Mardi 4 novembre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales - Examen du rapport pour avis

M. Claude Raynal, président. - Nous débutons notre réunion avec l'examen du rapport pour avis de Bernard Delcros sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Nous avons le plaisir d'accueillir Frédérique Puissat et Olivier Henno, rapporteurs de la commission des affaires sociales.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement a déposé, le 14 octobre dernier, un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Ce texte a été renvoyé à la commission des affaires sociales et la commission des finances s'en est saisie pour avis.

Nous examinons huit articles sur lesquels nous avons reçu délégation au fond : les articles 1, 3, 9, 15, 18 à 20 et 23. Notre commission s'est également saisie pour avis simple de l'article 14.

Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité des réformes menées ces dernières années : la suppression du verrou de Bercy, l'extension des conventions judiciaires d'intérêt public à la fraude fiscale ou la responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA, prévues par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude ; le plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière de 2023 ; plus récemment, la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques.

Ces réformes ont déjà produit des résultats. Entre 2016 et 2024, les montants recouvrés à l'issue des contrôles fiscaux sont passés de 8,6 à 11,4 milliards d'euros.

Malgré ces résultats encourageants, beaucoup reste à faire pour agir plus efficacement contre la fraude fiscale ; le taux de recouvrement doit être amélioré, car l'écart entre les montants notifiés et les montants effectivement encaissés est très élevé : 5,2 milliards d'euros en 2024.

Ce texte marque donc une nouvelle étape sur le long chemin de la lutte contre la fraude fiscale. Certes, il ne constitue pas une révolution dans ce domaine, mais il nous appartiendra de l'enrichir lors de son examen.

Pour les articles concernant notre commission, le projet de loi s'articule autour de trois grands axes : mieux détecter la fraude ; mieux la sanctionner ; enfin, mieux recouvrer les fonds indûment perçus.

Premièrement, concernant la meilleure détection de la fraude, quatre articles prévoient de renforcer les échanges d'informations entre les acteurs engagés dans cette lutte.

L'article 1er autorise les officiers de douane judiciaire (ODJ) et les officiers fiscaux judiciaires (OFJ) à communiquer à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et à la direction générale des finances publiques (DGFiP) des informations utiles à leurs missions de contrôle.

L'article 3 permet à la DGFiP de transmettre à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) les informations issues de ses contrôles. Cette mesure permettra notamment d'immatriculer d'office au registre national des entreprises (RNE) une personne exerçant une activité occulte ou, à l'inverse, de radier les entreprises non établies dans l'Union européenne qui ne respectent pas leurs obligations de représentation fiscale. Je vous proposerai d'adopter cet article, sous réserve d'une amélioration rédactionnelle.

L'article 9 étend à l'ensemble des parquets la possibilité de communiquer à l'Autorité des marchés financiers (AMF) certaines informations issues des procédures pénales, une faculté aujourd'hui réservée au seul Parquet national financier (PNF).

L'article 15 a pour objet de mieux lutter contre le blanchiment d'argent, en prévoyant d'assujettir les professionnels de la vente de biens de luxe - tels que la bijouterie, l'horlogerie ou l'orfèvrerie - aux obligations du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), pour toute transaction supérieure à 10 000 euros, quel que soit le moyen de paiement. Cette mesure permet d'anticiper l'entrée en vigueur en juillet 2027 du sixième paquet anti-blanchiment de l'Union européenne qui prévoit une disposition similaire.

Deuxièmement, trois articles ont pour objet de mieux sanctionner la fraude.

L'article 18 prévoit la criminalisation de l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée. Déjà adoptée par le Parlement sur l'initiative de notre collègue Nathalie Goulet dans la loi du 30 juin 2025, cette mesure avait été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle constituait un cavalier législatif. La peine encourue serait portée à quinze ans de réclusion criminelle, contre dix ans aujourd'hui, ce qui traduit à la fois la gravité des faits et la volonté de renforcer la dissuasion.

Les réseaux impliqués, souvent transnationaux et hautement structurés, organisent un véritable pillage de nos finances publiques.

Certains services d'enquête, notamment l'Office national anti-fraude (Onaf), souhaiteraient que la durée de garde à vue des mis en cause passe de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures, comme c'est le cas pour les infractions criminelles les plus graves. En pratique, seules douze heures sont consacrées aux interrogatoires selon ces professionnels : dès lors, une durée de quarante-huit heures est insuffisante au regard de la technicité des montages frauduleux, qui impliquent souvent des flux financiers difficiles à retracer et faisant intervenir des sociétés écrans et éphémères. L'intérêt opérationnel d'une garde à vue portée à quatre-vingt-seize heures ne fait donc pas de doute pour les services d'enquête.

En revanche, la conformité à la Constitution d'une telle mesure n'est pas garantie, puisque le Conseil constitutionnel a plusieurs fois censuré des dispositions visant à étendre la garde à vue à quatre-vingt-seize heures pour des infractions comparables à l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée, estimant que ces dispositions portaient une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et aux libertés individuelles. Ce problème avait déjà été identifié lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques. Nous pourrons en reparler au cours des débats.

L'article 19 renforce quant à lui les sanctions applicables en cas de délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale.

Cette disposition est en phase avec les travaux de notre commission, puisque la mission d'information relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales de 2022 avait en effet insisté sur la nécessité de responsabiliser davantage les intermédiaires financiers qui facilitent la fraude de leurs clients. Cette mesure permettra par ailleurs aux agents habilités de mobiliser les techniques spéciales d'enquête pour faire échec aux cas de fraudes fiscales et comptables les plus graves, notamment lorsque celles-ci sont commises en bande organisée.

L'article 14, examiné pour avis simple, prévoit de porter le taux de contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus d'activités illicites de 9,2 % à 25 %, tout en supprimant sa déductibilité partielle. Il interdit également le cumul des revenus de remplacement versés par France Travail avec des revenus issus d'activités illégales. Cette mesure devrait permettre des rentrées fiscales supplémentaires : le Gouvernement anticipe un rendement de 13,7 millions d'euros en 2026 et de 14,7 millions d'euros en 2028.

Troisièmement enfin, deux articles visent à mieux recouvrer les montants dus.

L'article 20 renforce les obligations déclaratives des administrateurs de trusts et harmonise le régime des pénalités applicable en cas d'omission. Il s'agit d'un ajustement technique destiné à mieux encadrer ces montages souvent utilisés à des fins d'évitement fiscal.

L'article 23 prévoit d'allonger d'un an le délai spécial de reprise de l'administration fiscale. En effet, la procédure de rectification peut durer jusqu'à dix-neuf mois, tandis que le délai actuel, compris entre douze et vingt-quatre mois, limite l'efficacité des services de recouvrement. Cet ajustement améliorera la performance de l'administration sans remettre en cause la sécurité juridique des contribuables.

Ce texte n'est pas le « grand soir » de la lutte contre la fraude fiscale, mais il offre une base solide que nous pouvons renforcer lors du débat parlementaire. Alors que la recherche d'économies est réclamée par tous, il faut trouver des recettes nouvelles en réduisant la fraude fiscale.

L'amendement COM-100 permet aux agents du contrôle fiscal d'accéder aux terminaux de paiement électronique (TPE) dans le cadre de leur droit de visite des locaux professionnels. Il s'agit d'une demande très forte des services. Ces derniers constatent, dans le contexte de dématérialisation croissante des moyens de paiement, des stratégies d'évitement de l'impôt consistant à l'envoi de flux financiers vers des comptes bancaires à l'étranger à partir de TPE, échappant ainsi à la vigilance de l'administration fiscale.

Dans le cadre de l'exercice de leur droit de communication bancaire, l'amendement COM-99 permettrait à la DGFiP et à l'administration des douanes de contraindre les établissements de crédit à leur transmettre des informations sous format dématérialisé. Cela semble évident, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Cet amendement a lui aussi déjà été adopté dans la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, sur l'initiative de notre collègue Nathalie Goulet, avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il constituait un cavalier législatif.

Enfin, je proposerai à notre commission d'adopter l'amendement COM-101, qui prévoit une évaluation par le Gouvernement du mécanisme de collecte de la taxe sur les transactions financières (TTF). Depuis sa création en 2012, la perception de cette taxe est confiée à un opérateur privé, Euroclear France. La Cour des comptes a mis en évidence les lacunes de ce mode de collecte, ainsi que celles qui entourent le contrôle mené par la DGFiP sur Euroclear.

Or le protocole qui régit les relations entre cet opérateur et l'administration fiscale n'a pas été actualisé depuis 2012 : peut-être serait-il temps de le faire évoluer. Cette proposition s'inscrit dans la lignée d'une recommandation formulée par Charles de Courson, alors rapporteur général des finances de l'Assemblée nationale, dans un rapport du 30 septembre 2025 sur l'application des mesures fiscales.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. - L'article 8 relatif aux plateformes de mise en relation des clients avec des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) a été confié au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Nous devons faire davantage d'efforts pour améliorer le recouvrement des fraudes sociales - sans doute plus qu'en matière fiscale, même si des progrès doivent être effectués dans les deux domaines. C'est pourquoi Olivier Henno et moi-même avons imaginé des dispositifs très ambitieux, le Sénat étant saisi de ce texte avant l'Assemblée nationale.

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Le montant des fraudes sociales s'élève à 4 milliards d'euros - voire sans doute un peu plus - et le recouvrement s'élève à seulement 1 milliard d'euros, soit un pourcentage moindre qu'en matière de fraude fiscale.

Notre travail a consisté à donner des outils aux organismes sociaux, tels que France Travail, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ou encore la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), leur permettant d'agir aussi efficacement que l'administration fiscale.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -

Chaque semaine, nous examinons des textes relatifs à la lutte contre la fraude et le blanchiment : cela manque de vision d'ensemble.

L'article 14 prévoit de relever de 9,2 % à 25 % le taux de la CSG applicable aux revenus d'activités illicites, d'en supprimer la déductibilité partielle du revenu imposable et d'interdire le cumul des revenus de remplacement servis par France Travail avec ce type de revenus. Je m'étonne qu'une telle mesure ne soit déjà pas en vigueur ; comment être sûr que celle-ci sera effectivement mise en oeuvre ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Grâce à cet article, confié au fond à notre commission, les fonds illicites pourront être intégrés dans le calcul des revenus des personnes percevant des allocations soumises à des plafonds de revenus, tels que l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ou l'allocation de solidarité spécifique (ASS), entre autres. Certaines administrations disposent déjà de cet outil, mais celui-ci n'est pas utilisé. La commission des affaires sociales examinera demain un amendement tendant à inscrire dans la loi l'ensemble des organismes sociaux pouvant utiliser ce dispositif.

Une expérimentation, menée dans le département de l'Isère, permet au parquet de transmettre des informations relatives aux revenus illicites à toutes les administrations.

Mme Nathalie Goulet. -La démission du gouvernement Bayrou a inversé l'ordre de passage du projet de loi dans nos assemblées respectives. Le texte devrait être examiné par l'Assemblée nationale au mois de décembre prochain.

Je suis heureuse de constater que des dispositifs proposés à Édouard Philippe en 2019 figurent désormais dans ce texte.

L'article 15 étend l'assujettissement aux obligations LCB-FT des vendeurs de biens de type bijouteries et joailleries à toutes les transactions supérieures à 10 000 euros, et ce quel que soit le moyen de paiement. Cette disposition sera très utile pour lutter contre le blanchiment d'argent, mais les professionnels nous indiquent que les autres pays européens n'y seront soumis qu'à partir de 2027, d'où une rupture d'égalité - pour une fois que nous sommes en avance...

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que, pour ce secteur, les paiements fractionnés sont possibles. Cet article pose donc, en tout état de cause, des difficultés.

M. Rémi Féraud. - Ce projet de loi, qui répond à un engagement pris par le gouvernement précédent, a le mérite d'exister. Sera-t-il effectif ? L'étude d'impact apporte-t-elle des précisions à ce sujet quant aux montants recouvrés qui sont attendus ?

Monsieur Delcros, vous pointez un taux de recouvrement trop faible. Les articles 20 et 23, ainsi que vos amendements, permettront-ils de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale ?

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Madame Goulet, votre amendement COM-18 vise à supprimer l'article 15. Que notre pays soit en avance sur les dispositions européennes qui entreront en vigueur en 2027 ne me semble pas poser problème.

Monsieur Féraud, nous souhaitons tous lutter contre la fraude fiscale, mais il est difficile d'agir en la matière. Cela dit, je le répète, les lois votées précédemment ont déjà nettement amélioré le recouvrement de ces fraudes.

L'administration a toutefois formulé des demandes très fortes, telles que la possibilité d'accéder aux TPE, par exemple. Ce projet de loi n'est certes pas « le grand soir », mais il constitue une étape qui fera progresser les choses. Je ne suis en revanche pas en mesure d'évaluer les sommes qui seront recouvrées ; nous en saurons davantage dans deux ou trois ans. La discussion est ouverte au Parlement : nous pouvons proposer des pistes d'amélioration pour rendre plus efficace la lutte contre la fraude fiscale.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 4 novembre 2025, le périmètre indicatif du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, qui comprend les dispositions relatives aux échanges d'informations entre administrations, autorités administratives indépendantes et autorités judiciaires, en matière de lutte contre la fraude fiscale ; les dispositions relatives aux règles d'assujettissement des professionnels aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) ; les dispositions relatives à la procédure judiciaire et aux sanctions applicables aux infractions se rapportant aux délits de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale, au délit de fraude fiscale, aux délits comptables et au délit d'escroquerie aux finances publiques ; les dispositions relatives aux obligations déclaratives des assujettis vis-à-vis de l'administration fiscale ; les dispositions relatives aux délais de reprise de l'administration fiscale ; les dispositions relatives aux moyens de contrôle et d'enquête des services compétents en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS AU FOND

Avant l'article 1er (délégué)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Pour répondre plus précisément à Rémi Féraud, le montant estimé par l'État s'élève à 1,5 milliard d'euros. Cela donnera un repère pour évaluer le ciblage.

L'amendement COM-40 prévoit de fusionner deux organismes. Demande de retrait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-40.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-40.

Article 1er (délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 1er sans modification.

Après l'article 1er(délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer l'amendement COM-2 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-19 concerne la liquidation de la TVA. Demande de retrait.

Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit d'éviter les fraudes carrousels, dont le montant cumulé s'élève à 25 milliards d'euros. Les secteurs d'activité à risques sont les principaux concernés.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Nous aurons le débat en séance.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-19.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-19.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-98 est adopté.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-5 est intéressant, mais incompatible avec l'amendement que je présente à la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-5.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 3 ainsi modifié.

Après l'article 3(délégué)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-99 vise à obliger les banques à fournir les informations dans un format dématérialisé.

L'amendement COM-99 est adopté et devient article additionnel.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter cet article additionnel.

Article 9 (délégué)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-6 permet de poser un recours auprès du président de la chambre de l'instruction en cas d'avis défavorable du juge d'instruction. Demande de retrait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-6.

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer l'amendement COM-97 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 9 sans modification.

Article 15 (délégué)

L'amendement COM-18 est retiré.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 15 sans modification.

Article 18 (délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer l'amendement COM-110 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 18 sans modification.

Après l'article 18 (délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer les amendements COM-3, COM-109, COM-108, les amendements identiques COM-44 et COM-105, les amendements identiques COM-45 et COM-106, les amendements identiques COM-46 et COM-107 irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 19 (délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 19 sans modification.

Après l'article 19 (délégué)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-4 prévoit d'abaisser les prix de transfert à hauteur de 100 millions d'euros. Ils ont déjà été abaissés, en 2024, de 400 à 150 millions d'euros par la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Avant de procéder à une nouvelle baisse, il s'agit d'évaluer l'impact de la réforme récente. Demande de retrait, sachant que nous demanderons l'avis du Gouvernement en séance.

Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit de documenter les schémas de prix de transfert, et non de demander une taxe supplémentaire. Nous avons visité, avec le Premier ministre, les services de Romainville de la DGFiP. Ces derniers ont évoqué l'idée d'une nouvelle diminution, car de nombreuses entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 millions d'euros présentent un schéma frauduleux. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement, mais attendre d'avoir l'avis du Gouvernement me convient.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-4.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-4.

Avant l'article 20 (délégué)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Nous sommes en phase avec l'objectif poursuivi au travers de l'amendement COM-41, qui prévoit de mieux protéger les agents de l'Onaf. Je propose un retrait afin d'améliorer sa rédaction en vue de la séance. Il en est de même pour les amendements COM-42 et COM-93.

La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-41, COM-42 et COM-93.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter les amendements COM-41, COM-42 et COM-93.

Article 20 (délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 20 sans modification.

Après l'article 20 (délégué)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-94 prévoit la création d'un référentiel national de vigilance et de conformité des domiciliataires agréés. Demande de retrait, sachant que nous solliciterons l'avis du Gouvernement en séance.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-94.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-94.

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer les amendements COM-7 rectifié, COM-43 et COM-95 irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Avis favorable à l'amendement COM-103 rectifié.

La commission émet un avis favorable à l'amendement COM-103 rectifié.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'amendement COM-103 rectifié portant article additionnel.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - Nous partageons l'objectif poursuivi avec l'amendement COM-92, mais cela nécessite, au préalable, quelques échanges avec la DGFiP. Demande de retrait, sachant que nous solliciterons l'avis du Gouvernement en séance.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-92.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-92.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-100 s'enquiert du lien entre les paiements électroniques et les comptes à l'étranger.

L'amendement COM-101 prévoit une évaluation par le Gouvernement du mécanisme de collecte de la taxe sur les transactions financières (TTF).

Les amendements COM-100 et COM-101 sont adoptés.

La commission propose à la commission des affaires sociales ces articles additionnels.

Article 23

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 23 sans modification.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel après Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-2

Création d'une amende forfaitaire pour détention sans motif légitime de marchandises présentées sous une marque contrefaisante

Irrecevable

Mme Nathalie GOULET

COM-19

Création d'un mécanisme prévoyant que la liquidation de la TVA soit réalisée par l'assujetti destinataire des biens ou preneur de services dans des secteurs identifiés comme exposés à des risques élevés de fraude à la TVA

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

COM-40

Demande de rapport sur l'opportunité de fusionner le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (COLB) et la mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF)

Demande de retrait

Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. DELCROS, rapporteur pour avis

COM-98

Amendement de clarification rédactionnelle

Favorable

Mme Nathalie GOULET

COM-5

Information de l'entreprise concernée par la décision de radiation d'office du RNE

Tombé

Article additionnel après Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. DELCROS, rapporteur pour avis

COM-99

Possibilité pour l'administration fiscale et l'administration des douanes de demander aux établissements de crédit et assimilés des informations sous format dématérialisé

Favorable

Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-6

Possibilité de recours auprès du président de la chambre de l'instruction en cas d'avis défavorable du juge d'instruction à la transmission de pièces de la procédure pénale à l'Autorité des marchés financiers

Demande de retrait

M. CANÉVET

COM-97

Partage par les sociétés mères bancaires à leurs filiales sociétés de financement des informations contenues dans le fichier national créé par la loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire

Irrecevable

Article 15

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-18

Suppression de l'article 15 concernant l'extension des obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aux transactions réalisées par tout moyen de paiement auprès d'un commerçant de biens de haute valeur

Retiré

Article 18

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. KHALIFÉ

COM-110

Inclusion du trafic de tabac parmi les dispositions dans le champ de l'article de la procédure applicable pour les crimes les plus graves 

Irrecevable

Article additionnel après Article 18

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-3

Rehaussement des peines encourues pour les délits de contrefaçon les plus graves

Irrecevable

M. KHALIFÉ

COM-109

Confiscation des véhicules et matériels ayant servi au transport, au stockage ou à la vente illicite de produits du tabac

Irrecevable

M. KHALIFÉ

COM-108

Introduire des circonstances aggravantes spécifiques applicables aux délits douaniers portant sur les produits du tabac

Irrecevable

M. CANÉVET

COM-44

Conditionner l'accès aux aides publiques à une attestation d'expert-comptable

Irrecevable

M. KHALIFÉ

COM-105

Conditionner l'accès aux aides publiques à une attestation d'expert-comptable

Irrecevable

M. CANÉVET

COM-45

Communication par l'administration fiscale à l'ordre des experts-comptables les informations nécessaires à l'engagement de poursuites pour l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable

Irrecevable

M. KHALIFÉ

COM-106

Communication par l'administration fiscale à l'ordre des experts-comptables les informations nécessaires à l'engagement de poursuites pour l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable

Irrecevable

M. CANÉVET

COM-46

Alourdir les sanctions pénales en cas d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable

Irrecevable

M. KHALIFÉ

COM-107

Alourdir les sanctions pénales en cas d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable

Irrecevable

Article additionnel après Article 19

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-4

Diminution du seuil au-delà duquel les entreprises sont soumises aux obligations de documentation relatives aux prix de transfert

Demande de retrait

Article additionnel avant Article 20

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-41

Interdiction de révéler l'identité des agents de la direction générale des finances publiques affectés à l'Office national anti-fraude

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

COM-42

Garantir l'anonymat des huissiers et agents de recouvrement

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

COM-93

Demande de rapport au Parlement sur l'opportunité de la création d'une ` « plateforme nationale des interceptions judiciaires » bancaire

Demande de retrait

Article additionnel après Article 20

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

COM-94

Élaboration d'un référentiel national de vigilance et de conformité des domiciliataires agréés

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

COM-7 rect.

Interdiction de la vente d'or au déballage

Irrecevable

M. CANÉVET

COM-43

Renforcement de la lutte contre la dégradation des compteurs d'électricité ou de gaz

Irrecevable

M. SOL

COM-95

Renforcement de la lutte contre la dégradation des compteurs d'électricité ou de gaz

Irrecevable

Mme Nathalie GOULET

COM-103 rect.

Droit de copie de l'administration fiscale dans le cadre du contrôle des organismes délivrant des reçus fiscaux

Favorable

Mme Nathalie GOULET

COM-92

Obligation pour les agents de la DGFiP d'élaborer les procès-verbaux sous forme dématérialisée dans le cadre des perquisitions fiscales

Demande de retrait

M. DELCROS, rapporteur pour avis

COM-100

Possibilité pour les agents de la direction générale des finances publiques de contrôler les terminaux de paiement électronique des professionnels

Favorable

M. DELCROS, rapporteur pour avis

COM-101

Demande d'évaluation du dispositif de collecte de la taxe sur les transactions financières

Favorable

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Cohésion des territoires » - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » (et articles 66 et 67) et Programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » - Examen des rapports spéciaux

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant les rapports spéciaux de la mission « Cohésion des territoires ». Nous accueillons Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville ». - Comme chaque année, nous serons deux rapporteurs spéciaux pour vous présenter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Je commencerai avec les quatre programmes portant les crédits destinés à la politique de l'hébergement, du logement, de l'urbanisme et de la ville. M. Delcros prendra le relais avec les crédits de la politique d'aménagement du territoire et des interventions territoriales de l'État.

Dans cette loi de finances, la mission connaît une baisse importante des crédits ouverts. En effet, en crédits de paiement (CP), l'enveloppe passe de 23,1 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2025 à 22,2 milliards d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Il s'agit d'une baisse franche de 5,1 % des crédits, après correction de l'inflation. Celle-ci s'explique par les économies réalisées dans le domaine des aides personnelles au logement et par la réduction de l'effort de l'État en faveur de la rénovation énergétique.

S'il me semble nécessaire d'approuver les crédits de la mission, je ne manquerai pas de mettre en évidence certains risques liés à cette baisse.

Pour le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », il convient de saluer l'objectif affiché par le Gouvernement de maintenir 203 000 places dans le parc, chiffre stabilisé depuis 2024. Par rapport à 2017, cela correspond à une augmentation de près de 54 500 places.

Cela est d'autant plus notable que le dispositif national d'accueil (DNA) à destination des personnes en situation irrégulière pourrait connaître une baisse d'environ 1 400 places, sachant que près de 6 100 places ont déjà été supprimées en 2025. Une telle situation risque d'entraîner un report vers le parc d'hébergement d'urgence classique. Celui-ci pourra d'autant mieux tenir le choc qu'il ne réduit pas le nombre de places offertes.

Depuis plusieurs années, la budgétisation initiale du programme est insincère. Je salue la hausse de 110 millions d'euros alors que l'objectif du nombre de places reste constant. L'écart à combler est réduit de moitié, ce dont nous pouvons nous réjouir dans notre contexte budgétaire. Il manque, cependant, au moins 100 millions d'euros pour que la budgétisation soit entièrement sincère.

En revanche, je vous exprime ma consternation et ma colère devant les conséquences liées à cette sous-budgétisation. Alors que, l'an dernier, nous avions négocié en commission mixte paritaire (CMP) l'ouverture de 20,6 millions d'euros afin de créer 1 000 places d'hébergement pour les enfants et autant pour les femmes proches de la maternité, ces crédits ont été utilisés pour réduire l'écart de budgétisation par rapport à l'objectif existant.

En clair, aucune place n'a été créée. Les décisionnaires qui sont à l'origine de cela mériteraient d'être mis en cause. Quand le Parlement vote des mesures, le Gouvernement doit les appliquer. J'en appelle donc à la responsabilité de l'État pour budgéter avec sincérité ce programme ; le ministre s'y est engagé, nous y serons très attentifs.

Dans un contexte aussi contraint, la gestion du parc est plutôt satisfaisante. Il convient de noter la stabilisation depuis quatre ans du nombre de nuitées hôtelières. Celle-ci est due à l'action résolue de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal). En 2024, on observe une diminution de 7 665 nuitées par rapport à 2020.

Cela favorise un accueil plus digne des hébergés, pris en charge dans des structures d'accueil plus adaptées. Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) bénéficient, en outre, de crédits en augmentation de 4,6 % pour l'année 2026. En plus du simple hébergement, ces structures offrent un accompagnement social et doivent continuer à se développer.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte, comme chaque année, la majeure partie des crédits de la mission. En 2026, 72,5 % des crédits seront dédiés à ce programme. Il s'agit d'une aide de guichet, avec un fort effet redistributif, qui réduit le reste à charge des locataires.

Le coût prévu pour l'État s'élève à 16,1 milliards d'euros en 2025, soit une nette baisse de 3,5 % (moins 587,1 millions d'euros). Cette réduction s'explique notamment par le gel du barème des aides personnelles au logement (APL), prévu à l'article 66 du PLF. Dans le contexte budgétaire actuel, cette mesure est nécessaire ; elle n'aura une faible incidence que si elle s'avère effectivement temporaire. J'appelle ainsi à ce que ce gel ne dure pas.

Je note que le Gouvernement propose un recentrage des aides pour les étudiants étrangers non citoyens de l'Union européenne (UE), en réservant le bénéfice des APL aux seuls boursiers. Cette mesure me semble de bon sens. En général, les étudiants français ne bénéficient pas, dans les pays hors UE, d'aides pour se loger. Par ailleurs, le fait de maintenir les boursiers éligibles permettra de minimiser l'incidence sociale d'une telle mesure. Les centres régionaux des oeuvres universitaires (Crous) auront toujours la possibilité d'aider les étudiants étrangers à se loger, grâce aux aides spécifiques dont ils bénéficient ; le ministre s'est engagé sur le sujet.

J'en viens au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », coeur de la politique du logement du Gouvernement. Ce programme se caractérise, cette année, par une baisse sensible des crédits de l'État versés à l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Alors que ces derniers atteignaient 3,2 milliards d'euros en 2024 et 2 milliards d'euros en 2025, ils ne seraient plus que de 1,5 milliard d'euros.

Il s'agit donc d'une division par deux, en deux ans, des crédits budgétaires fléchés vers l'Anah, c'est-à-dire vers la rénovation énergétique des bâtiments. Cette réduction a permis utilement de mettre à contribution la trésorerie de l'Anah, qui atteignait plus de 1 milliard d'euros en 2023 et a diminué de près de moitié en 2024.

L'an prochain, cette diminution des crédits budgétaires sera compensée par la captation par l'Anah d'une partie des certificats d'économies d'énergie (C2E). Alors que ces derniers représentaient 10 % du budget en 2025, leur part dans le financement de l'Anah devrait atteindre 34 % en 2026. Il s'agit d'un passage de 300 à 900 millions d'euros.

Cette année, la fermeture du guichet d'aide entre le 23 juin et le 30 septembre a été à la fois l'opportunité pour l'Anah de contrôler les dossiers frauduleux, en vertu des pouvoirs obtenus dans le cadre de la loi du 30 juin dernier contre toutes les fraudes aux aides publiques, et aussi une manière de réguler le flux d'aides, en lien avec des crédits mobilisables insuffisants.

Je mentionne ici que l'Anah ne pourra pas, l'an prochain, à la fois épurer son stock de dossiers et atteindre les objectifs fixés à moyens constants ; il lui manque environ 200 millions d'euros de recettes pour y parvenir.

En dehors de l'enjeu de la rénovation, je constate que les années 2024 et 2025 marquent, peut-être, une fragile reprise de la construction de logements en France, tant dans le parc privé que social. Les autorisations de logement sont en effet en hausse de 11,9 % entre janvier et septembre 2025. De même, le nombre de logements sociaux agréés atteint 85 381 en 2024, contre 82 184 en 2023.

Néanmoins, les causes structurelles de la crise du logement demeurent.

D'une part, les investisseurs privés dans le logement locatif, après l'extinction l'an dernier du dispositif Pinel, ont déserté le marché. La Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI) prévoit un solde de seulement 9 000 logements locatifs neufs commercialisés à des investisseurs privés en 2025, soit une baisse de 85 % par rapport à la production annuelle habituelle de 60 000 logements locatifs privés. En ce sens, le travail engagé sur le statut du bailleur privé devra être examiné avec attention par notre assemblée, même s'il ne résoudra pas tout.

D'autre part, l'effort de l'État en faveur du logement social demeure bien en deçà de ce que l'on pourrait attendre. Le fonds national des aides à la pierre (Fnap), sur lequel j'ai mené un contrôle budgétaire il y a quelques mois, ne reçoit pas de crédits budgétaires cette année, la charge revenant aux bailleurs sociaux de le financer. Ces bailleurs sociaux devront en outre, en 2026, absorber l'incidence de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui reviendrait à 1,3 milliard d'euros, alors qu'elle avait été réduite à 1,1 milliard d'euros en 2025.

Quoi qu'il en soit, la relance du logement neuf devra faire l'objet d'une synergie entre le logement privé et le logement social, dans la mesure où de nombreuses opérations sont désormais mixtes et que les deux secteurs fonctionnent en s'entraînant l'un l'autre.

Pour finir, je présenterai les crédits de la politique de la ville, portée par le programme 147.

Ces derniers sont en hausse de 5,5 % en euros constants, passant de 609,6 millions d'euros en loi de finances initiale de 2025 à 651,7 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2026. Cette hausse n'est cependant que le reflet de la participation de l'État au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), qui s'élève à 116 millions d'euros.

Alors que l'État s'est engagé à apporter 300 millions d'euros à l'horizon 2028, seuls 156,9 millions ont été jusqu'ici versés. L'année 2024 a été une année blanche, 2025 a amorcé un rattrapage, 2026 confirme l'accélération de l'engagement.

L'État est cependant en retard et l'article 67 du PLF prévoit de repousser d'un an le délai maximum de contractualisation des opérations de renouvellement urbain. Je serai favorable à cette mesure, qui est simplement nécessaire au vu du retard pris dans les financements. Cependant, je resterai attentif à ce que l'État ne se permette plus de repousser ou de minorer sa contribution au NPNRU.

Pour les autres enjeux de la politique de la ville, je salue le fait que tous les nouveaux contrats de ville sont désormais signés dans l'Hexagone et que ceux d'outre-mer devraient l'être d'ici à la fin de l'année.

Si les crédits sont en diminution de 24 millions d'euros sur les actions, en lien avec un contexte budgétaire contraint, il n'en demeure pas moins que nombre de dispositifs portent leurs fruits. J'en citerai deux qui, dans le sillage du comité interministériel des villes (CIV) de juin dernier, continuent de s'affirmer et nécessitent un soutien fort de l'État, même si les moyens sont limités.

D'une part, les adultes-relais sont des médiateurs efficaces pour favoriser la tranquillité publique et le lien social dans les quartiers. La hausse de 5 millions d'euros des crédits pour cette brique devra permettre d'accroître les recrutements : en effet, sur 6 200 postes ouverts, seuls 4 500 sont aujourd'hui pourvus.

D'autre part, les cités éducatives permettent de créer une synergie de moyens autour de l'école et de l'enseignement. L'objectif est d'en labelliser 40 nouvelles dans la foulée du CIV de juin dernier. J'y suis largement favorable, car c'est par la réussite éducative que l'intégration des jeunes des quartiers peut s'opérer.

En conclusion, nous ne sommes pas dupes de l'état difficile du secteur du logement : je mesure que les crédits pour l'hébergement d'urgence, la rénovation énergétique et la politique de la ville pourraient être accrus et que le gel du barème des APL ne saurait être durable. Néanmoins, il me semble que nous devons agir aujourd'hui pour faciliter le travail entrepris par ce gouvernement pour aller dans le bon sens.

Par conséquent, confiant dans les initiatives du Parlement et lucide sur les contraintes que connaît notre pays en matière de finances publiques, je vous proposer d'adopter ces crédits et d'adopter, sans modification, les articles 66 et 67 du PLF.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ». - Il me revient de vous présenter la partie rurale de la mission « Cohésion des territoires », avec les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État ».

En 2026, les crédits consacrés à ces deux programmes s'élèvent à un total de 362,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 348,4 millions d'euros en crédits de paiement. Ils sont en hausse, principalement les seconds, par rapport à 2025. Bien que ces montants paraissent peu élevés, les deux programmes ont en réalité un effet de levier important sur les dynamiques territoriales.

À cela s'ajoutent près de 800 millions d'euros de dépenses fiscales en faveur des entreprises, adossées à différents zonages.

En ce qui concerne le programme 112, alors qu'une menace sérieuse pesait sur l'avenir même du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) qui le finance, ce qui avait justifié le rapport que j'ai présenté à la commission en juillet dernier, les crédits inscrits au PLF pour 2026 me semblent tenir compte de nos recommandations puisqu'ils sont finalement assez proches de ce qui est nécessaire afin de tenir les engagements pris - notamment ceux du plan France Ruralités -, à une exception cependant, celle des contrats de plan État-région (CPER). Ces derniers appellent en effet un complément pour honorer les paiements de l'État sur des opérations terminées ou en cours.

Dans le PLF 2026, les crédits du programme 112 s'élèvent à 285,3 millions d'euros en AE, soit une légère baisse, à hauteur de 3,70 %, par rapport à 2025, et 270,7 millions d'euros en CP, une hausse de près de 9,74 %. Celle-ci est principalement liée à l'augmentation des crédits de la section locale du FNADT, qui regroupe plusieurs politiques contractuelles : +5,29 % en AE et +108,31 % en CP par rapport à 2025. Et c'est tant mieux, car une nouvelle réduction des crédits du programme 112, déjà largement mis à contribution dans la loi de finances pour 2025, aurait compromis à la fois la pérennité du volet territorial des CPER et l'existence même des contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), voire celle de plusieurs dispositifs du plan France Ruralités. La revalorisation des CP du programme 112 constitue donc une avancée essentielle.

Toutefois, pour permettre à l'État de faire face en 2026 aux restes à payer des CPER et des CPIER, un complément de 21 millions d'euros est nécessaire. En effet, au regard des informations que j'ai recueillies, les restes à payer sur les opérations réalisées ou engagées en 2025 dans le cadre des CPER ou des CPIER représentent à ce jour un montant d'environ 55 millions d'euros. Sur cette somme, 12 millions d'euros sont en cours de règlement, 12 autres millions d'euros devraient être mobilisés grâce au dégel de la réserve de précaution du programme. De plus, le Gouvernement s'est engagé à flécher 10 millions d'euros supplémentaires sur le programme 112 dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) ; nous veillerons évidemment à ce que cette promesse soit tenue.

Afin de dégager ces 21 millions d'euros qui, en l'état actuel, manquent pour assurer le financement des restes à payer et des engagements contractuels pour 2026 sur la section locale du FNADT, nous avons réfléchi à plusieurs solutions. Des amendements à la mission « Cohésion des territoires » nous ont paru difficiles au vu de la forte baisse des crédits affectés aux programmes 135 et 147, ce que Jean-Baptiste Blanc a rappelé. Il nous reste deux outils : le PLFG pour 2025, qui devrait être examiné en commission le 19 novembre prochain, et sous réserve évidemment de report en 2026, ou la « réunion balai » qui devrait se tenir quelques jours plus tard.

Les autres dispositifs contractuels portés par le programme 112 sont quant à eux globalement préservés. C'est notamment le cas des contrats de convergence, conclus entre l'État et les cinq départements et régions d'outre-mer, qui définissent une stratégie de convergence sur dix à vingt ans adaptée à chaque territoire en vue de réduire les écarts de développement avec la métropole. Les crédits de ces contrats ont été reconduits entre 2025 et 2026, pour 5,49 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP.

De même, les pactes territoriaux, destinés aux territoires confrontés à d'importantes difficultés socio-économiques structurelles, voient leurs crédits globalement préservés, même s'ils diminuent légèrement par rapport à 2025, passant de 21,06 millions à 19,15 millions d'euros en CP.

Concernant les opérateurs rattachés à la mission, Business France voit les crédits qui lui sont affectés diminuer sérieusement, à hauteur de 2,8 millions d'euros. Cela pose à terme la question même de sa fonction de promotion des territoires ruraux, notamment à l'étranger, qui n'est plus financée, en 2026, que par 1 million d'euros sur le programme.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), principal opérateur rattaché à la mission, voit ses crédits diminuer légèrement, de 1 million d'euros, passant de 67,6 millions à 66,6 millions d'euros. L'Agence assure la coordination de nombreux programmes nationaux territorialisés, au titre de la section générale du FNADT. Ces dispositifs représentent de petites sommes, mais ils sont bien connus et appréciés des élus locaux et ont un impact essentiel sur le terrain : je veux parler d'Action coeur de ville, du programme Petites Villes de demain (PVD), de celui, plus récent, de Villages d'avenir, du soutien aux tiers-lieux ou du programme Territoires d'industrie.

Quoique cette diminution de ses moyens reste absorbable pour l'ANCT, je tiens à attirer l'attention sur le plafond d'emplois qui est fixé : il ne me paraît pas réaliste de le fixer à 320 équivalents temps plein (ETP) en 2026, soit à -30 ETP, après une baisse de 21 ETP l'an dernier.

Parmi les dispositifs de la section générale du FNADT, je rappelle le succès du réseau des maisons France Services (MFS), qui permet aux usagers un accès de proximité à un socle minimal de services portés désormais par onze opérateurs, voire douze ou treize dans certains départements où l'arrivée de nouveaux opérateurs, en particulier l'Urssaf, fait l'objet d'une expérimentation, contre neuf au moment de sa création. Le rôle des MFS dans le maintien du lien de proximité entre les services publics et les habitants des territoires est reconnu par l'ensemble des acteurs locaux. L'objectif d'un million d'accompagnements par mois, prévu pour 2026, a d'ores et déjà été atteint en 2025.

Le PLF prévoit une légère hausse des crédits alloués au dispositif des MFS, qui passeront de 65 millions à 68 millions d'euros en 2026. Cela permettra de financer le fonctionnement de 2 864 structures d'ici à la fin de l'année prochaine, soit environ 60 à 80 de plus qu'actuellement, conformément aux engagements pris lors du comité interministériel à la ruralité qui s'est tenu cette année dans les Vosges.

En ce qui concerne la contribution annuelle au fonctionnement des MFS - un sujet sensible dans les territoires -, nous devrions atteindre progressivement l'objectif que nous nous étions fixé d'une participation de 50 000 euros par structure en 2027. Je rappelle que nous sommes partis d'une participation de 30 000 euros - 15 000 euros au titre du FNADT et autant financés par les opérateurs selon un dispositif paritaire - pour atteindre 45 000 euros en 2025. En 2026, la hausse de la contribution des opérateurs aux côtés de l'État portera le montant attribué à chaque MFS à 47 500 euros.

En outre, la loi de finances prévoit une dotation complémentaire de 10 000 euros pour chacune des MFS implantées dans les zones du dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) et portées par des collectivités territoriales, relevant ainsi la contribution totale au financement de ces structures à 57 500 euros.

Enfin, le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (Pite), qui finance des actions territorialisées répondant à des enjeux locaux et transversaux très spécifiques, bénéficiera en 2026 d'environ 77 millions d'euros en AE et en CP.

Ce programme présente deux caractéristiques. D'une part, les actions mises en oeuvre sont limitées à un périmètre géographique donné et non à une politique publique nationale. D'autre part, son outil comptable lui permet de mutualiser des moyens provenant de différents ministères, mis à la disposition des préfets et rendus fongibles. Ces spécificités font de ce programme un outil financier souple et performant.

Au global, les montants qui lui sont alloués seront stables en 2026 et permettront de financer sept actions. J'ai été informé de la possible création, prochainement, d'une huitième action, consacrée à Mayotte, pour un montant total de 4 milliards d'euros sur une période de cinq ans. À ce stade, je ne dispose pas d'éléments plus précis, mais je serai évidemment attentif à la question.

En conclusion, je propose, ainsi que mon collègue Jean-Baptiste Blanc, que nous votions en faveur de l'adoption des crédits de la mission. Je rappelle toutefois qu'il sera nécessaire d'aller chercher, à l'occasion du PLFG ou de la « réunion balai », les 21 millions d'euros qui manquent encore au financement du programme 112.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Je me réjouis également de voir que le Gouvernement marque son soutien à la lutte contre le sans-abrisme et à l'insertion par le logement avec l'affectation de 110 millions d'euros supplémentaires. Cependant, je m'inquiète comme vous de certains dysfonctionnements et attire votre attention sur trois points.

Premièrement, force est de constater que l'insincérité budgétaire, si elle est moins marquée, perdure. Il manque environ 100 millions d'euros, notamment pour l'hébergement d'urgence. Tant que cette sous-budgétisation ne sera pas compensée - vous l'avez souligné -, les crédits supplémentaires que le Parlement souhaitera voter, par exemple en faveur des femmes enceintes, des enfants ou des victimes de violences, ne pourront être effectifs. Je rappelle que plus de 2 100 enfants sont actuellement en France dans la rue.

Deuxièmement, la qualité de l'hébergement, en particulier en hôtel, requiert des moyens. Or l'équation est difficile, sinon impossible, entre maintenir 203 000 places d'hébergement à moyens constants et demander une progression de cette qualité tout en assurant l'accompagnement social des personnes.

Troisièmement, le fonctionnement budgétaire actuel fragilise énormément les associations, en compromettant gravement leur trésorerie et leur pilotage. La plupart d'entre elles reçoivent en effet leur financement au dernier trimestre de l'année. Elles demeurent jusqu'à présent dans l'incertitude de ce que contiendra la loi de finances de fin de gestion (LFG) et le principe du paiement au service rendu empêche toute mise en oeuvre du volet insertion de leur action, lequel ne consiste pas seulement à offrir un toit. À cet égard, il faut que l'État soit un partenaire fiable, sans quoi rien n'est possible.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les programmes 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 177« Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Je vous remercie de ces rapports et vous interpellerai sur deux points quant à la situation, véritablement problématique aujourd'hui, du logement dans sa globalité, y compris sous l'angle de l'emploi.

En premier lieu, je reviendrai sur la baisse significative que vous avez pointée des crédits de l'Anah dans le programme 135. Les C2E, bien que présentés comme tels, sont loin d'être la solution miracle pour compenser les aides publiques. L'enjeu d'une massification de la rénovation des logements suppose une mobilisation de fonds privés et nous savons que les usagers, indirectement, paient aussi ces C2E. Des discussions ont d'ailleurs cours avec les bailleurs sociaux, notamment les entreprises sociales pour l'habitat (ESH), pour évoquer le manque de crédits au bénéfice de l'Anah dans le PLF, dont les conséquences sur les économies locales sont assez graves.

En second lieu, dans le domaine du logement social, même si je comprends comme vous la volonté du Gouvernement de ne pas répondre à la demande formulée en faveur du Fnap, je retiens surtout la problématique liée à la réduction de loyer de solidarité (RLS). Celle-ci avait été contenue à 1,1 milliard d'euros dans le PLF pour 2025 ; elle revient aujourd'hui à 1,3 milliard d'euros. Or nous connaissons une vraie difficulté dans la construction de nouveaux logements sociaux : ils étaient de l'ordre de 85 000 en 2024, pour 2,8 millions de demandeurs en attente. Dans cette situation de crise, avec un parc résidentiel totalement bloqué, et sans ignorer le contexte budgétaire qui est le nôtre, le PLF porte deux mauvaises nouvelles : un financement inabouti du Fnap et une hausse du montant de la RLS.

Plus qu'être attentifs à ces sujets, il va nous falloir nous en saisir et agir.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ». - Je partagerai avec vous deux observations issues de mes travaux.

La première concerne au sein du programme 112 la répartition des crédits de la section générale du FNADT destinés au soutien des collectivités territoriales en matière d'ingénierie. Nous constatons que l'ANCT mobilise, selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), une part importante - de l'ordre de 40 % - de ce soutien public pour rémunérer des prestations privées externalisées via des marchés publics nationaux, alors que bien souvent l'ingénierie locale, et a fortiori l'ingénierie publique locale, existe et est adaptée aux spécificités d'un territoire donné.

Dans le contexte qui caractérise actuellement nos finances publiques, l'efficience est davantage à rechercher dans l'existant, le local, et ce qui est immédiatement opérationnel, que dans des prestations onéreuses, standardisées et lentes à mettre en place. Avec le coût global de ces prestations privées externalisées, nous atteignons un montant moyen de 36 000 euros par projet, une somme qui correspondrait à l'emploi par les collectivités bénéficiaires d'un chef de projet en ETP.

Je réfléchis donc à proposer qu'une partie de la section générale du FNADT soit directement fléchée vers le soutien direct à l'ingénierie territoriale des collectivités locales. Celui-ci équivaudrait à la partie de la subvention pour charges de service public de l'ANCT, actuellement destinée à l'accord-cadre dans le domaine de l'ingénierie, soit 18 millions d'euros en 2024 de soutien public à des cabinets de conseil, soit encore 22 % de la subvention de l'Agence, ce qui pourrait financer près de 300 postes de chef de projet au sein des collectivités.

Ma seconde observation porte sur l'article 74 du PLF qui regroupe en un fonds unique d'investissement territorial la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Je vous fais part de ma préoccupation que le mécanisme proposé par le Gouvernement n'implique à terme la diminution du soutien aux territoires ruraux par rapport à celui relevant de la politique de la ville. C'est pourquoi je propose que le fonds d'investissement territorial ne contienne pas la DPV. L'argent à destination des territoires ruraux doit être sanctuarisé et dissocié de la politique de la ville, qui répond à des enjeux spécifiques du point de vue de l'aménagement et des politiques publiques.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Notre collègue Amel Gacquerre a parlé d'une crise du logement. Mon sentiment est qu'il s'agit d'une maladie chronique. Cela fait une bonne dizaine d'années que nous avons les mêmes débats à chaque examen annuel des crédits du logement, lesquels connaissent une raréfaction tendancielle : on ponctionne certains pour donner à d'autres.

En tout état de cause, il n'y a pas ou il n'y a plus de fil conducteur. Les sujets pendants sont nombreux : parcours résidentiel ; aide à l'accession à la propriété, sous ses diverses formes et dans tous les territoires ; perte d'attractivité de certaines zones ; contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN) devenu Trace (trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux) dans une proposition de loi adoptée par le Sénat, etc. Il est urgent d'adopter, sur ces questions, une vision « grand angle », plus panoramique.

Je ferai deux observations et poserai une question.

Tout d'abord, notre collègue rapporteur Jean-Baptiste Blanc a évoqué le problème de l'insincérité de la budgétisation des ouvertures de places dédiées à l'hébergement des femmes en situation de pré-maternité ou de post-maternité et de leurs enfants. Lors de l'examen du projet de budget pour 2025, nous avions obtenu des crédits pour financer de nouvelles places d'hébergement ; or, en définitive, l'intention du législateur est oubliée, piétinée, faute d'un travail de fond et le vote du Parlement n'est pas respecté.

En séance, le Gouvernement acquiesce ; mais les politiques correspondantes ne sont jamais mises en oeuvre. Voilà qui est non seulement désagréable, mais irrespectueux du Parlement. Vous avez eu vent de la nouvelle antienne : le Gouvernement propose, nous débattons et nous disposons, en votant. Pour l'instant, on en est très loin... Il serait bon d'arrêter les bavardages intempestifs et de passer à l'acte.

Ces considérations se vérifient également à propos des CPER et des CPIER, sujet évoqué par Bernard Delcros : le Gouvernement n'est toujours pas au rendez-vous. Il doit payer ce qui reste dû, soit un peu plus de 20 millions d'euros, pour couvrir des dépenses qui ont d'ores et déjà été engagées.

En outre, je reviens sur le budget de l'Anah, sujet abordé par Jean-Baptiste Blanc et Amel Gacquerre : une source de financement en remplace une autre, le fléchage d'une part accrue des C2E venant compenser la baisse des crédits budgétaires. Je suis plutôt favorable à une telle orientation, qui me paraît intéressante et utile, mais ne perdons pas de vue les dévoiements et les fraudes, qui ont été d'une certaine ampleur.

Comment garantir que l'Anah aura les moyens d'être efficace ? Si l'on compense une carence de financement public par la mobilisation d'un financement privé, auquel a priori je souscris volontiers, il faut que ce nouveau système permette, dans le domaine dont il est question, de faire mieux, plus vite et de manière plus sécurisée.

M. Jean-Marie Mizzon. - Ma question porte sur les conseillers numériques. Dans mon département, beaucoup de porteurs de projets me disent qu'ils seront contraints d'abandonner leur conseil, faute des crédits nécessaires. J'ai bien compris que ce dispositif ne serait plus financé par le même canal, mais cette refonte va-t-elle se faire à enveloppe constante ou la somme a-t-elle été revue à la baisse ?

En outre, j'ai bien compris que le dispositif des maisons France Services allait être abondé à hauteur de 47 500 euros par structure, mais les crédits supplémentaires sont-ils des crédits de l'État ou émaneront-ils des opérateurs nationaux ? Quant à la dotation complémentaire de 10 000 euros, elle ne concerne que les maisons France Services implantées dans les zones France Ruralités Revitalisation.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Les conseillers numériques relèvent non pas de la mission « Cohésion des territoires », mais de la mission « Économie » : rendez-vous le 12 novembre pour en parler !

Quand les maisons France Services ont été créées, le forfait annuel global de fonctionnement versé aux collectivités était de 30 000 euros, financé à parité par l'État, via le FNADT, et par les neuf opérateurs - 15 000 euros de part et d'autre. Ayant eu l'occasion de rédiger deux rapports sur le sujet, j'avais fixé un objectif : 50 000 euros de financement par structure ; on y arrive progressivement. En 2025, le forfait s'élevait à 45 000 euros, 25 000 euros issus du FNADT, 20 000 euros des opérateurs.

Pour ce qui est de 2026, j'avais plaidé pour que les opérateurs versent 5 000 euros supplémentaires, afin d'atteindre le double objectif auquel nous sommes attachés : la parité État-opérateurs ; et les 50 000 euros par structure. Ils vont le faire sur deux ans : en 2026, ils contribueront à hauteur de 2 500 euros supplémentaires, ce qui fait bien 47 500 euros au total. Et l'objectif des 50 000 euros sera atteint en 2027.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. - Il y a en effet davantage de fraudes aujourd'hui sur les C2E que sur MaPrimeRénov'. La loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques a renforcé les moyens dont dispose l'Anah pour contrôler plus efficacement les dossiers frauduleux.

Nous avons interrogé l'Anah sur ce sujet : elle dit qu'elle a conscience du problème ; qu'elle est efficace autant que possible ; qu'elle bénéficie de moyens renforcés depuis le vote de la loi. Le gel du dispositif MaPrimeRénov' a permis de chiffrer les montants probablement frauduleux ayant donné lieu à des poursuites à 36 millions d'euros au total, bien loin des 600 millions annoncés dans la presse. Le sujet des C2E, lui, reste entier...

Je partage ce qu'a dit Nadia Sollogoub sur la sous-budgétisation chronique du programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », problème bien documenté, par exemple, par l'inspection générale des finances (IGF).

Amel Gacquerre a rappelé que le Fnap n'était pas abondé par l'État ; le Sénat ne cesse de le déplorer... Nous ne cessons de dire également qu'il conviendrait de flécher le Fnap vers les logements sociaux les plus abordables - je pense notamment au prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) -, de le territorialiser davantage et de définir pour ce fonds une trajectoire pluriannuelle.

Concernant la RLS, l'État persiste à dire qu'il faut continuer de ponctionner la trésorerie des acteurs du logement social, qui s'élèverait à 15 milliards d'euros. Nous persistons à dire, nous, qu'il vaudrait mieux, via un fléchage de cette somme, obliger les offices à construire davantage. Il serait temps, peut-être, d'évaluer la loi Élan, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, la RLS étant intimement liée à l'obligation de regroupement des bailleurs...

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 66

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 66.

Article 67

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 67.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous terminons nos travaux par l'examen du rapport spécial sur la mission « Outre-mer ». Nous accueillons Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je vous prie d'excuser l'absence de notre collègue Teva Rohfritsch, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Mes chers collègues, je vous prie d'excuser mon collègue rapporteur spécial Georges Patient, qui est souffrant ; il sera parmi nous la semaine prochaine.

Le principal objectif de la mission « Outre-mer » du budget général de l'État est le rattrapage des écarts entre les territoires d'outre-mer et la métropole.

Il est d'autant plus important qu'un grand nombre de territoires ultramarins traversent actuellement une crise aiguë. Ainsi, le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi, à Mayotte, a entraîné des dégâts chiffrés à 3,4 milliards d'euros sur les infrastructures, accompagnés de pertes d'activité économique s'élevant à près de 500 millions d'euros. À La Réunion, le cyclone Garance a causé des dégâts d'un montant proche de 850 millions d'euros. En Nouvelle-Calédonie, les émeutes de 2024 ont entraîné des destructions d'un coût supérieur à 2 milliards d'euros.

La crise de la « vie chère » frappe également un grand nombre de nos concitoyens ultramarins, en particulier en Martinique. Selon l'Insee, en 2022, les prix sont plus élevés en outre-mer que dans l'Hexagone : de 15,8 % en Guadeloupe, de 13,7 % en Guyane ou encore de 8,9 % à La Réunion. Cette situation n'est pas viable et engendre des frustrations fortes parmi les populations. L'État peut contribuer à trouver des remèdes face à cette situation, conjointement avec les collectivités. Un projet de loi relatif à ce sujet a d'ailleurs été récemment discuté ici, au Sénat.

Dans ces conditions, le budget proposé pour la mission « Outre-mer » ne permet pas, dans sa version actuelle, de répondre aux enjeux des territoires ultramarins.

Il s'élève à 2,91 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,83 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 5,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Le budget spécifique aux Ultramarins perd ainsi 628 millions d'euros en AE et 183 millions d'euros en CP.

La difficulté principale est la baisse de 340 millions d'euros sur le programme 138 « Emploi outre-mer », qui porte les compensations d'exonérations sociales spécifiques aux outre-mer, dites exonérations « Lodéom ». Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 prévoit en effet, à l'article 9, une réforme de ces exonérations, qui entraîne une baisse de la compensation portée par le programme 138. Ainsi, le barème d'« innovation et croissance » appliqué à certaines entreprises serait supprimé ; le régime spécifique de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin serait aligné sur celui des départements et régions d'outre-mer (Drom) ; enfin, les exonérations prévues sur les rémunérations supérieures à 2 Smic seraient réduites.

Une telle réforme occasionnerait une hausse de 5 % à 8 % de la masse salariale pour les entreprises, pour un coût total évalué à 340 millions d'euros. Dans le contexte qui prévaut actuellement à La Réunion, à Mayotte ou encore dans les Antilles, la réforme est difficilement soutenable pour les entreprises. Nous espérons que les discussions à venir permettront de faire évoluer le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, par voie de conséquence, la budgétisation du programme 138.

Concernant le reste de la mission, mon collègue Georges Patient et moi-même saluons la hausse des dotations aux collectivités territoriales, qui s'élèvent à 453 millions d'euros.

En particulier, le présent projet de loi prévoit une dotation de 200 millions d'euros en AE et de 125 millions d'euros en CP pour Mayotte. Cette dotation est opportune pour financer la reconstruction du territoire et mettre en oeuvre la stratégie quinquennale de refondation, adoptée par notre assemblée au mois de juin dernier.

Par ailleurs, 30 millions d'euros sont destinés à financer la réponse aux dégâts occasionnés par le passage du cyclone Garance à La Réunion au mois de février dernier.

Enfin, ce sont 10 millions d'euros qui sont prévus pour la Nouvelle-Calédonie. Les besoins du territoire calédonien ont été évalués à 110 millions d'euros au total, soit un montant inférieur à la dotation de reconstruction de 200 millions d'euros adoptée en loi de finances initiale pour 2025. Toutefois, les crédits de paiement prévus pour 2025 et 2026 ne sont pas suffisants pour couvrir ces besoins.

Nous déplorons également la baisse des dotations spéciales d'équipement scolaire et de construction et d'équipement des établissements scolaires qui sont versées à Mayotte et à la Guyane - cette dernière perd à elle seule 43 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP à ce titre.

Par ailleurs, la dotation du fonds de secours outre-mer est largement rehaussée, ce que nous saluons : elle passe de 10 millions à 17 millions d'euros, en partie pour répondre aux besoins des producteurs réunionnais de canne à sucre, qui ont largement souffert du passage du cyclone Garance. Le fonds de secours outre-mer est d'ailleurs réformé, puisque sa part consacrée aux collectivités relèvera désormais de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques.

Concernant les contrats de convergence et de transformation (CCT), que nous avons évoqués ensemble au mois d'octobre par un rapport de contrôle, nous saluons la hausse de 90 millions d'euros des CP qui leur sont alloués. Nous notons toutefois qu'à la troisième des quatre années de contractualisation seuls 46 % des montants contractualisés auront été engagés. Une renégociation des CCT serait d'ailleurs envisagée, ce que nous suivrons avec attention. Nous regrettons en tout cas que l'État ne tienne pas ses engagements, alors que les collectivités et les porteurs de projets se sont investis localement.

Le fonds exceptionnel d'investissement, le fameux FEI, perd quant à lui 31 millions d'euros, dans une optique de redressement des comptes publics. Ce sont autant de projets d'investissements locaux nécessaires à la population qui ne pourront être réalisés.

J'en viens maintenant aux crédits dédiés à la politique de continuité territoriale, qui augmentent de 2,5 millions d'euros, ce que nous saluons. Nous notons toutefois que les dispositifs de mobilité votés en loi de finances initiale pour 2024 n'ont toujours pas été mis en oeuvre, faute de publication du texte d'application. Les crédits prévus pourraient ne pas suffire à répondre à l'ensemble des demandes. Par ailleurs, les moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) sont rabotés de 2,5 millions d'euros et surtout de 5 emplois, alors que la situation financière de l'agence est déjà fragile, celle-ci ne parvenant pas à répondre à l'ensemble des demandes de subvention qui lui sont adressées.

Je relève par ailleurs, comme chaque année, que la dotation de continuité territoriale de la Corse est de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois supérieur à celui dont bénéficient les 2,8 millions d'Ultramarins.

Enfin, la ligne budgétaire unique (LBU), qui finance le logement social outre-mer, est diminuée de près de 5 millions d'euros en AE, mais augmentée d'un montant équivalent en CP, ce qui permettra de couvrir une partie des engagements passés.

L'objectif de la LBU est de financer la production de logements sociaux et la résorption de l'habitat indigne ainsi que de venir en aide aux ménages modestes qui doivent mener des travaux de réhabilitation de leur habitation. En particulier, la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de 2017 avait prévu un objectif de construction de 150 000 logements d'ici à 2027, dont 130 000 logements financés par l'État. Or, en 2024, seuls 80 000 nouveaux logements ont été construits, soit 61 % de la cible. Les efforts en faveur du logement social en outre-mer doivent donc être poursuivis.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et la métropole.

Sur les deux programmes de la mission, lesdites dépenses fiscales devraient s'établir, en 2026, à 4,7 milliards d'euros, soit presque deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission « Outre-mer ». Entre 2025 et 2026, elles enregistrent une hausse de 3,2 %. Cette hausse est sensiblement identique à celle qui fut constatée entre 2024 et 2025.

Nous saluons cette évolution, les outils fiscaux étant indispensables pour permettre le développement économique des territoires ultramarins, ainsi que pour compenser les déséquilibres avec l'Hexagone concernant notamment les prix des biens. Nous suivrons d'ailleurs avec attention les modifications qui pourraient être apportées par le présent projet de loi de finances au régime d'exonérations fiscales dont bénéficient notamment les collectivités ultramarines.

De surcroît, en complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général. Le montant total des contributions budgétaires afférentes s'élève ainsi à 21,9 milliards d'euros. Si l'on exclut la diminution des crédits budgétaires du programme « Service public de l'énergie », qui est compensée par une affectation de taxe, l'effort de l'État ne baisse que de 1,5 % par rapport à 2025.

Cette baisse est essentiellement due à la diminution des crédits de la mission « Outre-mer », dont nous venons de parler, et, dans une moindre mesure, à celle des crédits de la mission « Écologie ».

En particulier, les crédits du fonds vert, dont bénéficient les territoires ultramarins, suscitent des interrogations. Il s'agit d'un financement sur projet, qui est largement utilisé en outre-mer : ainsi, en 2024, 309 dossiers avaient été déposés, pour un montant total de plus de 87 millions d'euros de subventions en AE. À cet égard, la baisse annoncée des crédits abondant le fonds vert est regrettable, alors que les territoires ultramarins sont soumis à des contraintes particulièrement fortes d'adaptation au réchauffement climatique.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous sommes très opposés à la réforme des exonérations sociales dites « Lodéom », qui affecte les crédits de la mission. Toutefois, comme cette réforme relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et non du présent projet de loi de finances, nous nous en remettons à l'avis de la commission concernant l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Je me permets néanmoins cette dernière précision : compte tenu de la baisse globale et significative des crédits, Georges Patient et moi-même, rapporteurs spéciaux, ne pourrons pas les voter en l'état.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». - Comme beaucoup d'autres, la mission « Outre-mer » voit ses crédits diminuer pour 2026 dans le contexte du nécessaire redressement de nos finances publiques. Contrairement à mes collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances, j'ai néanmoins décidé de soutenir ce budget, et je proposerai à la commission des affaires économiques d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

En effet, plus qu'au niveau de la dépense, je m'intéresse à son adaptation aux enjeux. À cet égard, j'attends beaucoup de la mise en application, l'année prochaine, du troisième plan Logement outre-mer et de sa logique territorialisée.

Je souhaite mettre l'accent sur la question normative, que la délégation sénatoriale aux outre-mer connaît bien. Les acteurs du logement nous parlent certes de la LBU et des dispositifs fiscaux, mais ils évoquent aussi les normes d'urbanisme et de construction, ainsi que les normes environnementales, qu'elles soient européennes ou françaises. Oui, nous avons besoin de normes, mais celles-ci doivent s'adapter à l'environnement auquel elles s'appliquent et à l'urgence des situations à traiter.

L'idée d'un marquage « régions ultrapériphériques » dérogeant au marquage « CE » dans le domaine de la construction a connu de récentes avancées, mais doit encore trouver une concrétisation à des échelles plus globales pour aboutir, le cas échéant, à une baisse des coûts de construction des logements. Je compte sur le Gouvernement pour appuyer, en la matière, la démarche de la délégation aux outre-mer au sein de l'Union européenne.

Du reste, un autre sujet me paraît primordial s'agissant de compenser le manque d'investissement dans nos territoires ultramarins, à savoir la trop faible mobilisation des crédits européens ; nous devons approfondir cette piste.

À titre purement personnel, je souhaite appeler l'attention de nos collègues sur l'impact que pourrait avoir la modification des exonérations de charges patronales spécifiques à Saint-Barthélemy sur le budget global. Il faut savoir que ces exonérations tiennent compte du coût des loyers à Saint-Barthélemy, seule collectivité d'outre-mer à ne percevoir aucune dotation globale de compensation, puisqu'elle verse chaque année à l'État une dotation négative de 3 millions d'euros. Le taux de chômage y est en outre de 1,9 % : cette collectivité fonctionne bien. En voulant faire 15 millions d'euros d'économies, on risque de la faire basculer dans la dynamique qui est celle des autres territoires ultramarins.

J'appelle donc la commission à la plus grande prudence à propos de ce dispositif.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'espère que ma crainte ne se justifiera pas, mais j'ai le sentiment que le point de tension que l'on observe pour ces crédits, entre le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), constitue un mauvais signe pour ce qui risque d'arriver à l'échelle de tout le pays. D'après les remarques du rapporteur spécial, ce point de tension semble avoir une incidence sur son avis.

Je souhaite que les crédits soient adoptés. Cependant, il nous faut être vigilants, sans quoi plus personne n'y comprendra rien, qu'il s'agisse des habitants, des médias ou de nos collègues. Nous ferons ce qu'il faut pour prendre en compte les demandes présentées par les deux rapporteurs spéciaux. Dans le climat actuel, tout à fait inédit sous la Ve République, nous devons veiller à ce que le sérieux budgétaire puisse être compris et observé depuis l'extérieur.

M. Thierry Cozic. - Nos collègues élus d'outre-mer éprouvent une grande inquiétude, voire de la colère, devant ce budget, dont certains annoncent qu'il serait « cataclysmique » s'il était adopté en l'état.

Étranglés budgétairement, les outre-mer pourraient perdre près de 628 millions d'euros en AE, soit 18 % de leur budget, qui repasserait sous la barre des 3 milliards d'euros. Selon le bleu budgétaire, la programmation est plus sombre encore puisque la baisse des autorisations d'engagement dévolues à ces territoires atteindrait 24 % d'ici à 2028 par rapport à 2025. Si rien n'est fait pour enrayer cette logique mortifère, ce budget retrouverait son niveau d'il y a cinq ans d'ici à trois ans, ce qui signifierait huit ans perdus !

Le Gouvernement présente un budget indigent, rognant de 10 % les aides au logement et de 23 % en AE les crédits alloués aux collectivités locales et à l'aménagement du territoire, et divisant par deux le montant du FEI, qui finance les projets structurants.

Par ailleurs, il faut ajouter à ces baisses les 300 millions d'euros d'économies pour 2028 obtenus avec la réforme des dispositifs de défiscalisation, prévue par l'article 7 du PLF, et la réforme du dispositif d'exonération des charges sociales et des allégements généraux, inscrite à l'article 9 du PLFSS, qui impacte le programme 138.

En l'état, nous ne voterons pas les crédits de la mission.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur spécial. - Georges Patient et moi nous en remettons à l'avis de la commission, mais nous voterons contre l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je propose de voter favorablement, sachant que certains points doivent être améliorés.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Outre-mer ».

La réunion est close à 18 h 20.

Mercredi 5 novembre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de finances pour 2026 - Examen des principaux éléments de l'équilibre - Tome I du rapport général

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2026.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous présente ce matin mon analyse des prévisions macroéconomiques et de l'équilibre général du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Je précise en préambule que mon exposé se fonde uniquement sur le texte initial déposé par le Gouvernement. Comme l'an dernier, l'Assemblée nationale n'a toujours pas terminé l'examen de la première partie du texte. Mais, cette fois, il est possible qu'elle adopte au moins la première partie du PLF, ou qu'elle n'en finisse même pas l'examen, de sorte que le Sénat pourrait avoir à se prononcer sur les mesures fiscales adoptées par l'Assemblée nationale. Vous avez suivi le feuilleton de ces mesures. Pour moi, c'est un peu comme si on jouait à la roulette russe avec chaque article du code général des impôts en attendant de voir où tout cela nous mène - en tout cas, pas sur les chemins de la stabilité ni du redressement des comptes publics.

Toujours est-il que les votes de l'Assemblée, mais aussi les engagements du Gouvernement, tant en dépenses qu'en recettes, n'ont à ce stade plus rien à voir avec le texte initial du PLF, ce qui, sur certains points, pourra avoir des conséquences sur l'exposé que je vais vous présenter.

Ce qui me paraît le plus marquant dans le projet de loi de finances initial qui nous est proposé, c'est que le Gouvernement effectue un pari sur la « levée des incertitudes ». Or, ce n'est pas en faisant des paris que l'on reprend son destin en main.

Que la prévision de croissance soit trop optimiste ne vous étonnera guère : le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) l'a déjà noté ; nous y sommes malheureusement habitués. Mais je crois important de souligner que, même en retenant les hypothèses favorables du Gouvernement, la croissance française, de 1 %, demeurerait inférieure de 0,5 point à la moyenne de la zone euro, et de 0,2 à 0,7 point à l'Allemagne. Notre grand voisin a traversé une crise passagère après la pandémie de covid-19, mais il pourrait rapidement nous distancer grâce à l'impact de ses plans d'investissement dans les infrastructures - 40 milliards d'euros par an pendant douze ans - et dans la défense. L'Allemagne dispose en effet de marges de manoeuvre que nous n'avons plus...

Je voudrais revenir rapidement sur l'estimation de l'effet de l'incertitude nationale sur le PIB, qui nous coûterait 0,3 point, c'est-à-dire 9 milliards d'euros en 2026. Les analystes sont formels : le simple fait d'adopter un budget ne dissipera pas toutes les incertitudes sur la politique économique. Du reste, il suffit de suivre les débats à l'Assemblée ou d'écouter nos ministres, qui juraient que jamais, au grand jamais, la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés (IS) sur les grandes entreprises ne serait prorogée au-delà de 2025... Qui, par ailleurs, est capable de nous dire quel est l'objectif de solde public du Gouvernement aujourd'hui ? Un gouvernement dont je rappelle qu'il est censé déterminer et conduire la politique de la Nation.

C'est pourquoi je crois que ce coût de l'incertitude ne doit pas nous conduire à accepter n'importe quoi, et surtout à voter un budget pour le simple principe de voter un budget. D'autant que les incertitudes à l'échelle mondiale restent fortes, plus fortes encore que pendant la crise du covid-19. Certes, la politique commerciale des États-Unis a eu un moindre impact que prévu à ce jour, mais nous assistons à un risque de report des exportations chinoises vers l'Union européenne, qui pourrait porter préjudice à certaines de nos filières en cas d'escalade commerciale supplémentaire.

Sur le plan interne, l'optimisme du Gouvernement frise la méthode Coué, notamment s'agissant de l'investissement des entreprises : ses hypothèses sont supérieures de deux points au consensus des économistes. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit même une baisse et non une hausse !

Autre sujet sur lequel le Gouvernement se montre optimiste : il prévoit une baisse de l'épargne, qui passerait de 18,4 % du revenu disponible brut à 17,8 %, par la vertu d'une sortie de crise. Nous pronostiquions déjà cela l'année dernière et les années précédentes, mais l'épargne n'a fait qu'augmenter. Notre niveau d'épargne financière a dépassé celui, traditionnellement très élevé, de l'Allemagne - c'est dire à quel point les Français sont devenus prudents.

Par ailleurs, deux tiers de la hausse de l'épargne proviendraient des seuls retraités, ce qui remet en cause la « théorie du cycle de vie », qui voulait que les jeunes s'endettent, les générations intermédiaires épargnent et les personnes âgées désépargnent.

Au-delà de ce tableau conjoncturel, il est inquiétant de constater que les fondamentaux de notre économie ne permettent pas d'espérer un redressement facile de nos comptes publics.

Un fait stylisé désormais bien connu depuis le rapport Draghi est le décrochage de l'Europe avec les États-Unis. On peut trouver toutes les circonstances atténuantes que l'on veut : ce décrochage ne date pas d'hier, il a commencé en 2005. Nous étions presque à la parité en revenu par habitant il y a vingt ans ; nous serons bientôt deux fois moins riches...

En matière d'emploi, je voudrais faire pièce à un mythe tenace : non, le taux de chômage n'a pas diminué plus vite en France que dans le reste de la zone euro depuis 2017 - c'est même plutôt l'inverse. Surtout, l'amélioration a été achetée en France à crédit, par de l'argent public et de manière non financée, ce que l'on constate aujourd'hui. Il en résulte que les créations d'emplois n'ont pas soulagé nos comptes publics à la hauteur de ce que nous aurions espéré.

Ces perspectives peuvent nous conduire à la paralysie, mais la réalité est que l'endettement nous conduit déjà à une certaine anesthésie. La dynamique de la dette publique est en effet très inquiétante et nous singularise des autres pays comparables sur la période post-covid-19. Cette hausse de l'endettement n'est pas due, comme on a pu nous le dire, à une perfect storm, à un effet « boule de neige » ou à un « pas de bol », mais simplement à l'accumulation de nos déficits passés. Ce sont nos politiques budgétaires et fiscales depuis 2020 qui en sont responsables et, surtout, celles menées depuis 2022, qui nous distinguent de nos partenaires européens.

Bruno Le Maire déclarait au début de l'année 2021 : « Je vais peut-être vous surprendre comme ministre des finances, mais je pense que [nous endetter] est une nécessité en période de taux bas. » Il en a résulté une forte hausse de notre stock de dette. Avec la hausse en cours des taux, l'aubaine se transforme en malédiction : elle entraîne une explosion de la charge de la dette, conséquence de ce recours immodéré à l'emprunt. Nous faisons à présent face à un véritable noeud coulant, avec une charge de la dette, toutes administrations publiques confondues, qui pourrait dépasser les 100 milliards d'euros en 2029 !

De plus, notre stock de dettes nous met à la merci d'un choc de taux : 1 % de hausse sur les obligations assimilables du trésor (OAT) se paie 32 milliards d'euros dix ans plus tard. Or, nos conditions de financement se sont dégradées rapidement : en seulement dix-huit mois, nous empruntons désormais plus cher que le Portugal, la Grèce ou l'Espagne, et notre courbe a désormais croisé celle de l'Italie.

Dans ces conditions, il faut agir dès ce budget, car tous les choix, parfois difficiles, que nous refusons aujourd'hui s'imposeront à nous et seront encore plus difficiles demain. La consolidation s'impose donc aujourd'hui, pour solder les erreurs passées, et davantage pour des raisons économiques que pour respecter les règles budgétaires européennes.

Le Gouvernement a abandonné la notion de tendanciel de hausse spontanée des dépenses, qui exagérait quelque peu les économies réalisées, pour en revenir à la notion plus classique d'effort structurel. L'effort structurel prévu est ainsi de 1 % du PIB potentiel, c'est-à-dire environ 30 milliards d'euros, dont 14 milliards de recettes nouvelles (0,5 % du PIB potentiel) et 17 milliards de modération des dépenses (0,6 % du PIB potentiel). Cela ne vous surprendra pas, cet effort me semble déséquilibré : il devrait porter davantage sur les baisses de dépenses et moins sur les hausses de recettes.

Comme à l'accoutumée, c'est à ce stade l'État qui serait le principal responsable du déficit public en 2026. Selon moi, chaque secteur institutionnel doit être mis à contribution à hauteur de sa responsabilité dans la dégradation de nos comptes publics. Or, ce n'est pas le cas dans ce budget pour 2026, qui prévoit une baisse de dépenses en volume de 1 % pour les administrations publiques locales et de 0,4 % pour les administrations de sécurité sociale, quand ces dépenses en volume augmenteraient de 1,6 % pour les administrations publiques centrales. C'est la raison pour laquelle le Sénat proposera de réduire à 2 milliards d'euros l'effort de redressement des comptes publics à la charge des collectivités territoriales, au lieu des 4 milliards prévus dans le texte initial.

Nous allons à présent examiner comment le contexte macroéconomique et les choix de finances publiques que je vous ai exposés se traduisent dans le projet de budget de l'État soumis au Parlement au travers du projet de loi de finances.

Pour résumer, je reconnais certains des efforts entrepris, mais ils me semblent encore insuffisants.

La dérive des comptes des années passées a laissé la place en 2025 à une réduction du déficit en loi de finances initiale (LFI), à 139 milliards d'euros, qui semble se confirmer en cours d'année à un niveau de 130,5 milliards d'euros, alors même que la prévision de croissance a été revue à la baisse. Non seulement la loi de finances initiale était en amélioration par rapport à 2024, mais son exécution est pour la première fois depuis 2020 meilleure qu'elle n'avait été anticipée. Cela ferait donc 25 milliards d'euros d'amélioration de solde par rapport à 2024.

Le décret d'annulation du 25 avril dernier a certainement joué un rôle dans la modération des dépenses, mais je dois aussi noter que la France a bénéficié d'un remboursement de prêt anticipé par la Grèce, soit une recette inattendue de 1,1 milliard d'euros.

Cette amélioration du déficit en 2025 permet de mettre en perspective l'amélioration de 6,1 milliards d'euros seulement du solde budgétaire prévue pour 2026. À première vue, on croirait que s'opposent un mouvement favorable - l'augmentation des recettes - et un mouvement défavorable - l'accroissement, dans le même temps, des dépenses.

En y regardant de plus près, les recettes non fiscales progressent parce que l'Agence nationale de la recherche (ANR) remboursera en 2026 un montant considérable de dotations qui lui avaient été consenties en 2011 dans le cadre des premiers programmes d'investissement d'avenir (PIA). Je note que, sans cette recette exceptionnelle et ponctuelle de 6,9 milliards d'euros, le déficit budgétaire de l'État ne s'améliorerait pas en 2026 ! Cet effet n'existe qu'en comptabilité budgétaire, car le remboursement d'un prêt ne modifie pas le déficit public.

S'agissant des recettes fiscales, leur augmentation résulte en partie d'effets de périmètre, comme la rebudgétisation de la TVA qui est actuellement affectée aux régions, mais aussi d'une augmentation de la pression fiscale avec une série de mesures sur lesquelles je reviendrai.

Du côté des dépenses, elles augmentent à cause des dépenses contraintes, notamment la charge de la dette et les contributions aux pensions, et des dépenses que je juge indispensables, en particulier l'augmentation des dépenses de défense.

Sur les autres ministères, les crédits diminuent de 1,2 milliard d'euros en valeur, ce qui doit être mis à l'actif de ce projet de loi de finances, même si cette baisse limitée est loin de compenser les hausses.

Il faut aussi mettre à l'actif des gouvernements qui ont préparé ce budget l'amélioration de certaines pratiques budgétaires, avec la fin de la mission « Plan de relance » et la réduction progressive des reports de crédits. Sur ce point et quelques autres, je note avec satisfaction que les recommandations de la commission des finances du Sénat ont été suivies d'effets, ce qui montre qu'il faut parfois savoir faire preuve de persévérance pour être entendu.

La charge de la dette pèsera dès 2026 plus lourd dans le budget de l'État que les dépenses de défense, pourtant en forte croissance également. Elle équivaut à l'addition des crédits ministériels de la recherche et de l'enseignement supérieur, de la police, de la gendarmerie et de la justice.

Le renouvellement des emprunts contractés vers la fin des années 2010, lorsque les taux étaient au plus bas, sera particulièrement coûteux. La diminution du déficit budgétaire est insuffisante pour réduire le besoin d'emprunt parce que la dette existante doit être renouvelée à hauteur de 175 milliards d'euros en 2026. C'est pour cela que la France devra emprunter 310 milliards d'euros en 2026 : pour 1 euro de déficit, nous devrons emprunter 2,5 euros sur les marchés financiers. Le montant annuel des emprunts a ainsi augmenté de 12,4 milliards d'euros entre 2010 et 2019, puis de 50 milliards entre 2020 et 2026 : l'endettement ne se contente pas de croître, il s'accélère.

Il faut donc voir le budget qui nous est soumis comme un premier pas, qui devra être maintenu sur la durée et amplifié si l'on veut parvenir, dans quelques années, à renverser enfin les courbes et permettre à la puissance publique de retrouver des marges de manoeuvre.

Examinons à présent plus en détail les recettes de l'État. Elles font l'objet de nombreuses mesures dans ce projet de loi de finances, comme en témoigne la première partie du PLF, qui, avec 48 articles, est la plus fournie depuis 2006.

L'ensemble des recettes fiscales nettes et des recettes non fiscales dépasse, pour la première fois de l'histoire de notre pays, le seuil de 400 milliards d'euros. C'est un niveau record en valeur absolue, mais aussi en chiffres corrigés de l'inflation. La hausse des recettes fiscales, évaluée à 19,1 milliards d'euros, est liée à d'importantes mesures qui, je le note avec regret, conduisent à accroître la pression fiscale qui pèse sur nos concitoyens et sur nos entreprises.

La surtaxe d'IS sur les grandes entreprises - nous l'avons approuvée l'an dernier à la condition qu'elle disparaisse ensuite - serait prolongée et rapporterait 4 milliards d'euros. La contribution différentielle sur les hauts revenus serait également prorogée, une taxe sur les holdings patrimoniales serait créée, de même qu'une taxe sur les plastiques, une taxe sur les petits colis et un retour de la réforme de la franchise en base de TVA. Enfin, plusieurs « niches fiscales » seraient supprimées ou réduites. Le barème de l'impôt sur le revenu ne serait quant à lui pas indexé, ce qui accroîtrait son produit de près de 2 milliards d'euros. Au total, la méthode est connue : c'est l'outil fiscal qui est utilisé pour obtenir des recettes supplémentaires, dont certaines ont d'ailleurs vocation à disparaître à l'avenir - ou pas...

Je dirai quelques mots sur les grands impôts.

Le produit de l'impôt sur les sociétés reste à un niveau stable. Alors qu'un ministre avait prédit, s'appuyant sur les chiffres fragiles de 2022, que le produit de cet impôt croîtrait toujours plus grâce à la baisse des taux, nous constatons que c'est en fait un impôt très stable en euros constants, si l'on prend en compte dans les années 2010 l'effet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

S'agissant de la TVA, après avoir constaté, année après année, que l'État se défaisait de parts toujours plus importantes de cet impôt, qui est le plus productif et le mieux corrélé à l'activité économique, on relève un changement de direction : avec la fin de l'affectation de TVA aux régions, la part revenant à l'État repasse enfin juste au-dessus de 50 %.

Les autres recettes fiscales regroupent de très nombreuses ressources, dont deux blocs majeurs, les droits de donation et de succession, dont le produit a plus que doublé depuis 2014, et les accises sur l'énergie, c'est-à-dire les anciennes taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN). Le produit de ces dernières est affecté par la diminution tendancielle de la consommation de carburants, mais aussi par le transfert opéré pour financer la péréquation dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental (ZNI).

Les recettes non fiscales, quant à elles, bénéficient principalement de deux recettes temporaires : un versement plus important qu'en 2025 de la part de l'Union européenne, au titre du remboursement partiel du plan de relance, et le versement de l'Agence nationale de la recherche précédemment évoqué.

Les prélèvements sur recettes (PSR) augmentent pour leur part de manière notable. Celui à destination de l'Union européenne est contraint par les dépenses dues en application du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Quant à la hausse des PSR à destination des collectivités territoriales, elle correspond en réalité à des effets de structure - il s'agit en particulier de compenser, pour les régions, la fin de l'affectation de TVA.

Je relève en conclusion que les dépenses du budget général connaissent une évolution modérée, même si le contexte de hausse des taux et de tensions internationales doit conduire à aller plus loin encore dans la maîtrise des dépenses de l'État.

Hors défense, charge de la dette et contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits diminuent de 1,2 milliard d'euros. Cet effort, qu'il convient de saluer, est d'autant plus notable que les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » augmentent de 3 milliards d'euros à cause de la progression des charges de service public liées au prix de l'électricité. Il aura toutefois fallu attendre cinq ans après la crise du covid pour que les dépenses de l'État cessent de connaître des hausses annuelles incontrôlées, comme si l'argent tombait du ciel - cinq ans perdus, dont nous allons subir le contrecoup pendant de nombreuses années.

Les crédits des missions régaliennes - missions « Défense » bien sûr, mais aussi « Sécurités » et « Justice » - sont préservés, ainsi que, en euros courants, les crédits relatifs à l'éducation et à la recherche.

Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » diminuent en raison, notamment, de la réduction de l'enveloppe prévue pour les aides à l'alternance et aux demandeurs d'emploi. La baisse des crédits de la mission « Cohésion des territoires » résulte également des réformes des aides personnelles au logement (APL) et du financement de la rénovation des logements privés.

L'effort devra toutefois être renforcé et pérennisé, car les années récentes de dépenses inconsidérées ne constituent pas une référence pertinente. Je vous propose, dans la droite ligne des travaux menés par le Sénat avant l'été, une comparaison avec la dernière année au cours de laquelle l'objectif de 3 % de déficit a été atteint, à savoir l'année 2019. Cela permet de relativiser les baisses ou la stabilité des crédits affichées sur certaines missions aujourd'hui, car presque toutes conserveront, en 2026, des crédits supérieurs à ceux de 2019. Et je précise qu'il s'agit d'une comparaison en euros constants : les chiffres de 2019 ont été retraités de l'inflation et des modifications de périmètre entre missions.

Cette hausse en volume de la quasi-totalité des missions du budget général traduit un phénomène d'accoutumance à l'extension toujours plus poussée du champ d'intervention de l'État : toute dépense nouvelle, présentée comme temporaire, est rapidement perçue comme normale et définitive. Or, il faut le répéter : l'impératif de maîtrise de la dépense publique devrait le pousser à revenir, hors dépenses prioritaires, au champ qui était le sien en 2019.

Cet effort devra tout particulièrement concerner les politiques portées par les opérateurs de l'État. En effet, les financements publics des opérateurs sont passés de 50,7 milliards d'euros en 2019 à 73,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026, après avoir atteint un maximum de 80,6 milliards d'euros en 2024. Cela nécessite bien entendu une réflexion de fond sur les politiques que doit ou ne doit pas porter l'État, car une simple suppression des opérateurs aurait surtout pour effet de reporter ces charges sur l'État lui-même.

Enfin, les emplois de l'État continuent de croître : les effectifs augmentent de près de 8 500 emplois en 2026, en parfaite contradiction avec l'objectif de la loi de programmation des finances publiques, qui visait une stabilité de l'emploi de l'État et de ses opérateurs sur la période 2023-2027.

Certes, vous avez pu entendre les ministres présenter, lors de leur audition ici même, une diminution des emplois de 3 000 équivalents temps plein (ETP), mais c'était une présentation contestable, voire trompeuse : pour parvenir à ce résultat, le Gouvernement rassemble artificiellement l'État et les caisses de sécurité sociale, tout en omettant les créations d'emploi dans l'éducation nationale. Il est regrettable que le Gouvernement ait recours à de tels expédients de communication alors qu'il est facile de consulter les chiffres dans les documents budgétaires.

Mes chers collègues, ce projet de budget, comme celui qui a été présenté l'an passé, témoigne d'une prise de conscience manifeste de la nécessité de rétablir les finances publiques et prévoit un certain effort sur les dépenses. J'en donne acte au Gouvernement.

Toutefois, je considère que l'effort reste encore insuffisant, et très inférieur à celui qui avait été accompli l'an dernier. Le projet de loi de finances repose en outre sur une quantité excessive de ressources temporaires, il crée trop de nouvelles recettes fiscales et ne présente pas assez de perspectives pour un recentrage de l'État sur ses missions indispensables.

La maîtrise du budget est pourtant la condition de notre liberté d'action. Le Sénat, avec notre commission des finances et ses rapporteurs spéciaux, devra, une nouvelle fois, jouer pleinement son rôle dans le débat. La France a besoin de stabilité et ce n'est pas la copie budgétaire mouvante d'un gouvernement sans boussole qui peut la lui offrir.

M. Vincent Delahaye. - J'aurais préféré que le titre du diaporama mentionne le « déséquilibre » plutôt que « l'équilibre » général...

J'aborderai trois points.

Le premier concerne la composition de la croissance. Quelle est la part de la dépense publique dans le taux de croissance prévu ? À mon sens, la dépense publique entraîne un ralentissement de la croissance de la TVA.

Le deuxième point porte sur les prévisions de recettes, qui me surprennent. Le rapporteur général juge-t-il crédibles les prévisions en matière de TVA ? Idem pour les 9 milliards d'euros de recettes supplémentaires d'impôt sur le revenu. Je m'interroge également sur les 7 milliards d'euros d'apport de l'Agence nationale de la recherche aux recettes de 2026. A-t-elle encore des réserves ? Avons-nous repris la totalité de ses dotations ou seulement une partie ? Si nous n'en avons repris qu'une partie, est-ce suffisant ?

Enfin, troisième point, on note que les efforts portent principalement - en 2025, c'était à 100 % - sur les recettes. Pour ma part, j'estime qu'ils devraient porter à 100 % sur les dépenses. Les administrations publiques centrales prévoient d'augmenter ses dépenses en volume de 1,6 % en 2026, alors que celles des collectivités locales doivent a priori diminuer, et les effectifs de l'État sont en augmentation de 8 500 équivalents temps plein (ETP) : les efforts sont, à ce stade, vraiment insuffisants.

M. Albéric de Montgolfier. - Je partage l'analyse du rapporteur général. On nous parle des déficits de la sécurité sociale et des collectivités, mais l'origine des déficits réside, à plus de 83 %, dans l'accumulation des déficits primaires de l'État, année après année. Réduire ce déficit primaire devrait être le premier objectif.

En tant que rapporteur spécial du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », je sais que le sujet n'est pas de savoir si nous remboursons notre dette, mais si nous sommes capables de payer plus de 100 milliards d'euros d'intérêts à une échéance relativement brève.

J'attire votre attention sur le fait que nous parlons de grandes masses financières : toute modification a un impact considérable. Si les taux augmentent de 0,1 point, cela représente, à terme, 3,2 milliards d'euros. S'ils augmentent de 1 %, c'est plus de 32 milliards d'euros qu'il faudra trouver...

Or les taux risquent de rester à un niveau élevé, et ce pour deux raisons.

D'abord, parce qu'en raison de la dégradation de notre notation nous nous privons d'un certain nombre d'investisseurs : ils n'investiront plus dans la dette française pour des raisons prudentielles.

Ensuite, parce que, à ce niveau de montants financiers, une étincelle peut tout de suite avoir de lourdes conséquences. Souvenez-vous de ce qui s'est passé en Grande-Bretagne et en Italie. Les banquiers que j'ai entendus dans le cadre de mes travaux me disent tous que nous sommes arrivés à de tels niveaux de dette que les taux peuvent, à tout moment, monter à 5 % ou 7 %.

Nous allons donc continuer à payer notre dette durablement plus cher.

M. Marc Laménie. - Avons-nous une idée des conséquences financières, en termes d'endettement, des aides mises en place au moment de la crise du covid-19 ?

Les crédits de la défense sont en augmentation de 6,7 milliards d'euros. Ce secteur est une priorité, et il représente aussi des emplois, directs et indirects. Mais cela n'est pas toujours bien compris par l'opinion publique.

On évoque l'augmentation de l'épargne des ménages : quelles en sont les conséquences ?

M. Christian Bilhac. - On peut résumer ce projet de loi de finances par la formule : « le rabot sanctuarisé. » Le rabot, instrument mythique de Bercy, a été ressorti : excepté la défense, on rabote tout ! Ce budget aurait pu être fait par un élève de CM1 avec une petite calculette.

Et pourtant les Français se plaignent : du secteur de la santé, qui est dans un état catastrophique ; de la sécurité, qui est une de leurs préoccupations principales ; du système éducatif, qui dégringole dans le classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les maires se plaignent de ne rien pouvoir faire, d'être freinés, bloqués, par l'administration. On entend le même discours chez les agriculteurs et les chefs d'entreprise. Récemment, lors de la visite d'une cave coopérative, on m'a expliqué qu'entre l'adoption du projet en conseil d'administration et l'inauguration, il s'était passé neuf ans !

Et on ne fait rien pour remédier à cette situation. On conserve tous nos opérateurs, une administration pléthorique, des doublons, des triplons, des quadruplons dans tous les domaines !

Le rapporteur général nous dit que la suppression des opérateurs conduirait à aggraver la charge qui pèse sur le reste du secteur public ; je n'en suis pas certain.

Prenons l'exemple du logement. Si l'on supprimait l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et tous les « machins » qui gravitent autour du ministère du logement, leurs crédits pourraient être gérés par les départements, peut-être en recrutant des personnels supplémentaires, mais qui ne seraient pas aussi nombreux que les effectifs de tous ces organismes.

Autre exemple, les Ehpad, qui sont sous le double contrôle du conseil départemental et de l'agence régionale de santé (ARS). Pourquoi ce double contrôle, qui fait perdre un temps considérable aux directeurs de ces établissements ?

Des économies peuvent être faites sur le budget de l'État. Les frais de structure, les frais administratifs, sont les seuls à n'être jamais rabotés, ils sont intouchables : on rabote donc toujours l'opérationnel.

Enfin, je souhaiterais savoir si les 401 milliards d'euros de recettes fiscales incluent la totalité de la TVA, ou seulement la moitié ?

M. Grégory Blanc. - Il est inquiétant d'entamer la discussion du budget en partant d'une prévision de croissance de 1,4 %, qui est loin, à la fois, du consensus des économistes et des constats du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cela signifie qu'il va falloir trouver des marges de manoeuvre dans la discussion budgétaire pour respecter la trajectoire que le pays s'est fixée.

En dehors des dépenses pour la dette et la défense, il n'y a rien dans ce budget qui permette de préparer l'avenir, notamment en relançant la demande. Le rendement des impôts liés à la consommation est en baisse ; je pense notamment à l'ex-TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). S'agissant de la TVA, des interrogations demeurent.

Des impôts créés l'année dernière et prétendument temporaires sont reconduits. Nous aurait-on menti ? Ce qui était temporaire a-t-il vocation à devenir permanent ? Concernant la surtaxe « Barnier » d'impôt sur les sociétés, faudrait-il repenser le système de manière plus permanente au regard de la baisse des impôts assis sur la consommation ? Il en est de même pour la contribution différentielle sur les hauts revenus : faut-il envisager les choses dans une trajectoire plus large ?

Par ailleurs, rien dans ce budget ne vise à encourager la désépargne, pour relancer la consommation et, partant, la TVA. Comment abordons-nous ce sujet ?

Enfin, je m'associe aux propos de Christian Bilhac sur les collectivités. Celles-ci vont supporter près de la moitié des économies attendues. Le Sénat peut-il considérer cela comme normal, alors même que les transferts de charges continuent ? Je songe aux polices municipales, pour lesquelles un projet de loi nous sera bientôt soumis, ou aux charges sociales assumées par les départements.

M. Thierry Cozic. - Ce projet de loi de finances, qui traduit un budget d'austérité, est un texte de souffrance pour les Français : il cherche dans la poche de ceux qui n'ont pas créé de problème des solutions qui ne fonctionnent pas.

L'effort de consolidation budgétaire qui est demandé est estimé à une trentaine de milliards d'euros : 17 milliards d'euros de baisse de dépenses et 14 milliards d'euros de hausse de recettes, dans une période de croissance atone - celle-ci devrait être de 0,7 % selon l'OFCE. Nous savons que l'austérité freine la croissance. Vouloir corriger le déficit par la baisse des dépenses publiques a donc un effet récessif deux fois plus fort que si cela était fait par une hausse de la fiscalité.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? C'est le résultat de huit ans de macronisme : nous avons là les fruits de la politique de l'offre. Les 60 milliards de recettes manquantes chaque année représentent un déficit record hors période de crise. Les dividendes et les rachats d'actions explosent, et le nombre de milliardaires s'accroît fortement. Dans le même temps, le nombre de défaillances d'entreprises est de 68 000 et le taux de chômage repart à la hausse.

L'austérité n'est acceptable que si l'effort est justement réparti, en fonction des capacités contributives de chacun. En l'état, ce projet de loi de finances n'est satisfaisant pour personne, car il pénalise ceux qui n'ont pas contribué à la crise des finances publiques.

Nous avons appris que la majorité sénatoriale voulait effacer l'ensemble des recettes fiscales votées à l'Assemblée nationale, lesquelles permettent aux classes moyennes et populaires de se délester un peu du fardeau imposé par le budget Lecornu. Mes chers collègues, vous voulez laver plus blanc que blanc !

Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que nous ne toucherions pas aux recettes. Dans le même temps, vous annoncez que l'effort sur les collectivités sera diminué à hauteur de 2 milliards d'euros. L'an dernier, j'avais émis des réserves sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), que j'estimais mal calibré. Aujourd'hui, le Gouvernement l'utilise au détriment des collectivités. À l'avenir, elles seront ponctionnées sans aucune certitude de retour. Comment, sans recettes nouvelles, comptez-vous diminuer l'effort demandé aux collectivités et équilibrer le budget ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je partage l'ensemble des observations du rapporteur général.

On entend dire que l'importance du taux d'épargne des retraités montrerait que le niveau des pensions est trop élevé en France. À ma connaissance, il n'existe pas de statistiques sur le taux d'épargne des retraités, mais seulement des statistiques d'épargne par âge. Les 60-69 ans, dont beaucoup sont retraités, ont un taux d'épargne identique à celui des 50-59 ans, et on observe que le taux d'épargne des plus de 70 ans augmente.

Toutefois, je voudrais attirer l'attention sur le fait que les plus de 70 ans ne sont pas une catégorie homogène. Ainsi, il faut différencier ceux qui sont locataires et ceux qui sont propriétaires de leur logement, voire qui disposent d'un patrimoine financier ou immobilier important. Le niveau des prix de l'immobilier serait une explication aussi plausible, si ce n'est davantage, que celle du niveau des pensions pour expliquer le niveau du taux d'épargne des retraités.

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous abordons un exercice budgétaire qui sera particulièrement compliqué cette année. Il le sera pour les raisons financières rappelées par le rapporteur général, mais aussi pour des raisons politiques. C'est sans doute un projet de budget mal né, dans un contexte d'incertitude et de volatilité, en particulier à l'Assemblée nationale.

Nous sommes face à un dilemme. D'un côté, nous ressentons la nécessité, le besoin, l'envie de corriger, et de corriger fortement, le budget, tout en sachant que les réformes prennent du temps et qu'elles interviendront plutôt après l'élection présidentielle. De l'autre, nous souhaitons que les apports du Sénat demeurent dans le texte final. Car il faut garder à l'esprit que la commission mixte paritaire pourrait être conclusive.

Monsieur le rapporteur général, en ce qui concerne l'exécution 2025, vous faites le pari que nous tiendrons bien les 5,4 % de déficit. Il devrait y avoir un acquis de croissance : quel en sera l'impact ?

Nous entendons beaucoup de choses sur le coût de l'incertitude. Pour que nous puissions évaluer la situation - faut-il un compromis et quel en sera le prix ? -, il serait bon que vous puissiez nous éclairer.

Je m'interroge également sur le chiffrage des mesures votées à l'Assemblée nationale. Certaines doivent inévitablement, me semble-t-il, être corrigées. Pourrons-nous parvenir à une forme d'équilibre ?

Enfin, nous savons que c'est rarement au stade du projet de loi de finances que l'on peut baisser les dépenses ; cela se fait en amont. Quelle est donc, selon vous, l'élasticité en matière de dépenses ?

M. Emmanuel Capus. - Monsieur le rapporteur général, votre travail sur le projet de loi de finances présente un intérêt tout particulier cette année. En effet, si la commission mixte paritaire n'était pas conclusive, c'est bien le budget qui nous a été présenté que le Gouvernement promulguerait par voie d'ordonnance.

Cependant, ce n'est pas la version que nous devrions examiner en séance, puisque le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé qu'il souhaitait transmettre la version amendée. Votre rapport porte sur le budget initial. Au stade où nous en sommes, la discussion étant presque terminée à l'Assemblée nationale sur la première partie, comment imaginez-vous « l'atterrissage » du budget, à la suite de la frénésie d'amendements fiscaux du Rassemblement national et de la gauche à l'Assemblée nationale ?

Je relève l'augmentation très importante du nombre d'ETP - 5 400 - à l'éducation nationale. Il me semblait que le baby-boom de l'an 2000 était passé, et que le nombre d'élèves scolarisés était en baisse. Qu'est-ce qui justifie une telle hausse ?

M. Michel Canévet. - Alors que les chefs d'entreprise mettent sur pause leurs investissements et que le contexte est très anxiogène, une croissance de l'ordre de 1 % est-elle réaliste ?

Il est étonnant d'envisager que l'apport des administrations de sécurité sociale au PIB puisse être positif en 2026. On peut en effet s'attendre à ce que le déficit soit au moins aussi important que celui de cette année. Cette contribution de 0,1 % est-elle plausible ?

Mme Ghislaine Senée. - Les débats, notamment à l'Assemblée nationale, montrent une véritable contradiction. On ne parle que de dette et de charge de la dette, mais on refuse la taxe Zucman, et donc la taxation des ultra-riches, et on annonce le gel de la réforme des retraites. Dans l'esprit des Français, cela se résume par toujours moins de recettes et toujours plus de dépenses...

Monsieur le rapporteur général, j'ai noté votre volonté de limiter la contribution des collectivités à 2 milliards d'euros. Pour sa part, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) évoque une amputation de 7,6 milliards d'euros. Nous sommes tout à fait favorables à votre proposition, mais comment comptez-vous parvenir à ce résultat ?

M. Pascal Savoldelli. - Des comparaisons sont faites avec les années passées, mais tous les budgets précédents avaient bien été adoptés. On ne peut pas s'exonérer des choix qui ont été faits, même s'il est normal que la commission des finances ne mette pas en exergue le fait que le Sénat ait voté les budgets Attal, Barnier et Bayrou... Nous évoquerons lors des débats les responsabilités des uns et des autres.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'exercice budgétaire, qui n'est déjà pas simple, est rendu encore plus complexe par le fait qu'il faut essayer d'anticiper toutes les situations. Nous préparons donc les arbitrages sur une deuxième version, amendée, du budget - sera-t-elle le fruit des votes actuels ou y aura-t-il une seconde délibération ? Il faut faire intervenir des constitutionnalistes ; au paradis de l'invention, nous n'avons pas encore tout vu !

Monsieur Delahaye, vous avez ressorti le marronnier du « déséquilibre » général !

En ce qui concerne la croissance, je pense qu'elle est un peu surestimée. Nous avons eu une bonne surprise au troisième trimestre de cette année : la croissance a été dopée par trois secteurs d'activité, que sont la défense nationale, l'aéronautique et la santé. Mais là nous n'envisageons que 1 %, ce qui n'est tout de même pas énorme...

J'entends ceux qui estiment que l'augmentation des recettes fiscales permet d'augmenter la croissance. Lors d'une table ronde avec des économistes, j'ai fait remarquer que, les années passées, nous aurions dû avoir une très forte croissance vu les dépenses publiques très importantes mobilisées au bénéfice des Français... Il faut plutôt faire le pari d'une croissance qui repose sur les moteurs de l'économie que sont les acteurs économiques : la première entreprise de France - l'artisanat -, les TPE, les PME, les ETI et l'agriculture. C'est ainsi que la vie économique se développe dans les territoires.

Par conséquent, le Gouvernement et les entreprises auraient intérêt à nouer un nouveau pacte de confiance et de croissance. Si l'on donnait un coup d'accélérateur en s'appuyant sur les grands secteurs que je viens d'évoquer, la croissance serait plus forte dans les territoires, car l'industrie n'est pas dans les villes. Tel est le pari qu'il faut aujourd'hui relever, en faisant preuve d'imagination et d'audace.

S'agissant des prévisions de recettes de TVA et d'impôt sur le revenu, je n'ai pas de raison de remettre en cause les chiffres qui nous ont été communiqués.

En ce qui concerne l'ANR, il reste 11 milliards d'euros de dotations, qui seront normalement conservées par certains opérateurs qui continuent à utiliser les intérêts.

Sur les effectifs, les efforts sont insuffisants. Concernant l'éducation nationale, le nombre d'enfants scolarisés baisse considérablement, et cette tendance va s'accentuer à la rentrée de 2026. En effet, on a constaté un décrochage du nombre des naissances en 2023 : ces enfants doivent entrer à la maternelle en 2026.

Monsieur de Montgolfier, nous sommes parfaitement d'accord sur le risque d'accident de crédit. Il faut faire attention, car il y a là un enjeu de souveraineté. Le rapport que vous nous aviez présenté montrait qu'il ne faut pas forcément s'inquiéter outre mesure que les investisseurs étrangers achètent de la dette : paradoxalement, c'est un signe de confiance.

Monsieur Laménie, s'agissant du niveau important du taux d'épargne, plusieurs raisons peuvent être avancées. L'inflation a permis une épargne de précaution, et on constate que ce sont bien sûr les ménages les plus aisés qui ont tendance à épargner davantage. On assiste également à une remise en cause de la théorie du cycle de vie, qui voudrait que les plus âgés d'entre nous désépargnent.

Il faut effectivement trouver des dispositifs pour mobiliser cette épargne. Je suis frappé de voir à quel point les personnes âgées pensent avant tout à leurs petits-enfants, c'est-à-dire aux jeunes générations. Sur ce point, nous avons certainement des choses à imaginer.

Monsieur Bilhac, je ne partage pas votre avis sur le rabot pour des raisons factuelles, mais nous sommes en revanche d'accord sur un point : il n'y a pas le début du commencement d'un mouvement de simplification. C'est un véritable sujet sur lequel je vous invite à prendre des initiatives.

Nous allons, pour notre part, essayer d'aider le Gouvernement à lutter contre l'empilement des normes et des contraintes qui ralentissent les procédures et augmentent les coûts. Je citerai deux exemples : Notre-Dame de Paris et les jeux Olympiques. Grâce à des dispositions singulières, nous avons pu agir beaucoup plus rapidement, avec efficacité et en tenant les budgets. Il faut en tirer des enseignements : nous ne l'avions pas fait après la pandémie de covid-19, et nous avons laissé repartir la folle machine... Je confirme que les annonces de la ministre Amélie de Montchalin sur ce sujet ne sont, pour l'instant, suivies d'aucun effet.

Pour répondre à la question précise que vous m'aviez posée, je vous indique que la part de TVA affectée à l'État représente 51 %, contre 46 % l'an passé.

Monsieur Grégory Blanc, vous avez fait une erreur : la prévision de croissance est de 1 %, et non de 1,4 %, qui correspond au taux d'inflation sous-jacente. Normalement, les chiffres qui nous sont transmis concernant les impôts sur la consommation comme la TVA s'avèrent plutôt exacts.

Monsieur Cozic, vous avez évoqué les éléments de langage qui vont vous guider pendant l'examen du projet de loi de finances en séance publique : « austérité », « souffrance »... Nous sommes en désaccord sur le lien entre croissance économique et dépense publique. Je le répète, quand on voit le niveau de croissance obtenu après une telle débauche d'argent public ces dernières années, on peut se dire qu'il y a peut-être d'autres chemins à emprunter... C'est le message que nombre de Français nous envoient.

Concernant les efforts, nous allons avoir le débat budgétaire. Nous parlons là du tome I du rapport général, gardons-en un peu pour la suite !

Madame Carrère-Gée, en ce qui concerne le taux d'épargne des retraités, les statistiques ont un mérite : celui de donner des ordres de grandeur. Il faut cibler les mesures ; nous regrettons de ne pas l'avoir fait lors de la crise sanitaire. Nous évoquons le sujet de la surépargne depuis plusieurs années. Si de grands théoriciens, qui sont d'ailleurs à la tête des banques, nous expliquent que ce n'est pas le cas, que toute l'épargne est mobilisée, il me semble au contraire que nous pouvons peut-être mieux la mobiliser, afin qu'elle crée davantage de richesses.

Monsieur Capo-Canellas, vous avez parlé d'un projet de loi de finances « mal né ». Comment les choses vont-elles maintenant se passer ? Si vous m'aviez posé la question la semaine dernière, je vous aurais peut-être fait une réponse différente de celle que je vais faire aujourd'hui ou que je ferai demain, car il s'est passé bien des choses incongrues en huit jours à l'Assemblée nationale... Je ne suis pas certain que nous soyons au bout de nos surprises.

Nous allons essayer de produire une copie qui soit dans la lignée des travaux habituels du Sénat : je pense notamment à notre volonté de baisser le niveau des dépenses publiques.

C'est l'Assemblée nationale qui donne le « la », avec le Gouvernement, qui « détermine et conduit la politique de la Nation ». Le Premier ministre étant nommé par le Président de la République, il a déposé le projet de loi de finances plus qu'il ne l'a proposé. Je vois davantage de changements de pied que des lignes directrices. Il est tout de même plus facile de travailler lorsque le cadre ne bouge pas que lorsqu'on ne cesse de le modifier, tout en ajoutant des touches de peinture ici ou là...

J'en viens aux questions sur l'exécution du budget 2025. Je pense que l'objectif de déficit public de 5,4 % du PIB a toutes les chances d'être tenu, au prix, d'une part, des gels et surgels mis en place par le Gouvernement et, d'autre part, d'un non-respect partiel de la copie votée par le Parlement en commission mixte paritaire. Cela doit donc nous inciter à faire preuve de vigilance.

Comme il nous est difficile de chiffrer les mesures votées à l'Assemblée nationale, je reprends les montants avancés par le Gouvernement. Il semblerait que, à ce stade, ces mesures soient évaluées à 36 milliards d'euros.

Nous proposerons des baisses de dépenses, et je note, mes chers collègues, que vous vous employez à le faire sur vos missions, avec plus ou moins de réussite. Ce n'est jamais facile, mais il faut prendre du muscle pour gagner en performance. Les chiffres de la croissance, de la dette et du commerce extérieur montrent que la France n'est pas vraiment la première de la classe en Europe.

Monsieur Savoldelli, vous avez indiqué la ligne qui serait la vôtre durant la discussion du budget.

Monsieur Canévet, la croissance de 1 % est-elle atteignable ? Par rapport aux prévisions, elle est fixée à un niveau un peu élevé, mais il faut toujours faire preuve d'ambition. Je souhaite que nous ayons de bonnes surprises, à l'instar de ce qui s'est passé au troisième trimestre de cette année.

La croissance doit être portée par les acteurs économiques. Il faut travailler davantage pour gagner davantage, avec plus de personnes en activité. Entre les générations qui prennent leur retraite aujourd'hui et celles qui entrent dans la vie active, il y a un différentiel d'au moins 100 000 unités. Or il existe 500 000 emplois non pourvus. Nous marchons sur la tête !

Madame Senée, vous avez mis en exergue la taxe Zucman et la suspension de la réforme des retraites. Heureusement, il n'y a pas que cela ! Je ne fais pas partie de ceux qui opposent une génération à une autre. Il faut plutôt essayer de faire converger les points de vue.

J'évoquerai rapidement le sujet des retraites. J'ai entendu, lors du débat sur la réforme des retraites, que, entre 62 et 64 ans, c'était les plus belles années de la vie. Comme j'ai dépassé cet âge, cela m'attriste, mais je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir contribué à rendre ces deux années particulièrement agréables !

Les collectivités doivent faire un effort de 4,6 milliards d'euros dans la copie du Gouvernement. La situation est la même que l'an dernier, lorsqu'on nous avait annoncé un effort de 5 milliards d'euros sans tenir compte d'un certain nombre d'autres paramètres : indices, revalorisation des salaires, Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Nous proposons un effort de de 2 milliards d'euros - et il serait bon que le Sénat le fasse de manière unanime.

Si l'on considère l'évolution de la dette entre 2019 et 2026, sur 40 euros d'augmentation, les collectivités pèsent pour 1,1 euro. Je propose donc au Gouvernement de s'occuper en priorité des 38,90 euros restants. Quant à nous, nous ferons notre part du travail. Ce ne sera pas facile, mais nous y arriverons. Nous proposerons d'autres solutions, y compris par rapport au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) que nous avions imaginé.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur général.

Organisation des travaux de la commission

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, je souhaite vous donner quelques informations sur notre agenda et le calendrier budgétaire que je présenterai cet après-midi en Conférence des présidents.

Dans la mesure où la première partie ne sera pas votée avant le 17 novembre à l'Assemblée nationale, nous ne pourrons pas l'examiner la semaine prochaine en commission, comme cela était initialement prévu et comme c'est traditionnellement le cas. Ainsi, la partie recettes du projet de loi de finances, soit le tome II du rapport général, devrait être examinée le vendredi 21 novembre.

La semaine prochaine, nous entendrons Mme la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 et nous examinerons de nombreux rapports budgétaires, le rapport pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et une communication sur le contrôle flash mené par nos rapporteurs spéciaux sur la collecte et le reversement de la taxe d'aménagement.

Le 12 novembre, la réunion de commission débutera donc à 8 heures, et se poursuivra à 11 heures 30 avec l'audition de la ministre. Le jeudi 13 novembre, nous aurons des réunions le matin et l'après-midi. L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale aura probablement lieu le vendredi 14 novembre au matin.

Pour la séance publique, nous avons préparé un scénario central, toujours avec un vote sur la première partie du budget le lundi 17 novembre à 1'Assemblée nationale, suivi soit d'un vote solennel sur le projet de loi de finances le lundi 24 novembre, soit un « couperet » le dimanche 23 novembre à minuit, avec la fin des quarante jours de délai pour l'examen du budget à l'Assemblée nationale. Nous pourrions dès lors débuter l'examen du projet de loi de finances en séance publique le 25 novembre, pour 1'achever le 12 décembre. Le calendrier serait serré, mais resterait proche de celui que l'on a connu l'an dernier.

Ces dates pourraient évoluer si le vote de la première partie avait lieu au-delà du lundi 17 novembre. Alors, nous serions nécessairement contraints de décaler de nouveau les dates d'examen de la première partie en commission, ainsi que l'examen en séance publique.

Proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment - Examen des amendements au texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment.

Nous commençons par l'examen des amendements du rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 5

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Comme je l'avais indiqué lors de l'adoption du texte en commission, nous avons poursuivi les travaux sur l'article 5. Il s'avère qu'il est probablement plus opportun de supprimer cet article, lequel prévoit que les établissements financiers doivent déterminer les opérations de paiement qui méritent d'être contrôlées par un agent humain.

Or trois grandes objections apparaissent.

D'abord, cette disposition aurait du mal à être appliquée concrètement aujourd'hui : on ne saurait imaginer qu'un agent ait à valider manuellement un virement, un retrait ou un paiement par carte bancaire.

Ensuite, certains services les plus en pointe dans l'automatisation des procédures sont aussi les plus efficaces et les plus coopératifs dans la lutte contre la fraude.

Enfin, l'obligation que l'article visait à instituer pénaliserait les prestataires de services de paiement français, car elle n'est pas prévue par le droit européen des paiements.

Mme Nathalie Goulet. - Le Gouvernement s'est engagé à travailler sur la question. Après avoir échangé avec le rapporteur, je suis d'accord avec sa proposition.

L'amendement n° 8 est adopté.

Article 7

L'amendement de précision rédactionnelle n° 9 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er (supprimé)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement n°  2 rectifié est satisfait, j'en demande donc le retrait. Je demande, de même, le retrait de l'amendement n° 3 et, à défaut, y serai défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  2 rectifié.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  3  rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Article 5

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement n°  4 vise à instituer une obligation pour les prestataires de services sur actifs numériques de prévoir des contrôles humains sur les opérations sensibles. Je demande le retrait de cet amendement puisque nous demandons la suppression de l'article 5.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  4.

Après l'article 7

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - L'amendement n°  5 tend à demander un rapport sur les risques liés à l'utilisation d'actifs numériques et des techniques d'anonymisation de ces derniers.

Je partage l'objectif des auteurs de l'amendement : je souhaite donc demander l'avis du Gouvernement.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°  5.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article 1er (Supprimé)

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

2 rect.

Précision des conditions de déclaration de soupçons à Tracfin en cas de suspicion de détection d'une société éphémère

Satisfait ou sans objet

M. Grégory BLANC

3 rect.

Précision des conditions de déclaration de soupçons à Tracfin en cas de suspicion de détection d'une société éphémère et définition d'une telle société par décret

Demande de retrait

Article 5

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SAVOLDELLI

4

Obligation pour les prestataires de services sur actifs numériques de prévoir des contrôles humains sur les opérations sensibles

Demande de retrait

Article additionnel après Article 7

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SAVOLDELLI

5

Demande de rapport sur les risques liés à l'utilisation d'actifs numériques et des techniques d'anonymisation de ces derniers

Avis du Gouvernement

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Sécurités » et compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » - Examen des rapports spéciaux

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des rapports spéciaux de Bruno Belin et Jean Pierre Vogel sur la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Nous accueillons Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense pour le programme « Gendarmerie nationale ».

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Dans le domaine de la sécurité intérieure, l'activité a été en en progression en 2025, après une année 2024 déjà chargée.

Pour 2026, même s'il n'y a pas de faits majeurs de l'intensité des jeux Olympiques et Paralympiques, l'organisation du G7, qui se tiendra en juin à Évian, est notamment déjà en préparation ; elle mobilisera bien entendu des moyens humains.

S'agissant des éléments budgétaires, j'évoquerai d'abord la police nationale, dont le budget total avoisine les 13,9 milliards d'euros.

Il faut d'abord noter une augmentation des moyens humains : plus de 1 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus dans le budget de la police nationale, dont 300 pour la police aux frontières. Ces effectifs vont au-delà de ce qui était prévu dans le cadre de la déclinaison ministérielle annuelle de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Mais un effort est également consenti pour les moyens autres qu'humains, notamment les véhicules, le numérique et l'immobilier.

Cette allocation de moyens supplémentaires doit permettre de répondre plusieurs axes d'action, parmi lesquels la sécurité du quotidien, la lutte contre l'immigration irrégulière et la sécurisation des frontières, la lutte contre la criminalité organisée - y compris le narcotrafic - et l'« entrisme ».

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le budget total dépasse les 11 milliards d'euros, en légère hausse. On ne constate pas la même progression que pour la police nationale.

Néanmoins, il est prévu le recrutement de 400 ETP supplémentaires, qui sont nécessaires pour armer les nouvelles brigades. Le Président de la République avait annoncé en 2023 la création de près de 240 nouvelles brigades, ce qui nécessite évidemment des moyens humains. Dans une première vague, un peu plus de 80 brigades ont été ouvertes en 2024. 57 brigades auraient dû l'être en 2025, mais elles ne l'ont pas été faute de création d'effectifs. Elles seront donc ouvertes en 2026. Il en restera une centaine à ouvrir pour la suite.

L'évolution du budget de la gendarmerie nationale appelle plusieurs points d'alerte.

D'abord, j'aborderai la question des véhicules. Si l'on veut que nos gendarmes soient correctement équipés, il faut renouveler environ 3 750 véhicules par an. Les budgets des années récentes n'ont permis d'en renouveler qu'un nombre très limité ; en 2026, 600 à 700 pourraient l'être, soit environ six ou sept véhicules par département.

Ensuite, je veux évoquer les hélicoptères. La gendarmerie nationale surveille un territoire très étendu, et les hélicoptères sont indispensables à ses différentes missions. Or, aujourd'hui, la gendarmerie dispose d'une flotte d'hélicoptères en fin de vie. Dans certains départements, ce sont des Écureuil, lesquels datent des années 1960, qui sont encore en service. La première tranche d'un marché conclu il y a quelques années avec Airbus a permis d'acquérir 26 hélicoptères mais la répartition s'est faite ainsi : 2 pour la gendarmerie et 24 pour la sécurité civile. Il faudra s'interroger sur l'état de la flotte d'hélicoptères et sur la manière dont nous pourrions, comme nous l'avons fait pour l'immobilier, accompagner la gendarmerie face au défi que représente la surveillance des territoires.

J'en viens à un autre sujet lié à l'étendue du territoire sur lequel s'exerce la mission de la gendarmerie nationale : la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi). Aujourd'hui, la gendarmerie, la police nationale et les douanes comptent quelques centaines de dispositifs, quand la Belgique en possède plusieurs milliers. Le dispositif Lapi n'a pas de capacité répressive, à la différence des radars, mais permet d'identifier des véhicules et de reconstituer leurs parcours grâce à l'intelligence artificielle, ce qui est d'une grande utilité, notamment face à des enjeux liés au terrorisme, à des d'enlèvements ou à des évasions. Il nous faudrait dix ou vingt fois plus de ces dispositifs, sachant que l'unité coûte 15 000 euros.

En ce qui concerne l'immobilier de la gendarmerie nationale, nous partions de loin. Je rappelle que le rapport sur l'immobilier de la gendarmerie nationale rendu en 2024, au nom de notre commission, a contribué à permettre de mobiliser des fonds et de répondre à certaines difficultés importantes. À titre d'exemple, les travaux commencent enfin dans la caserne de Dijon, cinquante-cinq ans après son ouverture. Les militaires et leurs familles ne pouvaient pas y être accueillis correctement. De la même manière, les travaux que nous avions identifiés comme nécessaires à Satory sont enfin prévus dans le programme budgétaire.

Par ailleurs, je me suis rendu dans la Nièvre au mois de septembre, pour trouver des solutions en lien avec les collectivités, les bailleurs sociaux, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les départements, l'État, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons notamment entamé une discussion avec le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) sur l'utilité pour la gendarmerie d'être propriétaire de ses logements et casernes, et sur les délais de prêt qui seraient envisageables.

J'en viens à la sécurité routière. En 2025, le nombre de décès augmentera un peu par rapport à 2024, année où il s'était établi à 3 432, dont 3 193 pour la métropole et 239 pour les outre-mer. En la matière, nous ne parvenons pas à descendre sous un certain plancher.

J'ai organisé une table ronde et des auditions à ce sujet en présence de représentants d'associations, de responsables de la coordination interministérielle et de personnes personnellement affectées. Un décès impacte environ neuf personnes, notamment en matière d'arrêts de travail et de traitements médicamenteux. En prenant en compte tous les paramètres, on estime que le coût des 3 400 décès représente au moins 80 milliards d'euros, ce qui équivaut à près de 3 points de PIB.

Comment faire baisser ce chiffre ? Je ne crois pas au tout répressif ; il faut aussi des mesures de formation, qui peut être permanente ou dispensée immédiatement après l'obtention du permis. À cet égard, je rappelle que 35 % des décès sur les routes concernent les moins de 34 ans. La répartition des causes des accidents ne change pas beaucoup : environ un accident sur trois est lié à la vitesse, un sur quatre à l'alcool et un sur cinq aux stupéfiants. De plus, 14 % des accidents impliquent un « distracteur », soit l'usage d'un téléphone ou d'un écran.

J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». La France compte 4 200 radars actifs, qui ont représenté en 2024 un rendement d'environ 889 millions d'euros. L'ensemble des recettes des amendes, y compris celles relevant de la police de la circulation (hors radars), représenterait 2,15 milliards d'euros en 2026, dont un peu plus d'un tiers est affecté aux dépenses routières des collectivités, un tiers au désendettement de l'État, et près d'un cinquième au fonctionnement des radars et au procès-verbal électronique.

La politique de l'État est de ne pas augmenter le nombre de radars actifs.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 860 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour le programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.

Cependant, ce budget appelle une mise en perspective pluriannuelle. Pour la période 2023-2026, la moyenne du montant des CP se stabilise à environ 850 millions d'euros, soit à un niveau supérieur de 40 % à celui observé entre 2019 et 2022.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, cette augmentation pourrait surprendre, mais elle est logique et, ce, pour au moins deux raisons.

Premièrement, cette hausse des crédits à moyen terme est nécessaire pour sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires humains et matériels de la sécurité civile, face à l'extension temporelle et géographique des risques climatiques.

De récents travaux du Sénat, et plus particulièrement de la commission des finances, ont établi cette nécessité. Ainsi, deux rapports de contrôle, l'un portant sur les régimes d'indemnisation des catastrophes naturelles et l'autre sur les inondations survenues en 2023 et 2024, ont mis en exergue les coûts humains et financiers colossaux entraînés par un défaut des moyens de prévention et d'intervention face à l'intensification des aléas climatiques.

Deuxièmement, le budget du programme 161 doit être pensé de façon transversale. En effet, les moyens accordés à la sécurité civile sont mis au service d'un ensemble de politiques publiques. À titre d'exemple, le financement de matériel indispensable pour la sécurisation de la Coupe du monde de rugby, ou des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, a conduit la sécurité civile à partager l'ambition de nos politiques sportives. De la même manière, la mobilisation exceptionnelle des ressources humaines et matérielles de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, puis à Mayotte, pour un coût dépassant 130 millions d'euros en 2025, témoigne de l'utilisation des crédits du programme 161 au service de nos politiques de cohésion et de solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins.

En ce qui concerne l'analyse des crédits du PLF pour 2026, il faut noter une croissance de 5 % des dépenses de personnels ainsi qu'un schéma d'emploi positif.

Par ailleurs, le montant élevé des AE, qui s'élève à près d'1 milliard d'euros, s'explique par les dépenses d'investissement, qui augmentent de 200 millions d'euros, en raison de la commande de deux nouveaux Canadair.

Les dépenses de fonctionnement sont relativement stables et visent essentiellement le paiement des contrats de maintien en condition opérationnelle des aéronefs.

Enfin, les dépenses d'intervention sont également stables. Elles portent principalement sur le financement des pactes capacitaires dédiés à la lutte contre les feux de forêt.

J'en viens aux enjeux thématiques du programme.

En ce qui concerne la flotte d'aéronefs de la sécurité civile, je soulignais l'an dernier le caractère heureux des résultats de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêt, qui s'expliquaient par une météo clémente. Cependant, en 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feux, dont le mégafeu qui a sévi dans l'Aude. Ce dernier a été le feu de forêt le plus important depuis 1949. Il a duré trois semaines et, chaque minute pendant vingt-quatre heures, l'équivalent de 16 terrains de football est parti en fumée. En tout, 17 000 hectares ont brûlé, dont 16 000 en vingt-quatre heures.

En juillet 2025, le nombre insuffisant d'avions bombardiers d'eau disponibles a conduit à arbitrer entre des demandes d'engagement des opérations de secours dans deux territoires distincts : l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire s'est donc avéré.

Dans ce contexte, il nous faut retenir trois points concernant les moyens aériens. D'abord, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu puisque, d'ici à la fin de l'année 2025, 8 modèles H145 doivent être livrés. Le calendrier, qui prévoit la livraison de 36 appareils d'ici à 2029, devrait donc être respecté.

Ensuite, le budget pour 2026 consacre la pérennisation de crédits dédiés à la location d'aéronefs, à hauteur de 30 millions d'euros. Cette année, la flotte locative a été pleinement mobilisée et a démontré son importance dès le mois de juillet.

Enfin, l'intensité de la dernière saison des feux a conduit à l'annonce de l'achat de deux nouveaux Canadair. Le PLF pour 2026 consacre bien 200 millions d'euros en AE au financement - entièrement sur fonds propres - de deux appareils, qui doivent être livrés entre 2032 et 2033. Ils viendront s'ajouter aux deux Canadair déjà commandés en 2024, cofinancés par l'Union européenne et officiellement attendus pour 2028.

J'en viens aux pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels, notamment de véhicules, cofinancés par l'État.

Après les incendies de 2022, une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été allouée pour faire face aux feux de forêt. Le PLF pour 2026 tient sa promesse en la matière, puisque des CP d'un montant de 22 millions d'euros seront dédiés à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d'euros en CP ont déjà été consommés entre 2023 et 2025. Ainsi, en juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d'incendie et de secours (SIS).

Par ailleurs, la multiplication des inondations constitue un second défi capacitaire. L'idée de pactes capacitaires « inondations » a été formulée. Cependant, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l'investissement dans des moyens nationaux, mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins. En plus d'acquisitions réalisées en urgence pour faire face aux épisodes de 2024, des achats de pompes spécifiques sont prévus lors de l'exercice 2026.

Au-delà des moyens aériens et des moyens de pompage, les capacités et l'efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile reposent sur un ensemble de systèmes d'information. À l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers de France, que j'ai eu le plaisir d'accueillir au Mans, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a procédé à une démonstration de l'outil NexSIS. Il s'agit d'un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, dont l'ensemble des acteurs de la sécurité civile reconnaissent aujourd'hui la maturité technique, la valeur ajoutée opérationnelle et la source d'économies.

Cependant, alors que les SIS témoignent d'un enthousiasme certain à l'égard du projet, l'ANSC connaît une situation de sous-effectifs qui en menace l'avancement.

Enfin, après plusieurs suspensions liées à l'instabilité gouvernementale, le Beauvau de la sécurité civile a finalement conclu ses travaux début septembre, avec la présentation d'un rapport de synthèse. Cependant, les propositions et les possibilités de réformes compilées dans ce rapport sont sujettes à des arbitrages interministériels. Un projet de loi visant à refonder la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile ».

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale ». - Deux sujets reviennent chaque année quand il s'agit de la gendarmerie nationale : l'immobilier et les véhicules légers. Il y a quelques années, nous avons établi la nécessité d'effectuer des travaux, d'entretien ou de création de casernes neuves, à hauteur de 400 millions d'euros par an. En ce qui concerne les véhicules légers, il s'agit d'en acquérir 3 750 par an, afin d'assurer le renouvellement de la flotte.

Cette année, nous observons une légère amélioration pour le budget consacré à l'immobilier, mais nous sommes encore très loin du compte. Sur la période des huit dernières années, il manque environ 2 milliards d'euros pour atteindre l'objectif fixé. Les dépenses liées au coût des loyers progressent de façon importante ; faut-il continuer ainsi ou développer davantage le parc domanial ? Le DGGN est en faveur de cette dernière option, qui revient moins cher à terme. Des discussions ont lieu entre le ministère de l'intérieur et Bercy pour identifier des moyens de procéder à du leasing, afin que les biens loués finissent par appartenir à la gendarmerie après un certain nombre d'années, ce qui permettrait d'effectuer d'importantes économies. Il s'agit d'un sujet important, également lié au bon accueil des familles et à la fidélisation des gendarmes.

En ce qui concerne les véhicules légers, nous en aurons acquis 4 700 en trois ans, bien loin des 3 750 prévus par an.

J'en viens aux personnels. Cette année, 57 nouvelles brigades auraient dû être créées, mais les crédits ont été insuffisants pour embaucher et former le personnel nécessaire. Pour 2026, des crédits sont prévus pour financer 400 ETP, ce qui permettra seulement de combler le manque de 2025. De plus, la gendarmerie peine toujours à recruter et n'a pas retrouvé son niveau de personnel de 2008, alors que le territoire à couvrir est plus important. L'année prochaine, hors des brigades nouvelles, les créations d'emplois seront nulles ; il y a des recrutements, mais aussi de nombreux départs, la gendarmerie étant confrontée à un problème de fidélisation, comme toutes les armes.

La gendarmerie compte seulement 58 hélicoptères, pour la métropole et les outre-mer. Sur ces 58 appareils, 26 doivent être renouvelés. Il faut lancer les contrats au plus vite, avec une date butoir au premier semestre 2027. Si des crédits n'y sont pas dédiés, des escales aériennes fermeront. Pour atteindre l'objectif, il faut trouver 350 millions d'euros.

Enfin, j'évoquerai un sujet moins connu, celui du remplacement des fusils d'assaut Famas par le HK416. Là aussi, il est temps de passer commande, puisque la date butoir est établie à 2030. Il faudra procéder à l'acquisition de 22 000 fusils, pour un total de 110 millions d'euros.

La situation n'est pas formidable, mais pourrait être pire. Je voterai donc en faveur des crédits du programme. Enfin, en présentant ce budget, le DGGN a souligné que nous étions à « un point de bascule » ; il ne faudrait pas que celui-ci se transforme en point de rupture.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La question de l'immobilier est sur la table depuis un moment et je propose que nous unissions nos efforts, afin d'aboutir sur ce sujet avant la fin de l'année. Cela me semble possible, car nous dépendons en la matière principalement d'un décret interministériel. Il faut y travailler vite pour proposer que nos gendarmes soient logés dans des conditions convenables ; il s'agit de respect et de dignité.

En ce qui concerne les radars, si les crédits augmentent, les dégradations des dernières années ont réduit le montant des recettes. Peut-on tirer les conséquences de ces dégradations de façon précise ? Par ailleurs, les radars n'ont pas tous la même productivité et la même efficacité en matière de sécurité routière, en fonction de leur emplacement ; existe-t-il des catégories de productivité moyenne ? Cela permettrait de faire des choix en matière de positionnement.

Enfin, une partie significative des interventions de la gendarmerie ont lieu pour répondre à des violences intrafamiliales, ce qui est énorme en matière de moyens mobilisés, humains et financiers. Les sapeurs-pompiers sont souvent appelés aussi sur ces cas. Pourrait-on faire un état des lieux de ces interventions ? Ne devrait-on pas identifier des solutions pour assurer une meilleure coordination entre les pompiers, la gendarmerie et la police, afin de réduire le coût pour les services publics ? Des dispositifs plus efficaces pourraient être mis en place, notamment en matière de prévention. Il existe ainsi aujourd'hui un certain nombre de prestations qui relèvent du service public, mais sont coûteuses et dévoreuses de temps comme de personnels.

M. Marc Laménie. - Ma première question s'adresse à Bruno Belin : les effectifs de CRS et de gendarmes mobiles sont-ils stables ou doivent-ils augmenter ? Je pense notamment au phénomène des violences urbaines.

D'après certaines informations obtenues localement, j'ai appris que les véhicules de la police nationale étaient à bout de souffle et que leur nombre était très peu élevé.

Enfin, en ce qui concerne la sécurité routière, je vous remercie d'avoir rappelé le coût direct et indirect des décès et des blessés.

M. Grégory Blanc. - Les budgets présentés sont en hausse, ce qui est salutaire, car ce n'est pas le cas pour l'ensemble des missions dans ce PLF. Cependant, cette année encore, les moyens dédiés à l'augmentation des interventions liées à l'immigration sont supérieurs aux moyens alloués à la lutte contre les événements climatiques ou aux outre-mer. Il s'agit d'un choix politique, qui fera sans doute l'objet d'un débat en séance.

La présentation du rapport de synthèse du Beauvau de la sécurité civile a eu lieu le 4 septembre et aucun élément n'a été intégré au sein de ce PLF. Ainsi, je regrette l'absence d'évolution fiscale visant à mieux soutenir les Sdis, qui auraient aussi permis d'aider les départements, qui sont en situation difficile et auxquels on va encore demander d'abonder les budgets.

Nous n'observons pas non plus d'évolution singulière quant aux pactes capacitaires « inondations », alors que ce risque augmente fortement. Pourtant, l'État a adopté le Pnacc 3 (plan national d'adaptation au changement climatique) et a chiffré les efforts à fournir pour adapter nos territoires et le pays aux enjeux climatiques. Le budget consacré au programme « Sécurité civile » ne suit pas, raison pour laquelle je n'adopterai pas ces crédits. La question de la sécurité des personnes et des biens doit être une priorité.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », nous nous félicitons de l'augmentation des crédits. Un projet de loi doit être voté sur la police municipale et ce transfert à bas bruit, de compétences de missions régaliennes vers les polices municipales, doit s'assortir d'un transfert de crédits. Or un tel transfert ne semble pas prévu par le PLF ; faudrait-il présenter un amendement pour identifier comment l'État pourrait soutenir les collectivités locales en la matière ?

Enfin, des flottes d'entreprises basculent de plus en plus vers la location longue durée ; n'y aurait-il pas là une piste pour résoudre le problème automobile, d'autant que nous traversons une période de rupture technologique, avec l'électrification du parc ?

Mme Christine Lavarde. - Concernant le schéma pluriannuel de programmation immobilière du ministère, comment l'ordre de priorité est-il déterminé ? Comment choisit-on un commissariat plutôt qu'un autre ? À titre d'exemple, les collectivités proposent de cofinancer à plus de 50 % le coût d'un nouveau commissariat à Boulogne-Billancourt, mais le dossier n'est pas lancé, alors que les travaux figuraient dans la liste des priorités établie par le ministère.

En tant que rapporteur de la mission « Écologie », j'ai du mal à accepter que des crédits de débroussaillement lié à la prévention des feux de forêt soient financés par le fonds Barnier ; le feu de forêt n'est pas une catastrophe naturelle. Les moyens dédiés à sa prévention n'ont rien à faire au sein de l'action n° 14 et ne doivent pas être financés par la surprime prélevée sur les contrats d'assurance habitation et automobile. Pour avoir accès à une vision globale des financements alloués à la prévention des feux de forêt, il faut aussi prendre en compte des crédits figurant dans d'autres missions.

M. Michel Canévet. - Pour la gendarmerie, la question de l'immobilier est essentielle, notamment pour assurer le logement des familles. À titre d'exemple, dans le Finistère, des préoccupations ont été médiatisées concernant l'absence de chauffage dans la caserne du Conquet ou, au contraire, les températures caniculaires sévissant dans les logements du quartier Buquet à Brest. Les crédits dédiés aux opérations de maintenance, qui augmentent significativement, permettront-ils de faire face aux besoins identifiés ?

Concernant les constructions neuves, les besoins sont également nombreux. Dans le Finistère, des opérations ont commencé à Lannilis et à Plabennec, et des besoins sont identifiés à Douarnenez. Le cheminement est souvent long pour obtenir un accord pour des opérations pourtant urgentes. Les crédits prévus permettront-ils de lancer de nouvelles opérations cette année ?

Il semble difficile de mobiliser des crédits pour atteindre les objectifs en matière de renouvellement des véhicules. Les forces de gendarmerie et de police peuvent-elles obtenir des véhicules issus des saisies opérées par les services de l'État ?

Concernant la sécurité civile, nous nous réjouissons que des commandes puissent être passées pour la flotte aérienne. Cependant, les délais de livraison sont très longs. Comment la sécurité civile peut-elle assurer une bonne couverture des incendies compte tenu de l'état du parc ? La coopération européenne est-elle efficace en la matière ?

Enfin, le sous-effectif de l'ANSC a été évoqué ; combien manque-t-il de personnels pour mener une action concrète et cohérente ?

M. Didier Rambaud. - Existe-t-il une règle ou une doctrine sur la relation financière entre les collectivités locales et la gendarmerie en matière d'immobilier ? J'ai l'impression que tout se fait au cas par cas.

Enfin, j'entends Grégory Blanc faire appel à davantage de moyens pour la sécurité ; j'aimerais que son intervention soit entendue par les membres de son groupe politique et par tous les maires écologistes de France, qui ont une approche dogmatique de la question.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, en ce qui concerne les effectifs des CRS, je dois me renseigner pour vous répondre.

Les autres questions concernent toutes les ressources humaines, l'immobilier et les véhicules.

Pour répondre au rapporteur général, les violences intrafamiliales peuvent effectivement représenter une part notable des interventions dans certaines gendarmeries. L'une des réponses de la DGGN est le recours aux réservistes, qui pourraient constituer un vivier de 40 000 à 50 000 personnes. Cependant, il faudrait pouvoir en assurer la mobilité et les équiper.

L'attractivité du métier est notamment liée à la qualité des logements et son amélioration pourrait en partie répondre au besoin de renouvellement des effectifs. La programmation budgétaire est-elle suffisante ? Si nous parvenons à augmenter un peu le niveau de 2026 pendant dix ans, nous atteindrons peut-être nos objectifs. Cependant, dans le passé, il est arrivé que des programmes soient autorisés, que des équipes de la gendarmerie nationale soient au travail et qu'un maître d'oeuvre soit mobilisé, mais que Bercy ne donne jamais l'autorisation finale. C'est à nous de dire que l'immobilier constitue un sujet à sacraliser pour que nous puissions répondre aux besoins.

En ce qui concerne le choix des commissariats faisant l'objet de travaux, pour 2026, une partie du budget de la police nationale sera fléchée pour la construction des hôtels des polices de Nice, qui réunira la police nationale et la police municipale, offrant un type de coopération intéressant entre deux forces complémentaires, et l'hôtel de police de Valenciennes. Il est certain que des priorités sont fixées entre différents projets.

Monsieur Blanc, je ne prendrai pas la responsabilité d'un amendement prévoyant un transfert de moyens financiers de l'État aux collectivités en matière de sécurité ; il s'agirait de dégréver une partie du budget de la sécurité intérieure. Nous pourrons en débattre.

En ce qui concerne les véhicules, je vous invite à visiter les antennes territoriales du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du Raid. Compte tenu de leur équipement et de la prescription de besoins à laquelle ils doivent répondre, ils ne peuvent pas se permettre de louer des véhicules comme un citoyen.

Sur la question des montages « type » pour la rénovation ou la construction immobilière dans la gendarmerie, nous avons des outils, comme les décrets de 1993 ou de 2016, mais il est vrai qu'il y a des réglages au cas par cas, en fonction de la volonté des élus et des relations entre les différents acteurs.

Les nouveaux moyens humains sont en partie fléchés vers la politique de l'immigration, puisque 300 postes seront alloués aux centres de rétention administrative (CRA), dont les capacités doivent s'accroître. Cependant, 700 nouveaux postes concernent la filière investigation.

Enfin, 82 % des radars étaient en état de fonctionnement au 1er janvier 2025, ce qui est faible mais il semblerait que la situation s'améliore progressivement depuis.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Le secours d'urgence aux personnes, notamment le relevage de personnes âgées, représente 80 % des interventions des sapeurs-pompiers. Un certain nombre de ces interventions qui ne sont pas toujours de leur ressort doivent être assurées, ce qui peut créer une lassitude et encourager certains à ne pas se déclarer disponibles. Je n'ai pas de statistiques particulières sur les violences intrafamiliales, pour lesquelles les pompiers se déplacent quand ils sont appelés.

Concernant l'absence d'évolution fiscale pour le financement des Sdis, il convient de rappeler que les départements sont les principaux financeurs de ces structures, à hauteur de 60 % en moyenne au niveau du pays. Au regard de la loi, ils sont aussi obligés de prendre en charge les dépenses nouvelles, les contributions des collectivités étant limitées au montant de l'inflation constatée l'année précédente. Des pistes sont évoquées pour compléter les financements et alléger les dépenses des départements. À titre d'exemple, l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) est envisagée. Cependant, aucune piste ne fait encore l'unanimité et il faut laisser le temps à la discussion. Il faudrait trouver une solution d'ici à 2027, car les départements sont à bout de souffle.

Le budget du programme 161 est tout de même ambitieux, comme en témoignent notamment les 450 millions d'euros mobilisés pour renouveler la flotte d'hélicoptères d'ici 2029. De plus, 150 millions d'euros ont été alloués aux pactes capacitaires « feux de forêt », notamment pour l'achat de véhicules tels que des camions-citernes, même si cela ne représente que 1,5 million d'euros par département.

La DGSCGC a décidé de mobiliser les moyens relatifs aux inondations au niveau national, ce qui semble logique. En effet, la lutte contre les risques d'inondation nécessite des moyens humains particuliers et des qualifications spécifiques, pour opérer certaines technologies telles que des pompes puissantes. De telles qualifications ne pourraient être présentes dans chaque Sdis. En la matière, des moyens nationaux ont donc été jugés plus efficaces.

Je prends note de la remarque de Mme Lavarde sur le financement par le fonds Barnier du débroussaillage. Il est vrai que les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont normalement à la charge des propriétaires, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours respecté.

Concernant le délai de réponse aux commandes d'aéronefs, de Havilland Aircraft of Canada Limited, qui a le monopole de la fabrication des Canadair, attendait au moins une vingtaine de commandes avant de relancer la production, ce qui a demandé plusieurs années. En revanche, plusieurs sociétés françaises ont des projets dans ce domaine, ce qui pourrait favoriser l'indépendance industrielle de la France et de l'Europe. Le fait que la relance de la ligne de fabrication des Canadair n'ait pas été aussi rapide qu'espérée pourrait être une chance pour ces entreprises.

La flotte de Canadair est extrêmement vieillissante et son maintien en condition opérationnelle pose des difficultés. Ainsi, en 2024, sur douze appareils, seuls trois étaient opérationnels à certains moments de l'année. Il existe des moyens de substitution, comme les hélicoptères bombardiers d'eau, loués par certains départements ou par la DGSCGC. Dans l'attente du renouvellement de la flotte patrimoniale d'avions et d'hélicoptères, le PLF 2026 pérennise en ce sens une enveloppe de 30 millions d'euros dédiés à la location d'aéronefs. En outre, des moyens aériens et humains sont mutualisés en Europe, comme nous l'avons vu à l'occasion des mégafeux en Grèce ou en Espagne.

En complément, certains outils technologiques doivent être développés dans les départements français, dont les caméras de vidéodétection du départ de feux de forêt, assistées par l'intelligence artificielle, déployées dans mon département de la Sarthe. Ainsi, nous avons pu prévenir la Mayenne voisine d'un départ de feu.

L'ANSC pilote le projet NexSIS. Dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), il avait été décidé de relever progressivement le plafond d'emplois de l'ANSC à 35 d'ici 2026. Or, le PLF 2026 autorise seulement 23 ETPT, soit 12 emplois manquants. Cela rend impossible le respect du calendrier prévu de déploiement de NexSIS dans les Sdis. Or, un retard de déploiement dans les Sdis a une double conséquence financière : d'une part, une perte de recettes pour l'ANSC, dont le financement repose sur le versement de contributions d'exploitation versées annuellement par les SIS dans lesquels NexSIS est mis en service et d'autre part, des surcoûts de maintenance opérationnelle pour les Sdis contraints de continuer à recourir à d'autres solutions plus onéreuses. Entre outre, l'Agence est contrainte d'externaliser la réalisation d'une partie de ces missions, pour un coût équivalent à 220 % de celui du personnel directement employé. Le respect du schéma d'emplois prévu dans le cadre de la Lopmi permettrait donc des économies tout en assurant la mise en oeuvre du projet. Nous y reviendrons sans doute dans l'hémicycle.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous terminons nos travaux de ce matin par l'examen du rapport spécial sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'examen des crédits de cette mission s'inscrit, cette année encore, dans un contexte de pression migratoire qui s'aggrave en France, alors même qu'une légère contraction des flux migratoires est constatée à l'échelle européenne.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a connu en 2024 un record historique de 154 000 demandes d'asile enregistrées, 8 % de plus qu'en 2023, elle-même une année record. En 2024 également, plus de 324 000 premiers titres de séjour sur le territoire français ont été accordés, en hausse de 5 % en un an, pour 4,3 millions de titres de séjour valides.

En revanche, au niveau de l'Union européenne, en 2024, la baisse a été de 10 % pour les demandes d'asile et de 8 % pour les premiers titres de séjour. Cette tendance commence à peine à s'observer en France, avec une diminution de plus de 4 % des demandes d'asile enregistrées sur les neuf premiers mois de l'année 2025.

Quels sont les grands équilibres du budget de la mission pour 2026 ? Après un budget 2025 marquant des baisses importantes de crédits, le budget 2026 prévoit une hausse de 25,2 %, à hauteur de 2,2 milliards d'euros, des autorisations d'engagement (AE) et de 3,8 %, à hauteur de 2,16 milliards d'euros, des crédits de paiement (CP).

Le programme 303 « Immigration et asile » capte l'intégralité de cette augmentation, avec plus de 450 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP. En particulier, s'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière, les AE progressent de 87 % et les CP de 40,5 %, en raison de forts investissements immobiliers dans les centres de rétention administrative (CRA). Cela représente donc un effort substantiel dans le contexte de réduction des dépenses publiques et traduit la volonté de ce gouvernement et du précédent de mener une politique migratoire plus rigoureuse et maîtrisée.

Avec la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, des moyens juridiques ont été votés pour renforcer la chaîne de l'éloignement. Désormais, des moyens budgétaires y sont associés. À titre d'exemple, si le taux d'exécution des retours forcés, notamment des obligations de quitter le territoire français (OQTF), est encore très faible, le taux d'exécution des expulsions prononcées à raison de menaces graves à l'ordre public a progressé de 47 % entre 2024 et 2025, la loi Immigration et intégration ayant réduit le champ des protections contre l'expulsion.

Cette hausse du budget permet une quasi-conformité avec la trajectoire fixée de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Cependant, elle intègre deux volumes de dépenses non initialement prévues, à commencer par celles qui sont consacrées à l'hébergement et aux allocations versées aux personnes ayant fui l'Ukraine, de l'ordre de 84 millions d'euros.

Les secondes ont trait à la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, censé entrer en vigueur en juin 2026. Ainsi, selon la direction générale des étrangers en France (DGEF), leur coût programmé pour 2026 s'élève à 84,8 millions d'euros, afin de financer notamment la construction de 615 places à Roissy dans le cadre de la nouvelle procédure d'asile à la frontière, les surcoûts de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) induits par la transposition des règles afférentes aux conditions matérielles d'accueil de la directive, ou encore les nouvelles garanties procédurales applicables devant l'Ofpra, dont la traduction des documents pertinents pour la demande d'asile, l'organisation d'entretiens pour les mineurs et le renforcement du niveau de formation des interprètes. Si le coût de mise en oeuvre du pacte avait été estimé à 150 millions d'euros pour 2026 dans le cadre du plan national français transmis à la Commission européenne en décembre 2024, deux fois moins de crédits sont finalement budgétés.

Je souligne trois points de vigilance.

Le premier, qui est au coeur de la mission, est l'asile. Cette année encore, les crédits alloués aux conditions matérielles d'accueil des demandeurs sont optimisés, avec une ADA en baisse de 30 millions d'euros à périmètre constant par rapport à 2025 et un parc d'hébergement du dispositif national d'accueil réduit de 1 400 places environ. Pour justifier cette baisse, le ministère de l'intérieur mise sur une maîtrise des délais d'examen des demandes d'asile réduisant la durée d'hébergement et d'octroi des allocations, revalorisant à nouveau les moyens de l'Ofpra avec 48 postes supplémentaires, en plus des 29 déjà créés en 2025. Compte tenu de l'évolution du volume des demandes d'asile en 2026 ainsi que de l'atteinte de l'objectif de 176 000 décisions rendues par l'Office, cette stratégie pourrait être la bonne.

Sur la réduction du parc, je tiens à préciser que les 13 000 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (Huda) supprimées sont en réalité transformées, en grande partie, en places dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), de sorte à renforcer la sécurité juridique et financière des relations avec les organismes gestionnaires, selon une recommandation de la Cour des comptes.

Deuxième point de vigilance, je relève la hausse sensible des dépenses d'investissement à destination des CRA, que j'avais appelée de mes voeux lors de mon récent rapport de contrôle sur l'extension de leurs capacités d'accueil. Pour 2026, le montant prévisionnel de l'investissement est ainsi de 266,7 millions d'euros en AE et de 156,2 millions d'euros en CP, soit une hausse de plus de 260 % pour ces derniers. Ces moyens sont donc à la hauteur pour tenir l'objectif de 3 000 places de rétention dans l'Hexagone à horizon 2029, l'une mes recommandations.

Cependant, une fois les moyens alloués, les dépenses doivent être exécutées, ce qui n'est pas toujours aisé au regard de multiples obstacles relevant à la fois de la maîtrise du foncier, de l'acceptabilité locale, des aléas des travaux et des moyens humains à mobiliser. Afin de pallier ces difficultés, deux recommandations de mon rapport vont être mises en oeuvre : la construction de CRA modulaires et un possible recours à du personnel relevant du secteur privé, pour des missions très définies, en parallèle du recrutement de réservistes.

Outre le renforcement de l'éloignement forcé, j'attire votre attention sur les départs aidés par l'aide au retour volontaire, aux potentialités sous-exploitées. Ainsi, 2 000 places sont disponibles au sein des centres de préparation au départ, au taux d'occupation très faible. Je suis toujours en attente d'éclairages du ministère de l'intérieur sur ce dispositif, complément nécessaire à l'éloignement forcé, aux avantages budgétaires non négligeables et qui permet un retour plus digne.

Troisième et dernier point de vigilance, qu'en est-il de l'intégration des personnes régulièrement présentes sur notre territoire ? Les crédits concernés stagnent, alors même que la réforme de la formation linguistique et civique à destination des signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) entre en vigueur au 1er janvier prochain. D'une part, les exigences linguistiques sont rehaussées, puisqu'un niveau A2, et non plus A1, conditionnera désormais l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle. D'autre part, les étrangers devront réussir un examen, dont les modalités ont été précisées par arrêté le 10 octobre dernier, à l'issue de la formation civique.

Alors même que 40 % d'étrangers en plus sont concernés par les formations linguistiques sous l'effet du rehaussement du niveau de langue requis, cette réforme est opérée à budget constant.

En effet, la formation linguistique par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) devient facultative, les étrangers pouvant se former par tous moyens. Ils ne sont toutefois pas livrés à eux-mêmes, puisque la loi Immigration et intégration favorise l'apprentissage du français par l'insertion professionnelle. À titre d'exemple, les salariés allophones signataires d'un CIR peuvent désormais comptabiliser leur formation linguistique comme temps de travail effectif, dans la limite de 80 heures. Ainsi, la formation repose aussi sur les entreprises bénéficiant de la main-d'oeuvre étrangère.

Par ailleurs, la formation linguistique a été dématérialisée pour tous les signataires du CIR, à l'exception des non-scripteurs et des non-lecteurs, ce qui dégage des marges budgétaires considérables, de même que la prise en charge par les étrangers des frais de passage des examens, ce qui était l'une des recommandations de mon rapport de contrôle intitulé Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, publié en 2024.

La commission des finances et le Sénat ont régulièrement rejeté les crédits de cette mission au cours des dernières années, en raison de l'illisibilité de la politique qui y est associée. Cette année, cependant, la ligne est assez claire, avec des moyens pour lutter contre l'immigration irrégulière et des dispositifs plus novateurs pour l'intégration des étrangers, permettant une maîtrise des dépenses. Pour conclure, si je reste vigilante, notamment sur l'exécution des dépenses d'investissement dans les CRA et sur le déroulé de la formation dématérialisée, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Sur un sujet suscitant régulièrement de vifs débats, je salue la position d'équilibre trouvée par le rapporteur spécial, qui propose de lutter contre l'immigration irrégulière tout en intégrant mieux ceux qui sont nos voisins et, pour certains, nos futurs compatriotes. Je fais miennes ses orientations.

Il est vrai que nous y voyons aujourd'hui un peu plus clair, même s'il y a encore beaucoup à faire pour progresser dans le débat public, sur toutes les travées de l'hémicycle. Le rapport spécial de notre collègue reçoit tout mon assentiment et mon soutien.

M. Michel Canévet. - Le taux d'exécution des OQTF, de l'ordre de 10 %, est-il le fait des recours engagés, ou s'entend-il une fois les recours épuisés ? En effet, 10 %, c'est très peu. Dès lors que la justice a tranché, et sans parler d'atteindre 100 %, il existe certainement une marge d'amélioration.

Concernant l'Ofpra, j'ai bien entendu que l'organisme avait significativement amélioré son activité. Quelles en sont les conséquences ? À quel délai de traitement des demandes pourra-t-on parvenir ?

M. Rémi Féraud. - Même si nous ne voterons pas le rapport spécial de notre collègue, je salue son travail, qui nous permet d'avoir un débat sans excès au sein de notre commission.

Tout d'abord, il est d'autant plus nécessaire d'augmenter considérablement le budget alloué aux centres de rétention administrative que, quoi que l'on pense du régime algérien, les relations actuelles entre la France et l'Algérie rendent quasi nulles l'exécution de nombreuses OQTF édictées. Il convient de souligner cette contradiction dans la politique des gouvernements successifs.

J'ai trois questions.

Premièrement, lorsque l'on mentionne les CRA, nous parlons de privation de liberté. Qu'est-ce que l'externalisation que vous avez évoquée recouvre exactement ? Est-elle bien contrôlée ?

Deuxièmement, concernant le budget consacré aux demandes d'asile, en légère baisse, ne met-on pas la charrue avant les boeufs en présupposant que des économies seront dégagées grâce à la réduction des délais suscitée par les postes supplémentaires créés à l'Ofpra ?

Troisièmement, j'ai bien entendu ce que vous disiez sur l'Ofii et la possibilité d'apprendre le français auprès d'autres organismes. Cependant, les exigences augmentent - pourquoi pas ? -, mais les moyens en face diminuent. Est-ce vraiment raisonnable et juste, en particulier pour les personnes qui doivent apprendre le français à l'âge adulte ? N'y a-t-il pas, là encore, une contradiction ?

Mme Christine Lavarde. - Je voudrais revenir sur la procédure de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef). En mars 2024, il m'avait été indiqué que 87 % des titres feraient l'objet d'une téléprocédure Anef à la fin de l'année, permettant à une large majorité d'usagers de ne plus prendre rendez-vous en préfecture. En outre, la poursuite de l'instruction d'une demande complète au-delà de la validité du titre de séjour devait entraîner la délivrance via le téléservice d'une attestation de prolongation de l'instruction, afin d'empêcher toute rupture de droit.

Se peut-il que mon département des Hauts-de-Seine comprenne une grande partie des 13 % de dossiers qui n'ont pas été intégrés à l'Anef en 2024 ? En effet, si j'en crois le nombre de sollicitations que je reçois, beaucoup de personnes n'arrivent pas à déposer un dossier, ne reçoivent pas de récépissé ou ignorent le statut de leur demande. Certaines sont en France depuis longtemps, travaillent, paient des cotisations et n'arrivent pas à faire valoir leurs droits. Avez-vous des éléments sur ce sujet ?

M. Claude Raynal, président. - Je reviens sur la formation linguistique. D'une part, on augmente le niveau de langue requis et, d'autre part, la formation devient facultative. L'on argue du fait que les étrangers peuvent suivre les cours de leur choix. Certes, pour certains, on peut l'imaginer, mais cela doit être assez coûteux hors de l'Ofii. Par conséquent, n'y a-t-il pas une forme d'hypocrisie dans cette démarche ? Les personnes concernées peuvent-elles financer des formations linguistiques de qualité ?

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale. - J'aboutis au même constat que Christine Lavarde s'agissant de l'Anef. Il me paraitrait d'ailleurs utile que la Cour des comptes réalise un point sur la dématérialisation des demandes effectuées par les étrangers via cette application. Les éléments transmis par la DGEF décrivent simplement le processus de mise en place de l'Anef et demeurent assez vagues en termes de calendrier de déploiement complet. Cela suscite une certaine perplexité, alors que des moyens ont été mobilisés, à hauteur de 70 millions d'euros entre 2015 et 2023. Je pense, néanmoins, que les services de l'État sont conscients de ce sujet.

Les langues et leur apprentissage relèvent de l'intégration, dimension que l'on ne saurait négliger. Comme vous le relevez, on impose un niveau linguistique supérieur, qui est à justifier pour obtenir le renouvellement des cartes de séjour pluriannuelles. Toutefois, les étrangers sont incités à s'investir davantage dans l'apprentissage des langues si les titres de séjour longs en dépendent, alors qu'auparavant il n'y avait guère d'intérêt à apprendre le français, la seule assiduité et participation aux formations étant requises.

Bien sûr, il ne s'agit pas de dire que tous sortent du CIR et qu'ils n'ont pas le droit à un apprentissage linguistique, mais d'instaurer plus de souplesse dans l'apprentissage du français. Les étrangers eux-mêmes ont d'ailleurs souligné que les formations qui leur étaient offertes n'étaient pas du tout adaptées. En effet, dans les métropoles, il y a beaucoup de demandes et des classes surchargées, tandis que, dans les univers plus ruraux, la formation tarde faute de participants suffisants, et les conditions de transport sont compliquées pour se rendre aux formations. Au fond, tous veulent travailler et bénéficier d'une formule adaptée à la réalité de leurs besoins.

Par ailleurs, nous avons constaté que le processus d'attribution des forfaits sur la plateforme était totalement aléatoire. Ainsi, certaines personnes, qui parlaient très bien français, se voyaient tout de même attribuer 600 heures, total qui ne pouvait plus être modifié, même en cas d'atteinte d'un niveau suffisant. Les étrangers nous disaient que cela ne faisait que les placer en grande difficulté vis-à-vis de leur employeur, tout en les dégoûtant de cet apprentissage, alors qu'ils faisaient souvent preuve d'une démarche volontaire.

Aujourd'hui, il faut laisser les étrangers en situation régulière travailler, tout en ne laissant pas leur employeur considérer que l'absence de formation est une bonne chose. Nous devons toutefois veiller à ce que le raisonnement ne soit pas poussé à l'extrême. . Il faut donc observer avant de juger, sans disqualifier immédiatement la volonté de réaliser des économies, mais nous en reparlerons l'année prochaine. Nous devrons nous assurer que nous ne sommes pas allés trop loin dans l'idée selon laquelle le numérique serait adapté à toutes les situations S'agissant des non-lecteurs et des non-scripteurs, je tiens à préciser qu'ils bénéficieront toujours d'une formation en présentiel, avec un forfait de 600 heures.

Sur l'accélération de l'instruction des demandes par l'Ofpra, nous commençons à enregistrer, en 2025, une baisse du nombre de demandeurs d'asile, comme c'est déjà le cas dans tous les pays européens, alors que 77 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ont été octroyés sur deux ans, un effort extraordinaire. Je ne suis donc pas choquée par le fait d'attendre un nombre important de décisions dans des délais restreints, même si l'objectif de 60 jours de délai de traitement par l'OFPRA paraît toujours irréaliste et que l'effort de déstockage de dossiers anciens fait mécaniquement augmenter les délais moyens constatés.

Là encore, il convient de rester raisonnable. Je comprends l'avertissement de la direction générale de l'Ofpra sur la présence de cas difficiles, sur lesquels il convient de rendre des décisions de qualité pour éviter les recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Concernant les OQTF, le taux d'exécution concerne les OQTF à exécuter, une fois les délais de recours épuisés. En revanche, je constate que nous parvenons à effectuer bien plus de retours forcés lorsque nous savons où se trouvent les étrangers en situation irrégulière, raison pour laquelle je suis si favorable à l'augmentation du nombre de places en CRA, même s'il ne s'agit pas de les augmenter à l'infini. Les centres de rétention doivent disposer de places, non seulement pour ceux qui représentent un trouble à l'ordre public, mais aussi pour ceux qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire, même sans représenter une menace imminente.

Il est vrai que l'échec du retour des étrangers en situation irrégulière tient beaucoup à la difficulté d'obtenir des laissez-passer consulaires, surtout pour un pays en particulier... L'Algérie, le Maroc et la Tunisie sont les trois pays les plus concernés par l'immigration irrégulière et, pour la première, la situation est bloquée plus que jamais, même s'il n'a jamais été évident d'obtenir ces laissez-passer. En réalité, les réponses sont ailleurs, notamment dans les politiques de délivrance des visas et de développement. Peut-être faut-il aussi se poser la question de la convergence des objectifs au sein même du Gouvernement...

Nous constatons les limites d'une politique qui mobilise beaucoup de moyens. Je rappelle que seulement 38,8 % des personnes retenues en métropole repartiront dans leur pays d'origine. Ce taux moyen est le même pour les ressortissants des pays du Maghreb alors même qu'ils représentent plus de 55 % des personnes en rétention, mais à peine 40 % des retours forcés.

Enfin, des expérimentations assez significatives sont déjà en cours au sein des CRA pour déterminer s'il est possible de remplacer des policiers formant le personnel par d'autres profils pour des missions limitées et définies, telles que la restauration, la maintenance ou la bagagerie. Sans constituer une éviction à grande échelle de la police aux frontières dans ces centres, cette piste a le mérite de s'inscrire dans la volonté d'augmenter de 1 000 places d'ici à 2029 le nombre de places en CRA.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

La réunion est close à 12 h 20.

Jeudi 6 novembre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Remboursements et dégrèvements » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux ce matin par l'examen du rapport spécial sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements ». - La mission « Remboursements et dégrèvements » occupe une place particulière dans le budget : c'est la plus importante en volume, puisqu'elle représente 17 % des crédits dans ce projet de loi de finances pour 2026.

Pour mémoire, la mission retrace les dépenses budgétaires résultant de l'application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d'impôt. Elle comprend deux programmes, le programme 200, centré sur les impôts d'État, et le programme 201, qui couvre les impôts locaux.

Les trois quarts des dépenses suivies par la mission reflètent simplement des remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt. Ce caractère mécanique implique notamment que les crédits de la présente mission sont évaluatifs, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas soumis à un plafond de dépense pour le Gouvernement.

Les crédits de la mission sont évalués à plus de 145 milliards d'euros en 2026, soit une baisse légère de 0,4 % par rapport à la dernière estimation à date pour 2025. Cette stabilité vient toutefois ponctuer un quart de siècle de croissance, les crédits de la mission ayant progressé de 85 milliards d'euros depuis 2001, soit une hausse de 140 %.

Cette progression résulte, d'une part, de la hausse des recettes fiscales brutes de l'État, dont le corollaire est une augmentation des remboursements et dégrèvements, et, d'autre part, des différentes modifications de politiques fiscales, qui, à cause de la multiplication des exonérations, contribuent à la perte de recettes fiscales.

La mission s'est progressivement « étatisée ». Avec la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et les réformes successives des impôts de production, les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux sont passés de 23 milliards d'euros en 2020 à 5 milliards d'euros en 2023, un montant désormais stabilisé. Sur la même période, l'évolution des remboursements et dégrèvements sur des impôts d'État a plus que compensé cette baisse, passant de 121 milliards d'euros à 141 milliards d'euros, soit désormais 97 % des crédits de la mission.

Je commencerai par examiner les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. Les 141 milliards d'euros estimés pour 2026 représentent une baisse de 0,4 % par rapport à la dernière estimation à date pour 2025. Cette baisse masque toutefois deux évolutions contradictoires : si les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État diminuent de 17 %, ceux qui sont corrélés à la mécanique de l'impôt et à diverses politiques publiques augmentent sensiblement.

Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État passent donc de 17,2 milliards d'euros en 2025 à 14,2 milliards d'euros en 2026. En pratique, il s'agit principalement du remboursement de sommes indûment perçues, dont la baisse en 2026 s'explique principalement par quelques dépenses importantes en 2025.

La première porte sur des remboursements d'exit tax. Pour mémoire, lors de leur départ, les contribuables visés par cet impôt sont imposables sur les plus-values latentes liées à des titres et droits sociaux, mais ils bénéficient d'un sursis d'imposition : l'exit tax n'est réellement due que si les contribuables cèdent lesdits titres et droits sociaux avant l'expiration d'un certain délai légal, bénéficiant dans le cas contraire d'un remboursement.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, un député de la majorité, aujourd'hui au gouvernement, avait déposé un amendement d'apparence technique visant à étendre le remboursement d'exit tax aux prélèvements sociaux, y compris pour les titres cédés avant 2014, alors qu'il se limitait auparavant à l'impôt sur le revenu. Cet amendement, repris par le gouvernement de l'époque dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, a entraîné des remboursements à hauteur de plus de 2 milliards d'euros sur les années 2024 et 2025.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, j'estime que le gouvernement avait pour responsabilité de mieux informer le Parlement sur le coût aussi élevé d'une mesure d'apparence technique, les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) étant assurément capables d'estimer les volumes en question. Ce déficit d'information est d'autant plus dommageable qu'il est ensuite aisé pour l'exécutif de masquer ces 2 milliards en exécution budgétaire, noyés dans les milliards de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Je passe rapidement sur les autres remboursements et dégrèvements de sommes indues, en signalant simplement un versement de 1 milliard d'euros en 2025 induit par une décision définitive relative au volet indemnitaire du contentieux « précompte immobilier ». Il s'agit ici d'un dispositif fiscal que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé contraire au droit européen. Le Conseil d'État ayant manqué à son obligation de transmettre une question préjudicielle à la CJUE sur ce dispositif, les contribuables lésés ont engagé la responsabilité pour faute de l'État. Ces décisions sont anciennes, elles ont plus de dix ans et portent sur un régime créé en 1965, mais elles illustrent les coûts significatifs que peut entraîner une gestion approximative de la fiscalité de l'État.

S'agissant de la mécanique de l'impôt, sur la base des dernières estimations pour 2024, j'avais pointé, pour le PLF 2025, un risque de sous-estimation des crédits d'impôt sur les sociétés (IS) et de surestimation des crédits de TVA. Ces deux risques se sont effectivement matérialisés. À mes yeux, la DGFiP pourrait mieux communiquer sur les causes de la forte volatilité observée sur les remboursements d'impôt sur les sociétés. Toutefois, en termes de crédits budgétaires, les estimations proposées pour 2026 sont proches des crédits exécutés et n'appellent pas d'observation particulière.

J'en viens enfin aux remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques, qui, contrairement aux crédits précédemment évoqués, reflètent de vrais choix politiques.

Alors que les remboursements et dégrèvements diminuent dans l'ensemble en 2026, ceux qui sont liés à des politiques publiques sont en hausse, passant de 18,5 milliards à 19,4 milliards d'euros, sous l'effet notamment d'un recours croissant aux crédits d'impôt : il m'est apparu nécessaire d'interroger l'opportunité de ce choix.

Premièrement, les acomptes, avances et restitutions d'impôt sur le revenu devraient connaître une progression dynamique en 2026 - + 10 % par rapport aux dernières estimations pour 2025 -, après une hausse déjà soutenue en 2025 - + 8 % par rapport aux crédits exécutés en 2024 -, occupant chaque année une part croissante de l'impôt sur le revenu collecté - 8,4 % en 2026, contre 8,0 % en 2024.

Je note en particulier qu'en matière d'impôt sur le revenu, les remboursements et dégrèvements progressent notamment sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt contemporain pour l'emploi d'un salarié à domicile : 1,8 milliard d'euros en 2025, 2,3 milliards d'euros en 2026.

Partant des derniers travaux de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires (COR), je m'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux et peu contrôlable, portant sur des dépenses non contraintes pour certains contribuables. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socioéconomique des bénéficiaires.

L'autre crédit d'impôt coûteux auquel, vous le savez, je prête une grande attention est le crédit d'impôt recherche (CIR), qui continue de croître et qui est désormais projeté à plus de 8 milliards d'euros en 2025 et 2026.

Je peux m'appuyer cette année sur les travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, qui a pointé plusieurs limites de ce dispositif. Premièrement, les grandes entreprises représentent 42 % des créances du crédit d'impôt recherche. Deuxièmement, ce sont ces grandes entreprises qui exploitent le mieux, fiscalement, le bénéfice de ce dispositif et font le plus diminuer leur IS net. Troisièmement, les économistes interrogés par la commission d'enquête estiment que le rapport efficacité-coût du CIR est très perfectible.

L'an passé, grâce à un amendement voté par la commission, nous avons pu commencer à recentrer ce dispositif. C'est un pas dans la bonne direction, mais il m'apparaît néanmoins toujours indispensable d'engager une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprises et secteur d'activité.

Par ailleurs, sachant que la commission d'enquête estime leur montant à 211 milliards d'euros, les aides publiques aux entreprises devraient être assorties de conditions pour s'assurer de leur effectivité, en veillant à ce qu'elles stimulent effectivement la recherche réalisée en France. En cas de manquement avéré à ces conditions, il me paraîtrait justifié, conformément aux recommandations formulées par la commission d'enquête, d'instaurer un mécanisme de restitution, totale ou partielle, des aides perçues.

J'en viens maintenant au deuxième programme de cette mission, qui concerne les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Les crédits évalués pour 2026 s'élèvent à 4,6 milliards d'euros et sont stables par rapport à la dernière évaluation à date pour 2025.

Comme je vous l'indiquais en introduction, ce programme a été vidé d'une grande partie de sa substance avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et les baisses d'impôts de production.

Les remboursements de taxe foncière, qui ont presque doublé de 2018 à 2024, se stabilisent depuis cette date autour de 2 milliards d'euros et constituent désormais près de la moitié des crédits du programme.

Quant aux remboursements de taxe d'habitation, ils auraient dû connaître une trajectoire à la baisse encore plus marquée, mais ils ont dû être largement revus à la hausse pour financer d'importants dégrèvements consécutifs à la mise en place de l'outil Gérer mes biens immobiliers (GMBI) : après un premier dégrèvement massif de 1,3 milliard d'euros en 2024, un an plus tard, les dégrèvements s'élevaient toujours à plus de 800 millions d'euros. Si la DGFiP s'attend désormais à un retour à la normale, elle était déjà rassurante l'an passé. Je continuerai donc de suivre ce dossier avec attention, s'agissant tout de même de dégrèvements annuels de plusieurs centaines de millions d'euros.

Mes chers collègues, en conclusion, je vous invite à voter en faveur des crédits de la mission.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je m'interroge sur la régularité de la rétroactivité fiscale du dispositif que vous avez évoqué s'agissant de l'exit tax, et sur le fait qu'il n'ait donné lieu à aucun contentieux.

Je partage par ailleurs vos observations sur le CIR. Chaque année, je dépose un amendement pour le réaménager. Je vous engage, mes chers collègues, à franchir le pas cette année et à considérer qu'au-delà de 100 millions d'euros, il faut flécher le CIR vers les PME, PMI et ETI. Je vous rappelle que 1 euro de CIR dans une PME ou une ETI représente un effet de levier de 1,2 euro, contre 0,6 dans un grand groupe.

J'aimerais également que nous favorisions la recherche publique au travers de ce dispositif. On parle d'une niche fiscale de 7,8 milliards d'euros ; il serait bon qu'une grande partie de cette somme nous aide à financer nos laboratoires publics, pour instaurer une sorte de cercle vertueux.

M. Michel Canévet. - Je ne suis pas opposé à des évolutions sur le CIR - on peut essayer de mieux le cibler -, mais il faut rester prudent. Mardi matin, les dirigeants d'une entreprise de chauffage et de froid industriel de 400 personnes dans le Finistère m'ont rappelé combien le CIR leur était utile pour maintenir leur dynamique d'innovation et avoir toujours un coup d'avance, car les pays étrangers s'approprient rapidement les technologies.

Le CIR nous aide aussi pour tenter d'atteindre l'objectif de la stratégie de Lisbonne d'affecter 3 % du PIB à la recherche. Nous ne pourrons pas y parvenir en nous appuyant seulement sur des fonds publics, compte tenu de l'état extrêmement dégradé de nos finances.

Je veux aussi interroger le rapporteur spécial sur les dégrèvements de taxe d'habitation. Correspondent-ils à chaque fois à un décaissement de la part de l'État ou parfois à une simple opération comptable, par exemple si un contribuable ne s'est pas acquitté d'un avis d'imposition qu'il a décidé de contester ?

Le crédit d'impôt contemporain me semble utile pour permettre à des familles qui n'en ont pas les moyens de recourir à des services à la personne. Ne serait-il pas envisageable de fixer un seuil de revenus au-dessus duquel on ne pourrait pas prétendre immédiatement à ce crédit d'impôt ?

Enfin, l'importance des dégrèvements de TVA suggère certainement un problème de fraude, identifié par la commission d'enquête précitée. Des actions complémentaires ne devraient-elles pas être envisagées ? Qu'en pense le rapporteur ?

M. Pierre Barros. - La suppression de la taxe d'habitation coûte beaucoup à l'État, mais aussi aux collectivités, car l'évolution de la compensation par l'État est illisible et insuffisante. Parviendrons-nous un jour, lorsqu'un impôt est supprimé, à ce qu'il soit durablement compensé dans des conditions satisfaisantes pour les territoires ?

Voilà quelques années, les collectivités locales et l'État ont renoncé à percevoir temporairement un certain nombre de contributions et d'impôts pour inciter l'entreprise FedEx à s'installer sur le hub de Roissy. Le dégrèvement est donc aussi un outil utilisé pour attirer des entreprises, souvent d'envergure internationale. Sommes-nous capables de quantifier ce genre de pratiques ?

Mme Christine Lavarde. - Les grands gagnants de la mise en place de l'outil GMBI ont été les collectivités. Les contribuables ont payé l'impôt, l'État l'a reversé aux collectivités sur la base de données qu'il considérait comme correctes, puis les contribuables ont attaqué l'État, qui les a remboursés. D'où les montants très significatifs que le rapporteur a cités. Comme lui, j'estime que les choses vont s'améliorer. En réalité, tout le travail de mise à jour de la base de données réalisé après l'erreur de 1 milliard d'euros en 2023 a été effacé, et certains contribuables ont pu être imposés à tort deux années de suite. C'est le cas par exemple des pompiers de Paris, considérés comme étant en résidence secondaire dans leur caserne, car la Ville de Paris avait annulé la correction des bases effectuée par l'État. Le système a désormais été consolidé, et le nombre d'erreurs devrait logiquement diminuer.

Cette plateforme GMBI présente par ailleurs un intérêt assez puissant pour la mise à jour des valeurs locatives des locaux d'habitation. Les propriétaires-bailleurs ont été contraints, il y a près de deux ans, de déclarer le niveau de loyer qu'ils demandaient à leurs locataires, dans l'idée de pouvoir réviser les valeurs locatives. Nous devrons délibérer, dans le cadre du projet de loi de finances, d'une nouvelle prorogation de cette réforme. La DGFiP envisage-t-elle une collecte annuelle des informations sur le niveau des loyers ?

M. Thierry Cozic. - Un certain nombre de difficultés pointées dans le rapport ne s'expliquent-elles pas par un manque d'études d'impact et de préparation des décisions prises par le Gouvernement ? Dans ce contexte, je m'étonne des nouvelles suppressions d'emplois à la DGFiP prévues dans le budget pour 2026.

M. Jean-Raymond Hugonet. - À l'heure où l'on traque activement le milliard d'euros d'économies dans le projet de budget, certains points évoqués par le rapporteur ont en effet de quoi agacer, quelles que soient nos sensibilités.

Si je comprends bien la tonalité générale du rapport, la DGFiP travaille de façon très cohérente. Nous sommes très innovants dans notre pays pour créer des dispositifs qui s'enchevêtrent, auxquels plus personne ne comprend rien, en revanche, et pour paraphraser La Fontaine, nous nous hâtons avec lenteur pour les corriger.

Face à cette usine à gaz fiscale, les moyens de contrôle de la DGFiP vous paraissent-ils suffisants, monsieur le rapporteur ? Comme dans les préfectures, on a le sentiment que les personnels n'arrivent plus à répondre à la demande.

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. - Madame Paoli-Gagin, pour ce qui est des remboursements d'exit tax, ils étaient limités aux cessions antérieures à 2014. La question de la rétroactivité ne se posait pas au cas présent, s'agissant d'une mesure favorable aux contribuables, qui ne porte pas atteinte à des situations légalement acquises.

Sur le CIR, je pense à titre personnel que nous aurions pu mener une mission flash pour croiser les avis. Nous mobilisons 8 milliards d'euros d'argent public chaque année et nous voulons des résultats en termes de recherche appliquée, d'industrie, etc. Le débat ne manquera pas d'avoir lieu prochainement, à l'occasion du PLF, y compris sur son éventuel fléchage vers la recherche publique.

Pour répondre à M. Canévet, le dégrèvement de la taxe d'habitation est bien à la charge de l'État.

Concernant les crédits d'impôt contemporains, il s'agit d'une invitation plutôt qu'une directive. Il convient de regarder les taux de prise en charge et les profils économiques des bénéficiaires. Se pose la question de ce qui doit relever d'un crédit d'impôt ou d'une prestation ; je pense notamment à l'accompagnement pour la petite enfance, les personnes handicapées et isolées.

Concernant la fraude à la TVA, je ne peux pas donner de garanties à 100 %, mais la DGFiP a réalisé de réels progrès ; il s'agit d'encourager leur travail.

Sur l'utilisation de la plateforme GMBI pour aider à la révision des valeurs locatives cadastrales d'habitation, c'est une piste très prometteuse et d'ailleurs, la Cour des comptes a fait une recommandation similaire dans son rapport sur GMBI. Comme vous le savez toutefois, sur cette question centrale de la révision des valeurs locatives cadastrales, les blocages sont autant politiques que techniques.

Pour répondre à M. Cozic sur les études d'impact, les crédits de la mission sont évaluatifs et comportent une grande part d'incertitude. Pour que les estimations réalisées soient mieux contrôlées, les décisions, sans doute trop nombreuses, devraient être précédées d'études d'impact. Il s'agit de développer notre esprit critique à partir d'éléments fiables.

La DGFiP aurait sans doute besoin d'un temps supplémentaire dédié à la formation. Sachant l'évolution fréquente de nos dispositifs fiscaux et financiers, il n'est pas évident pour une administration de s'adapter aussi vite. Par ailleurs, certains emplois ont été supprimés.

Enfin, je ne dispose d'aucune information sur les dégrèvements favorisant l'implantation d'entreprises sur le territoire français.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Aide publique au développement » et compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 10 h 50.