nous faisons plus de ciblage.
Cela se retrouve dans notre organisation, avec la création, à compter du 1er septembre 2025, de l'UNPJ, qui regroupe 1 200 enquêteurs à Pontoise. Il s'agit de spécialistes de la police judiciaire dans le cyber, dans le numérique, dans la délinquance financière, dans les cryptomonnaies.
Par exemple, face à la DZ Mafia, nous avons détaché à Marseille de manière permanente des dizaines d'enquêteurs sur des mois pour augmenter le niveau d'expertise de la section de recherche.
Nous essayons aujourd'hui de nous réorganiser, de nous restructurer, pour être plus performants. Nous avons fait de même dans le continuum sécurité-défense. Ainsi, en matière de défense opérationnelle du territoire, j'ai demandé à mes réservistes d'organiser dès maintenant partout dans les territoires, sous le contrôle de la gendarmerie départementale, des dispositifs d'une meilleure connaissance du terrain. Mes gendarmes doivent avoir refait un état complet des organismes d'importance vitale (OIV) et des points d'importance vitale (PIV) d'ici à la fin de l'année. Le travail avance bien, y compris dans les outre-mer.
Le projet de loi de finances doit soutenir notre modèle. Je voudrais remercier la représentation nationale et les ministres des efforts qui ont été réalisés, notamment, sur l'immobilier de la gendarmerie. C'est essentiel. Si nous voulons une gendarmerie pérenne, nous devons assurer le maillage territorial. Nous retrouvons des marges, avec 300 millions d'euros en investissement, même s'il le besoin annuel est estimé à 400 millions d'euros.
Certes, en 2025, nous n'avons pas eu la possibilité de faire les 58 brigades nouvelles prévues dans le cadre de la Lopmi. En 2026, le schéma d'emplois est prévu à 400 ETP ; il nous en faudrait exactement 464 pour faire les 58 brigades supplémentaires. Même si nous faisons les brigades nouvelles l'année prochaine, il manquera encore 1 145 ETP pour faire la totalité des 239 brigades prévues par la Lopmi.
En 2007, le ratio était de 3,2 gendarmes pour 1 000 habitants. Aujourd'hui, il est de 2,9. L'enveloppe prévue pour la réserve opérationnelle, qui nous aide au quotidien, doit augmenter de près d'un tiers. Nous avions 70 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025 ; il est prévu de monter à 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026. C'est absolument nécessaire.
La Lopmi prévoyait 50 000 réservistes. Aujourd'hui, nous disposons de près de 39 000 réservistes. Toutes nos préparations militaires gendarmerie sont pleines. Il faut pratiquement un an d'attente pour entrer dans la réserve gendarmerie. Je suis contraint par le budget, alors que le nombre de jours par réserviste par an diminue. Avec 150 millions d'euros ou 160 millions d'euros, je pourrais continuer la marche en avant vers les 50 000 réservistes et employer davantage mes réservistes sur une année.
Le projet de budget prévoit 33 millions d'euros de plus en faveur de l'investissement. Le parc immobilier, qui est le socle de notre système d'armes, avait souffert d'un sous-investissement chronique. Avec votre soutien, nous avons obtenu pour 2025 des crédits favorables pour financer des travaux impératifs et urgents, qu'il s'agisse de la qualité de vie des familles ou des locaux de services et techniques (LST) pour mieux accueillir nos concitoyens.
Notre schéma directeur immobilier vise à redonner aux familles, aux gendarmes, la vision d'une politique immobilière ambitieuse. Nous avons lancé le projet Cap Satory, qui est un partenariat public-privé pour remettre en condition le plateau de Satory. Ce sont des travaux dont le montant s'élèvera à plus de 600 millions d'euros.
Je considère le retour en immobilier domanial comme une absolue nécessité. Une caserne domaniale coûte deux fois moins cher en exploitation qu'une caserne locative.
Il faut aussi revoir les décrets de 1993 et 2016, qui permettent la construction locative en gendarmerie. Il faudrait que nous puissions démarcher les collectivités pour contracter dans le cadre d'un emprunt à taux fixe, à l'issue duquel la brigade reviendrait en domanialité à la gendarmerie.
Les véhicules sont un sujet d'attention particulière pour nos brigades territoriales. Actuellement, la durée de vie des véhicules en gendarmerie est estimée à huit ans - je devrais donc, normalement, renouveler un huitième du parc chaque année, ce qui correspond à 3 700 véhicules. Or l'âge moyen du parc en gendarmerie est déjà de sept ans ou huit ans. Sur la base de ce calcul, je devais renouveler environ 15 000 véhicules sur la période 2023-20026, mais la somme des véhicules renouvelés sur ces années ne sera que de 5 000, parce que je n'ai pas les moyens de faire plus.
J'en viens aux équipements stratégiques de projection. Les hélicoptères de la gendarmerie sont une priorité. Nous sommes engagés dans le renouvellement partiel de la flotte par dix H160 - les premiers devraient arriver cette année -, et nous avons obtenu six H145, dont deux sont payés par les Britanniques dans le cadre des accords de Sandhurst. Toutefois, le programme ne peut pas couvrir, pour l'instant, ce que l'on appelle la tranche complémentaire du programme d'acquisition des nouveaux H145 D3. Sans décision d'ici au début de 2027, la gendarmerie connaîtra une rupture capacitaire majeure sur sa flotte d'aéronefs, avec des conséquences fortes, notamment dans les outre-mer. Nous avons des hélicoptères Écureuil qui ont aujourd'hui plus de quarante ans : il faut impérativement les renouveler, sous peine de devoir fermer des sections aériennes de gendarmerie, soit en métropole, soit dans les outre-mer. Nous sommes déjà obligés de fermer partiellement certaines sections aériennes de gendarmerie par rotation pour garantir le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères.
Sur le volet numérique, 120 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus. Ils couvrent 60 % du besoin. Je pense qu'aujourd'hui, tout n'est pas qu'une question d'ETP. L'important est d'avoir des « gendarmes augmentés » ; le numérique, le cyber et l'intelligence artificielle (IA) doivent le permettre. Mais tous ces programmes ont un coût. Avec 120 millions d'euros, il me faut faire des choix. J'ai des difficultés à renouveler certains équipements. Certains ordinateurs, certains terminaux portables de la gendarmerie, ce qu'on appelle les NEO, seront assez compliqués à rénover cette année.
Enfin, en tant que force armée, la gendarmerie a des missions spécifiques de niveau militaire. Là encore, nous avons besoin d'un niveau d'équipement acceptable pour la gendarmerie. Il y a des plans capacitaires à prendre en compte pour le renouvellement des équipements, des armes, des gendarmes. Nous sommes, me semble-t-il, la seule armée à être encore dotée de Famas, équipements qui ont plus de quarante ans et qui ne seront bientôt plus soutenus, parce que plus personne ne saura les entretenir. Il faut que nous dotions nos unités territoriales de moyens modernes, notamment de vision nocturne et de protection individuelle. Et songeons à ce que seraient nos besoins dans le cadre d'un engagement majeur de nos armées sur l'extérieur.
M. Cédric Perrin, président. - Mon général, je vous remercie de ces propos liminaires. Je connais bien les difficultés auxquelles un maire doit faire face pour pouvoir construire une brigade de gendarmerie. Outre les problèmes administratifs, la gestion de l'ensemble des constructions de brigades relevait autrefois - je pense que cela a dû évoluer depuis - d'une seule personne.
M. Philippe Paul - Mon général, je vous remercie de cette présentation très complète.
Vous avez évoqué les brigades nouvelles. Cette année, il n'y a pas eu de création d'emploi. Tout est décalé sur l'année prochaine. Nous perdons ainsi un an. Voilà quelques semaines, nous avions des garanties du précédent ministre de l'intérieur que les effectifs seraient au rendez-vous en loi de finances.
Vous avez également abordé le domanial, sujet que nous connaissons bien. Je sais que vous attendez des arrêtés de la part de Bercy. Comment les choses se présentent-elles ?
Les hélicoptères sont, il est vrai, un peu fatigués. Pourriez-vous nous rappeler les chiffres à cet égard ? Pensez-vous que, côté Bercy, les financements seront au rendez-vous ?
Le remplacement des Famas, notamment avec des HK416, est urgent. J'ai cru comprendre qu'il fallait tous les remplacer d'ici à 2030. Combien de pièces faudra-t-il acheter ? Des crédits sont-ils prévus, en imaginant un lissage entre 2027 et 2030 ?
Je termine sur la défense opérationnelle du territoire. Avec quelques collègues, j'ai conduit une mission récente dans les pays scandinaves, qui sont assez en avance sur le mélange du civil et du militaire - on appelle cela la « défense totale » là-bas. Je l'avoue, pour certaines personnes, cela peut être un peu anxiogène. Vous avez évoqué les réservistes ; comment voyez-vous les choses de ce point de vue ? On a aussi évoqué, cet été, la possibilité d'actionner les hôpitaux pour un éventuel afflux de blessés, ou la distribution d'un guide de survie. Je pense qu'il faut tranquilliser quelque peu la population. Quels éléments complémentaires pouvez-vous nous communiquer sur la DOT ?
M. Jérôme Darras - Mon général, je vous remercie à mon tour de cette analyse complète et franche du programme « Gendarmerie nationale », qui montre les réalités qui se cachent derrière les chiffres. Je veux rendre hommage à l'engagement et au dévouement de nos gendarmes, qui, vous l'avez rappelé, paient un lourd tribut face à la montée de la violence et continuent pourtant d'imposer partout sur le territoire national leur présence rassurante.
Les crédits de la réserve opérationnelle, après avoir été ramenés à 75 millions d'euros en 2025, remontent à 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026. Mais, si le nombre de réservistes est passé de 33 000 en 2023 à 38 000 aujourd'hui, la marche pour atteindre l'objectif de 50 000, fixé par la Lopmi, demeure haute. Pensez-vous être en mesure de mobiliser nos réservistes à l'avenir plus de vingt jours par an ?
Vous l'avez rappelé, compte tenu du schéma d'emplois, l'objectif des 239 brigades annoncées paraît difficilement atteignable à l'échéance prévue. Néanmoins, les implantations se poursuivront-elles jusqu'à ce qu'il soit atteint ? Ne craignez-vous pas une démotivation des communes qui ont engagé des projets immobiliers pour l'accueil de brigades ? Le nouveau dispositif de location avec option d'achat leur sera-t-il rapidement proposé ?
La dimension ultramarine de l'action de la gendarmerie, qui constitue l'essentiel de nos forces de sécurité intérieure dans ces territoires, est très spécifique. En Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, des conditions de maintien de l'ordre particulièrement difficiles ont nécessité et nécessitent encore un suremploi de la gendarmerie mobile. Est-il envisageable de repenser globalement le déploiement des effectifs et des matériels outre-mer, afin de ne pas avoir à sursolliciter les renforts de gendarmerie mobile ?
J'en viens à l'équipement en véhicules légers. L'effort important sur l'investissement immobilier, qu'il faut saluer, s'effectue au prix d'un recul de 100 millions d'euros sur les autres postes. Ainsi le budget réservé à l'acquisition des véhicules ne permettra-t-il d'acquérir que 600 à 700 véhicules quand le besoin annuel est de 3 750 véhicules pour le seul renouvellement. S'ajoutent des problèmes de fiabilité de ceux qui ont été acquis entre 2020 et 2022.
Enfin, l'état-major commun qui a été constitué par la gendarmerie et les forces armées en Guyane semble particulièrement bien fonctionner. Peut-il être considéré comme la préfiguration d'un dispositif de défense opérationnelle du territoire et être appliqué à l'avenir sur l'ensemble du territoire national ?
- Présidence de M. Pascal Allizard, vice-président -
Général Hubert Bonneau. - Je crois que nous ne valons que par le maillage territorial. Je pense que ce serait une erreur de le casser.
Par exemple, dans le sud de la France, où le trait de côte est particulièrement occupé - je pense notamment à la Côte d'Azur - et où l'intérieur des terres l'est moins, c'est pourtant à l'intérieur que l'on trouve aujourd'hui une implantation du cartel de Sinaloa.
Si les gendarmes ne sont pas au contact, nous ne voyons pas ce qui se passe. Encore une fois, je pense que la gendarmerie nationale doit être la force qui surveille et qui contrôle sur l'ensemble des territoires les flux. Tout passe par les flux : le trafic d'êtres humains, le trafic d'armes, le trafic de stupéfiants.
À mon sens, notre action est améliorable, et même grandement améliorable. Je réclame beaucoup d'efforts aux gendarmes, qui sont déjà très chargés. Je leur demande ainsi d'orienter leur action de présence sur la voie publique sur des objectifs précis de contrôle, de regarder ce qui se passe dans les territoires, de ramener du renseignement à vocation criminelle.
Nous contrôlons mieux les aérodromes secondaires, qui sont des endroits névralgiques sur lesquels on peut avoir de l'arrivée massive de produits.
Aujourd'hui, il faut avoir véritablement la conscience que nous ne pouvons pas aller plus loin dans la réorganisation territoriale de nos forces. La bascule de forces est toujours possible, mais elle s'effectuerait au détriment du contrôle du territoire national et de la profondeur des territoires.
Je pense que nous ne pourrons pas renforcer notre action dans les outre-mer sans ETP supplémentaires. Il y a quinze ans, à Saint-Laurent-du-Maroni, il y avait entre 15 000 et 20 000 personnes. Aujourd'hui, on parle de 80 000 à 100 000 personnes ; et les effectifs de gendarmerie ont peu évolué.
Et, encore une fois, tout n'est pas affaire d'ETP. Il faut donner les moyens aux gendarmes d'être plus performants. Je pense à la technologie, à l'intelligence artificielle. Nous avons ainsi lancé le système de traitement central Lapi (STCL), qui nous permet de mieux cerner ce qui se passe sur nos axes routiers. Aujourd'hui, l'axe d'effort de la gendarmerie est d'augmenter les capacités du gendarme grâce à la technologie et à l'IA.
Je vais laisser la parole au directeur des soutiens et des finances sur l'immobilier, qui est évidemment un sujet essentiel.
M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances à la direction générale de la gendarmerie nationale. - Actuellement, le délai entre la décision de construire une brigade et l'inauguration est de cinq ans à six ans. Il y a une partie incompressible, qui est la construction de la caserne elle-même. Nous avons examiné comment simplifier la phase administrative, ce qui nous a permis de gagner entre neuf mois et douze mois. Le financement avec les collectivités locales reste un point difficile : les décrets de 1993 et de 2016 ont souvent un effet bloquant, notamment depuis le regain d'inflation de 2022. Nous n'arrivons pas toujours à boucler les financements, ce qui retarde les projets.
C'est pourquoi nous sommes en train d'envisager une révision des décrets. L'avantage d'un décret « LOA », au-delà duretour en domanialité, est de nous faire changer de logique. Au lieu d'un plafond applicable à tous les projets de construction de manière indifférenciée, nous pourrions avoir, comme cela avait émergé des auditions du sénateur Belin l'an dernier, un principe de « redevance transparente » : discuter avec les collectivités locales sur la réalité de leurs coûts, et compenser ces coûts avec les frais de gestion correspondants. Les collectivités nous ouvrent en quelque sorte leurs comptes, et nous payons le juste prix en échange. Cela permettrait de lever tous les blocages qui ajoutent aujourd'hui des délais quand on veut construire des brigades.
Le décret fait actuellement l'objet de consultations. Nous espérons pouvoir présenter le projet au début de l'année prochaine et le voir entrer en vigueur avant l'été 2026. Ce serait intéressant pour les collectivités locales, qui n'auraient plus à se demander si leurs frais seront couverts par le plafond, et pour l'État, grâce au retour en domanialité. Et le processus devrait être accéléré assez substantiellement. Normalement, il ne devrait pas y avoir trop d'oppositions. Il nous reste à convaincre Bercy, mais nous avons bon espoir d'y arriver.
M. Jérôme Darras. - Peut-on considérer que, dès que le système sera acté, les projets qui étaient prévus en locatif et qui étaient en attente de financement repartiront ?
M. François Desmadryl. - Oui. Ces projets ne sont pas suspendus aujourd'hui. Pour l'instant, nous continuons avec les décrets en vigueur. Lorsque le nouveau décret, qui sera a priori plus avantageux pour tout le monde, sera sorti, il n'y aura, je le crois, aucune difficulté pour basculer d'un système à l'autre.
Général Hubert Bonneau. - Je poursuis sur les besoins en renouvellement d'équipements.
Aujourd'hui, 22 000 fusils d'assaut doivent être remplacés, pour un budget estimé à 110 millions d'euros. L'ensemble du budget estimé pour renouveler les équipements dits « militaires » de la gendarmerie, mais qui servent aussi au quotidien - les monoculaires de vision nocturne qui permettent de débusquer des individus se livrant à des actions de sabotage, et les armes tactiques utiles à la gendarmerie mobile -, est aujourd'hui de 800 millions d'euros.
Au sein de la gendarmerie nationale, nous disposons aujourd'hui de 56 hélicoptères : 15 EC145, 15 EC135 et 26 Écureuil. Dans le cadre de la Lopmi, comme je l'ai dit, six H145 D3 ont été acquis sur marché commun. Nous avons besoin d'une tranche complémentaire de 22 hélicoptères, pour un montant de 355 millions d'euros. Cela doit impérativement être signé avant 2027.
Dans notre parc automobile, l'âge moyen des véhicules est de sept ou huit ans. Nous estimons pouvoir en remplacer 600 l'an prochain, quand il faudrait en renouveler, comme vous l'avez rappelé, 3 700 chaque année.
Sur la réserve opérationnelle, aujourd'hui, je suis capable de faire exactement 22,14 jours d'emploi réserviste par an. Les réservistes trouvent qu'ils ne sont pas assez employés, et je les comprends. L'idéal pour moi serait de dépasser les trente jours par an. La réserve opérationnelle de gendarmerie - ce chiffre est important - est constituée à plus de 70 % de purs civils. Et il n'y a pas que des jeunes majeurs ; on trouve aussi des mères de famille, des chefs d'entreprise, etc. C'est une vraie richesse, en particulier à une époque où l'on parle souvent du lien entre l'armée et la Nation. En outre, et c'est un aspect qui me tient à coeur, nos réservistes sont employés là où ils vivent : le lien, c'est le lieu. Je peux témoigner, comme tous mes commandants, du niveau d'engagement de nos réservistes. Je leur rends hommage, comme à mes gendarmes départementaux.
Je tiens à vous décrire l'idée que nous nous faisons de la DOT, notamment par rapport aux armées. Aujourd'hui, celles-ci nous appuient. Nous ne pouvons pas être performants en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et en Guyane - j'y reviendrai tout à l'heure - si nous n'avons pas l'appui des armées. Nous avons vu lors des Jeux olympiques ou lors du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement combien les armées viennent aujourd'hui en appui des forces de sécurité intérieure. Je pense que, dans l'hypothèse d'un engagement majeur, ce sera l'inverse. Par exemple, si nous avons un engagement majeur à l'Est, cela ne se fera pas sans agitation sur le territoire national : actions de proximité, sabotage, voire manifestations, car je ne suis pas sûr que tous nos concitoyens soient favorables à ce type d'engagement. Et avant même un engagement, il faudra peut-être faire transiter par la France des matériels sensibles ; il faudra alors couvrir le territoire avec des moyens, et c'est, je le crois, le rôle de la gendarmerie nationale. Nous devons nous préparer à de telles hypothèses.
L'état-major conjoint que nous avons mis en place en Guyane n'est pas nécessairement une préfiguration de la DOT. Il a été institué dans le cadre de l'opération Harpie. Je l'ai visité ; c'est remarquable. Les gendarmes sont totalement intégrés dans un état-major otanien dirigé par le COMSUP des forces armées en Guyane, où plusieurs bureaux sont dirigés par des gendarmes, notamment dans le renseignement. Cela permet aujourd'hui d'orienter les actions contre l'orpaillage de façon inégalée : 85 % de nos missions programmées font un hit sur le terrain. C'est l'exemple même de ce que l'on peut faire en appui conjoint entre les forces armées et la gendarmerie dans un département aussi compliqué que la Guyane.
M. Olivier Cigolotti. - Mon général, avec le président Perrin et notre collègue André Guiol, dans le cadre d'une mission lancée par notre commission, nous avons eu l'occasion de partager le quotidien des gendarmes de Guyane, notamment en forêt. Nous tenons à saluer le travail remarquable et exemplaire qui est réalisé au quotidien par ces gendarmes dans un milieu à la fois abrasif et hostile. Je pense à la lutte contre le narcotrafic et à la lutte contre l'orpaillage illégal.
Aujourd'hui, la montée de la criminalité en Guyane est parfaitement documentée. Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de revoir le dispositif Harpie ? Un certain nombre de compétiteurs - je pense notamment à la Chine, pour ne pas la nommer - pillent nos ressources naturelles dans ce département, et notre dispositif, même s'il remplit aujourd'hui pleinement les objectifs qui lui sont fixés, risque d'être rapidement dépassé par l'intérêt qui est lié à l'évolution du cours de l'or.
M. Philippe Folliot. - Mon général, j'avais déjà évoqué l'an dernier le décalage entre les éléments nationaux relatifs à l'immobilier que vous venez de rappeler et les propositions qui peuvent être formulées sur le terrain, mais qui n'aboutissent pas, ce qui est bien dommage...
Vous avez indiqué que la réserve opérationnelle était l'un de vos piliers majeurs. Si mes informations sont exactes, il semblerait que, pour la garde républicaine à Paris, tous les crédits soient utilisés sur les huit ou neuf premiers mois de l'année. Est-ce lié à un problème de programmation ?
En 2009, j'avais fait part d'interrogations quant à l'intégration de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. Aujourd'hui, certains commencent à dire qu'il pourrait être intéressant de réintégrer la gendarmerie dans le périmètre du ministère de la défense. Existe-t-il des réflexions en ce sens de votre côté ? Pour notre part, nous sommes tous très attachés au caractère militaire de la gendarmerie, que vous avez su préserver malgré le rattachement au ministère de l'intérieur.
Mme Nicole Duranton. - Je me fais le relais des questions de mon collègue Lemoyne. Certains départements verront la réalisation de leur première brigade en 2026. Y aura-t-il d'autres brigades que celles que vous avez annoncées ? À défaut, la cible de 2027 pour la réalisation de l'ensemble du plan de 200 brigades est-elle maintenue ?
M. Jean-Pierre Grand. - Mon général, j'ai un peu sursauté quand vous avez parlé du retour au domanial. Vous le savez, je suis un fan de la gendarmerie.
La gendarmerie, ce sont aussi des familles. Et quand j'ai construit la gendarmerie que vous connaissez, je l'ai fait en pensant aux familles des gendarmes. On a regroupé tout le monde de manière à ne pas être obligés d'organiser une sorte de ramassage scolaire pour une opération à trois heures du matin. Or demain, ce seront des bureaux parisiens qui dessineront la gendarmerie de telle ou telle commune. Pour moi, ce n'est pas cela, la gendarmerie du XXIe siècle. La gendarmerie du XXIe siècle, c'est la gestion de la famille, c'est-à-dire la proximité avec les équipements publics, les écoles, les sports, les transports. La CDC Habitat, c'est un retour à l'autre fois qui me laisse perplexe. Il faut être très attentifs à la qualité de l'habitat.
En plus, on nous dit que des communes mettraient la main à la poche pour construire des brigades. Au moment où nous allons voter un budget dans lequel il n'y aura plus de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), cela risque tout de même d'être un peu compliqué ! Et ce n'est pas leur rôle.
Ce retour au domanial me laisse donc très perplexe, non pas par idéologie, mais par sens des réalités pratiques. Je vous invite à venir visiter ce que nous avons fait : vous verrez combien les gendarmes et les familles y sont heureux. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait encore réfléchir et revoir votre projet de retour au domanial ?
Général Hubert Bonneau. - Je réponds d'emblée à cette dernière question. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, monsieur le sénateur.
Je suis un homme de terrain. J'ai fait évacuer totalement des compagnies de gendarmerie, parce que l'habitat locatif y était indigne. Et ce n'est pas la gendarmerie qui fixait le montant des loyers. En 2009, lors de notre intégration au ministère de l'intérieur, le prix des loyers en gendarmerie, c'était 300 millions d'euros. L'année dernière, c'était 620 millions d'euros. Et, dans moins de dix ans, ce sera 1 milliard d'euros.
Notre modèle sur le locatif est-il supportable ? Je n'ai pas l'argent pour cela. Très concrètement, une brigade domaniale coûte deux fois moins cher qu'une caserne locative. Les logements que nous construisons pour nos gendarmes ne sont pas des prisons ; il y a de multiples normes que nous devons respecter et que nous respectons !
Aujourd'hui, le coût du locatif est trop important, ce qui menace l'équilibre de la gendarmerie. Nous devons nous poser la question de la soutenabilité du modèle. Voilà pourquoi je prône un retour vers le domanial.
Au demeurant, monsieur le sénateur, si une collectivité ne veut pas installer une gendarmerie, c'est son choix. S'il n'y a ni brigade ni terrain, nous n'y allons pas ; il ne faut pas nous demander l'impossible. Aujourd'hui, vu l'augmentation des coûts des loyers, nous sommes bien obligés de faire des choix. Vous avez bien compris ce vers quoi je m'oriente.
Monsieur le sénateur Folliot, si nous sommes effectivement obligés de ne plus convoquer de réservistes, c'est parce que les crédits sont épuisés ; ce n'est pas forcément un défaut de planification. Étant donné le taux d'emploi de la gendarmerie mobile, j'ai dû faire des choix d'engagement de nos réservistes. En effet, je ne peux pas non plus convoquer des réservistes sans les rétribuer ou en reportant les paiements de plusieurs mois.
Un rattachement de la gendarmerie aux armées n'est pas du tout à l'ordre du jour. La gendarmerie a trouvé, je le crois, trouvé sa place au sein du ministère de l'intérieur. Nous travaillons avec la police judiciaire au quotidien, notamment pour lutter contre la criminalité organisée. En la matière, nous avons ainsi monté un état-major commun qui est piloté par une commissaire de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), avec un gendarme pour adjoint. Je pense que nous avons trouvé un équilibre.
Monsieur le sénateur Cigolotti, je rejoins ce qui a été indiqué sur le programme Harpie et la montée en puissance des groupes criminels. À titre d'exemple, au premier trimestre 2025, la gendarmerie de Guyane a détecté la présence de ce qu'on appelle les factions armées brésiliennes dans cette zone. Nous nous sommes interrogés sur les causes d'une telle présence. En réalité, ces organisations criminelles, qui ne font pas énormément de trafic de stupéfiants, vont là où elles peuvent trouver de l'argent. Aujourd'hui, le cours de l'or, c'est, je crois, 105 euros le gramme. Le cours de la cocaïne, lui, est plus fluctuant ; le prix du kilo est beaucoup moins élevé en Guyane qu'en métropole. C'est donc pour l'or que ces organisations investissent la Guyane. C'est ce que nous devons combattre. C'est pourquoi la mission Harpie a été renouvelée, notamment avec la constitution de cet état-major commun, et nous obtenons de bons résultats. Il faut continuer à lutter contre cette criminalité organisée, qui crée des atteintes majeures à l'environnement - le mercure fait des dégâts terribles - et qui s'infiltre en Guyane.
Madame la sénatrice Duranton, en 2024, 80 brigades nouvelles ont été réalisées. Les 57 qui n'ont pas été réalisées en 2025 sont reportées sur le projet de loi de finances pour 2026. Il reste donc une centaine de brigades qui, normalement, devraient être faites en 2027. C'est source d'inquiétudes, car cela représente tout de même 1 145 ETP. Je ne sais pas aujourd'hui s'il y aura un glissement au-delà de 2027. Il y a des négociations à mener. J'espère en tout cas que le plan ira au bout.
M. Alain Cazabonne. - Ma première question porte sur le narcotrafic. Nous le savons, s'il n'y avait pas de consommateurs, il n'y aurait pas de trafic. Concrètement, qu'est-ce qui est fait en matière de contrôle ? Voilà plus de quarante ans que je conduis, et je n'ai été contrôlé aux stupéfiants qu'une seule fois ! En tant que maire, j'avais équipé les véhicules municipaux de dispositifs empêchant la voiture de démarrer lorsque le conducteur avait trop bu. Pourrait-on envisager des dispositifs similaires ? De même, voilà une quinzaine ou une vingtaine d'années, j'avais suggéré de faire une opération coup de poing : prévenir les habitants que le quartier va être bloqué un matin et que tous les appartements seront visités ; les personnes qui, détenant des armes ou autres, les auront rendues préalablement ne seront pas poursuivies, mais celles chez qui du matériel aura été trouvé le seront. Est-ce techniquement envisageable ?
Ma deuxième question concerne les rave-parties. Est-il possible de bloquer l'accès à un terrain quand il commence déjà à y avoir quelques véhicules ? Il s'agirait d'une mesure pratique, n'engageant pas de crédits.
M. Guillaume Gontard. - Monsieur le directeur général, je partage votre avis sur l'importance du maillage territorial, notamment en zone rurale.
Vous avez aussi évoqué l'augmentation des violences intrafamiliales. La Lopmi prévoyait la création de quarante postes d'intervenants sociaux en gendarmerie (ISG) par an pendant cinq ansCela se met-il en place à l'échelle nationale ? Y a-t-il des secteurs dépourvus de professionnels formés ? Je pense notamment aux zones rurales, où se pose en plus le problème de la présence de lieux d'accueil pour recevoir les personnes concernées.
M. Akli Mellouli. - Mon général, je vous remercie pour vos propos éclairants.
Comment la gendarmerie compte-t-elle préserver la qualité des enquêtes malgré la baisse des temps pleins consacrés à la filière judiciaire ?
Comment la DGGN évalue-t-elle la réforme de la formation des officiers de police judiciaire (OPJ) ? Est-ce une occasion de renforcer le métier d'enquêteur ou, au contraire, une fragilisation ? Que mettez-vous en oeuvre pour améliorer les taux d'élucidation ?
Mme Gisèle Jourda. - Dans mon département, la caserne de Palaja, qui n'a pas vu le jour l'année dernière, se fera au cours de cette année.
Ma question porte sur la féminisation des effectifs de la gendarmerie. Le taux de féminisation est-il à la hausse ? Les effectifs féminins sont-ils répartis dans toutes les unités et, surtout, à tous les niveaux de commandement ?
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Mon général, en tant qu'ancien maire de Cahors, je voudrais revenir sur l'implantation dans ma commune, annoncée en son temps par Gérald Darmanin, d'une antenne de l'inspection générale de la gendarmerie nationale. On a le sentiment qu'il n'y a pas de réelle envie d'avancer sur ce dossier. Si vous avez des éléments à communiquer à cet égard, je suis preneur.
Par ailleurs, et sans vous manquer de respect, je ne peux pas vous suivre lorsque vous indiquez que ce serait aux élus de décider s'ils veulent une brigade. Je rappelle qu'il s'agit d'une compétence régalienne. Les communes ont déjà beaucoup à faire, et toutes n'ont pas les mêmes capacités financières. Surtout, je trouve que c'est une logique dangereuse : imaginez que l'on demande aux communes de mettre la main à la poche chaque fois que l'État veut implanter un service public, par exemple un hôpital, sur le territoire concerné...
M. Pascal Allizard, président. - Sénateur du Calvados, je peux constater combien la mise en concurrence de deux communes pour la construction d'une brigade nouvelle est source de tensions à l'échelle locale, à quelques mois des élections municipales. Et, dans le cas d'une compétence régalienne, il y a effectivement de quoi s'interroger.
Général Hubert Bonneau. - Certes, monsieur le président. Mais il est difficile d'exercer une compétence régalienne sans budget. En l'occurrence, je ne peux tout simplement pas acheter de terrains.
Monsieur le sénateur Cazabonne, je souhaite rappeler quelques chiffres sur le trafic de stupéfiants. L'année dernière, 1 209 opérations sur 650 points de deal identifiés en gendarmerie ont été menées, et il y a eu 8 300 mises en cause pour trafic de stupéfiants. Nous avons saisi près de 600 millions d'euros d'actifs sur les enquêtes liées aux stupéfiants. Nous avons un dispositif de ciblage des trafiquants, mais un effort est également fait sur les consommateurs. Idem pour le dépistage d'alcoolémie : comme nous ne pouvons pas être en permanence en contrôle d'alcoolémie, nos gendarmes font des actions ciblées sur le terrain, par exemple autour des discothèques ou des points de consommation habituels.
Nous sommes également vigilants sur les rave-parties, qui sont un sujet majeur de perturbations à l'échelon local. Pour un maire, il est compliqué de recevoir une rave-party sur son territoire ; ça l'est aussi pour les agriculteurs. Je rends un hommage tout particulier à mes gendarmes. Ce sont eux qui doivent absorber la foule et traiter nos concitoyens mécontents. Ils effectuent un travail remarquable. Quand des centaines de personnes arrivent, il ne s'agit pas de bloquer la circulation. Et même lorsque nous le faisons, les gens abandonnent leur véhicule sur la voie publique et viennent à pied. Nous travaillons avec l'autorité administrative pour des saisies préalables. Nous avons en outre un dialogue et un suivi permanents avec l'autorité judiciaire pour relever toutes les infractions et effectuer les saisies de matériel, ce que nous pouvons souvent faire en fin de rave-party, quand le rapport de force s'est inversé.
Monsieur le sénateur Gontard, les violences intrafamiliales (VIF) demeurent un sujet de préoccupation pour les gendarmes. Il y a d'abord une problématique de prévention. En 2024, rien qu'en milieu scolaire, nous avons sensibilisé 450 000 personnes autour des violences intrafamiliales et des violences sexuelles et sexistes. Les ISG sont un outil essentiel, qui permet de créer le lien avec les associations. En outre, 21 500 gendarmes ont suivi la formation initiale concernant les VIF. Nous avons formé 820 experts à l'échelon national. Il faut absolument maintenir les ISG.
Monsieur le sénateur Mellouli, je n'ai aucune difficulté à propos des OPJ. Nous avons 35 000 OPJ en gendarmerie. Il va d'ailleurs falloir que j'en limite le nombre, parce que chaque OPJ en gendarmerie a droit à une prime, et l'enveloppe dédiée à cette prime n'est pas extensible ! En gendarmerie, l'OPJ est consubstantiel de l'avancement : pour être gradé en gendarmerie départementale, il faut être OPJ. Le taux d'encadrement OPJ est parfois très important. Et nous avons des écoles de formation continue en la matière. Par exemple, nous formons chaque année 200 spécialistes capables de travailler sur les circuits financiers et la cryptomonnaie.
Que ce soit dans nos brigades ou sections de recherche ou au sein de l'UNPJ, nous n'avons aucune difficulté quant au traitement des procédures. Nous avons essayé d'être plus performants, notamment face aux retards de procédure. Aujourd'hui, grâce aux dispositifs volontaristes que nous avons mis en place, les procédures sont traitées non plus par un gendarme, mais par un groupe de gendarmes. Le traitement de la procédure est accéléré pour que nos concitoyens aient une réponse la plus rapide de la part de la justice.
Madame la sénatrice Jourda, en gendarmerie, le taux de féminisation est de 22,9 % pour les militaires. Pour l'ensemble des personnels - car nous avons, je le rappelle, 5 000 camarades qui sont des personnels civils et font un travail remarquable -, ce taux est de 24,6 %. Pour les officiers supérieurs de gendarmerie, il est de 12 %. Chaque année, nous essayons de faire en sorte que des officiers féminins puissent accéder au généralat.
Ce qui nous manquait jusqu'à présent, c'était la ressource. En effet, les camarades féminines venaient essentiellement des grandes écoles militaires. Or nous avons ouvert le concours universitaire en gendarmerie voilà une vingtaine d'années. Aujourd'hui, nous allons commencer à avoir une véritable ressource de colonels féminins pour l'accès au généralat. Au sein des promotions d'élèves officiers qui entrent chaque année à l'académie militaire de la gendarmerie à Melun, le taux d'intégration des femmes est tout à fait remarquable, au-delà de 40 %. Cette année, pour la première fois, nous avons nommé la première femme quatre étoiles à la tête d'une zone de gendarmerie, en l'occurrence la générale Florence Guillaume, qui commande 20 000 hommes dans le Grand Est.
M. Pascal Allizard, président. - Mon général, nous vous remercions pour vos réponses claires et précises.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo en ligne sur le site internet du Sénat.
Organisation des travaux
M. Pascal Allizard, président. - Mes chers collègues, je vous donne lecture d'une communication du président Cédric Perrin relative à la compétence de notre commission, au titre de l'article 53 de la Constitution, sur les accords internationaux de nature non fiscale :
« Il apparaît que, malgré l'implication de nos rapporteurs sur ces sujets très variés, qui, à leur échelle, participent de vrais enjeux diplomatiques et mettent en jeu le rayonnement de notre pays, notre travail de suivi gagnerait à être approfondi. Ces conventions, au-delà de leur objet officiel, sont à chaque fois l'occasion pour nous de réaliser un focus sur un pays ou une région, ce qui est très utile pour approfondir nos connaissances géopolitiques.
« Mais, pour avoir une bonne compréhension de nos relations bilatérales, il nous manque une visibilité globale sur les conventions conclues par notre pays. Il semble donc essentiel d'obtenir un inventaire des accords conclus, ce qui nous fait défaut actuellement, tant ceux qui relèvent de l'article 53 de la Constitution que ceux qui n'entrent pas dans son périmètre. Parmi ces derniers figurent un certain nombre de textes de nature réglementaire.
« Dans le prolongement des travaux des rapporteurs, notre commission pourrait chaque année sélectionner quelques-unes de ces conventions pour lesquels un suivi apparaîtrait plus particulièrement opportun. »
Le président Cédric Perrin nous propose donc que ce suivi fasse l'objet d'un compte rendu annuel.
Il en est ainsi décidé.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la coopération dans le domaine de la défense - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Étienne Blanc, rapporteur sur le projet de loi n° 857 (2024-2025) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la coopération dans le domaine de la défense.
La réunion est close à 12h00.