Conseil européen des 19 et 20 mars (Déclaration du Gouvernement)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars.

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - L'ordre du jour du Conseil européen de printemps, que je suis heureux de vous présenter, sera, comme de tradition, consacré aux questions économiques avec la préparation du sommet de Londres le 2 avril, un rendez-vous historique durant lequel nous tenterons de trouver une réponse internationale à la crise qui continuera d'affecter durement l'économie mondiale et européenne, comme le montrent les dernières projections.

Durant sa présidence de l'Union, la France s'est attachée à favoriser une réponse concertée et coordonnée à la crise avec la mise au point de mesures d'urgence en faveur du secteur financier et bancaire en octobre -mesures qui se sont révélées essentielles pour les entreprises- et d'une boîte à outils pour soutenir l'activité économique en décembre. Au plan international, l'appel de la France et de l'Union à une réforme du système financier international a porté ses fruits et conduit au sommet de Washington du 15 novembre.

Les mesures de garantie et de recapitalisation préventive arrêtées conformément au plan d'octobre ont permis d'éviter une débâcle financière. Une forte impulsion budgétaire a été donnée : au total, l'effort de soutien à l'économie engagé représente plus de 400 milliards d'euros, soit une contribution comprise entre 3 et 4 % du PIB. Le jeu des stabilisateurs automatiques, puissants dans les pays européens, y est inclus. En effet, pourquoi des pays dont le système social est coûteux et participe à la relance ne comptabiliseraient-ils pas ces sommes dans ce cadre ?

Nous devons poursuivre cet effort et préserver le rôle d'impulsion de l'Union : c'est l'enjeu assigné au prochain Conseil européen, comme l'a rappelé le Président de la République il y a quelques jours à Berlin, en accord avec la chancelière fédérale d'Allemagne. Cela a demandé du travail, mais la France et l'Allemagne sont convenues de renforcer et réorganiser le système financier international.

Nous attendons de ce Conseil l'expression de trois volontés. Tout d'abord, une volonté d'action, pour poursuivre et renforcer nos efforts communs en réponse à la crise. Des mesures nouvelles sont indispensables pour assurer la stabilité et la surveillance du système financier. C'est une condition nécessaire au retour de la confiance et à un assouplissement durable des canaux de crédit. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions et nos régions : les efforts fournis par les banques sont insuffisants pour garantir aux PME et aux TPE un bon financement, et donc une relance forte de l'activité économique.

Dans cette perspective, nous souhaitons d'abord que le Conseil fixe une orientation et un calendrier précis pour la mise en oeuvre du rapport Larosière sur la supervision en Europe. Les premières décisions devront être prises en juin. Dans la communication présentée en vue du Conseil européen, la Commission a confirmé y être prête : nous nous en félicitons et jugerons les actes.

Votre commission des finances a entendu Jacques de Larosière aujourd'hui même : je ne reviendrai donc pas sur le détail du rapport qu'il a présenté le 25 février dernier. Nous en appuyons les recommandations sur la supervision : leur mise en oeuvre rapide doit permettre de combler les graves lacunes que la crise financière a révélées dans nos mécanismes de régulation et de supervision.

Par ailleurs, la Commission a annoncé la présentation prochaine de nouvelles propositions réglementaires fortes dans le domaine financier : sur les rémunérations, sur l'encadrement des fonds d'investissement, sur les échanges de produits dérivés, sur l'encadrement de la prise de risque dans les établissements financiers. Derrière chacun de ces termes techniques, une question politique se dessine : la volonté de réorganiser le système financier français. La Commission a aussi approuvé le 25 février des lignes directrices sur le traitement des actifs dépréciés auxquelles il appartient désormais aux États membres de se conformer.

Nous sommes aujourd'hui au-delà des objectifs que le Conseil européen s'était fixés en décembre pour la relance -soit 1,5 % du PIB et 175 millions d'euros. Il ne s'agit donc pas aujourd'hui d'échafauder de nouveaux plans de relance mais de poursuivre la mise en oeuvre des mesures prises et de mieux orienter les efforts vers les secteurs structurants de nos économies. Nous estimons ainsi important que des voies soient tracées pour de nouvelles initiatives, notamment de nature sectorielle, dans le domaine de la recherche et de l'innovation, afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises.

De façon plus générale, des progrès sont nécessaires dans la coordination de nos politiques économiques. Le 12 mars dernier, lors du conseil des ministres conjoint, l'Allemagne et la France sont convenues de « renforcer la coordination de leur politique économique contre la crise économique et financière ». Je souhaite que cet accord soit l'amorce d'une évolution plus large en Europe. Pour bâtir une politique économique européenne commune, la France et l'Allemagne doivent renforcer la coordination de leurs actions contre la crise.

Nous attendons ensuite de ce Conseil européen la confirmation de la volonté de solidarité que nous devons aux pays européens les plus vulnérables, en particulier nos partenaires d'Europe centrale et orientale. Le débat s'est parfois concentré ces derniers jours sur la question de l'assouplissement des critères ou du calendrier d'entrée dans la zone euro : il paraît difficile pour le moment d'aborder ces sujets, par ailleurs réglés par les traités. En revanche, nous devons identifier les mesures supplémentaires, en particulier financières, qui peuvent être prises pour assister nos partenaires en difficulté et pourraient s'ajouter aux 25 milliards déjà débloqués en ce sens.

Enfin, le Conseil européen doit exprimer une volonté d'unité dans la perspective du prochain sommet du G20 à Londres. Comme l'a dit le Président de la République, cette rencontre doit permettre d'aboutir à des résultats forts, substantiels et concrets dans la mise en oeuvre du plan d'action de Washington. Tous les acteurs financiers, tous les produits doivent être soumis à des procédures de surveillance et de contrôle, voire à des sanctions, comme dans le cas des paradis fiscaux. Nous attendons des avancées concrètes sur la transparence et la régulation financières, l'intégrité des marchés, la coopération internationale et le renforcement des institutions financières internationales, tel le FMI.

J'évoquerai brièvement les autres sujets qui seront évoqués par les chefs d'État et de gouvernement. Le Conseil européen approuvera un ensemble d'orientations en matière de sécurité énergétique, concernant en particulier l'amélioration de l'efficacité énergétique, la diversification des sources et des routes d'approvisionnement, le dialogue avec les principaux partenaires énergétiques. Il arrêtera les lignes directrices de l'Union en vue de la préparation de la Conférence des parties sur le changement climatique qui se tiendra à Copenhague en décembre prochain. Dans cette perspective, l'Union européenne doit confirmer le message ambitieux délivré lors de la présidence française.

Au titre des relations extérieures, le Conseil européen saluera le lancement du partenariat oriental en vue du sommet qui réunira, à Prague, le 7 mai, les Vingt-Sept et les six pays concernés. Nous appuyons cette initiative qui vient enrichir la politique de voisinage dans laquelle elle s'inscrit. Parallèlement, le Conseil européen réaffirmera son soutien à l'Union pour la Méditerranée, en appelant tous les partenaires à travailler à la mise en oeuvre des projets et à la mise en place rapide de ses structures.

Enfin, le Conseil européen évoquera le processus de ratification du traité de Lisbonne et les travaux conduits pour assurer la traduction juridique des engagements pris en décembre dernier à l'égard de l'Irlande. II ne s'agira pas d'une discussion de substance -celle-ci interviendra au Conseil européen de juin- mais d'un point d'information. Naturellement, la France rappellera son attachement au traité de Lisbonne et son espoir qu'une nouvelle consultation sera bien organisée en Irlande pour autoriser son entrée en vigueur d'ici la fin de l'année.

Tels sont les principales attentes pour le prochain Conseil européen. Ces questions économiques et financières ont fait l'objet d'une feuille de route esquissée lors de la présidence française, qui a progressé lors des rendez-vous de janvier et février. Un conseil des ministres franco-allemand fondateur a scellé une nouvelle union qui nous permettra d'avancer plus forts au prochain Conseil et au G20.

Notre objectif est de conforter le rôle de l'Europe, qui doit être politique, et de rendre plus efficace le modèle de régulation qui la caractérise. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Ce Conseil européen sera essentiellement consacré à la situation économique et financière qui affecte profondément et durablement l'économie mondiale et les économies nationales. Depuis l'automne dernier, l'Europe a pris des mesures pour y faire face en réformant le secteur financier et en relançant l'économie réelle et l'emploi. Toutefois, les conséquences géopolitiques de cette crise me paraissent encore insuffisamment évaluées.

Certes, il est tout à fait compréhensible que le Conseil européen confirme la volonté des États membres d'agir dans le cadre de l'Union. Le rétablissement des équilibres et de la confiance des investisseurs, des consommateurs et des PME sont des éléments fondamentaux de la relance et de la résolution collective de la crise mondiale. Il est néanmoins significatif que le projet de conclusions sur les capacités de l'Union européenne à surmonter la crise ne mentionne que dans une annexe la nécessité de prendre en compte l'assistance aux pays en développement et de promouvoir le développement global. Ce document appelle également au respect de nos engagements d'accroissement de l'aide au développement dans le cadre des objectifs du millénaire.

L'approche économique et financière du Conseil européen, complétée par celle du G20, doit mieux appréhender l'ampleur de la crise et ses conséquences géopolitiques. A cet égard, deux rapports récents devraient être pris en compte. Le rapport annuel d'évaluation des menaces que les seize agences de sécurité et de renseignement américaines ont transmis au Sénat américain en février dernier, présenté par l'amiral Dennis Blair, identifie comme première menace pour la sécurité des États-Unis la crise économique mondiale et son impact déstabilisateur sur leurs alliés et leurs adversaires. Pour la première fois, ce risque est placé avant même le terrorisme international. Outre le recours d'un nombre croissant de pays à l'aide internationale ou au FMI, le rapport s'inquiète d'une éventuelle vague destructive de protectionnisme et d'une forte instabilité politique dans certains pays d'Amérique latine, de l'ancienne Union soviétique et d'Afrique sub-saharienne. Il met également l'accent sur les risques de flux de réfugiés fuyant les conséquences de la crise économique. Seul aspect positif, la baisse des prix du pétrole profite non seulement aux consommateurs mais limite l'aventurisme des États producteurs comme l'Iran ou le Venezuela.

Beaucoup font porter la responsabilité de cette crise aux États-Unis et aux pays développés, ce qui nuit évidemment à l'image de l'Occident dans le monde. L'amiral Blair a ainsi déclaré : « Le temps est probablement notre plus grande menace. Plus il faut de temps pour amorcer la reprise, plus il existe un risque d'effets graves pour les intérêts stratégiques des États-Unis. » L'Europe est elle aussi indiscutablement confrontée à une situation d'urgence.

Le second rapport, élaboré par le FMI, constate que la crise « remet en question les progrès considérables accomplis par de nombreux pays à faibles revenus au cours de la décennie écoulée ». Il estime à plus de 25 milliards de dollars le besoin de financement urgent pour répondre en 2009 aux besoins de ces pays. Selon Dominique Strauss-Kahn, « une baisse de la croissance pourrait avoir des conséquences graves pour la pauvreté et, peut-être, pour la stabilité politique ».

Les conséquences de cette baisse des revenus peuvent être extrêmement importantes non seulement en termes économiques, avec les répercussions que l'on peut en attendre sur l'immigration, mais aussi en termes de sécurité dans la mesure où l'extrémisme et le terrorisme trouvent un climat favorable dans la fragilisation des structures étatiques et dans la misère. Cette déstabilisation d'États structurellement fragiles peut conduire à un accroissement des conflits internes, voire interétatiques.

On peut se féliciter que la réunion des ministres des finances du G20, qui s'est tenue le 14 mars, ait souligné la nécessité d'augmenter substantiellement les ressources du FMI pour qu'il accroisse son aide aux pays en difficultés.

L'ONU est en train de préparer, avec certaines difficultés, la tenue d'une conférence sur les conséquences de la crise en matière de développement.

L'Europe et le G20 doivent adresser aux pays en développement un message clair : maintien de l'effort en faveur du développement, poursuite des objectifs du millénaire. J'observe que la conférence qui s'est tenue la semaine dernière à Londres à l'initiative des autorités britanniques tient un langage très clair sur ces questions. Gordon Brown veut faire du G20 l'occasion d'un « global New Deal », réaffirmant l'engagement du Royaume-Uni en matière d'aide au développement et la pleine actualité des objectifs du millénaire. Il reprend même à son compte l'idée française de créer un fonds fiduciaire pour aider les plus pauvres à faire face à la crise et les pays en développement à assurer une couverture sociale aux plus vulnérables.

Il conviendrait également, sans faiblesse ni complaisance, d'envisager une relance des négociations commerciales internationales engagées dans le cadre de l'OMC. La conclusion des accords de Doha devrait avoir un impact d'un à deux points sur la croissance mondiale.

Les conséquences économiques et géopolitiques du changement climatique, également à l'ordre du jour du conseil, sont elles aussi porteuses d'insécurité. La multiplication des catastrophes naturelles, la montée du niveau de la mer, l'accès à l'eau et la gestion de cette ressource et l'aggravation éventuelle de la crise alimentaire mondiale du fait de la sécheresse, qui s'ajoutent à la baisse des ressources étatiques permettant de financer les importations nécessaires, se traduiront inévitablement par des conflits et des mouvements de population.

La diminution des ressources des pays en développement ne manqueront pas d'avoir des effets écologiques, en particulier sur leur capacité à prendre des engagements conformes au protocole de Kyoto.

C'est dans cet esprit que les conclusions du Conseil appellent l'Union européenne à apporter « une attention spéciale aux besoins des pays développés les plus vulnérables » -phrase qui n'est sans doute pas à la hauteur du message politique qu'il faudrait envoyer.

Pour reprendre les propos du Président de la République lors de sa visite d'État au Mexique, pour faire face à cette crise, « la coopération n'est pas une option, c'est une absolue nécessité ». « L'histoire nous a montré », ajoutait-il, « que le protectionnisme et le repli sur soi ne sont jamais des solutions, qu'ils ne font qu'aggraver les problèmes ». C'est cette communauté d'intérêts face à la crise qui a conduit à ouvrir le G20 de Washington aux grands pays émergents. II convient de poursuivre dans cette voie et d'affirmer la solidarité de l'ensemble des pays du monde et des grands blocs économiques face à une crise globale. Je ne doute pas que ce ne soit l'intention de la France et de l'Europe. Il serait opportun que cela fût exprimé lors de la réunion du Conseil. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Ce qui apparaît un peu plus chaque jour, c'est l'incertitude quant à la gravité et à la durée de la crise. Bien sûr, on nous livre sans cesse de nouveaux pronostics, mais il suffit de regarder ce que disaient les mêmes prévisionnistes il y a un an pour conclure que leur marge d'erreur est assez large.

Dans cette grande ignorance, il est prudent de s'en tenir à la maxime de Descartes, qui rappelait que pour sortir d'une forêt, il faut avancer toujours dans la même direction. Or, ce n'est pas l'impression que donne aujourd'hui l'Europe. A l'automne dernier, nous avons eu le sentiment que l'Union, après quelques atermoiements, résistait et réagissait de concert. Mais aujourd'hui, on ne sent plus la même détermination commune.

Si nous voulons que les citoyens croient en l'Europe, c'est pourtant en de telles circonstances que cette dernière doit faire ses preuves. Nous ne sortirons pas de la crise sans rétablir la confiance. Pour cela, il faut une Europe unie et efficace, guidée par des valeurs de solidarité et de responsabilité.

La solidarité entre Européens suppose d'abord que chacun prenne sa part de l'effort de relance, sans se comporter en passager clandestin. On ne peut se contenter d'une relance en trompe-l'oeil, avec l'espoir de bénéficier à bon prix des efforts de relance des autres. L'effort conjugué doit être clair, et pleinement commun si l'on veut donner le sentiment que l'Europe appuie sans réserve sur l'accélérateur.

Car ce serait une erreur que de minorer la relance au nom de la dette. La récession n'en serait que plus marquée et in fine, le rapport entre la dette et le PIB se détériorerait tout autant. Dans un contexte de récession, l'inaction dégrade davantage les finances publiques que la relance : les recettes fiscales baissent davantage et les dépenses sociales augmentent plus vite.

Nous aimerions tous que notre dette soit moins élevée, mais gardons-nous d'être alarmistes. Elle ne l'est pas plus que celle de l'Allemagne ou des États-Unis, où elle approche, comme la nôtre, 75 à 80 % du PIB, tandis qu'elle dépasse, au Japon, 180 % du PIB, et 110 % en l'Italie. Ne compte pas, en outre, son seul niveau. Ainsi, si l'endettement de l'Espagne reste inférieur à 50 % de son PIB, les caractéristiques structurelles de l'économie espagnole inquiètent les investisseurs, avec cette conséquence que ses titres d'emprunt lui sont plus coûteux.

En tout état de cause, nécessité fait loi. Quand seul l'État peut emprunter à bon compte, il lui revient d'utiliser cette capacité pour soutenir l'investissement. Personne ne jouera ce rôle à sa place. Les États membres doivent donc se garder de paraître incertains ou fuyants et s'engager clairement et solidairement dans la voie de la relance.

La Commission européenne doit aussi donner le sentiment qu'elle est concentrée sur la lutte contre la crise. Je suis parmi ses défenseurs mais je dois reconnaître qu'il lui arrive de prendre des initiatives qui laissent pantois. Quelle image donne-t-on de l'Europe en pleine crise, à trois mois des élections européennes, en proposant de créer un vin rosé barbare issu d'un mélange de vin rouge et de vin blanc ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre) Quelle image donne-t-on en voulant faire passer, presque en catimini, un règlement qui rendrait impossible la publicité pour la plupart des fromages français, comme s'ils étaient des produits dangereux ?

Je l'ai souvent dit à cette tribune, lorsque les fonctionnaires occupent le terrain, c'est que les politiques l'ont déserté. (M. Paul Blanc approuve) Un technocrate, c'est un fonctionnaire qui n'est pas commandé. Ce n'est guère le moment, alors que nous traversons une crise sans précédent, de laisser la bride sur le cou aux fonctionnaires. (M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, approuve)

La notion de responsabilité est au coeur de la crise. Des techniques financières de plus en plus élaborées ont conduit à diluer toujours davantage la sanction du risque, créant les conditions d'une crise globale.

Pour que l'économie de marché fonctionne, il faut que les agents économiques supportent les conséquences de leurs erreurs. On ne pourra une nouvelle fois faire assumer ces conséquences par la collectivité. Pour établir la confiance, il faut aussi donner le sentiment que la dilution des responsabilités ne sera plus tolérée. Cela suppose des règles prudentielles plus strictes, dont tout le monde semble enfin reconnaître la nécessité, et qui devront à mon sens tenir compte de la taille et du rôle des établissements. Nous avons vu la FED vouloir faire un exemple avec Lehman Brothers -et beaucoup le regrettent aujourd'hui-, puis tout a été fait pour qu'aucun établissement important ne fasse plus faillite. Cette impunité assurée doit avoir pour contrepartie l'astreinte de règles adaptées à la position de chacun. On ne doit pas pouvoir gagner sur tous les tableaux.

Des contreparties doivent, de même, être demandées aux banques qui bénéficient de l'aide publique. La limitation des rémunérations des dirigeants reste un symbole. Il serait plus utile encore que les banques qui bénéficient, aujourd'hui, de la forte baisse du loyer de l'argent, la répercutent entièrement sur leurs clients, au lieu d'en profiter pour augmenter leurs marges. (M. Paul Blanc approuve)

Je me réjouis que le Conseil, malgré une actualité économique et financière si pressante, ait conservé à son ordre du jour un point sur l'énergie et le changement climatique. Car rien ne serait pire que de laisser croire que tout se ramène désormais au niveau d'activité, comme si l'envolée du prix de l'énergie, des matières premières, des produits alimentaires et les inquiétudes face au réchauffement de la planète étaient déjà oubliées.

Au-delà des fluctuations économiques, c'est notre conception du développement qui doit changer. Ce n'est qu'en conjuguant lutte contre la crise et développement durable que nous sortirons par le haut des graves difficultés que nous traversons. Et nous n'y parviendrons pas si le couple franco-allemand ne joue pas pleinement son rôle irremplaçable. Bien sûr, nos amis britanniques peuvent être des partenaires essentiels sur certains sujets importants : mais c'est avec l'Allemagne que nous aurons une force d'entraînement suffisante pour faire progresser la construction européenne dans son ensemble. C'est pourquoi je me réjouis de constater que les relations franco-allemandes semblent repartir du bon pied : nous savons, monsieur le ministre, que vous faites beaucoup pour cela.

On peut toujours tirer un bien d'un mal. La crise nous invite à changer nos comportements, au plan européen, au plan national mais aussi au plan individuel. Non point que mon intention soit ici d'entamer un sermon de carême, mais la crise nous a montré combien nous nous sommes éloignés des valeurs européennes. Nous voyons aujourd'hui où tout cela conduit.

J'ai participé à la convention qui a élaboré la charte des droits fondamentaux, puis à celle qui a préparé le traité constitutionnel. Nous nous sommes référés au plus bel héritage de l'Europe ; nous avons proclamé notre attachement aux principes de solidarité, de justice entre les générations, de développement durable, de dignité humaine. Mais peut-être n'était-ce là que des mots. Peut-être la réalité n'était-elle que la course au profit, l'indifférence à l'avenir comme au passé, le culte de la consommation. On voit où cela nous a menés.

Il faudrait en tirer les conséquences dans les politiques que nous menons et prendre au sérieux les valeurs européennes que nous proclamons. Si tel était le cas, cette crise pourrait, à long terme, se révéler salutaire pour l'Europe. (Applaudissements)

M. Roland Ries.  - La réunion du G20 qui se tiendra à Londres le 2 avril pourrait avoir l'importance historique des accords de Bretton Woods. Cette réunion devrait en effet définir pour les prochaines décennies des règles propres à éviter que de telles crises financières ne se reproduisent. L'Europe doit donc peser de tout son poids dans la décision. Tel est l'enjeu du Conseil des 19 et 20 mars. Encore faudrait-il, pour cela, ne pas être en total décalage avec nos partenaires.

Les États-Unis souhaitent que le G20 se concentre sur une politique de relance économique ; ils se sont montrés réservés sur l'instauration de nouvelles règles financières. C'est, en somme, la position inverse des pays européens ! La voix de la raison est exprimée par les socialistes européens, qui veulent voir traiter conjointement régulation financière et relance économique. La Commission vient d'établir un calendrier de présentation de mesures destinées à favoriser une régulation financière sur le sol européen. Je rappelle que les socialistes européens avaient estimé dès 2007 qu'il était indispensable d'adopter une législation européenne pour encadrer les fonds spéculatifs. D'un autre côté, on ne peut donner tort aux États-Unis lorsque ceux-ci critiquent l'insuffisance des plans de relance européens : la seule contribution financière de l'Europe à la relance économique portait sur 5 milliards : une mesurette au regard du désastre et des centaines de milliards investis par l'ensemble des pays, et qui ne fait même pas l'unanimité de États membres après six mois de concertation.

Quel bilan faire de la gestion de la crise par l'Union européenne depuis six mois ? Nous avons dû nous contenter d'une réévaluation de la mission de la Banque européenne d'investissement, d'un plan de relance des banques et de la perspective d'un accord sur les paradis fiscaux. C'est maigre et je ne suis pas sûr que les citoyens y trouvent leur compte. L'Union européenne s'est contentée d'encourager des plans de relance nationaux qui n'ont fait l'objet que d'une coordination limitée. Puissent-ils ne pas déboucher sur une cacophonie généralisée ! Nouvelle démonstration a été faite de l'impuissance de l'Union à organiser une véritable réponse collective. On a mesuré cette impuissance lors du Conseil du 1er mars, où aucune décision d'envergure n'a été prise.

Il est à craindre que le sommet extraordinaire sur l'emploi prévu le 7 mai à Prague ne se résume lui aussi à un simple échange d'expériences. Pourquoi avoir isolé la question de l'emploi et réduit la question sociale à la portion congrue ? La crise économique pourrait accroître de 7 millions le nombre de chômeurs d'ici 2010.

Les socialistes français et européens estiment qu'une autre relance est possible. Nous proposons le lancement d'un grand emprunt européen pour investir dans des travaux d'infrastructure continentaux, dans les TGV notamment. L'émission d'euro-obligations avait été évoquée début mars par le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia ; cette proposition a été aussitôt enterrée par le président Barroso. Nous proposons ensuite d'intégrer au plan de relance européen un volet social qui comprendrait la réorientation de la stratégie de Lisbonne, notamment ses lignes directrices sur l'emploi, pour mettre l'accent sur la qualité des emplois créés et la formation ; l'assouplissement des règles d'utilisation du fonds d'ajustement à la mondialisation ; l'adoption d'un pacte européen du progrès social établissant des objectifs et des normes pour les politiques nationales de solidarité, de santé et d'éducation ; la relance du dialogue social européen pour mettre les partenaires sociaux au coeur des négociations. En d'autres termes, il s'agit, parallèlement aux investissements nécessaires au développement de nouvelles infrastructures, de relancer le pouvoir d'achat des ménages à l'échelle européenne.

Ces mesures sont tout à fait envisageables, à compétences constantes de l'Union. Encore faut-il la volonté politique pour le faire. C'est à la France de pousser dans ce sens.

Deuxième question cruciale à laquelle le prochain Conseil va s'atteler : la sécurité énergétique, priorité choisie par la présidence tchèque. Celle-ci souhaite l'élaboration d'une stratégie dans ce domaine, après que la rupture des approvisionnements en gaz russe a montré l'importance de cette question. Si l'objectif est louable, les orientations libérales des solutions proposées le sont moins. La logique du marché représente un frein à la stratégie de long terme en matière de sécurité énergétique, dont nous avons tant besoin. La sécurité de l'approvisionnement est un impératif et l'on ne peut se contenter, comme le propose la Commission, de vouloir diversifier l'approvisionnement. Elle nécessite la mise en place d'infrastructures adéquates, une capacité de stockage et des réserves obligatoires, et une stratégie garantissant la solidarité des États membres.

Le Conseil sera enfin l'occasion d'évoquer la contribution financière que l'Union sera prête à mettre sur la table de la conférence internationale de Copenhague sur le changement climatique. A cette heure, malgré les négociations au sein du conseil environnement et au sein de l'Écofin, on ne voit aucun accord poindre à l'horizon. L'Europe s'est montrée jusque-là ambitieuse sur la réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Il serait bon qu'elle ne le soit pas moins à propos de sa contribution financière en faveur des pays en voie de développement qui, eux aussi, devront fournir un effort. C'est aussi sa responsabilité que de les aider.

Il ne vous aura pas échappé qu'en dépit des apparences, la crise financière, la politique énergétique et le changement climatique sont des sujets intimement liés. La lutte contre le réchauffement climatique est à même de renouveler l'économie européenne, de créer les conditions d'une croissance écologique et innovante, source d'emplois et de richesses pour les Européens. C'est à ces conditions que le prochain sommet du G20 peut contribuer à sortir les pays d'Europe des graves difficultés dans lesquelles ils s'enlisent jour après jour. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; MM. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, et Jean Bizet applaudissent également)

M. Denis Badré.  - Nous sommes à l'avant-veille d'un Conseil européen « critique » puisque nous sommes en temps de « crise » et que, comme le dit le grec, la krisis est le moment de la décision.

Pragmatisme et imagination, volonté politique et sens des responsabilités doivent se conjuguer. Et c'est alors que les fondamentaux reprennent leurs droits. L'Europe est la solution, et l'Europe, c'est nous, les Européens. Ses succès seront les nôtres, ses échecs seront les nôtres.

C'est pourquoi nous devons soutenir la présidence tchèque, sans défaillance ni arrière-pensée. Présider l'Union, c'est rendre un service à tous ; nous devons tous jouer le jeu. Il n'en est que plus désolant d'entendre le président tchèque se vanter d'user de tous les moyens dilatoires pour retarder la ratification du traité de Lisbonne qu'il a signé.

Nous vivons une crise financière, une crise économique, une crise sociale, une crise de la société. Dans ces conditions, si l'Union européenne n'existait pas, il faudrait d'urgence la créer. Jamais, dans le monde, les inégalités entre États n'ont été aussi profondes. Les inégalités s'accroissent, les tensions militaires se multiplient. Il faut donc absolument bâtir un partenariat durable avec la Russie et aller dans le sens d'une défense européenne.

Nous devons réaffirmer les valeurs de l'Union européenne, qui sont aussi celles que défend le Conseil de l'Europe devant qui je parlais ce matin : droits de l'homme, primauté du droit, démocratie.

Nous sommes à trois mois du renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne. Ce doit être l'occasion d'envoyer un message fort : si par malheur l'abstention l'emportait le 7 juin, nous le paierions ensuite au prix fort.

Dans un monde qui se cherche, l'Europe doit se renforcer sur la base de solidarités internes qui doivent sans cesse être réaffirmées. Ne nous formalisons pas de voir les pays d'Europe centrale et orientale se concerter, ils en ont bien le droit et c'est plutôt sain. L'exemple du couple franco-allemand est là pour le rappeler, un couple qu'il faut encore renforcer, c'est une priorité absolue si nous voulons que l'Europe retrouve son élan. Je sais que vous vous y attachez, monsieur le ministre. Ne marginalisons pas les pays d'Europe centrale et orientale, ne les renvoyons pas avec commisération à leurs difficultés. On a dit un peu vite qu'ils se tournaient vers le FMI parce qu'ils ne trouvaient pas de réponses au sein de l'Union ; celle-ci, dans les situations exceptionnelles, doit exercer sa solidarité puis, le cas échéant, jouer les intercesseurs avec le FMI. Nous ne devons pas nous réjouir d'être moins frappés que d'autres, que la Grande-Bretagne, en première ligne de la crise financière, ou que l'Allemagne, dont le solde commercial est moins sympathique aujourd'hui qu'hier ; nous sommes embarqués dans la même aventure, les difficultés et les échecs des uns sont aussi ceux des autres.

Alors que faire ? Vous soutenir lorsque vous souhaitez que l'Europe parle d'une seule voix ou que l'Union propose des voies pour l'avenir lors du G20 d'avril. Vous soutenir lorsque vous rappelez que le protectionnisme soulage à court terme mais est porteur de graves désillusions, qu'il faut des mécanismes de supervision et engager la lutte contre les paradis fiscaux. Vous soutenir encore lorsque vous dites que les mesures de relance ne doivent pas plomber les déficits ni faire exploser une dette déjà insupportable, M. Haenel en a parlé. Vous devrez veiller à ce que les collectifs qui nourrissent la relance ne contiennent que des mesures temporaires, veiller aussi à poursuivre les réformes afin qu'en sortie de crise, nous puissions reprendre l'assainissement définitif de nos finances publiques...

Que faire encore ? Écouter peut-être ceux qui prônent un grand emprunt européen. Ma religion n'est pas faite, mais on ne peut repousser l'idée d'un revers de main ; avez-vous eu un débat avec nos partenaires sur le sujet ? Ce serait d'ailleurs l'occasion de réexaminer la question du budget européen, un budget qui ne ressemble à rien, dont les recettes sont décidées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen et le Conseil. Ce n'est pas la démocratie, un tel système n'a pas d'avenir. Il est peut-être temps de cesser d'éluder la question.

Il est des domaines dans lesquels nous allons progresser naturellement, irréversiblement, comme la remise en cause du secret bancaire ou des paradis fiscaux. Nul ne pourra complètement se dérober. Au-delà, il est impératif que l'Union se dote d'une véritable politique industrielle commune. Il y faudra de la volonté politique, mais elle est attendue et tout à fait nécessaire. Nous avons su créer une politique de la concurrence, une monnaie unique, un marché unifié, peut-être était-ce plus facile parce que nous étions moins nombreux. Raison de plus pour nous donner la capacité de décider à Vingt-Sept, raison de plus pour que le traité de Lisbonne soit ratifié rapidement. Je crains que les Irlandais, qui subissent durement la crise, n'imputent leurs difficultés à l'Europe ; ce serait une catastrophe. Il faut tout faire pour qu'ils comprennent où est leur intérêt, comme celui des 500 millions d'Européens qu'ils retiennent en otages (murmures sur les bancs CRC), il faut que leurs gouvernants s'engagent, il faut que le commissaire irlandais accepte de « se mouiller », que tous expliquent aux Irlandais ce que deviendraient l'Irlande et l'Europe sans l'Union.

Sur d'autres points clé, il faut la volonté de décider. Le temps est venu de passer des discours aux actes sur la stratégie de Lisbonne, la méthode actuelle des coordinations est sympathique, mais inopérante. Nous avons besoin d'une politique commune de l'économie de la connaissance, de la recherche et de l'innovation : hors de ce choix, nous ne serons pas à la hauteur des défis du monde et ce choix est indispensable, si nous voulons que l'Europe sorte vite et haut de la crise et joue son rôle au niveau mondial. Le temps est décisif, nous devons être à la mesure des exigences du monde moderne. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Billout.  - Alors que le taux de chômage dans la zone euro a atteint 8,2 % en janvier, alors qu'on compterait 13 millions de chômeurs en Europe, l'emploi n'a pas trouvé sa place dans l'ordre du jour du prochain Conseil européen, les Vingt-Sept renvoyant ce sujet au sommet informel de Prague du 7 mai. Nous le déplorons. L'ordre du jour du Conseil sera ainsi dominé par des questions techniques, par la seule dimension financière de la crise et la préparation d'un G20, en avril, qui prétend vouloir « révolutionner » le capitalisme. Ainsi la crise est-elle devenue un alibi de choix pour demander une nouvelle fois des sacrifices aux salariés. Lors du conseil « emploi » du 9 mars, les États ont adopté le rapport conjoint sur l'emploi 2008-2009 de l'UE qui les engage à accroître la flexibilité sur le marché du travail. Le président de la BCE, M. Trichet, lui, appelle de ses voeux des baisses de salaires pour relancer l'économie. Les Vingt-Sept ont exclu toute possibilité de définition d'une politique commune industrielle, assimilée par eux à du protectionnisme. Si le plan automobile français a été validé par la commission, toute dimension européenne a été écartée et le recours à de tels plans strictement encadré. Telle est la politique économique de l'Union : une politique concurrentielle particulièrement intégriste, dont les effets sont ceux que l'actualité nous offre, la suppression par exemple de 1 200 emplois par le groupe allemand Continental dans l'Oise, ce que nous condamnons avec force.

Ce refus d'investir le champ industriel et social s'explique par la nature même de la construction européenne, fondée sur la concurrence libre et dévastatrice, mais aussi par la faiblesse du budget de l'Union, qui ne lui permet pas d'impulser de véritables politiques. Le plan de relance européen est une simple compilation de plans nationaux peu cohérents, les États accordant en désordre 1 800 milliards d'euros de garanties publiques et 280 pour recapitaliser les banques, sans aucun contrôle de l'usage des fonds. Comment penser l'Europe comme une force économique et politique de premier ordre si on la prive de ressources financières ? Il serait temps d'étudier la proposition du gouvernement autrichien de créer une taxe sur la circulation des actifs financiers pour financer le budget européen.

L'Europe ayant été construite sur les bases de la libre concurrence, toute intervention publique, et donc toute politique de développement industriel ou des services publics sont exclues. La Cour de justice des communautés reconnaît d'ailleurs la primauté du droit de la concurrence sur les droits fondamentaux... Obtenir aujourd'hui un consensus sur la nécessité d'élaborer une directive-cadre sur les services d'intérêt général, notamment sociaux, est bien difficile. Si le conseil « compétitivité » du 5 mars a reconnu qu'il était nécessaire d'accorder toute l'attention qu'elle mérite à la dimension sociale du marché intérieur et aux services d'intérêt général, les Vingt-Sept se sont bien gardés d'en demander une traduction législative.

C'est cette logique qui a conduit à la financiarisation accrue de l'économie et à la généralisation des pratiques de dumping social, écologique et environnemental. La crise a été à l'évidence nourrie par le modèle libéral ; mais les dirigeants européens font preuve d'un autisme déroutant. Lors du conseil « emploi », le vice-premier ministre tchèque, M. Petr Ne?as, a affirmé que les mesures prises « ne devraient pas mettre en danger la viabilité à long terme des finances publiques ni perturber les règles du marché intérieur ». Le 1er mars, le président du Conseil déclarait de son côté : « nous devons souligner le rôle vital joué par le marché unique pour la vitalité de l'économie européenne ». La commissaire Neelie Kroes affirmait dans le même temps que « le marché unique est notre bien le plus précieux et nous devons le protéger ». Aucune inflexion du modèle ultralibéral n'est donc à attendre ! La Commission veut au contraire aller toujours plus loin dans le démantèlement des services publics et la financiarisation de l'économie, option illustrée par la fameuse directive « services », dont le conseil « compétitivité » a rappelé l'importance le 5 mars et que nous devons transposer cette année. J'ajoute que Bruxelles, dans un récent projet de règlement, veut réintégrer le principe du pays d'origine. Ce procédé est honteux.

La libéralisation est un des critères d'adhésion à l'Union ; l'élargissement du marché commun concurrentiel combine l'intérêt des nouveaux entrants comme des anciens. Mais ce sont ces critères qui ont rendu les premiers plus vulnérables à la crise... Les neuf pays ayant adhéré en 2004 et 2007 se sont réunis pour demander à l'Union, au regard de leurs difficultés, de prendre des mesures exceptionnelles : les Vingt-Sept ont refusé.

L'ordre du jour du Conseil européen de printemps prévoit qu'un point sera fait sur les progrès réalisés pour renforcer la stabilité, la supervision et la transparence des marchés financiers, notamment au regard des propositions du rapport Larosière. Ce n'est pas très enthousiasmant, d'autant qu'il n'y a aucune marge de manoeuvre, puisque les mesures devront tenir compte des impératifs du Pacte de stabilité... Le Conseil doit aussi souligner « la détermination des États membres à respecter les principes fondamentaux du marché intérieur et la nécessité d'en approfondir encore le fonctionnement ». C'est dire qu'on va accélérer encore le rythme des réformes pour tenter de préserver un système économique défaillant. Le point relatif à l'énergie en est une bonne illustration.

En effet, le Conseil européen doit rappeler « l'importance d'un marché intérieur de l'énergie opérationnel et efficace ». Nous savons pourtant que le marché ne préserve pas les ressources naturelles. C'est pourquoi notre assemblée a presque unanimement adopté en juin 2007 le rapport Approvisionnement électrique, l'Europe sous tension, qui recommandait la maîtrise publique du secteur énergétique. Le Gouvernement doit maintenant transmettre le message au niveau communautaire, notamment au Conseil européen.

L'unité de façade sur le plan énergie-climat dissimule des différences d'approche fondamentales dont témoigne le refus opposé par les principaux États contributeurs aux projets d'infrastructure présentés par la Commission européenne. L'éternel principe du laisser-faire confie donc la vie commune aux intérêts financiers. Les actionnaires des firmes énergétiques percevront de confortables dividendes, malgré un service dégradé, alors même que les tarifs s'envolent. Le groupe Total en offre un bel exemple.

Nous demandons qu'un bilan des politiques de libéralisation soit dressé, nous voulons réorienter la construction européenne en direction d'une Europe sociale où des coopérations efficaces permettraient de partager le progrès.

Mais la situation financière ne doit pas dissimuler la profonde crise de légitimité démocratique de l'Europe. Aucune remise en question n'est envisagée, puisque l'adoption du traité de Lisbonne est considérée comme un fait acquis. A ce propos, je ne pense pas que les Irlandais aient pris en otage les Européens, ce sont les citoyens de l'Union qui ont été bâillonnés.

M. Denis Badré.  - Chacun son appréciation !

M. Michel Billout.  - Pour obtenir un nouveau référendum irlandais, la Commission européenne a fait des concessions sur la charte des droits fondamentaux. Or, toute exception prive cette charte de sa portée.

Le traité de Lisbonne porte en lui les germes de la crise, avec la libre circulation des capitaux, l'indépendance de la banque centrale et l'interdiction des aides d'État. Nous continuons à contester la forme de son adoption antidémocratique comme le fond des politiques inscrites.

Vous ne voulez pas entendre les peuples qui refusent de voir la construction européenne mettre en concurrence hommes, entreprises et territoires. Nous en appelons encore au Gouvernement pour qu'une impulsion soit enfin donnée à l'Europe politique des peuples, fondée sur le progrès partagé, sur l'harmonisation par le haut dans les domaines sociaux, écologiques et fiscaux.

Au plan institutionnel, le Conseil extraordinaire du 1er mars a permis aux chefs d'État de renouveler leur confiance envers la Commission dans le combat contre la crise. Nous contestons ce retour à une Commission omnipotente, alors que la présidence française avait renforcé le Conseil européen.

Fixer l'ordre du jour est parfois complexe, mais nous regrettons que la situation internationale ne soit pas traitée, hormis les partenariats orientaux et l'Union pour la Méditerranée. Cette situation a beaucoup évolué depuis la guerre sans précédent qui s'est déroulé en janvier à Gaza, faisant plus de 1 300 victimes, dont beaucoup de femmes et d'enfants. Cette agression insupportable et les crimes de guerres qui ont été commis appellent une réaction forte de la communauté internationale, notamment de l'Union européenne.

Cette fois, l'Europe doit obtenir d'Israël l'arrêt de la colonisation et des exactions envers le peuple palestinien, base de toute reprise du processus de paix. Le rehaussement de relations avec Israël doit être abandonné jusqu'à la création effective d'un État palestinien viable et souverain. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Jean Bizet.  - A l'occasion de ce débat, je rends hommage à la présidence française pour son travail remarquable qui a fait aboutir des dossiers clés pour l'avenir de nos économies, au premier rang le paquet Énergie-climat.

Attestant le rôle moteur de notre pays sur la scène européenne, cette présidence a montré que la France pouvait conduire ses partenaires vers des compromis, notamment sur les questions économiques et environnementales, alors que le contexte aurait pu inciter au repli national. En effet, il pourrait être tentant de céder au protectionnisme face à la crise ou de reléguer les questions environnementales au second plan, mais nos économies ont plus que jamais besoin de coordination et de solidarité pour aller vers des modèles durables.

Le Conseil européen des 19 et 20 mars s'inscrit dans une crise économique et financière sans précédent. Il doit donc nous inviter au volontarisme.

Dans cette perspective, il convient de faire le point sur les progrès accomplis dans la supervision et la transparence des marchés financiers, pour voir si des mesures complémentaires doivent être arrêtées.

L'Union européenne doit renforcer la régulation financière afin de restaurer la confiance dans nos économies. L'assainissement du secteur financier en constitue la principale priorité. D'autre part, l'activité ne reprendra pas sans rétablissement du crédit bancaire, notamment en faveur des petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois.

Le plan européen pour la relance économique doit aussi faire l'objet d'une évaluation, mais il me semble nécessaire de ne pas négliger les objectifs budgétaires inscrits dans le pacte de stabilité et de croissance.

J'ajoute que les mesures nationales de relance doivent être coordonnées, l'industrie animant en priorité les réflexions. Rappelons que la part de l'industrie dans la valeur ajoutée française est passée en dix ans de 20 % à 12 %. Voulons-nous qu'une industrie européenne existe encore dans une décennie ? Si oui, l'innovation et la recherche devront être renforcées. Nous devrons en particulier reconfigurer l'industrie automobile pour maintenir sa compétitivité.

D'autre part, la crise économique doit conduire à de nouveaux progrès dans l'application effective de la stratégie de Lisbonne, car une meilleure employabilité des salariés permettra d'amortir la détérioration subie par le marché du travail. Une attention particulière devrait donc être accordée en emploi des jeunes, des seniors et des salariés les moins qualifiés.

Si nous voulons doter l'Europe de l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde, il faut prendre les bonnes décisions dans le soutien à l'innovation. La stratégie de Lisbonne a bien des qualités, mais elle demeure purement déclaratoire. J'approuve la suggestion de considérer comme un objectif obligatoire -et non comme un simple indicateur- la part des dépenses publiques consacrées à l'innovation.

A ce propos, quelle position l'Union européenne a-t-elle adoptée au sujet des négociations de Doha, conduites dans le cadre de l'OMC ? De façon générale, tout accord international favorisant le commerce apporte deux à trois points de croissance supplémentaire, mais les conclusions de juillet sont inacceptables !

J'en viens à quelques sujets économiques majeurs qu'il faudrait traiter en priorité avant le renouvellement du Parlement européen. L'aboutissement du paquet télécom dépendra de la capacité de la présidence tchèque à trouver un compromis sur les questions cruciales comme la régulation européenne ou l'appel par téléphone mobile vers l'étranger. La Commission européenne s'est prononcée contre la création d'une autorité européenne, car elle préfère harmoniser les pratiques nationales. Elle a également rappelé qu'il fallait mieux protéger les droits des consommateurs de communications électroniques, notamment en matière tarifaire.

Le dossier de l'énergie et du changement climatique doit également faire l'objet d'un compromis pour conforter la sécurité énergétique de l'Union à moyen et long terme. Les voies et moyens à privilégier ont été parfaitement identifiés par les travaux sénatoriaux, notamment ceux de MM. Sido et Deneux. Il convient de développer les infrastructures énergétiques, d'augmenter les stocks de pétrole et de gaz, mais surtout de diversifier le bouquet énergétique au profit des sources renouvelables d'énergie.

Nul ne conteste la nécessité de rendre plus efficace le marché intérieur de l'énergie, mais sa libéralisation doit être envisagée avec prudence, en privilégiant une régulation qui préserve les opérateurs intégrés plutôt qu'une séparation patrimoniale qui affaiblirait de grands groupes dans un contexte économique dégradé.

En ce domaine, la crise économique offre une occasion d'accélérer la mutation économique vers un respect accru de l'environnement. La lutte contre le changement climatique est donc une priorité pour l'Union européenne et ses partenaires. Nous pouvons nous féliciter d'avoir désormais, à Washington, une administration engagée sur ce thème.

Ce Conseil européen permettra aux États membres d'arrêter les grands axes concernant le cycle de négociations de Copenhague sur le changement climatique.

Le conseil des ministres de l'environnement a déjà affiné le 2 mars la position que l'Union européenne devrait défendre. Il demande que les pays développés s'engagent sur des réductions à l'horizon 2020, en traduisant le plus vite possible les objectifs en mesures contraignantes, leurs intentions étant annoncées au plus tard à la mi-2009. Il ne faut pas sous-estimer l'importance du rendez-vous de décembre à Copenhague, car un accord international conduirait l'Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % au lieu de 20 %. Il est indispensable que les autres pays développés prennent des engagements similaires, afin d'éviter tout dumping environnemental. Les pays en développement doivent également contribuer à cet effort, en fonction de leurs facultés respectives. Cela suppose bien sûr des mécanismes de solidarité financière. Le conseil environnement préconise de retenir quatre critères fondés sur l'équité économique : la richesse, le potentiel de réduction des gaz à effet de serre, l'évaluation des actions réalisées, l'évolution démographique. Il propose également aux partenaires européens de parvenir à émettre en 2050 deux tonnes de gaz carbonique par an et par habitant, contre 6,2 tonnes en France actuellement et 20,4 aux États-Unis. Nous nous félicitons de ces propositions, mais comment seront-elles financées ? Il faudra éviter de pénaliser les entreprises et l'emploi.

En définitive, je souhaite réaffirmer solennellement que l'Union européenne doit défendre une croissance durable, compatible avec la protection de l'environnement et de la santé, et que seules des réponses européennes pourront venir à bout de la crise.

Ceux qui croient en l'efficacité des solutions nationales se trompent.

Souhaitons que ce Conseil européen soit l'occasion d'aborder ces différents problèmes et d'adresser un signal fort d'unité et de solidarité entre les peuples d'Europe. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les trois « E » de la présidence tchèque seront à l'ordre du jour du Conseil européen des 19 et 20 mars prochains : économie, énergie, relations extérieures. Je me concentrerai sur la politique de l'énergie dans la perspective du partenariat oriental.

Le 7 mai prochain, la présidence tchèque lancera le partenariat oriental regroupant six États stratégiques dans le domaine de l'énergie : l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Géorgie, l'Ukraine, la Moldavie et la Biélorussie. La sécurité d'approvisionnement est enfin devenue une priorité de l'Union européenne depuis la présidence allemande. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de cohésion communautaire mais le rapport Mandil a fait évoluer les choses ; la sécurité d'approvisionnement est désormais étroitement liée à la solidarité énergétique entre les membres de l'Union. L'absence de politique européenne de l'énergie nous a privés en 2006 d'une formidable opportunité lorsque les pays producteurs d'Asie centrale -Kazakhstan, Ouzbékistan et Turkménistan- nous ont lancé un appel. Notre indigence politique et notre manque de réactivité ont renforcé le monopole de Gazprom. Aujourd'hui, cette société achète 80 % du gaz exportable de l'Asie centrale !

Notre politique énergétique extérieure se développe au sud et à l'est, par le biais de la politique de voisinage ; un espace de sécurité, de démocratie et de prospérité se forme ainsi aux portes de l'Union. Je ne vous apprendrai pas, monsieur le ministre, que la belle Europe, enlevée par les Grecs en représailles, était une princesse phénicienne venue des rivages du Liban. Le rapprochement entre l'Union et ses voisins orientaux et méridionaux n'est qu'un retour aux origines...

Dans le cadre de son partenariat avec les pays du sud, l'Union pour la Méditerranée doit mettre en place les jonctions nécessaires pour convoyer les hydrocarbures de la Caspienne et de l'Iran vers l'Union européenne. Selon le même principe, le partenariat oriental constitue une avancée de la politique européenne de voisinage. « L'intégration sans les institutions », chère à Romano Prodi, permet de rapprocher de l'Union des pays qui souhaitent coopérer avec elle au plan économique et politique. Ce dialogue régional est un facteur de stabilisation dans des zones conflictuelles comme la Géorgie et le Nagorny-Karabakh, où se situent des voies d'évacuation majeures des hydrocarbures russes et caspiens : Bakou-Supsa, Bakou-Tbilissi-Ceyhan et Bakou-Tbilissi-Erzurum. Il marque la volonté de l'Union de s'impliquer dans la résolution des conflits « gelés » à ses portes, en Abkhazie, en Ossétie du Sud, en Transnistrie ou dans le Nagorny-Karabakh.

Il faut veiller à articuler convenablement le partenariat oriental avec la « synergie de la mer Noire », qui est animée par le même projet : créer un espace de sécurité, de prospérité et de progrès démocratique. La synergie de la mer Noire a pour objet de donner une nouvelle dynamique aux pays de la région grâce à la coopération régionale sur des sujets d'intérêt commun, au premier rang desquels l'énergie. Mais la portée de certaines actions inclut les régions voisines. Les relations avec l'Asie centrale, la Caspienne et l'Europe du sud-est s'en trouveront renforcées. Monsieur le ministre, comment comptez-vous optimiser les relations entre ces différentes structures ?

Les rapports de l'Union européenne avec la Russie sont vitaux. Celle-ci est un fournisseur majeur de l'Union -50 % du gaz et 20 % du pétrole consommés en Europe sont russes- et elle a toujours tenu ses engagements. Par l'importance de ses réserves gazières et de ses exportations et l'orientation de ses pipelines, elle est naturellement liée à l'Union par un partenariat stratégique. Je soutiens depuis longtemps une coopération accrue avec la Russie. Soyons cohérents : ne lui demandons pas à la fois de devenir une économie de marché et de pratiquer des tarifs préférentiels envers les pays qui appartenaient naguère à sa sphère d'influence. Parlons, négocions et coopérons.

La présidence tchèque lancera le corridor sud sur l'axe Caspienne-mer Noire. Pouvez-vous apporter des précisions sur son tracé ? Les pays de l'Union doivent absolument se concerter sur la réalisation d'infrastructures énergétiques : il est contreproductif et absurde que des projets s'opposent, comme Southstream et Nabucco. L'Union européenne dans son ensemble doit comprendre que son intérêt est de diversifier et de sécuriser ses sources d'approvisionnement.

Les deux principaux projets de pipelines en direction de l'Union impliquent la Russie, qui coopère avec l'Allemagne pour le Northstream et avec l'Italie pour le Southstream. C'est un partenaire tellement incontournable que le seul projet qui l'évite, Nabucco, paraît très compromis. Le sous-secrétaire d'État adjoint américain en visite à Ankara s'est opposé à la participation de l'Iran au projet Nabucco. De quoi se mêle-t-il ? (M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, s'exclame) Pis, le Conseil vient d'exclure ce pipeline des projets prioritaires de l'Union. Pourtant l'Union ne doit renoncer à aucune opportunité pour diversifier ses sources d'approvisionnement ! Il est nécessaire de coopérer avec l'Iran, non seulement pour ramener ce pays dans le concert des nations mais aussi pour s'assurer une importante source d'approvisionnement. Les États-Unis n'ont pas les mêmes intérêts que nous et notre politique vis-à-vis de l'Iran doit donc être indépendante de la leur.

La Turquie est un voisin puissant : c'est un pays de transit où aboutissent plusieurs pipelines et qui peut influer sur l'issue de certains conflits régionaux. Elle est actuellement en phase de préadhésion et ne participe pas au partenariat oriental. Pourquoi ne pas envisager le monde turcophone comme un ensemble ?

Enfin, le marché du gaz qui était jusqu'à présent régional est en train de devenir mondial, grâce au développement du gaz naturel liquéfié. Les entreprises françaises, qui sont à la pointe de cette technologie, ont des parts de marché à conquérir sur tous les continents.

Si je me réjouis des progrès évidents dans la stratégie extérieure, la politique énergétique intérieure commune reste à développer. Le découplage me semble inapproprié car il fragilise les entreprises de l'Union. Pour affronter la concurrence, il faut être plus pragmatique qu'idéologue. Monsieur le ministre, pendant combien de temps l'énergie va-t-elle demeurer le talon d'Achille de l'Europe ? Vous qui êtes un homme de culture, réalisez les rêves d'Anaximandre, ce philosophe présocratique qui avait dessiné sur la première carte géographique les contours de l'Europe, du Moyen-Orient et de la proche Asie. Rendez-lui hommage en concrétisant les routes modernes de l'énergie dont il avait rêvé en son temps. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - Lors du prochain Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement devront dégager une position commune ambitieuse avant la réunion du G20 de Londres. Il nous faut tirer toutes les leçons de la crise, au niveau mondial et européen.

Pouvons-nous faire comme si rien ne s'était passé ? La crise a ébranlé les certitudes les mieux établies. Sur le plan institutionnel, elle a vu le grand retour des États, l'effacement de la Commission et la remise en cause du fonctionnement de l'Eurogroupe qui s'est réuni au niveau des chefs d'État et en incluant un pays qui n'est pas membre de la zone euro. Pendant la crise géorgienne déjà, la présidence française n'avait pu agir efficacement qu'en sortant des dispositifs communautaires.

Seuls les gouvernements nationaux peuvent assumer la gestion d'une crise de cette ampleur, parce qu'ils sont responsables devant leurs peuples. L'heure a sonné du retour du politique et du fait national, qui n'est pas un repli sur soi mais la compréhension du fait que la nation est l'espace de solidarité, d'expression démocratique et de responsabilité politique. Comme Jean-Louis Bourlanges l'a intelligemment dit, même s'il n'est pas Anaximandre, « l'Europe n'est pas parvenue à franchir la porte sacrée du politique ». Si la présidence française fut un succès, c'est parce que Nicolas Sarkozy est sorti du carcan bruxellois pour prendre appui directement sur les États.

En outre, il est indispensable de changer le logiciel économique pour construire une Europe qui protège, alors que l'Europe a trop souvent été le fourrier d'une mondialisation sauvage. Il faut moins de dogmatisme et plus de pragmatisme, moins d'angélisme et plus de réalisme. Que reste-t-il de la doctrine économique bruxelloise ? Les règles de la concurrence et celles relatives aux aides d'État ont dû être mises de côté ; la BCE a enfin consenti à assouplir la régulation monétaire et à rompre avec son obsession de la lutte contre l'inflation ; en ce qui concerne la régulation budgétaire, les tentatives pour rappeler les États à la discipline du pacte de stabilité sont restées sans suite ; dans le domaine douanier, le désarmement commercial unilatéral au nom de la concurrence libre et non faussée a laissé place à l'idée de préférence européenne.

Si nous voulons éviter à l'avenir de nouvelles crises, il faut tirer les leçons de cette catastrophe financière. Il serait paradoxal d'exiger au plan international l'abandon d'un libéralisme débridé sans balayer devant notre propre porte européenne.

L'autre grand chantier, c'est la refondation de la régulation financière mondiale autour de trois principes.

Elle doit être contracyclique, transparente et globale. Contracyclique parce que les règles, au lieu d'être des amortisseurs de chocs, ont été des multiplicateurs de crise. Cela vaut pour les règles prudentielles et comptables, la valeur de marché n'ayant jamais exprimé la valeur intrinsèque d'un actif. Il faut réformer les règles des agences de notation dont la vision court-termiste a joué un rôle procyclique, sans oublier qu'elles payent ceux qui émettent les produits financiers les plus toxiques. Les intermédiaires financiers collectent de l'épargne à court terme pour prêter à long terme : le risque de liquidité est inhérent à l'intermédiation. Sans l'interdire, on peut l'encadrer et supprimer les rémunérations amorales. De même pour la titrisation, qu'il serait imbécile d'interdire mais qui ne doit pas diluer les risques jusqu'à les rendre invisibles.

Une refondation transparente, ensuite. Sans revenir à une économie de troc, les marchés financiers doivent dissiper l'opacité qui a détruit la confiance. Tous les marchés, toutes les institutions financières doivent être régulés en cas de crise et c'est ce qui justifie l'intervention de l'État qui est le prêteur en dernier recours.

Une refondation globale, enfin, et non locale. Des zones offshore auraient en effet bientôt ruiné les efforts des plus méritants.

L'objectif est ambitieux. Faudra-t-il une ou plusieurs réunions pour y parvenir ? On ne le sait pas mais on est sûr, dès qu'on pense aux victimes innocentes et fragiles de la crise, de ne pas avoir le droit d'échouer. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Après des discours de si haute tenue et de telles références philosophiques et culturelles, je ne vous infligerai pas une leçon au Collège de France. (Sourires) Je m'efforcerai plutôt d'apporter des réponses pragmatiques à des interrogations légitimes.

Le président de Rohan a mis l'accent sur la question malheureusement négligée des pays en voie de développement et de la solidarité. Toutes les banques, tous les États ont du mal à trouver des financements, mais aucun n'en a autant que ces pays vers lesquels les flux financiers sont revenus de 500 milliards à 100 milliards. Il est essentiel de répondre à ce défi pour que la crise économique ne provoque pas, dans ces pays, une instabilité politique qui dégénère en crise internationale. Nous devons impérativement l'éviter et la solidarité est la meilleure des solutions : le montant des fonds du FMI va donc doubler.

Il importe également de refuser le protectionnisme, qui peut être rassurant mais se termine toujours par un appauvrissement définitif du PIB. Si nous fermions nos frontières, la souffrance des pays en voie de développement serait insupportable. Gardons cela à l'esprit contre la tentation protectionniste.

Il en va de même à l'intérieur de la zone européenne, où nous avons impérativement besoin de solidarité : aucun pays européen ne doit décrocher. J'ai rencontré le ministre des finances hongrois : ce pays a besoin d'assistance ; on peut lui offrir des perspectives d'adhésion. Il ne s'agit pas de revenir sur les critères de la zone euro, ce qui affaiblirait celle-ci, mais de proposer un calendrier, un chemin, une visibilité. Quand un pays voit sa monnaie perdre 30 % depuis le 1er janvier, que sa population s'appauvrit semaine après semaine, il faut des perspectives politiques et de la solidarité.

Il y a une règle politique, monsieur Haenel, plus on approche de la décision, plus elle devient difficile. En novembre et décembre, sous la présidence française, tout le monde était d'accord pour réguler, supprimer les paradis fiscaux, contrôler les fonds souverains, revoir le fonctionnement des agences de notations, dont a parlé M. Retailleau, et la refondation du capitalisme mondial suscitait l'unanimité. Les positions se durcissent, des divisions apparaissent entre la France et l'Allemagne d'une part, et la Grande-Bretagne d'autre part, qui n'a pas les mêmes intérêts et qui n'est pas prête à aller aussi loin. Le G20 de dimanche a néanmoins adopté une position commune. Nous souscrivons aux principes annoncés et voulons des décisions concrètes et précises.

Il ne faut pas minoriser la relance européenne. On peut observer sans polémique que quand le président américain décide que chaque chômeur recevra 500 euros, cette somme est comptée dans le plan de relance. Nous, nous avons un revenu minimum, des amortisseurs automatiques qu'il est légitime de comptabiliser et dès lors, nous atteignons le chiffre de 440 milliards que j'indiquais tout à l'heure, soit 3,3 % du PIB. Notre plan est massif. On peut débattre entre 3 et 5 % du PIB mais il faut d'abord se mettre d'accord sur ce qui se fait. Je n'admets donc pas qu'on ne tienne pas compte des stabilisateurs automatiques et je préfèrerais qu'on commence par mettre en oeuvre ce qui a été décidé.

La crise financière est issue d'un endettement privé massif, favorisé et amplifié dans des proportions insupportables par les dérèglements financiers. Cet endettement privé est né aux États-Unis d'un décalage entre la productivité des salariés et le niveau des salaires. Prenons garde à ce que la sortie de crise ne substitue pas un endettement public à cet endettement privé car la dette américaine n'étant pas financée comme la nôtre, nous y perdrions en compétitivité comme en redistribution de pouvoir d'achat. C'est pourquoi nous avons décidé de travailler conjointement avec l'Allemagne : Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont écrit au Premier ministre tchèque pour lui faire part de leur volonté de réduire la dette et de limiter les déficits publics.

Enfin, l'idée de produire du vin rosé en mélangeant du blanc et du rouge témoigne d'un désamour pour le vin et est un produit regrettable de la comitologie européenne. M. Barnier a déjà souligné que ce n'était pas acceptable et que nous continuerions à le produire comme il faut.

L'Europe politique passe par des relations fortes, rigoureuses et équilibrées entre la France et l'Allemagne.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, et M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État.  - L'Europe manque actuellement d'imagination. La Commission, qui sera bientôt renouvelée, n'a plus autant de capacité d'initiative. Même si la Présidence tchèque fait tout son possible et le fait bien, la crise nous renvoie à la réalité des rapports de force : l'Europe ne progressera que si la France et l'Allemagne sont d'accord. Depuis trois mois, j'y consacre toute mon énergie lors de séjours hebdomadaires à Berlin car c'est pour moi la seule solution pour sortir de la crise et se diriger vers une Europe politique.

Monsieur Ries, s'il faut, certes, lier plan de relance économique et réorganisation du système financier, gardons-nous, sur le plan de la méthode, de mettre ces deux sujets à l'ordre du jour des conférences internationales. Car, fort de ma modeste expérience de diplomate, je sais que diluer l'agenda, c'est diluer les résultats concrets qu'attendent nos concitoyens ! Si nous parvenons, lors de la prochaine réunion, à obtenir des décisions concrètes sur les fonds spéculatifs -ils pouvaient avec un euro acheter des immeubles à un million de dollars à Miami ou à Singapour !-, les rémunérations des dirigeants d'institutions financières et les paradis fiscaux, nous pourrons être satisfaits ! La coordination des plans de relance, l'un des objectifs de ce gouvernement, progresse. A preuve, pour la première fois, les gouvernements français et allemand, dans leur déclaration conjointe à l'issue de leur dernière rencontre, ont précisé vouloir coordonner leur politique économique. Si un plan de relance collectif est pour l'heure impossible en l'absence d'un véritable budget communautaire, l'Europe a montré, avec les 7 milliards que la Banque européenne d'investissement a débloqués pour soutenir l'innovation et la recherche dans l'industrie automobile, qu'elle était capable de se mobiliser pour faire face à la crise.

La question de l'emploi, dont je mesure combien elle est cruciale pour nos concitoyens à chacun de mes retours en circonscription, gagnera effectivement à être traitée au niveau européen s'agissant de la formation, de l'indemnisation du chômage technique ou encore du temps partiel. Cela permettra également de faire prendre conscience à certains États membres que la question sociale est une question européenne.

Monsieur Badré, sans être fermé à l'idée d'un emprunt européen, cette solution, en l'absence de capacités fiscales européennes propres, alourdirait la charge financière des États. L'Allemagne y est opposée, nous devons en tenir compte pour obtenir son soutien sur d'autres sujets.

S'agissant de la Présidence tchèque, nous entretenons des contacts réguliers avec le ministre en charge de l'Europe et le Premier ministre et, s'agissant des propos du Président de la République tchèque, selon la formule consacrée,« tout ce qui est excessif est insignifiant ».

La réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Otan ne fait en rien obstacle au renforcement de la défense européenne, laquelle suppose un budget, la définition d'intérêts collectifs -nous nous y sommes employés sous Présidence française- et un état-major de commandement opérationnel européen.

La crise ne doit pas provoquer le retour de fractures, il nous faut maintenir à tout prix l'unité de l'Europe et notre effort de solidarité à l'égard des pays d'Europe centrale et orientale. Créer des oppositions entre anciens et nouveaux États membres, ce serait revenir sur la manière dont l'Europe s'est construite en effaçant les anciennes divisions. M. Haenel, au banc, me glissait que cela le faisait penser à ce vers de la fable « Les animaux malades de la peste » de La Fontaine : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » ...par la crise. Trouvons des réponses collectives !

Enfin, je me bats pour la mise au point d'une stratégie industrielle commune, que M. Billout a également évoquée. Au Parlement européen, je suis parfois d'accord avec les communistes. La concurrence ne doit pas être l'alpha et l'oméga de la construction européenne. Dans un entretien récent à La Tribune, j'ai souligné que les trente prochaines années devraient plutôt être consacrées à la mise au point d'une politique de coopération. Prenons l'industrie automobile, plutôt que d'attendre que la concurrence n'aboutisse à la disparition d'un constructeur, finançons un moteur électrique à prix raisonnable, ce qu'aucun groupe européen n'a aujourd'hui les moyens de faire, rapprochons les laboratoires et créons des synergies. C'est ainsi que nous parviendrons à sortir plus forts de la crise !

Monsieur Billout, le meilleur moyen de prévenir le dumping social est la stratégie de convergence. A preuve, depuis son adhésion à l'Union, la Hongrie a vu son salaire minimum progresser de 400 à 700 euros. Les pays d'Europe centrale et orientale connaîtront le même rattrapage économique observé au Portugal, en Espagne et en Grèce au début des années 1980.

Je ne partage pas votre analyse sur la crise de légitimité démocratique. Comment pouvez-vous réclamer davantage de légitimité tout en vous opposant au traité qui renforce les pouvoirs du Parlement européen -surpassant même nos mandats nationaux, je le répète durant la campagne- et crée une véritable démocratie européenne ?

Monsieur Bizet, l'industrie française et européenne est une priorité absolue, et les questions de l'innovation et de la dette sont les deux grands défis de la sortie de crise. A cet égard, j'estime que la stratégie de Lisbonne n'est plus suffisante en ce qu'elle ne fixe pas d'indicateurs mais seulement des obligations négatives. Seules des obligations positives en matière d'innovation, de recherche, de parcours universitaires permettront de faire progresser la construction européenne : cette dernière ne doit pas être ressentie comme un carcan mais comme une oeuvre positive.

Pour ce qui est des négociations de l'OMC et de Doha, nous voulons un accord global et équilibré. Dans le domaine agricole notamment, nous ne pouvons faire davantage de concessions : la balle est aujourd'hui dans le camp de nos partenaires.

M. de Montesquiou a abordé la question de l'approvisionnement énergétique. La diversification est indispensable et nous cherchons de nouvelles voies de circulation des hydrocarbures en Europe, en Asie centrale et en Russie. Nous sommes favorables aux trois projets en cours, complémentaires, mais qui présentent chacun des difficultés particulières. Southstream pose un problème de tracé et de financement, Nabucco ne sera rentable que si les relations avec l'Iran s'améliorent pour nous garantir un approvisionnement. Quant à Northstream, il se heurte à la réticence de la Pologne de voir l'Allemagne conclure un accord avec la Russie -je m'y rendrai bientôt pour en discuter. Il soulève également un problème environnemental car il traverserait des lieux protégés en mer Baltique : les solutions possibles multiplieraient les coûts de construction du pipeline par deux ou trois.

Vous avez cité Anaximandre. Heidegger a écrit un très beau texte sur un fragment de cet auteur : « Rien ne reste de ce qui a passé ; ne passe que ce qui ne reste pas.». J'espère que l'Europe jamais ne passera et que resteront ses réalisations ! (Applaudissements à droite et au centre)

Le débat est clos.

Acte est donné de cette déclaration du gouvernement qui sera distribuée et imprimée.

Prochaine séance, mercredi 18 mars 2009 à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 35.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 18 mars 2009

Séance publique

A QUATORZE HEURES TRENTE

- Débat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la première partie de la session ordinaire -2009- de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement ;

- de M. Bernard Saugey une proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux ;

- de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n°81, 2008-2009) ;

- de M. Jean Milhau un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n°159, 2008-2009) ;

- de M. Rachel Mazuir un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (n°160, 2008-2009) ;

- de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°190, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n°81, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n°159, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (n°160, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement (n°175, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°190, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n°191, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OPCI-Interpol) relatif au siège de l'organisation sur le territoire français (n°193, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l'enseignement scolaire des deux États (n°498, 2007-2008).