- Mercredi 19 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Économie » - Volets « Consommation, commerce, artisanat et tourisme », « Postes, télécommunication et économie numérique » et « Industrie » - Examen des rapports pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
- Désignation d'un rapporteur
- Audition de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire
Mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 00
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons ce matin le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèvent pour 2026 à 31,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 31,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit des hausses respectives de 1,87 % et 1,83 % par rapport à l'an dernier. Celles-ci bénéficient principalement aux programmes de la mission dédiés à l'enseignement supérieur.
Le périmètre suivi par la commission des affaires économiques ne porte pas sur l'ensemble de cette mission, mais uniquement sur les programmes consacrés à la recherche, et en particulier sur le programme 172 qui porte les subventions pour charges de service public des organismes de recherche. Le budget alloué à ce programme diminue de 0,53 % en AE et augmente de 0,54 % en CP ; il s'établit ainsi à une hauteur stabilisée de 8,2 milliards d'euros.
Pour la deuxième année consécutive, la trajectoire définie par la loi de programmation de la recherche (LPR) de 2020 - supposée porter un réinvestissement de 25 milliards d'euros pour la période 2021-2030 - n'est pas respectée, alors que les trajectoires budgétaires et les plafonds d'emplois l'avaient été au cours des quatre premières années d'exécution.
En 2025, l'écart représentait déjà 136 millions d'euros. En 2026, l'enveloppe allouée à ce programme 172 sera par conséquent inférieure de 453 millions par rapport aux prévisions de la LPR. La prévision indicative pour 2027 fournie par le Gouvernement étant de 8,2 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2026, cet écart devrait continuer à se creuser. Si l'on prend en compte également les 250 millions d'euros d'annulation de crédits en cours de gestion, on peut s'interroger sur la pertinence de la LPR. Cinq années seulement après son adoption, celle-ci est-elle devenue caduque ?
L'effort de recherche français - à savoir, la dépense intérieure de recherche et développement rapportée au PIB - s'élève à 2,2 %. Ce taux s'avère en deçà de l'objectif de 3 % fixé par l'Union européenne (UE) dans le cadre du plan stratégique « Horizon Europe », et très inférieur à l'effort consenti par des pays tels que la Corée du Sud, Israël ou les États-Unis.
Or, les dépenses de recherche et d'innovation sont fondamentales pour assurer la croissance future de notre pays, comme l'ont montré les travaux de notre récent prix Nobel d'économie, M. Philippe Aghion. S'il existe une « bonne » dépense publique, c'est bien celle favorable à la recherche et l'innovation.
Si une stabilisation temporaire de la dynamique impulsée par la LPR peut se concevoir, eu égard à la dégradation des finances publiques, il conviendra de relancer celle-ci dans les années à venir afin de ne pas perdre le bénéfice des premières années d'exécution de la LPR, même si cela devait impliquer d'adopter un mode de financement de la recherche publique plus sélectif et plus en adéquation avec les grandes priorités économiques de notre pays.
Concernant les organismes de recherche généralistes, les moyens de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ont été renforcés, avec une hausse significative de plus de 76 % de son budget entre 2020 et 2024. Celle-ci était nécessaire pour améliorer le taux de sélection des projets soumis par les chercheurs. Après une année de stabilité en 2025, les crédits d'intervention de l'ANR en faveur des appels à projets connaissent une légère hausse de 20 millions d'euros en 2026. Un quart des projets de recherche déposés à l'ANR devraient ainsi bénéficier d'un financement ; un tel ratio permet, en principe, d'éviter de sacrifier d'excellents projets et de décourager les chercheurs comme cela s'avérait le cas dans les années 2010.
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) doit poursuivre la mise en oeuvre de sa stratégie de renforcement de son attractivité dans un contexte de forte compétition internationale, pour attirer et fidéliser les talents scientifiques. Si cette attractivité demeure importante, comme en témoignent les 700 candidatures de chercheurs étrangers reçues dans le cadre du programme « Choose CNRS » mis en place à la suite de la remise en cause des libertés académiques aux États-Unis, il s'agit de veiller à ce que le CNRS puisse mener une politique de rémunération et de carrière dynamique.
Or, cette politique apparaît aujourd'hui menacée par l'accumulation des charges non compensées transférées à l'établissement, qui assèchent la trésorerie libre d'emploi. Il importera de limiter le recours à ce type d'expédients budgétaires dans les prochaines années, sous peine de fragiliser le premier organisme de recherche de notre pays. Il s'agit d'armer celui-ci dans tous ses domaines d'expertise, afin qu'il demeure au meilleur niveau mondial.
Au-delà de ces grands organismes transversaux, je souhaite insister sur trois politiques sectorielles de recherche qui me paraissent nécessiter un soutien ciblé, continu et appuyé : le nucléaire, le spatial et le numérique.
Dans le domaine du nucléaire, les crédits de recherche et développement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont en forte baisse de 15 millions d'euros, alors que 18,5 millions d'euros avaient déjà été supprimés en 2025. Cela avait conduit le CEA, pour ne pas pénaliser ces dépenses indispensables, à réduire celles - pourtant nécessaires - portant sur l'assainissement et le démantèlement.
Cette diminution des crédits entre en contradiction avec l'objectif de relance de la filière nucléaire, portée de longue date par notre commission des affaires économiques. Depuis 2022, le Gouvernement a également adopté cette position, qu'il n'a cessé ensuite de rappeler dans le cadre des réunions du Conseil de politique nucléaire (CPN). C'est la raison pour laquelle je soutiens l'amendement de notre collègue Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la recherche et de l'enseignement, visant à rétablir ces 15 millions d'euros destinés à financer la recherche et le développement nucléaire.
Le financement de la politique spatiale se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Alors que le Président de la République a présenté le 12 novembre dernier une ambitieuse stratégie spatiale pour notre pays jusqu'en 2040, la réalité de cette ambition sera mise à l'épreuve dans les prochains jours à l'occasion de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA).
Plusieurs industriels du spatial ont alerté sur le fait que le Gouvernement envisagerait une contribution d'un montant à peine supérieur aux 3,2 milliards d'euros versés pour la période 2022-2025. Dans le même temps, l'Allemagne et l'Italie - les deux autres grands pays européens du spatial - devraient augmenter leur contribution, ce qui leur permettrait de peser davantage sur les orientations de l'ESA. Berlin serait ainsi prêt à investir au moins 5 milliards d'euros, tandis que Rome investirait 4 milliards d'euros. La France verrait le pourcentage de sa participation nettement diluée et rétrograderait au rang de troisième contributeur de l'ESA, avec des conséquences sur les retours géographiques auxquels elle pourrait prétendre.
Si la France investit moins de 4,5 milliards d'euros, l'industrie spatiale française pourrait durablement souffrir. Dans cette hypothèse, la part réservée à l'activité satellitaire, priorité nationale sur laquelle travaillent en particulier Thalès Alenia Space et Airbus Defence and Space, risquerait de diminuer. Alors que ces acteurs ont dû supprimer des emplois en 2024 et en 2025, un tel résultat serait très dommageable.
Dans les prochains jours, il importe que le Gouvernement consente l'effort nécessaire pour mettre en adéquation l'ambition affichée dans le domaine spatial et les moyens permettant à la France de demeurer une grande puissance spatiale européenne.
En conclusion de mon rapport, je tiens à saluer les actions mises en oeuvre par les grands opérateurs de recherche, notamment l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le CEA, le CNRS et l'ANR, pour orienter et adapter leurs projets de recherche en fonction des grandes priorités nationales définies en matière de numérique, en particulier pour poursuivre les objectifs fixés par la stratégie nationale d'intelligence artificielle.
Malgré une ambition moindre et un avenir compromis pour la LPR, je vous propose d'adopter les crédits de la mission, car la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique à l'oeuvre ces dernières années, à défaut de progresser comme cela était prévu, du moins ne régresse pas. Si en revanche une diminution des crédits devait se produire, cela constituerait une difficulté majeure.
M. Franck Montaugé. - Je suis surpris par la proposition de vote, compte tenu du constat alarmant qui vient d'être dressé. La logique voudrait que la proposition budgétaire ne soit pas approuvée. De notre côté, notre groupe ne sera pas favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Yannick Jadot. - Le rapporteur évoque le déficit budgétaire pour justifier son avis, en indiquant que tout ira mieux l'année prochaine. Notre débat concerne les dépenses d'investissement indispensables. Or, nous savons que les dépenses en matière de recherche produisent de la richesse et des recettes budgétaires. Il convient de réduire le déficit budgétaire sans pour autant sacrifier la croissance de demain.
M. Daniel Gremillet. - En cohérence avec les travaux du Sénat, je me réjouis des propos de notre rapporteur concernant la question nucléaire. Notre capacité à être compétitif dans ce domaine est nécessaire.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Nous sommes sur une ligne de crête. Cette année, cela passe encore, le budget demeure à peu près à l'équilibre, avec une masse financière toujours importante. Les responsables des organismes comprennent que, dans la situation budgétaire actuelle, ils doivent participer à l'effort.
Nous verrons ce qu'il en sera à l'avenir, à chaque jour suffit sa peine. Je partage le constat de M. Jadot sur la nécessité d'investir dans la recherche. Toutefois, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2026, avec les réserves évoquées dans mon propos.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires » - Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ». Chers collègues, je ne vous demanderai pas de vous prononcer aujourd'hui, dans la mesure où il ne s'agit que d'un volet de la mission. La semaine prochaine, après avoir examiné l'autre volet consacré au logement, nous nous prononcerons sur l'ensemble des crédits de la mission.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ». - Dans le cadre de mon avis budgétaire sur le programme « Politique de la ville », je m'intéresse aux grandes évolutions des crédits tout en mettant l'accent sur un dispositif spécifique pour illustrer l'action de la politique de la ville. Cette année, j'ai choisi de m'intéresser aux cités éducatives, une démarche territoriale et partenariale centrée sur l'éducation tout au long des 25 premières années de la vie. Contrairement à mes habitudes, je n'ai pas pu me rendre sur le terrain, mais j'ai échangé avec des élus locaux engagés sur le sujet.
Les crédits du programme augmentent de 6 % - soit 42 millions d'euros - par rapport à 2025. Cette progression tient à la hausse de la contribution de l'État à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Comme s'y était engagée Mme Valérie Létard en juin dernier, cette contribution atteint 116 millions d'euros en 2026. C'est mieux que l'an passé, où seuls 50 millions d'euros avaient été inscrits en cours d'examen, à la suite de notre mobilisation qui répondait au silence de la copie initiale du Gouvernement. Ces 66 millions d'euros supplémentaires ne marquent que le début d'un nécessaire rattrapage du retard accumulé par l'État dans le financement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Autre point positif dans le contexte budgétaire actuel : les crédits alloués aux grands dispositifs que sont les adultes-relais, les cités éducatives et le programme de réussite éducative, sont sanctuarisés et maintenus à leur niveau de 2025. Je salue la préservation de ces dispositifs pour deux raisons : premièrement, ces derniers ont fait la preuve de leur utilité sociale ; et deuxièmement, les à-coups budgétaires de ces dernières années ont freiné la mobilisation des acteurs locaux. Je pense notamment au gel du recrutement des adultes-relais et à l'annulation de crédits en cours de gestion pour les cités éducatives en 2024, qui ont suscité perplexité, voire découragement, chez de nombreux élus.
Néanmoins, un dispositif paie le prix de la hausse des crédits dédiés à l'Anru et de la sanctuarisation de certains programmes ; il s'agit de Quartiers d'été. Ce dispositif finance des activités dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) pendant les vacances d'été et celles de la Toussaint. En 2026, l'enveloppe passe de 30 à 5 millions d'euros, pour revenir à un volume financier comparable à celui alloué avant la pandémie.
Le Gouvernement a fait le choix de cibler l'effort budgétaire sur un seul dispositif plutôt que de faire peser la contrainte sur l'ensemble des actions. Cela peut s'entendre, mais il ne faudrait pas abandonner ce dispositif à moyen terme. En effet, celui-ci joue un rôle essentiel dans la socialisation et l'engagement des jeunes, alors que l'été est une période à fort risque d'isolement.
Le budget de la politique de la ville prévoit également 193 millions d'euros pour la mise en oeuvre des contrats de ville. Conformément aux orientations du comité interministériel des villes de juin dernier à Montpellier, ils incluent désormais un volet investissement pour soutenir le développement d'une activité économique endogène dans les QPV.
À ce sujet, je me permets une incise pour souligner une mesure de la première partie du projet de loi de finances (PLF). L'article 12 prévoit d'étendre les exonérations d'impôts sur les bénéfices aux entreprises commerciales, artisanales et libérales qui s'installent en QPV, afin d'en faire le zonage unique en matière de fiscalité de la politique de la ville. Cette mesure de simplification bienvenue aura néanmoins un coût, estimé à 155 millions d'euros de moindres recettes en année pleine. Comme l'a rappelé mon collègue Jean-Baptiste Blanc, il faudra en suivre attentivement l'efficacité.
Le montant de l'enveloppe complémentaire dédiée à la mise en oeuvre des contrats de ville dans les territoires ultramarins est maintenu à 2 millions d'euros, dont 1 million d'euros pour Mayotte, sachant que l'intégralité de l'archipel a été classée en QPV par la loi du 11 août dernier. Alors que les contrats de ville ultramarins doivent être signés d'ici le 31 décembre 2025, les difficultés structurelles de certains territoires, particulièrement aigües à Mayotte, compliquent le respect de ce calendrier. Le Gouvernement prévoit un amendement autorisant la mise en oeuvre des crédits de la politique de la ville jusqu'au 31 juillet 2026, sans signature préalable des contrats de ville ; j'y suis favorable, car il faut éviter une interruption de l'action de la politique de la ville dans des territoires déjà confrontés à d'autres urgences.
Enfin, dans le cadre de la nouvelle génération des contrats de ville, les conventions d'utilisation de l'abattement de la taxe foncière, dont bénéficient les bailleurs sociaux pour la gestion urbaine de proximité, ont été récemment renouvelées. Pour mémoire, Mme Juliette Méadel avait engagé l'an dernier un travail d'évaluation de l'action des bailleurs sociaux en contrepartie de cet abattement ; elle en avait présenté les premiers résultats devant notre commission en avril dernier. De mon côté, les auditions menées confirment le bon fonctionnement général de la gestion urbaine de proximité et la nécessité de ne pas stigmatiser l'ensemble des bailleurs sociaux, dont l'implication reste essentielle sur le terrain.
Je souhaite maintenant évoquer la situation de l'Anru. Les 66 millions d'euros supplémentaires de financement de l'État alloués au NPNRU en 2026 ne doivent occulter ni les tensions sur la trésorerie de l'agence, ni le retard considérable de financement de l'État, ni la nécessité d'engager rapidement un troisième programme de renouvellement urbain.
Certes, l'enveloppe de 116 millions d'euros de l'État est une avancée, mais celle-ci demeure inférieure aux 250 millions d'euros demandés par l'Anru. Cette enveloppe sera néanmoins suffisante pour assurer les engagements de l'agence en 2026, grâce à la mise en place de plusieurs mesures de régulation budgétaire, comme des reports de paiements. Mais ces 116 millions d'euros ne sont qu'un dérisoire apport sachant le retard considérable de l'État dans le financement du NPNRU, qu'il devra rattraper tôt ou tard. Après huit années de versement, la contribution de l'État atteint à peine 155 millions d'euros, soit 13 % du montant de 1,2 milliard d'euros auquel il s'était engagé, quand Action Logement et les bailleurs sociaux ont déjà respectivement versé 35 % et 45 % de leur dû.
Par ailleurs, l'article 66 du PLF pour 2026 prévoit le report de 2026 à 2027 de la date limite des engagements de l'Anru. Cette mesure permettra à l'État de lisser sa charge sur une plus longue période, et à l'Anru d'engager l'an prochain 1,5 milliard d'euros au lieu des 2 milliards d'euros initialement prévus. Mais cela ne règle en rien la soutenabilité financière du programme à moyen terme ; en 2027, il faudra que l'État contribue, a minima, à hauteur de 250 millions d'euros, et qu'il augmente fortement les crédits sur les dernières années du programme pour ne pas mettre en péril le rythme des opérations, dont 88 % ont déjà été engagées.
Le report des engagements est une solution acceptable pour cette année, mais cela ne doit pas devenir la règle. Il convient, dès 2026, de travailler à la mise en place d'un troisième programme de renouvellement urbain. Les élus locaux ne cessent de nous alerter sur les risques d'une latence entre les programmes. Une mission de préfiguration a été confiée en ce sens par Mme Valérie Létard à M. Philippe Van de Maele, ancien directeur général de l'Anru ; elle devrait rendre ses travaux au printemps.
Après cette présentation des grandes évolutions budgétaires du programme, je souhaite valoriser les cités éducatives, démarche territoriale et partenariale fondée sur le volontariat pour coordonner l'action en faveur de l'éducation. Celles-ci offrent un cadre de coopération à l'ensemble des acteurs de la communauté éducative pour améliorer la prise en charge sociale et la réussite éducative des jeunes de 0 à 25 ans. À la fois label et démarche, elles se situent au croisement de la politique de la ville et des politiques scolaires.
Les cités éducatives sont pilotées au niveau local par le maire, le préfet et l'éducation nationale, avec l'appui d'un chef de projet opérationnel ; ensemble, ils mobilisent établissements, associations, entreprises, services sociaux, collectivités et familles. Depuis leur lancement en 2019, 250 cités éducatives ont été labellisées, dont 39 en 2025. Cela concerne 1,5 million d'élèves, à la fois sur le temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, car l'ambition de ces cités éducatives est de maintenir dans le giron de la politique de la ville tous les jeunes, y compris ceux qui sont en dehors du système scolaire.
Sur ce dernier point, malgré le succès indéniable de la démarche, les auditions ont mis en évidence que l'action se concentre souvent sur les tranches d'âges scolarisées, à savoir les 3-16 ans. Il est dommage de laisser en marge les moins de 3 ans et les plus de 16 ans, et de ne pas traiter les périodes cruciales de la petite enfance et de l'entrée dans les études ou la vie active. Certaines cités éducatives sont néanmoins plus actives sur le sujet, et ciblent les publics concernés, comme à Gennevilliers, avec la mise en place d'un réseau étudiant pour les jeunes arrivant dans l'enseignement supérieur.
Malgré l'annonce de la généralisation des cités éducatives en 2023, le Gouvernement ne donne pas aux collectivités les moyens de ses ambitions ; l'objectif semble abandonné, comme en témoigne la baisse de 20 millions d'euros des crédits alloués aux cités éducatives en 2025, après les gels et annulations de 2024 qui ont retardé la labellisation de 39 nouvelles cités éducatives. En 2026, avec la stabilisation des crédits, le ministère en charge de la ville et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ne peuvent pas s'engager sur une nouvelle vague de labellisation, faute de crédits supplémentaires et de demandes.
L'annonce de la généralisation semble à la fois incantatoire, dans la mesure où elle ne s'accompagne pas de moyens financiers, et contradictoire, car la cité éducative est un dispositif basé sur le volontariat local. La labellisation doit se construire avec les acteurs de terrain et émaner d'une dynamique volontariste de la part des collectivités. Cette démarche prend nécessairement du temps et ne doit pas être imposée d'en haut.
Enfin, je souhaite dire un mot sur l'évaluation. Même si les cités éducatives sont unanimement saluées par tous les acteurs auditionnés, elles sont, comme de nombreux dispositifs de la politique de la ville, difficiles à évaluer. Il s'agit de développer des suivis de cohortes pour observer les trajectoires de vie. C'est ce que nous préconisions déjà dans notre rapport de 2022 sur la politique de la ville, en indiquant qu'il convenait de s'intéresser davantage au film qu'à la photo. En n'observant que la photo, on passe sous silence les phénomènes de mobilité géographique des jeunes, et on minore les effets bénéfiques des dispositifs de la politique de la ville.
Pour toutes ces raisons, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ».
Mme Sophie Primas, rapporteur spécial de la commission des finances sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ». - Je tenais à vous informer que je remplace notre collègue Jean-Baptiste Blanc à la commission des finances et que j'ai été chargée de suivre les programmes relatifs au logement et à la ville de la mission « Cohésion des territoires ». Je vais bien évidemment travailler de concert avec Viviane Artigalas et Amel Gacquerre, afin de parvenir à une position commune.
Mme Amel Gacquerre. - La politique de la ville repose sur les contrats de ville et sur le renouvellement urbain ; l'abondement de ce dernier ne doit pas masquer la baisse d'autres crédits, qui aura des conséquences sur l'efficacité des dispositifs.
Je salue l'effort du Gouvernement pour répondre à la situation alarmante de l'Anru, qui permet de sécuriser les opérations pour 2026. Se pose, néanmoins, la question de l'avenir de l'Anru et du troisième programme, alors que tous les élus témoignent des changements en cours dans nos quartiers.
Je salue également le renforcement des dispositifs fiscaux, avec ce zonage unique dans lequel on intègre de nouvelles activités, notamment artisanales et de santé.
Le report d'un an de la date limite des engagements de l'Anru répond à une demande des élus ; je me réjouis de son inscription dans le PLF pour 2026.
Enfin, je déplore la baisse des crédits alloués aux Quartiers d'été. Si cette baisse est compréhensible, elle s'avère symbolique pour le tissu associatif.
Je suivrai l'avis de la rapporteure, ne serait-ce que pour l'abondement de l'Anru.
M. Yannick Jadot. - L'abondement de l'Anru est une bonne nouvelle, mais cela reste insatisfaisant au regard des besoins.
Dans l'évaluation des actions en faveur des quartiers prioritaires, l'accompagnement a toujours constitué une dimension importante. Lors de la commission d'enquête sur le narcotrafic, les rapporteurs ont regretté de ne pouvoir aborder tous les enjeux relatifs à la prévention. Je déplore que cette part liée à l'humain soit en baisse dans le budget.
À ce stade, nous penchons pour une abstention.
Mme Marianne Margaté. - Au-delà de ces dispositifs provisoires, la mobilisation des dispositifs de droit commun dans les QPV reste le sujet important. Le tissu associatif alerte sur les baisses de financement. Les missions locales et les collectivités sont également concernées par ces baisses. Le désengagement de l'État sur les actions de proximité et d'accompagnement sera d'autant plus douloureux pour les QPV, sachant que leur nombre ne cesse d'augmenter ces dernières années.
Sur le sujet des adultes-relais, une incertitude concerne le nombre de contrats. Celui-ci passera-t-il à 6 200 ou restera-t-il limité à 4 500 ?
Les crédits en faveur des Quartiers d'été diminuent ; il s'agit d'un mauvais signal adressé aux associations et aux jeunes dans les quartiers.
Les « colos apprenantes » vont-elles disparaître ?
Enfin, je relaie l'inquiétude des maires concernant le fonds d'investissement pour les territoires. Je m'interroge sur la fusion des trois dotations, celle dévolue à la politique de la ville se retrouvant avec les dotations pour les territoires ruraux et l'investissement local ; cela laisse craindre une opacité dans les attributions, en plus de l'amputation de 200 millions d'euros qui inquiète tous les élus.
M. Philippe Grosvalet. - Les collectivités locales, qui sont les premières à financer la politique de la ville, et l'ensemble du tissu associatif sont aujourd'hui en difficulté. Ces associations, très décriées ces dernières années par le Président de la République, constituent un filet de sécurité pour un certain nombre de nos concitoyens. Si ce filet craque, je crains que l'on se retrouve dans des situations périlleuses qui font le lit des idées extrémistes.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La question des crédits de droit commun revient de manière lancinante. Les crédits de la politique de la ville ne sont pas censés se substituer aux crédits de droit commun ; ces derniers doivent prendre le relais, mais, comme nous ne cessons de le déplorer, ce n'est pas le cas.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - La baisse de certains dispositifs de droit commun aura des conséquences sur la politique de la ville, dont la philosophie est de donner davantage à ceux qui en ont le plus besoin, sans pour autant se substituer au droit commun. Par ailleurs, ce dernier diminue sur l'ensemble du territoire.
Vous avez évoqué le rapprochement de la dotation politique de la ville (DPV) et celle d'équipement des territoires ruraux (DETR). Les élus déplorent un manque de visibilité, avec un fléchage qui risque de devenir opaque.
L'Anru a déjà connu des gels et annulations de crédits. Cette année, la direction a demandé 250 millions d'euros et obtenu 116 millions d'euros. Il s'agira d'être vigilant sur les crédits accordés dans les prochaines années, ainsi que sur le déploiement du troisième programme.
Nous manquons de visibilité sur le zonage unique. Je m'interroge sur le montant de la prévision de cette dépense fiscale.
Sur les adultes-relais, 4 500 contrats ont été notifiés ; en pratique, on en recense environ 4 300.
L'enveloppe pour les Quartiers d'été est équivalente à celle qui existait avant le Covid. Je déplore l'affaiblissement de ce dispositif qui fonctionnait bien depuis le Covid, et souhaite le rétablissement des crédits en sa faveur. Dans le cadre des cités éducatives, des actions sont également conduites dans les domaines de l'extrascolaire et du périscolaire ; cela n'est pas satisfaisant, mais il faudra s'en contenter.
Enfin, le sujet des « colos apprenantes » n'entre pas dans le cadre de la mission ; il concerne le sport, la jeunesse et la vie associative. Il est à noter qu'au moment où ces « colos apprenantes » sont supprimées, le budget consacré aux Quartiers d'été est également en baisse.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Pour rappel, nous procèderons à un vote global après la présentation du rapport sur les crédits relatifs au logement, la semaine prochaine.
La commission décide de réserver son avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Économie » - Volets « Consommation, commerce, artisanat et tourisme », « Postes, télécommunication et économie numérique » et « Industrie » - Examen des rapports pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant les rapports pour avis sur les volets « Commerce, artisanat, consommation et tourisme », « Postes, télécommunication et économie numérique » et « Industrie » de la mission « Économie ».
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la consommation, au commerce, à l'artisanat et au tourisme de la mission « Économie ». - À l'image des crédits de la mission « Économie », en baisse de 27 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2025, les moyens du volet « Consommation, commerce, artisanat et tourisme » diminuent ou restent stables, à quelques rares exceptions près.
Dans le cadre de mon propos, je souhaite mettre l'accent sur les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la fermeture de l'Institut national de la consommation (INC), le soutien aux associations de défense des consommateurs, la réforme du réseau d'Atout France et, enfin, la régionalisation des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA).
En 2026, les crédits de l'action 24, dédiés pour une large part à la mise en oeuvre des missions de la DGCCRF aux niveaux national et déconcentré, sont parmi les rares crédits de ce budget en légère hausse, avec une augmentation de 0,66 % en AE et de 3,49 % en CP par rapport à 2025. Ce constat peut rassurer, mais il s'agit d'une évolution en trompe-l'oeil. En effet, 90 % des 270 millions d'euros de cette action sont relatifs aux dépenses de personnel de la DGCCRF. Or, si les évolutions semblent à première vue donner la priorité à la consommation, il convient de les mettre en regard de l'augmentation mécanique des dépenses, sous l'effet du glissement-vieillesse-technicité (GVT) et des 5 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. Celles-ci doivent également se lire en regard des nombreux textes intervenus dans la période récente, en vue d'améliorer la protection des consommateurs ; depuis seulement trois ans, j'ai dénombré près de 30 textes législatifs ou réglementaires ayant accru les missions de la DGCCRF.
Ces missions croissantes relativisent le premier constat d'une légère hausse des crédits. L'évolution des moyens de la DGCCRF s'avère donc une illusion, comme cela nous a été confirmé par la directrice générale et ses équipes lors de leur audition.
Dans un contexte de rigueur budgétaire, il convient d'identifier les leviers organisationnels, numériques et juridiques permettant, à moyens constants, de renforcer les contrôles de la DGCCRF, notamment ceux des informations fournies aux consommateurs.
Il reste à inventer de nouvelles approches. Si la DGCCRF met utilement à disposition ces plateformes - SignalConso, RappelConso et RéponseConso -, il convient d'aller plus loin dans le développement et la rationalisation de nouveaux outils numériques, ainsi que dans l'optimisation des services rendus au consommateur. Il est, par exemple, surprenant que les réponses des conseillers « humains » de ces différents services soient toutes rédigées par des systèmes d'intelligence artificielle. Ces doublons interrogent sur les marges d'économie et d'amélioration de ces plateformes destinées aux consommateurs.
Un service unique et performant serait, a minima, pertinent. Mais, selon les informations recueillies lors de l'audition, les crédits envisagés pour 2026 ne suffiraient pas à conduire de nouveaux projets de développements informatiques, y compris en vue de la fusion de ces trois plateformes.
Je poursuis mon propos avec la fermeture de l'INC et la stabilité du soutien aux associations de défense des consommateurs. Les crédits dédiés à l'INC et au mouvement de défense du consommateur s'élèvent à 10,34 millions d'euros en 2026, contre 6,4 millions d'euros en 2025, soit une hausse de 61 % qui s'explique par la couverture des opérations de dissolution-liquidation de l'INC, à hauteur de 8 millions d'euros. L'article 71 du PLF précise que celles-ci doivent s'achever au plus tard le 31 mars 2026.
Créé en 1966, l'INC va donc, l'année de ses 60 ans, cesser ses activités, y compris la diffusion de son magazine 60 millions de consommateurs - celui-ci pourrait être cédé -, ainsi que de ses émissions de télévision ConsoMag.
En plus de son appui technique aux organisations de consommateurs, l'INC a conduit des travaux sur tous les champs de la consommation à travers des essais comparatifs, des études juridiques et économiques, des enquêtes journalistiques et des campagnes d'information. Si son rôle d'information et d'alerte des consommateurs est incontestable, il traversait depuis plusieurs années une situation financière difficile, notamment due aux difficultés chroniques de son activité de presse, dont le chiffre d'affaires ne cesse de se détériorer. Sa disparition est donc regrettable, mais logique.
Les crédits restants dans l'enveloppe - soit 2,34 millions d'euros - sont fléchés vers le soutien aux 14 associations de défense des consommateurs qui bénéficient d'un agrément national dans les conditions définies par le livre IV du code de la consommation. Cela correspond à une stabilité du montant de leurs subventions, ces dernières étant, depuis 2022, renforcées par les moyens attribués dans le cadre d'appels à projets auxquels les associations peuvent candidater, sur des thématiques proposées par la DGCCRF.
J'en viens maintenant à la réforme du réseau d'Atout France. Notre agence de développement touristique pourrait, à moyen terme, fusionner avec Business France ; mais, à ce stade, le PLF pour 2026 se contente de prévoir la mutualisation de leurs réseaux à l'étranger. Du côté d'Atout France, on recense 29 bureaux dans 26 pays différents.
Le plafond d'emploi et la subvention versée à Atout France sont respectivement en baisse de 21 emplois et de 1,6 million d'euros par rapport à la LFI pour 2025 - soit 23 millions d'euros programmés en 2026, contre 24,6 millions d'euros en 2025.
J'appelle à la vigilance sur les conditions de cette mutualisation. Si les deux opérateurs peuvent partager des objectifs communs, il ne faudrait pas que cette réforme rapide entraîne des conséquences néfastes sur le secteur du tourisme en France. La réorganisation de ces deux réseaux n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact, notamment concernant les retombées économiques éventuelles.
Je conclus mon propos avec la régionalisation des CMA. Ces dernières poursuivent la trajectoire de baisse de leur taxe pour frais de chambres (TFC) qui, pour 2026, est fixée à 56 millions d'euros. Cela suscite émotion et inquiétude, mais les CMA se sont bien adaptées à cette trajectoire contrainte.
Ayant perdu en 2020 leur mission de collecte de la taxe d'apprentissage, elles ont accéléré la réforme de leur réseau en se régionalisant, ce qui a permis une réduction du nombre d'établissements. En 2015, le réseau se composait de 93 établissements publics ; depuis le 1er janvier 2021, celui-ci ne comprend plus que 21 établissements. Je tiens à saluer cet effort de rationalisation.
Je voterai les crédits de la mission, et vous encourage à faire de même. Il s'agit, cette année, d'un budget de rigueur ; je le déplore mais, sachant le contexte, il est difficile de faire autrement.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs aux Postes, à la télécommunication et à l'économie numérique de la mission « Économie ». - Je souhaite revenir sur trois points importants de cette mission : le plan France très haut débit (PFTHD), La Poste et les conseillers numériques.
Concernant le PFTHD, la France fait aujourd'hui partie des pays les plus « fibrés » d'Europe avec, au 30 juin 2025, 93 % des locaux couverts en fibre optique. Sur les 44,9 millions de locaux recensés à l'échelle nationale, 41,6 millions sont raccordables à la fibre optique, tandis que 3,3 millions restent à raccorder. Selon la direction générale des entreprises (DGE), le taux de couverture, au 31 décembre 2025, devrait être compris entre 95 et 96 % ; il s'agit donc d'un succès.
Plusieurs éléments viennent nuancer ce bilan. En premier lieu, le ralentissement des déploiements se poursuit dans les zones les plus denses qui relèvent des opérateurs privés, ce qui pourrait perturber le plan de fermeture du réseau cuivre d'Orange ; celui-ci, amorcé cette année, devrait atteindre un rythme plus important à partir de 2028 et se poursuivre jusqu'en 2030.
Concernant les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii), c'est-à-dire les 3 600 communes pour lesquelles les opérateurs ont pris des engagements de déploiement juridiquement contraignants auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), la situation s'améliore grâce à la pression exercée sur Orange et SFR.
Concernant les zones moins denses où se déploient les réseaux d'initiative publique (RIP), il reste 1,6 million de locaux à raccorder. Le PLF pour 2026 prévoit des crédits de paiement (CP) à hauteur de 258,4 millions d'euros. Si le déploiement de la fibre dans les territoires ruraux est un succès, se pose, en revanche, la question de l'équilibre économique de certains RIP, notamment en raison du nombre d'abonnements à la fibre qui demeure insuffisant dans de nombreux territoires.
Autre situation préoccupante : l'imbroglio actuel à Mayotte. À la suite du passage du cyclone Chido, l'opérateur Orange, inquiet de la concurrence de Starlink, a annoncé qu'il ne redéploierait pas son réseau cuivre dans les zones sinistrées, et qu'il couvrirait en fibre optique, en particulier à Mamoudzou. L'opérateur déploie ainsi de la fibre dans des zones supposées couvertes par le RIP du conseil départemental, ce qui remet en cause l'équilibre économique de ce dernier, reposant sur une péréquation interne entre les zones denses et moins denses.
Aujourd'hui, ce RIP doit être redéfini. Cela obère sa mise en place en 2026, raison pour laquelle aucun crédit n'est prévu dans le PLF ; celle-ci devra attendre, dans le meilleur des cas, 2027, ce qui est regrettable pour nos concitoyens de Mayotte.
Le financement des raccordements complexes progresse lentement. Cela pourrait pénaliser la fermeture totale du réseau cuivre d'ici 2030, avec de premières fermetures massives prévues en 2028. Comme les années précédentes, on observe une sous-consommation de l'enveloppe de 150 millions d'euros pour les raccordements complexes sur le domaine public. Concernant le domaine privé, où les raccordements sont à la charge des particuliers, un fonds de 16 millions d'euros permettant d'attribuer une aide aux ménages les plus modestes résidant dans une commune concernée par la fermeture prochaine du réseau cuivre a enfin été mis en place en septembre. Sachant que les besoins totaux sont estimés entre 640 millions et 1 milliard d'euros, on peut, là encore, s'interroger sur la capacité à fermer les réseaux cuivre dans les délais impartis.
Le financement des missions de service public de La Poste, évoqué lors de l'audition de la nouvelle présidente de l'entreprise, est un autre point important de la mission. Pour rappel, le déficit cumulé de ces missions s'élève à 2 milliards d'euros. Alors que l'État en compensait jusqu'ici la moitié, le PLF pour 2026 prévoit de limiter cette compensation à 848 millions d'euros. La Poste conservera à sa charge un déficit de 1,1 milliard d'euros, à prélever sur ses résultats, ce qui contribuera à alourdir sa dette désormais supérieure à 10 milliards d'euros. Se pose donc pour La Poste la question de la soutenabilité, à moyen terme, de la poursuite de ses missions de service public à périmètre inchangé. Par ailleurs, le groupe est également confronté à une concurrence internationale croissante.
Plutôt que de m'attarder sur le service public universel postal, qui continue de subir la diminution du courrier, je souhaite insister sur les missions de contribution à l'aménagement du territoire et de transport et de distribution de la presse. Particulièrement stratégique, car elle implique le maintien d'au moins 17 000 points de contact sur l'ensemble du territoire, la mission de contribution à l'aménagement du territoire représente pour La Poste un déficit avant compensation légèrement supérieur à 300 millions d'euros.
Alors que le contrat de présence postale territoriale prévoit un financement jusqu'à 174 millions d'euros par an - niveau maintenu en 2025 -, la compensation budgétaire prévue dans le cadre du PLF pour 2026 est fixée à seulement 122 millions d'euros, soit une baisse de 42 %. Celle-ci fragilise l'exercice de la mission, et ne permet plus de financer les actions décidées par les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT), essentielles à l'évolution et à l'adaptation concertée de la présence postale dans nos territoires.
C'est la raison pour laquelle je propose un amendement visant à rétablir ces 174 millions d'euros, et donc à augmenter de 52 millions d'euros les crédits destinés à compenser le déficit de la mission de contribution à l'aménagement du territoire de La Poste.
Concernant le transport et la distribution de la presse, la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2023 devait inciter à une bascule du postage vers le portage ; elle s'est soldée par un échec. Dans la mesure où les tarifs ne couvrent que 31 % des coûts, il en résulte un véritable gouffre financier pour La Poste, supérieur à 600 millions d'euros par an et compensé par l'État à hauteur de 24 millions d'euros. Pour donner une idée de la situation, le déficit de la presse quotidienne ou hebdomadaire est de 1,85 euro par objet transporté.
Il apparaît indispensable de revoir, dès 2026 dans la perspective du PLF pour 2027, les conditions économiques de cette mission nécessaire au pluralisme du débat démocratique, en tenant compte de la capacité contributive des différents éditeurs de presse. Parmi eux, si un certain nombre relèvent de la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE), d'autres bénéficient du soutien de propriétaires à même d'assumer tout ou partie des coûts laissés aujourd'hui à la charge de La Poste.
D'après mes informations, le Gouvernement prévoit, par voie réglementaire, une augmentation en 2026 de 7 % de tous les tarifs postaux pour le transport et la distribution de la presse. Cette décision paraît discutable, dans la mesure où le déficit est surtout lié à la presse urgente.
Enfin, concernant les conseillers numériques, l'État se désengage du dispositif. En 2025, les crédits dédiés étaient limités à 27,9 millions d'euros ; ils ne représentent plus que 14 millions d'euros en 2026, avant une extinction en 2027. À cette date, il est prévu un transfert intégral du dispositif sur le budget des collectivités territoriales, avec un fort risque de renoncement à ce dispositif d'inclusion numérique pourtant nécessaire. Dans le contexte budgétaire actuel, je ne propose pas d'amender ce dispositif, mais la question risque de se poser en 2027.
En conclusion, je propose d'adopter les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement visant à favoriser la mission de contribution à l''aménagement du territoire de La Poste et le maintien de l'accès aux 17 000 points de contact.
M. Franck Montaugé. - Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette enveloppe de 52 millions d'euros ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis. - Il s'agit d'un gage sur les crédits du Trésor, indispensable compte tenu des règles de redevabilité financière qui s'appliquent aux amendements de crédits. Je ne veux bien sûr pas ponctionner les crédits du Trésor, nous aurons un débat en séance, et nous verrons si le Gouvernement est en capacité de nous suivre et de lever ce gage.
M. Franck Montaugé. - Comme chaque année, nous transférons des crédits d'une ligne à une autre. Je m'interroge sur le niveau de recettes nécessaire pour corriger les faiblesses pointées par les rapporteurs.
Mme Annick Jacquemet. - Je ne suis pas favorable à l'alourdissement des dépenses, mais, dans ce cas, cela relève d'un équilibre à maintenir dans nos zones rurales. En conséquence, je soutiens l'amendement proposé par la rapporteure.
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'industrie de la mission « Économie ». - Je ne vous cache pas mon inquiétude face à ce projet de budget pour 2026, surtout concernant notre politique industrielle - laquelle est devenue introuvable. Les auditions que j'ai conduites les 15 derniers jours, au lieu de me rassurer, ont encore accru mes craintes.
Un chiffre m'a frappé en lisant le projet de loi de finances pour 2026 : pour la première fois, nous descendons sous le seuil symbolique du milliard d'euros, avec seulement 941 millions d'euros en crédits de paiement à destination de l'action 23, qui regroupe une partie des crédits d'intervention pour l'industrie.
Directement impactés par le contexte de rigueur budgétaire, les crédits de la mission « Économie » connaissent à nouveau une forte baisse : en AE, la mission recule de 27 %, de 35 % pour son principal programme et plus de 46 % pour l'action 23, consacrée au soutien à l'industrie. Cette action ne reflète pas la totalité des moyens publics accordés à la politique industrielle, mais c'est un très mauvais signal alors que l'industrie française poursuit malheureusement son déclin.
D'après la direction générale des entreprises (DGE), que j'ai auditionnée, les fermetures d'usines l'emporteraient désormais sur les ouvertures ou agrandissements, alors que le premier semestre était encore à l'équilibre, et le solde de l'année pourrait être négatif - au contraire de l'objectif de réindustrialisation.
Les tarifs douaniers américains illustrent les incertitudes dans le commerce mondial et la triste réalité d'un environnement international concurrentiel et instable, dommageable aux entreprises industrielles françaises, et ce en dépit de l'accord commercial entre l'Union européenne et les États-Unis signé le 28 juillet 2025, qui - bien que considéré comme un moindre mal - est très pénalisant.
L'horizon est donc particulièrement sombre pour notre industrie, pour tous les secteurs et en particulier pour la chimie et les transports, dont l'automobile tout particulièrement.
Dans un tel contexte, je conteste le choix gouvernemental d'accélérer la baisse des soutiens à l'industrie dans le PLF pour 2026.
Les aides à la décarbonation et, surtout, la compensation carbone pour les électro-intensifs seront les deux dispositifs qui bénéficieront principalement de ces moyens, marquant la priorité donnée - si l'on peut encore parler de priorité - par le Gouvernement aux enjeux de compétitivité et de climat en matière industrielle.
L'industrie française doit être aidée différemment, pas juste en fonction des enjeux climatiques, et de manière beaucoup plus ambitieuse. Nous avons besoin de grands plans industriels. Les structures consulaires ainsi que les opérateurs (Bpifrance, Business France...), dont la plupart sont financés en-dehors de l'action 23 de la mission, pourraient avoir des difficultés à conduire leurs missions en 2026. Bpifrance a même fait valoir le risque d'une mise en danger de la pérennité de son activité de conseil. Les activités d'accompagnement de Bpifrance, qui bénéficie pour moitié à des entreprises industrielles, seront en tout état de cause fragilisées.
Alors que la rédaction initiale du PLF réduisait de 175 millions d'euros la taxe pour frais de chambre dédiée aux CCI, je me félicite de l'adoption par la commission des finances de l'Assemblée nationale d'un amendement visant à rétablir un plafond de taxe de 525 millions d'euros pour 2026.
De même, et comme l'année passée, les pôles de compétitivité subissent la suppression de la ligne budgétaire qui leur est consacrée dans le PLF, au nom de la régionalisation de leur gouvernance et de leur financement. Je trouve positive l'adoption par la commission des finances de l'Assemblée nationale d'un amendement visant à rétablir le montant de 9 millions d'euros attribué traditionnellement aux pôles de compétitivité par l'État. Il faudra soutenir cette mesure au Sénat.
Le projet met fin aux mesures conjoncturelles d'aides aux entreprises pour compenser leurs surcoûts énergétiques, mises en place dès 2022. Cela semble logique puisque les prix de l'énergie se sont stabilisés depuis 2023 et que les dispositifs sont tous arrivés à échéance en 2024 et 2025 : boucliers tarifaires, garanties de prix, amortisseur électricité, guichet d'aide d'urgence...
Deux mots sur la compensation carbone des entreprises électro-intensives : les crédits sont en baisse, avec 782 millions d'euros, du fait de la baisse du prix du quota d'émission de gaz à effet de serre et de la fin du mécanisme d'avance de cette compensation qui permettait aux entreprises de recevoir dès l'année N une partie de la prise en charge des coûts de l'année N+ 1. Ces taux d'avance étaient de 24,42 % avant 2025 et de 10 % cette année. Les représentants d'entreprises que j'ai auditionnés ont tous déploré la fin de ce mécanisme d'avance qui conduira à faire porter un poids supplémentaire sur la trésorerie des entreprises industrielles.
Je voudrais, pour conclure, redire que la politique industrielle est illisible d'un point de vue budgétaire, car ses moyens sont éclatés au sein du budget ; cela nuit à la mission de contrôle du Parlement. L'exécutif en a conscience puisque la DGE a elle-même réclamé une refonte de la maquette budgétaire afin de faire apparaître de manière unifiée et consolidée les crédits de la politique industrielle au sein du PLF.
Le Gouvernement repousse cette réforme, mais nous devons la soutenir pour que le changement s'opère dans le budget 2027, laissant ainsi le temps à toutes les administrations concernées de préparer cette évolution.
Voilà le bilan que je tire des crédits de la politique industrielle dans ce PLF pour 2026 ; vous aurez compris que je ne peux pas - à titre personnel et à la différence de mes collègues - vous proposer de donner un avis favorable. Vous avez entendu mes inquiétudes et mes réserves, qui vont bien au-delà de la seule question budgétaire.
M. Patrick Chaize. - La situation de La Poste est pour beaucoup liée au manque de clairvoyance de l'établissement, à son manque d'anticipation ; nous avons rédigé un rapport sur le sujet, l'État s'était engagé par contrat - renouvelé tous les trois ans - à financer des missions pour charges de service public, dont les frais de personnels dans les agences postales et les points relais commerçant. C'est pourquoi l'amendement de notre rapporteure est bienvenu, il ne fait que respecter la parole de l'État. Cependant, le problème ne s'en trouve pas réglé et nous devons avoir un débat sur l'avenir de La Poste : a-t-on encore besoin, par exemple, d'une distribution du courrier six jours sur sept ? Je n'ai pas la réponse, je ne fais que poser la question.
Sur l'aspect numérique, ensuite, il faut regarder de près ce qui se passe à Mayotte : alors que ce département est le dernier à se lancer dans Plan France Haut débit, alors qu'un réseau de qualité est particulièrement indispensable à Mayotte, on laisse Orange venir en concurrence d'un projet porté par l'État : cela pose un problème criant de gouvernance, on risque de voir se développer deux réseaux en parallèle - et le réseau public ne tiendra pas ; ce sera perdant-perdant. L'État est au capital d'Orange, il doit prendre ses responsabilités et se faire entendre pour remettre tout le monde en phase, c'est la seule façon de garantir un réseau de qualité à Mayotte, qui en a grand besoin.
Mme Antoinette Guhl. - Les contaminants nocifs pour la santé dans les couches pour bébés ont été mis à jour par l'Institut national de la consommation (INC), tout comme les défauts des installations des pompes à chaleur, la baisse de qualité de l'huile d'olive ou les failles dans les préservatifs. Une politique qui protège le consommateur demande de l'argent et des postes budgétaires. Aussi, la dissolution de l'INC est une véritable victoire des lobbies, notamment des grands industriels qui veulent faire fi de toute une série de contraintes.
Je pense, ensuite, très malvenue la baisse des effectifs de la DGCCRF. Ceux qui ont suivi ici l'affaire Nestlé savent que nous avons eu besoin de la DGCCRF, avec sa capacité d'analyse et de contrôle, même si elle n'a pas toujours été au rendez-vous. Nous en avons également besoin pour appliquer les lois EGalim, pour la lutte contre toutes les fraudes, ou encore pour appliquer la loi contre la vie chère dans les outre-mer - de même qu'on a besoin de douaniers pour arrêter ces produits interdits à la vente que sont les poupées pédopornographiques découvertes sur le site chinois Shein. La DGCCRF a besoin de plus d'effectifs et d'expertise, pour protéger les consommateurs au moment où la consommation connaît une mutation inédite depuis plusieurs décennies.
Je déplore également le trop faible soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS). Le secteur représente 15 % de l'emploi salarié du privé dans notre pays, mais le budget fléché ne dépasse pas 13 millions d'euros : ce n'est pas sérieux... La Cour des comptes s'apprête à publier un rapport sur le sujet, nous devrons y revenir. Au passage, c'est une bonne chose qu'ESS France soit désormais considérée comme une chambre consulaire et puisse représenter l'économie sociale et solidaire.
Enfin, nous savons tous que les crédits « industrie » de cette mission « Économie » sont loin de représenter l'ensemble des moyens de la politique industrielle, cela pose un problème de lisibilité et de pilotage des politiques publiques. Quant au contenu, la baisse des budgets de décarbonation ne va évidemment pas dans le bon sens, nous avons besoin d'engager une politique de décarbonation bien plus forte - mais nous devons agir avec des bouts de ficelles... qui raccourcissent. Il est grand temps que nous ayons une politique industrielle en France, ce n'est pas le cas.
M. Fabien Gay. - On a l'habitude des budgets d'austérité et du discours qui dit qu'on peut faire mieux avec un peu moins - mais, à un moment, ça ne passe plus ! Huit ans qu'on baisse les moyens de la DGCCRF, alors qu'il y a une guerre commerciale avec la Chine. J'ai vu à l'aéroport Charles-de-Gaulle des hangars remplis des centaines de milliers de colis qui arrivent chaque jour sans qu'on ait les moyens de les contrôler à la douane... Alors des ministres s'en émeuvent, on vient de le voir, ils font de la communication, mais cela ne change rien à la situation : les douaniers manquent, et les agents de la DGCCRF aussi. On pourra toujours dire qu'on peut faire plus, ce n'est pas vrai, il y a bien une limite - sauf au bla-bla, il faut bien le dire... On nous serine avec la mobilisation dans la guerre commerciale, mais comment allons-nous la faire sans agents publics ? Nous sommes tous pour rétablir des règles, mais ce qu'il faut voir, au-delà des belles déclarations main sur le coeur, c'est ce qu'on met en face : nous avons besoin d'une politique globale, d'une protection des frontières et d'agents pour des contrôles - ou bien si on laisse un maillon faible, on n'aura rien fait.
Autre sujet, la protection des consommateurs : on en a encore plus besoin qu'avant, mais on en diminue les moyens, on regarde ailleurs quand 60 millions de consommateurs annonce qu'il va fermer ses portes ; c'est le dernier organe indépendant, lié non pas à tel grand groupe industriel, mais à des scientifiques et des chercheurs, il n'est pas à l'équilibre, ce n'est pas une surprise d'être déficitaire dans ce type de presse - mais on arrête de le soutenir et on s'en frotte les mains, c'est un choix politique, de même que le fait de diminuer les fonds pour les associations de consommateurs. Quand on prétend protéger les consommateurs, il faut s'en donner les moyens ; le Gouvernement fait l'inverse - c'était déjà le cas l'an passé, il se disait déjà que 60 millions de consommateurs allait fermer, ce sera finalement le cas cette année...
Un mot sur la politique industrielle : on nous annonce des ouvertures d'usines, Choose France jongle avec les milliards d'euros d'annonces d'investissements - mais quand on y annonce 30 milliards, il faut savoir que 21 étaient déjà sur la table, c'est une technique éprouvée que de faire du neuf avec du vieux, mais il faut dire aussi que les 9 milliards restant, iront à un énorme data center, ce qui n'apportera quasiment aucun emploi, mais qui consommera beaucoup d'eau et d'énergie. Nous le voyons partout en Seine-Saint-Denis, tel projet de data center ici, tel autre là ; nous demandons s'il y aura des emplois - on nous répond que non, sauf peut-être un peu de gardiennage... à se demander si ce qu'on nous réserve, c'est de tous devenir des gardiens ! Il pleut des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) comme à Gravelines, alors avant de parler de réindustrialiser, commençons au moins par arrêter de désindustrialiser !
Enfin, un mot sur la presse écrite. Son modèle économique ne fonctionne plus, le secteur connaît une mutation et il vit seulement parce que nous avons intérêt à ce qu'une presse plurielle nourrisse le débat démocratique - nous avons besoin de lecture pour éclairer nos débats ; la démocratie c'est le vote libre et éclairé, nous avons besoin de lumière. Le secteur est en déficit et que propose ce projet de loi de finances ? De diminuer les aides publiques de 30 % et d'augmenter les tarifs postaux de 7 % : le secteur est en crise, on l'enfonce un peu plus ! Résultat : seuls les grands groupes, seuls les milliardaires pourront faire de la presse écrite ; ils en possèdent déjà 92 %, allons plus loin... Remarquez, même chez eux il y a du mouvement : il paraît que Bernard Arnault voudrait vendre Le Parisien - qui perd 34 millions cette année - à Vincent Bolloré : comme quoi, même la poche des milliardaires n'est pas infinie ! Soyons sérieux, tout ceci est lié à la démocratie, à ses conditions d'exercice...
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre - nonobstant la qualité du travail de nos rapporteurs...
M. Franck Montaugé. - L'état des lieux de l'industrie est particulièrement inquiétant quand on sait les enjeux d'emploi et de compétitivité auxquels font face les entreprises, grandes et petites. À vous entendre, nous avons l'impression d'un détricotage de politiques - dont nous, socialistes, avons été critiques, mais qui apportaient une forme de soutien aujourd'hui mis en cause.
Pourquoi ne propose-t-on pas un amendement de 13 millions d'euros pour les réseaux d'initiative publique ? Ce serait utile à nos territoires.
Ensuite, quel sera l'impact sur nos territoires des baisses de moyens des chambres de commerce et d'industrie, des pôles de compétitivité, des territoires d'industrie, voire de Bpifrance ? Soit ces dispositifs ne servaient à rien - ce que je ne peux admettre, car nous en mesurons tous l'utilité dans nos territoires -, soit il y aura des conséquences négatives. Avez-vous des éléments d'évaluation ? Je n'en ai guère, et c'est regrettable quand on parle de diminuer ou arrêter des pans entiers de politique publique.
La partie recettes du projet de loi de finances devrait aider les entreprises, petites et grandes, sur tous nos territoires - et le moins qu'on puisse dire, c'est que ne n'est pas du tout le cas, nous le regrettons.
Mme Martine Berthet. - Dans mon département, beaucoup d'industriels - des groupes japonais, allemands, américains - se désengagent petit à petit des investissements qu'ils devaient réaliser, ou envisagent de fermer ; faute d'accompagnement adapté, de clauses de sauvegarde dans les accords commerciaux, mais aussi de confiance dans la politique générale de notre pays, le contexte est de plus en plus négatif. Je ne suis donc guère étonnée que le solde d'emplois industriel redevienne négatif au deuxième semestre de cette année, c'est ce que nous ressentons sur nos territoires. Je m'inquiète de la baisse des compensations carbone qui permettait jusqu'à présent à nos industriels d'avoir un prix de l'énergie relativement compétitif : il faut être très vigilant sur ce point.
Il y a certes des avancées à l'échelon européen, par exemple hier même, le vote de l'accord pour la clause de sauvegarde sur le silicium et le manganèse, c'est utile et il faut continuer dans ce sens. Nous sommes à un tournant pour les politiques industrielles, nous n'avons plus comme principaux sujets la formation ou les compétences, comme je l'entendais hier au groupe d'études Industrie, mais des sujets bien plus graves et fondamentaux comme le prix de l'énergie et les compensations carbone, qui sont d'échelle européenne et pas seulement nationale.
M. Daniel Gremillet. - Les sujets de l'industrie dépassent le cadre de la loi de finances, mais elle est une occasion de les évoquer. Nous avons besoin d'un débat sur La Poste, parce que ses utilisateurs se découragent et parce que des décisions doivent être tranchées, ou bien la situation ne fera qu'empirer. Nous devons nous saisir de ce sujet, ses implications territoriales sont fortes ; nous avons tous notre part de responsabilité en recourant désormais beaucoup plus au courriel - sans prendre en compte d'ailleurs le bilan carbone de tout cela, mais c'est un autre sujet.
Les entreprises repoussent des investissements, et comment pourrait-il en être autrement quand il y a autant d'incertitudes en matière de financement public ? Pourquoi choisiraient-elles la France pour s'y implanter ou s'y développer ? On parle de réindustrialisation, mais nous ne parvenons même pas à stopper la désindustrialisation. Et ce PLF, en réalité, ne déploie aucune vision politique au service de l'investissement, nous le déplorons.
M. Vincent Louault. - Le PLF n'a effectivement pas pour ambition de résoudre tous les problèmes, mais il envoie des messages aux entreprises, en particulier aux industriels. Or, ce que nous voyons ici, ce sont des mesures très précises qui sont proposées sans aucune études d'impact, c'est de l'amateurisme. La taxe de 2 euros sur les petits colis est un message aux commerçants, mais tout à fait insuffisant ; des colis se déversent de Chine sans payer aucune taxe, et quand ils en paient, c'est bien moins qu'il ne faudrait parce que les Chinois déclarent des valeurs bien moindres, pour que le client ne paie pas de taxe - l'appareil photo à 5 000 euros est prétendument vendu à 149 euros pour rester sous la barre des 150 et de la taxation... en tout, on perdrait 10 milliards d'euros de TVA - mais l'afflux est tel qu'on ne peut pas le contrôler... Nous adoptons une règle nouvelle en disant que quand l'Europe aura pris la sienne, nous supprimerons la nôtre - mais nous sommes trop gentils, je proposerai d'y revenir par amendement. En fait, on attend toujours que l'Europe prenne des mesures et on ne fait rien dans l'intervalle. Regardez ce qui se passe pour la réforme du commerce : elle a été adoptée depuis des lustres, mais il n'y a toujours pas de système informatique unifié capable d'un véritable contrôle à l'échelle du continent. Résultat, c'est la fraude permanente alors que nous, l'État contrôle la moindre parcelle de nos fermes...
Attention, donc, aux mesures très précises que ce texte dissimule dans ses paragraphes compliqués, on ne les voit pas tout de suite, mais elles sont nombreuses et leur effet va se faire ressentir dans six mois - et c'est à ce moment-là que les industriels vont nous demander pourquoi nous les avons laissées passer... Pour dissimuler les 12 milliards d'euros de charges de service public, par exemple, le Gouvernement instaure une taxe prélevée à la source sur les carburants, ça évite une écriture dans le budget du ministère de l'environnement : c'est Ali Baba et les quarante voleurs ! Nous en serons réduits à constater une perte de recettes fiscales, sans aucun droit d'évoquer ces milliards destinés à la compensation pour charges de service public : c'est une atteinte inacceptable à notre droit de parlementaires. Ce texte fourmille de ces mesures qu'on ne voit pas si on ne l'examine pas dans son détail et dont l'exposé des motifs se garde bien de parler, lisse comme il est pour que les choses passent : je recommande à chacun une lecture serrée, imprimez le texte et regardez chacun de ces paragraphes, vous verrez ce dont je parle, et le décalage avec l'exposé des motifs !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Voilà qui est dit...
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - Nous déplorons tous la disparition de l'INC ; le Gouvernement avait envisagé un plan de rebond, il opte finalement pour la liquidation de l'activité. Les difficultés de l'INC sont anciennes et nous les avons soulignées à plusieurs reprises ces dernières années en préconisant des mesures qui n'ont pas été prises. Peut-on défendre indéfiniment le maintien d'une activité structurellement déficitaire ? C'est compliqué dans la situation budgétaire actuelle. Il reste quatorze associations agréées de défense des consommateurs, dont l'UFC-Que Choisir, qui fait un travail remarquable. Ces associations n'ont pas subi de baisse de crédits ces trois dernières années ; ces crédits sont stables, ce qui est un moindre mal.
Enfin, les effectifs et des moyens de la DGCCRF ne diminuent pas, c'est même l'une des seules parties de cette mission qui bénéficie d'une augmentation...
M. Fabien Gay. - Il y a 5 ETP de plus...
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - ...Voilà, ce n'est pas une baisse. Ce n'est pas suffisant, nous en sommes d'accord, mais on ne peut pas dire que les effectifs diminuent, c'est le cas aussi pour les crédits, en légère hausse.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis. - Oui, il y a des insuffisances, nous ne les avons pas toutes présentées. Nous parlons de La Poste depuis des années, déjà lors du Covid-19 nous avions fait un rapport sur les missions postales, les alertes n'ont pas manqué - nous devons remettre le sujet sur la table.
Quant au déploiement d'Orange à Mayotte, il est irrationnel ; la DGE nous dit que l'État n'a pas d'outil juridique pour s'y opposer - il y en a d'autres, il faut que le message passe.
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis. - Hier, lors du débat sur la dette publique, le ministre avait l'air optimiste et nous a dit que les ouvertures d'usines l'emportaient sur les fermetures, mais ce n'est pas ce que nous a dit la DGE, qui a souligné clairement la dégradation de la situation. L'an passé déjà, les moyens d'accompagnement reculaient alors que les suppressions d'emplois augmentaient, la même tendance se poursuit et la DGE n'a plus les moyens d'accompagner les entreprises qui ont du mal à passer un cap difficile, ou encore celles qui ont besoin de soutien pour leur décarbonation. Nous n'anticipons pas assez - et si nous continuons dans ce sens, la Chine, qui est déjà très en avance, emportera tout.
Ce qui manque, c'est sans doute aussi la confiance, une véritable politique à long terme, une vision et une méthode. L'éparpillement des crédits est un fait, mais c'est aussi une question de méthode, comme nous l'avons vécu tout au long de l'année. Le projet de loi sur l'industrie verte est venu télescoper d'autres projets. Nous l'avons vu également avec la loi sur l'énergie : nous ne savons pas où nous allons. Comment les entreprises et les territoires s'y retrouveraient-ils, si nous-mêmes travaillons à contretemps ? La politique industrielle n'est pas articulée aux territoires ; le programme « Territoires d'industrie » est laissé de côté, on ne sait pas s'il servira un jour à quelque chose - et ce projet de loi de finances n'apporte pas les solutions attendues.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement AFFECO.1, je vous propose d'augmenter de 52 millions d'euros, en AE et en CP, la dotation budgétaire versée à La Poste pour l'exercice de sa mission de service public de contribution à l'aménagement et au développement du territoire.
L'amendement AFFECO.1 est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la mission « Outre-mer ». - L'année 2025 a été éprouvante pour les territoires de l'océan Indien : nous nous rappelons tous les cyclones Chido et Dikeledi, à Mayotte, où une délégation de notre commission s'est rendue en mai dernier, ou le cyclone Garance, à La Réunion. Nous examinons donc ces crédits avec une attention singulière pour ces territoires. Ce budget s'élève à 2,9 milliards d'euros en AE et à 2,8 milliards d'euros en CP, soit des baisses respectives de 17,75 % et de 5,14 %, par rapport aux montants prévus dans la loi de finances initiale pour 2025, même si le passage à l'Assemblée nationale a déjà fait évoluer la maquette proposée.
La mission « Outre-mer » ne résume pas à elle seule les moyens consacrés par la Nation aux territoires ultramarins : l'enveloppe totale qui leur est allouée est estimée pour 2026 à 24,9 milliards d'euros d'AE et à 26,8 milliards d'euros de CP, si l'on ajoute les crédits visant les outre-mer et qui sont répartis dans 29 autres missions, ainsi que les dépenses fiscales spécifiques.
La mission « Outre-mer » est constituée de deux programmes : le programme 138, relatif à l'emploi outre-mer, et le programme 123, qui traite des conditions de vie outre-mer.
81 % des crédits du programme 138 sont mobilisés pour compenser les pertes liées pour la sécurité sociale au dispositif d'allègements de charges dit Lodéom, du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Les crédits inscrits à ce titre dans la mission « Outre-mer » correspondent ainsi à un transfert de l'État vers la sécurité sociale, mais le dispositif Lodéom d'exonération de charges patronales figure quant à lui dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Devant l'augmentation du coût pour l'État de ces exonérations, qui est passé de 1,1 milliard d'euros à 1,5 milliard d'euros entre 2019 et 2023, le Gouvernement avait prévu de revoir cette année le dispositif, en s'appuyant sur les recommandations d'un rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales rendu public en mai dernier. Cette réforme se serait traduite pour les entreprises ultramarines concernées par un effort de 340 millions d'euros, qui était disproportionné. Lors des débats relatifs au PLFSS à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a finalement renvoyé à l'année prochaine toute évolution du dispositif. Si je ne suis pas opposée par principe à une réforme, je souhaite qu'elle ne se traduise pas par une « smicardisation » des économies ultramarines et que l'objectif de lutte contre le travail informel soit préservé. Nous avons besoin d'une étude en profondeur, qui examine tous ces dispositifs en associant les parlementaires ; je plaide pour que le Sénat en prenne l'initiative.
Le programme 123, relatif aux conditions de vie outre-mer, présente un aspect contrasté : d'un côté, les autorisations d'engagement, à 1,08 milliard d'euros, sont en baisse de 20 % par rapport à la loi de finances pour 2025 ; de l'autre, les crédits de paiement, qui s'élèvent à 1 milliard d'euros, augmentent de 22 %. Les services du ministère des outre-mer expliquent ce décalage par la nécessité de contenir la hausse des engagements constatée ces dernières années pour mieux maîtriser les décaissements à venir.
Le programme 123 comprend en particulier l'action consacrée au logement. L'année 2026 devrait être marquée à cet égard par la mise en oeuvre du troisième plan Logement outre-mer (Plom), dont la logique territorialisée suscite beaucoup d'attentes de la part des acteurs concernés.
C'est dans ce même programme que sont inscrits certains des fonds mobilisés pour la reconstruction de Mayotte, soit 290 millions d'euros d'AE et 160 millions d'euros de CP, des sommes conformes à la trajectoire fixée dans le cadre de la loi du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte. Je serai particulièrement attentive, en 2026 et au cours des prochains exercices, au respect des engagements pris.
Au-delà des crédits budgétaires, dans le contexte actuel du nécessaire redressement de nos finances publiques, je voudrais mettre l'accent sur les autres leviers qu'il nous faut mobiliser. Il nous est possible de trouver des solutions sans augmenter les dépenses de l'État.
Je crois, d'abord, qu'il nous faut mener la bataille normative. Pour le secteur de la construction et du logement, j'attends beaucoup de la publication des textes réglementaires qui permettront au marquage des régions ultrapériphériques - le marquage RUP - de s'appliquer en lieu et place du marquage européen, le marquage CE. J'appelle le Gouvernement à prendre ces textes sans tarder.
Un autre sujet me tient à coeur, celui de la meilleure utilisation des fonds européens. Lorsque je l'ai entendu pour préparer ce rapport, le directeur général des outre-mer m'a indiqué être particulièrement préoccupé cette année par l'application de la règle du « dégagement d'office ». Les crédits européens, inscrits dans un cadre financier pluriannuel, sont en effet répartis en tranches annuelles, qui doivent être engagées à temps sous peine de leur annulation par l'Union européenne. La DGOM craint ainsi que, au 31 décembre 2025, un nombre important des fonds alloués, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros, soient définitivement perdus, au détriment des territoires ultramarins concernés. Cette situation n'est pas acceptable.
Je suis ainsi convaincue que nos outre-mer pourraient tirer un plus grand bénéfice des fonds européens. Notre délégation sénatoriale aux outre-mer va réfléchir dans les semaines qui viennent à ce sujet et j'espère bien que ses propositions ouvriront des pistes fécondes. À Mayotte, c'est le préfet qui est responsable de la répartition des fonds structurels européens, je suis donc surprise qu'ils ne soient pas davantage mobilisés - et il en est de même à Saint-Martin.
Voilà, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire cette année le budget de la mission « Outre-mer », dont les contours ont déjà bien évolué à la faveur de la discussion parlementaire. Malgré les réserves que j'ai exprimées, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Daniel Salmon. - Je partage vos réserves mais pas votre vote. Nous évoquons régulièrement les enjeux socio-économiques des outre-mer : le logement, l'habitat indigne, le chômage, la vie chère, le soin et l'éducation. Or, le budget de cette mission baisse cette année, c'est incompréhensible, surtout après les mesures que nous avons prises dans le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Le budget de l'Observatoire des marges et des revenus diminue, alors que nous avons besoin de plus d'indicateurs pour bien observer ces marges, nous l'avons tous demandé. Même chose pour les baisses de crédits pour l'Agence des mobilités outre-mer, alors que la mobilité est un enjeu massif dans ces territoires, qui représente une dépense contrainte de plus en plus importante. Et nous avons, encore, déploré les ravages outre-mer liés au réchauffement climatique ; ces dévastations vont se reproduire, mais cette mission budgétaire ne prévoit rien pour l'adaptation au changement climatique - alors que nous savons bien l'utilité des mesures de prévention, nous n'en prenons pas et nous ne retenons aucune leçon de ce qui se passe.
La seule politique que le Gouvernement continue, c'est celle de l'exonération de cotisations sociales, alors que l'Igas et l'IGF ont montré que ces exonérations ne produisaient pas les effets attendus : il y a là un vrai sujet de réforme, on ne peut pas perpétuer un système qui ne fonctionne pas, surtout quand nous recherchons à réduire la dette publique.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le budget de cette mission.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Attention à ce que l'on dit, il faut prendre en compte le manque de culture publique vis-à-vis des outre-mer : l'État dépense des sommes faramineuses outre-mer mais sans en examiner l'efficacité et tant que cette analyse ne sera pas faite, précisément et globalement, on entretiendra le flou et les décalages entre les mots et les réalités. On dit que les exonérations sociales sont coûteuses, peu efficaces ; mais pour faire des économies sociales, il faudrait peut-être commencer par donner accès aux ultramarins à des services médicaux près de chez eux, plutôt que de ne leur laisser pas d'autre choix que d'aller se soigner dans l'Hexagone. Les territoires ultramarins doivent être des territoires d'innovation, il faut évaluer les politiques publiques dans leur ensemble - j'ai demandé que la Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) se saisisse du sujet, parce que si l'Igas et l'IGF font un excellent travail, leur cadrage est parfois trop étroit, il faut voir large.
Vous évoquez le réchauffement climatique, les spécificités des outre-mer ne sont pas prises en compte : les politiques mises en oeuvre sont les mêmes, en outre-mer comme dans l'Hexagone. Il y a, là aussi, beaucoup à dire, par exemple sur le fonctionnement du Fonds vert par appels à projets : si des départements comme La Réunion sont équipés pour répondre à une telle procédure, d'autres territoires ne le sont pas et s'en trouvent désavantagés, je pense en particulier à Mayotte.
Sur la défiscalisation, je pense demander une mission à Jean-François Husson, il y a un vrai sujet - mais il y en a bien d'autres, par exemple le recyclage, j'avais un amendement l'an passé, il a été repoussé et j'y reviendrai ; il y a aussi tout ce qu'on doit faire contre la vie chère, il est aberrant qu'un citron vendu 50 centimes le kilo au Brésil revienne à 5 euros le kilo à Cayenne une fois passé... par Rungis, nous travaillons sur ces sujets dans la délégation sénatoriale aux outre-mer, pour développer nos filières d'excellence en outre-mer, pour montrer que nos territoires peuvent aussi innover, j'espère que notre commission et le Sénat tout entier nous soutiendront.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
Désignation d'un rapporteur
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il nous revient de désigner un rapporteur sur la proposition de loi n° 107, présentée par Guillaume Gontard et plusieurs de ses collègues, visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposées aux pesticides de synthèse. Cette proposition de loi sera examinée par notre commission le mercredi 10 décembre, puis en séance le jeudi 18 décembre, à la fin de nos travaux parlementaires avant la suspension.
Je vous propose, pour rapporter cette proposition de loi, la candidature de Pierre Cuypers.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 11 h 30.
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Audition de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous sommes très heureux d'accueillir la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard. À titre personnel, je me réjouis qu'elle ait été reconduite dans cette fonction. Le monde agricole, qui attendait de la stabilité et de la visibilité, et qui a vu le courage avec lequel la ministre a porté un certain nombre de sujets, souhaitait également qu'elle puisse continuer à exercer ses responsabilités.
D'année en année, l'équation agricole semble de plus en plus compliquée du fait de la multiplication des crises sanitaires en élevage. Après la fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE), une nouvelle venue, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), met à risque toute l'économie de notre filière bovine et provoque des situations humaines extrêmement difficiles. C'est la raison pour laquelle notre commission a lancé une mission flash transpartisane sur ce sujet, menée par notre collègue de Savoie Martine Berthet - avec nos collègues Annick Jaquemet, Christian Redon-Sarrazy et Gérard Lahellec.
La situation est également complexe pour les grandes cultures, qui alternent entre chute des rendements en 2024 et chute des prix en 2025, si bien que la pérennité de certaines exploitations est désormais mise à risque.
Enfin, comment ne pas évoquer la triple crise de la viticulture française, pour reprendre le constat dressé par nos collègues Daniel Laurent, Henri Cabanel et Sébastien Pla dans un récent rapport qui connu un fort retentissement ? La filière a plus que jamais besoin d'unité en son sein et d'un soutien exigeant des pouvoirs publics. ? Madame la ministre, nos trois collègues vous présenteront leur rapport la semaine prochaine.
Cette équation agricole pourrait aussi se résumer à un chiffre : 123 millions d'euros. Il s'agit du déficit de la balance commerciale française agroalimentaire en septembre 2025, témoignant de la poursuite de la dynamique baissière de la puissance agricole française, si bien documentée par notre commission en 2018 puis en 2022.
J'en viens plus précisément aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR). Le PLF pour 2026 prévoit une baisse de 11,59 % des crédits en autorisations d'engagement (AE) et de 4,98 % en crédits de paiement (CP). Il faut cependant noter un respect global des engagements de l'État vis-à-vis du monde agricole, qui se matérialise, en première partie du PLF, par la prolongation de dispositifs fiscaux indispensables pour nos agriculteurs. ; Ces dispositifs ont été complétés par nos collègues députés : quelle est votre position sur leurs ajouts ?
L'engagement du Gouvernement pour notre agriculture se matérialise aussi, en seconde partie, par la poursuite du financement de certaines orientations fondamentales, par exemple le Plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, dit « Parsada », indispensable pour anticiper les nombreux retraits de molécules qui sont devant nous.
Je m'interroge cependant, à l'instar d'autres acteurs de l'écosystème agricole, sur la répartition de l'effort demandé à l'agriculture. S'il est nécessaire pour l'agriculture de prendre sa juste part à l'effort national en faveur du redressement de nos comptes publics, je me demande pourquoi l'essentiel de la ponction porte sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », alors que les moyens dédiés au ministère ou encore à l'enseignement technique agricole augmentent.
Un dernier mot concernant la forêt, qui intéresse bon nombre de nos collègues. Ce sujet stratégique a été placé dans le giron du ministère de la transition écologique en janvier dernier ; nous nous en étions émus. Je suis donc fort déçue de voir que l'appel des parlementaires, à l'initiative de notre collègue Anne-Catherine Loisier, n'a pas été entendu car, au vu des décrets d'attribution, vous n'êtes qu'associée à la politique de gestion durable des forêts et de la filière bois. On peut se demander en quoi consiste cette compétence.
Madame la Ministre, je vous cède sans plus tarder la parole pour répondre à ces premières questions et présenter votre budget, puis ce sera au tour de mes collègues de vous poser les leurs, à commencer par Laurent Duplomb, Franck Menonville et Jean-Claude Tissot, qui sont les corapporteurs pour avis de notre commission pour les crédits de la mission « Agriculture ».
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire. - Merci pour vos mots aimables, je suis très heureuse de continuer cette belle fonction de ministre de l'agriculture, passionnante et particulièrement exigeante face aux crises qui surviennent et au défi écologique.
Un mot sur mes attributions : je n'ai pas retrouvé la forêt. Cette compétence, qui faisait historiquement partie du ministère de l'Agriculture, a été dévolue au ministère de la Transition écologique sous le Gouvernement de François Bayrou. La situation n'a pas changé sous ce Gouvernement. Je le regrette, mais je m'incline, c'est la décision de notre Premier ministre et je ne la contesterai pas. Néanmoins, l'agroalimentaire est entrée dans mon giron, c'est très important puisque l'agroalimentaire et l'agriculture vont de pair - car là où vous avez de la production, mais pas de transformation, la production initiale s'en trouve nécessairement affaiblie.
Alors que notre agriculture traverse une période agitée et se trouve à l'orée d'échéances européennes majeures, votre invitation en amont de l'examen du budget agricole nous donne l'occasion d'un échange franc et utile. Depuis un peu plus d'un an, à la tête du ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et désormais de l'agroalimentaire, j'ai orienté toute mon action vers un objectif unique : reconquérir les pans perdus de notre souveraineté alimentaire.
Vous avez raison de souligner que les résultats du commerce extérieur sont alarmants : l'agriculture était encore il y a quelques années un fleuron de notre économie, le troisième contributeur à la balance commerciale - elle a perdu en quelques années 10 milliards d'euros de performance. C'est une alerte à un niveau maximal : la France, première puissance agricole de l'Union européenne (UE), s'affaiblit très gravement, ce chiffre en est le témoin.
L'objectif de reconquête de la souveraineté alimentaire, qui va de pair avec celui de renforcer notre puissance exportatrice, a inspiré ce projet de loi de finances pour 2026. Nous l'avons bâti pour soutenir nos filières, affronter les crises sanitaires, répondre aux aléas climatiques et engager une transition environnementale ordonnée. Cet objectif a aussi structuré la refonte de notre cadre sanitaire et soutenu la réhabilitation de l'acte de produire, avec 500 millions d'euros d'allègements de charges et à une simplification administrative visant à redonner de l'air aux agriculteurs. Cet engagement a trouvé son horizon dans la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (LOA), qui amorce le renouvellement des générations et renforce l'enseignement agricole. Je salue votre mobilisation exemplaire, en particulier celle de MM. Duplomb, Menonville et Cuypers, qui ont été les artisans de ce travail de reconquête. Les filières les plus fragiles mesurent l'ampleur de votre engagement pour lever les entraves qui pèsent sur le quotidien des agriculteurs.
Cette ambition seule ne suffit toutefois pas à dissiper les défis qui demeurent, et notamment au niveau sanitaire. L'apparition de la DNC a exigé, conformément au cadre européen, des mesures douloureuses mais objectivement efficaces. En moins de quatre mois, les zones touchées cet été sont sorties du périmètre réglementé, ce qui est un record. Je me réjouis de la mission confiée à Mmes Berthet et Jacquemet et MM. Redon-Sarrazy et Lahellec. Éclairé par les travaux de votre mission, le retour d'expérience sur cette crise sera crucial pour consolider notre stratégie sanitaire. D'autres menaces persistent : l'influenza aviaire, le nématode du pin et des difficultés pour les filières végétales en impasse de production, comme la noisette, confrontée à la punaise diabolique et au balanin - l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a d'ailleurs confirmé cette notion d'impasse sanitaire pour plusieurs filières.
S'ajoutent les défis économiques. Certaines filières, comme la viticulture, font face à des surproductions structurelles. J'ai bien reçu le rapport de MM. Laurent, Pla et Cabanel, dont le diagnostic éclaire les réponses durables à construire. Pour sortir nos viticulteurs de l'étau économique où ils se trouvent, nous travaillons déjà étroitement avec les filières. D'autres secteurs, comme le blé, subissent un effet ciseaux sévère entre la hausse des coûts, qui pourrait s'accentuer avec le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), et la baisse des prix, réduisant implacablement les marges, au point de menacer la pérennité même des filières.
S'ajoutent des défis géopolitiques. Les protectionnismes américain et chinois pénalisent fortement les vins, les spiritueux, le porc et le lait. La guerre en Ukraine entraine une hausse du coût des intrants qui pénalise l'ensemble du secteur. Ces éléments expliquent en partie, mais en partie seulement, le déficit commercial que nous pourrions connaître pour la première fois depuis cinquante ans.
Il y a, enfin, des défis climatiques, avec des pertes de récolte récurrentes et la nécessité de repenser notre stratégie de souveraineté à l'aune d'une carte de production adaptée. Nous ouvrirons ce chantier dès le 8 décembre, lors du lancement des conférences de la souveraineté alimentaire. Ces réalités nationales croisent deux échéances européennes déterminantes : la réforme de la PAC, dont la première version proposée est inadmissible en l'absence d'une politique financée à la hauteur des enjeux ; et le projet d'accord de l'UE avec le Mercosur. Vous connaissez ma position : sans clause de sauvegarde robuste, sans mesure miroir effective, sans contrôle réel, cet accord demeure inacceptable. Le Président de la République et le Gouvernement l'ont rappelé. Je me félicite de cette clarté, mais le combat reste entier et j'aurai besoin de vous.
C'est dans ce contexte difficile que vous examinerez prochainement le projet de loi de finances pour 2026. Il s'agit d'un budget responsable, structuré autour d'une ambition claire : consolider la compétitivité de la « ferme France », l'armer face aux aléas climatiques et géopolitiques, et préparer la relève agricole dans un cadre budgétaire contraint mais assumé. Il dote le ministère de 6,1 milliards d'euros en AE et en CP, auxquels s'ajoutent la fiscalité affectée et le compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar), pour un total d'environ 6,8 milliards d'euros de concours nationaux.
En incluant les crédits européens de la PAC et les dispositifs sociaux et fiscaux qui concernent les agriculteurs, ce sont plus de 25 milliards d'euros qui, l'an prochain, irrigueront l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Le budget progresse ainsi de 165 millions d'euros en CP et de 33 millions d'euros en AE par rapport à 2023, exercice de référence hors investissement exceptionnel et temporaire de la planification écologique sur 2024 et 2025.
Ce budget d'investissement et de continuité est organisé autour de trois priorités. La première est la compétitivité. Pour armer nos producteurs face à la compétition mondiale, nous maintenons des dispositifs essentiels : l'exonération des cotisations patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE), financée à hauteur de 600 millions d'euros, le tarif réduit sur le gazole non routier (GNR) pour 1,1 milliard d'euros et des dispositifs fiscaux structurants tels que la déduction pour épargne de précaution, l'exonération des indemnités d'abattage, la provision pour variation de stock des éleveurs laitiers, le pacte Dutreil agricole et le crédit d'impôt bio - du reste, les moyens dédiés au bio ne baissent pas. Cette ambition de soutien de la compétitivité des exploitations concerne tous les territoires. C'est pourquoi les aides ultramarines à la filière sucrière demeurent stables, à 143 millions d'euros, malgré le contexte budgétaire tendu. Notre objectif est simple : préserver la compétitivité française face à une concurrence trop souvent déloyale.
La deuxième priorité de ce budget est la résilience face au changement climatique et sanitaire. Ces aléas autrefois exceptionnels sont devenus structurels. C'est pourquoi le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), aux côtés des fonds européens dédiés, continuera de soutenir l'assurance récolte pour un montant total de 600 millions d'euros. J'insiste sur ces montants, car on ne mesure pas toujours leur ampleur. Par exemple, les allègements fiscaux représentent un demi-milliard d'euros.
La planification écologique se poursuivra, notamment via la recherche d'alternatives aux substances phytosanitaires retirées avec le Parsada, comme vous l'avez rappelé Madame la Présidente, et l'appel à manifestation d'intérêt « Prise de risque amont aval et massification de pratiques visant à réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques sur les exploitations agricoles » dit « Praam ». J'ai obtenu de mobiliser le « bas de laine » du Casdar car il était incompréhensible que l'argent des agriculteurs dorme. Nous finançons également l'adaptation climatique avec un fonds hydraulique agricole doté de 20 millions d'euros en 2026. C'était ma ligne rouge : sans eau, pas d'agriculture. C'est un fonds d'amorçage, il faudra aller bien au-delà avec l'aide européenne et celle des régions.
Nous poursuivons aussi la refondation de notre cadre sanitaire dans une logique « une seule santé » - ou « One Health » -, avec 40 millions d'euros consacrés aux Assises du sanitaire.
Troisième priorité : la transmission et la formation, les deux jambes du renouvellement des générations. Le budget prévoit des moyens nouveaux pour l'enseignement technique et supérieur agricole, dont 40 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, nous en avions perdu l'an passé. Ces emplois aideront à déployer la loi d'orientation agricole, à ouvrir le bachelor agro et à accompagner la relève. J'ajoute la modernisation du lycée de Mayotte pour 17 millions d'euros, étape essentielle pour garantir l'égalité d'accès à la formation en outre-mer.
Enfin, je présenterai un plan en faveur des femmes en agriculture. Une première mesure, adoptée à l'Assemblée nationale et dont je souhaite le maintien, consacre la dégressivité des cotisations lorsque la conjointe devient cheffe d'exploitation après avoir quitté son statut de conjoint collaborateur.
Voilà les grandes lignes d'un budget pensé pour durer, répondre aux défis et soutenir nos filières. Je veux mentionner un dernier chantier : celui des lois Égalim, dont l'objectif est de redonner de la valeur à la production agricole en construisant le prix en marche avant et en sanctuarisant la matière première agricole dans les négociations commerciales.
Nous sommes le seul pays à avoir des relations commerciales aussi violentes, ce n'est pas normal ni acceptable. Je l'ai dit aux acteurs de la négociation commerciale, j'espère que nous pourrons revenir à des comportements décents. Je salue l'engagement constant de Mme Loisier et de M. Gremillet ; je partage largement les conclusions de leur rapport de l'an dernier - et si la configuration parlementaire complique la tâche, comme l'ont illustré les débats de mars sur la loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire - dite loi SRP -, je forme le voeu que nous avancions sereinement. Tant que l'affectation des 10 % promis en 2018 ne sera pas garantie, le pacte de confiance restera fragile.
Si l'attention médiatique se porte aujourd'hui sur l'Assemblée nationale, je sais combien vos travaux orienteront le contenu final des textes. Votre connaissance profonde des territoires, de la ruralité et de l'agriculture sera déterminante. Je serai attentive à ce que vos propositions sur le budget deviennent force de loi dès lors qu'elles respectent notre cadre budgétaire - car nous sommes bien en face de défis communs.
M. Laurent Duplomb. - Je vous félicite, Madame la ministre, pour votre action au sein du ministère de l'agriculture. Nous allons vous aider dans ce budget, même si notre analyse est différente de la vôtre sur son évolution puisque nous ne prenons pas les mêmes années de référence - ce que nous voyons, c'est qu'il passe de 4,2 milliards d'euros à 4 milliards d'euros par rapport à l'année dernière, soit une diminution de 200 millions d'euros en crédits de paiement. Nous acceptons de travailler dans cette enveloppe, mais nous ne nous satisfaisons cependant pas de l'augmentation de ce que j'appelle les « frais administratifs » de cette mission : ils augmentent de 117 millions d'euros, ce n'est pas raisonnable ; si nous acceptons, sur ce montant, de vous accorder 40 millions d'euros qui concernent les refus d'apurement communautaires liés à des pénalités appliquées par la Commission européenne, nous proposerons de reventiler les 77 autres millions de cette enveloppe que votre budget accorde à ces frais administratifs. Je vous présenterai nos propositions détaillées en séance publique. En 1980, la France comptait environ 16 000 fonctionnaires qui se consacraient à l'agriculture pour 1,2 million d'agriculteurs. En 2025, nous en sommes à 400 000 agriculteurs... et 32 000 fonctionnaires : nous ne pouvons pas continuer comme cela, il faut aider l'agriculture, plutôt que ceux qui font que l'agriculture est parfois difficile à vivre...
En 2018 déjà, avec le groupe d'études « Agriculture, élevage et alimentation », j'alertais sur le risque d'un déficit de la balance commerciale agricole, que je redoutais... pour 2025. La cause en est très simple : c'est la perte de notre compétitivité. La loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur ne changera pas les choses, tant que perdureront les différences flagrantes entre l'application des règles européennes et françaises.
Et un sujet risque fort de nous enfoncer davantage : l'accord de libre-échange de l'Union européenne avec les pays du Mercosur. Ma question est simple : quelle est la voix de la France ? Nous avons la fâcheuse impression qu'elle change chaque jour, au gré d'une communication présidentielle tous azimuts. Jugez plutôt : le 28 juin 2019, M. Emmanuel Macron déclarait : « Je considère que cet accord, à ce stade, est bon. » ; deux mois plus tard, volte-face, alors que les termes de l'accord n'ont guère changé : M. Macron lance une véritable fronde contre l'accord, utilisant un vocable technocratique qui n'a pas changé pendant cinq ans - et, au Salon de l'agriculture en 2020, il dit très clairement que l'accord est inacceptable, posant même trois conditions pour qu'il le devienne : le respect des engagements climatiques de l'Accord de Paris, l'engagement de ne pas aggraver la déforestation dans les pays du Mercosur et le respect de nos normes sanitaires et environnementales pour les denrées alimentaires qui en proviendraient. Aujourd'hui, aucune de ces trois conditions n'est remplie, le président argentin multiplie les déclarations contre l'Accord de Paris, la déforestation importée ne figure pas dans les accords avec l'Europe, pas plus que le respect de nos normes environnementales - et la semaine dernière, 40 tonnes de boeuf brésilien traité avec des médicaments interdits en Europe ont été arrêtées à la frontière européenne, non pas par nos propres contrôles, mais parce que les autorités brésiliennes ont fait elles-mêmes un signalement. Nous dépendons des fautifs pour connaître la réalité de ce que nous mangeons et qui ne respecte pas nos normes sanitaires. Or, le 23 octobre dernier, nouveau revirement : M. Emmanuel Macron, devant les journalistes du monde entier à Bruxelles, déclare que tout va dans le bon sens au sujet de l'accord avec le Mercosur. Mais c'était ignorer la capacité de volte-face de ce président qui m'évoque la chauve-souris de la fable de La Fontaine, qui dit qu'elle est oiseau parce qu'elle a des ailes, mais qui reste chauve-souris. Et voici que mercredi dernier à Toulouse, devant 250 agriculteurs, ce président chauve-souris nous dit que l'accord ne saurait être signé en l'état. Madame la ministre, quelle est donc la voix de la France ?
On nous rabâche les oreilles avec la clause de sauvegarde, mais personne ne nous parle du mécanisme de rééquilibrage, introduit pour la première fois dans un accord de ce type. Ce mécanisme obligera les pays qui voudront déclencher une clause de sauvegarde - pour éviter que des produits importés ne perturbent leur économie - à verser des indemnités importantes aux pays signataires. En clair, le jour où vous mettrez une clause de sauvegarde pour éviter que les agriculteurs français ne disparaissent, c'est le contribuable français qui paiera les Brésiliens ! Et je signale que M. Pascal Canfin, un écolo rabiboché au macronisme, est prêt à porter devant les tribunaux une attaque en règle contre le mécanisme de rééquilibrage...
En réalité, tant que nous n'aurons pas une capacité de contrôle sur place des méthodes d'élevage et d'utilisation des produits, les clauses miroirs ne seront que des clauses de miroir aux alouettes. Or, il y avait encore un espoir : la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne par 145 eurodéputés - hélas, la Conférence des présidents du Parlement européen a jugé cette demande irrecevable, pour des raisons de forme...
Nous avons donc un président chauve-souris qui dit « blanc » à Paris et « noir » à Bruxelles : la version du « en même temps » du macronisme finissant... Dans ces conditions, les tergiversations présidentielles empêchent un discours clair d'une ministre de l'agriculture qui, par son courage, pourrait s'opposer à cet accord. Comment comptez-vous le suivre puisque, à chaque fois que vous faites un pas derrière lui, il est capable de faire trois pas en marche arrière ? Il est impossible de suivre un tel président - et les Allemands, eux, ont un boulevard pour imposer ce qu'ils veulent depuis le début : une signature la plus rapide possible avec le Mercosur pour favoriser leur activité.
Madame la ministre, comment faites-vous pour, d'un côté, respecter la parole de la France qui change tous les quatre matins et, de l'autre, avoir un message clair vis-à-vis des agriculteurs ?
M. Franck Menonville. - Comme notre présidente, je me réjouis de vous revoir au ministère de l'agriculture, car dans ces temps difficiles et tourmentés, nous avons besoin de stabilité - j'espère que nous pourrons faire un travail utile, même dans ce cadre budgétaire contraint de 4 milliards d'euros. Comme notre présidente également, je déplore le fait que la compétence forêt vous ait été retirée ; nous avons été nombreux à nous associer au courrier d'Anne-Catherine Loisier : il faut maintenir la pression. Les enjeux économiques et sanitaires auxquels la forêt est confrontée nécessitent un partage de compétences clair et logique.
Permettez-moi de revenir sur la loi d'orientation agricole et plus particulièrement sur son volet lié à l'installation. Ma première question est d'ordre général : où en sommes-nous ? Ma deuxième question porte sur les aides de passage de relais, un dispositif d'origine sénatoriale et auquel nous tenons beaucoup : quand deviendra-t-il effectif et quelles en seront les modalités ? C'est un levier d'installation et de renouvellement des générations à ne pas négliger.
Ensuite, je m'interroge sur les moyens accordés aux chambres d'agriculture pour mettre en place le réseau France Services Agriculture qui vous est cher. En effet, le programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission (AITA) ne pourra pas supporter l'ensemble des coûts de mise en place. Les chambres d'agriculture demandent, à juste titre, une indexation sur l'inflation du plafond de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB), soit une hausse de 1,1 %. Cette taxe représente plus du tiers de leurs ressources : quels seront les crédits affectés à l'AITA, et quelle est votre position sur l'indexation ?
Enfin, le Gouvernement veut augmenter la fiscalité sur les biocarburants au risque de les fragiliser, alors que cette filière est devenue indispensable aux revenus de l'agriculture, à notre souveraineté agricole et énergétique et qu'elle concourt à la décarbonation. L'Assemblée nationale a rejeté ces hausses ; quelle est votre position ?
Je voudrais également vous entendre sur les effets désastreux du MACF sur notre agriculture. Nous devons travailler à une filière souveraine européenne, il faut du temps et des moyens. Or, le MACF provoquerait un surcoût compris entre 40 et 70 euros la tonne d'engrais que les filières agricoles seraient dans l'impossibilité d'absorber, alors même que nombre d'exploitations agricoles françaises, en particulier céréalières, sont déjà en difficulté. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Claude Tissot. - Ce budget agricole multiple les coupes budgétaires, au point de faire diminuer de 500 millions d'euros les autorisations d'engagement, c'est 11,5 % de moins que l'an passé - et, en deux ans, le recul atteint 1,4 milliard d'euros, soit 27 %. C'est inédit, stratosphérique même : pas la peine de chercher à l'atténuer en jonglant entre les exercices de référence.
Parmi les nombreuses coupes, deux abandons principaux. Le premier est la planification écologique ; à sa création en 2023, l'action 29 était dotée d'un milliard d'euros ; pour 2026, vous proposez 118 millions d'euros - en deux ans, elle aura baissé de 88 % ! Une enveloppe à ce format est dérisoire face aux enjeux, c'est ahurissant.
Le deuxième abandon est la stratégie de lutte contre les pesticides : l'action relative à la « stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » est passée en deux ans de 250 millions d'euros à 25 millions d'euros, soit une baisse de 90 %, c'est inacceptable.
Voilà pour le constat : votre budget manque cruellement d'ambition à moyen et long terme. Quelques questions, cependant. Quelle est votre position sur le crédit d'impôt bio ? Je me réjouis qu'il ait été augmenté et allongé dans le temps lors des débats à l'Assemblée nationale. Comment comptez-vous accompagner la filière biologique ? L'année dernière, vous aviez émis un avis de sagesse sur l'amendement de Laurent Duplomb qui proposait de supprimer les crédits au fonctionnement de l'Agence bio : êtes-vous encore sur cette ligne ?
Où en sont, ensuite, les Assises du sanitaire animal ? Ce projet de budget anticipe-t-il des mesures que ces Assises pourraient proposer ? Nous avons posé ces questions lors de nos différentes auditions budgétaires, sans obtenir de réponses claires.
Comment se prépare l'expérimentation France Services Agriculture, qui doit débuter au début de l'année prochaine - sur quelle ligne budgétaire sera-t-elle financée ?
Enfin, vous aurez tout notre soutien contre l'accord entre l'UE et le Mercosur. Les socialistes y ont toujours été opposés - et je souscris, une fois n'est pas coutume, aux propos de mon collègue Laurent Duplomb, même si je n'ai pas son talent de théâtralité, je suis plutôt dans la sincérité...
Enfin, je tiens à saluer la manière dont vous avez géré la crise sanitaire de la DNC depuis cet été. Vous nous avez appelés les uns après les autres - les rapporteurs, tout au moins - et je voulais vous en féliciter publiquement : il est très agréable que vous nous consultiez ou nous informiez directement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Merci de dire que vous respectez l'épure de 4 milliards d'euros, c'est effectivement dans ce cadre budgétaire que nous pouvons travailler. Les « frais administratifs » de l'agriculture seraient trop importants ? Les 40 millions d'euros pour les pénalités européennes sont incompressibles, vous l'avez dit ; quant aux autres 77 millions, je dois vous dire qu'une erreur technique s'est produite l'an dernier à l'Assemblée nationale : des amendements du programme 149, adoptés, ont été gagés sur la mauvaise ligne budgétaire, le programme 215. L'augmentation de cette année résulte donc de cette erreur que nous avons dû corriger. Enfin, les 40 ETP que nous prévoyons sont indispensables puisqu'ils visent à répondre à la hausse des effectifs dans les établissements agricoles.
Sur la perte de compétitivité, plusieurs éléments sont à considérer. Nous importons plus et nous exportons moins, notamment moins de produits laitiers, de vins et de spiritueux, en raison des barrières douanières. Tout cela explique objectivement notre perte de compétitivité. Mais il y a des raisons plus structurelles, je vous en donne acte, et il faudra s'attaquer au sujet.
Il est important que nous parlions de l'accord entre l'UE et le Mercosur. Il y a un an, Ursula von der Leyen a signé un projet d'accord avec les pays du Mercosur, que je qualifierais de contestable sur la forme et sur le fond. Sur la forme, le Gouvernement français était alors en position de fragilité, en affaires courantes, après la motion de censure. Sur le fond, cet accord n'est pas acceptable par son ampleur même : c'est l'accord de libre-échange le plus important jamais conclu, les volumes sont considérables pour le boeuf, la volaille, le sucre et l'éthanol - l'accord aurait par exemple pour conséquence de faire rentrer sur le sol européen l'équivalent de 12 % de la production européenne d'éthanol, c'est considérable et donc inacceptable. Je ne commenterai pas les expressions successives du Président de la République ; ce n'est pas mon rôle. Je retiens ces mots qu'il a prononcés la semaine dernière à Toulouse, devant les agriculteurs : « Ce projet d'accord est inacceptable tel qu'il a été signé » par Ursula von der Leyen.
Au début de l'année 2025, le Président de la République m'a demandé de voir s'il était possible de réunir une minorité de blocage. Nous nous y efforçons avec Laurent Saint-Martin et Benjamin Haddad en parcourant les capitales européennes ; pour s'opposer à l'accord du Mercosur, il faut réunir au moins quatre pays représentant 35 % de la population européenne. À ce jour, nous avons avec nous la Pologne, la Hongrie, l'Autriche, possiblement la Roumanie, la Belgique et peut-être l'Irlande, mais très probablement pas l'Italie, qui est un pays clé. Il faut donc obtenir des votes contre ou des abstentions, une abstention équivalant à un vote contre. Cette semaine, la défection des Pays-Bas, un pays représentant 3,8 % de la population européenne, est cruelle. En revanche, la Roumanie, qui représente 4,4 % de la population, pourrait nous rejoindre, sa secrétaire d'État à l'agriculture m'assure que son pays suit la France, mais dans ce concert des nations, il faut toujours se méfier : les engagements d'un jour ne sont pas toujours ceux du lendemain.
Partons du constat qu'il est possible, voire probable, qu'une majorité de pays valide l'accord. Que faire ? Il faut essayer d'en limiter les effets négatifs. S'il est adopté malgré la France, nous devrons en corriger les effets, qui sont de trois ordres.
D'abord, les perturbations de marché - la parade est dans la clause de sauvegarde, qui doit être robuste et activable. Nous avons posé des questions dans ce sens à la Commission, mais nous n'avons pas encore toutes les réponses.
Le deuxième point, auquel les agriculteurs sont le plus attentifs, est la question des mesures miroirs. Celles qui sont présentes dans l'accord ne suffisent pas. Pour le végétal, il faut les faire porter sur les produits phytosanitaires interdits depuis longtemps dans l'Union européenne et toujours autorisés dans certains pays tiers. Elles doivent aussi concerner les produits médicamenteux administrés aux animaux sur le vif et dans l'alimentation, en particulier les antimicrobiens et les hormones de croissance, qui sont désormais interdits chez nous.
Vous avez raison de rappeler l'épisode des 40 tonnes de viande de boeuf brésilien ; j'ai posé exactement la même question : que se serait-il passé si les Brésiliens n'avaient pas signalé cet arrivage ? Ils nous l'ont peut-être dit en gage de bonne foi et ils prétendent que cet arrivage était une erreur ; dont acte. Il y a quelques semaines, nous avons par nous-mêmes détecté aux frontières et retenu de la volaille brésilienne impropre à la consommation car atteinte par l'influenza aviaire, il faut donc faire attention en toutes circonstances. La question des mesures miroirs est essentielle. Il y a quelques mois, j'ai porté au nom de la France une demande de limite maximale de résidus (LMR) à zéro, c'est-à-dire à la limite de détection. Cette mesure d'ordre général s'appliquerait à tous les accords de libre-échange et à toutes les importations. Le commissaire à la santé, Oliver Varhelyi, m'a dit qu'il proposerait cette mesure dans l'omnibus présenté avant la fin de l'année ; si nous l'obtenons, ce sera une avancée considérable. Cela touchera le flux, mais non le stock, que nous apurons progressivement. Je comprends donc les agriculteurs, qui ne peuvent accepter que l'on tolère des substances interdites sur notre territoire, créant une concurrence déloyale insupportable.
Enfin, il faut des contrôles dans les pays d'émission et aux frontières de l'Europe, en particulier dans les ports de Rotterdam et d'Anvers, par où transite la quasi-totalité des productions et où les contrôles sont très faibles. Je réfléchis à convertir une partie des forces douanières mobilisées pour le Brexit et qui ne sont plus nécessaires, comme le fait déjà la Belgique.
M. Jean-Claude Tissot. - Ils sont peu nombreux !
Mme Annie Genevard, ministre. - Peut-être, mais ils sont à ma main.
Voilà où nous en sommes. Le Président de la République a dit clairement que, faute d'avoir des assurances dans ces trois domaines, l'accord UE-Mercosur ne pourrait pas recevoir notre aval. À ce jour, la décision n'est pas prise parce qu'elle n'est pas complètement éclairée. On ne s'intéresse pas suffisamment au cumul des concessions ; sur le poulet, par exemple, on a fait des concessions avec l'Ukraine, il en arrive avec le Mercosur et bien d'autres pays - et en tout, un poulet sur deux que nous consommons, n'a pas été produit en France. Il faut donc produire davantage de poulet chez nous, y compris d'entrée et de coeur de gamme. Nous savons faire de l'entrée de gamme de qualité en France ; on a voulu monter en gamme, c'est très bien, mais tout le monde ne peut pas acheter un poulet de Bresse, qui est un produit d'exception.
Vous évoquez la planification écologique, c'est un sujet d'importance. Pourquoi est-ce que je prends 2023 comme année de référence ? En 2024, mon prédécesseur a disposé d'autorisations d'engagement d'1,2 milliard d'euros sur le volet agriculture et forêt - il faut comparer ce qui est comparable - et de 745 millions d'euros de crédits de paiement. Durant l'année 2024, seuls 401 millions d'euros de CP ont été effectivement versés : il y avait eu un engagement politique puissant sur la planification écologique, mais il n'avait pas été bien calibré dans son affectation. En 2025, compte tenu de la faible utilisation de ces crédits, la loi de finances initiale prévoit 297 millions d'euros d'AE et 193 millions d'euros de CP pour la partie agricole de la planification écologique, soit 60 % de moins que l'an passé. Cela résulte bien sûr des économies que l'on fait pour diminuer la charge de la dette, c'est nécessaire quand elle devient le premier poste du budget de l'État, mais il faut prendre aussi en compte les rabots successifs : en réalité, j'ai disposé de 90 millions d'euros de CP en 2025, et je maintiens la même somme pour l'an prochain, c'est la réalité budgétaire. J'ai aussi préservé 50 millions d'euros du Parsada, car il est fondamental de se préparer au retrait des substances. En fait, les années 2024 et 2025, avant les rabots, étaient atypiques sur le plan budgétaire. Il y a eu l'intention louable de créer un effet d'entraînement avec plus d'un milliard d'euros d'AE, mais seulement 400 millions d'euros de CP, puis il y a eu les rabots. Nous avons préservé en 2025 10 millions d'euros pour les haies, le plan agriculture climat Méditerranée, la rénovation des vergers, le Parsada et le Praam - tout cela était dans la planification écologique et le demeurera.
J'aurais aimé conserver la réserve de crise, Bercy a fait le choix d'abonder les crises au fil de l'eau, si je puis dire, mais l'action est la même. Sur la DNC, l'influenza aviaire ou le nématode du pin, l'État répond présent.
Le renouvellement des générations et la transmission des exploitations sont pour moi une priorité de premier ordre. Sans renouvellement, pas de souveraineté alimentaire. Nous avons défendu ce sujet de toutes nos forces, particulièrement au sein de la loi d'orientation agricole, et nous avons souhaité mettre en place France Services Agriculture. Ce service sera déployé partout sur le territoire en 2027, avec une préfiguration prévue dès l'an prochain dans chaque région. Les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) seront dotées d'un budget ad hoc pour financer les projets d'expérimentation par voie de subvention ; deux départements par région pourront être concernés, l'objectif étant que les directions régionales établissent une convention avec les chambres régionales d'agriculture avant la fin de l'année. Pour 2026, il n'y a pas de sujet particulier de financement, car la phase de préfiguration sera couverte par les crédits de l'AITA. Le financement de France Services Agriculture sera donc un sujet pour le PLF 2027, pas avant - des travaux sont en cours avec Chambres d'agriculture France et tous les acteurs de l'installation-transmission pour en chiffrer le coût en 2027. Je sais que les Jeunes agriculteurs sont arc-boutés sur une AITA à 20 millions d'euros et non à 13 millions, mais l'engagement de 13 millions d'euros suffira à couvrir les besoins l'an prochain. J'ai appris à me méfier des reports - et quand je me bats pour 20 millions, ce n'est pas pour que je doive perdre ensuite 7 millions que je n'aurai pas dépensés...
Je suis très attachée à l'aide au passage de relais pour accompagner les agriculteurs dont la fin de carrière est difficile. Il s'agit d'une aide transitoire entre activité et retraite, qui prendra la forme d'une allocation financière et d'une prise en charge des cotisations sociales, versée aux agriculteurs âgés d'au moins 59 ans, s'ils cessent définitivement leur activité agricole, à condition de l'avoir exercée pendant une durée minimale. J'ai demandé au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) d'évaluer les modalités de mise en oeuvre concrètes de cette aide. Cette évaluation, qui rendra ses conclusions début février, porte notamment sur le montant de l'allocation, sa durée et son financement. En tout état de cause, l'aide ne pourra pas être mise en place avant la fin de l'année 2026, en raison des dispositions réglementaires à prendre, d'une éventuelle négociation d'un régime d'aides d'État avec la Commission européenne et de la création d'un système d'information dédié.
Les crédits pour les chambres d'agriculture étaient annoncés en recul de 25 millions d'euros, je me suis battue pour qu'elles conservent leur niveau de crédits et j'ai obtenu qu'ils ne reculent pas ; cependant, il y a peu d'espoir que nous obtenions gain de cause sur l'indexation sur l'inflation du plafond de TATFNB. Le Gouvernement a accepté de ne pas diminuer les crédits des chambres d'agriculture à condition qu'une restructuration soit conduite ; le contrat d'objectifs et de performance avec l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture - un établissement public agissant pour le compte de l'État - est renouvelé l'an prochain, c'est l'occasion de passer en revue leur action et de gagner en efficacité dans leurs dépenses.
S'agissant des biocarburants, leur fiscalité est évidemment là pour soutenir l'amont agricole, mais également l'investissement dans ce secteur stratégique. Nous nous sommes beaucoup battus sur ce dossier, les députés ont pris position, il faudra voir ce que le Gouvernement et le ministère des finances en feront.
Concernant le MACF, le niveau d'alerte est maximal. Les cours mondiaux sont faibles, à 150 euros la tonne de blé - alors que les coûts de production, avec ce mécanisme, pourraient atteindre 300 euros. Cela pose un problème vital, au-delà de la simple question de l'équilibre économique. Le pronostic vital serait engagé.
La France porte donc plusieurs demandes : retirer le malus de 30 % qu'impose le MACF à tout engrais importé ; baisser les droits de douane de certaines destinations clés comme les États-Unis, l'Égypte ou Trinité-et-Tobago ; et revoir les secteurs concernés par le soutien à l'export pour y inclure les céréales. Nous travaillons ardemment sur ces mesures qui permettraient de réduire l'impact du MACF. Nous sommes assez sceptiques sur les chances de réussite de ce mécanisme que la France a porté. Le deuxième front sera de renforcer notre autonomie en matière d'engrais, car c'est un intrant stratégique : l'Union européenne doit parvenir à en produire. De très belles expériences sont conduites, comme celle d'InVivo qui travaille à un engrais vert - mais il coûte 7 000 euros la tonne.
M. Jean-Claude Tissot. - Il faut encourager la filière bio !
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous le faisons, mais toute l'agriculture française ne peut pas pour autant devenir bio et nous aurons toujours besoin d'engrais. Il faut donc une filière européenne de production, un plan « engrais » pour financer nos capacités de production industrielle et rendre abordable l'usage d'engrais décarbonés, ainsi qu'un plan « protéines » afin d'inciter aux transitions vers des cultures moins gourmandes en azote et qui enrichissent les sols.
Vous m'avez interrogée sur le crédit d'impôt bio, c'est l'occasion pour moi de redire que nous n'avons aucune intention de diminuer l'engagement en matière d'agriculture biologique. Peu de crédits d'impôt ont été sauvés cette année - j'aurais aimé sauver le crédit d'impôt pour les entreprises certifiées de haute valeur environnementale (HVE). Celui pour le bio l'a été, à 4 500 euros ; les députés ont souhaité le porter à 6 000 euros et pour trois ans. Cela représente un surcoût budgétaire de 60 millions d'euros pour un dispositif qui coûte, aujourd'hui, 146 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
M. Jean-Claude Tissot. - C'est le surcoût jusqu'en 2030...
Mme Annie Genevard, ministre. - Non, il s'agit du surcoût annuel.
M. Jean-Claude Tissot. - Vraiment ? À 1 500 euros supplémentaires par agriculteur, cela fait beaucoup de paysans bio !
Mme Annie Genevard, ministre. - Les critères en ont été élargis.
M. Jean-Claude Tissot. - Pas dans l'amendement voté par les députés...
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous y reviendrons en séance publique. En cumulant toute l'aide publique pour le bio - l'Agence Bio, l'éco-régime, la conversion, le crédit d'impôt bio, les aides de crise, les aides européennes - nous étions à 694 millions d'euros pour 2025 et nous passons à 791 millions d'euros en 2026. Loin de moi, donc, l'idée de réduire ces aides : j'ai augmenté l'éco-régime en le portant à 110 euros l'hectare, j'ai créé un programme opérationnel pour le lait bio, comme je m'y étais engagée auprès de la profession, j'ai préservé le crédit d'impôt bio, ce qui n'allait pas de soi, et j'ai augmenté le budget de 10 %, le faisant passer de 8 millions à 8,8 millions d'euros.
M. Jean-Claude Tissot. - Vous avez proposé de revenir au plafond de 4 500 euros pour le crédit d'impôt, contre les députés qui l'ont porté à 6 000 euros...
Mme Annie Genevard, ministre. - Le Gouvernement a émis un avis défavorable à ce relèvement, en raison de son coût budgétaire ; je n'étais pas au banc, je ne sais pas ce qu'il en sera dans la suite de l'examen budgétaire - la question n'est pas définitivement tranchée au sein du Gouvernement.
S'agissant de l'Agence bio, je vous renvoie à la commission d'enquête que le Sénat a consacrée aux agences publiques ; le débat sur le rôle des agences n'a pas été mené avec ni au sein du Gouvernement et je ne sais pas ce qu'il en sera de la politique générale vis-à-vis des agences de l'État - mais je tiens à dire qu'il ne saurait y avoir d'exception pour cette agence par rapport aux autres. Cette année, nous l'avons dotée d'un million d'euros supplémentaire ; je profite de l'occasion pour dire que j'aimerais que cette agence soit un peu plus coopérative, car je crois aux vertus du dialogue.
Nous consacrons 40 millions d'euros au sanitaire animal. Plus de 60 % des maladies humaines infectieuses sont d'origine animale. Les vétérinaires jouent par conséquent un rôle de sentinelle incontournable dans la préservation de la santé humaine, au-delà de la santé animale ; c'est pour cela qu'on parle de « One Health ». Je veux à nouveau remercier les vétérinaires, ils occupent une place essentielle dans la prospérité de notre agriculture. Cependant, leur nombre ne cesse de diminuer : en cinq ans, la baisse atteint 18 % pour les vétérinaires ruraux. Mon ministère s'est engagé depuis 2016 à suivre une feuille de route pour le maintien des vétérinaires en production animale et en territoires ruraux, afin d'anticiper les évolutions démographiques. Le Gouvernement a initié un plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires, avec une augmentation du nombre d'étudiants, j'y suis très attachée. En complément, la loi d'orientation agricole a permis de sécuriser les stages tutorés en cabinets vétérinaires ruraux dans le cursus. Depuis 2023, le ministère soutient financièrement le Conseil national de l'ordre des vétérinaires (CNOV) et Chambres d'agriculture France pour le développement d'un dispositif national de veille et de suivi du maillage vétérinaire. En janvier dernier, j'ai également lancé les Assises du sanitaire animal, elles seront l'occasion de réviser le système sanitaire français pour le rendre plus résilient, tout en renforçant le positionnement clé des vétérinaires français. Elles ouvrent la voie pour conforter le vétérinaire sanitaire et maintenir un maillage territorial vétérinaire pérenne au service de l'élevage.
Je rends hommage aux vétérinaires de France, qu'ils soient de l'État ou privés : ils ont fait un travail admirable dans la crise de la DNC, ils ont dû faire des dépeuplements, ce qui est toujours une épreuve - ce n'est pas leur vocation et l'aide psychologique que nous apportons aux agriculteurs, nous l'apportons également aux vétérinaires. Ils ont vacciné dans des délais exceptionnels et des conditions de travail terriblement exigeantes : sous la pluie, dans le froid, parfois sous la neige, dans des pentes très abruptes où il a fallu acheminer les doses vaccinales, parfois par hélicoptère. Ils ont dû se rendre dans les estives par des chemins difficiles. Je leur rends hommage et je pense en particulier au premier vétérinaire qui, sollicité par un éleveur attentif, a décelé des nodules et a eu la clairvoyance de saisir immédiatement le laboratoire. C'est grâce à ces deux hommes que nous avons pu agir à une vitesse remarquable pour contenir l'épidémie.
Pour préparer les Assises du sanitaire animal, il faut procéder à l'état des lieux, toujours en cours, améliorer la gouvernance et rénover le financement, tout en préservant évidemment la souveraineté alimentaire. C'est un engagement collectif, je compte sur vous pour y participer.
Mme Martine Berthet. - Madame la ministre, je vous sais très impliquée dans la gestion de la crise de la DNC qui frappe de plein fouet le cheptel bovin français depuis cet été, en premier lieu dans mon département de la Savoie, où vous vous êtes très rapidement rendue, et je vous en remercie. Le Sénat est particulièrement attentif à la situation des agriculteurs français, et notamment à celle des éleveurs qui font face à la multiplication des crises sanitaires.
J'ai l'honneur d'être corapporteure de la mission d'information sur les enseignements à tirer de la gestion de la crise sanitaire de la DNC. Notre démarche se veut constructive ; nous souhaitons apporter un regard extérieur et objectif sur la gestion d'une crise que l'on sait dévastatrice pour le moral et l'activité de nos éleveurs.
Dans cette optique, je me réjouis de constater que les crédits dédiés à la lutte contre les maladies animales, à la protection et au bien-être animal augmentent de près d'un tiers dans le projet de loi de finances pour 2026. Ces moyens seront-ils suffisants pour gérer la crise de la DNC, qui n'est malheureusement pas encore derrière nous, en même temps que les autres épizooties qui sévissent ? Quel a été l'impact budgétaire des mesures mises en oeuvre jusqu'ici - achat de vaccins, intervention des vétérinaires, indemnisation des éleveurs... - et comment ces mesures ont-elles été financées ?
Enfin, je me joins à l'hommage que vous rendez aux vétérinaires, ils ont été exemplaires.
M. Daniel Laurent. - Un mot sur les conséquences du dossier anti-dumping chinois pour la filière du cognac et de l'armagnac. La filière propose des mesures urgentes : un dispositif d'arrachage complémentaire, un volume complémentaire individuel de crise financé par l'État et par la filière, une distillation de crise pour absorber les volumes excédentaires et des mesures de portage des stocks pour redonner visibilité et souplesse aux opérateurs. Nous comptons sur vous, Madame la ministre, et sur le Gouvernement pour défendre ces orientations à Bruxelles et garantir leur financement dès 2026.
Ensuite, nous nous opposons à plusieurs amendements déposés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale : le déplafonnement de la hausse annuelle des taxes sur l'alcool, l'instauration d'une taxe sur la publicité pour les boissons alcoolisées, les prix minimaux. La filière est déjà fortement taxée, avec 4 à 5 milliards d'euros contribuant chaque année à la sécurité sociale. Une taxation supplémentaire n'aurait pas d'impact sur la santé publique ni aucun bénéfice économique, alors qu'elle fragiliserait nos producteurs et encouragerait les achats transfrontaliers.
Une alerte sur le statut des bailleurs à métayage en Champagne, qui existe depuis un siècle et permet à de nombreux propriétaires retraités de cumuler revenus de métayage et pensions : vous engagerez-vous à tenter de maintenir ce système séculaire ? Je me suis associé à un amendement dans ce sens, proposé par les collègues de Champagne.
Enfin, le renouvellement des générations reste une question structurelle. Il faut faciliter la transmission, sécuriser les baux à long terme et permettre la continuité des exploitations pour préserver la qualité et la diversité de nos vignobles. De même, la sanctuarisation du budget et des moyens de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) est indispensable. Cette institution, garante de la politique des appellations d'origine contrôlée (AOC) et des indications géographiques protégées (IGP), constitue un maillon essentiel de notre identité agricole. La perspective d'un plan filière visant à adapter la viticulture aux nouveaux défis climatiques et économiques est aussi une démarche attendue et bienvenue.
Le moral des professionnels reste au plus bas. Nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour défendre une position française équilibrée, lucide, ambitieuse, qui protège notre viticulture en accompagnant ces transitions.
M. Patrick Chaize. - Le département de l'Ain a été particulièrement touché par des foyers de DNC situés en périphérie, mais aussi sur son territoire. Par le jeu des superpositions des zones réglementées, plus de 70 communes sont en zone de protection depuis la fin du mois de juin. Les éleveurs ont joué le jeu malgré ces lourdes contraintes et la question se pose de leur indemnisation, notamment liée aux pertes d'exploitation et aux coûts supplémentaires engendrés par l'obligation de conserver les veaux sur leurs exploitations. Quel est le cadre de leur indemnisation - les aides qu'ils recevront seront-elles défiscalisées ? Les éleveurs, comme les autres agriculteurs, demandent aussi de la simplification, plus de confiance de l'État envers eux et la fin des contraintes liées aux surtranspositions qui entravent chaque jour leur travail : seront-ils entendus ?
Mme Annie Genevard, ministre. - La stratégie que j'ai décidé de mettre en place face à la DNC résulte des travaux conduits dans le cadre du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV), le Parlement de l'élevage, qui réunit l'ensemble des professionnels, les syndicats et les chercheurs. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), en bons connaisseurs de cette maladie tropicale, nous ont très clairement indiqué les modalités de lutte pour l'éradiquer. J'insiste sur ce point : on ne peut pas vivre avec cette maladie, il faut l'éradiquer, faute de quoi elle peut toucher l'intégralité du cheptel bovin français, compte tenu de son extrême contagiosité.
Le dépeuplement a été la décision la plus difficile à prendre. Venant d'une région d'élevage, je connais l'amour que les éleveurs portent à leurs animaux et cette mesure a été traumatisante. J'ai rencontré ces éleveurs et j'essaie de les suivre. J'ai eu au téléphone cette semaine l'un d'entre eux, M. Prud'homme, qui a fait une publication sur les réseaux sociaux pour dire son bonheur de voir son exploitation repeuplée. Nous avons sauvé 99 % du cheptel savoyard et haut-savoyard ; sur 350 000 têtes de bétail, nous en avons abattu 1 700 - cela a été très douloureux, mais nous avons sauvé le reste du cheptel.
Comment est-on intervenu ? Le principe est le suivant : quand un foyer de DNC est identifié, on établit autour une zone de protection et une zone de surveillance d'un rayon total de 50 kilomètres et les animaux ne peuvent pas en sortir tant qu'ils n'ont pas été vaccinés pendant au moins 28 jours, et 45 jours après le dernier dépeuplement. Les règles européennes sont très strictes. On s'interroge parfois sur la légitimité de l'Union européenne à définir les règles en la matière, mais c'est très important parce que les maladies ne s'arrêtent pas aux frontières ; nous devons pouvoir compter sur les règles observées par nos voisins, comme eux sur les nôtres. Face à la DNC, nous avons donc été très offensifs, mais nous avons levé la zone réglementée en Savoie, en Haute-Savoie et dans le Rhône.
Nous allons bientôt lever la zone réglementée dans l'Ain. Ce département a joué de malchance, car il y a eu une contamination par le Jura due à une bête qui a voyagé légalement et dont l'éleveur ne savait pas qu'elle était malade. L'Ain s'est trouvé à la convergence de trois zones réglementées : celle de la Savoie et de la Haute-Savoie, celle du Rhône et celle du Jura. Tant que la dernière de ces zones n'est pas levée, je ne peux pas lever celle de l'Ain alors que les bêtes y sont vaccinées depuis la fin du mois de juin, mais la règle européenne est intraitable. Nous avons posé la question à la Commission européenne : ce qui est dans une zone réglementée ne doit pas en sortir.
L'État prend tout en charge : l'indemnisation et la défiscalisation des bêtes abattues, le nettoyage des écuries, la pension des estives - car les bêtes en estive ne pouvaient pas regagner leur élevage d'origine en dehors des zones réglementées -, les pertes d'exploitation, les vaccins et l'acte vétérinaire. Le vaccin coûte 1,40 euro par animal...
M. Jean-Claude Tissot. - Y compris l'acte vétérinaire ? Nous n'avons pas les mêmes chiffres...
Mme Annie Genevard, ministre. - Non, je crois que ce prix ne comprend pas l'acte vétérinaire, même s'il me semble qu'on m'ait dit le contraire - en tout état de cause, l'ensemble des coûts liés à la vaccination en zones réglementées s'élève à 8 millions d'euros et 4 millions d'euros ont été versés à ce jour pour l'indemnisation sanitaire des éleveurs touchés par la maladie.
La filière vitivinicole subit des pressions liées à des désaccords désormais clairs de la France et l'Europe avec la Chine ; le Président de la République envisage de s'y rendre au mois de décembre, j'espère que la position de la Chine évoluera - les autorités françaises se sont mobilisées au plus haut niveau pour trouver des solutions. Le 4 juillet dernier, le ministre du Commerce chinois a conclu son enquête en reconnaissant l'existence d'un dumping et en imposant un droit de douane compensateur moyen de 32,2 % à partir du 5 juillet. En pratique, ce qui s'appliquera, c'est l'engagement de prix de vente des exportateurs qui ont accepté, le 26 mai, d'augmenter ce prix de 12 % à 16 % en lieu et place de la hausse des droits de douane. Cet accord concernera trente-quatre entreprises françaises, représentant plus de 90 % des volumes exportés. Les échanges visant à y inclure une vingtaine d'autres, de petites entreprises, n'ont malheureusement pas abouti à ce stade. Les autorités chinoises vont aussi restituer aux exportateurs les garanties bancaires qu'elles avaient prélevées au titre des droits de douane provisoires, pour un montant de 50 à 80 millions d'euros. Un accord aurait été trouvé sur le retour des spiritueux français dans les magasins de duty-free, qui sont devenus une voie majeure d'écoulement de ces produits. Ces mesures pragmatiques devraient donc permettre de relancer les exportations françaises de cognac et d'armagnac en Chine.
Vous m'avez interrogé sur le dispositif d'arrachage. Nous évaluons qu'il faudrait arracher entre 35 000 et 50 000 hectares de vignes pour rapprocher la production viticole des capacités d'écoulement sur les marchés. L'an dernier, nous avons conduit une opération d'arrachage pour 110 millions d'euros sur les 120 millions d'euros de crédits qui avaient été autorisés. J'ai entendu que les exploitants viticoles qui ont manifesté à Béziers demandaient des mesures de distillation, notamment pour les caves coopératives. La distillation est nécessaire, mais elle ne résout pas les difficultés structurelles de la filière. Nous allons demander de mobiliser la réserve de crise européenne pour financer la distillation, mais celle-ci s'apparente en réalité à une mesure sociale et il faut sans doute la conditionner - je vous rejoins en cela -, mais pour résoudre le problème posé, il faut en passer par l'arrachage et une adaptation aux demandes du marché. Si nous ne prenons pas de mesures structurelles - comme le rappelle votre rapport sénatorial -, nous serons contraints de prendre chaque année des mesures conjoncturelles, sans jamais traiter le fond du problème, alors que nous sommes déjà à plus d'un milliard d'euros d'interventions ces dernières années et que les disponibilités budgétaires se réduisent. Il y a une situation de détresse et d'urgence, j'y suis très sensible pour l'avoir constatée sur le terrain, en particulier celle des jeunes viticulteurs qui viennent de racheter, qui n'ont plus de produits pour traiter, plus de marchés pour écouler, ni de quoi vivre.
M. Daniel Laurent. - Et qui sont endettés !
Mme Annie Genevard, ministre. - Effectivement. Je reçois la filière régulièrement, c'est un dossier prioritaire et croyez bien que j'y apporte une attention très particulière. Le salon international des filières viticole, vinicole, arboricole et oléicole (SITEVI) a lieu bientôt. J'espère pouvoir annoncer rapidement des nouvelles rassurantes, mais il faut convaincre l'Europe de débloquer une réserve de crise et Bercy d'apporter des moyens supplémentaires. Or les amendements adoptés par les députés au projet de loi de finances, tout compris, portent le déficit de la France à 5,1 %, tout ne pourra donc pas être maintenu - mais j'espère convaincre Bercy sur la viticulture.
Les baux champenois à métayage sont une particularité de cette région, ils font partie de son histoire. Mon cabinet est en lien étroit avec les parlementaires de la Champagne, nous examinons comment parvenir à une solution viable juridiquement ; ce n'est pas facile, mais nous n'avons pas renoncé.
M. Daniel Salmon. - Bertrand Venteau, le nouveau président de la Coordination rurale, a fait cette déclaration : « Les écolos, nous devons leur faire la peau ». Ces propos sont intolérables et j'attends une réaction au plus haut niveau de l'État - plus claire que celle qui a suivi les attaques contre l'Office français de la biodiversité (OFB) : il ne faut pas tolérer de tels comportements violents dans notre pays.
Ce projet de loi de finances manque de lisibilité pour certaines actions. L'an passé, l'action 29 était présentée en détail, nous savions quelle part serait attribuée au plan Protéines, au plan Haies, à la décarbonation ou au diagnostic carbone. Cette année, nous ne savons pas où ira l'argent, alors que les agriculteurs ont besoin de clarté.
Vous dites votre regret de ne plus avoir la compétence forêt, mais il vous reste une forêt linéaire : la haie bocagère. Il faut la soutenir ; or le plan Haies, qui avait été doté de 110 millions d'euros pour 2024, a vu son montant divisé par deux pour 2025, et, au bout du compte, très peu de ces crédits ont été dépensés et l'enveloppe est réduite entre 7 et 10 millions d'euros pour l'an prochain : nous n'atteindrons jamais les ambitions inscrites dans la loi d'orientation agricole de 50 000 kilomètres supplémentaires de haies d'ici à 2030.
Vous dites que des lignes budgétaires ne sont pas assez consommées, mais, en général, cela se produit quand la volonté politique fait défaut : quand on veut agir et qu'on en a les moyens, les dossiers avancent. Ces crédits correspondent à un besoin réel.
Votre budget, ensuite, ne présente aucune mesure d'ampleur pour la filière bio. Vous dites que l'Agence bio est confortée, ce n'est pas ce que j'ai lu, mais je veux bien vous croire, nous avons besoin d'avancer pour atteindre 18 % de la surface agricole utile en bio en 2030. Ce n'est pas la tendance, puisque le soutien public est en pleine régression, alors que la consommation de produits biologiques repart - à ce rythme, nous devrons demain importer davantage de produits bio, est-ce que c'est ce que nous voulons ? Même chose, tout aussi regrettable, pour le soutien à la diminution des produits phytosanitaires : les crédits reculent de 84 % ! Cela devient de plus en plus problématique pour la santé humaine elle-même, il y a des liens à faire avec les épizooties et les zoonoses...
L'enseignement agricole, ensuite. Ici aussi, la loi d'orientation agricole a fixé des objectifs : nous devons former 30 % de personnes en plus pour répondre aux défis de l'installation et de la transmission. L'année dernière, l'enseignement public a perdu 45 ETP, il en regagne 40 cette année : qu'est-ce à dire ? Avouez que c'est peu lisible... En revanche, les aides pour l'enseignement agricole privé sont stables, avec 11,5 millions d'euros supplémentaires pour les maisons familiales rurales (MFR) ; je salue leur travail, mais il faut bien poser la question de l'allocation des fonds publics. Dans mon département, il y a The Land, un établissement privé qui était présenté comme le campus le plus moderne de France ; aujourd'hui, il connaît un énorme déficit. Le privé ne fait donc pas tout bien et il faut continuer à soutenir l'enseignement public.
Enfin, nous avons besoin d'y voir plus clair sur les Assises sanitaires. Les épizooties et les zoonoses se succèdent à un rythme inédit, il va falloir anticiper encore davantage. Je sais que vous le faites - je ne veux pas noircir le tableau -, mais si nous continuons ainsi, je ne sais pas ce qu'il restera de l'élevage en France dans quelques années.
M. Yves Bleunven. - Madame la ministre, comme mes collègues, je me réjouis de vous voir confirmée dans votre poste, car nous avons besoin de stabilité et de fermeté sur les dossiers agricoles, qui sont nombreux.
Ma première question porte sur la flambée du prix des engrais. Nous n'avons plus d'activité d'engrais minéral depuis l'embargo sur le gaz russe : nous sommes donc devenus structurellement très déficitaires, cela peut devenir dangereux. Le MACF pourrait servir à limiter l'impact des céréales étrangères qui vont inonder notre marché et dont la production a nécessité l'utilisation de carbone transformé. Les réglementations nous contraignent pour développer les engrais organiques - au premier chef celle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Nous nous sommes tous réjouis des avancées claires de la loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur dans ce domaine. Mais nous nous sommes faits berner par des considérations juridiques, comme souvent, puisque les experts nous disent que la directive relative aux émissions industrielles (IED) s'oppose au relèvement des seuils des ICPE. Cet été, vous avez fait une déclaration concernant la possibilité de définir une réglementation permettant la mise en oeuvre de cette mesure, c'est très important pour le maintien de nos élevages, avec un effet vertueux sur la production d'engrais organiques. Qu'en est-il à ce jour ?
En début d'année, je vous ai alertée sur l'augmentation du prix de l'eau et sur la redevance de l'agence de l'eau. Nous avions parlé d'un bouclier tarifaire pour protéger notre secteur agroalimentaire, j'ai lu ce matin qu'un décret devait être publié : nous l'attendons depuis des mois, les industriels de l'agroalimentaire ont l'impression d'être pris pour des jambons - où en est ce bouclier tarifaire pour l'eau ?
S'agissant de l'accord UE-Mercosur, je vous alerte sur la réintroduction de la pré-liste brésilienne des établissements potentiellement capables d'exporter de la volaille en Europe. Cette décision prise la semaine dernière est dangereuse ; l'établissement de cette liste des industriels habilités à exporter vers l'UE avait été suspendu en 2018, puisque nous savons que la plupart d'entre eux ne produisent pas dans les mêmes conditions que les nôtres, il faut y faire très attention.
Enfin, les industriels nous alertent depuis quelques mois sur l'arrivée massive de viande de volaille chinoise, issue d'élevage de poulets en cage, ce qui n'est pas autorisé, même au Brésil : qu'en est-il ?
M. Henri Cabanel. - La semaine dernière chez moi dans l'Hérault, à Béziers, s'est tenue une grande manifestation réunissant 5 000 viticulteurs, soutenus par de nombreux élus locaux qui savent bien que l'économie viticole est indispensable à leur territoire. Pour y avoir assisté, j'ai constaté un grand désespoir parmi les viticulteurs - ce que nous signalons dans le rapport que nous vous présenterons très prochainement, Madame la ministre : dans le Languedoc, sur 460 agriculteurs évalués, 46 % sont en situation d'épuisement professionnel, c'est très inquiétant. Je sais que vous devez les recevoir lundi prochain ; le Sitevi s'ouvrira mardi à Montpellier, il aurait été utile que vous preniez connaissance de notre rapport avant de rencontrer les viticulteurs.
Vous mentionnez l'aide aux caves coopératives. L'année dernière, elles ont obtenu une enveloppe de 10 millions d'euros pour leur restructuration, elles demandent 25 millions supplémentaires. Beaucoup d'entre elles ont investi dans de nouveaux matériels et procédés de vinification pour répondre au marché, des investissements qui s'amortissent sur dix à quinze ans. Or, depuis cinq ans, les rendements baissent, notamment à cause du réchauffement climatique, ce qui augmente mécaniquement le prix du vin - donc la nécessité d'une restructuration de la production, ce qui exige des investissements.
Vous dites, ensuite, que le soutien à l'agriculture biologique se renforce pour éviter les déconversions, mais ce que nous voyons, c'est que la prorogation du crédit d'impôt est limitée pour deux ans, ou encore que les crédits alloués au fonds Avenir bio sont divisés par deux, passant de 18 millions à 8,8 millions d'euros dans ce projet de loi de finances pour 2026. J'avoue avoir du mal à comprendre - qu'en est-il ?
Un autre sujet qui m'est cher : la souveraineté alimentaire. Elle passe par la maîtrise du foncier : sans foncier, pas de souveraineté. Je déposerai un amendement pour créer un livret d'épargne dédié exclusivement au foncier agricole : qu'en pensez-vous ?
Enfin, en cette semaine du salon des maires, j'évoquerai la situation des agriculteurs qui sont maires, souvent de petites communes rurales. Ils éprouvent de grandes difficultés à assumer leur mandat tout en continuant leur activité. Je suis passé par là et je puis vous dire que la rentabilité des exploitations diminue au fur et à mesure de nos mandats. Serait-il possible d'ouvrir le droit à l'aide au répit pour les maires de très petites communes qui sont agriculteurs sans salariés, pour les soulager quelque peu dans leur fonction ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Je plaide pour un dialogue respectueux et républicain et je condamne les propos menaçants que vous citez, tenus par le nouveau président de la Coordination rurale - je les condamne pour leur violence, et aussi parce qu'ils opposent des modes d'agriculture, c'est une erreur profonde. Que ce soit dans l'agriculture conventionnelle, l'agriculture raisonnée, l'agriculture biologique, le label HVE, dans tous ces systèmes agricoles il y a de la passion, du travail, et j'appelle au respect de tous. Ces premières déclarations sont préoccupantes.
La répartition des crédits au sein de l'action 29 du programme 149 n'est pas arbitrée. Concernant le Parsada : j'aurais préféré disposer de 100 millions d'euros, plutôt que des 50 millions que j'ai réussi à préserver. Cela étant, nous avons parfois du mal à obtenir des dossiers ; nous ne croulons pas sous les demandes de plans d'action. Vous me dites que quand une politique est portée, les demandes abondent : je peux vous assurer que nous sommes très actifs en la matière. Il y a une tendance de fond à diminuer le recours aux produits phytosanitaires, les intrants chimiques - même si nos concitoyens ne sont pas toujours cohérents en la matière, à réclamer moins d'intrants chimiques pour l'agriculture française, tout en achetant plus de produits étrangers qui en contiennent, mais c'est une autre affaire... -, mais il y a aussi ce qu'on appelle des impasses de traitement : l'Inrae, à qui j'ai demandé d'examiner les alternatives aux intrants chimiques, a conclu dans son rapport que des filières ne trouvent pas de solution dans d'autres modes de culture. Il y a le cas emblématique de la noisette, mais cela concerne d'autres cultures aussi - la semaine dernière dans le Rhône où je rencontrais des arboriculteurs qui produisent des pommes, des poires, des abricots, des cerises, j'ai vu les ravages provoqués sur les pommes par le puceron cendré : partout où il passe, le fruit ne sera jamais acheté par le consommateur, l'arboriculteur qui m'en parlait était au bord des larmes, c'est une réalité cruelle. Et il faudra des années avant qu'on puisse utiliser des techniques comme l'insecte stérile ou d'autres alternatives, l'Inrae le dit très clairement dans son rapport remis le 28 octobre dernier. Chaque fois que l'on parvient à trouver des alternatives, je m'en réjouis profondément.
La mission Afaar porte également des crédits pour les haies, pour le fonds hydraulique agricole et pour la rénovation des vergers. M. Salmon, je sais que le sujet vous est très cher puisque vous y avez consacré une proposition de loi. Je regrette avec vous de ne pas disposer d'1,2 milliard d'euros comme mon prédécesseur pour lancer la planification écologique, mais il s'agissait d'une période d'amorçage et, aujourd'hui, la France est dans une situation budgétaire terrible. Cependant, nous avons triplé le bonus « haies » à l'éco-régime de la PAC, qui est passé de 7 à 20 euros l'hectare cette année : ce n'est pas indifférent. Nous avons mis en place le guichet unique en lien avec la simplification normative et nous avons simplifié l'arrachage pour la replantation, puisqu'il y a des haies qui le nécessitent. Nous poursuivons la mise en place de l'Observatoire de la haie, avec un investissement d'un million d'euros. Nous avons lancé un appel à projets spécifique à Mayotte pour la gestion de la haie, ainsi qu'un autre relatif à la gestion durable et à la valorisation aval du bois bocager pour un peu plus de 9 millions d'euros. Des outils pédagogiques ont été produits pour les lycées agricoles, et les actions CAP'Haies représentent 380 000 euros en 2025. Nous avons également financé des dossiers de plantation de haies : 10 millions d'euros sont prévus en 2026, contre 8 millions d'euros en exécution en 2025. Nous avons également, dans la loi d'orientation agricole, simplifié le régime de la haie, qui était extrêmement compliqué. Nous ne sommes donc pas inactifs sur le sujet des haies...
Sur le fonds Avenir bio, je dois préciser les chiffres pour qu'il n'y ait pas de malentendu. M. Cabanel, vous évoquez les 18 millions d'euros qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2025. Ce fonds a subi un rabot de 10 millions d'euros, un montant qui correspondait à une aide exceptionnelle ; son rythme de croisière était donc de 8 millions d'euros, je l'ai porté à 8,8 millions d'euros, soit une augmentation de 10 %. Entre-temps, j'ai créé un programme opérationnel sur le lait bio, j'ai pérennisé le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique et j'ai porté l'écorégime à 110 euros l'hectare. Le bio est donc bien dans mon viseur.
Des emplois avaient été supprimés l'an dernier dans la formation agricole, nous en retrouvons cette année : cela va dans le bon sens et cela n'a pas été facile.
Votre proposition sur le livret d'épargne dédié au foncier agricole est intéressante. Je me suis beaucoup intéressée à ce sujet lorsque j'étais députée ; je me souviens d'avoir déposé des amendements sur le foncier agricole dans la loi d'avenir agricole défendue par le ministre Le Foll. C'est une mesure compliquée à mettre en place, comme tout ce qui touche à la propriété foncière, mais il faut s'y intéresser. Sans accès au foncier, il n'y a pas de renouvellement des générations, pas de souveraineté alimentaire : c'est la base. Il faut conserver le foncier agricole comme la prunelle de nos yeux. La création d'un livret d'épargne exclusivement pour le foncier agricole avec un taux garanti serait intéressante pour l'acquisition foncière par les jeunes agriculteurs et le renouvellement des générations. Toutefois, j'ai été surprise d'apprendre par le rapport du CGAER sur l'installation et la transmission, que la part du foncier agricole dans l'actif agricole n'est pas si importante. Cette année, j'ai obtenu plusieurs mesures fiscales qui facilitent la transmission des exploitations aux jeunes agriculteurs, ainsi que l'extension du pacte Dutreil. Le portage foncier est possible aussi via le volet foncier du Fonds entrepreneur du vivant, qui permet de différer la charge d'acquisition pour que les jeunes agriculteurs puissent asseoir leur activité. Il faut évaluer ces outils, et aussi votre proposition d'un livret d'épargne dédié : je m'engage à y travailler.
Enfin, les difficultés sont majeures pour la viticulture. J'ai pris un ensemble de mesures en 2025 : des prêts de trésorerie conjoncturelle bonifiée, des prêts de consolidation à long terme sur douze ans garantis à 70 %, une aide d'urgence de 9 millions d'euros aux jeunes vignerons touchés par la répétition des aléas climatiques et une aide d'1 million d'euros aux pépiniéristes viticoles. Quand on arrache, le marché des pépiniéristes se retrouve en panne. S'y ajoutent une enveloppe d'allègement des charges sociales MSA de 5 millions d'euros dédiée à la viticulture, et 110 millions d'euros pour l'arrachage, engagés en 2024 et reportés en 2025. La manifestation de Béziers a été puissante et témoigne du très grand mal-être viticole : c'est probablement l'un des secteurs agricoles les plus en difficulté aujourd'hui et il requiert toute notre attention et notre solidarité. J'ai réuni la filière le 6 novembre et lui ai fixé un nouveau rendez-vous le 24 novembre pour proposer des réponses aux difficultés sévères que rencontrent de nombreux vignobles. Mais là encore, il faut convaincre, ce n'est pas facile. Au-delà de ces mesures d'urgence, nous devons impérativement préparer l'avenir pour une viticulture conquérante et pas uniquement défensive. C'est tout le sens de l'action que j'envisage de conduire. J'espère vous recevoir très prochainement pour la remise de votre rapport, auquel je porte une grande attention.
Enfin, l'aide au répit est destinée aux agriculteurs en grand malaise, en burn-out, qu'il faut épauler pour qu'ils reprennent leur souffle, du courage et du recul ; pour les maires agriculteurs, il faudrait plutôt regarder du côté du service de remplacement, qui aide les maires à consacrer du temps à l'exercice de leur mandat.
J'ai déjà répondu sur le MACF, aussi bien que sur notre dépendance aux engrais. Il faut absolument retirer le malus ou faire baisser les droits de douane de certaines destinations comme le Nigéria. Trinité-et-Tobago constituait une piste mais le pays est soumis au régime des droits de douane des États-Unis. Il est clair que le fait que nous ne nous fournissions plus en Russie est un vrai problème. Nous avons effectivement un problème structurel d'autonomie sur la production d'engrais. M. Bleunven, je vous rejoins quand vous dites que les céréales importées, dès lors qu'elles sont traitées avec des engrais carbonés, doivent être concernées par ce MACF. Je pense qu'elles le seront ; sinon, je ne comprends pas le fonctionnement de ce mécanisme...
Un mot sur le bouclier tarifaire pour l'eau utilisée dans l'agriculture. L'eau étant un sujet qui relève du ministère de la transition écologique, je me suis rapprochée de ma collègue Agnès Pannier-Runacher. Des entreprises agroalimentaires font de grands efforts pour économiser l'eau, elles innovent - j'ai visité une serre biotech en Île-de-France, autonome en eau, qui produit beaucoup ; c'est fabuleux. Tout le système agricole et agroalimentaire tente de s'adapter à la rareté de la ressource et à la nécessité de l'économiser. Ces efforts sont assez peu reconnus, parce que la question de l'eau agricole et agroalimentaire est injustement résumée à celle, idéologique, des bassines : quand on parle de l'eau agricole, on ne parle que des bassines, comme si c'était le seul sujet. La loi Duplomb-Menonville a consacré la légitimité du stockage de l'eau. Cela ne veut pas dire que les projets ne peuvent pas être attaqués ; nous sommes dans un pays démocratique. Mais que les projets soient systématiquement attaqués est une honte. Le systématisme est scandaleux, car sans eau, il n'y a pas de production agricole, pas de souveraineté alimentaire - et alors, nous serions complètement dépendants des importations, et impuissants face à l'effondrement de notre commerce extérieur.
La question de l'eau est donc fondamentale, et il faut examiner la piste d'un bouclier tarifaire. Un amendement a été présenté à l'Assemblée nationale, il a été rejeté à deux voix près. Il faut aussi faire en sorte que quand on taxe davantage l'eau, on tienne compte des efforts déjà réalisés par les agriculteurs, ou bien on décourage les économies. Il faut plus de cohérence dans les taxes, nous raisonnons trop en silo ; voyez ce qui se passe pour les sucreries : pour des raisons de santé publique, on dit à raison qu'il faut consommer moins de sucre, mais on ne reconnaît pas les efforts de l'agroalimentaire dans ce sens, ni ses efforts pour consommer moins d'eau, et les taxes comportementales aboutissent à surtaxer les filières qui n'ont plus les moyens de réaliser les investissements pour diminuer leur consommation d'eau. Le bouclier tarifaire pour l'eau, tel qu'il est prévu, est trop restrictif, nous en avons conscience. À ce stade, les 200 entreprises les plus touchées bénéficieront du bouclier dès que leurs factures dépasseront un certain montant. C'est pourquoi les agences de l'eau doivent aussi mobiliser leur budget pour accompagner les industries agroalimentaires vers la modernisation de leurs outils, afin qu'elles consomment moins. Il faudra également rouvrir le sujet de la réutilisation de l'eau, qui permet de développer des pratiques plus économes afin de limiter les prélèvements sur le réseau. Je sais que votre présidente y est sensible ; elle m'a interrogée sur cette question lors d'une séance de questions orales sans débat.
M. Gérard Lahellec. - Je partage votre souci de promouvoir l'acte de produire. Je viens de Bretagne, une région d'élevage. Si l'élevage ne constitue pas toute l'agriculture, il en est un bon dénominateur commun. Or, les indicateurs de production ne sont pas bons : la filière lait, en particulier, subit un recul très net de la production - et je ne sais pas si notre balance commerciale est encore excédentaire pour le lait. En Bretagne, l'agroalimentaire représente 65 000 actifs : l'agriculture et l'agroalimentaire sont à la Bretagne ce que la sidérurgie fut à la Lorraine - et si nous ne les défendons pas, nous aurons de grands soucis à nous faire.
Merci d'avoir rappelé que votre budget ne fait pas tout. Je pense à la PAC, à l'accord UE-Mercosur... L'acte de produire appelle à produire autrement. La compétitivité ne signifie pas qu'on doive faire toujours plus vite - surtout si on avance vers un mur. Je vous dis le fond de ma pensée : l'agriculture devrait être considérée comme un bien public à défendre. Dans les Côtes-d'Armor, nous avons eu la chance d'avoir été pauvres en eau avant tout le monde : nous avons dû nous adapter dès les sécheresses de 1976, nous nous sommes alors posé la question de l'eau pour tous. Et c'est pourquoi nous avons trois barrages interconnectés - un ensemble qui pourrait s'avérer insuffisant à l'échelle de la région puisqu'une étude récente indique qu'aux conditions actuelles, nous serions déficitaires de 52 millions de mètres cubes par an. Nous avons donc également besoin de réserves d'eau, ce qui ne pourra se faire que si nous partageons une ambition publique pour traiter cette question.
Plus prosaïquement, ce ne sont pas forcément les activités les plus captives qui ont besoin d'être soutenues. Je ne dis pas qu'il ne faut pas soutenir les actes de production, mais certaines choses ne se feront pas si nous n'affichons pas une véritable ambition pour qu'elles se réalisent. Je pense à la planification écologique - ce n'est pas un gros mot -, à la promotion d'une agriculture différente, aux crédits pour le bio ou encore à l'enseignement public. Nous avons besoin de cette ambition publique pour ne pas nous contenter de soutenir ce que nous savons déjà bien faire, mais pour ne pas craindre de mettre des choses nouvelles en perspective.
Enfin, s'agissant de la forêt, elle ne peut pas être seulement un sous-ensemble ou un sous-produit de la question environnementale : elle est essentielle, tout comme l'agriculture.
Mme Annick Jacquemet. - Madame la ministre, je suis très satisfaite de vous retrouver à ce ministère qui, je le sais, vous tient à coeur et dans lequel vous mettez toute votre énergie. Je vous remercie pour l'hommage appuyé que vous venez de rendre à mes confrères vétérinaires pour leur mobilisation dans la vaccination contre la DNC : cet hommage est largement mérité.
J'ai une question précise, sur les modalités d'intervention contre la DNC. Dans la zone protégée, des éleveurs qui doivent déplacer un bovin me disent qu'ils sont obligés, à chaque fois, de faire venir le vétérinaire pour une visite, que ce soit pour un vêlage, pour rentrer des vaches : est-ce qu'un dédommagement est systématiquement prévu ?
Ma deuxième question concerne les fruitières : y a-t-il un dédommagement pour compenser la rupture d'approvisionnement en lait des fruitières lorsque leurs fournisseurs ont été impactés par la crise ?
M. Christian Redon-Sarrazy. - L'action 23 du programme 149, qui soutient le renouvellement et la modernisation des exploitations agricoles, recule de 10 % en AE et de 20 % en CP. Les aides au stage, à l'installation, à la modernisation des Cuma, à la dotation jeune agriculteur, à la cessation d'activité ou encore à la modernisation des exploitations seront donc impactées. Ces choix budgétaires sont-ils pertinents dans notre contexte de crise des vocations et de crainte sur la capacité de la France à renouveler la génération d'agriculteurs qui partira à la retraite d'ici à 2030 ? Ils sont incompréhensibles du point de vue de la démographie agricole. Quelle politique d'installation envisagez-vous ?
Lorsqu'il était Premier ministre, et que vous étiez sa ministre de l'agriculture, François Bayrou avait apporté un soutien clair à l'installation, à Limoges, d'une cinquième école vétérinaire - il a écrit dans ce sens une lettre au président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. Où en est ce projet ? Le pensez-vous utile pour le maillage du territoire en vétérinaires, pour la promotion du concept « Une seule santé » ? La DNC n'est pas transmissible à l'homme, mais il n'est pas exclu que nous voyions apparaître, dans les prochaines années, une maladie d'origine animale susceptible d'impacter la santé humaine.
M. Daniel Gremillet. - Merci d'avoir été très claire sur la DNC : toutes les conséquences des mesures sanitaires prises pour protéger la santé animale dans nos territoires, y compris les pertes d'exploitation et les pertes indirectes, sont prises en charge par l'État. C'est important de le dire, car nous avons tous été sollicités par des éleveurs inquiets.
Sur les chambres d'agriculture, ensuite, nous ne tenons pas assez compte de la façon dont l'agriculture française s'est construite. Auparavant, les chambres d'agriculture déterminaient leur politique de développement et disposaient d'une assise de taxes sur le foncier non bâti qui leur était propre, département par département, en fonction de leur histoire. Dans certains départements, la chambre d'agriculture menait toute la politique de développement ; dans d'autres, parfois voisins, les coopératives assuraient ce rôle, ce qui explique des différences de personnel et des niveaux de taxes à l'hectare très différents. Or, les obligations que nous imposons aujourd'hui ne changent rien aux niveaux de ces taxes, sauf que les moyens n'arrivent plus de la même manière aux départements contributeurs, avec des choix de financement sous contrôle national et régional. Nous sommes face à une terrible inégalité de traitement et de fiscalisation sur le développement agricole. Il y a là un vrai sujet, Madame la ministre, que le projet de loi de finances doit avoir le courage d'aborder : les écarts peuvent aller du simple au triple d'un département à l'autre, ceci du fait de l'histoire.
Enfin, ce n'est pas le lieu donc je n'en parlerai pas, mais il faudra débattre aussi de l'organisation des marchés car je pressens des zones de turbulences à traverser en 2026. Alors que nous avons mis en place un arsenal pour maîtriser la ferme France, nous voyons qu'il y a de grandes distorsions d'un pays à l'autre dans l'Union européenne, que les prix payés aux agriculteurs sont plus élevés chez nos voisins et que, pour autant, le prix de marché dans les négociations commerciales est moins élevé qu'en France. Il faudra nous expliquer comment c'est possible... Cette démarche n'a rien à voir avec la commission d'enquête sénatoriale créée à l'initiative du groupe Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires sur les marges des industriels et de la grande distribution.
Mme Annie Genevard, ministre. - La filière lait est très importante, il faut fiabiliser les coûts de production. La dégradation de notre balance extérieure tient au fait que nous importons du lait et des produits laitiers, alors même que nous avons une magnifique filière d'élevage laitier. Cependant, une décapitalisation est à l'oeuvre - et il faut bien y voir un effet catastrophique de la mise en cause perpétuelle de l'élevage : l'élevage serait un contributeur massif à la dégradation de l'environnement, la consommation de viande serait préjudiciable à la santé humaine et les prairies seraient moins efficaces que les forêts dans la captation du carbone, ce qui est parfaitement faux... Le métier d'éleveur est dur, il faut rendre hommage à nos éleveurs et cesser de les montrer du doigt, le discours ambiant anti-élevage et anti-viande n'est plus acceptable. En Bretagne, vous êtes fiers de votre cheptel laitier et vous avez bien raison.
Produire autrement, bien sûr. Avec l'agriculture biologique, l'agriculture raisonnée, la labellisation en bio ou en HVE, les politiques européennes conditionnées pour près de la moitié d'entre elles à des considérations environnementales, les moyens que nous dédions à la production sans intrants ni produits phytosanitaires sont importants et nous n'allons pas y renoncer. Cependant, trop souvent, certains oublient que dans « transition écologique », il y a le mot « transition » : il faut un peu de temps pour la transition - mais la France est résolument engagée sur ce chemin.
Faut-il regarder l'agriculture comme un bien public ? Oui, nous l'avons qualifiée d'intérêt général majeur, c'est une avancée. Vous avez raison de parler de l'eau - vaste sujet sur lequel le Gouvernement n'est pas inactif. Le partage de l'eau est un axe du plan méditerranéen et du fonds hydraulique, qui privilégie les démarches collectives et les associations syndicales autorisées (ASA). Il y a eu des visionnaires dans les années 1970 qui ont construit de magnifiques barrages. Ce ne serait plus possible, aujourd'hui.
L'intervention systématique du vétérinaire sur laquelle vous m'interrogez, ensuite, est effectivement obligatoire et il n'y a pas d'aide prévue dans ce cas. Nous avons essayé de répondre en facilitant les mouvements chaque fois que c'était possible et nous avons allégé nos exigences dans les zones concernées pour éviter des surcoûts en matière vétérinaire. Bien sûr, une épidémie aussi redoutable que la dermatose a des conséquences économiques, notamment sur les fruitières. Le Covid a eu aussi des incidences, la dermatose en a. J'en suis désolée, mais je vous assure que nous indemnisons et soutenons tout ce que nous pouvons. L'État ne peut pas tout, cependant, et je le regrette comme vous.
La politique visant à renouveler les générations en agriculture est probablement celle qui doit recevoir la plus grande de nos attentions. Il y a les dispositifs fiscaux, mais il y aura aussi tout ce que nous avons prévu dans loi d'orientation agricole, en particulier le dispositif France Services Agriculture. J'ai indiqué au président des chambres d'agriculture que ce guichet devait accueillir tout le monde, et pas seulement les personnes issues du monde agricole, car elles ne seraient pas assez nombreuses. Il faut encourager les personnes en deuxième partie de carrière, ainsi que les femmes qui arrivent massivement en agriculture, notamment dans les métiers de l'élevage. Ce n'est pas un hasard si elles se tournent vers ces métiers : il y a quelque chose de maternant dans cette activité. Il faut aussi encourager les jeunes qui sont attirés par ce secteur sans rien y connaître, car ils seront peut-être d'excellents producteurs ou éleveurs. Les stages, la sensibilisation dans les écoles, le droit à l'essai : tout doit être mobilisé, sans oublier, bien sûr, la formation.
Le projet d'une école vétérinaire à Limoges est intéressant, mais il n'est pas en phase opérationnelle...
M. Christian Redon-Sarrazy. - Il est déjà très avancé...
Mme Annie Genevard, ministre. - Il faut d'abord mener à leur terme les réflexions sur la sixième année d'études, puis nous pourrons discuter de l'opportunité d'ouvrir une nouvelle école, en nous assurant que le projet est bien calibré aux besoins.
Monsieur Gremillet, j'ai dit avant que vous n'arriviez à quel point il était scandaleux que les relations commerciales soient à ce point dégradées, il faut reprendre les choses. Je sais, également, que les 25 millions d'euros que nous avons maintenus pour les chambres d'agriculture vous paraissent insuffisants, mais ils n'ont pas été faciles à obtenir - et l'indexation de la TATFNB sur l'inflation, elle, n'a pas été validée. Je n'ai pas votre connaissance historique des chambres d'agriculture, mais je suis d'accord avec vous pour leur reconnaître un rôle stratégique - et je vous propose que nous continuions nos échanges ultérieurement sur ce point.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci beaucoup pour votre disponibilité.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 15.