jeudi 20 novembre 2025

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Proposition de résolution européenne visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Jean-François Rapin, président. - Nous débutons notre réunion par l'examen de la proposition de résolution européenne visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur, que j'ai déposée avec les présidents Cédric Perrin et Dominique Estrosi Sassone.

Je remercie nos collègues rapporteurs Daniel Gremillet et Didier Marie, qui ont dû travailler dans des délais très contraints, fixés par la Conférence des Présidents. Un amendement des rapporteurs a été déposé au stade de notre commission.

La proposition de résolution européenne (PPRE) sera ensuite examinée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées la semaine prochaine, le délai limite pour l'examen des amendements devant celle-ci étant fixée à lundi prochain à midi. Nos collègues Pascal Allizard et Gisèle Jourda prendront alors le relais en tant que rapporteurs au nom de cette commission et je veux souligner la coopération très étroite entre les deux commissions sur ce dossier.

La PPRE sera ensuite examinée en séance publique, à la demande du groupe Les Républicains, le 16 décembre, sous réserve des éventuels ajustements de calendrier qui pourraient être décidés par la Conférence des Présidents, compte tenu des contraintes liées aux modalités d'examen du projet de loi de finances.

Ces séquences successives permettront d'affiner le texte soumis à l'approbation du Sénat, en fonction des informations complémentaires qui auront pu être recueillies d'ici-là, notamment sur le plan juridique.

Cette proposition de résolution européenne m'est apparue comme une action nécessaire, alors que l'étau se resserre, tant au Conseil qu'au Parlement européen, sous une forte pression de la Commission européenne qui espère bien signer l'accord avec le Mercosur le 20 décembre.

Nous avons affirmé à de nombreuses reprises notre opposition à cet accord tel qu'il a été négocié par la Commission européenne. Je considère pour ma part que le compte n'y est pas. Notre agriculture, en particulier, se retrouverait fragilisée. La clause de sauvegarde vantée par la Commission européenne pour convaincre les États membres d'adopter le texte n'est en rien une solution miraculeuse. La différence de réglementation entre l'Union européenne et le Mercosur nous amène à mettre en avant le principe de précaution. Le mécanisme de rééquilibrage obtenu par les États du Mercosur interroge car il pourrait brider à l'avenir le législateur européen. La manière dont la Commission européenne aborde le dossier soulève également des questions de rapports entre les institutions, en particulier entre la Commission européenne et le Conseil. La scission de l'accord, c'est-à-dire le choix de présenter un accord de partenariat et un accord commercial intérimaire est évidemment au coeur de notre démarche.

Dans ce contexte, la saisine par le Gouvernement français de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) nous apparaît nécessaire pour préciser le cadre juridique applicable en matière de finalisation des accords commerciaux.

Elle permettrait également au Gouvernement d'affirmer clairement son opposition à cet accord, alors que le Président de la République a semblé flancher et a eu des propos que je juge malheureux. Il a essayé de se rattraper à plusieurs reprises, mais en tout cas, on ne voit pas vraiment l'objectif qu'il souhaite atteindre, même si le ministre Haddad, en particulier, martèle au quotidien que l'accord en l'état n'est pas acceptable - c'est toujours cette référence à « l'accord en l'état » qui laisse planer le doute sur les intentions du Gouvernement. Ma position est ferme sur le sujet, d'autant que, vous le savez, j'étais plutôt favorable au CETA.

Mme Christine Lavarde. - Nous n'étions pas nombreux à l'être !

M. Jean-François Rapin, président. - En effet, et à l'encontre même des positions majoritaires dans mon groupe, ce n'était pas forcément facile. Pour rester loyal au groupe, j'ai adopté une position de retrait et je n'ai pas voté. Ce n'est donc pas de ma part une remise en cause des accords commerciaux en général, mais bien une remise en cause de cet accord en particulier, tel qu'il a été négocié et est poussé aujourd'hui par la Commission européenne.

Je laisse maintenant la parole aux rapporteurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - La PPRE que nous examinons aujourd'hui, déposée conjointement par les présidents de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires étrangères et de la défense, et de la commission des affaires économiques, vise à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.

La ratification de cet accord pourrait en effet intervenir dans les semaines à venir, puisque les décisions de signature et de conclusion de l'accord devraient être soumises au vote du Conseil le 16 décembre prochain, en vue d'une signature de l'accord par la Commission européenne, au nom de l'Union, le 20 décembre prochain, à l'occasion du sommet avec le Mercosur au Brésil.

Or, et c'est tout l'objet de la démarche de nos présidents de commission, cet accord est largement décrié, depuis des années, pour son manque d'ambition environnementale, ainsi que pour les risques auxquels il expose l'agriculture européenne.

Permettez-moi de revenir brièvement sur les grandes étapes qui ont jalonné les vingt-cinq années de négociations avec les quatre pays du Mercosur concernés que sont l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. Cette perspective historique me paraît indispensable pour comprendre les enjeux auxquels nous sommes actuellement confrontés.

Les négociations avec le Mercosur ont été ouvertes dès 1999 et ont abouti, pour leur volet commercial, en juin 2019, après vingt ans de discussions.

Le projet d'accord prévoyait une libéralisation des tarifs douaniers sur 91 % des biens européens exportés vers le Mercosur, avec pour corollaire une hausse de près de 40 % des exportations de l'Union vers les pays du Mercosur.

Ces perspectives ont néanmoins été immédiatement éclipsées par les inquiétudes croissantes exprimées par la société civile s'agissant des volets sanitaires, sociaux et environnementaux de l'accord. Les organisations agricoles ont ainsi alerté sur les risques de déstabilisation, pour certaines filières sensibles, de l'ouverture du marché européen à des produits agricoles sud-américains bénéficiant d'un avantage prix écrasant.

L'accord tel que négocié en 2019 prévoit en effet l'ouverture progressive de nouveaux quotas alimentaires à droits de douane réduits pour la viande bovine, la volaille, le miel, le maïs doux ou encore le sucre. Pour la viande, les nouveaux contingents ouverts représenteraient pas moins du quart de la production d'aloyaux européens. Or, dans les pays du Mercosur, le coût de production de la viande bovine est inférieur d'environ 40 % à celui observé dans l'Union, en raison des modes de production sud-américains, qui ne répondent ni à nos standards environnementaux, ni à nos normes sanitaires, ni à nos exigences sociales.

De nombreux exemples permettent d'illustrer l'abîme réglementaire qui sépare l'Union européenne et les pays du Mercosur, et vous en trouverez plusieurs dans le rapport. J'en retiens un, parce qu'il est éloquent : près de 77 % des substances actives autorisées pour traiter le maïs au Brésil sont interdites en France. Dans ce contexte, les organisations agricoles dénoncent avec raison une concurrence parfaitement déloyale.

Sur le plan environnemental, alors que le Mercosur regroupe trois des dix pays les plus touchés au monde par la déforestation, l'accord de 2019 ne comportait pour ainsi dire aucune stipulation contraignante s'agissant de la lutte contre la déforestation ou le changement climatique. Au contraire, les études d'impact montraient que les exportations supplémentaires de soja et de viande bovine induites par l'accord généraient un risque de déforestation additionnelle représentant plus de 30 % du taux de déforestation annuelle constatée dans les pays du Mercosur. Nous aurions donc signé, mes chers collègues, un accord commercial tendant à augmenter la déforestation mondiale, au moment même où l'Union européenne prétendait vouloir la réduire, avec l'adoption du règlement sur les produits associés à la déforestation ! À compter de 2020, les mesures unilatérales prises par l'Union européenne en matière de durabilité dans le cadre du Pacte vert ont été fraîchement accueillies par les pays du Mercosur et, dans ce contexte, les négociations ont connu un net ralentissement jusqu'en 2023.

Le retour au pouvoir de M. Lula da Silva au Brésil, conjugué aux tensions commerciales avec les États-Unis et la Chine, ont provoqué une relance progressive des discussions, aboutissant à la conclusion, le 6 décembre 2024, d'un nouvel accord politique entre l'Union européenne et le Mercosur.

En 2020, la France avait posé trois conditions à la signature de l'accord : mettre l'accord en conformité avec l'Accord de Paris, ne pas augmenter la déforestation importée dans l'Union européenne et garantir que les produits agricoles et agroalimentaires importés bénéficiant d'un accès préférentiel au marché de l'Union européennes respectent bien, en droit et en fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne.

Si notre pays a, en apparence du moins, obtenu gain de cause sur les deux premiers points, force est de constater que les demandes relatives à l'instauration de clauses miroirs sont restées lettre morte.

S'agissant du premier point, l'Accord de Paris a été intégré comme un « élément essentiel » de l'accord UE-Mercosur, ce qui autoriserait l'Union à suspendre l'accord commercial avec un pays du Mercosur si ce dernier quittait l'Accord de Paris.

En réalité, cette stipulation ne revêt qu'une portée limitée ; elle se borne à empêcher qu'une partie se retire de l'accord de Paris sur le climat, et son activation serait complexe, puisque l'accord commercial est conclu entre deux blocs régionaux.

Sur le deuxième point, l'Union européenne a obtenu l'ajout d'une nouvelle annexe au chapitre relatif au commerce et au développement durable, sous la forme d'un protocole additionnel assorti d'engagements juridiquement contraignants, comprenant notamment l'objectif de mettre un terme à la déforestation à compter de 2030. Toutefois, l'accord ne prévoit aucune sanction en cas de manquement à ces engagements, ce qui, vous en conviendrez, en limite fortement la portée.

Enfin, s'agissant du respect des normes sanitaires et environnementales européennes par les produits agricoles importés du Mercosur, force est de constater que l'accord est resté inchangé entre 2019 et 2024. Permettez-moi d'insister sur ce point : les révisions intervenues n'ont concerné ni les exigences sanitaires et environnementales, ni les dispositifs de contrôle aux frontières, alors même que l'intégration de clauses miroirs figurait parmi les demandes majeures de plusieurs États membres.

Bien au contraire, l'introduction d'un nouveau mécanisme de rééquilibrage, à la demande des pays du Mercosur, pourrait entraver à l'avenir les efforts de l'Union européenne pour adopter des mesures miroirs !

Par ailleurs, même si ces mesures miroirs venaient à être adoptées, elles demeureraient inopérantes tant que les contrôles dans les pays tiers et aux frontières de l'Union ne seront pas substantiellement renforcés. Indépendamment des disparités existant entre les États membres et du manque de moyens alloués à ces contrôles, l'effectivité de ces derniers se heurte notamment à l'impossibilité de détecter certains résidus, ce qui rend la traçabilité des produits indispensable. Or les opérateurs sud-américains peinent à garantir cette traçabilité tout au long de la chaîne de valeur. En 2024, la Commission européenne a ainsi souligné le déficit de traçabilité de la viande bovine exportée par le Brésil vers l'Union européenne, les autorités brésiliennes ne pouvant attester que ces exportations étaient exemptes d'oestradiol bêta, une hormone interdite dans l'Union.

La logique même des audits menés par la Commission européenne interroge, puisqu'ils reviennent à placer sur un pied d'égalité les systèmes d'exploitation européens et sud-américains, alors même que tout les distingue.

En définitive, il paraît extrêmement difficile de restaurer les conditions d'une concurrence équitable avec les pays du Mercosur. Comment nos agriculteurs pourraient-ils rivaliser avec les producteurs brésiliens qui exploitent des fermes de plusieurs dizaines de milliers d'hectares, majoritairement constitués de cultures OGM et traités avec des produits phytosanitaires strictement interdits en Europe ?

Cet état de fait n'a pas empêché la Commission européenne d'adopter officiellement le projet d'accord UE-Mercosur le 3 septembre dernier. Pour contourner le veto des États membres et parvenir à une entrée en vigueur rapide du volet commercial, la Commission a choisi de présenter deux textes distincts, un accord général et un accord intérimaire sur le commerce - mon collègue Didier Marie reviendra sur ce point ultérieurement.

En dépit de l'architecture juridique retenue, l'entrée en vigueur du volet commercial ne semblait pas acquise ces derniers mois, l'issue du scrutin au Conseil demeurant incertaine. La France et plusieurs États alliés - Italie, Pologne, Hongrie, Autriche, Irlande, Roumanie - ont ainsi tenté depuis décembre 2024 de mettre sur pied une minorité de blocage afin d'empêcher la ratification de l'accord UE-Mercosur.

Pour prévenir la constitution d'une telle minorité de blocage, la Commission a adopté un engagement politique destiné à « opérationnaliser » la clause de sauvegarde bilatérale prévue par l'accord, en précisant l'interprétation qu'en fait l'exécutif européen.

Les derniers jours ont vu prospérer bien des inexactitudes quant à la portée de cette clause de sauvegarde ; il importe donc de dissiper les malentendus persistants s'agissant des garanties supplémentaires prétendument apportées en faveur des filières agricoles par la Commission européenne.

Premier malentendu : il a souvent été avancé que la Commission avait introduit dans l'accord une nouvelle clause de sauvegarde spécifique pour les filières agricoles. Cette allégation est fausse : sur ce point, l'accord n'a pas été renégocié depuis 2019. L'Accord UE-Mercosur comprend, depuis cette date, une clause de sauvegarde bilatérale, définissant, conformément au droit de l'OMC, les mesures d'urgence qui peuvent être prises à la suite d'un accroissement significatif des importations d'un produit donné, lorsque ces dernières menacent de causer un dommage grave pour le pays importateur.

La Commission européenne s'est bornée à présenter une proposition de règlement visant à expliciter la manière dont elle entend utiliser les marges de manoeuvre que lui confère l'accord de 2019 en matière de clause de sauvegarde.

Deuxième malentendu : de nombreuses parties prenantes ont appelé à un endossement officiel de cette proposition de règlement par les pays du Mercosur. Cette demande n'a pas lieu d'être ! La proposition de règlement présentée par la Commission ne créée aucune obligation nouvelle à l'endroit des pays du Mercosur et s'inscrit sans la moindre difficulté dans le cadre des stipulations de l'accord.

Troisième malentendu : nombre d'observateurs ont soutenu que la proposition de règlement de la Commission fonctionnerait tel un “frein d'urgence” en cas d'importations massives menaçant la stabilité d'une filière entière. Cette lecture est erronée : la clause de sauvegarde n'a vocation qu'à atténuer, de façon exceptionnelle et pour un temps limité, les effets de l'accord, en offrant aux filières nationales un délai pour s'ajuster à un cadre concurrentiel profondément renouvelé.

Pour le dire sans détour, il n'a jamais été envisagé de suspendre durablement l'accord en cas de perturbations majeures, mais seulement d'accorder aux producteurs européens un bref répit. Les mesures d'urgence ne pourront être prises que pendant les douze premières années suivant l'entrée en vigueur de l'accord, et pour une durée maximum de deux ans.

Quatrième et dernier malentendu : la Commission soutient que sa proposition de règlement permettra d'activer plus rapidement et facilement la clause de sauvegarde. Cette affirmation n'est que partiellement exacte, puisque certaines organisations agricoles, comme les producteurs de volaille ou de viande bovine, ont d'ores et déjà indiqué qu'il leur serait pour ainsi dire impossible de remplir les critères fixés par la Commission ou d'apporter les éléments de preuve nécessaires à l'activation de la clause.

Nous proposons, en conséquence, d'ajuster la PPRE sur ce point, afin de clarifier sans ambiguïté la portée de la proposition de règlement présentée par la Commission européenne.

Ce développement a pu paraître long, j'en conviens ; mais il était indispensable pour établir que la proposition de règlement de la Commission ne répond en rien au problème de fond que soulève cet accord, à savoir l'exposition structurelle de nos producteurs européens à une concurrence foncièrement déloyale.

M. Jean-François Rapin, président. - Ces précisions sont bienvenues, étant donné la quantité d'informations, souvent contradictoires, qui circulent. Nous avons ici une analyse détaillée de l'accord et de la clause de sauvegarde bilatérale qu'il comprend. Il s'agit d'informations qui font parfois défaut dans les médias ou les déclarations des syndicats agricoles.

M. Didier Marie, rapporteur. - Plusieurs États membres ont néanmoins fait savoir que l'introduction de ces garanties les conduisait désormais à envisager un vote en faveur de l'accord. Par conséquent, la perspective de réunir une minorité de blocage au Conseil s'éloigne, ce qui nous amène à l'objet de la PPRE que nous examinons aujourd'hui.

Le 14 novembre dernier, une résolution recueillant les signatures de 145 députés européens a été déposée au Parlement européen, pour demander à la Cour de justice de l'Union européenne de se prononcer sur la conformité de l'accord aux traités européens. Ce recours aurait de fait un caractère suspensif et permettrait de reporter d'un délai allant de 12 à 24 mois l'entrée en vigueur de l'accord avec le Mercosur. Néanmoins, l'adoption de cette résolution par le Parlement européen est loin d'être acquise.

Cette résolution va dans le même sens que la proposition de résolution européenne déjà déposée par nos collègues Jean-François Rapin, Cédric Perrin et Dominique Estrosi Sassone, qui vise à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur, comme l'y autorise les traités européens.

Cette demande de saisine se fonde sur trois moyens distincts :

Le premier moyen invoqué porte sur la conformité de la décision de scinder l'accord avec les traités et directives de négociations émises par le Conseil.

En effet, les directives de négociation adoptées en 1999 autorisaient la négociation d'un accord d'association avec les pays du Mercosur, exigeant l'unanimité du Conseil et la ratification des parlements nationaux. Le Conseil a par ailleurs pris soin de rappeler, dans des conclusions adoptées en 2018, qu'il lui appartenait de « décider, au cas par cas, de la scission des accords commerciaux » et que les accords commerciaux « en cours de négociation, par exemple avec le Mexique, le Mercosur et le Chili rester[aient] des accords mixtes », devant être soumis à la ratification de l'Union européenne et des États membres.

En dépit de ces directives, la Commission a décidé de scinder l'accord, comme elle l'avait déjà fait dans le cas de l'accord UE-Chili, en présentant deux textes juridiques distincts : un accord de partenariat avec le Mercosur (APEM) et un accord intérimaire sur le commerce (AIC).

En pratique, l'APEM constitue un accord cadre-mixte, relevant à la fois de la compétence de l'Union européenne et des États membres, et doit donc être ratifié par l'Union européenne et par les 27 États membres, selon leurs procédures constitutionnelles respectives.

En parallèle, l'AIC ne couvre que les dispositions commerciales de l'accord, relevant de la compétence exclusive de l'Union, conformément à la jurisprudence « Singapour » de la Cour de justice de l'Union européenne. Sa ratification requiert donc uniquement l'obtention d'une majorité qualifiée au Conseil et d'une majorité simple au Parlement européen. Une fois ratifié, l'AIC s'appliquera de plein droit, dans l'attente d'une avancée concernant l'accord global. Il expirera et sera remplacé par l'accord de partenariat UE-Mercosur dès son entrée en vigueur.

Par ailleurs, la Commission n'a pas proposé à la signature et la conclusion du Conseil un accord d'association avec les pays du Mercosur, mais un accord de partenariat ! D'un point de vue procédural, cette décision est loin d'être anodine, puisque les accords d'association doivent faire l'objet d'un vote à l'unanimité au Conseil, mais pas les accords de partenariat, qui peuvent être approuvés à la majorité qualifiée.

En pratique, le Conseil devra donc adopter, le 16 décembre prochain, pour chaque accord, à la majorité qualifiée, une décision autorisant la signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, une décision portant conclusion de l'accord, qui vaut ratification de l'Union, l'APEM nécessitant par ailleurs une ratification par les États membres pour pouvoir entrer en vigueur.

Mes chers collègues, il est assez évident que ces subterfuges juridiques n'ont d'autre finalité que de contourner le veto des États membres au Conseil et de permettre une signature de l'accord par la Commission dès le sommet avec le Mercosur le 20 décembre prochain.

En tout état de cause, il est manifeste que la Commission européenne n'a respecté ni le mandat qui lui a été confié en 1999 par le Conseil, ni les directives de négociations émises en 2018, s'agissant de la nature juridique de l'accord conclu avec le Mercosur. Dès lors, l'architecture juridique retenue par la Commission pourrait être considérée comme incompatible avec les stipulations des traités européens relatives au respect des directives de négociation émises par le Conseil. Elle pourrait également se révéler contraire aux principes de répartition des compétences, d'équilibre entre les institutions et de coopération loyale entre l'Union et ses États membres.

Le deuxième moyen invoqué concerne la conformité du mécanisme de rééquilibrage avec les articles des traités portant sur la protection des consommateurs, de l'environnement ou de la santé publique. En effet, à la demande des pays du Mercosur qui craignaient les conséquences des mesures adoptées unilatéralement par l'Union européenne dans le domaine du développement durable, un nouveau mécanisme de rééquilibrage a été introduit dans l'accord en 2024.

En pratique, l'accord créée une nouvelle procédure de plainte à l'encontre d'une mesure de l'autre partie qui annulerait ou réduirait les avantages attendus de l'accord ; un panel d'arbitrage pourrait être constitué pour examiner la plainte et proposer des ajustements permettant de contrebalancer l'impact de la mesure en question.

Or ce mécanisme, qui se caractérise par un champ d'application particulièrement large, fait l'objet d'interprétations contradictoires : la Commission européenne soutient qu'il ne s'appliquera pas aux réglementations déjà adoptées ou aux mesures prévisibles à la date de clôture des négociations, tandis que certains juristes estiment, au contraire, qu'il pourrait couvrir les législations qui n'ont pas encore été intégralement mises en oeuvre à cette date.

Le cas échéant, il permettrait aux pays du Mercosur de faire obstacle à la mise en oeuvre effective des mesures miroirs réclamées par plusieurs États membres ou d'exiger des concessions commerciales additionnelles en compensation, quand bien même ces mesures seraient jugées compatibles avec le droit de l'OMC.

En définitive, pour certains observateurs, la menace d'un recours à ce mécanisme pourrait être utilisée par les pays du Mercosur pour faire pression sur l'Union afin qu'elle retire ou suspende la mise en oeuvre de la législation existante en matière de climat, d'environnement, de sécurité alimentaire ou encore de produits phytosanitaires.

Dès lors, l'introduction dans l'accord avec le Mercosur d'un tel mécanisme de rééquilibrage pourrait être considérée comme incompatible avec les stipulations des traités européens qui imposent d'intégrer les exigences environnementales à l'ensemble des politiques publiques, de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine, de veiller à la défense des consommateurs et de promouvoir le développement durable à l'échelle mondiale.

Enfin, le dernier moyen invoqué se rapporte à la compatibilité de l'accord avec l'application du principe de précaution.

Comme nous l'avons souligné, il existe des différences réglementaires importantes entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, en matière de production alimentaire et de normes sanitaires et vétérinaires.

Or, non seulement l'accord ne comporte aucune disposition spécifique relative à l'alimentation des animaux, l'emploi de médicaments vétérinaires dans les élevages, le bien-être animal ou encore l'utilisation de produits phytosanitaires, mais en plus le chapitre relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires de l'accord prévoit une simplification et un allègement des contrôles.

Dans ce contexte, si l'accord UE-Mercosur mentionne explicitement la possibilité d'adopter des mesures fondées sur le principe de précaution, cette prérogative se révèle très encadrée. En effet, la définition retenue pour le principe de précaution demeure lacunaire, tandis que les stipulations du chapitre sur les mesures sanitaires et phytosanitaires tendent à en limiter l'application effective. Rien n'empêchera, par ailleurs, les pays du Mercosur de recourir au mécanisme d'arbitrage prévu par l'accord ou au mécanisme de règlement des différends de l'OMC pour contester l'application de mesures sanitaires ou phytosanitaires fondées sur le principe de précaution et obtenir leur retrait.

Mes chers collègues, à l'aune de nos travaux, nous estimons que les trois moyens invoqués à l'appui de la demande de saisine de la Cour de justice sont fondés.

S'agissant du premier moyen, il nous semble clair que, compte tenu du caractère hautement controversé de l'accord commercial avec le Mercosur, on ne saurait balayer la question de la scission, au seul motif que la Commission européenne dispose d'une compétence exclusive en matière de négociation commerciale, car elle est liée par les directives de négociation adoptées par le Conseil. La Commission ne peut pas faire ce qu'elle veut ! La question de la présentation d'un accord de partenariat au lieu d'un accord d'association mériterait également d'être approfondie en vue de l'examen par la commission des affaires étrangères puis en séance publique.

Plusieurs États membres ayant, depuis des années, clairement exprimé leur opposition à cet accord, la décision de la Commission de le scinder ressemble fort à un passage en force, difficilement conciliable, sinon avec la lettre, du moins avec l'esprit des traités. La saisine de la CJUE pourra utilement préciser si cette pratique est conforme ou non aux traités et, en l'espèce, à l'équilibre entre les institutions, dès lors que le Conseil avait expressément demandé en 2018 le maintien du caractère mixte de cet accord.

Sur le deuxième moyen, nous observons que la portée comme le champ d'application du mécanisme de rééquilibrage introduit dans l'accord donnent lieu à de vives controverses juridiques ; dans ces conditions, une clarification par la Cour de justice de l'Union européenne nous paraît tout à fait opportune.

Enfin, force est de constater que plusieurs stipulations de l'accord pourraient conduire à un recul de la protection des consommateurs, de la santé et de l'environnement dans l'Union, ce qui entrerait en contradiction avec les droits prévus par les traités. Quoi qu'il en soit, une saisine de la CJUE permettrait de préciser la manière dont l'Union entend appliquer le principe de précaution dans ce cadre.

C'est pourquoi nous soutenons pleinement la démarche des auteurs de cette PPRE, d'autant que les prises de position récentes du Gouvernement ont été, il faut bien le dire, pour le moins ambiguës, parfois même inquiétantes.

Lors de la séance de questions au Gouvernement du 12 novembre dernier, M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe, a certes rappelé les trois conditions posées par la France pour voter en faveur de la conclusion de l'accord.

Il a ainsi mentionné l'ajout d'une clause de sauvegarde pour protéger les marchés agricoles, l'instauration de mesures miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale et un renforcement des contrôles sanitaires sur les produits importés mais aussi dans les pays exportateurs.

Il a néanmoins admis que la Commission n'avait pas, à ce stade, fait de propositions suffisamment précises s'agissant des mesures miroirs et des contrôles sanitaires. Il apparaît clairement que les conditions posées pour soutenir l'accord ne sont pas remplies et ne le seront pas davantage à brève échéance !

L'insistance systématique du Gouvernement sur le fait que l'accord n'est pas acceptable « en l'état » pourrait à cet égard apparaître comme une manoeuvre dilatoire, alors que l'étau se resserre au Conseil, mais aussi au Parlement européen.

Dès lors, une saisine de la CJUE permettrait au Gouvernement français de sortir de l'ambiguïté, en rappelant l'opposition historique et maintes fois réitérée de notre pays à la conclusion de l'accord commercial avec les pays du Mercosur tel qu'il a été négocié par la Commission européenne.

Elle permettrait également de clarifier le cadre juridique de la répartition des compétences entre la Commission et le Conseil dans cette phase finale de présentation et de conclusion des accords commerciaux, mais aussi de préciser les effets de l'accord négocié, afin de veiller à ne pas entraver la capacité des co-législateurs européens à adopter des mesures sanitaires, sociales ou environnementales à l'avenir.

Alors que notre agriculture connaît une crise d'une gravité exceptionnelle, et qu'elle pourrait, pour la première fois depuis 1978, présenter un déficit commercial en 2025, nous estimons qu'il revient au Gouvernement de faire usage du dernier levier à sa disposition afin de s'opposer à la ratification d'un accord dont la France ne veut pas.

M. Jean-François Rapin, président. - Avant de lancer la discussion, je tenais à vous faire part d'une information importante. Comme vous le savez, Roberta Metsola a rencontré le Président Gérard Larcher vendredi dernier. J'ai eu l'occasion d'assister à cet échange et nous avons posé de nombreuses questions à la Présidente du Parlement européen, qui était accompagnée de ses services, notamment, du Secrétaire général du Parlement européen, au sujet du Mercosur et des demandes de saisine de la Cour. Le Secrétaire général m'avait laissé entendre que la demande des parlementaires européens pourrait être déclarée irrecevable dans la mesure où le Conseil n'a pas encore saisi le Parlement européen de son texte. La confirmation est tombée hier : le bureau de dépôt du Parlement européen a indiqué que la proposition de résolution n'était pas recevable et la Conférence des présidents a donc refusé de l'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine session plénière.

À l'heure actuelle, le Sénat est donc le dernier rempart contre l'entrée en vigueur de cet accord, peut-être avec l'Assemblée nationale, en portant cette demande de saisine de la Cour de justice.

J'ai perçu aussi très clairement dans les propos de la Présidente du Parlement européen une réelle attention à la probable mobilisation du monde agricole français et européen, pour des motifs sans doute variés. Une grande manifestation des agriculteurs est prévue à Bruxelles le 18 décembre, à laquelle les pêcheurs pourraient se joindre. Cette mobilisation devrait aussi gagner nos voisins allemands et polonais.

M. Jacques Fernique. - Cette résolution européenne du Sénat est particulièrement opportune. Nous ne pouvons pas laisser la Commission européenne bafouer ainsi le mandat et les directives de négociation émises par le Conseil. En juin 2023, lors d'un débat au Sénat, le Gouvernement français s'est engagé à s'opposer à toute scission de l'accord UE-Mercosur. Lors du dernier salon de l'agriculture, le Président de la République a qualifié cet accord d'inacceptable. L'évolution, pour le moins ambiguë, du Gouvernement, ressemble fort à un retournement de veste. L'accord n'a connu d'amélioration significative depuis 2019. En revanche, le Gouvernement a revu à la baisse ses exigences, en passant de la défense des clauses miroirs à la clause de sauvegarde. L'amendement déposé par nos collègues Gremillet et Marie clarifie parfaitement la situation : la proposition de règlement présentée par la Commission européenne ne crée pas d'obligation nouvelle pour les pays du Mercosur, mais sert avant tout d'outil de communication. L'application de cette clause de sauvegarde serait de toute façon pratiquement impossible. Comme la coupe d'aloyau ne correspond à aucune ligne tarifaire du code des douanes, il serait impossible d'assurer le suivi et le contrôle de ces importations, et donc de réagir pour protéger nos agriculteurs en temps utile. Le mécanisme de rééquilibrage introduit à la demande des pays du Mercosur constitue un outil leur permettant de remettre en cause nos normes environnementales et sanitaires, ainsi que d'éventuelles mesures miroirs, notamment celles relatives aux pesticides, au bien-être animal, à la déforestation et, plus largement, à l'application de l'accord de Paris. Tout cela pourrait être attaqué au nom du libre-échange.

La position française actuelle, pour le moins ambiguë, et proche d'un renoncement, ne saurait être acceptée. Cette proposition de résolution européenne peut contribuer à changer la donne. Le subterfuge employé par la Commission pour imposer le volet commercial de l'accord révèle clairement un mépris à l'égard des parlements nationaux. Il est impératif de saisir la Cour de justice de l'Union européenne sans délai. Nous sommes tout à fait favorables à cette proposition de résolution européenne ainsi qu'à l'amendement présenté par les rapporteurs.

M. Jean-François Rapin, président. - Vous avez évoqué la question des contrôles. Dans nos échanges avec les agriculteurs, la question des contrôles revient fréquemment. En effet, l'Union européenne n'est pas armée pour procéder efficacement à ces contrôles aujourd'hui.

J'en veux pour preuve l'exemple de la mise en place des contrôles sanitaires à l'issue du Brexit, à Boulogne-sur-Mer. Déjà, pour des produits bien identifiés, mettre en place des services de contrôle sanitaire sur un territoire bien délimité, doté d'une seule frontière et, en ce sens, relativement simple à gérer sur le plan géographique, s'est révélé être un vrai parcours du combattant.

Nous avons très vite mesuré l'ampleur considérable de la tâche. Dès lors, imaginez le vétérinaire brésilien qui devra contrôler la viande exportée depuis son pays et assumer, pour le compte de l'Union européenne, une telle responsabilité. À moins recruter un grand nombre de fonctionnaires européens qualifiés pour effectuer ces contrôles, directement sur place, l'Union n'est pas aujourd'hui en capacité de garantir l'efficacité de ces contrôles.

M. Pascal Allizard. - En tant que rapporteur pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je tiens à remercier et féliciter nos deux collègues rapporteurs au nom de la commission des affaires européennes pour la qualité de leur travail et de leur présentation. Nous sommes pleinement en phase quant à la façon de progresser sur ce dossier.

Je voulais insister sur la problématique des contrôles, que le président vient d'évoquer. L'Union européenne constitue une véritable passoire ! Ces contrôles n'ont aucun sens. La probabilité d'être contrôlé est extrêmement faible, et la probabilité d'être sanctionné à l'issue d'un contrôle est quasiment nulle.

Mme Gisèle Jourda. - Je souscris également à ces propos de mon collègue, en tant que co-rapporteure de ce texte au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Vincent Louault. - Les agriculteurs n'y croient plus vraiment...

M. Jean-François Rapin, président. - Je suis vraiment d'accord avec vous.

M. Vincent Louault. - C'est le dernier baroud d'honneur et c'est tout à notre mérite de le faire. Le coeur du problème, applicable à bien d'autres produits, réside dans le commerce et dans le contrôle des marchandises qui entrent en Europe. Le Mercosur, c'est le mammouth qui se pointe à nos frontières. Puisque nous sommes déjà incapables de contrôler l'existant, nous aurons beau insérer toutes les clauses miroirs et toutes les normes possibles, rien ne garantit qu'un contrôle sera réellement effectué à l'arrivée... Les bras m'en tombent.

Je me suis fortement impliqué dans un dossier concernant les autorités chinoises, pour tenter de leur imposer des contraintes à la douane, mais les douaniers du ministère m'ont indiqué que rien ne progressait à l'échelle européenne sur ce sujet. Le commerce extérieur est une politique européenne commune depuis 1968, pourtant aucun système d'information unifié n'existe encore au niveau européen. Il est donc impossible de procéder à un dédouanement uniformisé ; de ce fait, les produits circulent librement dans toute l'Europe, ils entrent dans un pays puis se dispersent, sans coordination. C'est tout juste si la TVA est payée.

Le reste du monde a bien compris que les Européens constituent les idiots utiles de ce commerce mondialisé. Quant à l'agriculture, nous, les agriculteurs, n'avons plus foi dans les institutions. Nous avons perdu sur la loi « Duplomb », les cours des céréales ont baissé de 40 %, pour retrouver leur niveau de 1995, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) va renchérir le coût des engrais... Cette proposition de résolution européenne est bienvenue et montre au moins que le Sénat a fait son travail.

M. Jean-François Rapin, président. - J'ai adressé au commissaire européen à l'agriculture et à l'alimentation un courrier concernant l'application du MACF aux engrais, les surcoûts provoqués et le risque qu'ils font peser sur les importations d'engrais et sur l'avenir de la filière céréalière. Nous allons vous le transmettre.

M. Didier Marie, rapporteur. - La question des contrôles se posait déjà pour le CETA. C'était l'une des raisons pour lesquelles certains s'y opposaient.

L'accord avec Mercosur soulève deux problématiques distinctes. D'un côté, il y a le contenu de l'accord, dont nous venons de débattre ; de l'autre, il y a la dynamique institutionnelle entre la Commission, le Conseil, le Parlement européen et les États membres. Ce deuxième point me paraît extrêmement important car, pour première fois, la Commission a manifestement contourné les traités pour imposer sa vision, contre l'avis d'une minorité d'États membres et sans requérir l'avis des parlements nationaux. Nous faisons donc face à un véritable virage institutionnel qui, à mon avis, doit être dénoncé.

S'agissant du « retournement de veste », pour reprendre votre expression, je constate que l'exécutif français est tellement isolé à l'échelle européenne, sur ce sujet comme sur d'autres, sans doute en raison des difficultés politiques internes et de l'instabilité gouvernementale, qu'il cherche à tout prix à sauver la face plutôt que d'être défait au Conseil. Le Gouvernement cherche à construire un discours selon lequel l'accord ne serait finalement pas si mauvais, d'autant que des garanties auraient été arrachées. Or nous venons de démontrer, avec Daniel Gremillet, que ces garanties sont nulles et non avenues. Cette forme de maquillage politique vise à nous faire oublier que le Gouvernement français a essuyé un échec.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - J'aurais deux remarques : la première concerne l'incohérence entre cet accord et les discussions actuelles à Bruxelles au sujet de la déforestation importée. Nous savons pertinemment qu'en l'absence de sanction, rien ne garantit que les engagements en matière de déforestation soient tenus. Pourtant, aujourd'hui, tous les distributeurs européens exigent des agriculteurs une alimentation certifiée comme exempte de tout lien avec la déforestation. Une fois de plus, nous allons à rebours des attentes du peuple européen avec l'accord UE-Mercosur.

Deux autres éléments sur l'aspect sanitaire méritent d'être soulignés. Qui parmi vous n'a pas encore en mémoire l'épisode de la vache folle ? En Europe, la traçabilité repose sur un système qui suit l'animal dès sa naissance, et jusqu'à la fin de sa vie. Aujourd'hui, un animal qui se présente à l'abattoir sans boucle d'identification ne peut pas être abattu : il part directement à l'équarrissage, même s'il est en bonne santé. Dans les pays du Mercosur, les animaux sont identifiés seulement lorsqu'ils arrivent à l'abattoir...

Enfin, n'oubliez pas que nous avons adopté la loi « Egalim », sur la montée en valeur ; or, l'accord permettra d'importer davantage d'aloyau, morceau de viande bovine qui présente une forte valeur ajoutée.

M. Jean-François Rapin, président. - Tout cela n'est bon ni pour la France, ni pour l'Union et son image auprès de nos concitoyens. Je vous laisse présenter l'amendement COM-1 que vous avez tous les deux déposé sur cette proposition de résolution.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement revient sur la clause de sauvegarde, qui constitue en fait un engagement unilatéral de l'Union européenne et qui ne crée aucune obligation nouvelle à l'endroit des pays du Mercosur. Aucune clause de sauvegarde n'a été ajoutée à l'accord. Plusieurs organisations agricoles estiment en outre que les modalités d'application de cette clause de sauvegarde demeurent peu effectives. Ainsi, contrairement à la présentation qui a pu en être faite par la Commission européenne et le Gouvernement, la proposition de règlement sur la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale ne modifie pas l'économie générale de l'accord en matière agricole. Le présent amendement vise à préciser le dispositif de la proposition de résolution européenne sur ce point.

La commission adopte l'amendement COM-1 déposé par les rapporteurs.

La commission adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée et dont le texte est disponible en ligne sur le site du Sénat.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Je vous remercie pour ce vote à l'unanimité, qui envoie un signal fort.

M. Jean-François Rapin, président. -Le texte sera désormais examiné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il est encore possible de déposer des amendements jusqu'à lundi midi. Le texte pourra également être amendé ensuite en vue de l'examen en séance publique.

Proposition de règlement établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l'Union, et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2001/40/CE du Conseil et la décision 2004/191/CE du Conseil (COM(2025) 101 final), la proposition de règlement modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l'établissement d'une liste des pays d'origine sûrs au niveau de l'Union (COM(2025) 186 final) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l'application du concept de « pays tiers sûrs » (COM(2025) 259 final) - Examen de la proposition de résolution européenne

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne - Communication

Le compte rendu sera publié ultérieurement.