Code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l'outre-mer (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Examiné en première lecture dans des délais très contraints, dans le cadre de la procédure de législation en commission, ce texte répond à une exigence constitutionnelle, car, en l'absence de ratification, l'une des ordonnances serait caduque le 26 août prochain.

Le Sénat a apporté des corrections formelles à des dispositions essentiellement techniques et validé la ratification de trois ordonnances, dont deux de recodification des dispositions du code monétaire et financier applicables en outre-mer, qui étaient devenues illisibles.

Le Sénat a soutenu la modernisation des missions de l'Institut d'émission d'outre-mer (Ieom) et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom). Il a en revanche supprimé l'article 9, qui visait à donner un fondement législatif au fichier des comptes d'outre-mer (Ficom), contrairement à ce qui existe pour le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) et celui des contrats d'assurance vie (Ficovie).

Enfin, nous avons prolongé de deux ans l'expérimentation du financement participatif obligataire pour les collectivités territoriales. En effet, alors que le Parlement avait voté en octobre 2021 une expérimentation de trois ans, l'arrêté n'a été publié qu'en janvier 2023, qui plus est avec des conditions d'éligibilité impossibles à remplir, comme disposer de prévisions de ressources jusqu'en 2031... L'arrêté fixait un délai limite de candidature au 31 mars 2024, faisant de facto passer la durée de l'expérimentation de trois ans à un an à peine. Preuve de la mauvaise volonté que met trop souvent l'administration à se conformer à la volonté du législateur ! Nous ne pouvons modifier les critères d'éligibilité, qui relèvent du domaine réglementaire, mais le ministre Barrot nous a indiqué être prêt à les assouplir. C'est indispensable, pour que les collectivités puissent se saisir de l'expérimentation.

Les députés ont poursuivi le travail d'adaptation du droit monétaire et financier aux outre-mer, avec deux nouvelles dispositions sur les délais d'encaissement des chèques et l'application du règlement européen sur les infrastructures de marché reposant sur la blockchain.

L'Assemblée nationale a conservé la prolongation de deux ans de l'expérimentation, mais a rétabli l'article 9.

Six articles restaient donc en discussion. La CMP en a adopté cinq dans la rédaction de l'Assemblée nationale et a suivi le Sénat sur la suppression de l'article 9, car la création d'un fichier de données ne relève pas du domaine de la loi. Bien entendu, le fichier continuera à fonctionner, avec la contribution des deux instituts d'émissions.

Je vous invite à voter les conclusions de la CMP.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - La version finale de ce texte est le fruit d'un compromis et d'un travail transpartisan. En raison de son caractère technique, ce projet de loi a été examiné selon la procédure de législation en commission. Il vient achever les travaux de codification du livre VII du code monétaire et financier relatif à l'outre-mer, visant à répondre aux exigences de clarté et de lisibilité du droit. Depuis la crise financière de 2008, de nombreuses règles ont été édictées. Une réorganisation et une clarification étaient nécessaires. Dans un souci de simplification, nous avons opté pour une nouvelle présentation et réécriture du livre VII plutôt que pour la création d'un nouveau code.

Pour mémoire, le projet de loi est applicable de plein droit aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour les collectivités du Pacifique, soumises au principe de spécialité législative, relevant de l'article 74, il est applicable sur mention expresse.

Le projet de loi ratifie des ordonnances, dont celle du 15 février 2022, qui devait impérativement l'être avant le 26 août 2023, sous peine de caducité.

Plusieurs articles ont fait l'objet de consultations des collectivités concernées, comme l'article 5, relatif aux retraits aux distributeurs automatiques, ou les articles 7 et 8, relatifs à l'Ieom et l'Iedom.

Six articles restaient en discussion. L'article 2 rend applicable de façon expresse en outre-mer des modifications intervenues postérieurement aux ordonnances. L'article 3 bis rend applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis et Futuna le règlement européen relatif aux infrastructures de marché. L'article 4 bis corrige des erreurs sur l'encaissement des chèques dans certaines collectivités.

L'article 9 a été supprimé, ce que je regrette. Néanmoins, en l'état actuel des dispositions du code monétaire et financier, l'Ieom et l'Idom pourront continuer de contribuer au Ficom.

Derrière l'intitulé austère de ce texte, l'objectif du Gouvernement est de rendre plus lisible le droit bancaire et financier dans les territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans surprise, la CMP est parvenue à un accord sur ce projet de loi très technique, qui ne présentait pas de réelles difficultés.

Il nous est proposé de ratifier des ordonnances visant à recodifier plus de 500 articles du droit monétaire et financier en outre-mer. Nous gagnerons en lisibilité et rendrons la loi plus intelligible.

Six articles restaient en discussion. L'Assemblée nationale avait adopté conforme l'article prolongeant de deux ans l'expérimentation concernant le financement participatif pour les collectivités territoriales, qui pourront ainsi se saisir de ce dispositif méconnu.

La CMP a également retenu les deux nouveaux articles introduits à l'Assemblée nationale : l'article 3 bis sur l'application outre-mer du règlement européen du 30 mai 2022 sur les infrastructures de marché et l'article 4 bis sur l'encaissement des chèques à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis et Futuna.

Le débat portait sur l'article 9, qui donnait une base législative au Ficom. La CMP s'est ralliée à l'analyse de notre rapporteur Hervé Maurey, dont je salue le travail. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

M. Jean-Pierre Grand .  - Les territoires ultramarins sont un pilier de la souveraineté nationale et un atout stratégique. Nous devons veiller à ce que notre droit y assure la cohésion nationale.

Ce texte technique a vocation à y rendre notre droit mieux applicable. Il parachève un travail engagé de longue date pour simplifier le code monétaire et financier. L'accord trouvé en CMP répond à l'urgence de la situation. Je m'en réjouis, d'autant que nous avons été saisis dans des délais contraints.

Je me réjouis aussi que la CMP ait conservé l'apport du Sénat à l'article 1 bis, relatif au financement participatif pour les collectivités territoriales. Notre groupe est favorable à tout ce qui permet de mobiliser des capitaux privés au bénéfice des collectivités, qui pourront bénéficier d'un effet de levier. C'est une nouvelle liberté pour elles, qui signifie davantage de moyens, donc davantage d'actions pour nos territoires.

Le groupe INDEP votera ce texte. (MM. Christian Bilhac et Alain Richard applaudissent.)

M. Daniel Breuiller .  - Je me réjouis que la CMP ait trouvé un accord sur ce texte très technique. L'article 9 que nous avions supprimé et que les députés avaient rétabli est à nouveau supprimé, c'est tant mieux.

Vous avez, hélas, corrigé l'erreur heureuse qui maintenait la gratuité des retraits d'espèce dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. La proposition de résolution du député socialiste Johnny Hajjar souligne pourtant le coût de la vie outre-mer, où les frais bancaires, notamment, pèsent plus lourd que dans l'Hexagone. L'inflation touche plus brutalement encore nos compatriotes ultramarins. La vie chère, le manque d'emploi, une jeunesse en déshérence et l'absence de perspectives sont leur quotidien.

Un exemple, l'eau : en Nouvelle-Aquitaine, le prix moyen est de 4,63 euros, contre 6,52 euros en Guadeloupe et 5,45 euros en Martinique. Un quart des Guadeloupéens n'a pas accès tous les jours à l'eau, du fait des nombreuses coupures ! Pourtant, l'eau est un droit fondamental tout autant qu'un bien commun.

Selon le Giec, l'accélération du réchauffement climatique entraînera la disparition de 70 à 90 % du récif corallien d'ici vingt ans, ce qui aura des répercussions en termes de pêche, de tourisme et d'érosion côtière. Les cyclones seront plus intenses, les submersions pousseront les populations insulaires à migrer. La seule solution : réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.

Vous me direz que je suis hors sujet : je vous l'accorde. Sur ce projet de loi, il n'y a pas de désaccord, notre groupe le votera. Sur les enjeux climatiques et d'adaptation, en revanche, le Gouvernement n'a pas encore pris conscience des dégâts. Cessons les petits pas et soyons ambitieux. Tel est le message que je voulais faire passer -  en effraction au livre VII du code monétaire et financier ! (Sourires)

M. Georges Patient .  - Au préalable, j'adresse mes condoléances à la famille de Nahel et apporte mon soutien au maire de L'Haÿ-les-Roses.

Ce texte technique ne révolutionnera pas la vie de nos compatriotes ultramarins. Il s'agit de rendre le code monétaire et financier plus lisible afin de simplifier le travail des opérateurs et des entreprises.

Il prolonge également la période d'expérimentation en matière de financement participatif pour les collectivités territoriales.

Certes, l'extension des missions de l'Iedom et l'Ieom est nécessaire pour renforcer l'information économique et le contrôle prudentiel, mais je regrette que l'on n'en ait pas profité pour renforcer l'Observatoire des tarifs bancaires. Pourquoi nos concitoyens ultramarins payent-ils plus cher ? À voir la baisse rapide des frais bancaires depuis que cet observatoire existe, cela s'explique plus par un manque de transparence que par un manque de concurrence... Il aurait fallu étendre le contrôle sur l'ensemble des services et tarifs. Malgré les progrès, l'écart est entre 10 et 30 % selon les territoires, pour les frais de tenue de comptes ou de carte bancaire. Selon l'association de consommateurs CLCV, les tarifs sont 10 % plus élevés en outre-mer. L'accès aux services bancaires y est également plus difficile, en raison d'une moindre présence physique ou d'exigences de solvabilité et de revenus plus élevées.

Il y a donc encore du travail. Ce texte est certes nécessaire, mais ne suffira pas. Néanmoins, le groupe RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après comme avant la CMP, ce texte reste technique et ne nous pose pas de problème de fond, la position du Sénat ayant été prise en compte sur l'article 9. Notre groupe y sera favorable. Je regretterai néanmoins un examen précipité.

L'article 5 corrige une erreur qui prévoyait la gratuité de tous les retraits de liquidité aux distributeurs automatiques de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie. N'aurait-il pas mieux valu instaurer des règles différentes dans ces territoires où le maillage des distributeurs est bien plus faible qu'en métropole ? Nous revenons au problème de l'accessibilité bancaire, sur lequel le groupe SER a déposé une proposition de loi, tant il reste à faire.

Ensuite, nous approuvons les dispositions relatives aux instituts d'émission outre-mer, bien qu'insuffisantes. Nous prônons un véritable observatoire bancaire dans les outre-mer. Plutôt que de naviguer à vue, il fournirait des informations utiles et faciliterait des politiques pertinentes.

Les frais bancaires devraient mobiliser le Gouvernement, pour prendre en compte la situation sociale dégradée des outre-mer.

Enfin, j'appelle votre attention sur la parité entre l'euro et le franc CFP, en circulation en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française.

Le conflit en Ukraine a fait baisser l'euro à un niveau historiquement bas ; il faudrait une clause de revoyure au sujet de cette parité, pour l'adapter aux besoins des territoires.

Comme en première lecture, le groupe SER votera ce texte, que les compromis de la CMP n'ont pas dénaturé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Éric Bocquet .  - Je ne peux taire les mots froids de l'assemblée de la Polynésie française : « la méthodologie employée par l'État continue de nuire gravement à l'intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées ». D'autant que M. le ministre affirmait, devant l'Assemblée : « le projet de loi est l'aboutissement d'un travail de recodification de plus de trois ans », un délai insuffisant pour créer le consensus. C'est incompréhensible.

La copie finale conserve la possibilité pour des entreprises privées de financer de façon « participative », c'est-à-dire directe, des services publics locaux. Ainsi, les entreprises d'armement pourraient financer n'importe quel service public, hors missions de police et de maintien de l'ordre public... Laissons-les plutôt financer la transition de leurs moyens de production. Mais aucun de nos arguments ne vous a convaincus, que ce soit le coût, plus onéreux, ou la non-utilisation par les collectivités.

Cet article porte une conception sociale aux antipodes de la nôtre. Nous avions voté le texte en espérant sa suppression par l'Assemblée, cela nous semble impossible aujourd'hui.

Pourquoi ne pas avoir instauré la gratuité totale des retraits aux distributeurs ? Le Gouvernement recule, prétextant une erreur... Or Odoxa rappelle que 58 % de nos concitoyens d'outre-mer ont du mal à faire valoir leurs droits, notamment au compte : seulement 1 142 bénéficiaires selon l'Iedom, avec une baisse des désignations de 38 % entre 2019 et 2021. L'Observatoire de l'inclusion bancaire constate, froidement, que 0,49 pour 1 000 habitants bénéficient du droit au compte dans l'hexagone, contre 0,39 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. On n'y relève d'ailleurs que 10 103 clients dits fragiles, bien en deçà des chiffres de la pauvreté.

Le montant moyen des frais liés aux comptes est de 326 euros, signe que les inégalités s'accroissent. Dans son rapport de septembre 2019, le Défenseur des droits citait un homme modeste vivant à La Réunion : « un conseiller de banque m'a dit qu'il fallait fermer le compte parce qu'ils ne veulent plus les gens comme moi à faible revenu. » La chasse aux pauvres est un mauvais chemin, il faut consacrer les droits.

Le groupe CRCE s'abstiendra sur ce texte, une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Michel Canévet .  - Ce texte est si technique qu'il nous a fallu un excellent rapporteur pour réussir à l'étudier dans des délais si courts ! (Sourires) Les deux tiers des articles ont été votés conformes par l'Assemblée, signe de ce travail préparatoire excellent.

Le texte a été examiné selon la procédure de législation en commission (LEC), inventée au Sénat, qui fonctionne parfaitement. Nous pouvons nous en féliciter.

L'article 1er ratifie trois ordonnances : c'est important et correspond aux souhaits du Sénat, alors que moins de la moitié l'avait été au cours de la précédente législature.

L'article 2 rend le code monétaire et financier plus lisible. Plusieurs mesures sont louables, comme la limitation des frais de rejet.

L'accès aux données doit respecter les droits des personnes : nous saluons donc la suppression de l'article 9. Soutenant le compromis trouvé, le groupe UC votera ce texte. (M. le rapporteur applaudit.)

M. Christian Bilhac .  - Ce projet de loi est certes technique, mais pas mineur. Il a été déposé en avril, au cours de la suspension de nos travaux, avec la procédure accélérée et a fait l'objet de la procédure de législation en commission : nous l'examinons presque selon une procédure d'examen simplifié...

Les territoires d'outre-mer ont un niveau de vie d'un tiers de celui de la métropole, alors qu'ils sont une richesse incomparable en matière de biodiversité et de domaine maritime. Il est urgent que les habitants y deviennent acteurs de leur développement.

Le livre VII du code monétaire et financier est consacré aux outre-mer, qui ont des statuts divers, entre les départements et régions d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, collectivité sui generis, les anciens territoires d'outre-mer et les territoires du Pacifique, à l'autonomie plus poussée : ils ne font pas partie de l'Union européenne et ont leur propre monnaie, le franc pacifique.

Ce texte ratifie trois ordonnances, une obligation selon l'article 74 de la Constitution.

À l'article 5, le retrait d'espèces est gratuit dans les distributeurs des seules banques où l'on détient un compte, contrairement aux règles en vigueur en métropole.

L'accord en CMP n'est guère surprenant, l'Assemblée ayant voté conformes huit articles sur quatorze, avec des modifications surtout rédactionnelles. La suppression par le Sénat de l'article 9 est maintenue, tout comme l'article 1er bis, qu'il a introduit, qui prolonge l'expérimentation du financement participatif obligataire.

Les outre-mer sont à la une de l'actualité, de l'opération Wuambushu à Mayotte au décès d'un gendarme lors d'une opération de lutte contre l'orpaillage en Guyane, sans oublier aux Antilles la défiance à l'égard des autorités, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.

Notre groupe votera ce texte.

M. le président.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.