Douane (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Le Parlement a été efficace : le Sénat a examiné le texte en première lecture le 24 mai dernier et nous examinons déjà les conclusions de la CMP sur ce premier texte relatif aux douanes depuis plusieurs décennies. Le 22 septembre dernier, le Conseil constitutionnel avait déclaré le droit de visite contraire à la Constitution, laissant au législateur jusqu'au 1er septembre 2023 pour corriger la loi. Mais ce calendrier contraint ne devait pas empêcher d'autres modernisations.

Le Sénat a fondé son action sur un principe - encadrer les prérogatives des douaniers sans entraver leur action - et une approche : considérer ce texte dans son ensemble. Albéric de Montgolfier remercie Mme Nadia Hai, rapporteure à l'Assemblée nationale, avec qui les échanges ont été riches pour l'écriture d'un texte commun qui retient la majorité des apports du Sénat.

Nous regrettons cependant l'amendement du Gouvernement transformant le service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en un office national antifraudes. Sur la forme, l'absence d'étude d'impact pose problème ; sur le fond, l'extension du périmètre d'action de ce service déjà surchargé a lieu sans mention de moyens supplémentaires. Monsieur le ministre, ce n'est pas une bonne manière de procéder.

Ce texte contient néanmoins quatre apports majeurs.

Nous améliorons la lutte contre la fraude à la détaxe à la TVA, conformément aux recommandations de la commission des finances. Nous avons pu faire entendre nos arguments au Gouvernement ; enfin !

Nous avons renforcé les prérogatives des douaniers concernant les précurseurs non classés, qui peuvent servir à produire des drogues de synthèse, et qui pourront faire l'objet de retenues en cas non seulement d'absence de déclaration, mais aussi de fausse déclaration.

Nous avons encadré les dispositions relatives aux données personnelles, en cas de retenue douanière ou de visite domiciliaire, en permettant aux agents de conserver l'anonymat.

Enfin, concernant la prévention des infractions sur internet, les agents des douanes pourront demander une astreinte à l'encontre des plateformes qui ne retireront pas les contenus visés. Le Gouvernement a changé d'avis ; c'était primordial pour rendre le dispositif effectif.

Je vous invite à voter ces conclusions de la CMP.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Nous allons franchir ensemble la dernière étape de l'examen de ce texte. Je remercie ceux qui ont rendu ce compromis possible. Ce projet de loi a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 21 juin dernier, une grande satisfaction pour nos 17 000 douaniers et pour moi. Bien sûr, cela n'efface pas nos différences, mais cela montre que nous sommes capables de faire bloc pour protéger les Français et soutenir celles et ceux qui servent l'État.

Je profite de l'occasion pour affirmer mon soutien aux policiers et gendarmes qui luttent contre ceux qui cassent, brûlent, saccagent et pillent. Les douaniers sont aussi très mobilisés, pour contrôler les produits comme les mortiers qui alimenteraient les violences et pour suppléer les forces de l'ordre pour le contrôle des frontières. Je salue leur courage. Nous ferons tout pour rétablir l'ordre républicain.

Ce texte donne de nouveaux outils aux douaniers pour lutter contre tous les trafics et pour protéger les frontières et les Français. C'est l'aboutissement de semaines de travail avec les organisations syndicales et le Conseil d'État - pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Le compromis trouvé est le meilleur possible.

Oui, nous devons faire bloc derrière la douane. Le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2022-2025 prévoit 148 millions d'euros supplémentaires et des effectifs stables. Des groupes, à la gauche de cet hémicycle, ont émis des critiques sur la réserve opérationnelle, mais j'espère que nous avons su lever les doutes sur cette force d'appoint mobilisée en cas de situation exceptionnelle. Les réserves opérationnelles de la police nationale et de la gendarmerie n'ont pas entraîné de baisse des effectifs.

Les principes dégagés par la Cour de cassation sur la visite sont rappelés dans les articles 1er à 5. Le droit de visite s'exercera pleinement dans un rayon fixé à 40 km de nos frontières et aux abords des ports, aéroports et gares internationales. Pour le reste du territoire, il faudra des raisons plausibles de croire à une infraction douanière ou une information préalable du procureur - et non une autorisation.

Je ne proposerai qu'un nombre limité d'amendements, trois étant issus des divisions des lois des assemblées et trois écrits en concertation avec les commissions du Sénat. Ce projet de loi assure une mise en conformité avec le droit constitutionnel, mais donne aussi des moyens d'action à nos douaniers contre les menaces d'aujourd'hui et de demain. Nous n'avons pas le droit de perdre la bataille contre la drogue. Plus de 70 % des 105 tonnes de stupéfiants saisies l'année dernière l'ont été par nos douaniers.

Nos douaniers pourront saisir plus facilement les précurseurs chimiques, substances légales qui peuvent servir à fabriquer des drogues de synthèse. Aux États-Unis, mes homologues m'ont sensibilisé contre le fléau des opioïdes de synthèse comme le fentanyl, dont le président Biden a parlé dans son discours sur l'état de l'Union, et contre lequel les pays européens doivent se prémunir. La CMP a amélioré la rédaction sur ce point.

Concernant la cyberdélinquance et la cybercriminalité, l'article 9 permettra de saisir des supports numériques lors des visites, avec possibilité de faire une copie. En outre, nous autorisons le gel des données stockées en ligne, à l'extérieur du lieu contrôlé.

Enfin, concernant les contrefaçons ou la contrebande de tabac, les agents pourront exiger des plateformes qu'elles retirent des contenus, le cas échéant sous astreinte. À défaut, nos agents pourront demander au moteur de recherche de déréférencer le contenu ou de suspendre le nom de domaine.

Les nouvelles technologies pourront être mises en oeuvre, avec la conservation des données des lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (Lapi) durant quatre mois. Les convois routiers organisés pourront ainsi être détectés.

Grâce à l'article 6, les techniques de sonorisation et de captation d'images seront mieux encadrées. Les organisations que nous combattons doivent être attaquées au portefeuille, avec la retenue temporaire d'argent liquide en cas de faisceau d'indices concordants. Les cryptoactifs seront inclus dans les cas de blanchiment douanier.

Oui, nous donnons à nos douaniers les moyens d'agir. Je refuse que le secret professionnel soit opposé à nos enquêtes. Un amendement du groupe Les Républicains, adopté à l'Assemblée nationale, va dans ce sens. Un amendement du Gouvernement précise le compromis trouvé en CMP.

L'identité des douaniers doit aussi être protégée, grâce au nouvel article 10 bis AA qui permet une anonymisation des agents. Un autre amendement du Gouvernement précisera ce dispositif.

Concernant les sanctions contre le trafic de tabac, nous durcissons les sanctions, et nous instaurons une interdiction de territoire pour les étrangers condamnés. Je rends hommage aux 24 000 buralistes, qui ont souffert de pillages ces derniers jours alors qu'ils sont souvent le dernier lieu de lien social dans certains villages et certains quartiers, et le dernier point d'accès aux services publics.

Il faut frapper les épiceries de nuit qui vendent du tabac sans autorisation, grâce au doublement de la durée de la fermeture administrative. La peine d'emprisonnement de deux mois en cas de non-respect a finalement été supprimée, le Gouvernement en prend acte.

J'ai récemment présenté une feuille de route contre toutes les fraudes aux finances publiques. À cet égard, l'office national de lutte contre les fraudes aux finances publiques remplacera le SEJF. Je me réjouis que la CMP ait conservé ces dispositions essentielles.

Voilà une belle mobilisation générale contre les trafics et les réseaux, et pour soutenir ceux qui, chaque jour, protègent nos frontières et nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC)

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 20

Supprimer les mots :

ou une même zone

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Tous ces amendements sont des amendements de précision ou rédactionnels.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 10 BIS AA

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, dernière phrase

Remplacer les mots :

Cette autorisation est délivrée

par les mots :

Cette possibilité s'applique

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Pour l'anonymisation des agents, il faut renvoyer au bon article du code de procédure pénale.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 10 BIS AC

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

1° Supprimer les mots :

troisième alinéa du

2° Remplacer les mots :

aux deux premiers alinéas

par les mots :

au premier alinéa

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Supprimer les mots :

retirés ou

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 12 TER

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et par le titre II du présent code

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 12 QUATER

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Coordination.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Avis favorable, soit 100 % de satisfaction pour le Gouvernement. Il faudra s'en souvenir ! (Sourires)

Explications de vote

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je me réjouis de cet accord, essentiel pour l'administration des douanes, même si les délais d'examen ont été trop contraints pour un sujet si complexe.

La douane a une longue histoire, mais elle est aux prises avec des enjeux très contemporains. Les objets de trafics sont nombreux : stupéfiants, tabac, armes, antiquités, animaux, sans oublier le trafic d'êtres humains... La douane française intègre aussi les fraudes intraeuropéennes, alors que les techniques de fraude sont toujours plus sophistiquées et difficiles à combattre. La numérisation de l'économie démultiplie les possibilités de contournement.

La décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 a invalidé l'article 60 du code des douanes, inchangé depuis l'après-guerre, alors que notre droit et notre monde ont évolué. La recherche des auteurs des infractions douanières reste cependant un objectif à valeur constitutionnelle.

La CMP a conservé les nombreux apports du Sénat, à l'instar de l'article 2 et de la notion d'abords pour les zones portuaires, aéroportuaires et les gares internationales.

Le travail de législation ne s'achève pas : l'article 15 accorde une habilitation pour un travail de codification de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Nous avons rapproché le droit de visite de la douane avec la procédure pénale ; le rôle du procureur est renforcé.

La création d'une réserve opérationnelle à l'article 7 a suscité des débats.

Notre groupe émet des réserves, notamment le risque de conflit de compétences lors de la poursuite de personnes à travers plusieurs départements. Évitons de créer de nouvelles lourdeurs administratives.

Ce texte est essentiel à la pérennisation du cadre d'intervention des douaniers. Le RDSE votera ces conclusions. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'accord trouvé en CMP le 28 juin dernier.

L'évolution des enjeux à nos frontières et de la fraude rendait nécessaire l'évolution du droit douanier, inchangé depuis 1948.

Au sein de la commission des finances, Claude Nougein et Albéric de Montgolfier avaient publié à l'automne dernier un rapport sur les moyens à donner à la douane pour lutter contre les stupéfiants.

Nous nous étions également étonnés que la fraude à la détaxe de la TVA ne figure pas dans le grand plan de lutte contre la fraude présenté par le Gouvernement. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier avaient pourtant publié dès 2013 un rapport d'information intitulé Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée. En 2018, près de 98 % des sociétés étrangères opérant sur les plateformes en ligne n'étaient pas immatriculées à la TVA. Malgré nos alertes, rien n'a été fait jusqu'à présent. En 2021, 904 millions d'euros ont été recouvrés, alors que l'Insee estime que la fraude s'élève entre 20 et 25 milliards d'euros par an.

Heureusement, nous avons enfin été entendus ! Nous nous réjouissons que d'autres de nos apports aient été retenus, comme sur l'encadrement de la copie et du traitement des données.

En outre, la CMP a réécrit l'article 60 du code des douanes : il était urgent d'adapter notre droit pour garantir la fouille de véhicules et des marchandises à nos douaniers.

Le groupe Les Républicains votera ce texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du RDSE)

M. Jean-Pierre Grand .  - À titre liminaire, je rends hommage à la douane française : je salue l'engagement sans faille de ces 17 000 agents qui protègent les Français.

En 2022, le nombre de saisies atteste de leur rôle majeur, notamment en Occitanie, sur l'autoroute A9.

Les douaniers font face à des menaces nouvelles. Ce texte est le premier en la matière depuis plus d'un demi-siècle. Sans lui, les douaniers auraient pu se voir privés du droit de visite, en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022.

Avec ce texte, les douaniers pourront mieux contrôler nos frontières et mieux protéger nos concitoyens.

Je me réjouis qu'un accord ait été trouvé en CMP. La concurrence déloyale et les contrefaçons causent des dommages considérables non seulement à notre économie, mais aussi à la santé publique. Le groupe Les Indépendants votera ce texte à l'unanimité, car il allie respect du droit et efficacité opérationnelle.

Comment enfin ne pas dénoncer les émeutes qui défigurent notre démocratie depuis quelques jours ? Nous avons une pensée pour le maire de L'Haÿ-les-Roses et sa famille, et adressons notre soutien le plus ferme aux forces de l'ordre et aux sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

M. Daniel Breuiller .  - En tant que sénateur du Val-de-Marne, j'adresse un message de fraternité et de soutien à Vincent Jeanbrun et à sa famille. J'associe à ce message toutes les victimes, les habitants, les commerçants, les élus et les agents des services publics, et en premier lieu les pompiers endeuillés cette nuit. Je pense aussi à Nahel et à sa famille.

Le GEST soutient toutes les dynamiques améliorant le cadre d'action du service public, pour faire face aux fraudeurs. Le travail du Parlement a été utile, mais il aurait pu l'être davantage : telle était la raison de notre abstention le 30 mai dernier.

Cela dit, nous saluons la réécriture de l'article 60 du code des douanes : les douaniers doivent pouvoir agir, mais en respectant le droit d'aller et venir et le droit à une vie privée. Nous saluons la lutte contre la fraude à la TVA. Nous sommes aussi favorables au droit de visite. Mais soyons vigilants sur les moyens accordés aux agents, tant les go fast se développent, facilités par la suppression des gares de péage routier.

Nous avons toujours de sérieuses réserves sur la réserve opérationnelle. Elle peut être utile, mais la bonne réponse est surtout le renfort des effectifs. Certes, les agents font face à des surplus d'activité temporaires, mais surtout à une complexification de leurs missions, tant les trafiquants et les fraudeurs ont recours à de nouvelles techniques. Tous les services publics méritent des moyens à la hauteur de leur mission. On voit dans les quartiers ce que leur recul engendre. Monsieur le ministre, recrutez !

Nous saluons le vote par l'Assemblée nationale de la remise d'un rapport sur l'efficacité de la réserve opérationnelle, notamment ses effets sur le recrutement.

J'en viens au renforcement des sanctions contre la contrebande : c'est bien de lutter contre les fourmis, mais quid des têtes de réseau ?

La police et la gendarmerie sont seules à être autorisées par le Conseil constitutionnel à utiliser des drones. Nous n'en voulons pas pour une politique coûteuse de surveillance des frontières. À titre personnel, l'idée de surveiller des hommes et des femmes qui tentent de survivre en migrant me bouleverse. Notre groupe s'abstiendra, une abstention constructive, mais vigilante.

M. Alain Richard .  - Nous concluons un travail coopératif entre le Gouvernement et les deux assemblées. L'accord en CMP n'a pas été trop difficile à trouver. Tous les parlementaires sont conscients de la nécessité de lutter contre des trafics en constante évolution.

Une décision du Conseil constitutionnel nous forçait à réviser le droit de visite douanière : nous avons opté pour la préservation de nos libertés individuelles et l'efficacité des moyens à la disposition des agents. La codification à laquelle nous habilitons le Gouvernement s'étendra à d'autres domaines.

Ce projet de loi améliore d'autres secteurs de lutte contre la fraude. Nous avons offert aux douanes des moyens d'action nouveaux : surveillance sélective des flux routiers, accès aux données numériques pour combattre la cyberdélinquance, mise en demeure des plateformes pour mettre fin aux pratiques commerciales frauduleuses, techniques spéciales d'enquête pour lutter contre les fraudes les plus graves, autant de mesures qui sont le fruit d'un travail constructif.

Notre groupe votera ce texte ainsi complété. Le Gouvernement a écouté les parlementaires : nous avons travaillé en bonne entente avec lui.

C'est une bonne entrée en matière pour le travail de réécriture du code des douanes, pour lequel nous avons donné mandat au Gouvernement : rendez-vous d'ici deux à trois ans pour examiner la situation.

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est le premier texte entièrement consacré aux douanes depuis 1965. Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP, qui a été guidée par l'intérêt supérieur des douanes.

Les douaniers exercent un rôle central dans la lutte contre les trafics de toute nature et la criminalité organisée : ils ont ainsi saisi en 2022 104 tonnes de stupéfiants pour une valeur supérieure à un milliard d'euros, 640 tonnes de tabac et 11,5 millions d'articles de contrefaçon.

Cela dit, les douanes sont confrontées à une intensification des flux illégaux et à une adaptation de plus en plus rapide des criminels. Elles gèrent la frontière numérique, en plus des frontières physiques.

Le code des douanes, inchangé depuis 1948, était largement daté face à ces nouvelles menaces. Le projet de loi précise le droit de visite des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel en septembre 2022.

Ce texte technique et opérationnel ne pose que peu de problèmes politiques. Néanmoins, nous demeurons dubitatifs quant à la création de la réserve opérationnelle : nous craignons qu'elle se substitue peu à peu à l'embauche pérenne des douaniers, qui ont perdu 6 000 postes depuis 1993, et une centaine encore en 2021.

En outre, ces réservistes seront habilités au port et à l'usage des armes, alors qu'ils ne bénéficieront que d'une formation de 128 heures, loin d'être exclusivement consacrée à cet exercice. La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) souffre d'un déficit d'attractivité : ce pansement est inopérant. Mieux vaudrait des revalorisations pérennes et une amélioration des conditions de travail des agents que des primes.

Cette réserve opérationnelle ferait double emploi, pour faire face au surcroît temporaire de travail, avec le service Paris-spécial, composé de 315 agents. Je me réjouis que l'amendement du député Mickaël Bouloux ait été conservé : le rapport qu'il demande confirmera ou infirmera nos craintes.

Ces réserves ayant été exprimées, le groupe SER votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Éric Bocquet .  - Il est inacceptable que le compte rendu de la CMP ne soit pas publié au moins vingt-quatre heures avant notre séance. Ces conditions de travail sont non seulement néfastes, mais elles mettent l'opposition de côté et renforcent l'impression d'un conclave duquel nous serions exclus.

La sincérité du débat parlementaire est également mise à mal par l'absence d'étude d'impact. Si le Conseil constitutionnel a repoussé dans sa décision numéro 2014-690 le grief qu'une disposition introduite par voie d'amendement puisse engendrer un contournement de l'exigence d'étude d'impact, ce texte fait apparaître une véritable collusion entre le Gouvernement et sa majorité à seule fin de s'exonérer d'une documentation fine et d'un débat plus ample.

Ce projet de loi est indispensable : il fallait sauver le « soldat 60 » pour que les douaniers puissent exercer leur métier correctement.

Mais ce texte n'apporte aucun douanier supplémentaire ; seules quelques avancées technologiques sont programmées, comme la Lapi.

C'est un pas de plus vers une société de surveillance généralisée. La conservation accrue des données du système de lecture de plaques minéralogiques constitue une atteinte particulièrement disproportionnée pour traiter les seuls go fast.

Le numéro deux de la DGDDI nous indiquait que les douanes étaient contraintes de faire appel au privé, faute de moyens humains. Ce manque obère toute politique. Le texte privilégie le numérique au physique, une douane 2.0 au lieu de douaniers physiquement présents. Plutôt que des agents nouveaux, on fait appel à une armée de réserve, ou réserve opérationnelle, que l'extrême droite a voulue interdite aux binationaux - c'est insupportable.

Découvrant pendant le débat à l'Assemblée nationale le contenu de ses propres annonces, le Gouvernement a déposé un amendement pour transformer le SEJF en Office national antifraude ; son champ d'attribution sera défini par décret, mais l'obsession du ministre pour la fraude sociale devrait écarter l'Office de l'évasion fiscale, seul véritable enjeu financier à la hauteur des besoins de financement de la puissance publique. Cette dilution des missions fiscales s'inscrit dans un phénomène plus large de perte de prérogatives fiscales des douanes, véritable pillage en règle pour lequel nous demandions un rapport et un moratoire sur les transferts de fiscalité. Cet amendement adopté à l'Assemblée nationale a été finalement délaissé par le rapporteur du Sénat qui n'a pas voulu le défendre.

La douane ne protège pas les frontières, mais les populations. Elle protège non pas contre les migrants, mais contre les malfaçons et les trafics. Elle doit lutter contre les atteintes à la biodiversité dans les outre-mer. Ces nobles objectifs ne seront pas atteints par ce texte manquant d'ambition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC salue le travail mené par la commission des finances depuis plusieurs années en vue d'identifier les fraudes gangrénant la vie de notre pays, contre lesquelles nous devons lutter sans relâche. Les recettes doivent entrer dans les caisses de l'État et des collectivités territoriales.

Nous nous réjouissons de l'accord trouvé en CMP sur un sujet aussi important. Ce texte offre un cadre de travail approprié à nos douaniers.

Les douaniers doivent disposer de moyens de travail modernes. Il ne faut pas demander des effectifs supplémentaires en permanence : il faut aussi utiliser les moyens technologiques modernes pour améliorer les choses. Ce texte y pourvoit, même s'il reste beaucoup de travail à accomplir.

Les peines relatives à la contrebande sur les produits du tabac sont accrues. Selon KPMG, 40 % des cigarettes consommées dans notre pays en seraient issues, ce qui constitue la moitié du trafic en Europe. Nous devons agir plus efficacement contre ce phénomène, très prégnant dans notre pays.

Nous traversons une période particulièrement troublée, comme en témoigne l'actualité de ces derniers jours. Celle-ci est sûrement liée à la consommation illicite de drogues dans notre pays. Les enjeux financiers qui en découlent posent de nombreux problèmes dans l'ensemble du territoire. Ainsi, nous devons lutter contre la hausse de la consommation de drogues : les douanes jouent à cet égard un rôle majeur. Nous devons donner aux douaniers tous les moyens d'affronter cette situation : simplifions les procédures et donnons-leur les moyens d'agir.

Nous devons agir rapidement. Les douanes ne doivent pas être seules à lutter contre la prolifération des stupéfiants. Les moyens de la police, de la gendarmerie et de la douane doivent être coordonnés. Le groupe UC votera bien entendu pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est adopté.