Mardi 28 octobre 2025

- Présidence de M. Christian Bilhac, vice-président -

La réunion est ouverte à 15 heures.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial

M. Christian Bilhac, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics ». - La mission « Pouvoirs publics » s'inscrit dans le principe de séparation des pouvoirs. La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, chacune en son article 7, impliquent que les pouvoirs déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur bon fonctionnement. Autrement dit, nous n'avons en principe pas la possibilité d'amender cette mission, puisque la présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat - y compris pour leurs chaînes parlementaires -, le Conseil constitutionnel, la Haute Cour, et la Cour de justice de la République (CJR) déterminent les sommes dont ils ont besoin.

L'an dernier, vous vous en souvenez, le projet de loi de finances initiale fixait une hausse des crédits de 2,5 % pour la présidence de la République, et de 1,7 % pour l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette évolution avait suscité un débat médiatique, dans un contexte marqué par le gel d'un certain nombre de crédits et par les discussions relatives au redressement des finances publiques. Des amendements avaient alors été déposés en séance, aboutissant au gel des crédits de la présidence de la République et des deux assemblées.

Pour 2026, le projet de loi de finances (PLF) reconduit ce gel pour ces trois institutions. La dotation de la CJR recule, quant à elle, de 8,5 %, tandis que le Conseil constitutionnel et La Chaîne parlementaire voient leurs crédits progresser respectivement de 11,5 % et de 1 %.

Au total, les crédits de la mission atteignent 1,14 milliard d'euros en 2026, soit une hausse très modérée de 0,2 % par rapport à 2025, correspondant à une augmentation de 2,3 millions d'euros.

Dans le contexte actuel de forte tension sur les finances publiques, ce quasi-gel peut, à première vue, être salué. Je plaide d'ailleurs régulièrement, auprès des représentants des pouvoirs publics que j'auditionne, pour poursuivre les efforts de rationalisation et rechercher de nouvelles marges d'économies ou de recettes.

Néanmoins, d'importants efforts ont déjà été fournis. Un regard rétrospectif permet d'en mesurer l'ampleur : entre 2011 et 2025, le montant total des dotations de la mission a progressé de 12 % en euros courants, mais, corrigé de l'inflation, il a en réalité diminué d'environ 10 %. Dans le détail, cette baisse en euros constants atteint près de 13 % pour le Sénat, 12 % pour la Présidence de la République, 11 % pour La Chaîne parlementaire et 8 % pour l'Assemblée nationale.

Cette évolution a été rendue possible par un effort soutenu de maîtrise des dépenses et, parfois, de réduction des effectifs. Mais elle s'est également traduite par une érosion importante des réserves de certaines institutions. Ainsi, la trésorerie de la Présidence de la République est passée de plus de 20 millions d'euros en 2021 à 4,5 millions au 1er janvier 2025. Celle du Conseil constitutionnel a diminué de plus de 3 millions d'euros en 2019 à environ 500 000 euros fin 2024. Quant au Sénat, sa trésorerie, qui s'établirait à 96 millions d'euros fin 2026, pourrait tomber à moins de 33 millions d'euros en 2028 si le gel des dotations se prolongeait.

Or disposer de réserves suffisantes constitue non seulement une condition essentielle de l'autonomie financière, corollaire de l'indépendance institutionnelle, mais également un levier indispensable pour faire face aux aléas et préserver la continuité du fonctionnement des pouvoirs publics.

Par ailleurs, cette contrainte budgétaire pèse désormais sur la capacité d'investissement des institutions, qui, pour la plupart, sont hébergées dans des bâtiments relevant du patrimoine historique. Sans revalorisation adaptée des dotations, ces investissements devront être différés pour une part, au détriment de la préservation du patrimoine et des objectifs environnementaux, en particulier de la trajectoire vers la neutralité carbone. Une réflexion devra sans doute d'ailleurs être conduite à l'avenir au sein la Haute Assemblée quant aux modalités de financement des investissements nécessaires, ainsi qu'en vue de la préservation des conditions matérielles du travail parlementaire. Je note, par ailleurs, que l'atteinte de l'objectif fixé au Sénat d'une neutralité carbone en 2040, soit dix ans avant l'échéance nationale, doit être conciliée avec l'exercice des missions institutionnelles des sénateurs et notamment leurs déplacements.

Je présenterai maintenant de manière succincte chacun des budgets, à commencer par celui de la présidence de la République. Il s'élèvera, en 2026, à 126,3 millions d'euros, en hausse de 0,5 % par rapport à 2025, sans prélèvement prévu sur la trésorerie.

Les dépenses de personnel, qui constituent le premier poste budgétaire de la présidence de la République, progresseraient de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, pour atteindre 78 millions d'euros. Je considère néanmoins que des marges de rationalisation demeurent possibles, en particulier s'agissant du cabinet présidentiel.

J'attire l'attention de chacun sur ce point : la situation politique issue de la dissolution de juin 2024, marquée par un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement et du Gouvernement, invite à s'interroger sur le maintien d'un effectif moyen de 49 équivalents temps plein (ETP) en 2025. Par ailleurs, les conséquences en termes d'effectifs de la fin de la mutualisation de certains conseillers entre la présidence de la République et les services du Premier ministre n'ont pas été clairement documentées.

Je rappelle à cet égard que les services du Premier ministre comptaient eux-mêmes 75 conseillers au 1er juillet 2025. Une réduction du nombre de conseillers présidentiels pourrait, dans ce contexte, contribuer à la maîtrise de la dépense et participer à une rationalisation bienvenue des moyens de la présidence de la République.

Les dépenses de fonctionnement, hors activités présidentielles, atteignent quant à elles 17,8 millions d'euros, en légère progression. Les crédits d'investissement reculeraient pour leur part à 6,5 millions d'euros, après un pic d'opérations dans les années récentes.

Enfin, les dépenses liées aux activités présidentielles, stables à 24 millions d'euros, semblent témoigner d'une meilleure maîtrise des coûts de déplacement, grâce à une planification optimisée. Par ailleurs, une politique de refacturation des coûts auprès de certains participants s'amplifie.

J'en viens aux assemblées.

L'Assemblée nationale prévoit pour 2026 un budget de 644 millions d'euros, soit une progression de 0,1 % par rapport à 2025. Le solde budgétaire prévu s'établirait à environ - 34 millions d'euros, un niveau comparable à 2025.

Le budget du Sénat s'élève quant à lui à 382,3 millions d'euros, en hausse de 0,9 %, un niveau inférieur à l'inflation prévisionnelle. On constate une hausse de 4,4 millions d'euros des investissements et une baisse des dépenses de fonctionnement d'environ 1 million d'euros, dans un contexte pourtant marqué par le renouvellement triennal du Sénat - en septembre 2026 -, qui engendrera une charge de 4 millions à 5 millions d'euros, principalement liée aux indemnités de fin de contrat des collaborateurs parlementaires. Ces dépenses sont absorbées, comme il et de coutume au Sénat, sans revalorisation de la dotation.

Les dépenses de fonctionnement s'établissent au total à un peu plus de 366 millions d'euros et celles d'investissement à 16,2 millions d'euros.

Ces montants d'investissement demeurent inférieurs à la moyenne d'exécution observée entre 2017 et 2023, à savoir environ 19 millions d'euros. Les besoins, quant à eux, devraient atteindre 23 millions d'euros en 2027 et 28,1 millions d'euros en 2028, des niveaux qui ne devraient pas pouvoir être tenus sans revalorisation de la dotation. Ce sont alors autant d'opérations patrimoniales et techniques qui risqueraient d'être reportées dans le temps, en dépit de leur nécessité.

S'agissant des chaînes parlementaires, une récente audition de Jean-Emmanuel Casalta a permis de constater que Public Sénat poursuivait ses efforts d'optimisation. Des arbitrages devront également être rendus, mais la recherche de mutualisation et de diversification des recettes est engagée. Les crédits pour 2026 augmenteraient de 150 000 euros, soit une progression de 0,8 %. Pour La Chaîne parlementaire - Assemblée nationale, la hausse serait de 1,1 %, soit un peu plus de 200 000 euros.

Je clôture cette présentation des crédits par le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République (CJR).

La dotation de la CJR s'établit à 900 000 euros, en baisse de 84 000 euros, pour un coût total d'environ 1,3 million d'euros une fois intégré le personnel mis à disposition par le ministère de la justice. Si le budget de la CJR demeure modeste à l'échelle du budget de l'État, ce niveau doit néanmoins être apprécié au regard d'une activité particulièrement réduite. En 2025, aucun procès n'a été organisé et un seul dossier demeure actuellement en cours d'instruction, la perspective de la tenue d'un procès en 2026 restant, à ce stade, incertaine.

La dotation du Conseil, en hausse de 2,1 millions d'euros, atteint 20 millions d'euros. Cette augmentation vise à financer plusieurs priorités, notamment la cybersécurité, la mise en oeuvre du plan de développement durable du Conseil, la préparation de l'élection présidentielle de 2027 et la reconstitution de la réserve de précaution.

En conclusion, l'évolution des crédits de la mission - pour 2026, comme depuis plusieurs années - traduit la participation continue des pouvoirs publics à l'effort collectif de maîtrise des dépenses publiques. Toutefois, cette participation ne saurait, à terme, se transformer en une fragilisation de leur soutenabilité budgétaire ni de leur capacité d'investissement. Il faut bien évidemment poursuivre l'effort collectif, mais en tenant compte de l'état réel des bâtiments dans lesquels ces institutions exercent leurs missions, dont certains se dégradent aujourd'hui.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Lorsque le contexte budgétaire est contraint, on a tendance à pointer les institutions et à leur demander des économies - cela peut sembler plus facile pour la CJR, en l'absence de procès en 2025. Pourtant, on puise dans les réserves et, lorsqu'un aléa survient, les moyens initialement prévus ont déjà été affectés ailleurs...

Il est donc important de rappeler que ces institutions - qu'il s'agisse des assemblées parlementaires ou d'autres pouvoirs publics - ne pourront pas durablement exercer leurs missions dans de bonnes conditions matérielles si les dotations sont insuffisantes. Lorsque les efforts requis ont été réalisés, on atteint le minimum indispensable.

Mme Nathalie Goulet. - S'agissant des déplacements parlementaires, les procédures diffèrent d'un pays à l'autre. Chez nos collègues allemands, lorsque le bureau des transports achète les billets d'avion, les miles et les crédits sont reversés dans une caisse commune, pour être utilisés pour d'autres déplacements et par d'autres parlementaires. Cela permet d'alléger les coûts et d'accroître le nombre de déplacements. Il est très important de maintenir une diplomatie parlementaire.

M. Antoine Lefèvre. - En ma qualité de Questeur, je remercie notre rapporteur spécial, qui a auditionné le Conseil de questure. Je confirme à cet égard l'ouverture d'un cycle d'investissement pour les années 2026-2028, qui représentera un montant de 23 millions d'euros en 2027 et 28,1 millions d'euros en 2028. Ce plan d'investissement ne pourra être réalisé que s'il est accompagné d'une augmentation de la dotation de l'État. Je sais gré au rapporteur spécial d'avoir pris en compte ces enjeux importants pour l'avenir de notre institution.

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation. La stabilité budgétaire domine pour la deuxième année consécutive s'agissant de la présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Je partage pleinement le point de vigilance évoqué concernant les réserves limitées des assemblées. D'importants travaux sont réalisés au Sénat, et il serait préjudiciable de ne pas disposer des fonds nécessaires pour maintenir ce bâtiment historique en bon état.

La situation est encore plus critique pour le Conseil constitutionnel, dont la réserve de précaution est très fortement entamée. Notre rapporteur spécial pourra-t-il préciser le niveau de réserve nécessaire pour assurer son fonctionnement optimal ?

Je partage enfin l'avis de notre collègue sur les limites de la rationalité budgétaire : il faut prendre garde à préserver les institutions de notre République.

M. Michel Canévet. - Je salue le travail du rapporteur spécial, ainsi que celui des Questeurs du Sénat, qui gèrent le patrimoine avec rigueur, la dotation étant inférieure à celle de l'Assemblée nationale.

En revanche, je m'étonne des augmentations proposées, notamment pour le Conseil constitutionnel, dont la réserve de précaution a diminué. A-t-elle été mal gérée sous la précédente présidence ? Une hausse de 11 % me semble importante dans le contexte budgétaire actuel ; il serait peut-être préférable d'envisager une augmentation plus modérée et d'étaler ces investissements dans le temps.

Concernant la CJR, il est surprenant d'allouer quasiment 1 million d'euros à une institution dont l'activité est très limitée. Ne pourrait-on mutualiser ses moyens afin de renforcer d'autres services, notamment ceux de la Justice, qui souffrent d'un manque criant de personnel ?

M. Arnaud Bazin. - À la suite de l'intervention de notre collègue Nathalie Goulet, je tiens à rappeler, en tant que président du Comité de déontologie parlementaire du Sénat, que les miles gratuits obtenus lors de déplacements liés au mandat doivent être utilisés dans le cadre de ce dernier. Vous avez tous reçu un courrier à ce sujet.

J'ai toutefois bien compris l'intérêt du système proposé par Mme Goulet : le Comité pourrait y être favorable, sous réserve de faisabilité technique.

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial. - Le montant des réserves, évoqué par plusieurs d'entre vous, est une condition de l'indépendance de chaque institution. Il est important de se prémunir de toute éventualité, et il ne me paraît pas incongru que chacun des pouvoirs publics puisse disposer de réserves correspondant à trois ou quatre mois de fonctionnement. Pour le Conseil constitutionnel, cela signifie sans doute un niveau de réserves de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros.

Des efforts de rationalisation ont été entrepris dans chacune des institutions auditionnées. On y observe par exemple le déploiement de l'intelligence artificielle, avec une vraie réflexion sur l'amélioration des métiers, ainsi qu'une diminution du nombre d'équivalents temps plein dans plusieurs d'entre elles. C'est particulièrement vrai pour la présidence de la République, mais surtout pour ses personnels, moins pour les membres du cabinet, alors que l'intelligence artificielle peut être utilisée à tous les niveaux... On observe également une rationalisation du recours à l'externalisation.

Les efforts sont donc importants, et le gel des crédits, s'il perdurait, poserait des questions pour le fonctionnement de ces institutions.

Concernant le Conseil constitutionnel, c'est d'abord l'augmentation significative du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui a structurellement augmenté les coûts. Un autre poste d'augmentation, moins central, a été dans les années passées celui des déplacements. La précédente présidence souhaitait que chaque membre explique, notamment dans les universités, l'état de droit et la fonction du Conseil. Enfin, faute d'investissements depuis des années, les locaux du Conseil constitutionnel connaissaient divers problèmes, notamment des ponts thermiques absolument colossaux. Le Conseil a décidé d'accélérer ses investissements, ce qui me semble plutôt vertueux.

S'agissant de la Cour de justice de la République, son budget est de 1,3 million d'euros tout compris. Ces dépenses correspondent en particulier aux salaires et indemnités des magistrats et des fonctionnaires et aux loyers payés pour les locaux, qui représentent plus de la moitié du budget total porté par la dotation, à savoir 900 000 euros en 2026. La question de la nécessité pour la CJR de conserver des locaux indépendants pourrait se poser.

Enfin, sur la question des déplacements des parlementaires, il y a sans doute des réflexions à mener. Peut-être sera-t-il nécessaire, si nous continuons de geler les crédits, de repenser l'organisation du travail parlementaire. D'autres pays fonctionnent différemment, avec une semaine en circonscription et une semaine de session, ce qui permet de diminuer de manière assez conséquente le nombre de déplacements.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport spécial

M. Christian Bilhac, président. - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». - Je salue la présence parmi nous de Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, qui préside par ailleurs le groupe d'études « Monde combattant et mémoire ».

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » change cette année de nom et s'appelle désormais « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Ce changement d'appellation s'effectue néanmoins à périmètre constant et n'emporte pas de conséquences budgétaires.

Comme chaque année, ses crédits continuent de diminuer. L'année 2026 se démarque cependant par l'ampleur de la baisse : 120 millions d'euros entre 2025 et 2026, pour un budget qui s'établit désormais à 1,73 milliard d'euros. Il faut également considérer les dépenses fiscales rattachées à la mission, qui s'élèvent à 563 millions d'euros, dont 475 millions d'euros pour la demi-part fiscale attribuée aux titulaires de la carte du combattant et à leurs veuves de plus de 74 ans.

Cette année encore, la baisse des crédits est la conséquence de la diminution de la population des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant - un peu plus de 613 000 bénéficiaires au 1er janvier 2025 - et de la pension militaire d'invalidité.

Ces deux pensions, qui concentrent 1,08 milliard d'euros, sont versées respectivement aux titulaires de la carte du combattant de plus de 65 ans et aux militaires et anciens militaires souffrant d'une invalidité du fait de leur engagement. Ces deux populations ont en commun d'être en moyenne très âgées et de diminuer fortement chaque année.

Je souhaite cependant insister sur le fait que l'année 2026 sera une année blanche pour ces deux pensions. En effet, celles-ci sont fixées en fonction du « point PMI », qui est indexé sur les rémunérations publiques.

Il est prévu, en application de ses modalités d'indexation, qu'il ne soit pas revalorisé au 1er janvier 2026, ce que l'on peut regretter. Je rappelle que la revalorisation de ces pensions est systématiquement inférieure à l'inflation depuis 2017, malgré une mesure de rattrapage exceptionnelle de la valeur du point en 2022.

Le reste des crédits de la mission, à l'exception des crédits dédiés au lien armées-jeunesse, sont en baisse.

Les crédits dédiés à la mémoire diminuent pour atteindre 8 millions d'euros. Cette baisse était prévisible, l'année 2026 faisant suite aux 80 ans des années 1944 et 1945, qui avaient été marquées par une programmation mémorielle forte.

Les crédits d'entretien du patrimoine mémoriel sont, pour leur part, stables, à 16,2 millions d'euros. J'alerte toutefois sur le fait que ces derniers ont été annulés à hauteur de 8 millions d'euros - pour moitié donc - en 2024 et qu'ils le seraient actuellement à hauteur de 4,4 millions d'euros en 2025. Ces niveaux d'annulation ne permettent pas de réaliser à temps tous les travaux que nécessite le patrimoine mémoriel de pierre de la France.

L'effort en faveur des rapatriés recule, pour la première fois depuis 2022, de 5,3 millions d'euros. Cela est dû à une forte baisse des crédits du dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022, indemnisant les rapatriés du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage. Je compte interroger le Gouvernement à ce sujet, car ce dispositif, conçu pour réparer un préjudice historique, devait initialement s'éteindre en 2026 à la suite de sa mise en oeuvre intégrale. Or, les montants prévus dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 ne semblent pas compatibles avec cet objectif.

S'agissant du lien armées-jeunesse, les crédits prévus en 2026 sont identiques à ceux de 2025 et doivent permettre une généralisation de la journée défense et citoyenneté (JDC) « nouvelle génération », recentrée sur sa dimension militaire. Au cours de celle-ci doivent notamment être organisés une cérémonie des couleurs, un tir sportif laser, des jeux de rôle, un forum des métiers et une immersion dans la réalité virtuelle.

Je regrette que les modules de sensibilisation des jeunes à des enjeux tels que l'égalité femmes-hommes, l'environnement ou la mémoire aient été abandonnés dans ce nouveau format de la JDC.

Enfin, la mission comporte trois opérateurs : l'Ordre de la Libération, l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) et l'Institution nationale des invalides (INI). J'ai régulièrement appelé à la vigilance sur la soutenabilité des efforts qui leur étaient demandés. Je dois aujourd'hui vous alerter sur leur situation.

S'agissant de l'ONaCVG, si sa subvention pour charges de service public (SCSP) est stable, cette dernière n'a pas été revalorisée pour prendre en compte les augmentations de charges de l'Office, notamment celles liées aux revalorisations générales des rémunérations publiques de ses agents. Sa SCSP ne lui permet actuellement pas de recruter à hauteur de son plafond d'emplois autorisé en loi de finances.

Sa trésorerie a également été ponctionnée sur la période 2020-2024 pour générer des économies sur la mission. Elle est aujourd'hui asséchée et une adoption tardive du budget mettrait l'Office en difficulté. Outre l'entretien courant des nécropoles et carrés militaires, qu'il assure en partenariat avec les bénévoles de l'association Le Souvenir français, l'ONaCVG a lancé un programme de rénovation des hauts lieux de la mémoire nationale.

À la suite des difficultés financières rencontrées en 2023 et 2024, l'INI a dû pour sa part élaborer un plan de retour à l'équilibre financier prévoyant notamment un gel du recrutement de vingt équivalents temps plein (ETP), sur un plafond de 409, et un recours au mécénat. L'Institution est par ailleurs toujours en train de mettre en oeuvre d'importants travaux immobiliers démarrés en 2021, qui prévoient la rénovation de la quasi-totalité des bâtiments qu'elle occupe pour un coût total de 85,6 millions d'euros, dont 12,7 millions d'euros à sa charge.

En dépit des quelques réserves que je viens d'évoquer, je vous propose néanmoins d'adopter les crédits de la mission.

Enfin, je ne veux pas conclure sans remercier les bénévoles qui oeuvrent dans les associations patriotiques et de mémoire, ainsi que les porte-drapeaux lors des cérémonies nationales et locales.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». - Je remercie notre collègue Marc Laménie pour son travail et je souhaiterais revenir sur deux points.

La diminution de 22 % des crédits consacrés à la politique de mémoire s'expliquerait, selon le Gouvernement, par la fin du cycle du 80e anniversaire des débarquements, de la Libération et de la Victoire. Il semblerait toutefois que la diminution dépasse la seule économie naturelle liée à la fin du calendrier mémoriel de la Seconde Guerre mondiale. Certes, le contexte budgétaire est difficile, mais l'économie de quelques millions d'euros sur un poste de dépenses aussi symbolique pose question, d'autant que cette ligne budgétaire est déjà fortement contrainte.

Je voudrais aussi évoquer les maisons Athos. Une dizaine de maisons devaient être construites. La sixième a été inaugurée au mois d'octobre et, pour le moment, cela me semble suffisant, sachant que nous n'avons pas encore de bilan précis de leur fonctionnement. Lorsque j'ai visité celle de Bordeaux, seules deux personnes étaient accueillies.

Ces maisons présentent un réel intérêt, et il faudrait sans doute en construire une supplémentaire en outre-mer. En revanche, il serait plus raisonnable d'attendre une évaluation avant d'en construire trois autres en métropole.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Sauf erreur de ma part, il me semble qu'une partie du financement de la construction et de l'entretien des monuments aux morts est assurée par l'ONaCVG. J'aimerais connaître le montant et l'évolution de ces crédits.

Dans mon département, de nombreuses demandes sont en attente de financement, ce qui me paraît regrettable, d'autant que le plan France ruralités peut aussi intervenir pour certaines communes.

Mme Nathalie Goulet. - Je souhaite attirer l'attention sur le processus d'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco des plages du débarquement, de même que sur leur besoin d'entretien au long cours. Le sujet est très important. Des actions sont-elles prévues ?

M. Grégory Blanc. - J'ai été surpris, à la lecture du projet de loi de finances, de découvrir que les récipiendaires de la Médaille militaire percevaient une rente annuelle de 4,57 euros, et ceux de la Légion d'honneur une rente allant de 6 à 34 euros. Il se trouve que le projet de loi de finances prévoit de les fiscaliser. J'imagine que le versement, et dorénavant la fiscalisation de ces rentes représente un certain coût. Quel est le coût de ces rentes et de leur fiscalisation pour la mission « Monde combattant » ? Peuvent-elles être reversées à l'ONaCVG ?

Mme Isabelle Briquet. - Les crédits de la mission diminuent très fortement cette année, en raison de la baisse du nombre de bénéficiaires. Néanmoins, nous devons veiller à affirmer la reconnaissance que nous devons au monde combattant en revalorisant les pensions et à poursuivre la réparation engagée en faveur des harkis.

Je m'inquiète aussi pour les lieux de mémoire. Dans mon département se trouve le site d'Oradour-sur-Glane, un haut lieu de mémoire dont la préservation nécessitera des investissements importants. Je crains fort qu'ils ne soient difficiles à réaliser. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

Enfin, je ne saurais dire si le changement de dénomination de cette mission permettra de changer la donne, mais nous avons tous à mener un combat contre l'oubli. Il suffit de voir les rangs clairsemés lors de nos commémorations pour s'en persuader...

M. Michel Canévet. - La modification du contenu de la journée défense et citoyenneté a-t-elle permis de réaliser des économies ou de recevoir plus de jeunes, dans de meilleures conditions ?

Vous avez aussi évoqué les difficultés financières de l'ONaCVG, compte tenu du niveau de ses charges de fonctionnement. Une restructuration de l'Office est-elle prévue, par exemple en remplaçant les organisations départementales par des directions interdépartementales ? Concernant les effectifs, puisque l'Office a du mal à recruter, son plafond d'emplois est-il revu en conséquence, ce qui permettrait peut-être d'éviter certains dérapages ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Madame la rapporteure pour avis, vous indiquez vous être rendue cet été à Bordeaux dans une maison Athos et n'y avoir rencontré que deux personnes. Avez-vous visité ce bâtiment le jour de son inauguration ou plusieurs jours après ? Par les temps qui courent, il faut se garder de dépenser de l'argent à tort et à travers !

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - J'ai visité la maison Athos de Bordeaux. Les blessés qui y sont reçus sont des blessés psychiques : ils peuvent rester un mois, le temps d'aller mieux, et revenir plus tard. Seuls deux étaient présents le jour de ma visite, mais le chiffre varie : il peut s'y trouver cinq ou six personnes qui sont blessés et qui cherchent à s'y ressourcer et à y trouver un suivi psychologique.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Mon rapport d'information intitulé Militaires blessés : pour une prise en charge encore plus complète et adaptée, qui a été présenté à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, traitait déjà des maisons Athos. Ces dernières ne sont pas des établissements médicalisés. Comme j'ai pu le constater au sein de la maison d'Auray, les membres du dispositif ont la liberté d'y passer jusqu'à deux semaines par mois, le lieu étant cependant fermé les samedis et dimanches. Des activités leur sont proposées, en compagnie d'encadrants et d'animateurs, en vue de leur fournir une aide.

Il y avait, en 2024, 430 membres du dispositif Athos en France. Une maison Athos, en fonctionnement courant, accueille une centaine de membres, pour un budget de fonctionnement d'environ 1 million d'euros par an. Néanmoins, un bilan des activités effectuées au sein de ces lieux mériterait d'être réalisé. Ceux-ci ont une réelle utilité, car ils facilitent fortement la réinsertion des blessés psychiques et traduisent une forme de reconnaissance et de recherche de réparation.

Monsieur le rapporteur général, l'ONaCVG dispose de fonds pour subventionner les travaux de restauration des monuments aux morts avec d'autre partenaires, comme l'État, au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les conseils départementaux et les collectivités locales, et aide à assurer le devoir de mémoire, notamment par l'acquisition de drapeaux. Ces crédits s'élèvent à 500 000 euros en 2025.

Madame Goulet, je n'ai pas d'information relative à l'inscription des plages du débarquement sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Je m'engage à poser la question à la ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants, que je recevrai jeudi matin. L'ONaCVG participe à hauteur de 16 millions d'euros à l'entretien du patrimoine mémoriel militaire de la France, mais certains de ces crédits ont été annulés.

Madame Briquet, le site d'Oradour-sur-Glane est tout aussi important du point de vue de la mémoire. Au cours de l'entretien avec la ministre, il sera également question du rôle de l'ONaCVG pour l'entretenir.

Monsieur Blanc, la fiscalisation des grandes distinctions que sont la Légion d'honneur et la Médaille militaire donnera lieu à une rente infime. Toutefois, les médailles ne relèvent pas de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».

Monsieur Canévet, la JDC relève en partie de la présente mission. Toutefois, 70 % des crédits proviennent de la mission « Défense ». Son nouveau format est plus cher à organiser mais le ministère des armées espère susciter plus d'intérêt des jeunes pour un engagement au sein des armées.

Le changement de nom de la mission a pour but de mieux prendre en compte, les anciens combattants qui sont des militaires plus jeunes ayant servi au cours d'opérations extérieures (Opex) ainsi que les retraités de la gendarmerie.

L'ONaCVG, grâce à son maillage territorial, assure diverses missions, notamment le lien avec l'éducation nationale et les actions de mémoire. À ce titre, je suis attaché à ses antennes départementales, qui doivent être maintenues au moins jusqu'en 2035. Par ailleurs, l'absence de recrutement n'est pas lié à des difficultés de recrutement mais au fait que le niveau de la subvention pour charges de service public de l'Office ne lui permettrait pas de payer son personnel s'il recrutait la totalité des ETPT autorisés en loi de finances.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne » (article 45) - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport spécial sur la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ».

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ». - Mes chers collègues, comme chaque année, le projet de loi de finances (PLF) fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne. Cette année, l'addition est douloureuse puisque, dans le présent texte, ce prélèvement s'élèvera en 2026 à 28,8 milliards d'euros, soit une hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport au PLF précédent.

En 2025, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) avait été évalué, en loi de finances initiale (LFI), à 23,1 milliards d'euros. Finalement, la contribution effective n'a pas été très éloignée : 23 milliards d'euros.

La hausse du prélèvement s'explique essentiellement par une hausse des crédits de paiement proposée à l'échelle européenne, sous l'effet d'un phénomène de rattrapage des paiements effectués au titre de la politique de cohésion.

En effet, traditionnellement, le cadre financier pluriannuel (CFP) européen présente une dimension cyclique, avec une concentration des décaissements en fin de cycle. Ces mouvements ont été accentués pour le CFP 2021-2027, la politique de cohésion ayant mis du temps à démarrer dans certains pays du fait de phénomènes de cannibalisation de ces fonds par le plan de relance européen, qui devait être décaissé plus rapidement. Cela explique donc le rattrapage observé cette année.

La hausse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne proposée au travers du PLF 2026 était donc attendue. On peut même parler de bonne surprise puisque la contribution de 28,8 milliards d'euros budgétée est inférieure aux prévisions émises l'an dernier, la direction du budget anticipant alors un prélèvement de 30,4 milliards d'euros. Pourquoi un tel écart ?

Bercy a revu ses prévisions au premier semestre et, dès cet été, la ministre du budget est venue vanter l'action de son gouvernement lors des auditions budgétaires organisées par les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale. D'après elle, la force et l'habileté des négociations menées par les pays contributeurs à l'échelle européenne auraient permis de maîtriser la hausse des dépenses de cohésion.

Quelques mois plus tard, il ressort toutefois de mes échanges avec la direction du budget que la ministre a présenté son action sous un jour très favorable. En réalité, la trajectoire des dépenses de cohésion a bien été révisée, en partie du fait de l'ajustement administratif de paramètres à l'échelle européenne, mais ceci n'explique qu'un tiers de la baisse observée. Le reste se justifie par des facteurs techniques, comme des corrections sur les exercices extérieurs, ou, pire, par la révision à la baisse de la clef de contribution française en mai dernier. En effet, je ne sais pas si nous devons nous réjouir de la part moindre occupée par la France dans l'économie européenne.

Quoi qu'il en soit, je ne peux que déplorer une communication gouvernementale qui privilégie les effets de manche à l'information du Parlement et, ce faisant, entrave notre mission de contrôle.

Je rappelle enfin, comme il se doit, que le montant évaluatif de ce prélèvement sur recettes pourra être actualisé par amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances, lorsque le budget de l'Union européenne sera définitivement adopté. Pour l'heure, la Commission européenne a présenté son projet pour 2026 en juin dernier en proposant un niveau de dépenses s'élevant à 193 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 192 milliards d'euros en crédits de paiement.

Au-delà de la question du montant de l'évaluation de la contribution de la France pour l'année 2026, j'attire à présent votre attention sur son niveau attendu pour les années à venir et les défis de taille qui se présentent à nous.

Une nouvelle progression de la contribution française est prévue pour 2027, sujet le plus urgent et le plus certain : cette dernière devrait atteindre 31,2 milliards d'euros. Comme pour 2026, cette hausse est essentiellement cyclique et a fait l'objet d'une révision à la baisse cette année, étant initialement estimée à 32,4 milliards d'euros. Un PSR-UE à 31,2 milliards d'euros constitue toutefois une progression significative, un effort supplémentaire de 2,4 milliards d'euros qu'il faut bien garder à l'esprit.

Les choses risquent néanmoins de s'accélérer fortement à partir de 2028, avec le début d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour les années 2028-2034. Une première proposition de CFP a été formulée par la Commission européenne : ce budget est simplifié, du fait d'un nombre moindre de programmes, ceux-ci étant ramenés de cinquante-deux à seize, et de rubriques budgétaires, qui passent de sept à quatre. En soi, ces évolutions sont favorables puisqu'elles permettent d'assurer plus de lisibilité aux acteurs les plus modestes, qui pourront mieux identifier les subventions auxquelles ils peuvent prétendre.

Comme je vous l'indiquais, les négociations sur ce prochain CFP ne font que commencer et les États devront se prononcer sur la proposition de la Commission, mais des arbitrages seront nécessaires : nous ne pourrons pas maintenir l'existant et financer l'avenir à PSR-UE constant.

De surcroît, nous ne sommes pas au bout de nos peines puisque, comme je vous l'expliquais il y a quelques semaines, le budget européen, du fait de la forte progression des engagements extrabudgétaires de l'Union, notamment d'une multiplication des prêts en faveur de l'Ukraine et d'États membres aux finances incertaines, se retrouve exposé à un risque de défaut. Ce risque ne se manifesterait toutefois qu'à partir de 2035 : à chaque jour suffit sa peine.

Je veux dire quelques mots, pour conclure, sur les recettes, et plus particulièrement sur la sempiternelle question des nouvelles ressources propres. Comme vous le savez, l'Union européenne s'est endettée pour financer le plan de relance européen et les États membres ont alors convenu que le volet subventions de ce plan serait remboursé grâce à l'introduction de nouvelles ressources propres.

La Commission européenne a multiplié les propositions à ce sujet depuis 2021. Sa dernière proposition, formulée l'été dernier, prévoit l'introduction de cinq nouvelles ressources, pour un rendement annuel estimé à environ 50 milliards d'euros, soit plus de deux fois le montant annuel nécessaire pour payer les annuités de l'emprunt ayant financé le plan de relance européen, intérêt et capital.

Les cinq ressources envisagées sont les suivantes : une ressource fondée sur les revenus issus du marché carbone européen, pour 10,8 milliards d'euros ; une ressource fondée sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pour 1,5 milliard d'euros ; une ressource fondée sur la taxation des déchets électroniques non recyclés, pour 16,9 milliards d'euros ; un prélèvement sur le chiffre d'affaires des grandes entreprises opérant au sein de l'Union, pour 7,6 milliards d'euros ; une dernière ressource, enfin, fondée sur les accises sur les produits du tabac, pour 12,6 milliards d'euros. Cela fait bien, au total, une cinquantaine de milliards d'euros.

Plusieurs de ces ressources souffrent d'imperfections techniques et toutes peineront à susciter l'unanimité qui doit être réunie s'agissant de questions fiscales. Or le statu quo a un coût : pour la France, il serait de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028.

Mes chers collègues, pour ce qui concerne le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption sans modification de l'article 45 du projet de loi de finances pour 2026.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quelle appréciation portez-vous sur ces cinq nouvelles ressources propres destinées à apporter des recettes supplémentaires ? Une part non négligeable de ces ressources a trait au carbone. Compte tenu des difficultés que nous avons pour mobiliser quelques millions d'euros au bénéfice des collectivités, pensez-vous vraiment que le passage à l'échelle européenne nous permettra de dégager une enveloppe d'une douzaine de milliards d'euros, en additionnant marché carbone et mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ?

Je m'interroge également sur ce que l'on peut attendre d'une nouvelle taxe sur les déchets électroniques.

Quid, enfin, de la ressource fondée sur les accises tabac ? Il s'agirait de la deuxième source de recettes supplémentaires la plus rentable ; vous paraît-elle crédible et bien calibrée ?

Ce sujet des ressources propres a souvent tendance à plonger dans les limbes : on en parle à chaque début de mandature, mais il y faudrait enfin une véritable traduction politique.

Mme Nathalie Goulet. - Je vais me montrer un peu plus inquiète que le rapporteur général...

Dans un rapport récent sur la transparence des financements accordés par l'Union européenne à des organisations non gouvernementales (ONG), la Cour des comptes européenne comptabilise 7,4 milliards d'euros de subventions à des ONG dont on n'est pas sûr qu'elles respectent toutes les valeurs de l'Union européenne. Et je ne parle même pas des divers et multiples financements engagés en faveur d'entités liées à l'islam radical...

C'est très bien, ces contributions obligatoires ; mais qu'en est-il des contrôles ? Les sommes en jeu sont considérables : 7,4 milliards d'euros perdus dans la nature... Nous ne pouvons pas amender ce budget, qui est une contribution obligatoire : nous sommes obligés de la verser sans qu'il y ait le moindre contrôle sur l'utilisation des fonds. C'est dommage !

Mme Christine Lavarde. - Nous évoquions ensemble, il y a quelques jours, la contribution fondée sur les déchets plastiques non recyclés, qui est la ressource propre mise en place dans le cadre financier pluriannuel en cours. La France en paie une quote-part substantielle. Il est prévu que, dans le prochain CFP, cette ressource propre soit maintenue et que le prélèvement correspondant soit même accru de 25 %. Autrement dit, sans effort sur la définition de nouvelles ressources propres à l'Union européenne, notre contribution est appelée à croître significativement.

Je précise, au passage, s'agissant de la ressource plastique, que nous n'abondons pas directement cette ressource propre : c'est l'Union européenne qui défalque du montant correspondant les fonds que nous devons recevoir d'elle - un peu comme une amende...

Je dirai un mot sur la création envisagée d'une contribution forfaitaire annuelle prélevée sur le chiffre d'affaires des grandes entreprises : on créerait, chose inédite, une fiscalité européenne sur les acteurs économiques. Après une première marche franchie dans l'actuel CFP - l'emprunt commun -, on gravirait une deuxième marche, celle de l'impôt européen, en tout cas à assiette commune...

Enfin, arrivera-t-on un jour à mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières qui répercute vraiment les coûts complets des produits que nous importons, et qui soit susceptible, en tant que tel, de protéger notre industrie européenne ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Nous voterons ces crédits, mais je partage l'inquiétude qui s'est exprimée : faute d'adoption de nouvelles ressources propres dans le futur cadre financier pluriannuel, la contribution française promet d'augmenter encore.

Le sujet est complexe : la liste des pays pénalisés - ou avantagés - varie pour chaque ressource propre. Il faudra donc vraisemblablement travailler à l'adoption unanime d'un pacte « ressources propres ».

Ces ressources propres sont le corollaire des engagements pris par l'Union ; à défaut de telles ressources, celle-ci aura bien du mal à mettre en oeuvre ses programmes et ses objectifs, en matière de compétitivité notamment. La France doit agir pour faire avancer ce dossier ; c'est d'autant plus difficile qu'en la matière l'unanimité est requise.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, les nouvelles ressources propres, j'y pense depuis très longtemps : c'est l'Arlésienne...

La direction générale du Trésor croit beaucoup aux ressources propres liées au carbone ; ce n'est pas un argument, me direz-vous. Comme l'a rappelé Florence Blatrix Contat, en ces matières, l'unanimité est requise. Beaucoup d'États membres sont tentés de se dire - cela tient lieu de stratégie, en particulier, aux pays dits « frugaux » - qu'à mesure que l'on s'approche de la négociation sur le cadre financier pluriannuel 2028-2034 les choses vont se décanter et qu'ils auront plus de poids pour refuser ce qui leur déplaît. Mais il est impossible de dire aujourd'hui comment les choses vont se passer : personne ne le sait, mais le risque est réel pour la France en cas d'échec des négociations puisque, comme je vous l'indiquais, la surcontribution potentielle s'élèverait à 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028.

C'est la construction - l'aventure ! - européenne qui est ainsi faite...

Pour ce qui est du marché carbone, les dernières propositions formulées par la Commission européenne s'efforcent de tenir compte de la position des pays de l'Est, qui y sont plutôt opposés. Tout reste à faire...

Quant à l'accise sur les produits du tabac, elle serait prélevée de manière harmonisée, en fonction des taux appliqués dans les différents États membres. J'observe qu'en France le tabac rapporte plus qu'auparavant. Cette recette a-t-elle vocation à abonder désormais le budget de l'Union européenne ? On parle de 12,6 milliards de ressources nouvelles liées au tabac : sur 50 milliards d'euros espérés, c'est significatif. J'ai échangé à ce sujet avec la direction générale du budget, la direction générale du Trésor et le secrétariat général aux affaires européennes : ces recettes font sens à leurs yeux et sont appelées à se concrétiser. Je ne dispose pas d'éléments qui m'inciteraient à douter de la pertinence de ces projections et de l'effectivité de ces recettes.

La taxe sur les déchets électroniques comme ressource, Bercy y est favorable, mais il faudra apprécier la qualité et la fiabilité des bases qui seront retenues. Comme au sujet de la ressource « plastique », évoquée par Christine Lavarde, on assiste à un jeu de poker menteur et les recettes ne sont pas particulièrement sécurisées ; tout dépend, je le répète, de la fiabilité du système qui est mis en place.

Je réponds enfin à la question délicate de Nathalie Goulet sur le bon emploi des crédits de l'Union européenne : la fraude existe partout, y compris au niveau européen. Je condamne, comme un certain nombre de responsables politiques, le dévoiement - 7,4 milliards d'euros ! - dénoncé par notre collègue, même si je rappelle que ce montant correspond à l'ensemble des fonds accordés par l'UE à des ONG sur la période 2021-2023.

L'Europe a de grands progrès à accomplir pour mettre fin à certaines dérives pointées par la Cour des comptes européenne. J'observe que M. le ministre Haddad s'est prononcé en faveur d'une lutte plus intense en ce domaine. Je suis, quant à moi, chargé d'estimer le prélèvement ; je ne me prononce pas sur les travers qui grèvent, hélas ! les politiques mises en oeuvre.

Les progrès sont réels, peut-être, mais très timides. En la matière, donc, il y aurait lieu d'accélérer fortement ; à défaut, on continuera de nourrir le sentiment antieuropéen, l'Europe étant un bouc émissaire assez aisé par les temps qui courent. Aussi l'Union européenne serait-elle avisée d'éviter de tels mésusages de ses crédits.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 45 du projet de loi de finances pour 2026.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 79) - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Arnaud Bazin et Pierre Barros sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi que sur l'article 79.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2026 s'élèvent à 29,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Comme chaque année, plus des trois quarts de ces crédits sont destinés au financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Ces crédits diminuent sensiblement - de 2,9 % - par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances initiale (LFI) de 2025. C'est la première fois depuis 2017 que l'on observe une baisse.

Cette évolution s'explique par une forte diminution des dépenses liées à la prime d'activité - de l'ordre de 8,8 % -, principalement du fait de mesures paramétriques prises en 2025 et à venir en 2026. Cette baisse, d'environ 1 milliard d'euros par rapport aux montants budgétés l'année dernière, compense largement le dynamisme des crédits de l'AAH, qui reste toutefois plus maîtrisé que lors des exercices précédents, avec une hausse de 1,7 %. Le principe de « l'année blanche », prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, induit effectivement une stabilisation des dépenses versées au titre de ces prestations par une neutralisation de l'effet prix.

Ainsi, alors que la mission avait été fortement sollicitée pour répondre aux urgences sociales ces dernières années, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 marque une rupture avec cette tendance : les crédits budgétés pour 2026 s'inscrivent sensiblement en deçà du plafond de 32,8 milliards d'euros prévu pour l'année 2026 par la loi de programmation des finances publiques.

Je souhaiterais, avant de passer la parole à mon collègue Pierre Barros, mentionner l'article 79 du PLF 2026, rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». En effet, il vise à mettre fin à une modalité dérogatoire de calcul de la prime d'activité, destinée à avantager les travailleurs handicapés. L'adoption de cet article entraînerait ainsi la perte de la prime d'activité pour 87 % des travailleurs handicapés et pour 95 % des travailleurs en établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat), ce qui représente une perte moyenne d'environ 170 euros par mois pour les personnes concernées.

Cette mesure ne nous paraît pas acceptable. Le rendement qui en est attendu, à hauteur de 90 millions d'euros en 2026 et de 225 millions d'euros en année pleine, ne justifie pas d'appauvrir ainsi les travailleurs les plus vulnérables. De plus, cet article s'inscrit à rebours de l'objectif d'émancipation par le travail pour les personnes handicapées.

Nous vous proposerons donc de supprimer l'article 79. Pour autant, nous ne souhaitons pas renoncer à une économie sur la prime d'activité ; c'est pourquoi nous ne proposons pas de rehausser le plafond des crédits du programme 304. Il reviendra au Gouvernement de prendre, par voie réglementaire, une mesure paramétrique, afin d'atteindre l'objectif d'économies initialement prévu.

Enfin, je vous précise que je vous invite, en responsabilité, à adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », malgré la morosité du climat social.

M. Pierre Barros, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Je souhaiterais développer quelques points de vigilance qui ont été les nôtres durant ces travaux. Le contexte d'année blanche, dans lequel s'inscrit le présent projet de budget, implique que les crédits de nombreux programmes financés par la mission soient stables d'une année sur l'autre, et donc en légère diminution en termes réels.

C'est le cas, par exemple, des crédits consacrés à l'aide alimentaire, qui augmentent, dans le PLF pour 2026, de seulement 10 millions d'euros par rapport à la LFI de 2025. Si ces nouveaux moyens permettront de conforter l'aide alimentaire déconcentrée, d'autres programmes sont gelés à leur niveau de 2025 : c'est notamment le cas du Crédit national des épiceries sociales (Cnes) et du programme Mieux manger pour tous, alors que, comme les prix se sont stabilisés, mais qu'ils n'ont pas diminué, la situation des associations d'aide alimentaire reste très précaire.

De même, la budgétisation du pacte des solidarités, qui a pris, à compter de 2024, la suite de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté définie en 2018, aboutit à faire du sur-place, dans la mesure où le volet contractualisé avec les collectivités territoriales est maintenu à son niveau de 2025, tandis que le volet national a été recentré, en cours d'année, afin d'éviter d'excéder les objectifs de dépenses votés dans le budget de 2025.

Enfin, les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes n'augmenteraient que de 1,7 % par rapport à 2025, alors que la hausse de ces crédits était de 10 % entre 2024 et 2025.

Comme l'année précédente, l'augmentation des crédits est entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui est versée en une fois, dans un délai de trois à cinq jours, aux femmes qui quittent leur foyer pour fuir leur conjoint violent. Les crédits consacrés à cette aide, qui étaient de 20,4 millions d'euros dans la LFI de 2025 et de 13 millions d'euros dans la LFI de 2024, seraient de 26,4 millions d'euros en 2026, en augmentation de 29,4 %.

Les autres dispositifs de soutien et de prise en charge des victimes de violences conjugales demeurent globalement financés à leur niveau de 2025. Nous le déplorons, même s'il convient de préciser que le Gouvernement a choisi de préserver au maximum ces dispositifs des coupes budgétaires.

À titre personnel, le statu quo me semble foncièrement insuffisant. C'est pourquoi j'appelle, dans la lignée de notre récent rapport de contrôle sur le sujet, à orienter les moyens de la lutte contre les violences et de la prise en charge des victimes vers quelques axes prioritaires, comme la refonte des accueils de jours et des lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) ou le développement de l'hébergement spécialisé.

Enfin, considérant que la baisse de 1 milliard d'euros des crédits de la mission n'est pas acceptable, je vous invite, en cohérence avec la position du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), comme mon prédécesseur Éric Bocquet le faisait avant moi, à ne pas adopter les crédits de cette mission, qui s'inscrit dans un contexte de régression sociale généralisée.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je note que nos deux rapporteurs spéciaux ont des avis divergents en ce qui concerne l'adoption des crédits de la mission.

Je voudrais vous interroger sur les crédits de l'aide alimentaire. Il y a quelques années, le secteur avait connu des difficultés en raison des problèmes d'accès aux financements européens. Nous avions alors rencontré les principales associations : les Restos du Coeur, le Secours populaire, le Secours catholique, les banques d'aide alimentaire, etc. Celles-ci nous avaient indiqué qu'elles allaient s'efforcer de mieux coordonner leurs actions entre elles et de procéder à des réorganisations en interne - je pense notamment à une meilleure articulation entre les centres logistiques et les plateformes. Ce sujet a-t-il de nouveau été évoqué lors de vos auditions ? La bonne volonté affichée alors s'est-elle traduite en actes ?

Mme Christine Lavarde. - Je voudrais également vous interroger sur l'aide alimentaire. Les députés ont adopté hier soir, sur l'initiative du groupe socialiste, un amendement visant à augmenter le crédit d'impôt dont bénéficient les entreprises de la grande distribution lorsqu'elles donnent leurs invendus à des associations. Je m'étonne toutefois que, dans notre pays, de la nourriture encore consommable puisse être encore détruite. Les associations d'aide alimentaire rencontrent-elles des difficultés - de nature logistique par exemple - pour récupérer les invendus ? Le crédit d'impôt n'aura en tout cas que peu d'effets, car ces produits n'ont plus de valeur marchande.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis aussi surpris de l'ampleur de ces destructions de produits alimentaires. Des initiatives ont pourtant vu le jour pour les limiter. Je pense par exemple à l'application Too Good To Go, qui incite les commerçants à regrouper les denrées périssables invendues dans des paniers qui sont vendus à faible prix, à la fin de la journée : les étudiants ou les personnes modestes peuvent venir les récupérer, et cela permet d'éviter de détruire les denrées.

M. Marc Laménie. - Les masses financières en jeu dans cette mission sont importantes, mais le volet humain est également crucial. Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » augmentent très faiblement alors qu'il concerne des sujets de société d'une grande actualité. Beaucoup de bénévoles oeuvrent dans les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Comment envisagez-vous l'avenir de ce programme ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Il faut rappeler que 85 % des achats de denrées alimentaires que FranceAgriMer réalise pour les distribuer aux associations sont financés par l'Europe. Un problème chronique se posait, au moins depuis 2017, année où je suis devenu rapporteur spécial de cette mission : un grand nombre de factures ne pouvaient pas être remboursées par l'Europe, pour des raisons d'authentification et de certification des dépenses. Il faut savoir qu'il existe en effet sept niveaux de contrôle et que les denrées sont réceptionnées par des bénévoles. Le système est donc très complexe. Nous perdons en tout cas, chaque année, plusieurs millions d'euros de crédits européens pour cette raison. On prévoit ainsi que les refus d'apurement à FranceAgriMer s'élèveront à 10,4 millions d'euros l'an prochain, qui sont comptabilisés dans les crédits de la mission. Cependant, ce montant est très inférieur à celui qui a été enregistré les années précédentes. En outre, l'administration fait du « surbooking » depuis deux ans : elle achète davantage de denrées que les besoins ne le nécessitent, pour être certaine que les crédits européens ne soient pas perdus, quitte à ce que l'État français dépense un petit peu plus. C'est une initiative intéressante.

Les associations déplorent des problèmes liés à la baisse de la ramasse, c'est-à-dire la récupération d'aliments donnés par les particuliers à la sortie des supermarchés. Cela s'explique très simplement par une baisse du pouvoir d'achat des familles. Les associations n'ont pas évoqué de difficultés avec les entreprises de la grande distribution, mais celles-ci ont de plus en plus tendance, dans une démarche de bonne gestion, à s'efforcer de vendre les produits dont la date limite de consommation approche, en procédant à des démarques importantes.

Le sujet principal, c'est celui de l'inflation des denrées alimentaires que l'on a connue ces dernières années. Les budgets n'ont pas baissé, mais ils n'ont pas progressé à due proportion. Le projet de loi de finances pour 2024 avait prévu deux enveloppes supplémentaires de 20 millions d'euros - l'une adoptée sur l'initiative de l'Assemblée nationale, l'autre sur celle du Sénat. Cette année, ces deux enveloppes ne sont pas inscrites dans le projet de loi de finances, même si ce dernier prévoit un effort de 10 millions d'euros : au total, les crédits baisseront donc de 30 millions d'euros.

Des progrès ont été réalisés dans l'achat des denrées. L'établissement FranceAgriMer s'est professionnalisé et s'est - enfin ! - doté de logisticiens et de spécialistes pour intervenir sur les marchés alimentaires. La situation s'est globalement améliorée, et nous n'avons pas entendu de critiques à ce sujet de la part des associations. Celles-ci ont toutefois dû revoir leurs barèmes et sont donc plus strictes avec les ménages les moins défavorisés.

Vous avez fait allusion à l'instauration d'un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui donnent aux associations leurs invendus alimentaires plutôt que de les détruire. Ce n'était pas du tout une revendication des associations, en tout cas pas à notre connaissance. Le système actuel fonctionne ; je suis donc surpris. En revanche, le doublement du crédit d'impôt Coluche prévu dans le projet de loi de finances semble intéressant pour soutenir la générosité du public : ce dispositif permet de déduire de ses impôts 75 % des sommes versées à des associations dans la limite de 1 000 euros. Il s'agit de porter ce plafond à 2 000 euros.

Enfin, monsieur Laménie, le réseau CIDFF connaît en effet des difficultés financières. En ce qui concerne l'avenir de la politique en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, plusieurs éléments importants sont à souligner. Je pense par exemple aux parcours de sortie de la prostitution. L'an dernier, nous avions obtenu l'alignement de l'aide financière à l'insertion sociale (Afis) sur le revenu de solidarité active (RSA). De même, l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales est un dispositif utile, qui permet de faciliter les décohabitations rapides, en aidant les femmes à se mettre en sécurité le plus rapidement possible.

M. Pierre Barros, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'accès aux financements européens, les structures d'aide alimentaire ont, semble-t-il, su élever leur niveau de technicité afin de pouvoir mieux les capter.

La collecte des denrées alimentaires se heurte à des difficultés logistiques liées au transport ou au stockage. Les banques alimentaires doivent investir dans des réfrigérateurs et des chambres froides. Cela coûte cher en électricité et cela pèse sur leurs frais de fonctionnement. Les associations vont collecter l'aide, mais elles doivent toujours penser à leur capacité à garantir la chaîne du froid. Elles doivent sans cesse veiller à trouver le bon équilibre entre, d'une part, le développement de leur système de logistique et le coût que cela représente, et, d'autre part, les bienfaits d'une telle opération pour leur activité.

M. Claude Raynal, président. - Je vous rappelle que nos rapporteurs ont des positions divergentes sur les crédits de cette mission.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 79

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 vise à supprimer l'article 79.

M. Pierre Barros, rapporteur spécial. - Je le soutiens.

L'amendement de suppression FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 79.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » et budget annexe « Publications officielles et information administrative » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». - Les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui réunit les services du Premier ministre ainsi que plusieurs autorités administratives indépendantes (AAI), s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2026, à 1 028,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) - un niveau quasi constant par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2025, puisque leur progression est de 0,5 % -, et à 1 060 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse modérée de 3,3 % représentant un surcroît de 34 millions d'euros par rapport à l'an dernier.

Les seules évolutions de périmètre sont liées à des transferts en base mineurs, concernant exclusivement le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

En 2026, les efforts de maîtrise des dépenses publiques au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » sont poursuivis, dans la continuité de la LFI 2025.

En particulier, les crédits hors personnel - hors titre 2 - ne progressent pas, à l'exception des crédits du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui augmentent de 10,2 millions d'euros, en cohérence avec la priorité budgétaire donnée aux moyens alloués à la défense dans le projet de loi de finances. À périmètre constant, les crédits hors titre 2 et hors SGDSN diminuent de 1,9 million d'euros par rapport à la LFI 2025 et de 38,6 millions d'euros par rapport à la LFI 2024.

Les crédits de personnel présentent une hausse de 23,6 millions d'euros par rapport à la LFI 2025, pour atteindre 390,4 millions d'euros en 2026. Les crédits de titre 2 consacrés au SGDSN représentent l'essentiel de cette progression : ils augmentent de 14,7 millions d'euros. Le solde est lié à des facteurs d'évolution automatique : l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT), la variation à la hausse des crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », et enfin l'impact en 2026, en année pleine, du schéma d'emplois de 2025.

À cet égard, les efforts de maîtrise des crédits sur le programme 129 se traduisent par un schéma d'emplois négatif de 7 équivalents temps plein (ETP) en 2026. Si le SGDSN connaît des créations d'emplois ciblées et en nombre limité, à hauteur de 18 ETP, celles-ci sont compensées par la suppression de 25 ETP au total sur le reste du programme : 10 ETP pour le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP), 10 ETP pour l'Institut national du service public (INSP), 5 ETP pour le service d'information du Gouvernement (SIG).

Quant aux autorités administratives indépendantes rattachées au programme 308 « Protection des droits et libertés », qui inclut l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), leur schéma d'emplois sera nul en 2026 : autrement dit, aucune création d'emploi n'est prévue, ni pour les AAI du programme 308 ni pour l'Arcom.

Au total, le schéma d'emploi de la mission sera donc négatif de 7 ETP en 2026. En incluant les emplois de l'Arcom, soit 378 ETP, les effectifs s'élèvent à environ 4 400 ETP. Après un pic en 2026, qui est enregistré sur cet exercice plutôt qu'en 2025 du fait de l'effet différé du schéma d'emplois 2025 sur 2026 et du solde des transferts, notamment auprès du secrétariat général des affaires européennes, les plafonds des autorisations d'emploi de la mission devraient diminuer entre 2026 et 2028.

Après cette présentation générale des moyens de la mission, j'en viens à mes principales observations relatives aux évolutions prévues pour les autorités et administrations concernées en 2026.

En premier lieu, et dans la suite de mon précédent rapport de contrôle sur le Haut-Commissariat au Plan (HCP), je voudrais d'ores et déjà souligner les économies permises par la fusion entre le HCP et France Stratégie au sein du Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan (HCSP), laquelle a été actée par le décret du 23 mai 2025, mais dont la traduction budgétaire sera effective à partir du 1er janvier 2026.

Lors de la création du HCSP, une cible de 12 % d'économies de fonctionnement a été annoncée. Pour 2026, la fusion devrait permettre de réaliser de premières économies significatives grâce, d'une part, à une réduction des dépenses de fonctionnement du fait de la mutualisation de certaines fonctions - à savoir les fonctions de direction et certaines fonctions support - et, d'autre part, à une diminution des effectifs, avec la mise en oeuvre d'un schéma d'emplois négatif de 10 ETP, au titre de diverses rationalisations et des mutualisations.

Dans cette perspective de rationalisation des instances de stratégie et de prospective, je vous proposerai de diminuer les crédits du programme 129 de 500 000 euros en AE et en CP, dans le cadre d'une fusion de trois hauts conseils rattachés au HCSP concernant la sphère sociale au sens large : le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).

En deuxième lieu, les enjeux de cybersécurité et de protection des données personnelles devraient continuer à fortement mobiliser les administrations et les autorités compétentes. Selon les données disponibles, en 2024, la France a subi une intensification des cyberattaques, dont le nombre a augmenté de 15 % par rapport à 2023. Dans ce contexte, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), rattachée au SGDSN, devrait à nouveau voir ses effectifs progresser de 4 ETP en 2025 et de 8 ETP en 2026.

De même, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a vu ses missions s'élargir grandement depuis l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2018, puis avec l'adoption de nouveaux textes européens dans la période récente en matière de régulation des acteurs du numérique.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une enveloppe de 31,23 millions d'euros en AE et en CP pour la Cnil. La hausse observée sur les crédits de personnel, de 0,95 million d'euros, résulte principalement de facteurs d'évolution automatique, car la Cnil ne bénéficie d'aucune création d'emploi, tout comme les autres AAI du programme 308.

D'après les services de la Cnil, celle-ci devrait faire face à une activité classique en forte croissance et à une complexité accrue de ses missions. De surcroît, de nouvelles responsabilités viendront s'ajouter : la mise en oeuvre effective du paquet numérique européen, l'encadrement du développement de l'intelligence artificielle, la cybersécurité et la protection des enfants, le développement d'une présence renforcée sur les territoires, ou encore l'exercice d'une nouvelle mission au titre du filtre national de cybersécurité, consistant à examiner et valider le blocage de milliers de sites frauduleux.

En troisième lieu, je reste particulièrement attentif à la poursuite de la rationalisation de l'occupation immobilière des services rattachés à la mission. Comme le rappelle la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre, l'évolution du périmètre des administrations et autorités concernées « s'est longtemps traduite par une augmentation continue du nombre d'implantations - 38 à partir des années 2013-2014 ». La livraison de l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy en 2016-2017 a inversé cette tendance en permettant de regrouper la majorité des services du Premier ministre sur un site unique. Désormais, le parc de la mission est constitué principalement de biens domaniaux répartis sur une douzaine de sites.

En 2025-2026, la rationalisation des implantations se poursuit, grâce notamment au déménagement vers des occupations optimisées de l'Arcom, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), ou encore grâce à la libération en cours de deux sites, dont celui de l'Hôtel de Beistegui, qui était précédemment occupé par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et par le HCP.

Afin de limiter l'augmentation des crédits de la mission résultant de la hausse des moyens alloués à la défense et à la sécurité nationale au sens large, je vous proposerai également de geler en valeur les crédits de plusieurs actions budgétaires, pour les réduire de 4 millions d'euros en AE et en CP. Pour mémoire, notre commission avait adopté l'an dernier deux amendements similaires de gel de crédits, portant sur les AAI du programme 308 et sur l'ordre de la Légion d'honneur, comportant des baisses respectives de crédits de 14,8 millions d'euros et de 0,4 million d'euros.

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Ce budget annexe, géré par la direction de l'information légale et administrative (Dila), devrait connaître en 2026 un niveau de recettes de 175,3 millions d'euros, en baisse de 5 % par rapport à 2025.

Cette évolution résulte des effets régulièrement constatés du cycle électoral sur les recettes du Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP). Ces recettes devraient ainsi diminuer de 9 % par rapport à 2025, pour atteindre 65 millions d'euros. De fait, si le montant des recettes hors annonces devrait augmenter de 12 %, pour s'élever à 3,7 millions d'euros, cette hausse ne devrait pas suffire à compenser l'évolution prévue sur les recettes du BOAMP.

Compte tenu de la diminution des dépenses de 1,6 million d'euros en CP, qui s'établiront à 147,4 millions d'euros, la gestion du budget annexe devrait permettre de dégager un nouvel excédent de 27,9 millions d'euros en 2026, proche de celui prévu pour 2025.

En dépit d'un schéma d'emploi à zéro pour 2026, qui fait suite à une baisse de 37 % des effectifs sur la période 2014-2024, la Dila devrait poursuivre activement le déploiement de ses projets de modernisation numérique, tant en matière d'information dite régalienne, avec l'automatisation de la chaîne de production de textes juridiques, qu'en matière d'information administrative, avec l'amélioration continue des sites legifrance.gouv.fr et service-public.gouv.fr.

Compte tenu de ces différentes observations, et sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous propose donc d'adopter les crédits ainsi modifiés de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ainsi que les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Les amendements du rapporteur spécial s'inscrivent dans une volonté de rationalisation, qui est largement partagée par les membres de cette commission.

Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les moyens humains et financiers mobilisés sur les questions cyber ? L'Anssi compte plus de 650 ETP. Comment se situe la France par rapport aux autres pays de l'Union européenne à cet égard ?

Mme Isabelle Briquet. - J'ai eu l'occasion, par le passé, d'auditionner les responsables de la direction interministérielle du numérique (Dinum). Cette direction, dont le champ d'activité est particulièrement stratégique, rencontre pourtant des difficultés pour recruter, en raison d'un manque d'attractivité des postes proposés. Avez-vous des éléments à ce sujet ? Les postes ouverts ont-ils été pourvus ?

Les cyberattaques se multiplient ; beaucoup d'entre elles sont contrées, mais certaines atteignent leur cible. La cybermenace ne va pas diminuer. L'Anssi fait le point sur les attaques numériques dans son rapport. Les contraintes budgétaires risquent de retarder la réalisation de certains projets clés, comme la création d'un laboratoire consacré à l'intelligence artificielle ou celle d'un second centre de données sécurisées. Notre capacité d'anticiper et de contrer les cybermenaces risque d'être affectée. Il est crucial que l'Agence dispose des ressources suffisantes pour garantir la sécurité des infrastructures critiques et la continuité de l'action de l'État en matière de cybersécurité.

Enfin, dans la mesure où le rapporteur spécial émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de ses amendements, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) ne pourra pas suivre son avis.

Mme Christine Lavarde. - Que deviendra l'Hôtel de Beistegui ? Sera-t-il vendu ? Un schéma de programmation pluriannuelle est-il prévu pour les services du Premier ministre et pour l'avenir de ce site ?

Vos amendements me semblent intéressants. Ils visent notamment à réduire les crédits du Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan. Toutefois cette instance fait travailler moult fonctionnaires de différents services de l'État, qui ne sont pas pris en charge directement par le budget de l'organisme, mais qui produisent des rapports en son nom, allant même parfois jusqu'à empiéter sur les compétences d'autres instances. Clément Beaune nous expliquait ainsi lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, que son Haut-Commissariat allait se saisir de la question des autoroutes, alors même que l'Autorité de régulation des transports (ART) est directement compétente en la matière. La réalisation de ce nouveau rapport mobilisera des fonctionnaires payés par le ministère de l'écologie. Même si l'on baisse les crédits du HCSP, je crains fort que cet organisme ne continue de trouver des subterfuges pour financer ses rapports autrement.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Je n'ai pas d'éléments de comparaison sur l'ampleur des moyens humains et financiers que la France consacre aux enjeux cyber par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Ce point ne manquera pas de faire l'objet d'une attention particulière dans le cadre de mes travaux de rapporteur spécial.

Le manque d'attractivité observé sur les emplois de la Dinum est un problème relativement commun à toutes les administrations et autorités rattachées à la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qu'il s'agisse des domaines du numérique, de la cybersécurité ou encore des autorités de régulation. Ce sont des métiers très spécialisés, qui doivent être occupés par des experts qui viennent du privé, car la fonction publique manque de ce type de profils. Cela pose la question de la formation interne à la fonction publique pour lui permettre de se doter des compétences nécessaires. Il y a aussi une forme de mercenariat : des personnes du privé viennent exercer pendant quelques années dans une administration prestigieuse afin d'embellir leur CV et d'acquérir de l'expérience, avant de repartir dans le privé, pour un salaire meilleur. C'est un problème courant dans les collectivités territoriales, où certains agents passent d'une collectivité à une autre ou ne cessent de négocier pour obtenir une meilleure rémunération.

Les services de Matignon ne m'ont pas fourni, à ce stade, de précisions sur l'avenir de l'hôtel de Beistegui. Sans doute celui-ci sera-t-il gardé en réserve foncière pour le moment.

Concernant mon amendement visant à geler les crédits du HCSP, les regroupements et les mutualisations ne sont pas simplement des moyens dissimulés pour réduire les crédits : ces opérations permettent d'éviter les fonctionnements en silo. On se demande pourquoi nombre de hauts conseils spécialisés ne sont pas réinternalisés au sein de l'administration ; cela faciliterait les synergies. Mon amendement est d'un montant modeste, car il ne porte que sur 500 000 euros, soit bien moins que l'amendement que j'avais déposé l'an dernier. Je n'ai pas proposé de geler les crédits liés aux questions de défense et de sécurité, mais ma volonté de réduire le train de vie de l'État, là où c'est possible, reste intacte. Mes amendements sont modestes, mais ils n'en ont pas moins valeur de symbole.

Article 49

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Mon amendement FINC.1 vise à diminuer de 500 000 euros les crédits de l'action 11 « Stratégie et prospective » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », dans le cadre de la fusion de trois hauts conseils rattachés au HCSP et relevant tous trois du domaine de la sphère sociale : le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).

L'amendement FINC.1 est adopté.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Mon amendement FINC.2 vise à geler en valeur les dotations de plusieurs actions budgétaires relevant des deux programmes 129 « Coordination du travail gouvernemental » et 308 « Protection des droits et libertés », hors questions de défense et de sécurité au sens large, pour un montant de 4 millions d'euros.

L'amendement FINC.2 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Conseil et contrôle de l'État » - Examen du rapport spécial

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État. - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que ceux du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une baisse de 2,6 % des crédits de paiement (CP) de la mission, qui atteindraient 869,3 millions d'euros. En tenant compte de la cible d'inflation de 1,3 % annoncée par le Gouvernement, cette baisse est encore plus conséquente et s'élève à 3,3 %.

La mission est donc particulièrement mise à contribution, dans le PLF pour 2026, pour le redressement des finances publiques.

Je commencerai par évoquer rapidement les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 3,5 % des CP. Cette hausse est entièrement due à l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme, et qui s'explique notamment par l'extension en année pleine de la réforme du régime indemnitaire des magistrats financiers. Je précise que cette dernière visait à aligner les rémunérations des personnels de la Cour des comptes avec celles qui sont pratiquées dans les ministères, mouvement qui s'est étalé sur deux années et qui s'achève avec le budget pour 2026.

Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières sont stables, après deux années consécutives de baisse. Je me félicite de cette trajectoire, qui illustre les efforts menés par la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, notamment en optimisant ses procédures d'achat et en réduisant ses dépenses énergétiques.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève à 34,1 millions d'euros, à un niveau relativement stable par rapport à 2025.

Vous connaissez mes réserves sur les crédits consacrés à la participation citoyenne. Je n'y reviendrai pas cette année, mais je regrette que, d'un PLF à l'autre, la documentation budgétaire ne permette toujours pas d'identifier avec précision le montant de ces crédits.

Je souhaiterais toutefois conclure mon propos sur le Cese par un motif de satisfaction : pour la première fois depuis 2020, le plafond d'emplois de l'année 2025 devrait être exécuté conformément à la prévision, après plusieurs années de sous-exécution chronique.

Je voudrais enfin m'attarder sur les crédits du Conseil d'État et des juridictions administratives, qui sont regroupés au sein du programme 165. Après une année 2025 marquée par une relative stabilisation des crédits, le PLF pour 2026 prévoit une baisse substantielle de plus de 5 % des CP.

Cette baisse s'explique essentiellement par le rythme de décaissement des crédits d'investissements. L'année 2025 a en effet été exceptionnelle, car marquée par l'engagement de nombreuses dépenses liées la réalisation de plusieurs projets d'investissement majeurs : je pense notamment aux travaux de relogement du tribunal administratif et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui seront regroupés dans le même bâtiment à Montreuil. C'est ce qui explique la baisse de crédits d'investissement du programme de l'ordre de 56,7 %, la mise en service dudit bâtiment étant prévue pour septembre 2026.

Les dépenses de fonctionnement du programme 165 sont quant à elles maîtrisées, puisqu'elles sont en baisse de près de 1 % dans le PLF. La généralisation des téléprocédures a notamment permis de réaliser des économies substantielles en matière de frais postaux. Ces économies se sont progressivement concrétisées tout au long du déploiement de l'application Télérecours depuis 2014, et devraient atteindre près de 6 millions d'euros en 2026.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les effectifs des juridictions administratives, sur lesquels je m'étais longuement attardé lors du dernier PLF. J'avais alerté notre commission, l'année dernière, sur les risques d'allongement des délais de jugement qu'impliquait le gel des effectifs décidé par le Gouvernement. La situation budgétaire ne s'étant malheureusement pas améliorée depuis, il est donc proposé de prolonger ce gel dans le PLF pour 2026.

Je souhaite donc réitérer mes inquiétudes devant notre commission. L'engagement sans faille des magistrats et greffiers des juridictions administratives, et il faut bien le dire, les hausses d'effectifs accordées entre 2021 et 2024, ont permis une relative amélioration des délais de jugement depuis la crise sanitaire.

Toutefois, le nombre de recours déposés devant les juridictions administratives explose depuis trois ans, et le stock d'affaires en cours de traitement a connu une augmentation impressionnante de près de 30 % depuis 2019. L'année 2025 devrait par ailleurs constituer une année record en termes de nombre de requêtes enregistrées, avec une augmentation d'environ 40 000 affaires par rapport à 2024, au même stade de l'année.

Les représentants du Conseil d'État m'ont fait part de leur pessimisme quant à la capacité de leurs services à absorber un tel flux à moyens constants. Il y a fort à parier, dans ce contexte, que l'année 2026 sera marquée par une hausse conséquente des délais de jugement, faute de moyens humains suffisants pour le programme 165.

J'attire plus particulièrement votre attention sur la situation préoccupante du tribunal du stationnement payant (TSP). Les effectifs de cette juridiction spécialisée sont structurellement insuffisants. Son activité a presque triplé entre sa création en 2018 et 2024, alors même que le TSP n'a pas vu ses effectifs augmenter sur cette période.

Cette situation est d'autant plus problématique que le flux de nouvelles affaires entrantes devant le TSP n'est pas près de se tarir. En effet, le recours aux lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (Lapi) et l'extension des zones soumises au stationnement payant conduisent le Conseil d'État à anticiper une augmentation annuelle du contentieux du stationnement payant d'environ 18 % dans les prochaines années.

Face à la hausse de la pression contentieuse, les juridictions administratives ont cherché des solutions pour accélérer les procédures. Je pense, par exemple, au recours à l'intelligence artificielle (IA), qui devrait faciliter le traitement des dossiers, mais le contexte budgétaire difficile conduit mécaniquement à limiter les investissements dans ce domaine. Une modeste enveloppe d'environ 300 000 euros est prévue dans le PLF à ce titre.

Je pense également à l'extension de la procédure du juge unique pour certains contentieux moins complexes, même si je suis à titre personnel, très réservé sur ce type de procédure, car je suis profondément attaché au principe de collégialité qui permet de garantir une justice de qualité.

Les solutions que je viens d'évoquer ne sont que des pis-aller et ne dispenseront pas le législateur de mener, à l'avenir, une réflexion approfondie sur les moyens à allouer aux juridictions administratives.

À titre personnel, je reste convaincu que le redressement de nos finances publiques ne doit pas être mené au détriment de nos institutions régaliennes, qui constituent le ciment du pacte républicain.

Toutefois, malgré ces réserves, je vous proposerai, dans un esprit de responsabilité, d'adopter les crédits de la mission.

De plus, je tiens à rappeler que la CNDA a réussi à décentraliser la gestion du droit d'asile sur l'ensemble du territoire en utilisant les locaux existants dans les cours d'appel, quasiment sans crédits supplémentaires : un réel effort a été accompli et mérite d'être souligné.

J'aurais préféré que davantage de moyens soient alloués à cette mission afin d'éviter un allongement des délais de jugement - les maires signalent de nombreuses affaires pendantes, avec des délais qui s'éternisent -, mais nous devons dans le même temps tenir compte du contexte budgétaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quels sont les effectifs du TSP ? Une réflexion a-t-elle été engagée afin de limiter le nombre de recours en amont ?

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur pour son travail de synthèse. Des éléments positifs sont à relever, dont la consolidation de la réforme du régime indemnitaire des magistrats, ainsi que la poursuite de la modernisation numérique des juridictions administratives.

En revanche, la diminution globale du budget pourrait fragiliser les capacités d'action face à la hausse du contentieux administratif. Comme l'a souligné le rapporteur, les délais de jugement tendent à nouveau à s'allonger après une phase de diminution. Ce point m'inquiète, la justice administrative ayant de réels besoins.

Pour ce qui est du TSP, je rejoins la préoccupation du rapporteur général : ne serait-il pas envisageable de mettre en place une procédure simplifiée pour les infractions les plus légères ?

M. Michel Canévet. - L'augmentation des crédits est assez significative pour la Cour des comptes et les autres juridictions financières. Ne pourrions-nous pas modérer cette hausse ?

À l'instar d'Isabelle Briquet, je suis préoccupé par la hausse du contentieux administratif, mais je préconise une autre solution que la sienne : selon moi, il faudrait pouvoir limiter la capacité à engager des procédures contentieuses devant les juridictions administratives. Il fallait ainsi autrefois payer un droit pour déposer une requête devant le tribunal administratif. Ne faudrait-il pas le réinstituer, de façon à favoriser une prise de conscience ?

Nous constatons dans les territoires que la plupart des recours visent à bloquer des projets, notamment de logements, avec des effets particulièrement délétères sur le plan économique. J'ai pu observer ce phénomène dans plusieurs endroits du Finistère, avec des recours parfois sans fondement sérieux. Il est donc temps de prendre des mesures. Avez-vous quelques idées plus précises sur le sujet ?

Mme Christine Lavarde. - Il serait intéressant de connaître le coût de la gestion du stationnement payant, dans la mesure où les intéressés déposent un recours gracieux devant la collectivité concernée avant de se pourvoir devant le tribunal, ce qui nécessite, pour ladite collectivité, d'allouer des moyens informatiques et du personnel dédié à l'instruction de ces dossiers.

Notons que les cas de méconnaissance de la loi sont assez courants : qui sait, par exemple, qu'il faut apposer l'original de la carte mobilité inclusion (CMI) - et non une photocopie - sur le pare-brise du véhicule, du côté du conducteur et non pas du passager ? Il est donc possible d'être verbalisé pour ces cas de figure, qui nécessitent malgré tout une instruction. Il me semblerait donc intéressant de disposer d'une évaluation du coût de la réforme, à l'échelon des collectivités comme à l'échelon de l'État.

M. Claude Raynal, président. - Les tribunaux administratifs sont surchargés, la moitié du contentieux - voire davantage - étant lié au droit des étrangers. Il faudrait trouver une manière d'alléger la charge des juridictions, confrontées par exemple à l'utilisation d'un même justificatif par différentes personnes : avez-vous des suggestions à ce sujet ?

Par ailleurs, les tribunaux administratifs sont connus pour la qualité de leurs décisions, car les juges et les conseillers consacrent beaucoup de temps à étudier les dossiers. Cependant, ces derniers relèvent parfois de cas fréquemment rencontrés et déjà traités par la jurisprudence : ne faudrait-il pas envisager la mise en place d'un processus de traitement décisionnel plus rapide, voire « industriel », en précisant que la possibilité de faire appel restera ouverte en cas d'erreur manifeste ? Là aussi, le recours à l'IA pourrait sans doute être utile.

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - La gestion du stationnement payant mobilise 143 équivalents temps plein (ETP), un chiffre stable depuis plusieurs années. Par le passé, la recevabilité des requêtes devant le TSP était conditionnée au paiement de la contravention, mais le Conseil constitutionnel a estimé, dans une décision du 9 décembre 2020 que cette procédure était contraire au droit au recours juridictionnel effectif garanti par la Constitution.

Face à l'afflux de dossiers, le recours à l'IA a débuté, mais de manière insuffisante. Cette année, 360 000 euros sont alloués à la modernisation de l'outil informatique, ce qui est fort peu.

Les crédits alloués au TSP s'élèvent à 9,3 millions d'euros, et j'ai prévu de faire un contrôle sur cette juridiction, afin d'identifier des pistes d'amélioration.

Pour ce qui est de la Cour des comptes, la revalorisation des rémunérations des personnels explique la hausse, en précisant que cette juridiction avait fourni des efforts sur ses dépenses de fonctionnement en 2024 et en 2025.

M. Michel Canévet. - Elle doit montrer l'exemple !

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - En l'espèce, la revalorisation des rémunérations de la Cour et des juridictions financières résulte en partie d'une décision gouvernementale, puisqu'elle s'inscrit dans la suite logique de la réforme de la haute fonction publique. Il s'agit d'une mesure d'alignement des salaires des magistrats de la Cour des comptes et des juridictions financières avec ceux des administrateurs de l'État, dont l'extension en année pleine impliquera en 2026 une hausse de crédits de 2,5 millions d'euros.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

La réunion est close à 17 h 40.

Mercredi 29 octobre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets - Examen des amendements de séance

M. Claude Raynal, président. - Nous allons examiner les amendements de séance déposés sur la proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Après l'article 2

M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Je propose que nous émettions un avis défavorable à l'amendement n°  1, qui vise à encourager la pratique, déjà courante, des déchèteries mobiles. Il n'est donc pas besoin de modifier la loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  1.

M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Pour les mêmes raisons, je propose un avis défavorable à l'amendement n°  2, lequel tend à créer des gratifications pour encourager le tri.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  2.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel après Article 2

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Gisèle JOURDA

1

Faculté pour les maires et présidents d'EPCI « d'encourager » le développement des déchetteries mobiles.

Défavorable

Mme Gisèle JOURDA

2

Faculté pour les collectivités compétentes en matière de gestion des déchets de mettre en place des dispositifs de gratification du tri

Défavorable

Proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national - Examen des amendements de séance

M. Claude Raynal, président. - Je constate qu'aucun amendement de séance n'a été déposé sur la proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Investir pour la France de 2030 » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant examiner le rapport spécial sur la mission « Investir pour la France de 2030 », au sein du projet de loi de finances pour 2026.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - Si la mission que nous examinons comprend les crédits de décaissement des aides du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3), qui ont été entièrement attribuées, je concentrerai mon propos sur les programmes 424 « Financement des investissements stratégiques » et 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », qui représentent 93 % des crédits de la mission et qui servent à financer les aides du plan France 2030.

En préambule, je rappelle que les crédits de la mission ne sont pas des crédits budgétaires conventionnels. En effet, elle relève d'un cadre extrabudgétaire, fixé par la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, qui prévoit une dérogation au principe d'annualité pour les investissements d'avenir. Ce cadre extrabudgétaire a été prolongé au-delà du PIA 3 et il s'applique aux aides du plan France 2030.

Le principe de ce cadre d'exception est d'isoler le « cycle opérationnel » de déploiement des aides. Ce dernier, qui repose sur l'identification et la contractualisation avec les bénéficiaires finaux du plan, est confié intégralement et indépendamment des crédits votés annuellement à quatre opérateurs : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

L'ouverture des crédits de paiement (CP) intervient dans un second temps, dans le cadre d'un « cycle budgétaire » qui a pour support la mission « Investir pour la France de 2030 », et dont la particularité est que la grande majorité des crédits ouverts ont vocation à couvrir des engagements datant de plusieurs années qui ont été contractualisés par les opérateurs.

En premier lieu, les données transmises par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) font état de l'attribution, au 30 juin 2025, d'un montant total de 39,5 milliards d'euros d'aides au titre du plan France 2030, soit 74 % de l'enveloppe totale du plan. Or seuls 14,1 milliards d'euros ont déjà fait l'objet d'un décaissement au 30 juin 2025, soit 26 % du total. Si ces aides ont permis de soutenir 5 500 porteurs distincts de projets, il existe une disparité dans le rythme de déploiement selon les secteurs concernés. Ainsi, dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, le niveau d'attribution des aides atteint 77 % et le niveau de décaissement 61 %. A contrario, pour les grands fonds marins, seulement 6 % des aides ont été décaissées après bientôt cinq années de déploiement.

En second lieu, j'en viens aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2026 et au schéma de financement auquel ils correspondent. Le montant total des crédits de paiement inscrits sur les programmes 424 et 425 atteint 5,1 milliards d'euros, un montant élevé, mais inférieur aux prévisions du SGPI en matière de besoins de décaissement pour l'année 2026. Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix de répliquer en 2026 une méthode qui aurait déjà dû être exécutée cette année, selon les informations qui nous avaient été transmises à l'automne dernier : la normalisation du niveau de trésorerie des opérateurs du plan France 2030.

En effet, du fait du mécanisme extrabudgétaire que j'ai mentionné précédemment, les fonds de la mission sont versés sur les comptes des opérateurs du plan chargés de réaliser le versement au profit du bénéficiaire final. Or du fait d'un écart entre les besoins de décaissement et le calibrage initial des crédits, les opérateurs ont accumulé un niveau élevé de trésorerie, à hauteur de 5,8 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2024. Selon le SGPI, ce niveau devrait être ramené à 2,4 milliards d'euros disponibles à la fin de cette année.

Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix pour l'exercice 2026 de financer 75 % des besoins de décaissement par l'ouverture des 5,1 milliards d'euros de crédits de paiement sur les programmes 424 et 425 et de financer les 25 % restants, c'est-à-dire 1,7 milliard d'euros, par la mobilisation de la trésorerie excédentaire des opérateurs.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - Pour compléter les propos de Thomas Dossus, j'attire votre attention sur le risque de débudgétisation que représente le plan France 2030. Depuis le lancement du premier volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 1), par la loi de finances rectificative pour 2010, la commission des finances du Sénat a constamment été attentive à ce que les PIA, puis France 2030 ne deviennent pas une voie de contournement de l'autorisation parlementaire.

Or nos contrôles, en 2024, sur l'objectif de décarbonation de l'industrie, puis en 2025, sur le soutien à la recherche aéronautique civile, avec le concours de Jean-François Rapin, font apparaître l'existence d'un risque majeur d'utilisation du plan France 2030 par le Gouvernement pour contourner le contrôle parlementaire légitime sur la dépense publique.

Ainsi, le décret du 28 novembre 2024 a procédé au transfert de 1,1 million d'euros depuis le programme 424 de la mission « Investir pour la France de 2030 » vers le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État ». La justification donnée par le Gouvernement est de consommer des crédits du plan France 2030 pour participer au financement du sommet sur l'intelligence artificielle qui s'est tenu à Paris en février 2025.

Or sans remettre en cause l'utilité de ce sommet pour le rayonnement de la France, nous sommes en droit de nous demander pourquoi de telles dépenses de fonctionnement conventionnelles seraient financées par une mission théoriquement réservée à des investissements d'avenir. Ce décret de transfert me semble bien illustrer le comportement que le Gouvernement adopte avec l'enveloppe du plan France 2030. Ainsi, de manière orthogonale par rapport à la doctrine d'utilisation du plan, qui prévoit l'étanchéité entre les enveloppes du plan France 2030 et les enveloppes budgétaires classiques, les lignes de France 2030 sont utilisées comme des compléments pour combler des lacunes des plans de financement.

Par ailleurs, j'insiste sur le défaut de transparence dont le Gouvernement fait preuve à l'égard du Parlement sur le déploiement du plan France 2030. Tout d'abord, nous ne sommes pas informés des réallocations de crédits entre les différentes verticales du plan France 2030. Ainsi, alors que la maquette opérationnelle de répartition entre les dix-sept objectifs et leviers constitue un élément majeur de suivi sur le plan politique, puisqu'il établit les priorités du Gouvernement en matière d'investissement, elle n'est pas transmise régulièrement au Parlement et nous ne sommes pas spontanément tenu au courant lors de ses mises à jour.

Je relève, sur ce point, qu'une nouvelle maquette de répartition entre les verticales a été arrêtée par le Gouvernement lors d'une réunion le 1er avril dernier. Pour autant, par négligence peut-être, le Gouvernement ne la fait pas apparaître dans le bilan financier trimestriel établi à l'intention du Parlement au début du mois d'octobre 2025. Par conséquent les informations relèvent de l'ancienne maquette de répartition, qui date de décembre 2023.

Ensuite, le Parlement n'est pas informé de l'état des trésoreries des opérateurs du plan. Or, comme l'a expliqué Thomas Dossus, ces derniers ont accumulé des niveaux importants de trésorerie depuis 2021. Or un suivi effectif suppose de connaître cette information, qui ne figure pas dans les bilans financiers trimestriels transmis au Parlement alors même que la loi prévoit expressément la transmission de cette information à la commission des finances de chaque assemblée.

Pour compléter cet état des lieux, le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), que nous avons auditionné, n'a pas remis de rapport annuel en 2024. Nous serons, par conséquent, particulièrement attentifs au rapport de suivi du déploiement du plan qui doit être publié par le CSIA au mois de décembre 2025, et qui sera le premier rapport d'évaluation globale publié par le comité depuis juin 2023.

Enfin, je relève le choix du Gouvernement de ralentir le déploiement du plan. En effet, en 2021, la programmation initiale du plan France 2030 prévoyait que l'intégralité des aides du plan serait attribuée avant la fin de l'exercice 2026. Or cet objectif a été abandonné lorsque le Gouvernement a commencé à réduire, au cours de l'exercice 2024, le rythme de déploiement du plan. Pour l'exercice 2026, le Gouvernement décélère encore, les 3,5 milliards d'euros de nouvelles aides programmées représentant une baisse de 30 % par rapport à 2025 et de 55 % par rapport à 2024. En qualité de rapporteurs spéciaux, nous en prenons acte.

Nous vous proposons de rendre un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission. Toutefois, à titre individuel, j'indique que cette position devra être réexaminée au regard du texte transmis, notamment de sa partie fiscale. En effet, si l'on comprend la volonté du Gouvernement de soutenir, au travers du plan France 2030, l'innovation et l'émergence de nouveaux champions dans notre tissu productif, ce soutien ne doit pas intervenir à n'importe quelles conditions. Ainsi, dans l'hypothèse où le texte transmis prévoirait une aggravation lourde de la fiscalité des entreprises, nous aurions le devoir de nous interroger sur le risque de déstabilisation de nos champions actuels, qui se sont patiemment construits dans plusieurs secteurs industriels de pointe, au motif d'en faire émerger de nouveaux. Nous restons donc dans l'attente du texte qui nous sera transmis par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Après avoir présenté les crédits de la mission, je vous propose à titre individuel un amendement tendant à suivre un double objectif de responsabilité budgétaire et de mise en application des recommandations d'un de nos rapports.

Tout d'abord, serait dégagée une économie de 365 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur les crédits de la mission. En effet, le Gouvernement propose d'utiliser le projet de loi de finances pour 2026 comme véhicule pour porter un abondement additionnel à l'enveloppe du plan France 2030 à hauteur de 450 millions d'euros, qui s'ajouterait à l'enveloppe pluriannuelle déjà existante de 54 milliards d'euros. Prévoir 450 millions d'euros supplémentaires, à l'heure où nous cherchons des économies dans tous les programmes, est donc à contretemps. Nous proposons de neutraliser cette hausse.

Ensuite, certains sujets stratégiques méritent d'être traités en priorité, dont la recherche industrielle dans le secteur aéronautique. Comme nous l'avions rappelé dans le rapport d'information sur le Financement public de la recherche aéronautique civile, que j'ai présenté avec nos collègues Thomas Dossus et Jean-François Rapin en juillet dernier, il s'agit d'un secteur d'excellence que nous devons préserver. La cible de 300 millions d'euros de financement annuel du guichet du Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) doit donc être tenue, alors que le projet de loi de finances ne prévoit qu'un financement de 215 millions d'euros. Voilà pourquoi cet amendement, suivant la première recommandation de notre rapport, ouvre 85 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 8,5 millions d'euros de crédits de paiement (CP).

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je ressens l'inquiétude de nos rapporteurs spéciaux quant au fonctionnement du dispositif France 2030. La dotation de 54 milliards d'euros dépasse largement l'épaisseur du trait du crayon. Pour autant, nous constatons un manque flagrant de transparence sur ce sujet.

Or, moins j'ai d'informations, plus je me pose de questions... Je ne suis pas rassuré par le fonctionnement de l'organisme qui gère ces fonds. Les remarques des deux rapporteurs sur le manque de transparence me préoccupent.

Il est crucial de remédier rapidement à cette situation. De plus, vu le contexte, alors que nous avons une connaissance imparfaite de l'utilisation des fonds et que l'enveloppe globale se monte à 54 milliards d'euros, il est déplacé de demander presque un demi-milliard d'euros supplémentaire. Ce n'est ni raisonnable ni responsable, et ressemble un peu à un moment d'égarement.

M. Claude Raynal, président. - Je comprends, messieurs les rapporteurs spéciaux, votre intention d'atteindre la cible de 300 millions d'euros pour le Corac. En revanche, pourquoi les crédits de paiement n'équivalent-ils qu'à 10 % du montant des autorisations d'engagement ? En effet, il me semblait que le Corac consommait ses crédits assez rapidement.

M. Vincent Delahaye. - Tout comme le rapporteur général, je m'étonne de cette absence de transparence et de communication. Les rapporteurs spéciaux se sont-ils rendus au ministère pour procéder à un contrôle sur pièces, l'un des rares pouvoirs dont nous disposons ? Le Gouvernement ne peut pas refuser de transmettre des informations, alors que celles qui l'ont été semblent insuffisantes compte tenu des montants en jeu.

Le rythme de décaissement des aides mentionné dans la note de synthèse ne porte que sur quatre ans. J'aurais souhaité une vision d'ensemble depuis le départ, mais aussi sur les années à venir, étant donné que l'on a accordé 39 milliards d'euros d'aides et que l'on n'en a décaissé que 14 milliards d'euros.

Sur la trésorerie des opérateurs, si nous exigeons l'information, je ne vois pas comment on pourrait nous la refuser.

Lors du lancement du PIA 1, le Gouvernement a mis en place un mécanisme de financement non conventionnel : les dotations non consommables (DNC), mentionnées dans l'objet de l'amendement des rapporteurs spéciaux. Celles-ci représentent une recette de 7 milliards d'euros, provenant de l'ANR. Comment ce mécanisme fonctionne-t-il ? D'autres mouvements sont-ils prévus ? J'en comprends qu'il s'agit de dotations au rendement financier plus élevé que le coût de l'emprunt ayant permis de les financer. Toutefois, vu les taux d'intérêt actuels de la France, l'opération risque d'être difficile à reproduire... Quel est l'état actuel des DNC ? Les 7 milliards d'euros récupérés cette année sont-ils la totalité des sommes attendues ?

M. Marc Laménie. - Nos rapporteurs spéciaux soulèvent des problèmes essentiels, dont le manque de transparence. Leurs recommandations sont d'actualité et de qualité.

Je dresse un parallèle avec le travail important réalisé, au premier semestre 2025, au sein de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, présidée par Olivier Rietmann et dont Fabien Gay était le rapporteur. Pour le plan France 2030, pas moins de 39 milliards d'euros d'aides ont été attribués, ce qui contribue à créer des emplois et de l'activité économique. Ainsi quatre opérateurs - la CDC, Bpifrance, l'ANR et l'Ademe - sont face à 5 500 bénéficiaires. Quelle est la typologie des entreprises aidées ? Vu le niveau élevé de la trésorerie des opérateurs, il existe peut-être des moyens de réaliser encore des économies.

M. Michel Canévet. - Les trésoreries excédentaires des opérateurs pourraient donner à notre rapporteur général des idées de propositions à formuler pour cette année...

Comment les opérateurs peuvent-ils avoir de telles trésoreries, particulièrement l'Ademe et l'ANR, qui n'ont pas d'activités bancaires, contrairement à la CDC et à Bpifrance ?

Est-il pertinent de conserver le SGPI, qui est, finalement, un démembrement de l'État ? Ne serait-il pas plus efficace que l'État intervienne directement, vu l'état d'avancement du plan ? Des autorisations d'engagement supplémentaires ont-elles été proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances ?

Il conviendrait de privilégier les avances remboursables par rapport aux subventions, notamment parce que ces dernières ont tendance à fausser la concurrence. Comment l'État arbitre-t-il entre ces deux modes d'intervention ?

Quel est le bilan de France 2030 ? Les objectifs sont-ils atteints, y compris en termes de consommation des crédits ? Pour ceux qui s'intéressent aux régions, il est apparu que l'on pousse parfois à la consommation pour financer des projets ne le nécessitant pas, afin de consommer l'enveloppe. Cet état d'esprit est-il bien présent ?

Enfin, quels sont les résultats concrets de cette politique, alors que des filières, comme celle des panneaux solaires, sont en difficulté ?

M. Jean-François Rapin. - Vu notre situation budgétaire, et alors que nous assistons à un concours Lépine de la dépense, nous devons peut-être réfléchir différemment et de manière plus pragmatique. Notre pays représente 0,8 % de la population mondiale et à peine 2,8 % du PIB mondial. Pouvons-nous nous permettre d'avoir les yeux plus gros que le ventre aujourd'hui ? Il faut arrêter le saupoudrage qui, d'ailleurs, provoque un sérieux problème : celui de la transparence, comme nous le dénonçons depuis des années.

Il faut donc nous concentrer sur les domaines où nous sommes champions, comme l'aéronautique, qui nous permet de réduire le déficit de la balance commerciale, avec 58 milliards d'euros de ventes à l'export en 2024. L'éparpillement est néfaste pour tous, y compris pour la recherche, puisque nous sous-investissons parfois dans les secteurs où nous excellons.

M. Pierre Barros. - Vivement 2030 ! Que le plan France 2030 se termine, car il soulève clairement des questions en termes de moyens et de méthode... Nous convergeons sur ce point, comme le montrent les commissions d'enquête sur les aides aux grandes entreprises, qui ont révélé le montant de 211 milliards d'euros d'aides, peut-être encore plus élevé en réalité, et sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Dans le cadre de cette dernière, comme Christine Lavarde pourrait le confirmer, lorsque nous avions auditionné le SGPI, nous avions conclu que nous pouvions légitimement nous interroger sur son utilité, d'autant qu'il s'agit d'un opérateur d'opérateurs. Le SGPI, aujourd'hui, ne représente pas grand-chose, mais donne beaucoup de travail à tout le monde et engendre des dépenses.

Par ailleurs, je rejoins notre collègue Canévet sur la question de l'évaluation. Certains éléments montrent que le dispositif ne fonctionne pas si bien que cela. Je me souviens notamment du cas de STMicroelectronics, qui, à coups de milliards, a bénéficié de moyens très importants pour créer de l'emploi et des usines. Or, plutôt que 1 000 emplois créés, nous avons obtenu 1 000 emplois supprimés. Le milliard d'euros investi par le SGPI n'a donc pas abouti à une réalisation concrète. Ce machin est hors de contrôle. Il faudrait faire disparaître cette structure, car il y a mieux à faire.

En revanche, il y a un véritable travail d'accompagnement économique à mener. Nous le faisons déjà, à mon sens, à de nombreux niveaux, et certainement de manière beaucoup plus efficace et plus qualitative. En tout cas, nous ne devrions pas attendre 2030 pour que cela s'arrête.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je ne puis qu'encourager les rapporteurs à utiliser tous les moyens à leur disposition pour approfondir leurs travaux. En effet, ce que vous avez dénoncé aujourd'hui, vous le dénoncez chaque année.

La Cour des comptes a d'ailleurs fait de même s'agissant des difficultés à contrôler ce processus, en raison à la fois de sa gouvernance, du niveau de complexité des circuits financiers, de l'insuffisante transparence et de la multitude d'intervenants dans le processus. A été également souligné le choix d'intervenir principalement sous forme de subventions plutôt que d'avances remboursables ou d'investissement en fonds propres, dans une forme de socialisation des pertes et de privatisation des profits.

La recherche dans le domaine de la défense bénéficie-t-elle de France 2030 ?

Enfin, si je suis favorable à votre amendement, je m'interroge sur l'opportunité de rejeter l'ensemble des crédits, afin d'émettre un signal.

M. Stéphane Fouassin. - Le plan France 2030 a notamment pour objet de rattraper le retard industriel français, d'investir massivement dans les technologies innovantes et de soutenir la transition écologique. Pourtant, je ne vois pas les outre-mer sur la cartographie qui nous est présentée. En bénéficient-ils ?

M. Vincent Capo-Canellas. - S'agissant des crédits du Corac, je soutiens évidemment la proposition qui est faite de tenir l'engagement pris à l'égard de la filière de l'aviation civile par les précédents gouvernements. C'est l'un des derniers éléments de compétitivité, avec le crédit d'impôt recherche (CIR), qui lui permette d'envisager son avenir chez nous, malgré le niveau des charges et les faibles incitations à maintenir les chaînes industrielles.

De nombreux engagements existent sur ce sujet, notamment sur la décarbonation et sur la succession de l'A320. Nous devons montrer à la filière que nous savons tenir nos engagements.

M. Christian Bilhac. - Nous sommes tous d'accord pour investir pour l'avenir, parce que l'on ne peut gérer un pays au fil de l'eau. Le problème, cependant, c'est le flou qui entoure cet investissement. Quels sont les objectifs ? Quelles sont les cibles ? Quels sont les critères ?

Face à ces questions, nous avons quatre opérateurs, avec leurs propres sous-directions et leurs marottes. Je rejoins Jean-François Rapin : tout cela relève du saupoudrage, du gaspillage, et nous manquons nos cibles. Les objectifs, que nous ne connaissons pas, sont-ils atteints ? Qui contrôle ? En tout cas, ce n'est pas nous ! Je doute même que qui que ce soit le fasse.

Pour ma part, j'ai la nostalgie du Plan, tel qu'on l'appelait à l'époque du général de Gaulle. Ainsi, dans ce qui était encore le Languedoc-Roussillon, il avait été décidé d'aménager le littoral avec la mission Racine, nommée d'après Pierre Racine, son patron : il fixait les objectifs, il décidait et on avançait. Et en cinq ans, ce fut fait ! Voilà ce qu'est une planification, une vision d'avenir. Mais aujourd'hui, nous ne savons pas où nous allons.

Nous l'avons vu lors de la présentation par Christine Lavarde de son rapport sur l'écotaxe, intitulé Soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire. La taxe créée pour financer l'économie circulaire ne suffisant pas, on triple la participation de l'État, avec quatre ministères pour contrôler, pour évaluer, pour sanctionner, mais sans communication entre eux. Là encore, on gaspille.

Tant que nous continuerons à multiplier les opérateurs, les machins, les trucs et les bidules, cela nous coûtera énormément. Jean-Louis Borloo parle de 150 milliards d'euros par an qui se perdent en suradministration, de doublons, de triplons. Peut-être ce montant est-il surestimé, mais si nous pouvions économiser ne serait-ce que 80 milliards d'euros, ce ne serait pas mal...

Il faut donc, d'une manière ou d'une autre, supprimer toutes ces dépenses de structure. En effet, à l'issue d'un coup de rabot budgétaire, la seule chose qui n'est pas affectée, ce sont les frais d'administration. On ne diminue que les versements opérationnels. Par conséquent, plus on rabote, moins on est efficace, et plus la part de la technostructure augmente !

M. Raphaël Daubet. - Je souscris, bien évidemment, aux critiques sur la transparence, qui fait défaut, sur la gouvernance, floue, et sur l'absence de secteurs ciblés, surtout compte tenu de nos contraintes budgétaires.

Cependant, je voudrais émettre une réserve : il est important de soutenir certaines filières. La recherche et l'innovation sont essentielles, et ce dans d'autres secteurs que l'aéronautique. Je songe en particulier, dans mon département du Lot, aux mobilités décarbonées. Ainsi, des PME de 200 ou 300 employés travaillent sur les moteurs électriques, produisent des objets de haute technologie ou exercent dans le domaine de l'intelligence artificielle et de la robotique. Les soutenir est un défi, même si ces plans n'ont peut-être pas fait la preuve de leur efficacité.

M. Claude Raynal, président. - La tonalité de notre discussion est quelque peu rude pour France 2030. Certes, les critiques sur la transparence, la visibilité et le suivi ne font pas débat. Toutefois, je rappelle que le dispositif avait été créé pour accélérer des dynamiques par trop lentes dans certains domaines, dont l'innovation. L'idée n'est donc pas à rejeter, alors que, dans certains cas, elle a permis d'avancer utilement. N'oublions pas qu'auparavant, nous déplorions notre incapacité à lancer des projets...

Il faut aussi écouter les entreprises, qui considèrent que France 2030 a été bénéfique pour leur projet. Certes, ce type de formule entraîne sans doute plus d'échecs que d'autres, plus classiques, mais l'échec fait partie de l'innovation - à condition, évidemment, qu'il n'y ait pas que des échecs. C'est là qu'intervient la notion de bilan. Il y a donc des choses à améliorer, mais gardons à l'esprit que la démarche n'est pas inutile.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Le principe de France 2030 était de soutenir l'innovation, au moyen d'un cadre pluriannuel tout à fait exceptionnel, nécessaire pour la visibilité des entreprises qui investissent dans des technologies d'avenir. Comme cela a été dit, monsieur Barros, en matière d'innovation, il y a toujours un risque d'échec. Cependant, des efforts sont faits, même dans des situations complexes. Dans mon département de la Somme, certains acteurs, soutenus par France 2030, peinent à trouver un marché mature, mais nous savons que, demain, ce marché existera. Ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du bain.

Pour revenir à la question du président Raynal, nous nous sommes renseignés auprès de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) qui nous a confirmé qu'environ 10 % des autorisations d'engagement (AE) consommées par les aides du guichet Corac pendant un exercice donnait lieu à une consommation de crédits de paiement pendant le même exercice.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Je m'associe aux propos sur la vision globale de France 2030, qui relève d'une bonne philosophie : disposer d'une enveloppe propre à l'innovation, préservée des aléas budgétaires et permettant de financer sur le long terme. La question du pilotage et de la transparence des informations est, en revanche, le coeur du problème. Le CSIA, où siègent des parlementaires, devrait nous rendre un rapport d'évaluation à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.

Le fonctionnement du SGPI, directement relié au Premier ministre, est particulier : il peut faire preuve à la fois de souplesse, de rapidité à instruire des dossiers et d'une capacité à débloquer très rapidement des appels d'offres. En contrepartie, il pose le problème du contrôle et de la transparence. Concernant le pilotage financier, le SGPI ne dispose que de quelques personnes, ce qui est peu pour suivre les trésoreries au mois le mois, d'autant qu'il s'agit de financer l'incertitude.

En effet, des appels d'offres sont lancés avec des objectifs précis. Le cas de STMicroelectronics est un bon exemple, avec un investissement fort de France 2030 en Isère, à Crolles, pour construire une usine de puces électroniques. Or le partenaire américain a décidé de décaler ses investissements. La somme provisionnée ne correspondant pas aux besoins initiaux et il faut s'adapter.

Il en va de même, à Dunkerque, pour ArcelorMittal, qui a lui-même suspendu l'apport de 850 millions d'euros de France 2030. Cependant, l'Ademe continue de disposer de fonds provisionnés en cas de revirement du groupe sur la décarbonation de ses hauts fourneaux. Dans ce cas, l'Agence doit pouvoir les décaisser dès que nécessaire. C'est ce décalage entre les appels d'offres et les décaissements qui crée un flou sur la trésorerie des opérateurs. Je suis d'accord, toutefois, sur l'éparpillement des objectifs, qui devra nous mobiliser pour les années à venir.

En France, le secteur privé ne finance ni le risque ni l'innovation, qui dépend donc de fonds publics. L'écosystème de financement n'est pas le même aux États-Unis, par exemple. En France, les premiers risques que prennent les start-ups sont financés par le public et par France 2030. Cette question pose donc bien problème. S'agissant du type d'entreprise financée, nous sommes à 19 % de PME, 33 % de grandes entreprises, 3 % d'ETI, 22 % d'organismes de recherche de collectivités ou d'établissements public et 23 % pour d'autres entités. Le dispositif est donc assez équilibré.

Une attention particulière est portée sur l'ensemble des territoires, y compris d'outre-mer, bel et bien concernés par France 2030.

Concernant les opérateurs et leurs frais de gestion, ils instruisent les appels d'offres, les publient et les contractualisent. L'Ademe nous a ainsi indiqué hier, en audition, que ses frais de gestion étaient plafonnés à 2,5 % de l'enveloppe d'aides sous gestion.

Selon moi, nous devons conserver cet outil, important pour financer ce qui ne l'est pas ailleurs. En revanche, dix-sept objectifs et 5 500 bénéficiaires, c'est beaucoup. Peut-être y a-t-il là matière à travailler sur un recentrage du fonds.

M. Vincent Delahaye. - Les bénéficiaires sont-ils satisfaits des aides ?

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Le SGPI a procédé à une enquête de satisfaction auprès des opérateurs et des entreprises qui ont reçu des aides, ou à qui elles ont été refusées. La plupart des entités étaient plutôt satisfaites lorsqu'elles avaient reçu une aide, tandis que d'autres avaient trouvé le montage financier trop complexe. Il semblerait donc que le bilan, qui doit encore nous être transmis, soit globalement positif.

Le dispositif des intérêts des dotations non consommables (IDNC) s'est avéré fort curieux. Créé en 2010, il a consisté en une dotation pour quinze ans, dont les intérêts, d'environ 2 à 3 %, permettaient de financer certaines aides des investissements d'avenir. Le dispositif se termine au 31 décembre 2025 pour les dotations dévolues à l'Agence nationale de la recherche (ANR). Désormais, l'État a privilégié l'ouverture d'une nouvelle ligne de crédit. Je vous ai demandé de ne pas voter cette mesure, car elle conduit à augmenter les autorisations d'engagement, alors que le montant global de l'enveloppe du plan France 2030 atteint déjà 54 milliards d'euros.

Concernant l'organisation, nous avons demandé au SGPI dans quelle mesure il était possible de se recentrer sur certaines priorités, par exemple en puisant sur une thématique pour en financer une autre. Il nous a cependant été répondu que ce n'était pas envisagé, tout en précisant qu'un arbitrage du Premier ministre pouvait quasiment constituer une injonction à satisfaire une priorité nouvellement identifiée. Ainsi, abonder les autorisations d'engagement pour compenser la fin des IDNC semble illogique, alors qu'il faudrait déployer l'enveloppe existante.

En outre, les instituts financés par les IDNC savaient depuis 2010 que, au terme de quinze ans, ils n'auraient plus accès à ce financement, qui atteignait 600 millions d'euros par an depuis 2021. L'ouverture de crédits proposée, de 450 millions d'euros, servirait à verser chaque année 150 millions d'euros à ces instituts.

Concernant la trésorerie des opérateurs, je vous rappelle que, l'année dernière, nous avions déjà essayé de procéder à une ponction pour équilibrer le budget et rendre une copie budgétaire cohérente.

On nous a expliqué que le SGPI gère l'imprévisible et que cette imprévisibilité rendait complexe le suivi détaillé de la trésorerie des opérateurs. Quand un conventionnement est signé, s'impose l'obligation de prévoir les paiements au fur et à mesure que les projets évolueront. Or ils sont plus souvent en retard qu'en avance, d'où une trésorerie qui s'accumule.

Nous pouvons prendre l'exemple du projet d'ArcelorMittal, pour lequel un décaissement de 850 millions d'euros étalé dans le temps était prévu. Compte tenu des annonces que ce groupe a faites, sa convention pourrait devenir caduque au 31 décembre. C'est une illustration des événements imprévus qui peuvent perturber les trajectoires de décaissement des projets et qui ont un impact sur la trésorerie des opérateurs.

Des ponctions de ces trésoreries ont déjà eu lieu, et pourraient se reproduire. Sur les informations relatives à la trésorerie prévisionnelle des opérateurs en fin d'année, nous n'avons obtenu de données fines sur ce point qu'après avoir insisté auprès du SGPI. Par conséquent, monsieur Delahaye, nous n'avons pas procédé à un contrôle sur place et sur pièces. Nous aurions toutefois pu le faire si nous n'avions pas reçu ces données.

La gouvernance est, en effet, complexe. Pour le SGPI, les changements successifs de Premier ministre nuisent au fonctionnement et à la fluidité du dispositif. Concernant la problématique des opérateurs, la direction générale des entreprises (DGE) pourrait tout aussi bien gérer ces dispositifs. Surtout, le SGPI sert parfois de bouée de sauvetage sur demande du Premier ministre.

La recherche dans le domaine de la défense n'est pas incluse dans le périmètre de France 2030 comme étant l'un des dix-sept objectifs et leviers, même si certaines verticales d'investissement du plan ont un caractère dual dont notamment les domaines de la santé, de l'aéronautique ou du spatial.

Enfin, sur le mode d'intervention, les industriels préfèrent les subventions, qui représentent une forte proportion des aides. Le SGPI nous a confirmé tendre vers un niveau de 50 % d'avances remboursables et 50 % de subventions. Cela dépend toutefois des entreprises : il est plus difficile, pour une start-up, d'envisager des avances remboursables, car l'innovation comporte des risques.

Article 49

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Médias, livre et industries culturelles » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant examiner le rapport spécial sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Je salue la présence parmi nous de Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur cette mission.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». - Je présenterai tout d'abord les crédits de la mission, soit 707,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 690,2 millions en crédits de paiement (CP), respectivement en diminution de 2,8 % et de 4,1 %.

Une grande partie de cette diminution concerne le fonds de soutien à l'expression radiophonique (Fser), qui aide 750 radios associatives non commerciales. Ce dernier bénéficiait en 2024 de 35 millions d'euros de crédits. S'il avait été initialement envisagé de ramener ce montant à 25 millions d'euros l'année dernière, sous la pression du Sénat, le Gouvernement avait finalement déposé un amendement de hausse des crédits au cours de la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Pour 2026, la baisse prévue devait être encore plus sévère, réduisant les crédits à 19,5 millions d'euros. J'appelle donc Mme la ministre à revenir en gestion sur cette diminution, par redéploiement d'autres programmes.

Au-delà des radios, la moitié des crédits de la mission est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite, cher à notre collègue Michel Laugier. Les aides à la presse diminuent de 6 % par rapport à 2025, particulièrement s'agissant de la modernisation de la presse, tandis que les aides à la distribution augmentent. Cela s'apparente malheureusement à un aimable bricolage, au regard d'une nécessaire remise à plat des aides à la presse pour faire face à la transformation du secteur.

En outre, la mission finance l'Agence France-Presse (AFP) à hauteur de 143 millions d'euros en 2025. Cette agence a connu une situation financière très difficile au cours des dernières années et demeure fragilisée. En effet, d'une part, elle doit faire face à la transformation numérique, en particulier le développement de l'intelligence artificielle. D'autre part, du fait des évolutions politiques sensibles aux États-Unis, elle a perdu plusieurs contrats de vérification des faits, ou fact checking, avec des médias ou des agences américaines, pour un montant de plusieurs millions d'euros. L'AFP a donc engagé un plan d'économies de 12 millions d'euros dès cet été. La tutelle et le Parlement devront être très vigilants sur la suite.

La mission regroupe également une partie des crédits de l'État en faveur du livre et de la lecture. J'ai eu l'occasion de revenir largement en juillet dernier sur le soutien de l'État à l'économie du livre en vous présentant mes travaux de contrôle budgétaire. Je ne parlerai donc que du soutien aux grandes bibliothèques. Ainsi, 30 millions d'euros en AE sont prévus pour les travaux du centre de stockage de la Bibliothèque nationale de France (BnF) à Amiens, qui s'étaleront jusqu'en 2029. Pour 2026, l'enveloppe consacrée à la BnF s'établit à 248,2 millions d'euros en CP. L'institution fera cependant face à de très grandes difficultés d'investissement au cours des prochaines années. Le ministère indique ainsi que le site et ses équipements ont atteint un taux de vétusté que la BnF n'est plus en mesure de maîtriser et estime que le coût global de la rénovation est compris entre 500 millions et 600 millions d'euros. Cela doit tout de même nous interroger, s'agissant d'un bâtiment qui n'a que 30 ans.

Deux autres opérateurs, enfin, sont rattachés à la mission : le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Concernant le premier, la légère baisse de sa dotation budgétaire est compensée par le dynamisme des deux taxes qui lui sont affectées. En particulier le rendement de la taxe streaming, adoptée par notre commission il y a deux ans, a dépassé le plafond prévu et devrait atteindre 20 millions d'euros.

Quant au CNC, il n'est pas financé par des crédits budgétaires, mais par des taxes affectées. Or son budget évolue de manière quasiment incontrôlée au cours des dernières années. Ainsi, en dix ans, ses recettes ont augmenté de 25 %, soit 168 millions d'euros supplémentaires. En parallèle, la dépense fiscale a augmenté sur la même période de 275 % pour le crédit d'impôt audiovisuel et de 108 % pour le crédit d'impôt cinéma. Enfin, les dépenses du fonds de soutien du CNC devraient atteindre 810,3 millions d'euros en 2026, soit 16 % de plus qu'en 2019. L'inspection générale des finances (IGF) a proposé plusieurs pistes de maîtrise des aides au cinéma. Nous aurons sans doute l'occasion d'approfondir le sujet des recettes du CNC pendant le débat sur la première partie du PLF.

Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » sans modification, le financement du CNC ne relevant pas des crédits de la mission stricto sensu.

J'en viens au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Le financement de l'audiovisuel public se caractérise par le vote d'un montant global pour l'ensemble des sociétés en première partie du PLF, puis par celui de sa répartition en seconde partie.

Dans l'urgence calendaire, nous avons finalement adopté en fin d'année dernière la loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, laquelle a modifié la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) pour permettre aux sociétés d'audiovisuel public de bénéficier de l'affectation d'un montant d'impôt d'État, pérennisant le système de l'affectation de TVA.

Considérant qu'une baisse des crédits de l'audiovisuel public était légitime afin d'assurer leur participation à l'assainissement de la situation budgétaire nationale, le Sénat a adopté l'année dernière un amendement de réduction des crédits de 80 millions d'euros. Le montant total accordé aux sociétés d'audiovisuel public en loi de finances initiale pour 2025 était donc de 3,949 milliards d'euros.

Si les montants accordés aux sociétés d'audiovisuel public avaient diminué au cours des années précédant la crise de la covid, ils ont ainsi augmenté de 169 millions d'euros entre 2019 et 2026. Le montant prévu en 2026 serait inférieur de 1,8 % au montant accordé en 2025, soit une nouvelle baisse de 70 millions d'euros.

Le ministère n'a pour l'instant communiqué que pour France Télévisions et Radio France des hypothèses d'économies chiffrées, même si un effort sur les dépenses hors personnel d'au moins 1 % à 2 % est attendu pour toutes les sociétés d'audiovisuel public à compter de 2026. Ledit effort est cependant calculé par rapport à une évolution tendancielle de leurs charges dont les sous-jacents demeurent inconnus, et non en termes de réduction immédiate des concours publics. Ce n'est pas la première fois que le sujet d'économies calculées par rapport à un tendanciel mystérieux est évoqué dans cette commission...

Vous avez sans doute entendu parler du rapport de la Cour des comptes sur France Télévisions et des constats alarmants sur la situation financière de l'entreprise. La question la plus urgente qui se pose à la tutelle est celle des capitaux propres.

Les capitaux propres de France Télévisions sont devenus inférieurs à la moitié du capital dès l'exercice 2021, seuil en dessous duquel ils sont considérés comme insuffisants. Faute d'avoir rétabli les fonds propres avant 2024, seule une réduction de capital d'ici au 31 décembre 2026 peut désormais être envisagée pour remédier à la situation, sans quoi la dissolution de la société pourrait être prononcée à la demande de tout intéressé.

France Télévisions devrait supporter 65 des 70 millions d'euros demandés en 2026. Le ministère explique que cela impliquera pour l'entreprise une réduction d'effectifs d'au moins 180 équivalents temps plein (ETP) en 2026 et en 2027, puis 315 en 2028. Les effets de la dénonciation l'été dernier de l'accord collectif de France Télévisions n'interviendront qu'à partir de 2028.

Je l'ai déjà indiqué, je suis certain que la seule piste d'économies durable est celle d'une réorganisation générale de l'audiovisuel public. Nous connaissons tous ici le parcours pour le moins sinueux de la réforme de l'audiovisuel public. Alors que nul ne sait si ce texte sera un jour adopté, je demeure persuadé qu'il s'agit d'un impératif pour permettre à l'audiovisuel public de faire face aux défis actuels. Mais à la vitesse où vont les choses, gageons que la fameuse holding aura d'ici là laissé la place à l'indispensable fusion.

Au vu du montant d'économies déjà substantiel demandé dans le projet de loi de finances et afin de ne pas préempter le débat sur le montant de TVA affectée qui aura là encore lieu en première partie, je vous propose d'adopter les crédits du compte de concours financier « Audiovisuel public » sans modification.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Presse et médias ». - Je partage les observations de Jean-Raymond Hugonet.

Hier, lors de son audition par la commission de la culture, la ministre de la culture Rachida Dati s'est engagée à rehausser les crédits du Fser de 15 millions d'euros.

La presse est un secteur très fragile. En dix ans, les journaux ont perdu 50 % de leurs revenus publicitaires. Les crédits du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) ont non seulement diminué, mais ils sont aussi gelés : c'est la double peine. Je pense qu'il s'agit d'une stratégie du Gouvernement : à la suite de la publication du rapport de Sébastien Soriano, la mutualisation est mise en avant, mais quelques éditeurs demeurent frileux.

M. Vincent Delahaye. - L'audiovisuel public est pléthorique, avec dix chaînes de télévision, dix stations de radio... Envisagera-t-on un jour de le rationaliser afin de faire des économies réelles ?

Combien ont coûté les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 à France Télévisions ?

Nous devons être vigilants sur la situation de la presse et de l'AFP, qui subissent la concurrence de plusieurs médias dont les informations ne sont pas suffisamment contrôlées. Le soutien à la presse est indispensable.

M. Pascal Savoldelli. - Je suis extrêmement préoccupé par la situation des aides à la presse. C'est du jamais vu ! Les crédits du FSDP sont divisés par deux : c'est non plus une économie, mais un choix stratégique. Je ne sais pas si l'augmentation des aides à la distribution de 4,5 millions d'euros comblera cette baisse, mais les abonnés seront soumis à une hausse de 7 à 8 % des frais postaux.

Pis : nous devrons bientôt faire face à un problème de pluralisme.

M. Vincent Éblé. - C'est déjà le cas !

M. Pascal Savoldelli. - En raison de la chute des revenus publicitaires et de la baisse des crédits de soutien, trois quotidiens me semblent incapables de mener à bien leur transition économique, numérique et écologique : La Croix, Libération et L'Humanité. Nous devons bien mesurer les conséquences des mesures que nous a présentées le rapporteur spécial ; le pluralisme est une très grande valeur républicaine.

M. Vincent Éblé. - Je rejoins Pascal Savoldelli : la presse indépendante d'opinion joue un rôle essentiel. L'intervention publique doit assurer la survie de ces segments de la presse. Il en va de même pour les dispositifs de soutien aux radios locales.

Le rapport pointe la situation financière très dégradée de France Télévisions, une belle entreprise de service public. Son rôle est central, à l'heure où nous sommes confrontés au développement d'informations non contrôlées et manipulées. Préserver une presse indépendante est de plus en plus important.

Or les crédits alloués à France Télévisions et au soutien radiophonique diminuent. Certes, Michel Laugier nous indique que la ministre s'est engagée à rehausser de 15 millions d'euros l'enveloppe du Fser, mais nous votons sur les crédits de la mission, non sur les paroles de la ministre, fussent-elles prononcées devant l'une des commissions du Sénat. Monsieur le rapporteur spécial, pourquoi ne prenez-vous pas la ministre au mot et ne déposez-vous pas un amendement visant à inscrire ces crédits ? Le projet de loi de finances ne devrait pas être adopté grâce à l'article 49.3 de la Constitution, nous dit-on. Dans ces conditions, accomplissons notre travail de parlementaires jusqu'au bout. Qu'entendez-vous faire, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Michel Canévet. - Je partage la préoccupation de Vincent Éblé sur le Fser, qui, à mes yeux, devrait être confié aux régions : l'État n'a pas vocation à intervenir pour soutenir les radios locales. En attendant cette évolution structurelle, pourquoi ne pas diminuer de 20 millions d'euros les crédits destinés à Radio France pour affecter cette somme au Fser ?

Quid de l'évolution des crédits d'impôt en faveur du cinéma ? Les recettes du CNC sont particulièrement dynamiques - elles auront augmenté de 25 % entre 2015 et 2026. Or le montant des crédits d'impôt est significatif. Pourquoi ne pas les adapter pour les rendre moins onéreux pour les finances publiques, vu le contexte budgétaire ? Sinon, ils atteindront des niveaux importants si la trajectoire actuelle se poursuit.

En 2009, un rapport de la Cour des comptes pointait les comptes imprécis, les coûts fréquemment surestimés et les rémunérations opaques en cours à France Télévisions. Un autre rapport de la Cour, publié le 23 septembre dernier, dressait le même constat, même si de réels efforts ont été accomplis. Comment le rapporteur spécial envisage-t-il l'évolution de France Télévisions ? Un effort de rationalisation est-il envisageable ?

Mme Nathalie Goulet. - Je souhaite évoquer un sujet qui m'est cher : les aides aux « navets » cinématographiques ! Je veux mentionner les conflits d'intérêts dans l'attribution des aides au cinéma, déjà soulignés l'an dernier : de grosses sommes d'argent sont toujours fléchées vers les mêmes personnes. Ce n'est absolument pas conforme à l'esprit des aides à la création. Peut-on mettre un terme à cette situation ?

M. Claude Raynal, président. - Je ne partage pas le point de vue de Michel Canévet. Certes, les recettes du CNC ont augmenté de 25 % entre 2015 et 2026, mais l'inflation s'élevait à 20 % durant cette période ; les recettes ne sont donc que légèrement supérieures à l'inflation.

Je m'interroge davantage sur les missions du CNC, même si cette question dépasse la compétence de la commission des finances. Nathalie Goulet a évoqué le financement des films de qualité douteuse. On ne s'interroge pas suffisamment sur les missions du CNC. Je pense aussi au fait de collecter des taxes qui sont ensuite récupérées par l'État : cette année, 50 millions d'euros, après 500 millions d'euros l'an dernier.

En outre, les entreprises françaises de streaming vidéo ne sont-elles pas trop taxées ? Avant de leur imposer trop de taxes, nous avons intérêt à avoir des champions français dans ce domaine pour que ceux-ci puissent se développer au niveau mondial.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Monsieur Delahaye, des efforts sont déjà demandés à l'audiovisuel public. Sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, les restrictions budgétaires successives ne permettent plus de continuer ainsi à périmètre constant. Le rapporteur général et moi-même avons reçu la présidente de France Télévisions : elle s'inquiétait déjà pour le versement des salaires au mois de mai. D'où la question pertinente de Vincent Delahaye : il faut réduire le périmètre. Radio France l'a d'ailleurs bien compris, puisque la radio Mouv' a disparu de la bande FM.

Grâce aux recettes publicitaires induites par les JOP, on estime que le chiffre d'affaires de France Télévisions a augmenté de 13 % en 2024 grâce aux jeux Olympiques. Les droits ont été amortis sur la période 2021-2024, avec un coût total de 148 millions d'euros, dont 39 millions d'euros restant à la charge de France Télévisions.

Le temps n'est plus à la croisée des chemins ou aux virages pour la presse : des réformes structurelles doivent être entreprises. La diminution des abonnements et les changements dans les usages supposent des réformes de plus grande ampleur qu'un aimable bricolage.

Pascal Savoldelli pose une question de fond sur le pluralisme ; je partage son inquiétude.

Monsieur Éblé, la situation de France Télévisions est en effet très alarmante. J'ai parlé de la question des salaires. Se pose aussi le problème de la prochaine échéance calendaire : la seule solution consistera à diminuer le capital d'ici fin 2026.

Nous avons tous été contactés par nos radios locales après l'annonce d'une baisse des crédits du Fser, surtout que nous avions déjà défendu cette ligne budgétaire lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Il n'empêche que, hier, devant la commission de la culture du Sénat, la ministre s'est engagée à soutenir le rétablissement de ces crédits. Je pourrais peut-être déposer un amendement en ce sens d'ici l'examen en séance publique. Je pense que nous pouvons faire confiance à la ministre, d'autant qu'elle avait fait preuve d'honnêteté sur ce sujet l'an dernier. Néanmoins, nous attendons son amendement.

M. Canévet a évoqué les crédits d'impôt en faveur du cinéma. En matière de dépense fiscale et du Centre national du cinéma, le rapporteur général formulera peut-être quelques propositions en ce domaine. Il faut avoir du courage car le secteur est soumis à un fort lobbying.

Mme Goulet a dénoncé les aides allouées aux prétendus « navets » artistiques. Le Sénat n'a pas à juger de la valeur des productions culturelles : il n'y a rien de plus difficile et nous aurions à coup sûr des avis divergents. Concernant le nombre d'entrées, je rappelle que certains chefs-d'oeuvre ont été découverts après la mort de leur auteur. Les conflits d'intérêts, eux, sont une autre affaire. On reproche souvent leur partialité aux jurys des commissions nationales chargées d'octroyer des aides financières aux artistes. En ce domaine, trouver une solution équilibrée qui ne susciterait aucune critique apparaît comme une gageure.

Le streaming vidéo pose de vraies difficultés. Nous devons lutter contre des multinationales aussi massives que des pachydermes. Or nous les égratignons à peine avec certaines mesures qui, pourtant, porteraient un coup fatal à certaines sociétés françaises.

S'agissant du streaming audio, nous avons assisté à de véritables psychodrames lorsqu'elle a été instaurée. Pourtant, elle ne pose depuis pas de difficulté insurmontable : elle était une nécessité absolue et force est de constater qu'elle a permis de collecter des recettes significatives.

N'allons pas croire que le CNC et le CNM sont dans le même bain : le premier jouit d'une situation confortable, tandis que le second est tout juste à flot. À partir du moment où nous avons créé le CNM, nous devons le soutenir, d'autant que l'accompagnement demandé est plutôt faible.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Enseignement scolaire » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport spécial sur la mission « Enseignement scolaire ».

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - La mission « Enseignement scolaire » représente, pour la première fois cette année, la deuxième mission du budget de l'État en autorisations d'engagement (AE), si l'on exclut la mission « Remboursements et dégrèvements ». Elle a en effet été dépassée par la mission « Défense ». Sans compter la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », elle devrait atteindre 64,5 milliards d'euros en 2026.

En incluant les crédits liés au CAS « Pensions », les crédits de la mission s'élèvent à 89,6 milliards d'euros, en hausse de 1,1 % par rapport à 2025. Cette évolution est liée, dans une large mesure, à l'augmentation des contributions au paiement de la retraite des fonctionnaires. Hors CAS « Pensions », les crédits de la mission n'ont augmenté que de 200 millions d'euros.

Toutefois, si les crédits de la mission sont relativement stables depuis 2024, ils ont augmenté de 3,15 milliards d'euros constants depuis 2019, hors contribution au CAS « Pensions ». Cette hausse s'explique essentiellement par la revalorisation nécessaire des rémunérations des personnels enseignants, particulièrement en début de carrière.

Rappelons que, avant 2017, un enseignant débutant percevait à peine 1 700 euros net. Les deux augmentations récentes du point d'indice de la fonction publique, en 2022 et en 2023 ont constitué une première avancée. Une revalorisation de la rémunération socle des enseignants a également été décidée, pour un montant de 1,3 milliard d'euros. Au total, sans ces différentes revalorisations, les dépenses de personnels auraient été moins élevées de 6,4 milliards d'euros en 2026, ce qui montre l'effort budgétaire significatif qu'a accompli l'État ces dernières années en faveur de la mission « Enseignement scolaire ».

J'en viens au point le plus saillant de ce budget, à savoir la hausse du plafond d'emplois des enseignants. En raison de la réforme de la formation initiale, les futurs enseignants seront, à partir de la session 2026, recrutés dès la fin de la licence. Ils seront rémunérés sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » lors des deux années de master, à hauteur de 1 400 euros net la première année et de 1 800 euros net la seconde année. En contrepartie, ils auront l'obligation de demeurer en poste d'enseignant pendant quatre ans, à l'issue de leur formation.

Cette réforme n'est pas sans pertinence pour tenter de remédier aux difficultés d'attractivité du métier d'enseignant. Entre 2016 et 2024, le nombre de présents au concours de professeur des écoles a diminué de 31 %, alors que le nombre de postes offerts n'a baissé que de 21 %. Le nombre d'enseignants en master d'enseignement a quant à lui baissé de 20 % entre 2020 et 2024, passant de 53 000 à 43 000.

Rémunérer les futurs enseignants encore en formation pourrait permettre de remédier partiellement aux difficultés d'attractivité du métier et de recruter des profils recherchés. Toutefois, cette réforme a un coût élevé, soit 88 millions d'euros en 2026 et 265 millions d'euros en année pleine. Par ailleurs, elle conduit à intégrer dans les effectifs du ministère de l'éducation nationale 7 938 enseignants stagiaires, qui seront donc en formation la plupart du temps et ne pourront pas avoir une affectation à l'année devant les élèves.

Parallèlement, en raison de la baisse du nombre d'élèves, 2 373 emplois d'enseignants du premier degré et 1 645 emplois d'enseignants du second degré seront supprimés, soit un total de 4 018 emplois d'enseignants en moins pour la rentrée 2026. Le ministère procédera par ailleurs au recrutement de 1 200 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires et de 200 psychologues et assistantes sociales, dans le cadre du plan Santé mentale.

Le projet de loi de finances pour 2026 ne tient compte de l'évolution démographique que très partiellement. Pourtant, d'ici à 2029, l'enseignement de premier degré perdra 455 126 élèves et l'enseignement de second degré 212 179 élèves, soit une diminution de 598°000 élèves. Depuis 2015, les effectifs totaux ont déjà diminué de 2,8 %, ce qui représente 336 000 élèves de moins. Aujourd'hui, on compte 621 000 élèves de moins dans l'enseignement de premier degré. Quant à l'enseignement de second degré, il a d'abord connu une hausse, mais les effectifs ont fini par légèrement diminuer depuis 2024.

Les effectifs d'enseignants sont restés relativement stables, conduisant d'ailleurs à une amélioration du nombre d'élèves par classe dans l'enseignement de premier degré. On est ainsi passé de 24 à 21,3 élèves par classe. Toutefois, la France demeure l'un des mauvais élèves de l'OCDE en ce domaine.

Vu les contraintes qui pèsent sur les finances publiques et les besoins d'investissement dans le ministère de l'éducation nationale, il serait regrettable de ne pas profiter de la baisse du nombre d'élèves pour dégager des marges de manoeuvre budgétaires.

Entre 2025 et 2026, la baisse anticipée du nombre d'élèves s'élève à 1 %. Une baisse similaire des effectifs d'enseignants aurait conduit à supprimer 9 415 équivalents temps plein (ETP) à la rentrée 2026, soit une diminution deux fois plus importante que celle qui est proposée dans le présent projet de loi de finances. De plus, malgré les ambitions initiales du budget présenté par Michel Barnier, aucune suppression d'emplois d'enseignants n'a eu lieu l'an dernier. Pourtant, si l'on avait strictement suivi l'évolution démographique, 17 474 ETP auraient pu être supprimés entre 2024 et 2026.

C'est pourquoi je vous propose d'être plus en adéquation avec la démographie scolaire, en supprimant non pas 4 018 emplois d'enseignants, mais 8 018, soit 4 000 ETP de plus. Je précise que cette réduction de 0,9 % du nombre d'enseignants est déjà compensée par l'embauche de 8 000 enseignants stagiaires prévue dans le texte. Cela reviendrait à répercuter seulement la moitié de la baisse démographique des élèves sur les effectifs d'enseignants.

Il ne serait pas souhaitable pour les territoires de supprimer mécaniquement tous les emplois d'enseignants sur le fondement de l'évolution démographique : il faut absolument préserver les écoles rurales, afin d'éviter la désertification préoccupante de certains pans de notre territoire.

Supprimer davantage d'emplois enseignants permettra d'assurer l'équilibre des comptes publics et de dégager des marges budgétaires nécessaires au ministère, notamment pour revaloriser le traitement des enseignants en milieu de carrière. Ne serait-il pas réaliste d'avoir un peu moins d'enseignants, quitte à mieux les rémunérer ?

La rémunération des personnels enseignants est un sujet incontournable pour l'éducation nationale. Aussi, les problèmes d'attractivité du métier d'enseignant ne pourraient être résolus par la seule réforme de la formation initiale. L'un des sujets majeurs demeure la rémunération des enseignants en milieu de carrière. Un enseignant français disposant de quinze ans d'ancienneté gagne en moyenne 10 000 dollars de moins par an, en parité de pouvoir d'achat, qu'un enseignant d'un autre pays européen. Seuls les enseignants italiens ou polonais sont moins bien placés. Au bout de dix ans, un professeur des écoles gagne seulement 11,6 % de plus qu'au début de sa carrière.

C'est pourquoi je vous propose un amendement visant à répercuter sur les crédits de la mission seulement la moitié de la baisse de 4 000 emplois d'enseignants. On diminuerait ainsi les crédits de 75 millions d'euros, ce qui représente le coût moyen de 2 000 enseignants sur une année pleine. Le restant de l'économie doit permettre au ministère de reconstituer des marges de manoeuvre pour opérer une revalorisation salariale.

Parlons maintenant de l'école inclusive. Les crédits consacrés à cette politique s'élèveront en 2026 à 4,7 milliards d'euros, soit une hausse de plus d'un quart par rapport à 2022. Le nombre d'élèves scolarisés en situation de handicap n'a cessé de croître depuis 2005. Avec une hausse de 266 000 élèves en dix ans, on compte désormais plus de 500 000 élèves en situation de handicap. En réponse à cette évolution, le nombre de recrutements d'AESH a été multiplié par plus de deux depuis 2017. Aujourd'hui, ces accompagnants représentent le deuxième métier de l'éducation nationale.

S'il est tout à fait honorable et justifié de proposer une solution à des enfants qui, auparavant, n'étaient simplement pas pris en charge par le service public, la soutenabilité budgétaire actuelle du système pose question. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont en effet chargées d'émettre les notifications donnant droit à l'accompagnement d'un AESH. Toutefois, elles ne relèvent pas de l'éducation nationale, ce qui entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur insoutenable à terme.

D'autres solutions peuvent parfois être trouvées. C'est justement l'objectif des pôles d'appui à la scolarité (PAS), dont 500 nouvelles unités ont été déployées à la rentrée 2025. Il s'agit d'une initiative prometteuse, si l'on regarde les quatre premiers départements qui ont mis en place ce système. Toutefois, cela ne saurait suffire à résoudre les difficultés budgétaires et pédagogiques liées au fonctionnement de l'école inclusive.

Enfin, je note que, dans la maquette budgétaire pour 2026, le montant des crédits consacrés à la formation dans l'ensemble des programmes de la mission s'est enfin rapproché du niveau de consommation véritable. Je salue ce progrès, que mon prédécesseur, Gérard Longuet, le rapporteur général et moi-même avions réclamé à de multiples reprises.

Toutefois, les prévisions de dépenses de la mission demeurent insincères : l'action n° 06 « Enseignement post-baccalauréat en lycée », du programme 141, a été sous-consommée de plus de 1 milliard d'euros en 2024. Les crédits ont manifestement été utilisés dans le cadre d'une autre action. Je vous propose donc d'adopter un amendement visant à assurer la sincérité de ces crédits : il est urgent d'agir en ce sens.

Enfin, je veux évoquer les dépenses de trois opérateurs de l'État : l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep), le Centre national d'enseignement à distance (Cned) et le réseau Canopé. L'Onisep, dont l'objectif est de fournir des données centralisées relatives à l'orientation, semble redondant avec les régions, à qui la compétence d'information sur l'orientation a été transférée depuis 2018. Le montant de sa subvention, qui s'élève à près de 20 millions d'euros, en hausse de 17 % par rapport à 2025, me paraît donc exagéré.

Le réseau Canopé, quant à lui, assure la formation continue des enseignants. Son rôle est difficile à distinguer de celui des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et des écoles académiques de la formation continue (EAFC). Ainsi, le montant de sa subvention, soit 82,2 millions d'euros, interroge également.

Enfin, le Cned disposera d'une trésorerie de plus de 50 millions d'euros d'ici à la fin de l'année, représentant presque deux fois sa subvention pour charges de service public (SCSP). Une reprise de trésorerie me semble justifiée.

Compte tenu de ces remarques, je vous soumettrai trois amendements visant à réduire les dépenses de ces opérateurs. Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous réserve de l'adoption de mes amendements.

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Enseignement technique agricole ». - Je vous remercie de m'avoir invité à dire quelques mots de l'enseignement agricole. Celui-ci est en passe de gagner son pari, la barre symbolique des 200 000 élèves et étudiants ayant été dépassée pour la première fois depuis dix ans, alors même que le nombre d'élèves baisse dans tous les autres domaines. Si cette dynamique se maintient, les cibles fixées en juin dernier par la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture semblent atteignables. Au sein des territoires ruraux, les effectifs sont également en hausse dans les filières de service à la personne et d'animation, qui sont formés par ce secteur.

Les indicateurs d'insertion professionnelle à court terme et la réussite aux examens scolaires sont au vert. J'appelle toutefois votre attention sur la spécificité du programme 143, dont 95 % des dépenses sont contraintes. L'année dernière, la diminution des crédits de 18 millions d'euros votée au cours de la navette a été très difficilement absorbable, si bien que des investissements essentiels ont dû être reportés. Le coup de rabot de 45 postes a lui aussi posé problème.

Pour conclure, notez que le pacte enseignant a été fortement utilisé à des fins de revalorisation et de prise en charge de certaines spécificités de l'enseignement agricole, ce qui a permis de susciter l'intérêt de la jeunesse pour cette filière. La commission de la culture n'a pas encore examiné les crédits de la mission et n'a donc pas encore rendu son avis. En attendant, je vous appelle à faire preuve de vigilance dans les choix que vous opérerez, compte tenu des efforts qui ont été demandés l'année dernière.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Le rapporteur spécial propose un suivi des crédits de trois opérateurs de l'État qui interviennent en matière d'éducation, afin d'assurer la bonne tenue des comptes. L'an dernier, nous nous étions efforcés de rationaliser et d'objectiver les choses, face à l'affaiblissement progressif du nombre d'élèves scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires. Nous avons le devoir collectif d'assurer une harmonisation entre plusieurs éléments : les effectifs dans les classes, la réussite des élèves - on doit maintenir leur niveau d'apprentissage et de connaissances -, l'aménagement du territoire et la place de l'école dans les territoires.

L'éducation nationale s'occupe de la gestion des effectifs uniquement sur la moitié du temps de présence de l'enfant dans l'enceinte scolaire. Le ministère de l'intérieur et les collectivités s'occupent de l'autre moitié du temps. Ce sont aussi eux qui participent à l'aménagement, à la transformation et à la construction de nouvelles écoles. Le temps périscolaire et la cantine, entre autres, relèvent des dotations de l'État, des collectivités et de la caisse d'allocations familiales (CAF).

Par ailleurs, nous devrions nous pencher sur la question du temps de transport des enfants. Dans mon département, certains enfants de maternelle ont, au total, plus de deux heures de transport dans la journée, à la fois le matin et l'après-midi. De plus, très peu de transports scolaires sont assurés pendant la pause méridienne. En tout état de cause, le ramassage scolaire ne fonctionne pas bien.

Permettez-moi de vous alerter sur l'abaissement du niveau de recrutement des enseignants : désormais, on exige un diplôme de licence, contre un niveau bac +5 auparavant. La réorganisation engagée face à la perte d'attractivité du métier ne doit pas se faire au détriment du niveau de formation.

Une première revalorisation des rémunérations avait été annoncée par le gouvernement d'Édouard Philippe, en 2019. Or, cela fait six ans que les enseignants en milieu de carrière sont laissés de côté. Ces derniers expriment donc une forme de lassitude, leur rôle n'étant pas reconnu à sa juste valeur, malgré les années passées à servir l'éducation nationale. Concernant cette question financière, il convient de bien articuler le rôle des collectivités, de l'État et des CAF, tout en veillant à préserver la juste place des territoires.

Je terminerai par un clin d'oeil en forme de provocation. En 2019, nous nous étions rendus en Autriche dans le cadre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales. À cette occasion, nous avions constaté que les classes étaient maintenues même lorsqu'il n'y avait qu'un seul élève. Je pense que ce n'est pas une bonne solution.

L'enseignement est un sujet majeur, car il concerne le début de la vie. Si nous voulons donner les meilleures chances possibles à tous les enfants, nous devons rester objectifs dans la définition du parcours de réussite que nous leur offrons.

Mme Christine Lavarde. - Je suis étonnée de la durée d'engagement minimum des enseignants qui vont être recrutés, à savoir quatre ans. Les enseignants qui ont réussi le concours de l'École normale supérieure (ENS) ont une obligation de service de dix ans, alors que leur rémunération n'est pas beaucoup plus importante, tandis que ceux qui sont issus de l'École nationale des travaux publics de l'État (ETPE) sont tenus à un engagement de huit ans.

Ne risque-t-on pas d'investir à fonds perdu en fixant une durée d'engagement aussi courte ?

M. Marc Laménie. - La baisse démographique a des conséquences sur l'ensemble du patrimoine des bâtiments scolaires. Depuis les lois de décentralisation de 1983, les écoles relèvent du bloc communal, les collèges des conseils départementaux et les lycées des régions. Les chefs d'établissement sont soumis à l'autorité de l'État, c'est-à-dire le rectorat et l'inspection de l'académie, et l'ensemble des personnels de service est soumis aux exécutifs locaux, départementaux et régionaux.

Ces lois de décentralisation sont-elles encore bien adaptées ? Certes, les dotations d'équipement financent la réalisation de travaux, mais les conseils départementaux se plaignent de ne pas avoir de crédits.

Par ailleurs, que pensez-vous de l'état de la santé mentale en milieu scolaire ? Il y a de moins en moins d'infirmières et d'assistantes sociales au sein des établissements, ce qui rend souvent plus difficile la détection des violences intrafamiliales, entre autres sujets de société. Quid de la sécurisation des établissements scolaires ? Malheureusement, un certain nombre de drames se sont produits au cours des dernières années. Quel impact la prise en charge de cette question a-t-elle sur le budget ?

Mme Ghislaine Senée. - Concernant l'obtention des acquis fondamentaux par les élèves, la France est en queue de peloton. C'est un sujet pourtant central pour l'école rurale. J'entends l'argument de la baisse démographique, mais nous devons aussi tenir compte du fait que bon nombre de classes se retrouvent sans enseignants.

La surcharge des classes pose également problème et rend le métier d'enseignant parfois très difficile. Je suis très sceptique vis-à-vis d'une gestion purement comptable de la carte scolaire. On déplore souvent un manque de dialogue avec l'éducation nationale sur ce sujet. Il me semble que nous gagnerions à considérer la baisse du nombre d'élèves comme une bouffée d'air.

Le rapporteur spécial propose de supprimer 4 000 postes d'enseignants supplémentaires. Ce chiffre a-t-il été établi par hasard ou a-t-on tenu compte des difficultés rencontrées par les territoires ?

M. Grégory Blanc. - Depuis 1995, le ministère de l'éducation nationale est celui à qui on a demandé le plus d'efforts budgétaires, devant le ministère de la défense. Ainsi, rapportés à l'inflation, ses crédits ont accusé une baisse de 1 point de PIB. On peut toujours regretter un manque d'efficience, mais, dans ce cas-là, le Gouvernement doit engager des réformes ad hoc.

Je m'étonne qu'on propose d'accroître le sous-investissement dans l'école. Je m'oppose également à une minoration de la subvention pour charges de service public octroyée à l'Onisep. On reproche à ce dernier d'être redondant avec les régions, mais la région Pays de la Loire n'exerce pas sa compétence. Si nous réduisons les crédits de l'Onisep, comment allons-nous assurer l'orientation des élèves et vérifier que les services publics, dans chaque territoire, sont adaptés à leurs besoins ?

Du reste, je déplore la baisse de crédits de plusieurs dispositifs de la politique de la ville, tels que les dispositifs Vacances apprenantes et École ouverte, qui sont financés par le ministère de l'éducation nationale. En outre, le programme 230 « Vie de l'élève » voit lui aussi son enveloppe diminuer.

M. Christian Bilhac. - L'école primaire est essentielle, car c'est là que tout se joue. Je suis toujours stupéfait d'entendre certains enseignants, qui adorent pourtant leurs élèves, dire d'un enfant de 7 ou 8 ans qu'il est « fichu ». Comment construire quelque chose de solide sans fondation ? En milieu rural, nous devons maintenir l'école à tout prix, ce dans tous les territoires.

Par ailleurs, nous pourrions réfléchir à orienter vers l'enseignement certains professionnels de l'enfance, notamment les éducateurs et les animateurs, qui font preuve de véritable pédagogie et ne seraient pas effrayés à l'idée de se retrouver devant une classe turbulente. Il faudrait toutefois veiller à ce qu'ils aient bien le niveau requis avant de leur proposer une passerelle.

Combien d'enseignants enseignent réellement, monsieur le rapporteur spécial ? Trop nombreux sont les directeurs d'école primaire qui, dans les académies ou les rectorats, passent leur journée à remplir des paperasses ou à produire des graphiques, des enquêtes et des rapports totalement inutiles. Je regrette que beaucoup d'enseignants soient détachés de l'enseignement pour accomplir des tâches purement administratives au sein d'un nombre infini d'établissements : Haut Conseil de l'éducation (HCE), Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), France Éducation International, Centre national de l'enseignement à distance, Cité des sciences et de l'industrie, Office national d'information sur les enseignements et les professions, réseau Canopé, Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (Clemi), Union des groupements d'achats publics (Ugap), Institut français de l'éducation (IFE), etc.

M. Bruno Belin. - Je ne comprends pas votre amendement tendant à supprimer des postes supplémentaires, monsieur le rapporteur spécial. Pour avoir participé à plusieurs conseils départementaux de l'éducation nationale (CDEN), je sais que l'affectation des postes d'enseignants n'est jamais différenciée. Les recteurs disposent d'un volume de postes qui est établi par la loi de finances, et c'est ensuite le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) qui, à l'échelle du département, les distribue sans traitement différencié. Ainsi, la répartition des postes est très disparate entre des territoires ruraux à l'habitat dispersé et une grande ville-préfecture de 150 000 habitants.

Quelques mots du ramassage scolaire. Je l'ai déjà dit aux autorités académiques de mon département, lorsqu'elles ont présenté leur projet de fermeture de classes, je ne supporte pas que des enfants passent trois heures par jour dans un bus, matin et soir. C'est une injustice que l'on ne peut défendre, ou alors nous ne sommes pas dignes de représenter cette République qui a voulu l'école pour tous. J'ai bien conscience de la baisse de la démographie, personne ne va la nier. Mais comment, dans ce cadre, traiter les enfants des territoires ruraux ?

La région Nouvelle-Aquitaine a réduit le nombre de points de ramassage scolaire dans les villages et les lieux-dits. Les enfants, qui n'ont parfois que trois ans, sont ainsi obligés de se rendre, à sept heures du matin, à un point de ramassage commun au chef-lieu de leur commune. Cela me peine et je ne peux défendre, ici, une mesure qui ne correspond pas à mes convictions.

M. Stéphane Sautarel. - L'évolution de la démographie affecte toutes nos politiques publiques et mériterait d'être prise en compte de façon plus large, y compris hors du milieu scolaire. L'écart entre la baisse démographique à l'échelle nationale et la situation que nous visons dans les territoires ruraux n'est pas acceptable. L'année 2025 a été celle du grand mensonge de l'éducation nationale. Aucun poste n'a été supprimé à l'échelon national. Pourtant, on en a fermé un certain nombre dans tous les territoires ruraux. En outre, on a supprimé des postes d'enseignants pour créer des postes de conseillers pédagogiques ou d'inspecteurs.

Je voterai vos amendements, monsieur le rapporteur spécial, mais je vous demande d'interpeller le ministre de l'éducation nationale afin qu'il nous donne des réponses claires sur la carte scolaire, qui constitue aujourd'hui un déni de démocratie. Contrairement à ce que m'avait indiqué le Gouvernement dans l'hémicycle, le préfet de département n'a aucun pouvoir dérogatoire sur la carte scolaire. Bref, l'administration est devenue un canard sans tête.

Cette année, lors de la rentrée, tous les parlementaires de mon département ont écrit au recteur au sujet de la carte scolaire. Or celui-ci n'a pas daigné nous répondre. Nous n'avons pas davantage de réponse du Dasen !

Je souhaiterais que le ministre respecte le plan France ruralités et le moratoire de trois ans pour engager le dialogue sur une révision de la carte scolaire. Il convient aussi de supprimer les postes d'enseignants qui ne travaillent pas devant les élèves.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je me joins, bien évidemment, au cri du coeur de Bruno Belin. L'an dernier, dans mon département, certains postes qui devaient être supprimés ne l'ont finalement pas été. En revanche, des postes, y compris de remplaçants, ont été créés pour alléger les classes dans certains secteurs denses.

L'an dernier, le Gouvernement avait déjà préparé une potion au goût amer, mais la vôtre, monsieur le rapporteur spécial, est carrément un poison déguisé en remède ! Nous sommes évidemment sensibles à la question de la rémunération des enseignants en milieu de carrière, mais nous ne pouvons pas y répondre en supprimant des postes. Cela va à l'encontre des objectifs de notre pays en matière d'éducation, à savoir l'amélioration du niveau des élèves.

Je rappelle que nous décrochons dans le classement du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) et que nous sommes en dessous de la moyenne de l'OCDE en mathématiques. Par ailleurs, le taux d'encadrement est très inférieur à la moyenne des autres pays, malgré une certaine amélioration. La France investit 11 % de moins que les autres pays de l'OCDE dans l'enseignement de premier degré. Il s'agit pourtant d'un échelon essentiel pour ancrer les apprentissages et assurer la réussite des élèves.

La réduction des effectifs d'enseignants serait une mauvaise nouvelle à la fois pour les professeurs et pour les élèves. D'après une étude de l'Institut des politiques publiques (IPP), le maintien des effectifs d'enseignants permettrait de réduire la taille des classes, avec des bénéfices supérieurs aux coûts. Concrètement, chaque euro économisé sur le budget de l'éducation nationale se traduirait par une perte économique neuf fois supérieure.

Restons raisonnables, chers collègues, et ayons conscience des conséquences qu'ont les suppressions de postes dans les territoires ruraux.

M. Vincent Delahaye. - Notre collègue Grégory Blanc prétend que l'éducation nationale est le ministère qui a accompli le plus d'efforts budgétaires ces dernières années, devant la défense. J'aimerais bien connaître la liste de ces efforts et le détail de ce calcul, qui me semble complètement faux.

M. Grégory Blanc. - Ce sont les chiffres de la Cour des comptes !

M. Vincent Delahaye. - Si le budget de l'éducation est si important, c'est parce qu'il est gonflé par le CAS « Pensions », d'un montant de 25 milliards d'euros, qui cache une partie du déficit des retraites en France. On confond donc les dépenses de retraite avec les dépenses d'éducation.

J'entends la critique concernant la gestion comptable des effectifs et du budget. Cela fait des années qu'on réduit les effectifs alors qu'on augmente le nombre de postes. Ainsi, la proposition du rapporteur de supprimer des postes d'enseignants, pour mieux les rémunérer, me semble raisonnable, d'autant qu'elle tient compte des spécificités de l'école en zone rurale.

Christian Bilhac a dressé une liste non exhaustive de tous les organismes de l'éducation. L'éducation nationale compte près 800 000 enseignants, alors qu'elle rémunère au total 1,2 million de personnes. Ainsi, il y a au moins 300 000 agents qui ne travaillent pas devant les élèves. Je pense qu'il y a beaucoup d'efforts à faire sur ce sujet. Du reste, j'aimerais savoir combien coûtent chaque année les personnes qui travaillent à la modification des programmes.

M. Michel Canévet. - Les crédits alloués à l'enseignement privé baissent de 0,5 %, alors que les crédits de l'enseignement public augmentent de 1,6 %. En Bretagne, par exemple, l'enseignement privé ne perd pas plus d'élèves que l'enseignement public. Ainsi, comment expliquer cette différence de traitement budgétaire ? Connaît-on exactement le nombre d'élèves scolarisés dans chacun des deux réseaux d'enseignement ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Je remercie le rapporteur pour avis d'être venu nous parler de l'enseignement agricole. Comme l'enseignement professionnel, il connaît aujourd'hui un regain d'attractivité, nous devons donc le soutenir.

Le rapporteur général a évoqué plusieurs sujets, notamment le temps de transport de l'enfant et le maillage scolaire en territoire rural ; j'y reviendrai plus tard lorsque je répondrai aux interpellations de nos collègues Bruno Belin et Stéphane Sautarel.

Mme Lavarde a posé la question de la durée d'engagement des nouveaux enseignants. La première année, ils sont considérés comme des élèves fonctionnaires et perçoivent une rémunération de 1 400 euros net par mois. Ce n'est que la deuxième année qu'ils sont considérés comme des enseignants stagiaires ; ils gagnent alors 1 800 euros net mensuels. Il est vrai que l'immense majorité des enseignants, notamment ceux qui sortent de l'ENS, sont tenus à un engagement décennal. L'engagement quadriennal résulte d'une décision du ministère, après négociation avec les syndicats. Je ne sais pas s'il s'agit de la meilleure solution. Pour ma part, je suis plutôt favorable à l'engagement décennal.

Il faut laisser sa chance à la réforme de la formation initiale qui, grâce à la rémunération de première année, vise à faire revenir vers l'enseignement les étudiants des classes moyennes ou modestes.

Marc Laménie a raison, l'entretien des bâtiments scolaires coûte cher. Il relève de la compétence presque exclusive des communes, qui sont toutefois aidées par l'État via la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Le parc des écoles n'est pas en aussi mauvais état que cela, mais on observe de grandes disparités selon les territoires.

Par ailleurs, l'État fait des efforts dans le domaine de la santé mentale en milieu scolaire avec le recrutement de 200 psychologues et assistantes sociales supplémentaires. Reste que ces personnels sont en nombre insuffisant et touchent une moindre rémunération par rapport à d'autres secteurs.

L'acquisition des fondamentaux, évoquée par Mme Senée, est un défi de l'école rurale : la République doit évidemment assurer l'égalité des chances partout et pour tous. Toutes les études démontrent que les résultats dans les écoles rurales sont en réalité meilleurs qu'en zone urbaine ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), car il y a souvent moins d'élèves.

Les classes surchargées constituent un vrai problème. Mon territoire compte à la fois des classes à triple niveau de 30 élèves en zone rurale, tandis que les classes de CP en zone prioritaire n'ont que 12 élèves. Cette disparité est totalement scandaleuse et inacceptable pour les parents : alors qu'ils sont contribuables, ils ne comprennent pas pourquoi leur enfant est moins bien traité.

M. Sautarel déplore le manque de dialogue avec les Dasen, mais les meilleurs d'entre eux ont le souci de bien répartir les effectifs dans les territoires.

Madame Senée, je ne propose pas de supprimer 4 000 postes supplémentaires au hasard ! Si nous tenions réellement compte de la baisse démographique, il faudrait supprimer presque 18 000 postes sur la période 2025-2026. Or je rappelle que le PLF pour 2025 n'a finalement engagé aucune suppression de poste à l'échelon national. Encore une fois, la suppression de 4 000 postes supplémentaires serait compensée par l'embauche de 8 000 enseignants stagiaires. Au total, si ma proposition est entérinée, nous aurons un solde positif de 1 200 postes.

Madame Blatrix Contat, je n'ai donc pas l'intention d'empoisonner nos territoires, bien au contraire.

Comme Vincent Delahaye, je suis très surpris par les chiffres qu'a présentés M. Blanc. Voici les données de la commission des finances du Sénat : en 1991, le budget de l'éducation nationale représentait l'équivalent de 33 milliards d'euros, en euros constants ; en 2002, il s'élevait à 52 milliards d'euros et il atteint aujourd'hui 64,5 milliards d'euros. À la vue de cette évolution, on ne peut pas dire que l'éducation nationale a été maltraitée.

Concernant l'Onisep, je suis étonné que les Pays de la Loire refusent d'assumer la compétence instaurée par la loi du 5 septembre 2018. Nous sommes tous favorables à la décentralisation, mais il faut aller jusqu'au bout lorsque les moyens financiers sont octroyés. Il faut cependant éviter les doublons. C'est pourquoi la Cour des comptes, dans un rapport publié en 2024, appelait à optimiser le travail de l'Onisep.

Les dispositifs de la politique de la ville, tels que Vacances apprenantes, sont des opérations spéciales fléchées via le pacte enseignant. Celui-ci verra ses crédits passer de 780 millions à 480 millions d'euros en 2026 - je m'en félicite, car l'enveloppe était sous-consommée -, ce qui n'empêchera pas de répondre à toutes les demandes des enseignants des zones rurales et urbaines.

Je suis d'accord avec Christian Bilhac : l'école primaire est essentielle. Nous pourrions en effet encourager les éducateurs à devenir enseignants contractuels dans un premier temps, puis à passer le concours.

Aujourd'hui, il y a 840 000 enseignants qui enseignent : 710 000 dans le secteur public et 135 000 dans le secteur privé. Certes, l'éducation nationale salarie 1,2 million de personnes, mais je vous renvoie au détail des postes que j'avais présenté dans mon rapport de 2024 intitulé Les personnels administratifs : rouages essentiels mais méconnus de l'éducation nationale.

Je le redis : seuls 56 000 agents ne travaillent pas devant les élèves. On compte également 140 000 AESH, 60 000 assistants d'éducation (AED) et 20 000 conseillers principaux d'éducation (CPE). Or ces personnels, même s'ils n'enseignent pas, sont bel et bien au contact des élèves, au sein des établissements. Du reste, 11 000 enseignants ne sont pas devant les élèves seulement parce qu'ils sont en congé de longue durée ou en congé de formation professionnelle.

M. Belin a tout à fait raison de dénoncer les inégalités en matière de ramassage scolaire, mais celui-ci n'est pas du ressort de l'éducation nationale.

M. Bruno Belin. - Mais elle est responsable des fermetures de classe !

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - On peut mettre en place des regroupements pédagogiques concentrés, mais cette solution a un certain coût. Ces regroupements conduisent certes à fermer une école dans un village, mais celle-ci peut être transformée en crèche ou en centre périscolaire, dopant ainsi l'attractivité du territoire. Une chose est sûre, nous devons faire évoluer le maillage scolaire en zone rurale, afin de réduire le temps de transport, quand cela est possible, et améliorer l'offre éducative envers la petite enfance, notamment avec des crèches ou des microcrèches.

L'évolution des postes l'an dernier a été mal comprise. Officiellement, François Bayrou avait annoncé zéro suppression de postes. On a finalement supprimé des postes dans certains territoires, tandis qu'on en a ouvert dans d'autres, ce qui a créé un équilibre global. Dans les zones urbaines, je pense en particulier à l'académie de Créteil et de Versailles, le nombre d'ouvertures de postes a été important. Dans l'Oise, on a supprimé 60 postes, pour finalement en ouvrir 40, parfois en zone rurale, en fonction de la démographie. Sur cette question, les Dasen ne manquent pas de sens pratique : si la baisse démographique est forte, ils ferment des postes.

On ne peut pas constamment maintenir, comme en Autriche, une classe ou une école avec un seul élève. Les effectifs trop petits ne sont d'ailleurs pas une bonne chose sur le plan pédagogique.

Concernant le CAS « Pensions », Vincent Delahaye a malheureusement raison. On voit bien l'hypocrisie du système : 64,5 milliards d'euros sont consacrés à l'enseignement, mais 25 milliards sont destinés à abonder la caisse de retraites des enseignants. Sur la hausse du budget de l'éducation en 2026, soit 1,1 milliard d'euros, 835 millions d'euros seront affectés au CAS « Pensions ». Un tel système n'est plus convenable.

Quant à la modification des programmes, elle ne coûte rien. En effet, les membres de l'éducation nationale qui siègent au Conseil supérieur des programmes (CSP) ne sont pas rémunérés.

Enfin, pour répondre à Michel Canévet, les effectifs des élèves sont stables dans l'enseignement privé. Aujourd'hui, on compte un peu plus de 2 millions d'élèves scolarisés dans le secteur privé et environ 10 millions dans le secteur public.

Article 49

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement n° 1 vise à renforcer la sincérité de la maquette budgétaire de la mission « Enseignement scolaire ».

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement n° 2 vise à réduire très légèrement le nombre d'enseignants, en raison de la forte baisse du nombre d'élèves.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement n° 3 tend à réduire le montant de la subvention allouée au réseau Canopé de 20 millions d'euros.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement n° 4 concerne le Cned : il a seulement pour objet d'opérer une reprise de trésorerie de 15 millions d'euros.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement n° 5 doit nous permettre de réaliser une économie de 5 millions d'euros sur le budget de l'Onisep.

L'amendement n° 5 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous terminons par l'examen du rapport de M. Sautarel sur la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, présentée par Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis des articles délégués au fond à la commission des lois.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Cette proposition de loi s'inscrit dans le sillage de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, qui a montré l'ampleur des enjeux de la lutte contre le blanchiment et la criminalité organisée. Elle entend ainsi renforcer notre arsenal législatif sur un certain nombre de thématiques : la lutte contre les entreprises éphémères, le renforcement des prérogatives des greffiers des tribunaux de commerce, ou encore l'obligation de déclaration des comptes bancaires à l'étranger pour les sociétés commerciales.

Dans sa version initiale, la proposition de loi comprend neuf articles. Quatre d'entre eux - les articles 2, 3, 8 et 9 - ont été délégués à la commission des lois. Ce texte s'ajoute à la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui commence à produire ses effets, ainsi qu'à la proposition de loi relative à la fraude bancaire et au projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Cette accumulation conduit chaque texte à ne traiter qu'une partie du problème, créant parfois des redondances.

L'article 1er vise un double objectif : d'une part, il prévoit d'inscrire dans la loi un certain nombre de critères de définition d'une entreprise éphémère ; d'autre part, il impose aux professions soumises à la réglementation pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) - notamment aux greffiers des tribunaux de commerce -l'obligation d'effectuer auprès de Tracfin un signalement, si des éléments laissent présumer l'existence d'une telle société.

Il ressort de nos auditions que les services de lutte contre le blanchiment sont très réticents face à l'inscription dans la loi d'une définition des entreprises éphémères. En effet, il existe déjà un guide relatif à ces sociétés qui est partagé entre les services d'enquête et diffusé largement par la Mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf) ; en outre, il est actualisé à mesure que les pratiques évoluent.

Par conséquent, l'article 1er se révélerait contre-productif, en permettant à la fois aux entreprises fraudeuses de mieux échapper aux radars des services de contrôle et en ralentissant la capacité d'adaptation de ces derniers aux évolutions des pratiques criminelles. Par ailleurs, l'obligation de déclaration de soupçon à Tracfin des professions soumises à la réglementation LCB-FT est d'ores et déjà satisfaite par le droit existant.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose, avec l'amendement COM-8, de supprimer l'article 1er.

La commission d'enquête sur la délinquance financière a montré que, en l'état actuel du droit, les sociétés commerciales ne sont nullement obligées de déclarer à l'administration fiscale les références des comptes ouverts, détenus ou clos à l'étranger. Pourtant, cette obligation incombe aux personnes physiques, aux associations et aux sociétés non commerciales domiciliées ou établies en France. Dans ce contexte, l'article 4 supprime cette exception et étend l'obligation déclarative aux sociétés commerciales. En outre, il inscrit dans la loi la transmission par l'administration fiscale des déclarations de soupçon à Tracfin.

L'obligation de déclaration des comptes à l'étranger détenus par les sociétés commerciales impliquerait un bouleversement important pour les entreprises et exigerait de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qu'elle adapte son organisation pour stocker, gérer et exploiter ces nouvelles données. En conséquence, je propose, au travers de l'amendement COM-9, de décaler d'un an la mise en oeuvre du dispositif et de supprimer l'obligation pour l'administration de saisir Tracfin de déclarations de soupçon, déjà satisfaite par l'article L. 561-15 du code monétaire et financier.

En outre, une expertise plus poussée sur les conséquences de l'article 4 en matière économique et d'attractivité doit être effectuée. D'ici à l'examen du texte en séance publique, les retours de la part des administrations et des organisations professionnelles permettront d'éclairer l'incidence d'une telle mesure sur l'activité des entreprises en France. Nous devrons sans doute adapter le texte en séance.

L'article 5, quant à lui, tend à définir la notion de compte rebond comme un compte de transit rapide du produit de la fraude permettant d'en dissimuler l'origine ou les bénéficiaires. Il vise en outre à imposer aux organismes financiers de nouvelles obligations en cas de détection ou de suspicion de détection d'un compte utilisé comme compte rebond. Il est ainsi proposé que ces organismes soient tenus de mettre en oeuvre des mesures de vigilance renforcées lorsqu'ils identifient un risque en la matière, au moment de l'entrée en relation, et lorsqu'un compte rebond est détecté au cours de la relation d'affaires.

Ce dispositif présente plusieurs difficultés. D'abord, il est en partie satisfait, car le droit en vigueur contraint déjà les organismes financiers à mettre en oeuvre des mesures de vigilance renforcées et à adresser une déclaration de soupçon à Tracfin dans un certain nombre de situations, notamment en cas de soupçon d'utilisation d'un compte comme compte rebond.

Ensuite, les acteurs de la lutte contre le blanchiment jugent inopportun de fixer dans la loi une pratique en constante évolution, au risque de voir les fraudeurs s'adapter pour contourner le cadre légal.

Enfin, il est difficile d'identifier un risque d'utilisation d'un compte comme compte rebond dès l'entrée en relation d'affaires. Il serait alors plus judicieux de refuser l'ouverture du compte.

Comme l'automatisation et la sous-traitance induisent une aggravation du risque d'utilisation de comptes rebonds, je vous propose d'adopter l'amendement COM-10, qui vise à remédier à ces vulnérabilités. Nous imposerions ainsi aux organismes financiers permettant à leurs clients de procéder à des opérations par le biais d'interfaces automatisées de déterminer les opérations qui, en raison de leur nature ou de leur montant, ne peuvent être exécutées sans avoir été préalablement examinées par un agent humain. En outre, nous procéderions à la coordination du dispositif en l'étendant à Wallis et Futuna.

Les services du ministère de l'économie et des finances se sont montrés sceptiques quant à la mise en oeuvre de cette disposition, qui va à rebours de l'évolution technologique du secteur bancaire. Nous devrons donc poursuivre, d'ici à l'examen du texte en séance, un échange constructif pour améliorer l'amendement précité.

L'article 6 crée un registre national des comptes rebonds, géré par la DGFiP et accessible aux autorités judiciaires, aux services d'enquête et aux organismes financiers. Ces derniers seraient ainsi tenus de déclarer les comptes identifiés comme comptes rebonds dès l'entrée en relation d'affaires et pendant toute sa durée.

En outre, il ne serait plus permis d'effectuer un virement à partir d'un nouveau compte bancaire ou de paiement avant l'expiration d'un délai d'activation de 72 heures. Les organismes financiers seraient contraints d'exercer une surveillance renforcée à l'égard de tout nouveau compte, et ce pendant 30 jours à compter de son activation. Les organismes ne respectant pas ces obligations seraient passibles de sanctions administratives et financières et engageraient leur responsabilité civile en cas de préjudice causé à une victime d'escroquerie.

L'objectif visé par cet article est, me semble-t-il, partagé par tous. La semaine dernière, la commission a adopté la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire. Ce texte, en passe d'être voté conforme par le Sénat, prévoit déjà en son article 1er la création d'un fichier national des comptes signalés pour risque de fraude. Pour en prendre acte, je propose donc, à l'amendement COM-11, de supprimer l'article 6.

Enfin, l'article 7 prévoit l'ajout d'un article au code monétaire et financier qui définit le terme de « néobanque » comme tout établissement bancaire dont l'activité est exercée exclusivement en ligne sans point de contact physique et dont les procédures d'entrée en relation sont entièrement automatisées. Par ailleurs, il astreint les néobanques à effectuer un audit externe annuel relatif à la conformité des dispositifs de LCB-FT.

Les travaux de la commission ont montré que la typologie actuelle des différents établissements définis en droit bancaire permet déjà de les qualifier avec cohérence et efficacité, selon leur agrément et les services qu'ils peuvent offrir. Ainsi, le terme de « néobanque » ne trouverait pas à s'insérer efficacement dans le droit.

Il semble préférable de donner à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la possibilité d'exiger qu'un établissement sous sa supervision effectue un audit externe annuel. Tel est le sens de l'amendement COM-12.

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Pour rappel, nous avons procédé à l'audition en commun d'un certain nombre d'instances de contrôle, afin d'optimiser le temps qui nous était imparti et d'assurer la cohérence de notre démarche.

La commission des lois s'est réunie hier soir pour examiner les articles 2, 3, 8 et 9. Je ne reviendrai pas sur le contexte général dans lequel s'inscrit cette proposition de loi. Ayant participé à la commission d'enquête sur la délinquance financière, je veux m'associer à ses conclusions : la lutte contre les réseaux de blanchiment doit être une priorité d'action absolue pour les pouvoirs publics.

L'efficacité de cette lutte repose largement sur la capacité des autorités à frapper ces réseaux au portefeuille, dès le départ. À cet égard, les quatre amendements que j'avais présentés devant la commission des lois ont été adoptés hier, à l'unanimité. J'ai notamment proposé de sécuriser sur le plan juridique la rédaction de l'article 9 et de supprimer, à l'article 8, des dispositions redondantes avec le droit existant.

En outre, j'ai suggéré de remplacer certains mécanismes d'actions qui ne semblaient pas efficaces. Nous avons ainsi modifié l'article 2 concernant le périmètre des appels à vigilances émis par Tracfin pour permettre aux autorités de contrôle, sur le fondement de l'article L.561-26 du code monétaire et financier, de mieux cibler leurs opérations. Que les choses soient claires : ce qui importe aux autorités n'est pas le flux d'informations, mais la qualité de ces dernières.

À l'article 3, nous avons adopté une mesure de vigilance supplémentaire sur le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme en cas de cession amiable d'une société commerciale. Il s'agit, après avoir entendu les remarques de la direction générale du Trésor et de Tracfin, de ne pas pénaliser la vie économique et d'éviter l'embolie aux diverses structures concernées.

À l'article 8, nous avons précisé que l'objectif de prévention des fraudes n'était pas la finalité exclusive des contrôles. En outre, nous avons supprimé le titre II, qui nous semble satisfait par le droit existant : en effet, l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) est déjà obligatoirement informé des radiations d'office.

Enfin, nous avons précisé, à l'article 9, un certain nombre de mesures et avons décalé leur entrée en vigueur au 1er janvier 2026.

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. - À la suite de la commission d'enquête sur la délinquance financière, dont le rapport a été adopté à l'unanimité, Raphaël Daubet et moi-même avons rédigé un texte assez long pour compléter la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Le président Larcher a proposé de soumettre le texte au Conseil d'État, de façon à s'assurer de sa régularité juridique. Mais cela n'a pas été possible dans les délais, et nous n'avons pu l'inscrire dans le cadre d'un espace réservé.

À force de saucissonner les textes relatifs à la lutte contre la fraude et le blanchiment, les procédures sont tronquées et incomplètes. Par exemple, les dispositifs de lutte contre la fraude sociale ont été intégrés à la fois à la loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, déposée par Thomas Cazenave, et au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Bref, les lois que nous votons deviennent illisibles pour les services administratifs, sans compter que le Conseil constitutionnel censure certains dispositifs considérés comme des cavaliers législatifs.

De ce fait, le rapporteur a raison : l'article 6 est redondant. Du reste, j'approuve les dispositions prises pour le renforcement du pouvoir des greffes.

Ma divergence d'appréciation porte sur l'inscription dans la loi d'une définition des entreprises éphémères. Pour rappel, j'ai présenté un amendement en ce sens à trois reprises : lors de l'examen de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, mais aussi dans le cadre de deux PLFSS différents. Si l'article 1er venait à être supprimé, je présenterais de nouveau cet amendement en séance.

Dans le cadre de notre commission d'enquête, les représentants de l'Urssaf et Carole Maudet, sous-directrice du contrôle fiscal, du pilotage et de l'expertise juridique à la DGFIP, nous avaient appelés à donner une définition aux entreprises éphémères. Je comprends qu'il puisse y avoir des réticences, comme l'a dit le rapporteur, mais, dans le même temps, beaucoup de personnes ne savent pas à quel point l'entreprise éphémère peut être un vecteur de fraude.

Je tiens à votre disposition le schéma de fonctionnement du Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Colb). Alors que le blanchiment s'élève à 50 milliards d'euros, le taux de recouvrement n'est que de 2 %. Il nous faut continuer à progresser dans ce domaine.

Je suis favorable au maintien de l'article 1er, pourvu que l'on modifie sa rédaction, car plusieurs services nous ont demandé de définir les entreprises éphémères. Au passage, je remercie les rapporteurs d'avoir oeuvré au renforcement des dispositifs de sécurisation.

Je regrette infiniment que le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales soit aussi modeste - je pense notamment au volet consacré à la fraude fiscale. Je poserai d'ailleurs une question d'actualité au Gouvernement à ce sujet, tout à l'heure.

Je rappelle que les circuits de criminalité organisée utilisent les failles et les outils de l'évasion fiscale. La présente proposition de loi est peut-être modeste, mais elle a au moins le mérite de mettre en lumière les trous qui existent au sein des dispositifs franco-français.

M. Raphaël Daubet. - La lutte contre la délinquance financière nécessite un basculement culturel. Nous proposons en effet de passer du champ répressif judiciaire, qui a toujours plus de difficultés à rattraper les capacités d'innovation des trafiquants, au champ préventif administratif. Celui-ci a le défaut d'imposer des contrôles, mais il sera à même de limiter les flux financiers illicites.

Les trafiquants, même après avoir purgé leur peine de prison, peuvent continuer à jouir des profits de leur trafic. Voilà pourquoi nous devons nous attaquer à la dimension financière de la criminalité. Tel était l'objet de notre commission d'enquête.

La présente proposition de loi se concentre sur les entreprises. Je regrette, comme Nathalie Goulet, que nous ne parvenions pas à nous accorder au sujet des entreprises éphémères. Il est peut-être risqué d'inscrire leur définition dans la loi, mais nous devons pouvoir intercepter ces ovnis, si j'ose dire, qui sont aujourd'hui vecteurs de trafics et de flux financiers illicites. Les mesures relatives aux comptes rebonds sont également fondamentales pour alerter nos systèmes de contrôle.

L'article 4, qui concerne l'obligation de déclaration des comptes à l'étranger pour les sociétés, est tout aussi essentiel. Le blanchiment d'argent a une dimension internationale évidente. Aussi, nous devons pouvoir connaître les comptes détenus par les entreprises à l'étranger. J'approuve la proposition du rapporteur de décaler d'un an la mise en oeuvre du dispositif, afin que les services puissent s'organiser.

L'argument consistant à dire qu'il existe un risque d'attractivité pour notre pays ne me paraît pas recevable. Le blanchiment est bel et bien un phénomène d'ampleur internationale profitant parfois à des individus qui résident dans des pays non coopératifs.

S'agissant de l'article 5, l'obligation de définir des critères sur les transactions ou opérations qui nécessiteraient une interface humaine est une bonne chose. Certains nous reprochent de légiférer à rebours de l'évolution technologique du monde bancaire. Au contraire, notre démarche est tout à fait pertinente dans la mesure où l'évolution très rapide de la technologie présente des risques. Grâce aux logiciels d'intelligence artificielle, il sera facile de rester en alerte sur certaines transactions.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les fraudes financière, fiscale et sociale inondent l'actualité et sont souvent fustigées. Dans ce contexte, il est du rôle de l'État de bâtir un arsenal. Or, on lui reproche souvent de fragmenter la législation en ce domaine. J'entends les frustrations des uns et des autres : on finit par se demander si l'envie de lutter contre la fraude est bien la même à tous les niveaux de notre société. Nous manquons à la fois de recul et de vision stratégique. L'État, malheureusement, participe à l'illisibilité des dispositifs.

Bercy avait appelé la commission des finances à faire preuve de prudence concernant l'inscription dans la loi d'une définition des entreprises éphémères. Les demandes en la matière sont contradictoires. Dans ce contexte, nous devons faire de notre mieux pour avancer sur cette question, en évitant de créer des dissensions.

M. Marc Laménie. - Nos services administratifs ont-ils des moyens suffisants pour lutter contre la délinquance financière ? Combien d'agents sont réellement affectés à la lutte contre le blanchiment, qui représente tout de même un manque à gagner compris entre 12 milliards et 20 milliards d'euros ? Quel est, dans ce contexte, le rôle de l'ACPR ?

M. Vincent Éblé. - Ce texte prévoit des outils concrets pour mieux prévenir le blanchiment : sécurisation des structures économiques, repérage d'entreprises éphémères, encadrement des comptes rebonds, transparence accrue des flux financiers, etc.

On l'a dit, nos dispositifs restent trop fragmentés et la criminalité économique exploite ces failles. Voilà pourquoi je me réjouis de cette proposition de loi, qui assure une cohérence d'ensemble en s'appuyant sur les acteurs de terrain - les greffiers, la DGFiP et Tracfin - et impose des obligations de transparence renforcées. L'enjeu est d'améliorer la clarté des dispositifs et la traçabilité. Ainsi, la détection précoce des entreprises éphémères et la création d'un fichier sur les identités frauduleuses constituent des avancées utiles.

Nous sommes pleinement favorables à la justification de l'origine des fonds et la déclaration des comptes étrangers dans la mesure où ces dispositions renforcent la transparence financière . En outre, la vigilance sur les comptes rebonds et les audits des néobanques modernisent notre arsenal face aux nouvelles pratiques numériques. Il faudra toutefois veiller à une mise en oeuvre proportionnée du texte.

La consolidation du rôle des greffes, pivots de la sécurité juridique, est bienvenue. L'expérimentation d'accès aux données cadastrales mérite d'être précisée, mais elle va dans le bon sens, en ce qu'elle permet de croiser les données et de mieux détecter les fraudes immobilières.

Notre groupe soutient ce texte, dans un esprit de responsabilité et d'efficacité, car il renforce la probité économique, traduit une volonté d'action concrète et s'appuie sur la coopération entre institutions plutôt que sur la surenchère normative. Lutter contre le blanchiment, c'est aussi restaurer la confiance dans l'économie légale et dans la République.

M. Grégory Blanc. - D'autres l'ont dit avant moi, il est insupportable de saucissonner les textes visant à lutter contre la fraude. Cela abaisse la qualité du travail législatif et réduit notre capacité à lutter contre la criminalité organisée. Le narcotrafic est un problème bien réel, mais il ne représente qu'une petite partie de l'activité des trafics organisés. C'est bien à l'ensemble des activités des réseaux criminels que nous devons nous attaquer, d'où la nécessité d'agir sur leur dimension financière.

Je suis favorable au maintien de l'article 1er. De nombreuses professions, hormis les notaires et les banques, ont parfois du mal à s'approprier l'obligation de déclaration de soupçons qui leur incombe ; c'est une réalité que nous constatons sur le terrain. Encore une fois, la commission d'enquête sur la délinquance financière a montré la nécessité de donner une définition aux entreprises éphémères. Elle a également mis en lumière l'interpénétration extrêmement puissante entre les réseaux illicites et les activités licites. Autrement dit, une entreprise qui a pignon sur rue peut être en lien avec des activités totalement criminelles.

En outre, si nous voulons mener un combat efficace contre les trafics, nous devons mieux identifier les comptes ouverts à l'étranger. L'ACPR se plaint d'un manque de moyens. Nous devons donc veiller à ce qu'elle puisse matériellement lutter contre le trafic organisé et les réseaux criminels.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Je prends bonne note des remarques de Nathalie Goulet et Raphaël Daubet. L'article 1er est, de toute évidence, celui qui suscite le plus de controverses. En revanche, les propositions de modification qui portent sur les autres dispositions du texte semblent être approuvées par les membres de la commission.

M. Laménie a raison de poser la question des effectifs. Aujourd'hui, la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf) dispose seulement d'une dizaine d'agents : c'est en effet bien peu pour impulser des synergies interservices qui constituent l'axe de progression prioritaire aujourd'hui. Cependant, des évolutions positives ont lieu : par exemple, Tracfin est doté de 230 agents, un nombre en hausse de 30 % en cinq ans. En revanche, je ne partage pas complètement les remarques de Grégory Blanc sur les moyens de l'ACPR.

J'en reviens à l'article 1er. Après avoir échangé avec les auteurs du texte et consulté les travaux de la commission d'enquête, j'étais plutôt acquis à l'idée d'inscrire dans la loi la définition des entreprises éphémères. Néanmoins, les travaux que j'ai menés m'ont dissuadé de le faire.

En reprenant l'historique des amendements adoptés par le Sénat sur ce sujet, on se rend compte en outre qu'il se dégage toujours plus un consensus sur le fait que ce n'est pas dans la loi qu'il faille définir les sociétés éphémères. Pour rappel, le premier amendement déposé en ce sens par Nathalie Goulet a été adopté dans le cadre du PLFSS pour 2023, contre l'avis du Gouvernement. Il a été adopté une seconde fois lors de l'examen du PLFSS pour 2025, malgré l'avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Enfin, il a été présenté lors de l'examen de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, en avril dernier. Je rappelle toutefois qu'il avait été retiré après avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Cette évolution du Sénat vers le rejet de cette mesure ne remet pas en cause l'objectif poursuivi : au contraire, il sera mieux atteint par le moyen d'une définition souple et adaptable.

Je comprends néanmoins que le débat demeure car il n'est pas simple de le trancher. Si nous ne souhaitons pas inscrire la définition des entreprises éphémères dans la loi, aujourd'hui, c'est justement pour rendre le texte plus opérationnel.

Les éléments transmis lors des auditions m'ont en effet convaincu de la nécessité de conserver la souplesse d'une telle définition. La direction générale du Trésor s'est ainsi montrée très réservée, car les phénomènes visés et les entreprises éphémères sont amenés à évoluer constamment. On risquerait aussi de cibler des acteurs ou des pratiques légitimes. De son côté, Tracfin estime que la définition des entreprises éphémères est difficile à mettre en oeuvre.

Les greffiers des tribunaux de commerce, pourtant favorables à une écriture législative en audition, ont indiqué dans leurs réponses écrites qu'il serait certainement judicieux de passer par voie réglementaire. Selon les greffiers, cela permettrait d'adapter le contenu de la définition face à l'évolution rapide des pratiques économiques et technologiques sans nécessiter une révision législative. Cette définition réglementaire pourrait aussi être le fruit d'une concertation technique préalable avec les autorités concernées - soit la direction générale du Trésor, Tracfin et l'ACPR -, ce qui garantirait une mise en oeuvre opérationnelle, cohérente et réactive.

Pour appréhender les sociétés éphémères, les services doivent nécessairement recourir à la technique du faisceau d'indices, notamment recensés par la Micaf dans son guide des sociétés éphémères. Tracfin met déjà en oeuvre ce dernier dans le cadre légal actuel, qui permet, en lien avec les professions déclarantes, d'ajuster les capteurs en fonction de l'évolution du risque.

Si je retiens une évolution législative remontée pendant les auditions, ce serait pour améliorer la supervision LCB-FT des professions autoréglementées, qui effectuent peu de déclarations de soupçons. Le présent texte n'en fait malheureusement pas état.

Vous l'aurez compris, je vous propose de nous en tenir à la suppression de l'article 1er, même si le débat sera probablement rouvert par notre collègue Nathalie Goulet lors de l'examen du texte en séance.

M. Claude Raynal, président. - En vertu du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 29 octobre 2025, le périmètre indicatif de la présente proposition de loi. Ce dernier comprend les dispositions relatives à la définition et la détection des sociétés éphémères ; aux acteurs habilités à effectuer des déclarations de soupçons à Tracfin et les cas dans lesquels de telles déclarations doivent être faites ; aux obligations de déclaration d'ouverture et de clôture des comptes de toute nature, ainsi que la location de coffres-forts ; à la définition, à la détection et au signalement des comptes rebonds, ainsi qu'aux mesures de vigilance que les organismes financiers doivent mettre en oeuvre en cas de suspicion d'utilisation de leurs produits et services comme comptes rebonds ; à la supervision, dans un but de lutte contre la fraude et le blanchiment, des établissements de crédit et de paiement, ainsi que des prestataires de services de paiement ; aux leviers d'action contre l'usage d'identités fictives ou de prête-noms à des fins de blanchiment ; à la sécurisation du processus de cession amiable des sociétés commerciales face au risque de blanchiment ; au rôle des greffiers des tribunaux de commerce dans le dispositif de lutte contre le blanchiment.

Il en est ainsi décidé.

M. Claude Raynal, président. - Je rappelle qu'il est de tradition que la commission saisie au fond prenne acte du résultat des travaux de la commission saisie pour avis sur les articles qui lui ont été délégués. Je vous propose donc d'adopter les amendements COM-4 et COM-5, qui rédigent respectivement les articles 2 et 3, ainsi que les articles 8 et 9 tels que modifiés par les amendements COM-6 et COM-7.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement COM-8 tend à supprimer l'article 1er, pour les raisons qui ont été précédemment exposées.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 1er est supprimé.

Article 2

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement COM-9 vise à reporter l'entrée en vigueur de l'obligation de déclaration contenue dans le texte. Par ailleurs, il tend à supprimer un alinéa déjà satisfait par le droit existant et inclut Wallis et Futuna dans le périmètre d'application du dispositif.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 4 est ainsi rédigé.

Article 5

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement COM-10 a pour objet d'imposer aux organismes financiers permettant à leurs clients de procéder à des opérations par le biais d'interfaces automatisées de déterminer celles qui, en raison de leur nature et de leur montant, doivent être contrôlées par l'action d'un agent qualifié humain.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 5 est ainsi rédigé.

Article 6

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à supprimer l'article 6, qui est satisfait par la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, en voie d'être définitivement adoptée par le Parlement.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'article 6 est supprimé.

Article 7

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement COM-12 donne le droit à l'ACPR d'exiger la mise en oeuvre d'un audit externe pour certaines personnes qui relèvent de son champ de contrôle.

Mme Nathalie Goulet. - Je suis absolument favorable à cet amendement. Je précise que les dispositions relatives aux comptes rebonds sont issues du rapport alarmiste publié l'été dernier par l'ACPR, qui ne pensait pas que le législateur s'en saisirait aussi vite.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 7 est ainsi rédigé.

Article 8

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 9

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAUTAREL, rapporteur

8

Amendement de suppression

Adopté

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAUTAREL, rapporteur

9

Obligation pour les sociétés commerciales de déclarer leurs comptes à l'étranger

Adopté

Article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAUTAREL, rapporteur

10

Obligation pour les organismes financiers de désigner des opérations dans lesquelles un contrôle humain est nécessaire

Adopté

Article 6

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAUTAREL, rapporteur

11

Amendement de suppression

Adopté

Article 7

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAUTAREL, rapporteur

12

Octroi du droit à l'ACPR d'exiger des entités défaillantes qu'elles procèdent à un audit externe

Adopté

La réunion est close à 12 h 40.