Jeudi 13 novembre 2025
- Présidence de M. Stéphane Piednoir, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Examen du rapport sur « Science et sport »
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Nous nous retrouvons pour la présentation d'un rapport attendu, celui de notre collègue David Ros, sur la thématique « Science et sport », et plus précisément sur l'impact de la science et des technologies sur la performance sportive.
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir confié cette mission sur la science et le sport.
Les aléas politiques ont fait de la rédaction de ce rapport une expérience particulière. En effet, nous avons commencé nos travaux en mars 2024, avec Jean-Luc Fugit. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, en juin 2024, c'est Stéphane Vojetta qui l'a remplacé, avant que l'élection de ce dernier soit invalidée en juillet 2025. J'ai donc terminé la rédaction seul. Nos deux collègues députés ont néanmoins fortement contribué à ces travaux, auxquels je tiens à les associer, même si leur nom n'apparaîtra pas. Ainsi, nous avons mené plus de cinquante auditions, rencontré plus de cent personnes et effectué huit déplacements pour aboutir à ce rapport dépassant les 200 pages.
Nos travaux se sont orientés selon quatre axes principaux et se terminent par dix recommandations. Le premier axe concerne l'apport de la science au sport de compétition et ses éventuels effets pervers. Le deuxième traite des conséquences de l'organisation à Paris des jeux Olympiques et Paralympiques qui a créé une dynamique de structuration autour de la relation science-sport. Le troisième, sur lequel nous avons beaucoup insisté, Jean-Luc Fugit, Stéphane Vojetta et moi-même, porte sur la manière dont les travaux de recherche sur le sport de haut niveau irriguent la pratique du sport en général, la médecine, le bien-être et le bien-vieillir. Enfin, la dernière partie souligne le paradoxe entre l'abondance des travaux scientifiques sur l'activité physique et la faible pratique du sport ou de l'activité physique en France.
La première partie du rapport, sur l'effet de la science et des technologies sur la performance des sportifs de haut niveau, concerne principalement trois domaines : les matériaux et les équipements, la détection des talents et la préparation des athlètes.
Pour les matériaux, par exemple, tout le monde rêve de s'acheter un vélo que l'on peut soulever d'un doigt. Le poids des vélos de compétition est ainsi passé en quelques dizaines d'années de plus de quinze kilogrammes à moins de sept kilogrammes. Je mentionne également les semelles à plaques de carbone, qui augmentent de 4 % l'efficacité de la course, ainsi que, dans le domaine de la voile, les nombreux travaux menés sur l'optimisation aéro- et hydrodynamique.
Des progrès sont également constatés dans le domaine de la sécurité des athlètes, par exemple pour lutter contre les chocs sur les pistes d'athlétisme ou les praticables de gymnastique. C'est également le cas du confort, grâce aux innovations technologiques portant sur les textiles et les chaussures. Ainsi, au Plessis-Robinson, le centre de recherche du Racing 92 effectue un travail considérable de personnalisation des chaussures pour les joueurs.
De plus en plus de travaux sont menés sur la caractérisation des équipements, particulièrement pour les athlètes paralympiques, comme sur l'adaptation des fauteuils de tennis aux surfaces de jeu. Ces travaux scientifiques ont des retombées évidentes pour les autres sportifs. Ainsi, le parasportif est une locomotive qu'il convient de mettre en avant pour les sportifs de haut niveau, mais également pour les sportifs de tous les jours.
Un autre domaine de recherche porte sur la détection des hauts potentiels, encore imparfaite sur certains aspects, car la plupart des modèles se focalisent excessivement sur l'âge de naissance, et non sur l'âge biologique. Il faut également tenir compte de l'historique de la pratique d'une personne, par exemple le nombre de semaines d'entraînement. À titre de comparaison, un élève qui obtient 18 en mathématiques après y avoir consacré six heures d'entraînement n'a pas forcément le même potentiel que celui qui, pour la même note, s'est préparé pendant six minutes... Il faut donc faire de même pour les sportifs.
J'en viens à la préparation des athlètes, qui existait bien sûr avant les Jeux, mais le phénomène s'est amplifié. De très nombreux domaines scientifiques sont concernés : la biomécanique, la physiologie, les neurosciences, la psychologie, avec la préparation mentale, et la sociologie. Les données permettent d'individualiser les programmes d'entraînement de manière très sophistiquée en fonction des capacités initiales et des objectifs recherchés. En parallèle, on développe de plus en plus la préparation mentale, même pour de très grands sportifs comme Teddy Riner. Loin d'être un aveu de faiblesse, il s'agit d'un élément essentiel dans la préparation des athlètes aux compétitions.
S'ajoutent encore les sciences et préparations techniques et tactiques avant l'épreuve, notamment via la réalité virtuelle. Par exemple, Loïs Boisson, au cours de la rééducation postérieure à son opération de la hanche, a utilisé des lunettes de réalité virtuelle pour simuler certains gestes et réapprendre à se déplacer correctement. Le même principe est applicable pour se préparer à la technique de l'adversaire. Au tennis de table par exemple, les frères Lebrun ont analysé les services de leurs adversaires, afin de mieux anticiper les effets donnés à la balle. Ces technologies joueront un rôle croissant dans la préparation aux épreuves.
Se pose cependant la question des possibles effets néfastes de la technologie.
Tout d'abord, on observe des inégalités grandissantes entre les fédérations, dont certaines n'ont pas les moyens de mettre ce genre d'outils à la disposition de leurs sportifs. En outre, au cours des cinq dernières années, 9 % des études ont concerné des athlètes femmes, contre 71 % exclusivement des hommes. Un rééquilibrage est donc nécessaire, d'autant que les spécificités physiologiques du cycle féminin ont un effet sensible sur leur performance le jour de l'épreuve.
Par ailleurs, la surveillance permanente des athlètes qui résulte de la collecte des données peut être un facteur de stress pour l'athlète, qu'il faut apprendre à gérer. De manière plus générale, cela pose la question de l'impact des données sur la santé des athlètes, les outils technologiques devant servir à comprendre leur état de forme plutôt qu'à outrepasser leurs limites physiques.
J'aborde, enfin, la dérive du dopage numérique et de l'homme « augmenté ». Ainsi, en 2026, la compétition des « jeux augmentés », organisée par des milliardaires américains, tolérera toute forme de dopage. Ses créateurs envisagent même qu'y soit battu le record du monde du 100 mètres... Anabolisants, numérique, matériel, tout sera permis, suivant l'idée selon laquelle l'homme peut être encore meilleur à chaque épreuve. Les limites sanitaires de cet exercice sont claires.
Nous en arrivons au deuxième axe du rapport : en 2024, les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris ont été l'occasion de réorganiser l'accompagnement scientifique de la performance sportive en France.
Notre modèle du haut niveau, qui date des années 1960, avait été organisé autour de quatre piliers : le ministère chargé des sports, les fédérations, l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et les centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps). Si les résultats passés ont été significatifs, le constat plus récent était celui d'un retard par rapport à d'autres pays en matière de très haute performance et d'accompagnement scientifique ; je songe notamment à nos amis britanniques, ce qu'ont illustré les derniers Jeux de Londres.
Telle est la raison de la réorganisation, qui a commencé en 2018 avec le lancement du programme « Sciences 2024 » et un programme prioritaire de recherche (PPR) doté de 20 millions d'euros sur cinq ans. C'est à la fois beaucoup et peu lorsque l'on considère les projets menés dans le cadre de la préparation aux jeux Olympiques. Un groupement de recherche (GDR) « Sports et activités physiques » a été créé, qui mêle sciences et sports, afin de franchir les barrières psychologiques et culturelles qui existent entre ces deux mondes.
Cela a permis de restructurer les institutions du sport de haut niveau avec, notamment, la création de l'Agence nationale du sport (ANS), qui comprend un pôle haute performance. Parmi les projets réalisés par l'ANS, le plus important est le Sport Data Hub, qui permet de centraliser des données physiologiques et biomécaniques des sportifs de haut niveau, irriguant les programmes personnalisés que j'ai mentionnés. Cet outil n'existait pas avant le lancement des Jeux.
Le bilan est globalement positif. Les coopérations ont été renforcées entre les mondes scientifique et sportif, favorisant une montée en compétence des fédérations. On a vu ainsi naître un écosystème de l'accompagnement scientifique de la performance. Reste, cependant, la question des moyens.
Des obstacles administratifs subsistent également, notamment liés à la mise en oeuvre de la loi Jardé du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dont l'esprit n'est pas toujours compris ou respecté, et à la concurrence de pays européens qui n'ont pas le même regard. Un projet de loi de bioéthique devrait être prochainement examiné : ce sera l'occasion de reconsidérer cette problématique, y compris sous un angle européen.
Enfin, il demeure des obstacles culturels, qui tiennent à la place de la science de manière générale dans le monde sportif.
Comme je l'ai dit, il existe des inégalités entre des fédérations riches et pauvres. L'ANS devrait jouer un rôle de modération ou, à tout le moins, de soutien à l'égard de certaines fédérations.
N'oublions pas non plus l'incertitude sur le financement de la recherche pour le sport de haut niveau. Certes, pour la période post-2024, nous bénéficierons encore du phare des Jeux de 2030. Cependant, pour que ce dispositif soit efficace dans la durée, son financement ne doit pas dépendre des seules séquences olympiques.
Le troisième axe du rapport concerne les retombées des recherches initialement destinées au sport de haut niveau. Dans quels domaines ont-elles irrigué la médecine, le bien-être en général ou le soin de personnes présentant des séquelles ou des blessures, l'appareillage et les loisirs ?
Nous avons tout d'abord observé, notamment en province, un continuum très fort entre la recherche sur la performance sportive et la médecine : outre le sportif et le scientifique, le médecin n'est souvent pas très loin. Par exemple, à Saint-Étienne ou à Dijon, l'université, un centre sportif et un hôpital sont tout proches et s'articulent autour de l'objectif commun d'un traitement personnalisé, grâce à la fois au numérique et à l'approche humaine.
Les retombées dans le domaine de l'appareillage sont considérables, avec d'énormes progrès sur l'analyse du mouvement et sur la biomécanique dont les victimes de traumatismes liés notamment aux accidents de la route pourront par exemple bénéficier.
Un enjeu important réside dans la démocratisation des équipements, l'effet de masse faisant baisser les prix, ce qui permet d'accroître leur diffusion. Il reste néanmoins une difficulté d'adaptation des normes d'innovation technologique avant la mise sur le marché. Sans doute le législateur devra-t-il veiller à faciliter cette démarche dans le cadre d'expérimentations.
Dans le domaine du sport de loisir et grand public, l'approche personnalisée dont bénéficie le champion s'est étendue aux sportifs amateurs avec, par exemple, des matériels qui permettent, soit de disposer d'un coach numérique, soit d'apprendre avec un coach humain comment utiliser le numérique. Chacun peut s'identifier à un sportif de haut niveau et se fixer ses propres objectifs.
Les équipements de pointe se diffusent également et ont tendance à se personnaliser, avec une pratique physique à la demande. Là encore, il convient d'être prudent face à une possible dérive technologique. Ainsi, une pratique sportive guidée par les seules recommandations numériques pourrait faire perdre le bénéfice des sensations personnelles.
La dernière partie du rapport concerne les effets du sport sur la santé physique, qui font l'objet d'un consensus généralisé. Pourtant, ce consensus peine à se matérialiser.
En préambule, il convient de distinguer les notions de sédentarité et d'inactivité physique. En effet, si les deux phénomènes peuvent se cumuler, il est aussi possible, tout en ayant une activité physique, d'être sédentaire du fait de sa profession. La sédentarité et l'inactivité physique ont des impacts distincts et forts sur la santé. Ainsi, faire du sport ne suffit pas, il faut aussi lutter contre la sédentarité au quotidien. Actuellement, seuls 11,5 % des hommes et 10,6 % des femmes sont à la fois actifs et non sédentaires. On note que les femmes, avec toutes les tâches qu'elles accomplissent, sont finalement plus actives que les hommes.
L'impact de la sédentarité est considérable sur la santé. L'inactivité physique est, elle, liée à 5,3 millions de décès par an dans le monde ; il s'agit du quatrième facteur de mortalité, juste avant le tabac. Elle entraîne de nombreux problèmes de santé, dont l'augmentation des risques d'obésité, de diabète et, bien sûr, de maladies cardio-vasculaires. De plus en plus d'études scientifiques montrent aussi une corrélation avec le développement de cancers.
Pourtant, les bienfaits de l'activité physique sont connus et documentés scientifiquement. Ainsi, des études menées dans tous les pays, sous différentes approches, aboutissent aux mêmes résultats. Bien évidemment, l'on songe avant tout à la santé physique, avec le renforcement du coeur, des muscles et des os, comme nous l'avons tous appris à l'école. Mais sont désormais aussi connus les rôles préventifs et curatifs de l'activité pour un certain nombre de maladies, y compris le cancer. En outre, de plus en plus d'études font état d'effets sur la santé mentale et cognitive, avec une amélioration de la mémoire et de la concentration. Dans l'idéal, en cours d'apprentissage, à chaque heure et demie de travail intellectuel intense devrait être associé un quart d'heure de marche rapide.
S'ajoute à cela la diminution de l'anxiété et de la dépression, maux qui touchent de plus en plus nos sociétés. Par ailleurs, même si le résultat est moins clair, de premières études ont été publiées sur la relation entre l'activité physique et la lutte contre le déclin cognitif et la maladie d'Alzheimer, par la combinaison de certains exercices de concentration et de pratiques sportives. Le sujet est d'autant plus important que ce type de maladies s'accroît fortement et que nous vivons plus longtemps.
Ainsi, le gain moyen lié à l'activité physique se situerait entre sept et dix ans d'espérance de vie en bonne santé. Soit dit en passant, lorsque l'on parle du départ à la retraite, ce qui compte n'est pas tant l'âge limite que le nombre d'années qu'il reste à vivre en bonne santé. Nous devrions le prendre en compte dans le cadre de nos réflexions politiques.
Néanmoins, on constate une dégradation extrêmement alarmante de la condition physique des Français. Ainsi, pas moins de 37,5 % des hommes et 46,4 % des femmes, ainsi que 70 % des plus de 65 ans, sont inactifs. Par ailleurs, 66 % des jeunes de 11 à 17 ans cumulent plus de deux heures devant les écrans et moins d'une heure d'activité physique par jour. Les inégalités sociales sont marquées dans ce domaine, et le phénomène a été amplifié depuis la covid-19, en particulier chez les enfants et les adolescents.
Les conséquences sont claires : la condition physique est moins bonne et les coûts sanitaires sont extrêmement élevés, ce qui doit être relevé en période d'examen du budget. Ainsi, le « sport sur ordonnance » est souvent considéré par Bercy comme une dépense supplémentaire, alors que les études montrent très clairement qu'il aboutirait à une baisse des dépenses futures.
On peut donc parler d'un échec des politiques publiques menées, toutes tendances politiques confondues, malgré vingt-cinq ans d'initiatives, du programme national nutrition santé (PNNS) et des stratégies nationales sport-santé (SNSS), dont la dernière concerne la période 2025-2030. Or ces plans et ces actions de communication ne se traduisent pas dans les faits.
On peut pointer un certain nombre d'obstacles, à commencer par un urbanisme inadapté. De plus, du fait des inégalités sociales, ces plans ne profitent qu'à une partie de la population. Enfin, il existe un manque global de reconnaissance de l'importance du sport et de l'activité physique tout au long du parcours scolaire de l'enfant, au lycée, à l'université, voire dans le monde de l'entreprise. Il faut donc changer de paradigme culturel quant à la manière dont nous considérons le sport et l'activité physique dans notre société.
Comme l'a évoqué hier la commission de la culture du Sénat, l'héritage des JOP est limité et ne fait pas l'objet d'une stratégie d'accompagnement au-delà de l'événement lui-même, qu'il s'agisse de la compétition de 2024 ou de celle de 2030. Dans ces conditions, comment passer d'une nation de sportifs à une nation sportive ?
Des travaux scientifiques existent pour aider à promouvoir l'activité physique. Un aspect important consiste à mettre en avant la motivation principale qui doit être le plaisir. En parallèle, la communication sur les bénéfices pour la santé doit se poursuivre et être reliée au plaisir de faire du sport, plutôt qu'à la contrainte.
L'éducation physique et sportive (EPS) est essentielle pour développer l'activité physique. La ministre des sports Marie Barsacq, très intéressée par la question, m'avait indiqué qu'elle s'était heurtée à une position quelque peu dogmatique des syndicats de professeurs d'EPS, qui estimaient que la création et le suivi d'un parcours sportif et sanitaire du jeune, de la sixième à la troisième, n'était pas leur métier. Il y a donc un travail culturel à mener, d'autant plus que les données chiffrées existent, avec le bilan de compétences effectué à l'entrée en sixième. Confier ce travail aux professeurs d'EPS, dans le cadre d'un contrat avec les enfants qu'ils suivent pendant les quatre années du collège, valoriserait leur métier. Tout le monde gagnerait à placer le sport au coeur des enseignements. Pourquoi ne pas multiplier le nombre de professeurs principaux enseignant l'EPS, au lieu de réserver ce rôle aux professeurs de mathématiques ou de physique ?
Un autre sujet est l'abandon du sport entre l'enfance et l'adolescence, pour différentes raisons : les premières amours, l'abandon des sports collectifs, la passion pour les écrans ou la musique... Ce décrochage, en augmentation, est aussi de plus en plus précoce, puisqu'auparavant, il intervenait à 15 ou 16 ans, contre 12 ou 13 ans désormais. Là encore, le rôle du professeur d'EPS est important pour donner confiance aux jeunes et les aider à poursuivre l'activité sportive tout au long de leur parcours scolaire.
Plus globalement, il existe une responsabilité importante de l'école, du lycée, de l'université, des grandes écoles, des entreprises et des administrations dans le rapport au sport, qui est souvent réduit à ce que l'on fait après... Par exemple, à Polytechnique, le sport ne représente qu'un tout petit coefficient. Or, puisque l'activité physique améliore la concentration, donc l'apprentissage et la productivité une fois adulte, il faut la remettre au coeur de la société. En particulier, les administrations doivent être exemplaires dans les possibilités offertes à leurs employés de pratiquer du sport.
Un travail d'explication est également nécessaire pour que chaque individu adapte son activité physique en fonction de son âge, de ses pathologies et de son contexte social.
J'en viens aux dix recommandations du rapport qui s'orientent selon deux axes principaux. Les six premières consistent à mettre la science au service de la performance et de l'activité sportive, les suivantes visent à faire de la France une nation sportive.
En premier lieu, il faut sanctuariser et élargir les programmes de recherche. Nous avons vu les effets positifs des 20 millions d'euros dépensés sur cinq ans. Les pérenniser est une bonne chose, mais peut-être faudrait-il augmenter le montant. La recherche de crédits publics étant difficile aujourd'hui, j'avais évoqué avec la ministre la possibilité d'avoir recours plus largement au mécénat, comme c'est déjà parfois le cas.
Deuxièmement, il faut mener un travail avec les fédérations, l'Insep et l'ANS, notamment s'agissant du soutien de cette dernière aux fédérations qui n'ont pas les moyens de lancer des programmes de recherche. Cela permettrait non seulement d'augmenter le nombre de médailles, comme l'a mentionné hier la ministre Marina Ferrari, mais aussi de renforcer le lien entre les domaines scientifique et sportif.
La troisième recommandation consiste à faire de l'ANS le seul interlocuteur des fournisseurs de données, notamment pour les scientifiques. Cela soulève la question de la souveraineté sur lesdites données, qui pèse sur les discussions techniques. Pour l'heure, elles sont quelque peu dispersées, alors que leur volume va augmenter très fortement.
Quatrièmement, il faut s'assurer du respect de l'esprit de la loi Jardé, ou peut-être en repréciser le cadre.
La cinquième recommandation, extrêmement importante, concerne la prévention des commotions cérébrales et des coups de chaleur. Un important travail sur les commotions a été réalisé dans le monde du rugby, par exemple au Racing 92. Mais le phénomène touche beaucoup d'autres sports, comme le handball et le football. Ainsi, certains pays nordiques interdisent aux joueurs de football de moins de 11 ans de pratiquer le jeu de tête, parce que le cerveau n'est pas encore complètement protégé à cet âge. Pourquoi pas en France ? Il en va de même pour le judo : la multiplication des chutes, de 4 à 6 ans, et même jusqu'à 11 ans, pourrait provoquer des débuts de cisaillement autour du cerveau. La fédération devrait peut-être modifier la pratique du baby-judo.
Partie du rugby de haut niveau, cette réflexion s'est bien diffusée dans d'autres sports. Mais il n'y a pas, à notre connaissance, de démarche générale du ministère sur la prévention des commotions, alors que celles-ci ont des conséquences extrêmement importantes, y compris celle du coût lié aux maladies et problèmes de santé de longue durée qu'elles occasionnent.
Les coups de chaleur sont un phénomène qui a d'abord été identifié et analysé par les militaires. Souvent associés à l'exposition directe à la chaleur, ils peuvent advenir lors de la pratique de sports extrêmes. Ainsi, la température des participants à des épreuves de trails peut dépasser 39 degrés, du fait d'une réaction du corps aux inflammations liées à l'épreuve subie par l'organisme. Or la température de certains corps ne peut pas redescendre, ce qui peut provoquer l'arrêt du coeur voire une mort subite. Des matériaux sont en cours de développement pour refroidir les organes externes et améliorer le fonctionnement du corps et du cerveau et faire face à ces coups de chaleur.
Ce phénomène est toutefois méconnu car lorsqu'une personne meurt de mort subite ou d'un arrêt cardiaque, le coup de chaleur est rarement mis en avant. Des études permettent désormais de mieux l'identifier.
Ainsi, un travail global de prévention, à la fois sur les commotions et les coups de chaleur, devrait être mené par le ministère.
La sixième recommandation vise à réglementer la préparation mentale, domaine dans lequel la formation des praticiens est marquée par une grande hétérogénéité : détention d'un diplôme ou non, niveau réel de compétence... La formation des préparateurs physiques doit également être revue, en lien notamment avec les ministères des sports et de l'enseignement supérieur.
Le second axe, plus général, de nos recommandations tend à faire de la France une nation, sinon sportive, du moins active. La septième recommandation consiste à actualiser les données sur la sédentarité et l'activité physique, dans des bases de données comprenant l'activité physique, le temps passé devant les écrans, ou encore la condition physique générale des Français. Ces éléments doivent être accessibles en permanence de manière dynamique dans le cadre d'un observatoire, jusqu'à ce que les consulter devienne un réflexe, comme l'on s'informe chaque matin de la météo sur son téléphone, et une source de motivation.
Huitièmement, il s'agit de faire de l'activité physique adaptée un axe majeur des traitements non médicamenteux et d'ancrer culturellement la conviction selon laquelle cette activité adaptée permet de lutter contre des maladies chroniques et des troubles de la santé mentale. L'idéal serait de disposer de critères d'évaluation pour mesurer le retour sur investissement, c'est-à-dire les dépenses que cette activité physique permettrait d'éviter, afin de convaincre Bercy de généraliser la démarche dans les budgets des années à venir.
La neuvième recommandation vise à promouvoir les sciences de l'implémentation pour réduire la sédentarité et mettre en oeuvre des stratégies de long terme pour encourager l'activité physique.
Cela va de pair avec la dernière recommandation, qui relève de la communication, puisqu'elle consiste à mettre en pratique, de l'école maternelle aux structures médicalisées, du premier au dernier âge, l'activité physique ou le sport, sous l'angle à la fois de la santé publique et de la performance, qu'il s'agisse de l'apprentissage des enfants, de la pratique dans le monde professionnel, ou de l'activité intellectuelle lorsque l'on vieillit. Ce travail implique au premier chef les ministères de l'éducation nationale, des sports, de la recherche et de l'économie et des finances.
Pour conclure, si la SNSS 2025-2030 a déjà fait l'objet d'actions de communication, elle doit désormais être portée au plus haut niveau de l'État, lequel peut agir par l'exemple, ne serait-ce qu'au travers de la pratique du sport dans les administrations.
Je suis certain que lors de la présentation prochaine de cette stratégie, la ministre des sports sera présente, mais pas son homologue de l'éducation nationale. Avec mon collègue Bernard Fialaire, nous avions réuni les acteurs du sport et de la recherche, ainsi que le délégué interministériel chargé du sport-santé, Vincent Roger. Lorsque nous nous sommes étonnés de l'absence de représentants de l'éducation nationale, celui-ci nous avait dit que trois personnes avaient pourtant été invitées. Cela illustre bien le fait qu'il ne s'agit pas de l'une des priorités de ce ministère, ce qui pose problème.
De manière plus générale, pour être efficace, il faut une implication coordonnée de tous les ministères, avec des budgets dédiés et, surtout, des critères d'évaluation clairs pour mesurer si les actions menées vont dans le bon sens. Or ces critères sont simples : il s'agit de l'état physique des Français, dont la cartographie est essentielle. C'est ainsi que nous pourrons voir si nous allons dans la bonne direction.
Mme Olga Givernet, députée. - Après l'expérience des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et en vue de ceux de 2030, des éléments sont-ils amendables dans le cadre du projet de loi en cours de discussion ? Les JOP de 2030 marqueront, à n'en pas douter, des avancées technologiques concernant l'usage des matériaux et la mise en place de conditions nécessaires à la pratique sportive.
Dans la lettre de saisine de l'Office, l'e-sport n'est pas évoqué. Un large public, avec une forte émulation, est pourtant concerné. Envisagez-vous de mettre l'accent sur le sujet ultérieurement ?
Enfin, concernant l'accès aux données, on observe le développement de nombreuses applications santé qui permettent, par exemple, de calculer le nombre de pas. Comment peut-on favoriser l'appropriation par le grand public de ces technologies ?
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - La Cour des comptes a indiqué que la disponibilité des acteurs, aussi bien pour la communication et la logistique que de la part des entreprises et du bénévolat, a constitué un atout pour les JOP de Paris. Il s'agira de vérifier que l'écosystème de compétences réunies fonctionne aussi bien lors des JOP de 2030.
Un montant de 20 millions d'euros sera consacré au lancement du programme prioritaire de recherche (PPR). Les thématiques seront différentes de celles mises en avant lors des JOP de Paris. Les acteurs de la recherche française sont en pointe, notamment dans les domaines du matériel, mais aussi sur des thématiques en lien avec les conditions météorologiques ; l'enjeu sera de bien les mobiliser.
Quand on dispose de peu de moyens, il faut identifier les sportifs qui ont un potentiel pour favoriser leur progression. En 2012, lors des JOP de Londres, le Royaume-Uni avait largement battu son record de médailles en ciblant un certain nombre de disciplines, notamment le cyclisme sur piste. En vue des JOP de Los Angeles, sa stratégie a évolué : en multipliant par dix le budget, il ambitionne désormais de se situer derrière les États-Unis et la Chine pour le nombre de médailles.
Par ailleurs, les JOP, en particulier ceux d'hiver, constituent une vitrine pour le tourisme et le matériel.
Nous n'avons pas étudié la question de l'e-sport. En revanche, l'apport de la réalité virtuelle est désormais intégré dans la préparation des sportifs de haut niveau ; je pense notamment à la possibilité de s'entraîner en dépit de blessures. Le matériel est encore coûteux, mais cet aspect pourrait se développer auprès du grand public.
Aujourd'hui, alors que nous sommes saturés de données, se pose la question de leur juste utilisation, au regard des objectifs que nous nous sommes fixés. Comme pour l'intelligence artificielle, une phase d'apprentissage est nécessaire. Au-delà des données, la sensation aussi doit guider dans l'effort.
Au lycée, un semestre est consacré à la pratique de la musculation. À cet âge, les garçons font de la musculation dans leur coin, guidés par les seuls influenceurs, et ils pensent tout savoir sur le sujet. Les professeurs d'EPS pourraient jouer un rôle pédagogique, en établissant un programme, en échangeant avec les jeunes sur le discours des influenceurs. Pour l'instant, ce n'est pas le cas, les professeurs étant, le plus souvent, déconnectés de ces vagues de données qui nous submergent.
Par ailleurs, des questions liées à la souveraineté se posent concernant l'utilisation et le partage de ces données.
M. Daniel Salmon, sénateur. - Certaines définitions, notamment celle de la sédentarité, me semblent encore assez floues.
J'établis une différence entre le sport du quotidien et celui qui vise la performance. Par quotidien, j'entends la marche quand on se rend à son travail. Ce type d'activité physique n'est pas considéré comme du sport, mais s'avère fondamental en matière de santé.
Aujourd'hui, notre société valorise la performance, et cela entraîne certains excès : je pense à l'exemple, cité par le rapporteur, de la hausse de température corporelle après un effort prolongé. Par ailleurs, comme de nombreuses études le montrent, ce culte de la performance conduit les personnes à des déplacements néfastes d'un point de vue écologique, sans parler de la question des déchets qui se pose notamment en Himalaya. Autant le sport au quotidien doit être valorisé, autant la performance ultime soulève de nombreuses questions. On peut également s'interroger sur la place de la technologie. Le sport génère une activité économique non dénuée de conséquences écologiques.
Concernant le sport de haut niveau, on observe des phénomènes d'usure après un certain âge. Il s'agit de placer les curseurs au bon endroit, afin d'encourager l'activité physique sans tomber dans l'excès.
Nous devons également prendre en compte la question de l'alimentation. Notre société est encore trop favorable aux aliments gras et sucrés : cette année encore, je défendrai des amendements visant à lutter contre cette tendance par la suppression de la publicité sur ces produits.
Enfin, il y a le sujet des écrans, et leur usage délétère pour nos jeunes.
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - Sur les douleurs articulaires, les données ne préviennent malheureusement pas de l'usure d'un ménisque. À ce titre, les sensations éprouvées restent essentielles.
L'ultra-trail concerne très peu de personnes. Avec le réchauffement climatique, se pose plus globalement la question de savoir comment nous allons continuer à faire du sport. En 2085, les températures moyennes devraient se situer au-delà des 28 degrés Celsius sur une grande partie du globe. L'idée est de développer de nouveaux matériaux qui permettront une activité physique dans des conditions favorables...
M. Daniel Salmon, sénateur. - Tout en luttant contre le réchauffement climatique !
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - Nous projeter dans l'avenir n'exclut pas de gérer aussi le présent.
Sur les questions alimentaires, nous disposons des connaissances ; l'enjeu est de savoir les utiliser.
Les effets néfastes des écrans sont bien connus. Par exemple, le fait d'être en contact de façon prolongée avec un écran moins de quarante-cinq minutes avant de s'endormir, altère la qualité du sommeil et la récupération physique.
Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), pour échapper à l'inactivité physique, il faut que les enfants de 5 à 17 ans aient chaque jour une activité d'intensité modérée à soutenue d'une durée de soixante minutes et que les adultes aient chaque semaine une activité d'intensité modérée d'une durée de cent cinquante minutes. Les critères sont donc assez vagues. Par ailleurs, l'important n'est pas le nombre de pas effectués chaque jour, mais le rythme de la marche. Plus la marche est rapide, plus on augmente la capacité cardio-respiratoire et plus on améliore l'état général de santé.
La sédentarité correspond au temps passé assis ou allongé. Pour autant, on peut être assis et effectuer des exercices de gainage passif.
Mme Florence Lassarade, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - J'ai été surprise par le faible taux - 11 % - de personnes pratiquant une activité physique, même modérée, après 65 ans. Je connais, en effet, de nombreuses associations proposant de la marche aux seniors. Les plus de 65 ans ne constituent pas une catégorie homogène, il faudrait introduire des tranches d'âge.
Il y a quelques années, l'université Clermont Auvergne avait mené une enquête sur l'installation de vélo-bureaux dans les classes, qui avaient permis d'augmenter le niveau sportif tout en améliorant les performances scolaires. Hélas, l'expérience ne s'est pas généralisée. Pourtant, elle s'appuyait sur le constat que la performance des meilleurs élèves en sport actuellement correspond à la performance des moins bons élèves en sport il y a 20 ans.
Les enseignants ont, en général, peu d'appétence pour le sport. Cela ne favorise pas une activité physique régulière des élèves. On tolère de moins en moins les enfants agités, alors que l'agitation est naturelle à cet âge. On constate également une augmentation de 20 % de l'obésité en vingt ans.
Dès l'enfance, il s'agit de s'attaquer aux habitudes les plus ancrées. À ce titre, l'influence des grands sportifs, qui font rêver les enfants, est décisive. Après chaque période de jeux Olympiques ou de Coupe du monde de football, il est frappant de voir les enfants se mettre au sport.
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - Les statistiques montrent qu'il existe de nombreuses différences entre le troisième et le quatrième âge. Je m'interroge sur le fait que les clubs de marche ne soient pas recensés dans le périmètre des activités sportives. L'activité physique ne requiert pas toujours une licence en club. Se pose alors la question de sa prise en compte dans les statistiques.
Une large part du temps scolaire - 65 à 70 % - est sédentaire. Dans le cadre d'une expérience visant à lutter contre l'obésité menée en milieu scolaire aux États-Unis, une moitié de la classe devait se tenir debout, en situation de musculation passive, pendant les cours. Les effets ont été nuls sur le poids ; en revanche, on a constaté de meilleurs résultats scolaires chez les élèves restés debout ; et les résultats ont été meilleurs encore en incluant cinq minutes de marche active toutes les heures et demie.
La corrélation entre une activité physique régulière et de meilleurs résultats scolaires est avérée, notamment en période d'apprentissage. En privilégiant une alternance des rythmes, l'activité physique favorise la mémorisation et la concentration.
Concernant les enseignants, au-delà des appétences individuelles, l'enjeu est culturel. Dans le parcours d'apprentissage de l'enfant, ils ne considèrent pas le sport comme une pratique essentielle. Dans les pays anglo-saxons, les classes sont plus actives et interactives. Il faut remettre l'activité physique et le sport au centre de la société.
La compétition induit l'idée d'un dépassement de soi, et les sportifs de haut niveau sont des modèles auxquels les jeunes peuvent s'identifier.
M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l'Office. - On peut tout faire dire à des statistiques. Le rapport indique que 11 % des hommes et 10,6 % des femmes pratiquent une activité physique. Sans doute faut-il travailler à une nomenclature plus précise de l'activité physique afin de mieux comprendre les enjeux.
L'absence de lien entre le sport et l'éducation est préoccupant. Les sportifs de haut niveau, qui connaissent bien les modèles éducatifs étrangers, ont été nombreux à le dire lors des JOP de 2024. Il existe une volonté politique pour faire de la France une nation sportive, mais nous sommes loin de pouvoir atteindre cet objectif, car le sport n'est pas une priorité dans notre pays. Il n'est pas valorisé dans les études comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons. L'Éducation nationale ne semble pas avoir la volonté de faire entrer le sport à l'école. L'Office doit se saisir de cette problématique et faire des propositions sur le sujet.
La situation est paradoxale : alors que les enseignants d'EPS disposent de nombreuses compétences et qu'ils sont soumis à un processus de sélection particulièrement rude, on constate une incompréhension, voire un dégoût des élèves pour le cours d'EPS qui va les éloigner de la pratique sportive.
Vous n'avez pas évoqué le sujet du sport cérébral ; je pense notamment aux échecs. Un certain nombre d'études ont montré les bienfaits de l'activité sur les performances cognitives, ce qui représente un argument supplémentaire pour renforcer le lien entre le sport et l'éducation.
Enfin, qu'adviendra-t-il de ce rapport ? Je suppose qu'il sera présenté à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat. Il serait intéressant d'en faire autant à l'Assemblée nationale.
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - Les taux de 11 % et de 10,6 % que vous avez mentionnés correspondent à des comportements à la fois actifs et non sédentaires. Pour ce qui est des comportements inactifs et sédentaires, les taux s'élèvent à 24 % pour les hommes et 39 % pour les femmes. 61% des hommes sont actifs et sédentaires.
Concernant le sport cérébral, j'étais persuadé qu'une activité physique concomitante améliorait les capacités de concentration ; des spécialistes m'ont répondu que le cerveau n'était pas conditionné pour effectuer deux activités à la fois et qu'il fallait privilégier les séquences alternées.
Un certain nombre des recommandations du rapport sont adressées au ministère, notamment celles qui concernent l'ANS et les JOP de 2030. Des éléments de notre rapport pourront également être repris dans le cadre du budget ou de propositions de loi (PPL) spécifiques.
Je souscris à ce que vous avez dit sur les professeurs d'EPS. Le concours est très difficile, en particulier celui de l'agrégation, et les professeurs disposent de nombreuses connaissances en matière de physiologie, de physique et de mécanique ; je déplore que celles-ci ne soient pas mieux utilisées dans le cadre de l'apprentissage.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Le rapport traite, d'une part, de la technologie qui permet d'augmenter les performances, d'autre part, de la recherche sur le corps humain.
Concernant la technologie, vous avez évoqué l'évolution du poids des vélos. Or nous avons su parfois interrompre certaines avancées qui dénaturaient une pratique : je pense, par exemple, à l'usage des combinaisons en natation. Actuellement, on peut s'interroger sur le développement de l'utilisation des chaussures à plaque carbone dans la course à pied.
Quant à l'accompagnement à la performance, notamment avec l'utilisation de capteurs de données qui permettent d'analyser les mouvements et les chocs, c'est une évolution qui me semble profitable, même si elle concerne surtout les sportifs de haut niveau. La réalité virtuelle permet également de mieux appréhender la pratique ainsi que les aspects tactiques.
On observe une forme d'addiction dans l'utilisation des applications. Liée à l'impératif d'atteindre des objectifs, elle peut favoriser l'isolement du sportif. Des dérives existent, en particulier dans la course à pied. Nous ne disposons pas de moyens législatifs pour lutter contre ce phénomène, d'où l'importance des messages de pédagogie pour sensibiliser les sportifs au risque d'enfermement dans un univers numérique alors que l'on apprend beaucoup au contact des autres.
En ce qui concerne les « Enhanced Games » qui doivent se dérouler l'année prochaine aux États-Unis, il est effrayant que certains sportifs soient prêts à tous les dopages pour optimiser leurs performances.
La recherche sur les capacités du corps humain présente certains aspects positifs. La promotion des pratiques sportives contribue à la lutte contre les maladies : je pense notamment à la maladie d'Alzheimer ainsi qu'à certains cancers dont la progression est ralentie par l'exercice physique. Sans aller jusqu'à dire que nos sept à dix années d'espérance de vie supplémentaire en bonne santé mériteraient que l'on décale d'autant l'âge de départ à la retraite, la connaissance scientifique permet aujourd'hui de faire progresser la santé publique.
Toutefois, des dérives existent et nous serons vigilants, notamment au moment de la révision de la loi de bioéthique. Qu'est-il possible de modifier dans la biologie du corps humain pour augmenter les capacités de celui-ci ? Nous avons en tête ce qui se pratiquait à l'époque en Allemagne de l'Est : les femmes athlètes étaient mises enceintes quelques mois avant les compétitions internationales afin de développer des hormones augmentant leurs capacités physiques. Chacun se rappelle également les médecins attachés aux équipes de cyclisme pour pratiquer des transfusions sanguines désormais interdites.
Les médecins oeuvrant pour des équipes sportives de haut niveau ont toujours un temps d'avance sur le législateur. À chaque fois, c'est au moment où éclatent les scandales que nous découvrons les capacités de la médecine. Peut-être pourrions-nous envisager une action sur les règlements des compétitions sportives ?
Je considère que la France n'est pas une nation sportive. Nous obtenons des résultats surtout lorsque nous accueillons de grandes compétitions. Mais nous n'avons pas ce sentiment d'acculturation, qui est perceptible dès l'école dans les pays anglo-saxons. Par exemple, nos étudiants délaissent le sport pendant leurs études et nous n'avons pas de compétitions entre les universités comme il en existe aux États-Unis.
La première action à mener concerne l'école et l'EPS. Par exemple, il serait opportun que les professeurs disposent des données permettant un suivi des qualités de l'élève ; cela aiderait à individualiser la pratique sportive. Rien n'est fait non plus, pendant la scolarité, pour encourager le développement du sport de haut niveau. Ainsi, Amélie Oudéa-Castera a suivi un cursus scolaire dans le privé qui lui garantissait une plus grande flexibilité dans ses apprentissages et dans le passage de ses examens afin de faire du tennis de haut niveau.
Sur les traumatismes, la prévention progresse, notamment dans le rugby. Mais certains sports qui connaissent un fort développement sont effrayants : ainsi, dans les arts martiaux mixtes (MMA), tous les coups sont permis.
Le dépassement de soi reste une valeur importante, mais l'on peut s'engager dans une activité sportive sans se mettre en danger.
Notre corps sécrète de la dopamine durant l'effort et il serait pertinent d'axer la communication sur la recherche de ce plaisir gratuit que procure le sport.
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - La frontière entre l'innovation technologique et le dopage, ainsi que les effets néfastes des applications pour les sportifs amateurs, sont traités dans le rapport.
Concernant la loi de bioéthique, il faudra tenir compte des échanges entre les coachs sportifs et les chercheurs qui ne disposent pas des mêmes outils. Certains sportifs s'intéressent aux enjeux scientifiques, mais dans la plupart des cas, c'est le coach qui a le rôle d'informer et de mettre en confiance.
Pour ce qui est du suivi des enfants, je suis d'accord avec vous : les enseignants d'EPS verraient leur fonction revalorisée si on leur confiait la responsabilité du suivi des enfants à travers un passeport sportif numérique auquel les médecins auraient également accès. On mettrait ainsi en avant non seulement le sport, mais aussi celui qui l'enseigne. Il importe d'impliquer le ministère chargé des sports et celui de l'éducation nationale dans cette réflexion.
Le problème des coups de chaleur se pose aussi pour les ouvriers qui travaillent dans le bâtiment. Les matériaux développés pour les sportifs pourraient être intégrés à leur équipement.
Les commotions sont un sujet central dans le rugby. Désormais, des capteurs renseignent l'entraîneur en temps réel sur les données physiques du joueur.
Quant au lien entre le sport et les études, je peux témoigner d'un exemple flagrant de défaillance du système français. En effet, j'ai rencontré un jeune Français originaire de Toulon qui jouait dans l'équipe junior de rugby et voulait poursuivre ses études. Finalement, il est parti en Angleterre, car l'université de Leicester était prête à lui payer ses études tout en lui permettant de jouer pour l'équipe locale.
M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - En matière écologique, on observe des progrès, malgré le problème persistant de l'empreinte carbone liée aux déplacements. Les compétitions ouvertes aux amateurs, notamment celles de course à pied, suscitent un vif engouement et sont devenues un vrai business. D'autres signes sont encourageants, comme la prochaine édition du marathon de Paris qui se fera sans gobelets ni bouteilles en plastique. Certains organisateurs renoncent à la distribution de t-shirts.
Par ailleurs, la pratique sportive induit des comportements alimentaires différents. Avant une compétition par exemple, les sportifs font attention à tout ce qu'ils ingèrent.
Nous serons attentifs au suivi de ce rapport dans nos commissions respectives, voire dans le cadre d'un débat dans l'hémicycle. Dans la période actuelle, un moment de concorde nationale ne serait pas superflu.
M. David Ros, sénateur, vice-président de l'Office, rapporteur. - Nous pourrions également transmettre ce rapport aux commissions des affaires sociales des deux chambres.
L'Office adopte à l'unanimité le rapport « La science dans la mêlée pour une nation sportive » et autorise sa publication.
La réunion est close à 11 h 05.