- Mercredi 19 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Économie » - Volets « Consommation, commerce, artisanat et tourisme », « Postes, télécommunication et économie numérique » et « Industrie » - Examen des rapports pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
- Désignation d'un rapporteur
- Audition de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire (sera publié ultérieurement)
Mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 00
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons ce matin le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèvent pour 2026 à 31,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 31,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit des hausses respectives de 1,87 % et 1,83 % par rapport à l'an dernier. Celles-ci bénéficient principalement aux programmes de la mission dédiés à l'enseignement supérieur.
Le périmètre suivi par la commission des affaires économiques ne porte pas sur l'ensemble de cette mission, mais uniquement sur les programmes consacrés à la recherche, et en particulier sur le programme 172 qui porte les subventions pour charges de service public des organismes de recherche. Le budget alloué à ce programme diminue de 0,53 % en AE et augmente de 0,54 % en CP ; il s'établit ainsi à une hauteur stabilisée de 8,2 milliards d'euros.
Pour la deuxième année consécutive, la trajectoire définie par la loi de programmation de la recherche (LPR) de 2020 - supposée porter un réinvestissement de 25 milliards d'euros pour la période 2021-2030 - n'est pas respectée, alors que les trajectoires budgétaires et les plafonds d'emplois l'avaient été au cours des quatre premières années d'exécution.
En 2025, l'écart représentait déjà 136 millions d'euros. En 2026, l'enveloppe allouée à ce programme 172 sera par conséquent inférieure de 453 millions par rapport aux prévisions de la LPR. La prévision indicative pour 2027 fournie par le Gouvernement étant de 8,2 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2026, cet écart devrait continuer à se creuser. Si l'on prend en compte également les 250 millions d'euros d'annulation de crédits en cours de gestion, on peut s'interroger sur la pertinence de la LPR. Cinq années seulement après son adoption, celle-ci est-elle devenue caduque ?
L'effort de recherche français - à savoir, la dépense intérieure de recherche et développement rapportée au PIB - s'élève à 2,2 %. Ce taux s'avère en deçà de l'objectif de 3 % fixé par l'Union européenne (UE) dans le cadre du plan stratégique « Horizon Europe », et très inférieur à l'effort consenti par des pays tels que la Corée du Sud, Israël ou les États-Unis.
Or, les dépenses de recherche et d'innovation sont fondamentales pour assurer la croissance future de notre pays, comme l'ont montré les travaux de notre récent prix Nobel d'économie, M. Philippe Aghion. S'il existe une « bonne » dépense publique, c'est bien celle favorable à la recherche et l'innovation.
Si une stabilisation temporaire de la dynamique impulsée par la LPR peut se concevoir, eu égard à la dégradation des finances publiques, il conviendra de relancer celle-ci dans les années à venir afin de ne pas perdre le bénéfice des premières années d'exécution de la LPR, même si cela devait impliquer d'adopter un mode de financement de la recherche publique plus sélectif et plus en adéquation avec les grandes priorités économiques de notre pays.
Concernant les organismes de recherche généralistes, les moyens de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ont été renforcés, avec une hausse significative de plus de 76 % de son budget entre 2020 et 2024. Celle-ci était nécessaire pour améliorer le taux de sélection des projets soumis par les chercheurs. Après une année de stabilité en 2025, les crédits d'intervention de l'ANR en faveur des appels à projets connaissent une légère hausse de 20 millions d'euros en 2026. Un quart des projets de recherche déposés à l'ANR devraient ainsi bénéficier d'un financement ; un tel ratio permet, en principe, d'éviter de sacrifier d'excellents projets et de décourager les chercheurs comme cela s'avérait le cas dans les années 2010.
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) doit poursuivre la mise en oeuvre de sa stratégie de renforcement de son attractivité dans un contexte de forte compétition internationale, pour attirer et fidéliser les talents scientifiques. Si cette attractivité demeure importante, comme en témoignent les 700 candidatures de chercheurs étrangers reçues dans le cadre du programme « Choose CNRS » mis en place à la suite de la remise en cause des libertés académiques aux États-Unis, il s'agit de veiller à ce que le CNRS puisse mener une politique de rémunération et de carrière dynamique.
Or, cette politique apparaît aujourd'hui menacée par l'accumulation des charges non compensées transférées à l'établissement, qui assèchent la trésorerie libre d'emploi. Il importera de limiter le recours à ce type d'expédients budgétaires dans les prochaines années, sous peine de fragiliser le premier organisme de recherche de notre pays. Il s'agit d'armer celui-ci dans tous ses domaines d'expertise, afin qu'il demeure au meilleur niveau mondial.
Au-delà de ces grands organismes transversaux, je souhaite insister sur trois politiques sectorielles de recherche qui me paraissent nécessiter un soutien ciblé, continu et appuyé : le nucléaire, le spatial et le numérique.
Dans le domaine du nucléaire, les crédits de recherche et développement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont en forte baisse de 15 millions d'euros, alors que 18,5 millions d'euros avaient déjà été supprimés en 2025. Cela avait conduit le CEA, pour ne pas pénaliser ces dépenses indispensables, à réduire celles - pourtant nécessaires - portant sur l'assainissement et le démantèlement.
Cette diminution des crédits entre en contradiction avec l'objectif de relance de la filière nucléaire, portée de longue date par notre commission des affaires économiques. Depuis 2022, le Gouvernement a également adopté cette position, qu'il n'a cessé ensuite de rappeler dans le cadre des réunions du Conseil de politique nucléaire (CPN). C'est la raison pour laquelle je soutiens l'amendement de notre collègue Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la recherche et de l'enseignement, visant à rétablir ces 15 millions d'euros destinés à financer la recherche et le développement nucléaire.
Le financement de la politique spatiale se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Alors que le Président de la République a présenté le 12 novembre dernier une ambitieuse stratégie spatiale pour notre pays jusqu'en 2040, la réalité de cette ambition sera mise à l'épreuve dans les prochains jours à l'occasion de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA).
Plusieurs industriels du spatial ont alerté sur le fait que le Gouvernement envisagerait une contribution d'un montant à peine supérieur aux 3,2 milliards d'euros versés pour la période 2022-2025. Dans le même temps, l'Allemagne et l'Italie - les deux autres grands pays européens du spatial - devraient augmenter leur contribution, ce qui leur permettrait de peser davantage sur les orientations de l'ESA. Berlin serait ainsi prêt à investir au moins 5 milliards d'euros, tandis que Rome investirait 4 milliards d'euros. La France verrait le pourcentage de sa participation nettement diluée et rétrograderait au rang de troisième contributeur de l'ESA, avec des conséquences sur les retours géographiques auxquels elle pourrait prétendre.
Si la France investit moins de 4,5 milliards d'euros, l'industrie spatiale française pourrait durablement souffrir. Dans cette hypothèse, la part réservée à l'activité satellitaire, priorité nationale sur laquelle travaillent en particulier Thalès Alenia Space et Airbus Defence and Space, risquerait de diminuer. Alors que ces acteurs ont dû supprimer des emplois en 2024 et en 2025, un tel résultat serait très dommageable.
Dans les prochains jours, il importe que le Gouvernement consente l'effort nécessaire pour mettre en adéquation l'ambition affichée dans le domaine spatial et les moyens permettant à la France de demeurer une grande puissance spatiale européenne.
En conclusion de mon rapport, je tiens à saluer les actions mises en oeuvre par les grands opérateurs de recherche, notamment l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le CEA, le CNRS et l'ANR, pour orienter et adapter leurs projets de recherche en fonction des grandes priorités nationales définies en matière de numérique, en particulier pour poursuivre les objectifs fixés par la stratégie nationale d'intelligence artificielle.
Malgré une ambition moindre et un avenir compromis pour la LPR, je vous propose d'adopter les crédits de la mission, car la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique à l'oeuvre ces dernières années, à défaut de progresser comme cela était prévu, du moins ne régresse pas. Si en revanche une diminution des crédits devait se produire, cela constituerait une difficulté majeure.
M. Franck Montaugé. - Je suis surpris par la proposition de vote, compte tenu du constat alarmant qui vient d'être dressé. La logique voudrait que la proposition budgétaire ne soit pas approuvée. De notre côté, notre groupe ne sera pas favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Yannick Jadot. - Le rapporteur évoque le déficit budgétaire pour justifier son avis, en indiquant que tout ira mieux l'année prochaine. Notre débat concerne les dépenses d'investissement indispensables. Or, nous savons que les dépenses en matière de recherche produisent de la richesse et des recettes budgétaires. Il convient de réduire le déficit budgétaire sans pour autant sacrifier la croissance de demain.
M. Daniel Gremillet. - En cohérence avec les travaux du Sénat, je me réjouis des propos de notre rapporteur concernant la question nucléaire. Notre capacité à être compétitif dans ce domaine est nécessaire.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Nous sommes sur une ligne de crête. Cette année, cela passe encore, le budget demeure à peu près à l'équilibre, avec une masse financière toujours importante. Les responsables des organismes comprennent que, dans la situation budgétaire actuelle, ils doivent participer à l'effort.
Nous verrons ce qu'il en sera à l'avenir, à chaque jour suffit sa peine. Je partage le constat de M. Jadot sur la nécessité d'investir dans la recherche. Toutefois, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2026, avec les réserves évoquées dans mon propos.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires » - Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ». Chers collègues, je ne vous demanderai pas de vous prononcer aujourd'hui, dans la mesure où il ne s'agit que d'un volet de la mission. La semaine prochaine, après avoir examiné l'autre volet consacré au logement, nous nous prononcerons sur l'ensemble des crédits de la mission.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ». - Dans le cadre de mon avis budgétaire sur le programme « Politique de la ville », je m'intéresse aux grandes évolutions des crédits tout en mettant l'accent sur un dispositif spécifique pour illustrer l'action de la politique de la ville. Cette année, j'ai choisi de m'intéresser aux cités éducatives, une démarche territoriale et partenariale centrée sur l'éducation tout au long des 25 premières années de la vie. Contrairement à mes habitudes, je n'ai pas pu me rendre sur le terrain, mais j'ai échangé avec des élus locaux engagés sur le sujet.
Les crédits du programme augmentent de 6 % - soit 42 millions d'euros - par rapport à 2025. Cette progression tient à la hausse de la contribution de l'État à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Comme s'y était engagée Mme Valérie Létard en juin dernier, cette contribution atteint 116 millions d'euros en 2026. C'est mieux que l'an passé, où seuls 50 millions d'euros avaient été inscrits en cours d'examen, à la suite de notre mobilisation qui répondait au silence de la copie initiale du Gouvernement. Ces 66 millions d'euros supplémentaires ne marquent que le début d'un nécessaire rattrapage du retard accumulé par l'État dans le financement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Autre point positif dans le contexte budgétaire actuel : les crédits alloués aux grands dispositifs que sont les adultes-relais, les cités éducatives et le programme de réussite éducative, sont sanctuarisés et maintenus à leur niveau de 2025. Je salue la préservation de ces dispositifs pour deux raisons : premièrement, ces derniers ont fait la preuve de leur utilité sociale ; et deuxièmement, les à-coups budgétaires de ces dernières années ont freiné la mobilisation des acteurs locaux. Je pense notamment au gel du recrutement des adultes-relais et à l'annulation de crédits en cours de gestion pour les cités éducatives en 2024, qui ont suscité perplexité, voire découragement, chez de nombreux élus.
Néanmoins, un dispositif paie le prix de la hausse des crédits dédiés à l'Anru et de la sanctuarisation de certains programmes ; il s'agit de Quartiers d'été. Ce dispositif finance des activités dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) pendant les vacances d'été et celles de la Toussaint. En 2026, l'enveloppe passe de 30 à 5 millions d'euros, pour revenir à un volume financier comparable à celui alloué avant la pandémie.
Le Gouvernement a fait le choix de cibler l'effort budgétaire sur un seul dispositif plutôt que de faire peser la contrainte sur l'ensemble des actions. Cela peut s'entendre, mais il ne faudrait pas abandonner ce dispositif à moyen terme. En effet, celui-ci joue un rôle essentiel dans la socialisation et l'engagement des jeunes, alors que l'été est une période à fort risque d'isolement.
Le budget de la politique de la ville prévoit également 193 millions d'euros pour la mise en oeuvre des contrats de ville. Conformément aux orientations du comité interministériel des villes de juin dernier à Montpellier, ils incluent désormais un volet investissement pour soutenir le développement d'une activité économique endogène dans les QPV.
À ce sujet, je me permets une incise pour souligner une mesure de la première partie du projet de loi de finances (PLF). L'article 12 prévoit d'étendre les exonérations d'impôts sur les bénéfices aux entreprises commerciales, artisanales et libérales qui s'installent en QPV, afin d'en faire le zonage unique en matière de fiscalité de la politique de la ville. Cette mesure de simplification bienvenue aura néanmoins un coût, estimé à 155 millions d'euros de moindres recettes en année pleine. Comme l'a rappelé mon collègue Jean-Baptiste Blanc, il faudra en suivre attentivement l'efficacité.
Le montant de l'enveloppe complémentaire dédiée à la mise en oeuvre des contrats de ville dans les territoires ultramarins est maintenu à 2 millions d'euros, dont 1 million d'euros pour Mayotte, sachant que l'intégralité de l'archipel a été classée en QPV par la loi du 11 août dernier. Alors que les contrats de ville ultramarins doivent être signés d'ici le 31 décembre 2025, les difficultés structurelles de certains territoires, particulièrement aigües à Mayotte, compliquent le respect de ce calendrier. Le Gouvernement prévoit un amendement autorisant la mise en oeuvre des crédits de la politique de la ville jusqu'au 31 juillet 2026, sans signature préalable des contrats de ville ; j'y suis favorable, car il faut éviter une interruption de l'action de la politique de la ville dans des territoires déjà confrontés à d'autres urgences.
Enfin, dans le cadre de la nouvelle génération des contrats de ville, les conventions d'utilisation de l'abattement de la taxe foncière, dont bénéficient les bailleurs sociaux pour la gestion urbaine de proximité, ont été récemment renouvelées. Pour mémoire, Mme Juliette Méadel avait engagé l'an dernier un travail d'évaluation de l'action des bailleurs sociaux en contrepartie de cet abattement ; elle en avait présenté les premiers résultats devant notre commission en avril dernier. De mon côté, les auditions menées confirment le bon fonctionnement général de la gestion urbaine de proximité et la nécessité de ne pas stigmatiser l'ensemble des bailleurs sociaux, dont l'implication reste essentielle sur le terrain.
Je souhaite maintenant évoquer la situation de l'Anru. Les 66 millions d'euros supplémentaires de financement de l'État alloués au NPNRU en 2026 ne doivent occulter ni les tensions sur la trésorerie de l'agence, ni le retard considérable de financement de l'État, ni la nécessité d'engager rapidement un troisième programme de renouvellement urbain.
Certes, l'enveloppe de 116 millions d'euros de l'État est une avancée, mais celle-ci demeure inférieure aux 250 millions d'euros demandés par l'Anru. Cette enveloppe sera néanmoins suffisante pour assurer les engagements de l'agence en 2026, grâce à la mise en place de plusieurs mesures de régulation budgétaire, comme des reports de paiements. Mais ces 116 millions d'euros ne sont qu'un dérisoire apport sachant le retard considérable de l'État dans le financement du NPNRU, qu'il devra rattraper tôt ou tard. Après huit années de versement, la contribution de l'État atteint à peine 155 millions d'euros, soit 13 % du montant de 1,2 milliard d'euros auquel il s'était engagé, quand Action Logement et les bailleurs sociaux ont déjà respectivement versé 35 % et 45 % de leur dû.
Par ailleurs, l'article 66 du PLF pour 2026 prévoit le report de 2026 à 2027 de la date limite des engagements de l'Anru. Cette mesure permettra à l'État de lisser sa charge sur une plus longue période, et à l'Anru d'engager l'an prochain 1,5 milliard d'euros au lieu des 2 milliards d'euros initialement prévus. Mais cela ne règle en rien la soutenabilité financière du programme à moyen terme ; en 2027, il faudra que l'État contribue, a minima, à hauteur de 250 millions d'euros, et qu'il augmente fortement les crédits sur les dernières années du programme pour ne pas mettre en péril le rythme des opérations, dont 88 % ont déjà été engagées.
Le report des engagements est une solution acceptable pour cette année, mais cela ne doit pas devenir la règle. Il convient, dès 2026, de travailler à la mise en place d'un troisième programme de renouvellement urbain. Les élus locaux ne cessent de nous alerter sur les risques d'une latence entre les programmes. Une mission de préfiguration a été confiée en ce sens par Mme Valérie Létard à M. Philippe Van de Maele, ancien directeur général de l'Anru ; elle devrait rendre ses travaux au printemps.
Après cette présentation des grandes évolutions budgétaires du programme, je souhaite valoriser les cités éducatives, démarche territoriale et partenariale fondée sur le volontariat pour coordonner l'action en faveur de l'éducation. Celles-ci offrent un cadre de coopération à l'ensemble des acteurs de la communauté éducative pour améliorer la prise en charge sociale et la réussite éducative des jeunes de 0 à 25 ans. À la fois label et démarche, elles se situent au croisement de la politique de la ville et des politiques scolaires.
Les cités éducatives sont pilotées au niveau local par le maire, le préfet et l'éducation nationale, avec l'appui d'un chef de projet opérationnel ; ensemble, ils mobilisent établissements, associations, entreprises, services sociaux, collectivités et familles. Depuis leur lancement en 2019, 250 cités éducatives ont été labellisées, dont 39 en 2025. Cela concerne 1,5 million d'élèves, à la fois sur le temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, car l'ambition de ces cités éducatives est de maintenir dans le giron de la politique de la ville tous les jeunes, y compris ceux qui sont en dehors du système scolaire.
Sur ce dernier point, malgré le succès indéniable de la démarche, les auditions ont mis en évidence que l'action se concentre souvent sur les tranches d'âges scolarisées, à savoir les 3-16 ans. Il est dommage de laisser en marge les moins de 3 ans et les plus de 16 ans, et de ne pas traiter les périodes cruciales de la petite enfance et de l'entrée dans les études ou la vie active. Certaines cités éducatives sont néanmoins plus actives sur le sujet, et ciblent les publics concernés, comme à Gennevilliers, avec la mise en place d'un réseau étudiant pour les jeunes arrivant dans l'enseignement supérieur.
Malgré l'annonce de la généralisation des cités éducatives en 2023, le Gouvernement ne donne pas aux collectivités les moyens de ses ambitions ; l'objectif semble abandonné, comme en témoigne la baisse de 20 millions d'euros des crédits alloués aux cités éducatives en 2025, après les gels et annulations de 2024 qui ont retardé la labellisation de 39 nouvelles cités éducatives. En 2026, avec la stabilisation des crédits, le ministère en charge de la ville et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ne peuvent pas s'engager sur une nouvelle vague de labellisation, faute de crédits supplémentaires et de demandes.
L'annonce de la généralisation semble à la fois incantatoire, dans la mesure où elle ne s'accompagne pas de moyens financiers, et contradictoire, car la cité éducative est un dispositif basé sur le volontariat local. La labellisation doit se construire avec les acteurs de terrain et émaner d'une dynamique volontariste de la part des collectivités. Cette démarche prend nécessairement du temps et ne doit pas être imposée d'en haut.
Enfin, je souhaite dire un mot sur l'évaluation. Même si les cités éducatives sont unanimement saluées par tous les acteurs auditionnés, elles sont, comme de nombreux dispositifs de la politique de la ville, difficiles à évaluer. Il s'agit de développer des suivis de cohortes pour observer les trajectoires de vie. C'est ce que nous préconisions déjà dans notre rapport de 2022 sur la politique de la ville, en indiquant qu'il convenait de s'intéresser davantage au film qu'à la photo. En n'observant que la photo, on passe sous silence les phénomènes de mobilité géographique des jeunes, et on minore les effets bénéfiques des dispositifs de la politique de la ville.
Pour toutes ces raisons, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ».
Mme Sophie Primas, rapporteur spécial de la commission des finances sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ». - Je tenais à vous informer que je remplace notre collègue Jean-Baptiste Blanc à la commission des finances et que j'ai été chargée de suivre les programmes relatifs au logement et à la ville de la mission « Cohésion des territoires ». Je vais bien évidemment travailler de concert avec Viviane Artigalas et Amel Gacquerre, afin de parvenir à une position commune.
Mme Amel Gacquerre. - La politique de la ville repose sur les contrats de ville et sur le renouvellement urbain ; l'abondement de ce dernier ne doit pas masquer la baisse d'autres crédits, qui aura des conséquences sur l'efficacité des dispositifs.
Je salue l'effort du Gouvernement pour répondre à la situation alarmante de l'Anru, qui permet de sécuriser les opérations pour 2026. Se pose, néanmoins, la question de l'avenir de l'Anru et du troisième programme, alors que tous les élus témoignent des changements en cours dans nos quartiers.
Je salue également le renforcement des dispositifs fiscaux, avec ce zonage unique dans lequel on intègre de nouvelles activités, notamment artisanales et de santé.
Le report d'un an de la date limite des engagements de l'Anru répond à une demande des élus ; je me réjouis de son inscription dans le PLF pour 2026.
Enfin, je déplore la baisse des crédits alloués aux Quartiers d'été. Si cette baisse est compréhensible, elle s'avère symbolique pour le tissu associatif.
Je suivrai l'avis de la rapporteure, ne serait-ce que pour l'abondement de l'Anru.
M. Yannick Jadot. - L'abondement de l'Anru est une bonne nouvelle, mais cela reste insatisfaisant au regard des besoins.
Dans l'évaluation des actions en faveur des quartiers prioritaires, l'accompagnement a toujours constitué une dimension importante. Lors de la commission d'enquête sur le narcotrafic, les rapporteurs ont regretté de ne pouvoir aborder tous les enjeux relatifs à la prévention. Je déplore que cette part liée à l'humain soit en baisse dans le budget.
À ce stade, nous penchons pour une abstention.
Mme Marianne Margaté. - Au-delà de ces dispositifs provisoires, la mobilisation des dispositifs de droit commun dans les QPV reste le sujet important. Le tissu associatif alerte sur les baisses de financement. Les missions locales et les collectivités sont également concernées par ces baisses. Le désengagement de l'État sur les actions de proximité et d'accompagnement sera d'autant plus douloureux pour les QPV, sachant que leur nombre ne cesse d'augmenter ces dernières années.
Sur le sujet des adultes-relais, une incertitude concerne le nombre de contrats. Celui-ci passera-t-il à 6 200 ou restera-t-il limité à 4 500 ?
Les crédits en faveur des Quartiers d'été diminuent ; il s'agit d'un mauvais signal adressé aux associations et aux jeunes dans les quartiers.
Les « colos apprenantes » vont-elles disparaître ?
Enfin, je relaie l'inquiétude des maires concernant le fonds d'investissement pour les territoires. Je m'interroge sur la fusion des trois dotations, celle dévolue à la politique de la ville se retrouvant avec les dotations pour les territoires ruraux et l'investissement local ; cela laisse craindre une opacité dans les attributions, en plus de l'amputation de 200 millions d'euros qui inquiète tous les élus.
M. Philippe Grosvalet. - Les collectivités locales, qui sont les premières à financer la politique de la ville, et l'ensemble du tissu associatif sont aujourd'hui en difficulté. Ces associations, très décriées ces dernières années par le Président de la République, constituent un filet de sécurité pour un certain nombre de nos concitoyens. Si ce filet craque, je crains que l'on se retrouve dans des situations périlleuses qui font le lit des idées extrémistes.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La question des crédits de droit commun revient de manière lancinante. Les crédits de la politique de la ville ne sont pas censés se substituer aux crédits de droit commun ; ces derniers doivent prendre le relais, mais, comme nous ne cessons de le déplorer, ce n'est pas le cas.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - La baisse de certains dispositifs de droit commun aura des conséquences sur la politique de la ville, dont la philosophie est de donner davantage à ceux qui en ont le plus besoin, sans pour autant se substituer au droit commun. Par ailleurs, ce dernier diminue sur l'ensemble du territoire.
Vous avez évoqué le rapprochement de la dotation politique de la ville (DPV) et celle d'équipement des territoires ruraux (DETR). Les élus déplorent un manque de visibilité, avec un fléchage qui risque de devenir opaque.
L'Anru a déjà connu des gels et annulations de crédits. Cette année, la direction a demandé 250 millions d'euros et obtenu 116 millions d'euros. Il s'agira d'être vigilant sur les crédits accordés dans les prochaines années, ainsi que sur le déploiement du troisième programme.
Nous manquons de visibilité sur le zonage unique. Je m'interroge sur le montant de la prévision de cette dépense fiscale.
Sur les adultes-relais, 4 500 contrats ont été notifiés ; en pratique, on en recense environ 4 300.
L'enveloppe pour les Quartiers d'été est équivalente à celle qui existait avant le Covid. Je déplore l'affaiblissement de ce dispositif qui fonctionnait bien depuis le Covid, et souhaite le rétablissement des crédits en sa faveur. Dans le cadre des cités éducatives, des actions sont également conduites dans les domaines de l'extrascolaire et du périscolaire ; cela n'est pas satisfaisant, mais il faudra s'en contenter.
Enfin, le sujet des « colos apprenantes » n'entre pas dans le cadre de la mission ; il concerne le sport, la jeunesse et la vie associative. Il est à noter qu'au moment où ces « colos apprenantes » sont supprimées, le budget consacré aux Quartiers d'été est également en baisse.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Pour rappel, nous procèderons à un vote global après la présentation du rapport sur les crédits relatifs au logement, la semaine prochaine.
La commission décide de réserver son avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Économie » - Volets « Consommation, commerce, artisanat et tourisme », « Postes, télécommunication et économie numérique » et « Industrie » - Examen des rapports pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant les rapports pour avis sur les volets « Commerce, artisanat, consommation et tourisme », « Postes, télécommunication et économie numérique » et « Industrie » de la mission « Économie ».
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la consommation, au commerce, à l'artisanat et au tourisme de la mission « Économie ». - À l'image des crédits de la mission « Économie », en baisse de 27 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2025, les moyens du volet « Consommation, commerce, artisanat et tourisme » diminuent ou restent stables, à quelques rares exceptions près.
Dans le cadre de mon propos, je souhaite mettre l'accent sur les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la fermeture de l'Institut national de la consommation (INC), le soutien aux associations de défense des consommateurs, la réforme du réseau d'Atout France et, enfin, la régionalisation des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA).
En 2026, les crédits de l'action 24, dédiés pour une large part à la mise en oeuvre des missions de la DGCCRF aux niveaux national et déconcentré, sont parmi les rares crédits de ce budget en légère hausse, avec une augmentation de 0,66 % en AE et de 3,49 % en CP par rapport à 2025. Ce constat peut rassurer, mais il s'agit d'une évolution en trompe-l'oeil. En effet, 90 % des 270 millions d'euros de cette action sont relatifs aux dépenses de personnel de la DGCCRF. Or, si les évolutions semblent à première vue donner la priorité à la consommation, il convient de les mettre en regard de l'augmentation mécanique des dépenses, sous l'effet du glissement-vieillesse-technicité (GVT) et des 5 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. Celles-ci doivent également se lire en regard des nombreux textes intervenus dans la période récente, en vue d'améliorer la protection des consommateurs ; depuis seulement trois ans, j'ai dénombré près de 30 textes législatifs ou réglementaires ayant accru les missions de la DGCCRF.
Ces missions croissantes relativisent le premier constat d'une légère hausse des crédits. L'évolution des moyens de la DGCCRF s'avère donc une illusion, comme cela nous a été confirmé par la directrice générale et ses équipes lors de leur audition.
Dans un contexte de rigueur budgétaire, il convient d'identifier les leviers organisationnels, numériques et juridiques permettant, à moyens constants, de renforcer les contrôles de la DGCCRF, notamment ceux des informations fournies aux consommateurs.
Il reste à inventer de nouvelles approches. Si la DGCCRF met utilement à disposition ces plateformes - SignalConso, RappelConso et RéponseConso -, il convient d'aller plus loin dans le développement et la rationalisation de nouveaux outils numériques, ainsi que dans l'optimisation des services rendus au consommateur. Il est, par exemple, surprenant que les réponses des conseillers « humains » de ces différents services soient toutes rédigées par des systèmes d'intelligence artificielle. Ces doublons interrogent sur les marges d'économie et d'amélioration de ces plateformes destinées aux consommateurs.
Un service unique et performant serait, a minima, pertinent. Mais, selon les informations recueillies lors de l'audition, les crédits envisagés pour 2026 ne suffiraient pas à conduire de nouveaux projets de développements informatiques, y compris en vue de la fusion de ces trois plateformes.
Je poursuis mon propos avec la fermeture de l'INC et la stabilité du soutien aux associations de défense des consommateurs. Les crédits dédiés à l'INC et au mouvement de défense du consommateur s'élèvent à 10,34 millions d'euros en 2026, contre 6,4 millions d'euros en 2025, soit une hausse de 61 % qui s'explique par la couverture des opérations de dissolution-liquidation de l'INC, à hauteur de 8 millions d'euros. L'article 71 du PLF précise que celles-ci doivent s'achever au plus tard le 31 mars 2026.
Créé en 1966, l'INC va donc, l'année de ses 60 ans, cesser ses activités, y compris la diffusion de son magazine 60 millions de consommateurs - celui-ci pourrait être cédé -, ainsi que de ses émissions de télévision ConsoMag.
En plus de son appui technique aux organisations de consommateurs, l'INC a conduit des travaux sur tous les champs de la consommation à travers des essais comparatifs, des études juridiques et économiques, des enquêtes journalistiques et des campagnes d'information. Si son rôle d'information et d'alerte des consommateurs est incontestable, il traversait depuis plusieurs années une situation financière difficile, notamment due aux difficultés chroniques de son activité de presse, dont le chiffre d'affaires ne cesse de se détériorer. Sa disparition est donc regrettable, mais logique.
Les crédits restants dans l'enveloppe - soit 2,34 millions d'euros - sont fléchés vers le soutien aux 14 associations de défense des consommateurs qui bénéficient d'un agrément national dans les conditions définies par le livre IV du code de la consommation. Cela correspond à une stabilité du montant de leurs subventions, ces dernières étant, depuis 2022, renforcées par les moyens attribués dans le cadre d'appels à projets auxquels les associations peuvent candidater, sur des thématiques proposées par la DGCCRF.
J'en viens maintenant à la réforme du réseau d'Atout France. Notre agence de développement touristique pourrait, à moyen terme, fusionner avec Business France ; mais, à ce stade, le PLF pour 2026 se contente de prévoir la mutualisation de leurs réseaux à l'étranger. Du côté d'Atout France, on recense 29 bureaux dans 26 pays différents.
Le plafond d'emploi et la subvention versée à Atout France sont respectivement en baisse de 21 emplois et de 1,6 million d'euros par rapport à la LFI pour 2025 - soit 23 millions d'euros programmés en 2026, contre 24,6 millions d'euros en 2025.
J'appelle à la vigilance sur les conditions de cette mutualisation. Si les deux opérateurs peuvent partager des objectifs communs, il ne faudrait pas que cette réforme rapide entraîne des conséquences néfastes sur le secteur du tourisme en France. La réorganisation de ces deux réseaux n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact, notamment concernant les retombées économiques éventuelles.
Je conclus mon propos avec la régionalisation des CMA. Ces dernières poursuivent la trajectoire de baisse de leur taxe pour frais de chambres (TFC) qui, pour 2026, est fixée à 56 millions d'euros. Cela suscite émotion et inquiétude, mais les CMA se sont bien adaptées à cette trajectoire contrainte.
Ayant perdu en 2020 leur mission de collecte de la taxe d'apprentissage, elles ont accéléré la réforme de leur réseau en se régionalisant, ce qui a permis une réduction du nombre d'établissements. En 2015, le réseau se composait de 93 établissements publics ; depuis le 1er janvier 2021, celui-ci ne comprend plus que 21 établissements. Je tiens à saluer cet effort de rationalisation.
Je voterai les crédits de la mission, et vous encourage à faire de même. Il s'agit, cette année, d'un budget de rigueur ; je le déplore mais, sachant le contexte, il est difficile de faire autrement.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs aux Postes, à la télécommunication et à l'économie numérique de la mission « Économie ». - Je souhaite revenir sur trois points importants de cette mission : le plan France très haut débit (PFTHD), La Poste et les conseillers numériques.
Concernant le PFTHD, la France fait aujourd'hui partie des pays les plus « fibrés » d'Europe avec, au 30 juin 2025, 93 % des locaux couverts en fibre optique. Sur les 44,9 millions de locaux recensés à l'échelle nationale, 41,6 millions sont raccordables à la fibre optique, tandis que 3,3 millions restent à raccorder. Selon la direction générale des entreprises (DGE), le taux de couverture, au 31 décembre 2025, devrait être compris entre 95 et 96 % ; il s'agit donc d'un succès.
Plusieurs éléments viennent nuancer ce bilan. En premier lieu, le ralentissement des déploiements se poursuit dans les zones les plus denses qui relèvent des opérateurs privés, ce qui pourrait perturber le plan de fermeture du réseau cuivre d'Orange ; celui-ci, amorcé cette année, devrait atteindre un rythme plus important à partir de 2028 et se poursuivre jusqu'en 2030.
Concernant les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii), c'est-à-dire les 3 600 communes pour lesquelles les opérateurs ont pris des engagements de déploiement juridiquement contraignants auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), la situation s'améliore grâce à la pression exercée sur Orange et SFR.
Concernant les zones moins denses où se déploient les réseaux d'initiative publique (RIP), il reste 1,6 million de locaux à raccorder. Le PLF pour 2026 prévoit des crédits de paiement (CP) à hauteur de 258,4 millions d'euros. Si le déploiement de la fibre dans les territoires ruraux est un succès, se pose, en revanche, la question de l'équilibre économique de certains RIP, notamment en raison du nombre d'abonnements à la fibre qui demeure insuffisant dans de nombreux territoires.
Autre situation préoccupante : l'imbroglio actuel à Mayotte. À la suite du passage du cyclone Chido, l'opérateur Orange, inquiet de la concurrence de Starlink, a annoncé qu'il ne redéploierait pas son réseau cuivre dans les zones sinistrées, et qu'il couvrirait en fibre optique, en particulier à Mamoudzou. L'opérateur déploie ainsi de la fibre dans des zones supposées couvertes par le RIP du conseil départemental, ce qui remet en cause l'équilibre économique de ce dernier, reposant sur une péréquation interne entre les zones denses et moins denses.
Aujourd'hui, ce RIP doit être redéfini. Cela obère sa mise en place en 2026, raison pour laquelle aucun crédit n'est prévu dans le PLF ; celle-ci devra attendre, dans le meilleur des cas, 2027, ce qui est regrettable pour nos concitoyens de Mayotte.
Le financement des raccordements complexes progresse lentement. Cela pourrait pénaliser la fermeture totale du réseau cuivre d'ici 2030, avec de premières fermetures massives prévues en 2028. Comme les années précédentes, on observe une sous-consommation de l'enveloppe de 150 millions d'euros pour les raccordements complexes sur le domaine public. Concernant le domaine privé, où les raccordements sont à la charge des particuliers, un fonds de 16 millions d'euros permettant d'attribuer une aide aux ménages les plus modestes résidant dans une commune concernée par la fermeture prochaine du réseau cuivre a enfin été mis en place en septembre. Sachant que les besoins totaux sont estimés entre 640 millions et 1 milliard d'euros, on peut, là encore, s'interroger sur la capacité à fermer les réseaux cuivre dans les délais impartis.
Le financement des missions de service public de La Poste, évoqué lors de l'audition de la nouvelle présidente de l'entreprise, est un autre point important de la mission. Pour rappel, le déficit cumulé de ces missions s'élève à 2 milliards d'euros. Alors que l'État en compensait jusqu'ici la moitié, le PLF pour 2026 prévoit de limiter cette compensation à 848 millions d'euros. La Poste conservera à sa charge un déficit de 1,1 milliard d'euros, à prélever sur ses résultats, ce qui contribuera à alourdir sa dette désormais supérieure à 10 milliards d'euros. Se pose donc pour La Poste la question de la soutenabilité, à moyen terme, de la poursuite de ses missions de service public à périmètre inchangé. Par ailleurs, le groupe est également confronté à une concurrence internationale croissante.
Plutôt que de m'attarder sur le service public universel postal, qui continue de subir la diminution du courrier, je souhaite insister sur les missions de contribution à l'aménagement du territoire et de transport et de distribution de la presse. Particulièrement stratégique, car elle implique le maintien d'au moins 17 000 points de contact sur l'ensemble du territoire, la mission de contribution à l'aménagement du territoire représente pour La Poste un déficit avant compensation légèrement supérieur à 300 millions d'euros.
Alors que le contrat de présence postale territoriale prévoit un financement jusqu'à 174 millions d'euros par an - niveau maintenu en 2025 -, la compensation budgétaire prévue dans le cadre du PLF pour 2026 est fixée à seulement 122 millions d'euros, soit une baisse de 42 %. Celle-ci fragilise l'exercice de la mission, et ne permet plus de financer les actions décidées par les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT), essentielles à l'évolution et à l'adaptation concertée de la présence postale dans nos territoires.
C'est la raison pour laquelle je propose un amendement visant à rétablir ces 174 millions d'euros, et donc à augmenter de 52 millions d'euros les crédits destinés à compenser le déficit de la mission de contribution à l'aménagement du territoire de La Poste.
Concernant le transport et la distribution de la presse, la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2023 devait inciter à une bascule du postage vers le portage ; elle s'est soldée par un échec. Dans la mesure où les tarifs ne couvrent que 31 % des coûts, il en résulte un véritable gouffre financier pour La Poste, supérieur à 600 millions d'euros par an et compensé par l'État à hauteur de 24 millions d'euros. Pour donner une idée de la situation, le déficit de la presse quotidienne ou hebdomadaire est de 1,85 euro par objet transporté.
Il apparaît indispensable de revoir, dès 2026 dans la perspective du PLF pour 2027, les conditions économiques de cette mission nécessaire au pluralisme du débat démocratique, en tenant compte de la capacité contributive des différents éditeurs de presse. Parmi eux, si un certain nombre relèvent de la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE), d'autres bénéficient du soutien de propriétaires à même d'assumer tout ou partie des coûts laissés aujourd'hui à la charge de La Poste.
D'après mes informations, le Gouvernement prévoit, par voie réglementaire, une augmentation en 2026 de 7 % de tous les tarifs postaux pour le transport et la distribution de la presse. Cette décision paraît discutable, dans la mesure où le déficit est surtout lié à la presse urgente.
Enfin, concernant les conseillers numériques, l'État se désengage du dispositif. En 2025, les crédits dédiés étaient limités à 27,9 millions d'euros ; ils ne représentent plus que 14 millions d'euros en 2026, avant une extinction en 2027. À cette date, il est prévu un transfert intégral du dispositif sur le budget des collectivités territoriales, avec un fort risque de renoncement à ce dispositif d'inclusion numérique pourtant nécessaire. Dans le contexte budgétaire actuel, je ne propose pas d'amender ce dispositif, mais la question risque de se poser en 2027.
En conclusion, je propose d'adopter les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement visant à favoriser la mission de contribution à l''aménagement du territoire de La Poste et le maintien de l'accès aux 17 000 points de contact.
M. Franck Montaugé. - Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette enveloppe de 52 millions d'euros ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis. - Il s'agit d'un gage sur les crédits du Trésor, indispensable compte tenu des règles de redevabilité financière qui s'appliquent aux amendements de crédits. Je ne veux bien sûr pas ponctionner les crédits du Trésor, nous aurons un débat en séance, et nous verrons si le Gouvernement est en capacité de nous suivre et de lever ce gage.
M. Franck Montaugé. - Comme chaque année, nous transférons des crédits d'une ligne à une autre. Je m'interroge sur le niveau de recettes nécessaire pour corriger les faiblesses pointées par les rapporteurs.
Mme Annick Jacquemet. - Je ne suis pas favorable à l'alourdissement des dépenses, mais, dans ce cas, cela relève d'un équilibre à maintenir dans nos zones rurales. En conséquence, je soutiens l'amendement proposé par la rapporteure.
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'industrie de la mission « Économie ». - Je ne vous cache pas mon inquiétude face à ce projet de budget pour 2026, surtout concernant notre politique industrielle - laquelle est devenue introuvable. Les auditions que j'ai conduites les 15 derniers jours, au lieu de me rassurer, ont encore accru mes craintes.
Un chiffre m'a frappé en lisant le projet de loi de finances pour 2026 : pour la première fois, nous descendons sous le seuil symbolique du milliard d'euros, avec seulement 941 millions d'euros en crédits de paiement à destination de l'action 23, qui regroupe une partie des crédits d'intervention pour l'industrie.
Directement impactés par le contexte de rigueur budgétaire, les crédits de la mission « Économie » connaissent à nouveau une forte baisse : en AE, la mission recule de 27 %, de 35 % pour son principal programme et plus de 46 % pour l'action 23, consacrée au soutien à l'industrie. Cette action ne reflète pas la totalité des moyens publics accordés à la politique industrielle, mais c'est un très mauvais signal alors que l'industrie française poursuit malheureusement son déclin.
D'après la direction générale des entreprises (DGE), que j'ai auditionnée, les fermetures d'usines l'emporteraient désormais sur les ouvertures ou agrandissements, alors que le premier semestre était encore à l'équilibre, et le solde de l'année pourrait être négatif - au contraire de l'objectif de réindustrialisation.
Les tarifs douaniers américains illustrent les incertitudes dans le commerce mondial et la triste réalité d'un environnement international concurrentiel et instable, dommageable aux entreprises industrielles françaises, et ce en dépit de l'accord commercial entre l'Union européenne et les États-Unis signé le 28 juillet 2025, qui - bien que considéré comme un moindre mal - est très pénalisant.
L'horizon est donc particulièrement sombre pour notre industrie, pour tous les secteurs et en particulier pour la chimie et les transports, dont l'automobile tout particulièrement.
Dans un tel contexte, je conteste le choix gouvernemental d'accélérer la baisse des soutiens à l'industrie dans le PLF pour 2026.
Les aides à la décarbonation et, surtout, la compensation carbone pour les électro-intensifs seront les deux dispositifs qui bénéficieront principalement de ces moyens, marquant la priorité donnée - si l'on peut encore parler de priorité - par le Gouvernement aux enjeux de compétitivité et de climat en matière industrielle.
L'industrie française doit être aidée différemment, pas juste en fonction des enjeux climatiques, et de manière beaucoup plus ambitieuse. Nous avons besoin de grands plans industriels. Les structures consulaires ainsi que les opérateurs (Bpifrance, Business France...), dont la plupart sont financés en-dehors de l'action 23 de la mission, pourraient avoir des difficultés à conduire leurs missions en 2026. Bpifrance a même fait valoir le risque d'une mise en danger de la pérennité de son activité de conseil. Les activités d'accompagnement de Bpifrance, qui bénéficie pour moitié à des entreprises industrielles, seront en tout état de cause fragilisées.
Alors que la rédaction initiale du PLF réduisait de 175 millions d'euros la taxe pour frais de chambre dédiée aux CCI, je me félicite de l'adoption par la commission des finances de l'Assemblée nationale d'un amendement visant à rétablir un plafond de taxe de 525 millions d'euros pour 2026.
De même, et comme l'année passée, les pôles de compétitivité subissent la suppression de la ligne budgétaire qui leur est consacrée dans le PLF, au nom de la régionalisation de leur gouvernance et de leur financement. Je trouve positive l'adoption par la commission des finances de l'Assemblée nationale d'un amendement visant à rétablir le montant de 9 millions d'euros attribué traditionnellement aux pôles de compétitivité par l'État. Il faudra soutenir cette mesure au Sénat.
Le projet met fin aux mesures conjoncturelles d'aides aux entreprises pour compenser leurs surcoûts énergétiques, mises en place dès 2022. Cela semble logique puisque les prix de l'énergie se sont stabilisés depuis 2023 et que les dispositifs sont tous arrivés à échéance en 2024 et 2025 : boucliers tarifaires, garanties de prix, amortisseur électricité, guichet d'aide d'urgence...
Deux mots sur la compensation carbone des entreprises électro-intensives : les crédits sont en baisse, avec 782 millions d'euros, du fait de la baisse du prix du quota d'émission de gaz à effet de serre et de la fin du mécanisme d'avance de cette compensation qui permettait aux entreprises de recevoir dès l'année N une partie de la prise en charge des coûts de l'année N+ 1. Ces taux d'avance étaient de 24,42 % avant 2025 et de 10 % cette année. Les représentants d'entreprises que j'ai auditionnés ont tous déploré la fin de ce mécanisme d'avance qui conduira à faire porter un poids supplémentaire sur la trésorerie des entreprises industrielles.
Je voudrais, pour conclure, redire que la politique industrielle est illisible d'un point de vue budgétaire, car ses moyens sont éclatés au sein du budget ; cela nuit à la mission de contrôle du Parlement. L'exécutif en a conscience puisque la DGE a elle-même réclamé une refonte de la maquette budgétaire afin de faire apparaître de manière unifiée et consolidée les crédits de la politique industrielle au sein du PLF.
Le Gouvernement repousse cette réforme, mais nous devons la soutenir pour que le changement s'opère dans le budget 2027, laissant ainsi le temps à toutes les administrations concernées de préparer cette évolution.
Voilà le bilan que je tire des crédits de la politique industrielle dans ce PLF pour 2026 ; vous aurez compris que je ne peux pas - à titre personnel et à la différence de mes collègues - vous proposer de donner un avis favorable. Vous avez entendu mes inquiétudes et mes réserves, qui vont bien au-delà de la seule question budgétaire.
M. Patrick Chaize. - La situation de La Poste est pour beaucoup liée au manque de clairvoyance de l'établissement, à son manque d'anticipation ; nous avons rédigé un rapport sur le sujet, l'État s'était engagé par contrat - renouvelé tous les trois ans - à financer des missions pour charges de service public, dont les frais de personnels dans les agences postales et les points relais commerçant. C'est pourquoi l'amendement de notre rapporteure est bienvenu, il ne fait que respecter la parole de l'État. Cependant, le problème ne s'en trouve pas réglé et nous devons avoir un débat sur l'avenir de La Poste : a-t-on encore besoin, par exemple, d'une distribution du courrier six jours sur sept ? Je n'ai pas la réponse, je ne fais que poser la question.
Sur l'aspect numérique, ensuite, il faut regarder de près ce qui se passe à Mayotte : alors que ce département est le dernier à se lancer dans Plan France Haut débit, alors qu'un réseau de qualité est particulièrement indispensable à Mayotte, on laisse Orange venir en concurrence d'un projet porté par l'État : cela pose un problème criant de gouvernance, on risque de voir se développer deux réseaux en parallèle - et le réseau public ne tiendra pas ; ce sera perdant-perdant. L'État est au capital d'Orange, il doit prendre ses responsabilités et se faire entendre pour remettre tout le monde en phase, c'est la seule façon de garantir un réseau de qualité à Mayotte, qui en a grand besoin.
Mme Antoinette Guhl. - Les contaminants nocifs pour la santé dans les couches pour bébés ont été mis à jour par l'Institut national de la consommation (INC), tout comme les défauts des installations des pompes à chaleur, la baisse de qualité de l'huile d'olive ou les failles dans les préservatifs. Une politique qui protège le consommateur demande de l'argent et des postes budgétaires. Aussi, la dissolution de l'INC est une véritable victoire des lobbies, notamment des grands industriels qui veulent faire fi de toute une série de contraintes.
Je pense, ensuite, très malvenue la baisse des effectifs de la DGCCRF. Ceux qui ont suivi ici l'affaire Nestlé savent que nous avons eu besoin de la DGCCRF, avec sa capacité d'analyse et de contrôle, même si elle n'a pas toujours été au rendez-vous. Nous en avons également besoin pour appliquer les lois EGalim, pour la lutte contre toutes les fraudes, ou encore pour appliquer la loi contre la vie chère dans les outre-mer - de même qu'on a besoin de douaniers pour arrêter ces produits interdits à la vente que sont les poupées pédopornographiques découvertes sur le site chinois Shein. La DGCCRF a besoin de plus d'effectifs et d'expertise, pour protéger les consommateurs au moment où la consommation connaît une mutation inédite depuis plusieurs décennies.
Je déplore également le trop faible soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS). Le secteur représente 15 % de l'emploi salarié du privé dans notre pays, mais le budget fléché ne dépasse pas 13 millions d'euros : ce n'est pas sérieux... La Cour des comptes s'apprête à publier un rapport sur le sujet, nous devrons y revenir. Au passage, c'est une bonne chose qu'ESS France soit désormais considérée comme une chambre consulaire et puisse représenter l'économie sociale et solidaire.
Enfin, nous savons tous que les crédits « industrie » de cette mission « Économie » sont loin de représenter l'ensemble des moyens de la politique industrielle, cela pose un problème de lisibilité et de pilotage des politiques publiques. Quant au contenu, la baisse des budgets de décarbonation ne va évidemment pas dans le bon sens, nous avons besoin d'engager une politique de décarbonation bien plus forte - mais nous devons agir avec des bouts de ficelles... qui raccourcissent. Il est grand temps que nous ayons une politique industrielle en France, ce n'est pas le cas.
M. Fabien Gay. - On a l'habitude des budgets d'austérité et du discours qui dit qu'on peut faire mieux avec un peu moins - mais, à un moment, ça ne passe plus ! Huit ans qu'on baisse les moyens de la DGCCRF, alors qu'il y a une guerre commerciale avec la Chine. J'ai vu à l'aéroport Charles-de-Gaulle des hangars remplis des centaines de milliers de colis qui arrivent chaque jour sans qu'on ait les moyens de les contrôler à la douane... Alors des ministres s'en émeuvent, on vient de le voir, ils font de la communication, mais cela ne change rien à la situation : les douaniers manquent, et les agents de la DGCCRF aussi. On pourra toujours dire qu'on peut faire plus, ce n'est pas vrai, il y a bien une limite - sauf au bla-bla, il faut bien le dire... On nous serine avec la mobilisation dans la guerre commerciale, mais comment allons-nous la faire sans agents publics ? Nous sommes tous pour rétablir des règles, mais ce qu'il faut voir, au-delà des belles déclarations main sur le coeur, c'est ce qu'on met en face : nous avons besoin d'une politique globale, d'une protection des frontières et d'agents pour des contrôles - ou bien si on laisse un maillon faible, on n'aura rien fait.
Autre sujet, la protection des consommateurs : on en a encore plus besoin qu'avant, mais on en diminue les moyens, on regarde ailleurs quand 60 millions de consommateurs annonce qu'il va fermer ses portes ; c'est le dernier organe indépendant, lié non pas à tel grand groupe industriel, mais à des scientifiques et des chercheurs, il n'est pas à l'équilibre, ce n'est pas une surprise d'être déficitaire dans ce type de presse - mais on arrête de le soutenir et on s'en frotte les mains, c'est un choix politique, de même que le fait de diminuer les fonds pour les associations de consommateurs. Quand on prétend protéger les consommateurs, il faut s'en donner les moyens ; le Gouvernement fait l'inverse - c'était déjà le cas l'an passé, il se disait déjà que 60 millions de consommateurs allait fermer, ce sera finalement le cas cette année...
Un mot sur la politique industrielle : on nous annonce des ouvertures d'usines, Choose France jongle avec les milliards d'euros d'annonces d'investissements - mais quand on y annonce 30 milliards, il faut savoir que 21 étaient déjà sur la table, c'est une technique éprouvée que de faire du neuf avec du vieux, mais il faut dire aussi que les 9 milliards restant, iront à un énorme data center, ce qui n'apportera quasiment aucun emploi, mais qui consommera beaucoup d'eau et d'énergie. Nous le voyons partout en Seine-Saint-Denis, tel projet de data center ici, tel autre là ; nous demandons s'il y aura des emplois - on nous répond que non, sauf peut-être un peu de gardiennage... à se demander si ce qu'on nous réserve, c'est de tous devenir des gardiens ! Il pleut des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) comme à Gravelines, alors avant de parler de réindustrialiser, commençons au moins par arrêter de désindustrialiser !
Enfin, un mot sur la presse écrite. Son modèle économique ne fonctionne plus, le secteur connaît une mutation et il vit seulement parce que nous avons intérêt à ce qu'une presse plurielle nourrisse le débat démocratique - nous avons besoin de lecture pour éclairer nos débats ; la démocratie c'est le vote libre et éclairé, nous avons besoin de lumière. Le secteur est en déficit et que propose ce projet de loi de finances ? De diminuer les aides publiques de 30 % et d'augmenter les tarifs postaux de 7 % : le secteur est en crise, on l'enfonce un peu plus ! Résultat : seuls les grands groupes, seuls les milliardaires pourront faire de la presse écrite ; ils en possèdent déjà 92 %, allons plus loin... Remarquez, même chez eux il y a du mouvement : il paraît que Bernard Arnault voudrait vendre Le Parisien - qui perd 34 millions cette année - à Vincent Bolloré : comme quoi, même la poche des milliardaires n'est pas infinie ! Soyons sérieux, tout ceci est lié à la démocratie, à ses conditions d'exercice...
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre - nonobstant la qualité du travail de nos rapporteurs...
M. Franck Montaugé. - L'état des lieux de l'industrie est particulièrement inquiétant quand on sait les enjeux d'emploi et de compétitivité auxquels font face les entreprises, grandes et petites. À vous entendre, nous avons l'impression d'un détricotage de politiques - dont nous, socialistes, avons été critiques, mais qui apportaient une forme de soutien aujourd'hui mis en cause.
Pourquoi ne propose-t-on pas un amendement de 13 millions d'euros pour les réseaux d'initiative publique ? Ce serait utile à nos territoires.
Ensuite, quel sera l'impact sur nos territoires des baisses de moyens des chambres de commerce et d'industrie, des pôles de compétitivité, des territoires d'industrie, voire de Bpifrance ? Soit ces dispositifs ne servaient à rien - ce que je ne peux admettre, car nous en mesurons tous l'utilité dans nos territoires -, soit il y aura des conséquences négatives. Avez-vous des éléments d'évaluation ? Je n'en ai guère, et c'est regrettable quand on parle de diminuer ou arrêter des pans entiers de politique publique.
La partie recettes du projet de loi de finances devrait aider les entreprises, petites et grandes, sur tous nos territoires - et le moins qu'on puisse dire, c'est que ne n'est pas du tout le cas, nous le regrettons.
Mme Martine Berthet. - Dans mon département, beaucoup d'industriels - des groupes japonais, allemands, américains - se désengagent petit à petit des investissements qu'ils devaient réaliser, ou envisagent de fermer ; faute d'accompagnement adapté, de clauses de sauvegarde dans les accords commerciaux, mais aussi de confiance dans la politique générale de notre pays, le contexte est de plus en plus négatif. Je ne suis donc guère étonnée que le solde d'emplois industriel redevienne négatif au deuxième semestre de cette année, c'est ce que nous ressentons sur nos territoires. Je m'inquiète de la baisse des compensations carbone qui permettait jusqu'à présent à nos industriels d'avoir un prix de l'énergie relativement compétitif : il faut être très vigilant sur ce point.
Il y a certes des avancées à l'échelon européen, par exemple hier même, le vote de l'accord pour la clause de sauvegarde sur le silicium et le manganèse, c'est utile et il faut continuer dans ce sens. Nous sommes à un tournant pour les politiques industrielles, nous n'avons plus comme principaux sujets la formation ou les compétences, comme je l'entendais hier au groupe d'études Industrie, mais des sujets bien plus graves et fondamentaux comme le prix de l'énergie et les compensations carbone, qui sont d'échelle européenne et pas seulement nationale.
M. Daniel Gremillet. - Les sujets de l'industrie dépassent le cadre de la loi de finances, mais elle est une occasion de les évoquer. Nous avons besoin d'un débat sur La Poste, parce que ses utilisateurs se découragent et parce que des décisions doivent être tranchées, ou bien la situation ne fera qu'empirer. Nous devons nous saisir de ce sujet, ses implications territoriales sont fortes ; nous avons tous notre part de responsabilité en recourant désormais beaucoup plus au courriel - sans prendre en compte d'ailleurs le bilan carbone de tout cela, mais c'est un autre sujet.
Les entreprises repoussent des investissements, et comment pourrait-il en être autrement quand il y a autant d'incertitudes en matière de financement public ? Pourquoi choisiraient-elles la France pour s'y implanter ou s'y développer ? On parle de réindustrialisation, mais nous ne parvenons même pas à stopper la désindustrialisation. Et ce PLF, en réalité, ne déploie aucune vision politique au service de l'investissement, nous le déplorons.
M. Vincent Louault. - Le PLF n'a effectivement pas pour ambition de résoudre tous les problèmes, mais il envoie des messages aux entreprises, en particulier aux industriels. Or, ce que nous voyons ici, ce sont des mesures très précises qui sont proposées sans aucune études d'impact, c'est de l'amateurisme. La taxe de 2 euros sur les petits colis est un message aux commerçants, mais tout à fait insuffisant ; des colis se déversent de Chine sans payer aucune taxe, et quand ils en paient, c'est bien moins qu'il ne faudrait parce que les Chinois déclarent des valeurs bien moindres, pour que le client ne paie pas de taxe - l'appareil photo à 5 000 euros est prétendument vendu à 149 euros pour rester sous la barre des 150 et de la taxation... en tout, on perdrait 10 milliards d'euros de TVA - mais l'afflux est tel qu'on ne peut pas le contrôler... Nous adoptons une règle nouvelle en disant que quand l'Europe aura pris la sienne, nous supprimerons la nôtre - mais nous sommes trop gentils, je proposerai d'y revenir par amendement. En fait, on attend toujours que l'Europe prenne des mesures et on ne fait rien dans l'intervalle. Regardez ce qui se passe pour la réforme du commerce : elle a été adoptée depuis des lustres, mais il n'y a toujours pas de système informatique unifié capable d'un véritable contrôle à l'échelle du continent. Résultat, c'est la fraude permanente alors que nous, l'État contrôle la moindre parcelle de nos fermes...
Attention, donc, aux mesures très précises que ce texte dissimule dans ses paragraphes compliqués, on ne les voit pas tout de suite, mais elles sont nombreuses et leur effet va se faire ressentir dans six mois - et c'est à ce moment-là que les industriels vont nous demander pourquoi nous les avons laissées passer... Pour dissimuler les 12 milliards d'euros de charges de service public, par exemple, le Gouvernement instaure une taxe prélevée à la source sur les carburants, ça évite une écriture dans le budget du ministère de l'environnement : c'est Ali Baba et les quarante voleurs ! Nous en serons réduits à constater une perte de recettes fiscales, sans aucun droit d'évoquer ces milliards destinés à la compensation pour charges de service public : c'est une atteinte inacceptable à notre droit de parlementaires. Ce texte fourmille de ces mesures qu'on ne voit pas si on ne l'examine pas dans son détail et dont l'exposé des motifs se garde bien de parler, lisse comme il est pour que les choses passent : je recommande à chacun une lecture serrée, imprimez le texte et regardez chacun de ces paragraphes, vous verrez ce dont je parle, et le décalage avec l'exposé des motifs !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Voilà qui est dit...
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - Nous déplorons tous la disparition de l'INC ; le Gouvernement avait envisagé un plan de rebond, il opte finalement pour la liquidation de l'activité. Les difficultés de l'INC sont anciennes et nous les avons soulignées à plusieurs reprises ces dernières années en préconisant des mesures qui n'ont pas été prises. Peut-on défendre indéfiniment le maintien d'une activité structurellement déficitaire ? C'est compliqué dans la situation budgétaire actuelle. Il reste quatorze associations agréées de défense des consommateurs, dont l'UFC-Que Choisir, qui fait un travail remarquable. Ces associations n'ont pas subi de baisse de crédits ces trois dernières années ; ces crédits sont stables, ce qui est un moindre mal.
Enfin, les effectifs et des moyens de la DGCCRF ne diminuent pas, c'est même l'une des seules parties de cette mission qui bénéficie d'une augmentation...
M. Fabien Gay. - Il y a 5 ETP de plus...
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - ...Voilà, ce n'est pas une baisse. Ce n'est pas suffisant, nous en sommes d'accord, mais on ne peut pas dire que les effectifs diminuent, c'est le cas aussi pour les crédits, en légère hausse.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis. - Oui, il y a des insuffisances, nous ne les avons pas toutes présentées. Nous parlons de La Poste depuis des années, déjà lors du Covid-19 nous avions fait un rapport sur les missions postales, les alertes n'ont pas manqué - nous devons remettre le sujet sur la table.
Quant au déploiement d'Orange à Mayotte, il est irrationnel ; la DGE nous dit que l'État n'a pas d'outil juridique pour s'y opposer - il y en a d'autres, il faut que le message passe.
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis. - Hier, lors du débat sur la dette publique, le ministre avait l'air optimiste et nous a dit que les ouvertures d'usines l'emportaient sur les fermetures, mais ce n'est pas ce que nous a dit la DGE, qui a souligné clairement la dégradation de la situation. L'an passé déjà, les moyens d'accompagnement reculaient alors que les suppressions d'emplois augmentaient, la même tendance se poursuit et la DGE n'a plus les moyens d'accompagner les entreprises qui ont du mal à passer un cap difficile, ou encore celles qui ont besoin de soutien pour leur décarbonation. Nous n'anticipons pas assez - et si nous continuons dans ce sens, la Chine, qui est déjà très en avance, emportera tout.
Ce qui manque, c'est sans doute aussi la confiance, une véritable politique à long terme, une vision et une méthode. L'éparpillement des crédits est un fait, mais c'est aussi une question de méthode, comme nous l'avons vécu tout au long de l'année. Le projet de loi sur l'industrie verte est venu télescoper d'autres projets. Nous l'avons vu également avec la loi sur l'énergie : nous ne savons pas où nous allons. Comment les entreprises et les territoires s'y retrouveraient-ils, si nous-mêmes travaillons à contretemps ? La politique industrielle n'est pas articulée aux territoires ; le programme « Territoires d'industrie » est laissé de côté, on ne sait pas s'il servira un jour à quelque chose - et ce projet de loi de finances n'apporte pas les solutions attendues.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement AFFECO.1, je vous propose d'augmenter de 52 millions d'euros, en AE et en CP, la dotation budgétaire versée à La Poste pour l'exercice de sa mission de service public de contribution à l'aménagement et au développement du territoire.
L'amendement AFFECO.1 est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la mission « Outre-mer ». - L'année 2025 a été éprouvante pour les territoires de l'océan Indien : nous nous rappelons tous les cyclones Chido et Dikeledi, à Mayotte, où une délégation de notre commission s'est rendue en mai dernier, ou le cyclone Garance, à La Réunion. Nous examinons donc ces crédits avec une attention singulière pour ces territoires. Ce budget s'élève à 2,9 milliards d'euros en AE et à 2,8 milliards d'euros en CP, soit des baisses respectives de 17,75 % et de 5,14 %, par rapport aux montants prévus dans la loi de finances initiale pour 2025, même si le passage à l'Assemblée nationale a déjà fait évoluer la maquette proposée.
La mission « Outre-mer » ne résume pas à elle seule les moyens consacrés par la Nation aux territoires ultramarins : l'enveloppe totale qui leur est allouée est estimée pour 2026 à 24,9 milliards d'euros d'AE et à 26,8 milliards d'euros de CP, si l'on ajoute les crédits visant les outre-mer et qui sont répartis dans 29 autres missions, ainsi que les dépenses fiscales spécifiques.
La mission « Outre-mer » est constituée de deux programmes : le programme 138, relatif à l'emploi outre-mer, et le programme 123, qui traite des conditions de vie outre-mer.
81 % des crédits du programme 138 sont mobilisés pour compenser les pertes liées pour la sécurité sociale au dispositif d'allègements de charges dit Lodéom, du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Les crédits inscrits à ce titre dans la mission « Outre-mer » correspondent ainsi à un transfert de l'État vers la sécurité sociale, mais le dispositif Lodéom d'exonération de charges patronales figure quant à lui dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Devant l'augmentation du coût pour l'État de ces exonérations, qui est passé de 1,1 milliard d'euros à 1,5 milliard d'euros entre 2019 et 2023, le Gouvernement avait prévu de revoir cette année le dispositif, en s'appuyant sur les recommandations d'un rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales rendu public en mai dernier. Cette réforme se serait traduite pour les entreprises ultramarines concernées par un effort de 340 millions d'euros, qui était disproportionné. Lors des débats relatifs au PLFSS à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a finalement renvoyé à l'année prochaine toute évolution du dispositif. Si je ne suis pas opposée par principe à une réforme, je souhaite qu'elle ne se traduise pas par une « smicardisation » des économies ultramarines et que l'objectif de lutte contre le travail informel soit préservé. Nous avons besoin d'une étude en profondeur, qui examine tous ces dispositifs en associant les parlementaires ; je plaide pour que le Sénat en prenne l'initiative.
Le programme 123, relatif aux conditions de vie outre-mer, présente un aspect contrasté : d'un côté, les autorisations d'engagement, à 1,08 milliard d'euros, sont en baisse de 20 % par rapport à la loi de finances pour 2025 ; de l'autre, les crédits de paiement, qui s'élèvent à 1 milliard d'euros, augmentent de 22 %. Les services du ministère des outre-mer expliquent ce décalage par la nécessité de contenir la hausse des engagements constatée ces dernières années pour mieux maîtriser les décaissements à venir.
Le programme 123 comprend en particulier l'action consacrée au logement. L'année 2026 devrait être marquée à cet égard par la mise en oeuvre du troisième plan Logement outre-mer (Plom), dont la logique territorialisée suscite beaucoup d'attentes de la part des acteurs concernés.
C'est dans ce même programme que sont inscrits certains des fonds mobilisés pour la reconstruction de Mayotte, soit 290 millions d'euros d'AE et 160 millions d'euros de CP, des sommes conformes à la trajectoire fixée dans le cadre de la loi du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte. Je serai particulièrement attentive, en 2026 et au cours des prochains exercices, au respect des engagements pris.
Au-delà des crédits budgétaires, dans le contexte actuel du nécessaire redressement de nos finances publiques, je voudrais mettre l'accent sur les autres leviers qu'il nous faut mobiliser. Il nous est possible de trouver des solutions sans augmenter les dépenses de l'État.
Je crois, d'abord, qu'il nous faut mener la bataille normative. Pour le secteur de la construction et du logement, j'attends beaucoup de la publication des textes réglementaires qui permettront au marquage des régions ultrapériphériques - le marquage RUP - de s'appliquer en lieu et place du marquage européen, le marquage CE. J'appelle le Gouvernement à prendre ces textes sans tarder.
Un autre sujet me tient à coeur, celui de la meilleure utilisation des fonds européens. Lorsque je l'ai entendu pour préparer ce rapport, le directeur général des outre-mer m'a indiqué être particulièrement préoccupé cette année par l'application de la règle du « dégagement d'office ». Les crédits européens, inscrits dans un cadre financier pluriannuel, sont en effet répartis en tranches annuelles, qui doivent être engagées à temps sous peine de leur annulation par l'Union européenne. La DGOM craint ainsi que, au 31 décembre 2025, un nombre important des fonds alloués, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros, soient définitivement perdus, au détriment des territoires ultramarins concernés. Cette situation n'est pas acceptable.
Je suis ainsi convaincue que nos outre-mer pourraient tirer un plus grand bénéfice des fonds européens. Notre délégation sénatoriale aux outre-mer va réfléchir dans les semaines qui viennent à ce sujet et j'espère bien que ses propositions ouvriront des pistes fécondes. À Mayotte, c'est le préfet qui est responsable de la répartition des fonds structurels européens, je suis donc surprise qu'ils ne soient pas davantage mobilisés - et il en est de même à Saint-Martin.
Voilà, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire cette année le budget de la mission « Outre-mer », dont les contours ont déjà bien évolué à la faveur de la discussion parlementaire. Malgré les réserves que j'ai exprimées, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Daniel Salmon. - Je partage vos réserves mais pas votre vote. Nous évoquons régulièrement les enjeux socio-économiques des outre-mer : le logement, l'habitat indigne, le chômage, la vie chère, le soin et l'éducation. Or, le budget de cette mission baisse cette année, c'est incompréhensible, surtout après les mesures que nous avons prises dans le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Le budget de l'Observatoire des marges et des revenus diminue, alors que nous avons besoin de plus d'indicateurs pour bien observer ces marges, nous l'avons tous demandé. Même chose pour les baisses de crédits pour l'Agence des mobilités outre-mer, alors que la mobilité est un enjeu massif dans ces territoires, qui représente une dépense contrainte de plus en plus importante. Et nous avons, encore, déploré les ravages outre-mer liés au réchauffement climatique ; ces dévastations vont se reproduire, mais cette mission budgétaire ne prévoit rien pour l'adaptation au changement climatique - alors que nous savons bien l'utilité des mesures de prévention, nous n'en prenons pas et nous ne retenons aucune leçon de ce qui se passe.
La seule politique que le Gouvernement continue, c'est celle de l'exonération de cotisations sociales, alors que l'Igas et l'IGF ont montré que ces exonérations ne produisaient pas les effets attendus : il y a là un vrai sujet de réforme, on ne peut pas perpétuer un système qui ne fonctionne pas, surtout quand nous recherchons à réduire la dette publique.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le budget de cette mission.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Attention à ce que l'on dit, il faut prendre en compte le manque de culture publique vis-à-vis des outre-mer : l'État dépense des sommes faramineuses outre-mer mais sans en examiner l'efficacité et tant que cette analyse ne sera pas faite, précisément et globalement, on entretiendra le flou et les décalages entre les mots et les réalités. On dit que les exonérations sociales sont coûteuses, peu efficaces ; mais pour faire des économies sociales, il faudrait peut-être commencer par donner accès aux ultramarins à des services médicaux près de chez eux, plutôt que de ne leur laisser pas d'autre choix que d'aller se soigner dans l'Hexagone. Les territoires ultramarins doivent être des territoires d'innovation, il faut évaluer les politiques publiques dans leur ensemble - j'ai demandé que la Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) se saisisse du sujet, parce que si l'Igas et l'IGF font un excellent travail, leur cadrage est parfois trop étroit, il faut voir large.
Vous évoquez le réchauffement climatique, les spécificités des outre-mer ne sont pas prises en compte : les politiques mises en oeuvre sont les mêmes, en outre-mer comme dans l'Hexagone. Il y a, là aussi, beaucoup à dire, par exemple sur le fonctionnement du Fonds vert par appels à projets : si des départements comme La Réunion sont équipés pour répondre à une telle procédure, d'autres territoires ne le sont pas et s'en trouvent désavantagés, je pense en particulier à Mayotte.
Sur la défiscalisation, je pense demander une mission à Jean-François Husson, il y a un vrai sujet - mais il y en a bien d'autres, par exemple le recyclage, j'avais un amendement l'an passé, il a été repoussé et j'y reviendrai ; il y a aussi tout ce qu'on doit faire contre la vie chère, il est aberrant qu'un citron vendu 50 centimes le kilo au Brésil revienne à 5 euros le kilo à Cayenne une fois passé... par Rungis, nous travaillons sur ces sujets dans la délégation sénatoriale aux outre-mer, pour développer nos filières d'excellence en outre-mer, pour montrer que nos territoires peuvent aussi innover, j'espère que notre commission et le Sénat tout entier nous soutiendront.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
Désignation d'un rapporteur
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il nous revient de désigner un rapporteur sur la proposition de loi n° 107, présentée par Guillaume Gontard et plusieurs de ses collègues, visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposées aux pesticides de synthèse. Cette proposition de loi sera examinée par notre commission le mercredi 10 décembre, puis en séance le jeudi 18 décembre, à la fin de nos travaux parlementaires avant la suspension.
Je vous propose, pour rapporter cette proposition de loi, la candidature de Pierre Cuypers.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 11 h 30.
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Audition de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 10.