- Mercredi 19 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux politiques des territoires - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux transports aériens - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Première partie - Examen des amendements de séance
- Présentation du rapport d'information sur l'avenir des concessions hydroélectriques, fait au nom de la commission des affaires économiques
Mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 15.
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous entamons ce matin le traditionnel cycle d'examen des avis budgétaires, qui occupera notre commission pendant trois semaines. Cette séquence budgétaire nous permettra, comme l'année dernière, d'examiner huit rapports pour avis, qui vont retracer les crédits inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2026, mais surtout analyser certains aspects des politiques publiques liées aux compétences phares de notre commission, à savoir l'aménagement du territoire, les transports et l'environnement.
Les circonstances dans lesquelles notre commission, et plus globalement le Sénat, examine le PLF pour 2026, sont, comme vous le savez, très particulières.
D'une part, en raison des conditions de nomination du Gouvernement, le PLF a été déposé tardivement, le mardi 14 octobre. Le texte est encore en discussion à l'Assemblée nationale, les députés n'ont pas encore voté sur la première partie et si le vote, déjà reporté, devait avoir lieu lundi, le nombre d'amendements restant en discussion ne l'a pas permis. Il est donc très probable que l'Assemblée ne pourra pas émettre un vote sur l'ensemble du PLF dans le délai constitutionnel de quarante jours et que, comme pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le Gouvernement saisira le Sénat du texte initial modifié par les amendements adoptés par les députés.
D'autre part, le Sénat examine le PLF dans un contexte qui reste marqué par la dégradation des comptes publics. Le Gouvernement a ainsi fixé un objectif de réduction du déficit pour le ramener à 4,7 % du PIB en 2026, puis à moins de 3 % en 2029. C'est donc dans ces conditions très singulières que nos rapporteurs pour avis ont travaillé.
Il me paraît ensuite utile de vous rappeler brièvement les règles de la discussion budgétaire et l'esprit des rapports pour avis. L'examen du PLF se décompose, vous le savez, en deux parties : la première est consacrée principalement aux recettes et aux conditions générales de l'équilibre financier et la seconde aux dépenses et aux moyens des politiques publiques. C'est au sein de cette seconde partie que les crédits sont regroupés en missions, en programmes et en actions.
Les missions correspondant aux grandes politiques publiques de l'État, les programmes sont l'unité de l'autorisation parlementaire des dépenses, afin de définir le cadre de mise en oeuvre des politiques publiques : ils constituent une enveloppe globale et limitative de crédits relevant d'un seul ministère et ils regroupent un ensemble cohérent d'actions qui précisent la destination prévue des crédits, ce qui assure la lisibilité des dépenses budgétaires en fonction de leur finalité.
Les rapports pour avis de notre commission n'ont pas à être des répliques des rapports spéciaux de la commission des finances. Ils n'ont pas vocation à traiter l'ensemble des aspects d'une politique publique : nos rapporteurs donnent un éclairage spécifique sur certains aspects de la politique publique qui relève du périmètre de leur avis et des priorités politiques qu'ils identifient.
Voilà, mes chers collègues, les quelques informations préalables dont je voulais vous faire part concernant l'examen des rapports pour avis.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie - Examen du rapport pour avis
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - J'ai l'honneur de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits des programmes 113 « Paysages, eaux et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie » inscrits au PLF pour 2026.
Au terme de mes travaux, qui m'ont conduit à rencontrer des représentants du ministère de la transition écologique ainsi que les principaux opérateurs des deux programmes, je tiens à mettre en avant plusieurs éléments qui ont retenu mon attention.
Tout d'abord, l'exercice 2026 est, bien entendu, marqué par le contexte de maîtrise des comptes publics, comme l'a rappelé le président Longeot à l'instant.
Les programmes 113 et 159 ne dérogent pas à cet impératif, comme le montre l'évolution de leurs crédits. Tout d'abord, le programme 113, qui est le support des politiques de l'eau, de la biodiversité, ainsi que de la protection du littoral, des milieux marins et des paysages, est marqué par une réduction de 5 % des crédits de paiements (CP) et de 8 % des autorisations d'engagement (AE).
Ensuite, le programme 159, qui porte les subventions pour charge de service public de plusieurs opérateurs essentiels pour la politique d'adaptation au changement climatique, connaît, à périmètre constant, une augmentation de 10 % des CP et des AE. Cette augmentation est liée uniquement au renouvellement du supercalculateur de Météo France.
Au-delà des crédits budgétaires, des efforts réels mais mesurés sont demandés aux opérateurs de ces deux programmes. Mis à part pour Météo France, les subventions pour charges de service public n'augmentent pas : elles sont stables - voire diminuent de 5 millions d'euros pour le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et de 200 000 euros pour l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).
En matière d'effectifs, le PLF prévoit une diminution de 71 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour l'ensemble des opérateurs, à mettre en regard de leurs effectifs, soit environ 12 000 ETPT.
Les efforts demandés doivent, à mes yeux, s'accompagner de la recherche de synergies supplémentaires entre opérateurs, mais aussi entre opérateurs et ministères. Lors de mon audition de l'IGN, j'ai ainsi été alerté de l'existence de « doublons » entre l'IGN et certains services du cadastre de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Je suis par ailleurs convaincu qu'une politique volontariste de simplification s'impose, afin de permettre que les crédits budgétaires soient orientés prioritairement vers de l'intervention directe.
Je tiens cependant à souligner que, si l'impératif de maîtrise des comptes publics conduit à une pause, pour la deuxième année consécutive, dans la trajectoire de progression des crédits budgétaires consacrés à la biodiversité, cette pause doit être relativisée. En 2026, les crédits du programme 113 seront ainsi supérieurs d'environ 50 % à leur niveau de 2022.
Pour ce qui concerne le programme 113, je souhaite évoquer deux points qui me paraissent essentiels.
La politique de l'eau et la situation des agences de l'eau, tout d'abord : l'article 20 du PLF ajuste certains paramètres de la réforme des redevances de l'eau adoptée en 2023, qui avait pour objectif de mieux répondre aux enjeux de pollution et de raréfaction de la ressource. Il est encore trop tôt pour faire un bilan de cette réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2025. Les dispositions essentiellement techniques figurant à l'article 20 paraissent bienvenues et ne posent donc aucune difficulté.
Le PLF prévoit surtout le relèvement de 50 millions d'euros du « plafond mordant » des agences de l'eau, c'est-à-dire le plafond des taxes et ressources affectées aux agences. C'est, vous le savez, un « marronnier » de nos discussions budgétaires.
Je salue ce relèvement, qui constitue un signal positif. Je regrette cependant qu'il soit en deçà des engagements pris dans le cadre du plan Eau et de la discussion budgétaire de l'année passée, qui prévoyaient un relèvement de 175 millions d'euros.
Les agences de l'eau ont bâti leurs budgets sur la base d'un relèvement plus important du plafond et les comités de bassin - au sein desquels siègent les différents acteurs - ont voté des augmentations des taux de redevances afin de renforcer les investissements, en totale cohérence avec les objectifs du plan Eau.
Nous connaissons tous l'impact de l'action des agences de l'eau dans nos territoires et son importance pour les différents acteurs, notamment pour nos agriculteurs. Par ailleurs, vous savez comme moi que ces agences éprouvent déjà des difficultés à satisfaire toutes les demandes de financement.
Dans ces conditions, le relèvement limité du niveau du « plafond mordant » pourrait conduire à ce que l'augmentation des recettes induite par la hausse des taux vienne alimenter le budget de l'État et que les acteurs ne voient donc que peu d'effets sur les investissements locaux. Comme les années précédentes, je regrette que le principe « l'eau paie l'eau » ne soit toujours pas respecté.
Je comprends l'impératif de redressement des comptes publics, mais je formule le voeu que le PLF de l'année prochaine permette de relever de nouveau le plafond, pour le mettre en conformité avec les engagements du plan Eau.
Permettez-moi de m'attarder maintenant sur la situation de l'Office français de la biodiversité (OFB). La subvention pour charges de service public de l'OFB, qui représente près d'un tiers des crédits du programme 113, est stable en 2026.
Mes travaux préparatoires m'ont permis de faire un point sur les suites données au rapport d'information de notre collègue Jean Bacci sur le bilan de la création de l'OFB. Ce rapport, élaboré dans le contexte de la crise agricole du début de l'année 2024, est jugé positivement par l'OFB lui-même.
Plusieurs propositions ont été reprises, notamment par une circulaire du Premier ministre du 4 novembre 2024 sur la mise en place d'un contrôle unique dans les exploitations agricoles, ou par une circulaire des ministres de la transition écologique et de l'agriculture du 3 décembre 2024 concernant les modalités de contrôle des installations agricoles.
Ces textes prévoient notamment la mise en place, par le directeur de l'OFB, du port d'arme discret par les agents de l'établissement. Autre exemple : à la demande du Gouvernement, le Conseil d'État travaille actuellement sur les possibilités en matière de marge d'appréciation et de proportionnalité dans la mise en oeuvre des normes et sanctions associées, pour en favoriser l'acceptabilité.
Je souhaite pour ma part saluer l'action des agents de l'OFB. Dans la droite ligne des recommandations de notre collègue Jean Bacci, l'Office souhaite renforcer les échanges avec les élus.
Je ne peux pas évoquer l'OFB sans mentionner les parcs nationaux et les propositions de fusion au sein de l'OFB. Ces propositions, qui ne correspondent pas à une demande de ce dernier, ont suscité une vive inquiétude des parcs nationaux, dont j'ai reçu des représentants dans le cadre de mes travaux préparatoires.
Précisons, au préalable, que ces propositions ne visaient pas à supprimer les parcs, mais uniquement leur structure juridique en les intégrant au sein de l'OFB, avec qui une grande partie des fonctions supports est déjà mutualisée. Le PLF ne comprend aucune disposition sur ce sujet : à mes yeux, la seule boussole devant guider les décisions prises doit être le maintien de la proximité et la territorialisation de l'action.
Plus globalement, permettez-moi de souligner que les réflexions relatives à l'avenir des agences et aux éventuelles suppressions ou fusions doivent aboutir rapidement. Comme me l'ont confirmé plusieurs de mes interlocuteurs, le manque de visibilité en la matière freine l'action des opérateurs comme les synergies, pourtant source de potentielles économies.
Je souhaite maintenant évoquer deux aspects de la situation des opérateurs du programme 159. Certains opérateurs de ce programme ont été ou sont encore dans une situation budgétaire tendue. Ils ont pris des initiatives pour se réinventer et faire des économies structurelles. Je tiens à saluer l'inventivité et l'agilité de ces opérateurs, dont il conviendra de suivre la situation avec la plus grande vigilance.
Je pense notamment à l'IGN. Sur l'initiative du Sénat, et notamment des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, Vincent Capo-Canellas et Christine Lavarde, la subvention pour charges de service public de l'établissement a été relevée l'année dernière, pour un montant de 9 millions d'euros dans le cadre du PLF pour 2025. Le montant de la subvention issu de ces amendements est maintenu en 2026, et je m'en réjouis.
L'augmentation de la subvention s'est accompagnée d'initiatives de la part de l'établissement dont le modèle économique a été bouleversé par la mise à disposition gratuite de ses données : outre des économies, il a aussi lancé une politique de conventionnement avec les ministères partenaires, assurant une visibilité et une sécurisation des financements.
Il faut donc soutenir et accompagner cette transformation de l'IGN : je me réjouis à ce titre que la circulaire du Premier ministre du 5 septembre dernier invite les ministères à recourir davantage à ses services en matière de production, d'utilisation et de diffusion de données géolocalisées, c'est-à-dire à adopter une forme de « réflexe IGN ».
Je pense également à la situation du Cerema, dont les collectivités territoriales connaissent et apprécient l'action dans les domaines de l'eau et de la gestion des milieux aquatiques, de la préservation et de la reconquête de la biodiversité, ou encore de l'adaptation du littoral au changement climatique. Le Cerema, qui se positionne désormais comme l'établissement public de référence sur l'adaptation au changement climatique des territoires, pilote par ailleurs depuis 2020 le programme national Ponts, auquel notre commission est particulièrement attachée.
La situation budgétaire du Cerema est, elle aussi, tendue. L'établissement s'est beaucoup réformé, recentrant son activité ou lançant un plan d'économies de 12 millions d'euros en 2025.
Comme je l'exprimais l'année dernière, et le constat reste particulièrement vrai pour l'IGN et le Cerema, il nous faudra demeurer vigilants à ce que l'impératif de maîtrise des comptes publics ne conduise pas à mettre en cause la soutenabilité des opérateurs et de leurs actions, ainsi que le maintien de leur haut niveau d'expertise.
Je tiens, enfin, à souligner une nouvelle fois l'enjeu majeur pour les opérateurs du programme 159 que représente l'intelligence artificielle (IA). Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises lors de mes auditions.
Tant Météo France que l'IGN, ou même le Cerema, soulignent en effet que l'IA va faire évoluer leurs méthodes de travail et qu'elle peut même constituer une véritable révolution. Le recours à l'IA est susceptible de générer des gains de productivité significatifs liés à l'automatisation, et donc des économies, mais également des gains en termes de précision ou de fiabilité.
Les opérateurs ont déjà commencé à s'engager dans cette voie : Météo France a par exemple lancé un nouveau service ayant recours à l'IA pour la prévision du brouillard dans la vallée de la Seine ; en outre, l'IA a permis à l'IGN de réaliser trois fois plus vite, et à un coût deux fois inférieur, la production de l'occupation du sol à grande échelle par rapport aux méthodes précédentes de cartographie.
Comme je l'ai souligné lors de l'audition par notre commission de Monique Barbut, ministre de la transition écologique, il est indispensable d'accompagner les opérateurs pour qu'ils poursuivent sur cette voie et qu'ils puissent prendre le virage de l'IA dans les meilleures conditions possible.
Voilà donc, monsieur le président, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance sur le PLF pour 2026 pour ce qui concerne les programmes 113 et 159.
Sous le bénéfice de ces différentes observations, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Hervé Gillé. - Le sujet de l'eau mérite d'être mis en exergue : si nous étions confrontés à des besoins constants, peut-être que nous pourrions approuver la ligne directrice financière qui est proposée, mais c'est malheureusement loin d'être le cas puisque les besoins d'accompagnement des acteurs vont grandissant compte tenu des problématiques que sont la pollution des eaux, la protection des nappes, la qualité des réseaux - certains matériaux posant de graves problèmes en termes de santé - ou encore la dégradation de la qualité de l'eau potable, la proportion d'eau conforme ayant diminué de 90 % à 85 %.
L'ambition du PLF n'est donc pas à la hauteur de problématiques de plus en plus lourdes qui se font jour et qui posent des problèmes de santé. Alors que nous connaissons une situation inquiétante sur le plan sanitaire, les crédits sont insuffisants, notamment dans le cadre du douzième programme que les agences de l'eau tentent de mettre en oeuvre, alors qu'elles ont déjà subi d'importantes coupes budgétaires et des reprises sur trésorerie.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Je partage ce diagnostic, et la conclusion de notre collègue l'amènera peut-être à déposer un amendement de relèvement du plafond. Le débat pourra avoir lieu en séance publique.
Mme Nicole Bonnefoy. - La baisse extrêmement forte des crédits du fonds vert ne peut pas être occultée.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Il ne relève pas du périmètre de mon rapport pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy. - Certes, mais il concerne aussi les politiques de préservation de la biodiversité.
M. Jean-François Longeot, président. - J'avais évoqué le sujet avec la ministre Françoise Gatel la semaine précédente : à force d'ajouter de nouvelles politiques, on finit par s'apercevoir que les crédits disponibles sont insuffisants. Les élus avaient commencé à s'approprier le fonds vert, dispositif relativement souple qui venait compléter certaines politiques. Le couperet qui vient de tomber sur ce fonds doit nous conduire à nous interroger sur les nouvelles politiques que nous déployons.
Mme Marie-Claude Varaillas. - De la même manière, il n'est pas envisageable d'occulter la suppression de vingt-cinq ETPT au sein du Cerema ; nous pouvons aussi regretter la disparition des crédits du programme qui soutenait des centaines de projets portés par les collectivités afin de restaurer les zones humides et de réaménager les cours d'eau.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie ». - Je salue la qualité du rapport de Guillaume Chevrollier. Le programme 159 abrite les trois « grands malades » que sont Météo France, l'IGN et le Cerema : nous avons réussi à stabiliser la situation du premier, avec le renouvellement du supercalculateur pour cette année.
S'agissant de l'IGN, le fait qu'aucune marge de manoeuvre n'existe dans le cadre du programme 159 a nécessité, l'année dernière, que Christine Lavarde accepte de nous permettre de récupérer, sur les crédits qu'elle suit, 5 millions d'euros que nous avons fléchés vers le programme 159, le Gouvernement regardant ailleurs - si j'ose dire - à ce moment-là.
En difficulté avec l'open data, l'IGN a fourni des efforts, en précisant que nous avions déjà négocié âprement une augmentation de sa subvention dans le cadre du projet de loi de fin de gestion, ce combat ayant permis de « rebaser » celle-ci. Grâce à ces initiatives du Sénat, la situation de l'IGN s'est relativement améliorée.
Ma véritable inquiétude concerne le Cerema : le rapport d'information que je lui ai consacré en juillet 2025 a montré que cette structure sera à court de trésorerie en 2027, les mêmes causes produisant les mêmes effets puisque plusieurs tutelles s'observent sans oser prendre l'initiative. Comme l'a justement souligné le rapporteur pour avis, le Cerema a conduit de nombreuses réformes et se retrouve dans la position d'un bon élève que l'on punit, ce qui est proprement sidérant, d'autant que sa subvention a diminué de 20 %.
Le débat, au fond, se résume à une question : souhaitons-nous conserver une ingénierie publique pointue, qui permette d'intervenir lorsque des drames tels que celui de Mayotte surviennent ? Quel établissement mobiliserons-nous en cas d'effondrement d'un pont ou d'une route dans une vallée ? Nous avons besoin de ces savoir-faire : prenons donc garde à ce qu'ils ne s'étiolent pas.
Pour le reste, je partage les conclusions du rapporteur pour avis.
M. Ronan Dantec. - Le Cerema assume une mission d'ingénierie publique de l'adaptation au changement climatique et jouera un rôle essentiel dans les années à venir face à la montée en puissance des demandes des collectivités : réduire ses moyens d'action revient à se tirer une balle dans le pied. S'il est nécessaire de trouver des recettes supplémentaires, il me semble qu'il reste quelques possibilités permettant de répondre à l'ensemble des enjeux.
M. Michaël Weber. - Il s'agit bien d'un débat de fond sur la valeur que nous accordons à l'ingénierie, trop souvent considérée comme une dépense de fonctionnement et non comme un investissement, ce qui est une erreur d'analyse.
Les territoires, confrontés à des situations de plus en plus complexes, ont besoin d'un accompagnement, ce qui me fait dire qu'il existe une erreur d'appréciation à la fois sur les conséquences budgétaires et les stratégies d'accompagnement que nous pouvons déployer.
M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens à saluer notre nouvelle collègue, Marie-Pierre Mouton, à qui je souhaite la bienvenue.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'appuie les propos de notre collègue Vincent Capo-Canellas sur le Cerema et la menace pesant sur l'ingénierie publique : si cette dernière disparaît, le champ sera libre pour une ingénierie liée aux intérêts privés.
Mme Nicole Bonnefoy. - Cette ingénierie est essentielle, comme nous avons pu le constater avec les dispositifs « Action coeur de ville » et « Petites Villes de demain ». La faiblesse du Cerema et les difficultés de collecte de la taxe d'aménagement ne permettent guère de soutenir l'ingénierie publique, gratuite et locale fournie par les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Ces constats ne sont pas de bon augure pour l'accompagnement des collectivités à l'adaptation au changement climatique, car les plus petites d'entre elles, en particulier, ne seront pas en mesure d'agir sans appui.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Paysages, eau et biodiversité » et « Expertise, information géographique et météorologie ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux politiques des territoires - Examen du rapport pour avis
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires. - J'ai l'honneur de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires au sein des missions « Cohésion des territoires » et « Relations avec les collectivités territoriales », inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
L'examen de ces crédits intervient à l'approche d'une séquence charnière en matière d'aménagement du territoire. En effet, l'année qui se profile correspondra au terme qui avait été fixé pour la quasi-totalité des instruments contractuels et des programmes nationaux sur lesquels s'appuie l'action publique en matière de cohésion des territoires. Nous arrivons pour ainsi dire à la fin d'un cycle qui avait commencé au moment de la pandémie du Covid-19 et de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), et qui s'achèvera dans un contexte budgétaire dont nous mesurons tous le caractère difficile et contraint.
Aussi, j'ai entrepris, au cours de mes travaux, de compléter l'analyse des crédits d'un point de vue purement budgétaire par une analyse plus fonctionnelle des outils et des leviers d'action mis en place et mobilisés depuis cinq ans en termes d'aménagement du territoire.
Mes conclusions s'articulent autour de deux axes, qui correspondent aux deux modalités de soutien aux territoires qui sont détaillées dans ce PLF : tout d'abord, le soutien en matière de dotations ; ensuite, le soutien en matière d'ingénierie.
En ce qui concerne les dotations, ce que prévoit le PLF constituerait une « petite révolution ».
L'article 74 prévoit la fusion de trois dotations : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Ces dotations seront regroupées au sein d'un fonds unique, le fonds d'investissement pour les territoires (FIT).
Cette mesure procède d'une louable volonté de simplification. Toutefois, elle modifie substantiellement les critères d'attribution des dotations. Je suis très inquiet sur ce point - un peu moins, certes, depuis l'audition de la ministre qui a évoqué la perspective de maintenir le fonctionnement actuel - et ce d'autant plus que cette petite révolution n'est associée à aucune étude d'impact.
Ma principale inquiétude est liée au maintien du soutien au monde rural. En effet, rien n'est prévu pour conserver l'équilibre qui caractérise le système actuel de dotations. Sur le périmètre du nouveau fonds, les proportions seraient les suivantes : 65 % de l'enveloppe correspondraient à celle de la DETR, 26 % à celle de la DSIL et 9 % à celle de la DPV.
Aucun mécanisme ne garantit que les proportions financières qui étaient associées respectivement aux dotations fusionnées seront préservées.
Le principe même de la DETR était de sanctuariser une enveloppe annuelle de plus d'un milliard d'euros pour la flécher vers le soutien au monde rural. Cette enveloppe globale n'augmentera pas - c'est d'ailleurs l'inverse, nous y reviendrons -, mais la typologie des communes qui pourraient y être éligibles sera démultipliée, en y ajoutant les communes « marquées par des difficultés urbaines » et « d'autres collectivités, par exception ».
Aussi, le risque est évident que cette fusion s'effectue au détriment du niveau de soutien au monde rural ; la refonte des critères d'éligibilité à ce nouveau fonds revient à mettre en place une nouvelle définition de la ruralité qui exclut plusieurs milliers de communes aujourd'hui éligibles à la DETR.
J'avais prévu de vous proposer un amendement qui formulait une proposition alternative : en lieu et place de la fusion envisagée entre la DETR, la DSIL et la DPV, il s'agissait de rapprocher uniquement la DETR et la DSIL et de maintenir une dotation spécifique aux communes rurales. En accord avec la ministre, la commission des finances propose de conserver la dénomination actuelle, en distinguant la DETR, la DSIL et la DPV, ce qui me conduit à retirer cet amendement.
Le montant des dotations de soutien à l'investissement des collectivités, quant à lui, accuse cette année une baisse de 12,5 %, soit plus de 200 millions d'euros. La justification avancée pour cette chute est liée à l'effet attendu du cycle électoral sur les investissements locaux.
Toutefois, je nous invite collectivement à la vigilance lors du prochain exercice budgétaire : il ne s'agirait pas que cette trajectoire soit prolongée en 2027, alors que l'effet attendu du cycle électoral sur les investissements locaux sera précisément inverse et que les nouveaux exécutifs locaux auront besoin de soutien pour la mise en place de leurs projets de début de mandat.
J'en viens maintenant à la deuxième partie de mon exposé, consacrée au soutien apporté aux territoires via des programmes nationaux et des dispositifs d'ingénierie.
J'en profite pour saluer le succès d'un programme phare en matière de cohésion des territoires : les maisons France Services (MFS). Celles-ci réalisent chaque mois plus d'un million d'accompagnements pour des démarches diverses et variées. Elles sont en avance sur leurs objectifs pour 2026 en termes de qualité, de délais et de niveau de fréquentation. Il s'agit d'une belle réalisation collective, et j'insiste sur ce dernier terme. En effet, j'ai pu constater lors de mes travaux que le Gouvernement avait fait des annonces en la matière, mais que le financement de ces dernières reposait en réalité sur une accélération de l'effort financier des collectivités, des porteurs de projets et des partenaires tels que La Poste ou France Travail.
Le Président de la République a ainsi annoncé cet été la création de 200 MFS supplémentaires à l'horizon 2027. Les crédits dédiés au dispositif demeureront toutefois stables, à hauteur de 68 millions d'euros. La direction générale des collectivités locales (DGCL) m'a ainsi indiqué que, au vu des crédits ouverts, il ne sera pas possible de lisser l'effort pour atteindre cette cible en 2027, et qu'une soixantaine de MFS seulement pourraient être ouvertes. En toute logique, les crédits correspondants devront être augmentés l'année prochaine pour financer les 140 MFS manquantes. Il s'agit donc d'une affaire à suivre...
J'en viens désormais à ce qui est devenu depuis 2020 le principal mode d'intervention de l'État en matière d'aménagement du territoire, à savoir le soutien en ingénierie. Depuis la création de l'ANCT, les outils et programmes créés ne fonctionnent plus que selon ce principe.
Nous sommes, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, à la fin d'un cycle, avec l'imminence du terme annoncé pour les programmes Action coeur de ville, Petites Villes de demain » (PVD), Villages d'avenir et Territoires d'industrie. La concomitance de ces échéances rend d'autant plus nécessaire la réflexion sur l'« après-2026 ». Cependant, le PLF ne tranche pas cette question et ne permet pas d'appréhender les grandes tendances de l'héritage de ces programmes.
En ce qui concerne PVD et Villages d'avenir, les crédits sont reconduits à l'identique, à hauteur respectivement de 11 millions d'euros et de 8 millions d'euros de soutien au financement des postes de chefs de projet. Pour PVD, il s'agit même d'une prolongation, car ce programme devait prendre fin cette année.
En ce qui concerne les autres programmes, certains sont si fortement mis à contribution dans l'effort de restriction budgétaire que se pose la question de la pertinence de leur maintien au vu du caractère désormais symbolique de leur enveloppe : tel est le cas des programmes Nouveaux lieux, nouveaux liens - 700 000 euros, soit une baisse de 72 % par rapport à 2025 - et du programme Territoires d'industrie - 3 millions d'euros, soit une baisse de 46 %.
Si le PLF pour 2026 ne tranche rien, le PLF suivant ne pourra pas faire l'économie de cette réflexion stratégique sur ce que seront les outils et leviers à mobiliser pour le prochain cycle en matière de cohésion des territoires.
Je formulerai quant à moi le souhait suivant : au vu du contexte budgétaire, il serait efficient de capitaliser sur les réussites des précédents outils - comme nous l'avons proposé avec ma collègue Nicole Bonnefoy en ce qui concerne PVD - et l'essaimage des acquis du programme à une échelle territoriale plus vaste, au sein des « Territoires de demain ».
Toutefois, en ce qui concerne les suites à apporter à l'actuel soutien en ingénierie, je souhaite, en guise de dernière observation, vous informer d'un point qui a retenu mon attention. Il s'agit du recours de l'ANCT à des prestations externalisées en matière d'ingénierie territoriale, au travers de marchés nationaux à bons de commande. En 2024, ce sont ainsi 30 millions d'euros, soit plus du quart de la subvention pour charges de service public de l'Agence, qui ont été dédiés à l'achat de prestations auprès de cabinets de conseil privés.
Le recours à ces prestations externes peut fragiliser les réseaux publics locaux existants, qui sont bien au fait des spécificités locales des territoires, tels que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), les agences locales d'urbanisme ou les agences techniques départementales. J'estime que, dans la situation actuelle de nos finances publiques, l'efficience est davantage à rechercher dans l'existant, le local et ce qui est déjà opérationnel, plutôt que dans des prestations souvent onéreuses, standardisées et lentes à mettre en place.
Je suis donc favorable à ce qu'il soit mis fin à ce mode d'intervention, et à ce que l'enveloppe correspondante soit fléchée vers le soutien direct à l'ingénierie territoriale des collectivités, ce qui correspondrait à une décentralisation efficace et souhaitable de ce mode d'intervention.
Voilà donc les éléments que je souhaitais porter à la connaissance de notre commission sur le PLF pour 2026 pour ce qui concerne les crédits dédiés à l'aménagement du territoire au sein des missions « Cohésion des territoires » et « Relations avec les collectivités territoriales ».
Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Simon Uzenat. - Je remercie le rapporteur pour le travail réalisé et la constance de ses prises de position.
Pour ce qui est de la fusion annoncée des différentes dotations dans un grand fonds, les garanties apportées par notre ancienne collègue devenue ministre n'enlèvent rien au fait que de réels doutes subsistent quant à la valeur de la parole de l'État. L'évolution du programme 112 l'illustre : les baisses drastiques intervenues en 2025 ne sont ainsi que partiellement compensées par une hausse sur la section locale du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Il faut le redire ici : les 43 millions d'euros en crédits de paiement doivent être mis en regard des 100 millions d'euros qui ont été retirés en 2025, notre collègue Bernard Delcros, tout comme le rapporteur de notre commission, confirmant l'existence d'un manque de financement de plus de 20 millions d'euros. De la même manière, la section générale du FNADT accuse une chute très nette, avec 12 millions d'euros en autorisations d'engagement et 15 millions d'euros en CP.
Pour rappel, la section locale du FNADT porte la politique contractuelle autour des contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER) et des contrats de plan État-région (CPER). Or, comme en 2025, aucun moyen n'est prévu pour finaliser les CPER sur la période 2015-2020, ce qui met une fois de plus en cause la fiabilité de la parole de l'État : alors que les collectivités ont respecté leur part du contrat, l'État est incapable de faire de même cinq ans après.
On note, par ailleurs, une diminution des CP de plus de 2 millions d'euros pour le plan France Ruralités, tandis que les modalités de mise en oeuvre de la prolongation de PVD ne sont pas précisées. S'agissant du déploiement des MFS, l'objectif n'est atteint qu'à hauteur de 40 %, sans oublier un reste à charge très important pour les collectivités et bien éloigné des 50 % annoncés, en particulier dans les zones France ruralités revitalisation (ZFRR), malgré le bonus de 10 000 euros proposé par le Gouvernement.
S'ajoute à cette liste une baisse de la dotation de l'ANCT à hauteur d'un million d'euros, après une réduction de 20 % déjà intervenue en 2025 et surtout un plafond d'emplois ramené à un niveau très inquiétant - 30 emplois sont supprimés. De surcroît, seuls 650 projets ont été accompagnés contre 800 l'an passé, ce qui était déjà un niveau faible.
Enfin, la parole de l'État n'est pas non plus respectée en matière de tiers lieux : alors que nous avions voté un amendement visant à abonder la ligne correspondante, les crédits ont été gelés en cours d'année ; avec la réduction de l'enveloppe à 700 000 euros programmée en 2026, il est bien question d'une quasi-disparition de ce dispositif, qui a pourtant fait ses preuves, notamment dans les territoires ruraux.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas en faveur de ces crédits.
M. Ronan Dantec. - Si je salue l'analyse du rapporteur, il me semble qu'elle aurait dû déboucher sur un appel à rejeter les crédits : sa conclusion m'a surpris et nous voterons donc contre ces derniers.
Plus globalement, il paraît malaisé d'analyser les enjeux liés à la DSIL et à la DETR sans aborder le fonds vert, alors que les commissions départementales les appréhendent de manière groupée, ce qui paraît justifié tant il existe un système de vases communicants entre ces trois dispositifs.
La baisse principale affecte bien le fonds vert ; en l'additionnant à celles intervenant sur la DSIL et la DETR, on arrive à des sommes extrêmement importantes dont l'effet récessif sera évident dans les territoires. Appelé à frapper de plein fouet le tissu des PME rurales, ce budget ne me paraît pas soutenable, sans oublier le fait que nous ne respecterons pas nos objectifs climatiques - c'était déjà le cas l'an passé - en réduisant ainsi les moyens alloués à l'accompagnement des territoires.
Nous devons avoir une discussion sur le maintien de l'ensemble de l'enveloppe - DETR, DSIL et fonds vert - dans la mesure où plusieurs centaines de millions d'euros manquent à l'appel. Il nous faut trouver une recette, mais j'ignore si nous sommes encore capables de trouver des consensus et des accords au sein de notre assemblée, les derniers ayant été passés il y a au moins deux ans, c'est-à-dire une éternité.
Parmi les recettes possibles, la différence de taxation entre le gaz et l'électricité est aberrante et conduit à ce que le premier soit plus concurrentiel que la seconde, malgré son impact sur le climat : nous pourrions explorer cette piste et affecter cette recette au fonds vert, à la DSIL et à la DETR, au bénéfice des territoires.
J'ajoute que je ne comprends pas la volonté de l'État d'ajouter la DPV au sein du FIT, car cela n'a aucun sens. Tâchons de nous mettre d'accord pour maintenir les dotations aux territoires, essentielles pour le tissu économique et le respect de nos engagements climatiques.
M. Cédric Chevalier. - Ce projet de FIT m'interroge : alors que les maires ont besoin de visibilité et de stabilité, l'ajout d'un nouveau dispositif dont on ignore les critères et le caractère fermé des enveloppes en jeu risquent de favoriser les projets de communes d'une certaine taille. Malgré les garanties apportées par la ministre, ce flou peut inquiéter et je préférerais que nous ayons une véritable discussion sur les dotations dans le cadre des budgets suivants.
Il me semble qu'un « serrage de vis » est à l'oeuvre sur les projets des petites communes : la DETR porte bien une notion de ruralité et sa disparition risquerait de léser les petites communes.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Je tiens à évoquer le fonctionnement choquant des commissions préfectorales de la DETR, qui ne sont guère que des chambres d'enregistrement dans la mesure où elles n'examinent que les dossiers déjà attribués par les services préfectoraux pour des projets d'un montant supérieur à 100 000 euros, les projets d'un moindre montant n'étant pas accessibles.
Je rappelle que nous avions suggéré l'an dernier de réduire ce seuil à 50 000 euros : comment pouvons-nous, en tant que sénateurs, défendre nos électeurs et nos maires ruraux si nous ne pouvons pas accéder aux dossiers en amont ? Je vous invite donc, monsieur le rapporteur pour avis, à évoquer de nouveau ce point en séance.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis. - La DSIL et la DETR représentent désormais l'essentiel du financement des communes et sont vitales pour les investissements futurs. Compte tenu du fait que 2026 est une année électorale, le Gouvernement table sur des investissements moindres : je lui accorde le bénéfice du doute et table sur le fait qu'il est question d'une position conjoncturelle, mais il faudra surveiller ce point dans le cadre de l'élaboration du budget pour 2027 et s'assurer que les dotations reviennent au niveau requis pour engager des investissements importants.
S'agissant des CPER, la DGCL a évoqué une sous-consommation des enveloppes, d'où la diminution des crédits correspondants.
Enfin, la proposition de création d'un FIT n'est pas idiote, à la condition de s'assurer que le préfet de département - et non plus le préfet de région - prenne la décision, en lien avec la commission départementale ou locale. Afin d'éviter des modifications à la veille des élections, il paraît plus simple de conserver la DETR et la DSIL telles qu'elles existent : tel est le souhait de la commission des finances, auquel je souscris.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux politiques des territoires des missions « Cohésion des territoires » et « Relations avec les collectivités territoriales ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux transports aériens - Examen du rapport pour avis
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports aériens. - Monsieur le président, mes chers collègues, sans être désobligeant vis-à-vis de mes précédents collègues, je vous propose de prendre un peu de hauteur en étudiant le rapport pour avis au projet de loi de finances (PLF) pour 2026 sur les crédits relatifs au transport aérien.
Je vous présenterai tout d'abord les principaux enjeux concernant le budget de l'administration chargée du contrôle aérien français, la direction générale de l'aviation civile (DGAC), avant d'en venir aux questions de décarbonation du secteur et de pollution sonore. Il est bien question de pollution, plutôt que de « nuisances », comme l'ont bien mis en avant Guillaume Chevrollier et Gilbert-Luc Devinaz dans leur rapport d'information du 25 juin dernier intitulé Prévenir l'exposition au bruit lié aux transports : une politique publique à mettre en musique.
Je commence donc par le contrôle aérien français. Le trafic aérien français est dynamique et devrait dépasser en 2025 son niveau de 2019. Les taxes et redevances perçues par la DGAC étant assises sur le niveau de trafic, il en résulte une augmentation de leur produit.
Une telle situation permet à la DGAC d'accélérer sa trajectoire de désendettement. La chute du trafic et des recettes pendant la crise sanitaire avait en effet généré un lourd endettement du contrôle aérien français, à hauteur de 2,7 milliards d'euros à son point le plus haut. Une trajectoire de désendettement a donc été définie dès la sortie de la crise sanitaire. En 2026, la DGAC vise à atteindre une dette de 1,34 milliard d'euros, ce qui était initialement l'objectif visé pour fin 2027. Je salue donc la rapidité de ce remboursement de la dette.
Cette trajectoire aurait pu être encore plus rapide si la hausse du trafic aérien en France avait été du même niveau que dans le reste de l'Union européenne. Or, après une croissance dynamique aux deux premiers trimestres, elle patine au troisième trimestre, ce qui n'est pas le cas chez nos principaux voisins. La DGAC a récemment publié une étude pour en comprendre les causes. Le premier facteur pourrait être notre croissance économique, plus faible cette année que la moyenne européenne.
La hausse du tarif de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) versé par les compagnies aériennes, prévue par la loi de finances pour 2025, pourrait aussi jouer un rôle dans cette évolution. Pour la DGAC, cela s'observerait notamment pour l'activité d'EasyJet. Cette situation doit nous conduire à la plus grande prudence : le transport aérien, disais-je l'année passée, n'est pas une poule aux oeufs d'or, pour reprendre l'expression de l'écrivain picard Jean de La Fontaine !
Je reviens plus directement à la situation de la DGAC. L'administration reconnaît elle-même que « la France est le pays qui génère le plus de retards en Europe ». Cette situation s'explique par plusieurs facteurs : outils techniques obsolètes, organisation du travail insuffisamment efficiente, manque d'effectifs, conflictualité sociale.
Les systèmes techniques utilisés par le contrôle aérien français sont obsolètes. Devant ce constat, la DGAC a entamé un programme de modernisation, dont les coûts ont connu une forte dérive, dénoncée par plusieurs rapports de notre collègue Vincent Capo-Canellas et de la Cour des comptes.
Ces projets sont cependant enfin en voie d'aboutissement. Accélérer le déploiement de ces nouveaux systèmes est un impératif, car ils permettent de réaliser des gains de sécurité et de productivité marqués. La trajectoire de désendettement de la DGAC ne doit donc pas se faire au détriment de nécessaires investissements d'avenir, afin d'améliorer la qualité du service rendu aux compagnies aériennes et à leurs passagers.
Investir pour l'avenir, c'est aussi recruter de nouveaux contrôleurs. On constate déjà actuellement que le manque d'effectifs engendre de nombreux retards lors des pics de trafic. Or la DGAC va connaître une vague de départs à la retraite de contrôleurs aériens entre 2029 et 2034 : environ 1 000 départs auront lieu, soit un quart des effectifs. Compte tenu du temps de formation des contrôleurs aériens, des élèves contrôleurs doivent d'ores et déjà être recrutés. Les effectifs de contrôleurs, en prenant en compte ces élèves, progresseront de 110 emplois équivalents temps plein (ETPT) en 2026. Il me semble indispensable de renforcer l'effort de recrutement d'élèves contrôleurs aériens dans les prochaines années. Les recrutements en cours ne permettront pas, en effet, de compenser l'intégralité des départs à la retraite.
La DGAC a également lancé un programme de rationalisation de ses emprises territoriales afin de mieux maîtriser ces coûts et de renforcer la résilience du service rendu. Elle s'est fixé l'objectif de fermer vingt à vingt-cinq tours de contrôle d'ici à 2034, réparties en trois vagues - 2028, 2031 et 2034. La première vague, avec un retrait en 2028, concerne les aéroports d'Agen, de Colmar, de Merville, de Quimper, de Saint-Étienne et d'Albert-Bray.
Selon la DGAC, le retrait du contrôle ne signifie pas la fermeture de l'aérodrome, car un service d'information de vol et d'alerte (Aerodrome Flight Information Service, Afis) peut être mis en place par l'exploitant pour un coût moyen compris entre 150 000 euros et 200 000 euros par an, contre 1 million d'euros à 1,5 million d'euros par an pour un service de contrôle classique. Cette réorganisation était probablement nécessaire, même si elle a légitimement suscité des grincements de dents, car elle mène à un transfert des coûts du contrôle aérien de la DGAC vers les exploitants des aéroports, c'est-à-dire les collectivités territoriales propriétaires des équipements aéroportuaires. J'appelle donc à une prise en charge pérenne des services Afis déployés en remplacement du service de contrôle classique.
J'en viens maintenant à la nécessaire défense d'une trajectoire ambitieuse de décarbonation du secteur aérien.
Le premier moyen de décarbonation du transport aérien est la réduction de la consommation de carburant par les aéronefs. La filière aéronautique française et européenne, notamment Airbus et le motoriste Safran, a lancé un programme d'avion ultrafrugal, à échéance 2035. Cette nouvelle génération d'aéronefs pourrait consommer 30 % de carburant en moins que les appareils actuellement en circulation. Ce programme est une opportunité de pérenniser l'excellence industrielle française en aéronautique, dans un contexte concurrentiel particulièrement fort, et de participer à la décarbonation de l'ensemble de l'aviation mondiale.
Afin d'accompagner l'effort de recherche et développement de l'ensemble de la filière, le président de la République s'est engagé en juin 2023 à ce que l'État apporte un soutien annuel de 300 millions d'euros à la filière via le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac). Un tel niveau de soutien est indispensable pour préparer l'ensemble des « briques technologiques » qui seront mobilisées pour réaliser cet aéronef. Cependant, le PLF actuel ne prévoit que 235 millions d'euros de financements à destination du Corac, dont uniquement 50 millions d'euros sont sécurisés. Les 165 millions d'euros restants, qui relèvent du programme d'investissement France 2030, doivent en effet être consolidés en cours de gestion budgétaire.
Pour corriger cette situation inacceptable, je vous proposerai deux amendements.
Le deuxième moyen de décarboner le transport aérien est le développement des carburants d'aviation durables (CAD). Le règlement européen ReFuel EU Aviation prévoit que les compagnies aériennes doivent incorporer des CAD dans leur carburant à hauteur de 2 % en 2025. Cet objectif devrait être atteint, mais les obligations iront croissant jusqu'en 2050, date à laquelle les compagnies devront incorporer 70 % de CAD.
La filière française de CAD ne répond pas à l'intégralité de la demande des compagnies, qui sont contraintes d'importer une partie du carburant utilisé. Cette situation pourrait s'accentuer dans les années à venir, notamment à partir de 2030, quand les compagnies devront incorporer des CAD synthétiques produits à partir d'électricité bas-carbone. Ces obligations d'incorporation de CAD peuvent constituer une opportunité industrielle, et il est indispensable d'accompagner la mise en oeuvre de projets de production de CAD, notamment synthétiques, sur notre territoire. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
J'en viens enfin au sujet essentiel de la pollution sonore causée par le transport aérien. Mieux protéger les riverains est un impératif de santé publique et d'équité sociale et territoriale.
Afin de protéger les riverains des aéroports, en application du principe de « pollueur-payeur », les compagnies sont redevables de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), qui permet de financer l'insonorisation des logements à proximité des aéroports.
Depuis plusieurs années, les dépenses d'insonorisation sont inférieures aux recettes, si bien qu'une trésorerie de TNSA a été constituée. Cette situation s'explique notamment par le plafonnement de l'aide à l'insonorisation à 80 % de son coût. Le reste à charge est en effet trop important pour des riverains appartenant souvent à des publics défavorisés. À l'inverse, lorsque le reste à charge a été supprimé entre 2012 et 2014, de très nombreuses demandes ont été déposées. Dans leur rapport d'information, Guillaume Chevrollier et Gilbert-Luc Devinaz ont d'ailleurs recommandé (proposition n° 3) de réduire le reste à charge pour les riverains, de rouvrir le droit à insonorisation pour les locaux dont le dispositif d'insonorisation s'est dégradé dans le temps et d'élargir le nombre de locaux éligibles.
Le Gouvernement propose au contraire de prélever environ 80 millions d'euros de trésorerie du fonds de TNSA des riverains des plateformes franciliennes - Paris-Orly, Paris-Charles de Gaulle et Le Bourget. Il entend également plafonner à 40 millions d'euros l'affectation au financement des programmes d'insonorisation du produit de TNSA, qui devrait être d'environ 48,8 millions d'euros en 2026. Ce double détournement de son objet - du stock et du flux - de la TNSA est pour moi une faute morale envers les riverains des aéroports.
La sous-utilisation du produit de TNSA ne doit en effet pas conduire à en dénaturer l'affectation, mais à élargir et assouplir ses conditions d'utilisation, afin de mieux protéger la santé de nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables d'entre eux. Toutefois, l'État ayant abondé à hauteur de 20,8 millions d'euros le fonds de TNSA des plateformes franciliennes, je vous propose que cette somme soit reversée au budget général de l'État.
Je vous soumettrai donc un amendement en ce sens, ainsi qu'un second visant à supprimer l'affectation partielle du produit de TNSA au budget général de l'État.
Mes chers collègues, j'espère que nous pourrons remettre le budget du transport aérien sur de bons rails cette année !
M. Ronan Dantec. - Je voterai avec enthousiasme en faveur des derniers amendements, le hold-up projeté par l'État n'ayant aucun sens, sauf à vouloir rendre encore plus insupportable la proximité d'un aéroport pour les riverains.
Pour le reste, nous avons encore plusieurs désaccords. J'ai bien noté la pleine mobilisation de la majorité sénatoriale pour rééquilibrer le budget de la France : de ce point de vue, je crois que nous pouvons nous féliciter collectivement des combats menés en faveur d'une TSBA forte, qui rapportera cette année près de 1,5 milliard d'euros au budget de la France.
Cette taxe n'explique pas la stagnation du trafic, car elle existe également chez nos voisins. Par ailleurs, quelques niches subsistent, le fret échappant ainsi totalement à la « taxation climat » alors que les colis de Shein empruntent ce chemin : il faudrait remédier à cet état de fait en instaurant un niveau raisonnable de taxation, ce qui serait également favorable pour notre balance commerciale.
J'en viens à notre désaccord principal : alors que nous sommes confrontés à d'importantes réductions de la DETR et de la DSIL, encore heureux que nous ne gaspillions pas 300 millions d'euros pour inventer un carburant qui coûtera cinq fois plus cher que le kérosène et qui placerait l'aviation européenne en situation de faillite !
Il est bien question d'un non-sens absolu, car aucune perspective sérieuse n'existe pour les carburants synthétiques et les biocarburants : si nous voulions que l'intégralité de notre aviation vole avec des biocarburants, il faudrait y consacrer la totalité de la surface agricole utile française, ce qui suffirait à peine ! Investir 300 millions d'euros dans la recherche pour une telle impasse représente un véritable gaspillage d'argent public, et je pense que l'État commence à s'en rendre compte, même s'il faudra continuer le combat.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je rappelle tout d'abord que le secteur aérien représente un million d'emplois en France, 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires et surtout 30 milliards d'euros d'excédent commercial, alors que tous les autres secteurs, à l'exception du luxe, sont déficitaires.
Ensuite, la composition du public qui prend l'avion est intéressante : une étude de l'Ifop menée en 2023 montre que 51 % des usagers sont des femmes et que 45 % des voyageurs sont âgés de 15 ans à 35 ans. En outre, les CSP+ sont en retrait, tandis que les retraités et les étudiants représentent respectivement 8 % et 14 % des usagers.
L'avion est souvent utilisé pour des motifs de loisirs - dans 51 % des cas -, tandis qu'un quart des déplacements vise à retrouver de la famille et des amis ; les déplacements professionnels, quant à eux, sont en fort repli et ne représentent plus que 19 % des vols. J'ajoute que les Français utilisent l'avion pour des vols internationaux dans 94 % des cas, les vols domestiques étant quant à eux en forte baisse avec 6 millions de passagers en moins depuis 2019.
En termes d'activité, enfin, le secteur aérien retrouve en 2025 son niveau de 2019, mais alors que l'offre de sièges progresse de 4,5 % au niveau européen, elle n'augmente que de 1,5 % en France, ce qui doit nous interroger.
Je souscris aux amendements portés par Stéphane Demilly : il faut absolument décarboner ce secteur et donc encourager le renouvellement de la flotte comme l'utilisation de carburants durables, ainsi que le développement de la filière de production de ceux-ci.
Il faut, de plus, que l'enveloppe du Corac retrouve le niveau initialement prévu, car c'est grâce à la recherche que nous pourrons accentuer la décarbonation de ce secteur.
Pour en revenir aux conséquences sonores du transport aérien, le rapport d'information rédigé par Guillaume Chevrollier et moi-même emploie bien l'expression « pollution sonore » et non plus de « nuisances sonores », tant les conséquences sur la santé des riverains sont importantes.
Je pensais que l'Assemblée nationale avait supprimé l'article 43 : s'il devait être réintégré, nous déposerions un amendement de suppression.
Pour ce qui concerne le fait de rendre 20,8 millions d'euros à l'État, il faut formaliser le fait qu'Aéroports de Paris (ADP) accepte de prendre en charge le reste à charge pour les riverains, seul un engagement verbal ayant été pris à ce stade.
Enfin, tous les acteurs du transport aérien doivent faire des efforts afin de faire avancer la décarbonation et de réduire la pollution sonore, y compris le secteur des vols de loisir et les vols privés.
Mme Nicole Bonnefoy. - Dans mon département de la Charente, l'entreprise Verso Energy investit 2,2 milliards d'euros afin de produire du carburant vert pour l'aviation dans le cadre d'un projet intitulé « LiCHEN ». Celui-ci prévoit la construction d'une usine pour combiner l'hydrogène issu des eaux de la Vienne et le CO2 rejeté par une papeterie voisine, afin de développer un carburant vert à l'horizon 2030. Il serait sans doute intéressant pour notre commission de recevoir des représentants de cette entreprise.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Je partage tout à fait l'avis de Ronan Dantec concernant le hold-up prévu par l'État sur la TNSA : il faudra être solidaires pour éviter que les sommes correspondantes soient affectées à un objectif qui n'était pas celui prévu à l'origine.
Pour ce qui est de la TSBA, la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam) estime qu'elle a entraîné une chute du nombre de voyageurs se rendant en France de l'ordre de 3,5 millions, et des pertes de dépenses sur le sol français à 2,3 milliards d'euros. Toujours selon la Fnam, l'État aurait perdu 800 millions d'euros de recettes fiscales touristiques, c'est-à-dire l'équivalent de ce qu'aurait dû rapporter la TSBA.
Cette taxe a donc des répercussions, y compris dans les territoires puisque le PDG de Ryanair, Michael O'Leary, a mis ses menaces à exécution en réduisant son offre de sièges de 13 % à 15 % pour la France, tandis que les dessertes de Brive-la-Gaillarde, de Bergerac et de Strasbourg ont été fermées ; faisons donc attention aux conséquences de la fiscalité.
S'agissant des CAD, dont la première génération sera bien sûr confrontée à des limites naturelles, il nous faudra encourager le développement des carburants synthétiques.
En outre, je remercie Gilbert-Luc Devinaz d'avoir rappelé le poids économique du secteur aérien. Je précise que le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) regroupe 525 membres, emploie 222 000 salariés directs et génère une dynamique de recrutements comprise entre 25 000 et 30 000 emplois par an. En 2023, Airbus a effectué 17 milliards d'euros d'achats auprès de 3 400 entreprises françaises, chaque avion nécessitant 3 à 4 millions de pièces, dont l'essentiel est heureusement produit en France.
Enfin, madame Bonnefoy, je suis intéressée par votre proposition d'inviter des représentants de Verso Energy pour éclairer ce sujet technique.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». - La TSBA devait rapporter environ 950 millions d'euros supplémentaires, soit un choc assez important pour le secteur. Plus précisément, elle a représenté 100 millions d'euros sur l'aviation d'affaires, une étude de la DGAC ayant montré que la taxe a fortement dégradé la compétitivité de ce segment d'activité.
La part du pavillon français dans le trafic d'affaires, qui n'était déjà plus que de 10 %, a encore été réduite de 21 % depuis l'instauration de la TSBA en avril, cette quasi-disparition devant nous interroger alors que des compagnies étrangères viennent récupérer les parts de marché sur notre sol : le gain obtenu en termes de développement durable est donc plus qu'incertain alors que ces compagnies organisent des vols depuis la Suisse et l'Italie, notamment.
En réalité, la TSBA rapportera 40 millions d'euros pour cette activité, au prix de la mort d'une filière française qui vend pourtant des avions - les Falcon et les TBM - au monde entier. Je vous invite donc à réfléchir à ce risque de mort des compagnies françaises. Parallèlement, le trafic intérieur est toujours inférieur de 25 % à son niveau de 2019. Je renvoie, plus globalement, à l'excellente étude de la DGAC consacrée aux effets de la TSBA.
Concernant la TNSA, on a le sentiment que Bercy a voulu se venger sur les riverains ; je soutiens les amendements portés par le rapporteur sur ce sujet. Il est vrai, et je plaide coupable, que j'avais indiqué au moment du covid-19 qu'il fallait éviter que les riverains soient victimes de la crise, ce qui nous avait conduits à ajouter des crédits du budget général pour poursuivre les opérations d'insonorisation : si l'État veut désormais récupérer une partie des montants concernés, il faut que l'opération soit correctement jaugée.
Quant à la navigation aérienne, il y a bien un problème d'effectifs à terme. Plus généralement, il existe un certain paradoxe dans ce domaine puisque nous pilotons la navigation aérienne avec une norme de dépenses et un plafond d'emplois de l'État, alors qu'il est question d'un service quasi industriel dont les recettes sont assises sur la croissance du trafic. Or, si le trafic intérieur est faible, le trafic international est, quant à lui, en plein essor : dans la pratique, les problèmes ne tiennent pas tant à un problème de recettes qu'à une logique de restriction des effectifs et des moyens, alors que le trafic aérien international ne fait que progresser, d'où de très mauvaises performances.
Il faudra donc mener une réflexion sur l'inadéquation des outils à la réalité économique du secteur. Sur les huit derniers mois, le niveau des retards a augmenté de 50 %, soit des performances exécrables qu'il conviendra de redresser.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - La version initiale de l'article 15 du PLF a pour but de sécuriser les ressources financières d'Île-de-France Mobilités (IDFM) en lui affectant les recettes issues de la majoration de la taxe régionale à l'immatriculation des véhicules.
Lors de son examen à l'Assemblée nationale, cet article a été réécrit. Le dispositif adopté par les députés prévoit d'assujettir certains vols non réguliers à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Ces vols ont pourtant fait l'objet d'une augmentation très forte de la fiscalité pesant sur eux l'année passée, puisqu'ils sont assujettis à la TSBA pour des montants pouvant atteindre 2 100 euros par passager. Alors que la DGAC a constaté une diminution sans précédent de 21 % de la part de marché du pavillon français sur l'aviation d'affaires, il est crucial d'arrêter d'augmenter la pression fiscale sur ce secteur, sous peine de faire considérablement chuter - voire de tuer- son activité. En tout état de cause, une contraction de l'activité aérienne diminuerait la base fiscale de la taxe et amoindrirait son rendement éventuel.
L'amendement DEVDUR.3 tend donc à rétablir l'article dans sa version initiale.
M. Ronan Dantec. - Il faudra nous expliquer pourquoi des compagnies étrangères qui s'acquittent également de la TSBA s'en sortent mieux que les compagnies sous pavillon français.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances. - Avec la TSBA, nous avons inventé un système qui envoie les touristes français à l'étranger : la taxe étant acquittée par les compagnies aériennes au décollage, elles ont tout intérêt non pas à assurer des vols intérieurs, mais à effectuer des vols les plus longs possible : plus chers, ceux-ci permettent d'amortir au mieux la taxe. Grâce à des vols à destination de l'étranger, les compagnies ne s'acquittent de la TSBA qu'au décollage, mais pas lors du vol retour, d'où le développement de l'offre low cost vers l'étranger, au détriment de vols Paris-Marseille, par exemple.
Par conséquent, alors que les vols étaient par le passé remplis à 80 % de touristes étrangers venant en France, la situation est désormais inverse : avec des vols à destination des pays du sud, les avions transportent 80 % de Français se rendant à l'étranger.
Monsieur Dantec, le marché français est marginal pour les compagnies étrangères, qui peuvent faire des efforts financiers, mais, quand bien même elles y consentent, elles conservent des créneaux pour des vols vers l'étranger, par définition plus longs, ce qui n'est guère favorable d'un point de vue environnemental.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Nous voterons contre cet amendement, car nous sommes favorables à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale. Il serait intéressant d'analyser l'évolution des vols non réguliers et de la flotte des jets privés.
L'amendement DEVDUR.3 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - À l'heure actuelle, le moyen le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur est d'accélérer le renouvellement des flottes : les aéronefs d'ancienne génération émettent bien plus de gaz à effet de serre que ceux qui sont actuellement mis sur le marché, puisqu'ils consomment davantage de carburant.
Cette réduction de la consommation de carburant a un effet connexe bénéfique, car elle facilite l'incorporation de CAD.
L'amendement DEVDUR.4 prévoit une mesure d'accompagnement nécessaire en créant un dispositif de déduction d'impôt en faveur des compagnies qui achètent ou louent pour une longue durée des aéronefs émettant moins de gaz à effet de serre que ceux qu'elles utilisaient précédemment.
M. Ronan Dantec. - Quel en sera le coût ?
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Quelques dizaines de millions d'euros.
L'amendement DEVDUR.4 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement propose de plafonner l'affectation du produit de TNSA utilisé pour insonoriser les locaux à 40 millions d'euros. Le reste de son produit, environ 8 millions d'euros, serait affecté au budget général de l'État. Je suis en désaccord avec cette proposition, la TNSA devant rester affectée à la lutte contre la pollution sonore.
L'amendement DEVDUR.5 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - La loi de finances pour 2025 a prévu la mise en place d'un crédit d'impôt incitatif à l'achat de CAD, mais celui-ci n'est pas entré en vigueur en raison d'une négociation particulièrement complexe avec la Commission européenne.
L'amendement DEVDUR.6 vise donc à ce que le crédit d'impôt ait un effet rétroactif.
L'amendement DEVDUR.6 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Il importe d'aider le Corac à développer une nouvelle génération d'aéronefs qui pourraient consommer 30 % de carburant en moins que les appareils actuellement en circulation. À l'occasion du salon du Bourget, le Président de la République s'était engagé en juin 2023 à ce que l'État apporte un soutien annuel de 300 millions au développement de l'avion ultrafrugal.
Le PLF actuel ne prévoit que 215 millions d'euros de financements à destination du Corac, dont uniquement 50 millions d'euros sont sécurisés. Les 165 millions d'euros restants, relevant du programme d'investissement France 2030, doivent en effet être consolidés en cours de gestion budgétaire.
Afin de protéger le budget du Corac de coupes budgétaires qui fragiliseraient les projets portés par les industriels, lesquels ont besoin d'une visibilité pluriannuelle, l'amendement DEVDUR.7 prévoit d'affecter une fraction de 150 millions d'euros de TSBA au Corac, par l'intermédiaire du budget annexe de l'aviation civile.
L'amendement DEVDUR.7 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.8 vise à affecter une fraction des recettes issues du marché de quotas carbone européen relatif à l'aviation à l'IFP Énergies nouvelles afin d'accompagner l'industrialisation de projets de CAD français. Cet établissement public est en effet à la pointe du développement des technologies utilisées dans les CAD et dispose d'un savoir-faire reconnu pour porter à l'échelle industrielle de nouvelles technologies dans ce domaine.
L'amendement DEVDUR.8 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Une somme de 20,8 millions d'euros doit être reversée à l'État au titre du remboursement des sommes qu'il a versées à l'occasion de la crise sanitaire.
L'amendement DEVDUR.9 vise à supprimer le prélèvement d'environ 80 millions d'euros de trésorerie de TNSA au bénéfice de l'État, car ces montants doivent être consacrés à l'insonorisation des logements : il en reste 43 000 en région parisienne, me semble-t-il.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Comme je l'indiquais précédemment, il serait intéressant de faire figurer l'engagement d'ADP à prendre les sommes restantes à sa charge. Cet engagement s'explique par le fait que les riverains demandent que les vols de nuit s'arrêtent à partir de 23 heures, et non pas à 23 heures 30, ce que ne souhaite pas ADP.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Je partage votre sentiment, mais il me semble qu'un tel ajout devrait être intégré par la voie réglementaire.
L'amendement DEVDUR.9 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Nous avons largement évoqué, par le passé, la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance. L'amendement DEVDUR.10 prévoit que soit exclu des revenus de l'exploitation d'une infrastructure de longue distance le montant de la répercussion du produit de la taxe sur les usagers. Cette taxe est équivalente à 4,6 % des revenus d'exploitation du gestionnaire d'infrastructure, ce qui représente environ 120 millions d'euros pour ADP, qui répercute ce coût sur les compagnies aériennes : du fait du principe d'une taxation sur les recettes, on risque d'aboutir à un système dans lequel on crée une taxe sur la taxe, d'où ma proposition.
L'amendement DEVDUR.10 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - L'article 44 du PLF prévoit d'assujettir les plus petits aéroports qui reçoivent moins de 6 000 passagers par an au versement du tarif de sûreté et de sécurité (T2S), qui est de 1,35 euro par billet. Les recettes anticipées seraient d'environ 100 000 euros.
Toutefois, compte tenu du nombre de plateformes concernées, le coût de collecte de ce prélèvement sera en toute probabilité supérieure à son produit. L'amendement DEVDUR.11 tend donc à supprimer cette disposition.
L'amendement DEVDUR.11 est adopté.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.12 vise à relever de 100 millions d'euros les moyens de l'action nº 14 « Recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile » du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », afin de garantir le respect de la cible visée en 2026, sans dépendre trop fortement d'arbitrages effectués en cours d'année sur le programme France 2030.
L'amendement DEVDUR.12 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Projet de loi de finances pour 2026 - Première partie - Examen des amendements de séance
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports routiers. - Jean-Marc Delia et moi-même portons plusieurs amendements en commun. L'amendement DEVDUR.13 vise à abaisser à 5,5 % le taux de TVA sur les services de transports collectifs de voyageurs, qu'ils soient ferroviaires, guidés ou routiers, à l'exception toutefois des services librement organisés.
Il s'agit de dégager de nouvelles marges de manoeuvre financières pour soutenir les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui font face à de lourds besoins en investissements afin d'assurer un choc d'offre de transports collectifs et la décarbonation de leurs flottes.
L'amendement DEVDUR.13 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Je remercie Hervé Gillé pour la qualité de notre travail en commun. L'amendement DEVDUR.14 vise à prolonger d'un an le dispositif permettant aux employeurs de bénéficier d'exonérations sociales lorsqu'ils prennent en charge jusqu'à 75 % du coût des abonnements de transport public de leurs salariés.
Ce dispositif constitue un levier d'incitation au report modal vers les transports collectifs, et il convient donc de le prolonger jusqu'en 2026.
L'amendement DEVDUR.14 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.22 vise à réformer le régime d'amortissement des véhicules de tourisme professionnels, afin de le rendre plus vertueux d'un point de vue tant budgétaire qu'environnemental. Il prévoit donc une réduction progressive des valeurs maximales d'amortissement pour les véhicules, hormis les véhicules « zéro émission » atteignant un score environnemental minimal, tandis que l'amortissement serait réduit à zéro en 2030 pour les véhicules les plus polluants.
En outre, les flottes des sociétés permettent d'alimenter le marché de l'occasion, qui a besoin de véhicules électriques.
L'amendement DEVDUR.22 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.18 vise à doubler le plafond de l'exonération des plus-values réalisées lors de la cession de bateaux de navigation intérieure affectés au transport de marchandises, aujourd'hui fixé à 100 000 euros par cession.
Cette restriction constitue une exception par rapport au régime d'exonération applicable chez nos voisins belges, allemands et néerlandais. Il convient donc de rehausser ce plafond, afin d'assurer des conditions de concurrence plus équitables pour nos entreprises fluviales, dans la perspective de la mise en service du canal Seine-Nord Europe.
L'amendement DEVDUR.18 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.23 prévoit d'instaurer une contribution financière pesant sur les chargeurs, et non sur les transporteurs, qui serait assise sur les émissions de CO2 générées par les opérations de transport de marchandises auxquelles ils ont recours.
Il s'agit ainsi de responsabiliser les donneurs d'ordre, de renforcer la demande pour les motorisations peu carbonées, et de favoriser le fret ferroviaire et fluvial. Le produit de cette contribution serait alloué à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), afin de financer ses programmes de soutien à la décarbonation du transport routier de marchandises.
L'amendement DEVDUR.23 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.24 vise à assouplir les conditions auxquelles sont soumises les AOM pour lever le versement mobilité (VM), afin d'en faciliter le recours dans les territoires ruraux.
Pour rappel, la possibilité de lever le VM est aujourd'hui conditionnée à l'organisation de services réguliers de transport public de personnes. Cet amendement tend à permettre aux AOM de prélever le VM pour l'organisation d'un panel de services de transport plus large que les transports collectifs réguliers, prenant en compte le transport à la demande et les mobilités partagées et actives. Cette mesure est très attendue par le monde rural.
L'amendement DEVDUR.24 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.25 vise à permettre aux AOM de créer une taxe additionnelle à la taxe de séjour afin de financer des services de mobilité. Il s'inscrit dans la continuité de la conférence de financement « Ambition France Transports », qui a préconisé une diversification des ressources des AOM et la mise à contribution de catégories plus larges de contribuables, au-delà des usagers et des entreprises. En clair, le tourisme contribuera au financement des transports collectifs et de proximité.
L'amendement DEVDUR.25 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.26 prévoit de réallouer à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) le douzième du produit de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance (TEILD) - jusqu'à présent alloué aux communes - afin de financer le programme national Ponts (PNP) : si ce dernier a rencontré un certain succès, son enveloppe financière est désormais presque épuisée.
Il s'agit donc de pérenniser l'enveloppe du PNP à hauteur de 50 millions d'euros, afin de continuer à apporter un appui aux communes dans la réhabilitation de leurs ouvrages d'art. La globalisation des moyens permettrait de rehausser de 50 millions d'euros les moyens accordés à l'Afit France pour agir dans ce domaine.
L'amendement DEVDUR.26 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques. - Cet amendement DEVDUR.2 a fait l'objet d'un travail commun avec Didier Mandelli, président du groupe d'études Mer et littoral. Il vise à traduire les différentes propositions de recettes formulées par les membres du Comité national du trait de côte (CNTC) et les services de l'État pour financer les actions liées à l'érosion côtière et au recul du trait de côte, deux phénomènes qui soulèvent des enjeux particulièrement sensibles, qu'ils soient fonciers ou territoriaux.
Les financements nécessaires étant considérables, l'amendement prévoit quatre leviers pour abonder un fonds dédié à l'érosion côtière : l'instauration d'une taxe additionnelle aux droits d'enregistrement et d'une taxe de publicité foncière ; la mise en place d'une surtaxe à la taxe de séjour ; une augmentation du plafond de la taxe Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) de 40 euros à 60 euros ; enfin, l'affectation du produit de la taxe sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent en mer, pour la part située dans la zone économique exclusive (ZEE).
Je formule le souhait que ces différentes recettes fiscales financent des actions dédiées au recul du trait de côte, notamment en ce qui concerne la fiscalité locale. Lors de l'examen de la seconde partie du PLF pour 2026, je veillerai, en collaboration avec nos collègues de la commission des finances, à la traduction de cet objectif avec la création d'un fonds dédié.
M. Didier Mandelli. - Selon les données du Cerema, l'érosion du trait de côte coûtera, d'ici à 2100, 86 milliards d'euros en aménagements, travaux et relocalisations. En Vendée, par exemple, environ 8,5 milliards d'euros seraient nécessaires pour prendre en charge 43 000 logements et 149 campings, sans oublier les stations d'épuration, les salles de sport, les écoles, etc. Bien évidemment, aucune collectivité locale ne peut à elle seule assumer ces coûts exorbitants, qui résultent du dérèglement climatique.
Avec cet amendement, notre objectif consiste à transcrire les travaux du CNTC et des sujets validés par plusieurs ministres successifs des précédents gouvernements, dont Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher. En lieu et place du message assez contradictoire envoyé par François Bayrou, alors Premier ministre, selon lequel « le littoral doit financer le littoral » - alors que les usagers du littoral ne se limitent pas aux seuls habitants -, il nous semble préférable de préconiser une solidarité nationale.
La future manne que représentera la taxation sur l'éolien en mer - qui devrait atteindre son plein rendement à compter de 2030 - devrait être comprise entre 1,2 milliard et 1,6 milliard d'euros à horizon 2050, ces recettes non affectées à ce stade devant revenir directement dans le budget de l'État.
Nous proposons donc que la moitié de la taxation de l'éolien en mer dans les ZEE revienne à un fonds dédié à l'érosion côtière : il s'agit non pas de créer un nouvel impôt, mais de faire jouer la solidarité nationale pour prendre en compte les conséquences dramatiques de ces changements, qui ont déjà produit des effets dans la Manche et en Seine-Maritime. Les tempêtes et autres phénomènes météorologiques ont eu pour conséquence, par exemple, un recul des dunes de cinq à six mètres à Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
Je remercie Pascal Martin d'avoir porté ce sujet, essentiel pour l'ensemble des départements littoraux.
L'amendement DEVDUR.2 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - Une fraction de 271 millions d'euros du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) est aujourd'hui affectée à l'Afit France. L'amendement DEVDUR.15 prévoit de l'augmenter de 250 millions d'euros afin d'accentuer les efforts en faveur du report modal vers les modes de transports massifiés.
L'amendement DEVDUR.15 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.16 vise à rehausser de 250 millions d'euros l'affectation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l'Afit France en 2026, afin qu'elle puisse renforcer les efforts en faveur de la régénération, de la modernisation et du développement des infrastructures de transport.
L'amendement DEVDUR.16 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.19 vise à supprimer le plafonnement de la redevance hydraulique versée à Voies navigables de France (VNF). Il traduit ainsi une recommandation d'un récent rapport de la Cour des comptes et s'inscrit dans la conférence « Ambition France Transports », qui a préconisé le renforcement du modèle économique de VNF au travers de ses ressources propres.
Cet amendement n'aura aucun effet sur le taux de la redevance et conduira simplement à affecter la totalité de son produit à VNF chaque année, au lieu de l'écrêtement actuellement pratiqué.
L'amendement DEVDUR.19 est adopté.
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.27 vise à tirer les conséquences de l'adoption de l'amendement DEVDUR.26, qui a pour objet de réorienter la fraction d'un douzième du produit de la TEILD. En pratique, il s'agit de rehausser de 50 millions d'euros le plafond d'affectation du produit de la TEILD à l'Afit France.
L'amendement DEVDUR.27 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.17 prévoit d'affecter 250 millions d'euros à l'Afit France au titre des recettes du marché carbone européen. Ces recettes n'ont pas une vocation à suivre une logique de rendement budgétaire et doivent être davantage mises à contribution dans le financement de la décarbonation des mobilités.
L'amendement DEVDUR.17 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.20 vise à allouer une fraction de 90 millions d'euros issus du produit du marché carbone européen à la décarbonation du transport maritime, afin de traduire l'engagement pris par François Bayrou, alors Premier ministre, lors du comité interministériel de la mer (CIMer) de mai 2025.
L'amendement DEVDUR.20 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.21 tend à rendre la rénovation du patrimoine remarquable des gares ferroviaires par SNCF Gares & Connexions éligible au mécénat. Ce patrimoine étant d'intérêt général et participant à l'héritage patrimonial de nos villes, il nous paraît opportun de prévoir cette possibilité.
L'amendement DEVDUR.21 est adopté.
Présentation du rapport d'information sur l'avenir des concessions hydroélectriques, fait au nom de la commission des affaires économiques
M. Jean-François Longeot, président. - Nous arrivons au dernier point de notre ordre du jour consacré à l'hydroélectricité, un sujet essentiel pour la transition énergétique et l'équilibre de nos territoires. Notre collègue Hervé Gillé avait opportunément appelé mon attention en septembre dernier sur l'intérêt pour notre commission d'approfondir cette question. Je souhaite donc le remercier pour cette initiative. Depuis plusieurs années, un différend oppose la France et la Commission européenne sur le renouvellement des concessions hydroélectriques, ce qui place aujourd'hui près de quarante installations dans un régime transitoire qui limite tout nouvel investissement. La commission des affaires économiques a mené un travail de contrôle exigeant et transpartisan sur ce sujet pour identifier une voie de sortie et accompagner la transition vers un nouveau modèle de gestion. Le rapport d'information qu'elle a adopté le 1er octobre dernier comporte de nombreuses recommandations qui intéressent directement notre commission : gouvernance de l'eau, continuité écologique, résilience climatique... Il nous a donc semblé naturel d'inviter nos collègues rapporteurs Daniel Gremillet, Patrick Chauvet, Jean-Jacques Michau et Fabien Gay pour nous présenter leurs conclusions et échanger avec nous. Ce dialogue nous permettra, si nous le jugeons utile, d'envisager la manière dont la commission pourrait, le cas échéant, prolonger ce travail dans son propre champ de compétence.
M. Daniel Gremillet. - Le sujet de notre rapport d'information - le contentieux entre l'Union européenne et la France - remonte à une vingtaine d'années.
Nous avons bien sûr entendu le ministre chargé de l'énergie, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), EDF, l'ensemble des syndicats du groupe, qui sont aussi importants parce que derrière, ce sont des femmes et des hommes. Les concurrents du groupe, la présidente de la commission de régulation de l'énergie (CRE) ou encore les représentants de la Commission européenne ont également été entendus, tout comme les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Folliot, qui, tous les deux, étaient chargés de la même mission à l'Assemblée nationale.
Au terme de nos travaux, le changement de régime des concessions en faveur d'un régime d'autorisation d'exploitation nous est apparu comme la solution la plus prometteuse pour éviter la mise en concurrence des concessions hydroélectriques françaises. C'est pourquoi nous avons formulé 15 recommandations réunies en 4 axes : évaluer en amont sa robustesse technique et son impact financier ; sécuriser ses paramètres économiques et sociaux ; territorialiser la gouvernance et les procédures du secteur hydroélectrique et, enfin, réviser les cadres réglementaires européens applicables à ce secteur.
Nous sommes tous très attachés à l'hydroélectricité, qui constitue une énergie ancienne, pilotable et décarbonée. Or, la production de cette énergie ne s'est pas développée depuis 20 ans à cause de ce contentieux. C'est dommage, car cette énergie qui est décarbonée, j'y reviendrai, mais aussi pilotable a contribué avec le nucléaire à notre souveraineté énergétique depuis plusieurs décennies. Elle a connu son essor à partir de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydroélectrique et de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.
Dans les territoires, l'hydroélectricité est vraiment bien ancrée. Elle regroupe une diversité d'installations qui relèvent du régime des concessions ou de celui des autorisations, selon que leur puissance excède ou non 4,5 mégawatts (MW), conformément à l'article L. 511-5 du code de l'énergie. Selon la CRE, le parc hydroélectrique regroupait 2 500 installations en 2020 : 400 relevant du régime des concessions et 2 100 de celui des autorisations. Pour Réseau de transport d'électricité (RTE), la capacité installée du parc atteint 25,7 gigawatts (GW) en 2023. La filière hydroélectrique génère une production d'électricité importante qui contribue à la sécurisation de notre système électrique, à la décarbonation de notre économie et au développement de nos territoires. Selon RTE, la production s'est élevée à 58,8 térawattheures (TWh) en 2023, ce qui représente 12 % de notre production d'électricité totale et 42 % de notre production renouvelable. C'est donc bien la deuxième source d'énergie électrique de notre pays et la première source renouvelable ; on ne le dit pas assez au sujet de l'énergie hydroélectrique. De plus, l'hydroélectricité représente 12 % de la production totale d'électricité, mais, en période de tension, cette part peut monter à près de 30 %. C'est l'une des rares énergies pilotables qui, en l'espace de quelques minutes, peut passer de zéro à sa capacité maximale. C'est une source absolument précieuse, répartie dans nos territoires, qui assure l'équilibre du réseau et qui évite les black-out, comme ce qui s'est passé récemment en Espagne et au Portugal.
M. Patrick Chauvet. - Je voudrais également vous dire mon attachement à l'hydroélectricité, qui est sans doute l'une des plus belles manières de produire de l'énergie.
Je voudrais d'abord vous indiquer que les concessions hydroélectriques du groupe EDF sont arrivées à échéance et n'ont pas pu être renouvelées. Trente-huit de ces concessions ont été placées sous le régime dit « de délai glissant », ce qui a permis de poursuivre l'activité, à condition, en contrepartie, de payer une redevance ad hoc. Cette situation bloque tout projet d'investissement et de développement.
Deux mises en demeure ont été adressées par la Commission européenne, le 13 octobre 2015 et le 7 octobre 2019. Nous arrivons à une situation où la France est maintenant le seul pays européen pour lequel la mise en demeure est pendante. Cela signifie aussi que la solution qui vous est présentée n'est sans doute pas parfaite. Ce que nous vous présentons ici est le fruit d'auditions que nous avons menées en commun, y compris avec les syndicats, et cette proposition a été à peu près acceptée par le plus grand nombre.
Le vrai match a été raté. Il aurait dû avoir lieu au moment de la directive européenne. Maintenant, il est trop tard. Nous avons été mis en demeure deux fois et nous sommes les seuls dans ce cas. Par conséquent, je ne vois pas, sauf à être très optimiste, comment nous pourrions revenir sur la directive européenne maintenant. Il nous faut nous adapter. C'est ce qui vous est proposé.
Sept autres États membres avaient fait l'objet de la seconde mise en demeure. Cinq pays exploitant l'hydroélectricité via un régime d'autorisation - l'Allemagne, l'Autriche, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni - et deux autres pays avec un régime de concession : l'Italie et le Portugal. Or, la Commission européenne a clos en 2021 les procédures à l'encontre de ces régimes d'autorisation pour des raisons d'opportunité, constatant l'absence d'intérêt économique, et en 2023, celles à l'encontre de ces régimes de concession après la révision par ces pays de leur cadre législatif ou réglementaire. S'agissant de la France, la Commission européenne n'a autorisé que la prolongation et ce, jusqu'au 31 décembre 2041.
Pour rappel, nous avons voté à l'unanimité des deux chambres la prolongation de la concession du Rhône. Cela signifie - et nous nous en sommes assurés - que la Compagnie du Rhône est à l'abri, pour un certain temps, de ce que nous allons faire. La prolongation de la concession de la Compagnie du Rhône décidée par le législateur lui a permis de poursuivre ses missions, et elle refait d'ailleurs des investissements. Aujourd'hui, un changement de régime vers celui de l'autorisation est envisagé. Évidemment, nous pouvons trouver des éléments qui ne sont pas complètement satisfaisants, mais il est temps d'agir. Nous avons sans doute trop tardé à trouver une solution à cette mise en demeure. La raison principale est que, lorsque l'on n'investit plus pendant plus d'une décennie dans un secteur aussi majeur que celui de la production d'énergie, on prend du retard, on perd en compétitivité, avec toutes les conséquences économiques négatives que vous connaissez bien.
M. Fabien Gay. - Dans le contexte de blocage juridique, dépeint par mon collègue Patrick Chauvet, le Gouvernement et le groupe EDF ont exploré plusieurs solutions pour réorganiser les concessions hydroélectriques de ce groupe.
Tout d'abord, le Gouvernement et le groupe EDF ont envisagé le regroupement des activités hydroélectriques du groupe dans une quasi régie, qui permet de déroger à la mise en concurrence sous trois conditions, mentionnées à l'article L. 3211-1 du code de la commande publique : le contrôle de l'État analogue à ses propres services ; la réalisation par la société de 80 % de son activité dans ce cadre ; l'absence de capitaux privés dans cette société. Il s'agit d'une option compatible avec l'article 17 de la directive dite « Concession » du 26 février 2014. Pour autant, les syndicats des personnels et les associations d'élus locaux ont relevé que la filialisation des activités hydroélectriques du groupe aurait conduit à une désoptimisation, voire à un démembrement de ce groupe. De plus, les concurrents du groupe EDF ont indiqué qu'elle aurait remis en cause la pérennité de leurs propres activités hydroélectriques.
Dans ce contexte, le Gouvernement et le groupe EDF envisagent désormais un changement de régime des concessions vers celui des autorisations d'exploitation. Il concernerait l'ensemble des concessions du groupe EDF et de ses concurrents, échues et non échues. Pour y parvenir, il requerrait plusieurs étapes : la résiliation des contrats de concession en vigueur et le paiement d'une indemnité de résiliation ; le déclassement des biens hydroélectriques ; la cession de gré à gré de ces biens et le versement d'un prix de cession ; la conception d'un nouveau régime d'autorisation, d'une nouvelle redevance et d'une nouvelle gouvernance pour les installations hydrauliques de plus de 4,5 MW. En contrepartie du maintien des exploitants historiques, une part virtuelle des capacités de production hydroélectriques serait ouverte par enchère aux acteurs de marché.
Un grand nombre de parties prenantes ont fait part de leur intérêt, sur le principe, pour le changement de régime des concessions vers les autorisations d'exploitation, tout en plaidant pour certaines modalités d'application. Tout d'abord, le groupe EDF a rappelé la nécessité que la contrepartie laisse inchangée la gestion opérationnelle de la production hydroélectrique, qu'elle soit appliquée à un volume limité et temporaire d'hydroélectricité et qu'elle ne soit pas semblable à un « Arenh hydraulique » - c'est à dire similaire au dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Pour sa part, la CRE a indiqué être disposée à réguler la contrepartie, en plaidant pour laisser telle quelle cette gestion opérationnelle de la production hydroélectrique, mais aussi pour tenir compte des volumes d'hydroélectricité déjà commercialisés sur les marchés par le groupe EDF. De leur côté, les syndicats des personnels ont mis l'accent sur l'incessibilité des ouvrages transférés, le maintien du statut des industries électriques et gazières (IEG), ou le refus de mesures compensatoires excessives, de type « Arenh hydraulique ». Pour ce qui les concerne, les associations d'élus locaux ont proposé la consolidation de la gouvernance locale et le maintien d'une redevance locale. Enfin, les concurrents du groupe EDF ont plaidé pour une mise en concurrence des concessions hydroélectriques de ce dernier par appel d'offres ou, à défaut, un accès à la contrepartie pesant sur sa production d'hydroélectricité.
Le Gouvernement a répondu à certaines de nos interrogations sur ce changement de régime des concessions vers les autorisations d'exploitation. D'une part, l'indemnité de résiliation et le prix de cession doivent être définis par une commission d'experts indépendants. D'autre part, les futures cessions des biens transférés doivent faire l'objet d'un droit d'opposition. Autre point, à l'échelon local, les compétences, gouvernance et redevance actuelles doivent être maintenues. Enfin, la contrepartie doit laisser inchangée l'exploitation opérationnelle de la production hydroélectrique, l'enjeu étant d'introduire une part de concurrence sur la commercialisation des produits et non sur la gestion des ouvrages.
La Commission européenne a aussi répondu à certains de nos questionnements sur ce changement de régime. Tout d'abord, elle a rappelé que les États membres sont libres de choisir l'organisation du secteur hydroélectrique sur leur territoire selon le modèle de leur choix. Plus encore, s'agissant du devenir de la CNR, dont la concession vient d'être renouvelée, elle a confirmé que les États membres peuvent choisir des modèles distincts pour leurs différents aménagements. Enfin, elle a réaffirmé que les États membres doivent respecter les règles européennes relatives à la concurrence, au marché intérieur et à l'énergie.
Dans ce contexte, le 28 août dernier, l'ancien Premier ministre François Bayrou a annoncé, par voie de communiqué de presse, la conclusion d'un accord de principe entre la Commission européenne et l'État au sujet de l'organisation des concessions hydroélectriques françaises. Cet accord de principe doit permettre de résoudre les deux précontentieux européens : l'un concerne la non remise en concurrence des concessions échues (celui de 2019 de la « DG GROW ») et l'autre, la position jugée dominante du groupe EDF (celui de 2015 de la « DG COMP »).
Le schéma retenu comporte trois volets : le passage du régime de concession à un régime d'autorisation pour l'exploitation de l'énergie hydraulique, à l'exception des ouvrages de la CNR ; la possibilité du maintien des exploitants en place, de manière à garantir la continuité de l'exploitation des ouvrages, indispensable au regard des enjeux de sécurité, de gestion de l'eau, de maintien des compétences et des emplois et de retour de valeur pour les territoires ; enfin, la mise à disposition par le groupe EDF de 6 GW de capacités hydroélectriques virtuelles à des tiers et au bénéfice final des consommateurs, via des enchères concurrentielles mises en vente par la CRE.
Ce schéma doit se traduire dans un véhicule législatif, le communiqué de presse précité évoquant l'éventualité du dépôt d'une proposition de loi par les députés Marie Noëlle Battistel et Philippe Bolo. Il ne s'agit, à ce stade, que d'une éventualité ; rappelons que la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative déposée par notre collègue Daniel Gremillet prévoyait, en son article 21, une expérimentation du passage du régime des concessions vers celui des autorisations.
M. Jean-Jacques Michau. - Pour conclure la présentation de ce rapport d'information, je tiens à souligner que le passage du régime des concessions vers celui des autorisations apparaît comme le schéma retenu par le Gouvernement. Il est accepté par la Commission européenne et nous sommes convaincus de l'intérêt de l'accord de principe annoncé par l'ancien Premier ministre François Bayrou sur la réorganisation des concessions hydrauliques du groupe EDF.
Nous sommes aussi convaincus, et cela vient d'être dit, de la nécessité pour les parlementaires, députés comme sénateurs, de parler d'une même voix sur ce sujet transpartisan d'intérêt national. C'est pourquoi nous saluons le travail effectué par la mission d'information conduite par les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Folliot sur les modes de gestion et d'exploitation des installations hydroélectriques, dont les conclusions ont été rendues publiques le 13 mai dernier. Nous partageons donc le constat formulé par les députés sur la préférence donnée au changement de régime des concessions vers les autorisations. L'objet de notre rapport d'information est de servir de point d'appui à la définition des modalités de cet accord de principe en indiquant précisément les lignes directrices du Sénat. En effet, s'il y a un accord de principe, il faut maintenant en décrire la déclinaison, ce qui n'est pas une chose simple, car les enjeux sont majeurs.
C'est pourquoi nous avons formulé quinze propositions réunies en quatre axes, que je vous résume. Le premier axe vise à évaluer en amont la robustesse technique et l'impact financier du changement de régime, de la concession vers l'autorisation. Dans la mesure où les implications juridiques et financières d'un changement de régime sont fortes, nous plaidons pour évaluer l'impact financier d'un tel changement par l'intermédiaire de la Cour des comptes et sa robustesse technique par celui du Conseil d'État. De plus, nous préconisons de ne légiférer qu'en possession d'une lettre de confort de la Commission européenne garantissant la compatibilité du changement de régime avec le droit de l'Union européenne. Enfin, compte tenu de l'urgence de la situation, nous proposons de légiférer préférentiellement par le biais d'amendements à la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie dès son examen en deuxième lecture.
Le deuxième axe tend à sécuriser les paramètres économiques et sociaux du changement de régime des concessions vers les autorisations. En premier lieu, nous proposons d'exclure du changement de régime les concessions qui viennent d'être renouvelées - celles du Rhône, par exemple - et celles pour qui l'activité fluviale est principale et l'activité hydroélectrique, accessoire. Ou encore celles qui sont régies par des accords internationaux, notamment avec l'Allemagne et la Suisse.
S'agissant du transfert de propriété des ouvrages hydroélectriques en tant que tels, nous proposons trois garde-fous. Le premier est financier : il s'agit de garantir la juste évaluation des indemnités de résiliation des contrats de concessions et des prix de cession de ces ouvrages par une commission d'experts indépendants. Le second est juridique : il consiste à prévoir la faculté pour l'État de s'opposer à la cession de ses ouvrages, ainsi qu'un haut niveau de contrôle par ce dernier de l'organisation et de l'exploitation de ces ouvrages. Le dernier est social : il vise à préserver le statut national des personnels des industries électriques et gazières - comme cela vient d'être dit - sur ces ouvrages. Concernant la contrepartie au maintien des exploitations hydrauliques historiques, nous plaidons pour confirmer son encadrement par la Commission de régulation de l'énergie. À ce jour, nous observons que l'accord de principe annoncé par l'ancien Premier ministre prévoit bien le contrôle par la CRE de la mise en vente des capacités hydrauliques via des enchères concurrentielles. De plus, nous estimons que cette contrepartie doit laisser inchangée la gestion opérationnelle des installations hydrauliques par le propriétaire ; à ce stade, nous relevons que l'accord de principe annoncé comporte bien la possibilité de maintenir les exploitants en place afin de garantir la continuité de l'exploitation des ouvrages. Enfin, nous considérons que cette contrepartie doit être limitée, d'une part, dans le temps et, d'autre part, concerner une part limitée de la commercialisation de l'électricité issue des installations hydrauliques. Sur ce sujet, nous soulignons que l'accord de principe annoncé propose la mise à disposition par le groupe EDF de 6 GW de capacité hydroélectrique à des tiers au bénéfice des consommateurs. Le troisième axe propose de territorialiser la gouvernance et les procédures applicables au secteur de l'hydroélectricité à l'occasion du changement de régime vers les concessions. Pour ce faire, nous plaidons pour faciliter la mise en oeuvre des projets. Nous appelons en outre à mieux associer les collectivités territoriales à ces projets hydrauliques. D'une part, nous proposons de préserver la perception de leurs redevances, bien sûr, en privilégiant le dispositif calqué sur les concessions non échues, c'est-à-dire excluant tout revenu normatif ou tout prix cible, qui leur est le plus favorable.
D'autre part, nous suggérons de consolider la gouvernance tripartite de l'eau entre l'État, les collectivités et les exploitants, notamment pour la révision des nouveaux cahiers des charges. Enfin, nous préconisons de mieux intégrer à cette révision la résilience au changement climatique, dont la gestion des sécheresses et des crues, très impactantes pour les territoires ruraux. Le dernier axe prévoit de compléter le changement législatif par une révision des cadres réglementaires et européens applicables au secteur de l'hydroélectricité.
M. Patrick Chauvet. - En complément, l'avis de confort de la Commission européenne a été évoqué. Nous n'en disposions pas au début de nos travaux, contrairement au moment où nous avons voté la prolongation de la compagnie nationale du Rhône (CNR), où nous en disposions et avions, de ce fait, plus de sérénité dans le débat.
L'avis de la Commission n'est arrivé qu'à la toute fin de nos travaux. Nous avons presque la faiblesse de considérer que nos travaux ont influencé l'obtention de cet avis de la Commission.
M. Hervé Gillé. - Je souhaitais intervenir sur le sujet en vous remerciant de vos travaux, qui s'inscrivent dans la continuité de ceux qui ont été menés à l'Assemblée nationale et qui sont particulièrement importants.
Je voudrais souligner un aspect essentiel de cette démarche vers des autorisations pour les bénéfices au niveau du soutien d'étiage. Cette évolution était très attendue par le nouvel établissement public territorial de bassin (EPTB) qui est en train de se mettre en place, notamment sur la Garonne - mais pas exclusivement -, car ces soutiens d'étiage dépendent de conventions passées avec les concessionnaires. Dans ce cadre, il y avait une attente particulière pour trouver des conditions permettant d'atténuer une mise en marché qui pouvait être préjudiciable dans le cadre des conventions financières relatives aux soutiens d'étiage. Ce sont des conventions financièrement très importantes.
Par conséquent, le dispositif qui devrait se mettre en place devrait aussi nous rassurer. Il faut bien l'avoir à l'esprit, car au-delà de la production d'électricité, les lâchers bénéficient à un ensemble de territoires, à l'environnement et notamment au soutien d'étiage, qui est absolument essentiel pour tous les usages, en particulier les usages agricoles.
M. Jean-Claude Anglars. - Vous savez qu'en Aveyron, et en particulier dans le Massif central, nous sommes fortement concernés par ce sujet et que cela fait plus de dix ou quinze ans que nous « ramons », si je puis dire, sur cette question. Lorsque nous avons travaillé dans le cadre de l'Association nationale des élus de la montagne, sur la base des travaux de Mme Battistel et de M. Bolo, nous avons constaté que le sujet avançait.
Lorsqu'au mois d'août, nous avons appris qu'il y avait un prétendu accord entre la Commission et la France sur le sujet, porté par le ministre de l'époque, M. Ferracci, nous nous sommes montrés dubitatifs. Quel est le changement pour les collectivités locales et territoriales entre le régime des concessions et le régime des autorisations ? En effet, nous avons été, pardonnez-moi l'expression, quelque peu échaudés en 2023 par la loi de finances, dans laquelle nous avons constaté que le ministère avait introduit des dispositions réintégrant dans le budget général une part de ce qui devait revenir au territoire.
J'appelle votre attention sur deux points. Premièrement, concernant la différence entre le régime d'autorisation et le régime de concession, les territoires vont-ils y perdre ? Deuxièmement, M. Ferracci en Aveyron déclarait être confiant sur un accord avec la Commission européenne. Qu'en est-il ?
Je vous félicite pour le travail que vous avez accompli.
Mme Denise Saint-Pé. - Dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques, la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) y est très présente et constitue un vecteur social et économique très important. Le nouveau concessionnaire, EDF, a-t-il déjà signé des conventions avec la SHEM sur le transfert du personnel ou sur les locaux déjà construits dans certaines communes ? Pourriez-vous nous aider à appréhender les impacts dans chacun de nos départements, non seulement financiers mais également humains ?
M. Daniel Gremillet. - La gestion de l'hydroélectricité représente bien plus que ce qu'elle était en 1919. Aujourd'hui, l'impact sur la gestion des crues, l'étiage, la navigation, la biodiversité, la consommation d'eau humaine et la consommation agricole sont des sujets vraiment majeurs.
De plus, n'oublions pas que nous avons un enjeu de décarbonation. Nous savons tous que l'hydroélectricité coche toutes les cases. Les turbines sont françaises et les capacités d'augmentation des volumes de la puissance hydroélectrique existent en France. Si elles n'ont pas progressé depuis vingt ans, c'est parce qu'effectivement, aucun investisseur ne pouvait le faire dans ces conditions.
M. Patrick Chauvet. - Sur la SHEM, il n'y a pas de différence de traitement par rapport aux autres. Le vrai sujet que nous avons avec l'Europe - je n'en parle pas encore au passé - est la pseudo-position dominante d'EDF, qui a pesé lourd dans les mises en demeure, évidemment. La SHEM n'est pas traitée différemment. Il n'y a pas de problème particulier avec ce territoire, à ma connaissance, aujourd'hui.
M. Daniel Gremillet. - Nous avons tous été quelque peu sensibilisés par certains, qui nous disaient que c'était peut-être l'occasion d'indiquer que tel barrage passe sous tel autre pavillon. Nous ne sommes pas entrés dans ce débat. Ce qui est proposé ici ne révolutionne pas l'organisation territoriale.
N'oublions pas que, derrière cela, il y a la gestion. C'est pourquoi il faut aussi raisonner parfois par vallées, car les barrages, pour bon nombre d'entre eux, sont situés dans des secteurs où il y a des vallées. Il est préférable que, pour le gestionnaire, la gestion se déroule de manière bien concertée.
M. Fabien Gay. - Concernant l'audition des syndicats, ceux-ci auraient souhaité que nous révisions la directive européenne. Cependant, c'est un combat dont tout le monde a compris qu'il peut prendre encore quinze ans. Par conséquent, tout le monde est plutôt terre à terre. Il faut avancer et bien sortir de cette situation. La moins mauvaise des solutions est celle-ci.
La solution qui était quasi refusée par tous les syndicats majoritaires de l'entreprise, sauf un syndicat minoritaire qui est Sud, c'est la quasi-régie, parce que la quasi-régie, c'était la filialisation. C'était le projet Hercule, qui avait mobilisé dans tous nos territoires des milliers, des dizaines de milliers d'agents. Ils n'en voulaient donc pas.
Les syndicats sont extrêmement attachés au statut des industries électriques et gazières et à s'assurer que la contrepartie reste la plus faible possible. Pas de perte de statut et pas de perte d'emploi : c'est tout de même la priorité pour les syndicats de l'entreprise et pour l'ensemble des salariés. Par conséquent, tous ceux que nous avons auditionnés, mis à part le syndicat minoritaire, sont favorables à cette solution.
Mme Denise Saint-Pé. - Ma préoccupation, dans mon département, concerne les agents qui appartiennent à la SHEM, concession qui vraisemblablement sera récupérée par EDF.
Dès lors, ces agents de la SHEM seront-ils obligés de quitter leur poste ? Ma question est très concrète et humaine. Les employés de la SHEM seront-ils obligés de partir dans d'autres départements ?
M. Jean-Jacques Michau. - Pour aller un peu plus loin, avec qui travaillons-nous désormais ? Vous avez bien remarqué que, dans le nouveau gouvernement, il n'y a pas nommément de ministre de l'énergie. Nous l'avons demandé dernièrement au ministre Lescure, qui a répondu qu'il s'occupe directement des questions d'énergie et, concernant l'hydroélectricité, qu'il est d'accord avec tout ce qu'ont fait ses prédécesseurs. Il faut donc agir maintenant.
M. Daniel Gremillet - Il n'y a aucun changement d'entité. Je le précise, car c'est un sujet qui a suscité beaucoup de passions et qui a conduit certains à affirmer qu'il ne fallait surtout pas adopter telle ou telle position. Nous pouvons le comprendre pour les salariés, nous pouvons le comprendre pour les collectivités, mais il faut régler le problème de l'hydroélectricité en France.
Voilà vingt ans que, quelque part, nous sommes pénalisés. Sur ce sujet, nous ne remettons pas en cause l'histoire, y compris celle de la CNR ou d'EDF. Nous ne sommes pas en train de jouer au marchand de tapis sur l'hydroélectricité. Il s'agit de régler les contentieux avec l'Union européenne et de permettre à la France de continuer à développer et à moderniser sa production.
En effet, nous savons bien que nous n'allons pas construire de nouveaux barrages ; ce serait compliqué. Cela nous a d'ailleurs été dit lors des auditions. En revanche, certains ouvrages ont la capacité d'accroître leur capacité de stockage. Il serait dommage de s'en priver, car cela peut représenter 10 % de croissance pour la production hydroélectrique actuelle. Je rappelle que cette hydroélectricité, sur certaines pointes de consommation, peut représenter jusqu'à 30 % de la production, c'est vraiment l'élément régulateur.
M. Jean-Claude Anglars. - Je souhaitais simplement ajouter un élément concernant les véhicules législatifs. Nous avions effectivement indiqué au ministre Ferracci qu'un texte - vous l'avez dit - était actuellement en discussion. Pourquoi ne pas utiliser ce véhicule ?
M. Daniel Gremillet. - Cela permettrait à l'Assemblée nationale, à Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo de le reprendre à leur compte. Il ne reste plus qu'eux, puisque le texte a déjà été examiné en deuxième lecture au Sénat.
L'avantage est que les travaux parlementaires réalisés, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat par nous quatre, soient vraiment très convergents et que nos réflexions ouvrent une perspective effectivement très rapide de sortie de ce dossier.
La réunion est close à 12 heures