Renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec Anne-Catherine Loisier, nous avons formé, comme pour les lois Égalim, un duo passionné, mais vigilant et raisonné. Je la remercie.
Nous nous félicitons que cette CMP ait abouti. Il a fallu rapprocher des positions très éloignées.
Les lois Égalim, qui visent un prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole, n'empêchent pas le décrochage de la ferme France dans les rayons.
Il fallait répondre à l'urgence de la fin de l'expérimentation du seuil de revente à perte majoré de 10 % (SRP+10), qui arrive à échéance le 15 avril. Certes, le SRP+10 suscite des réserves, mais l'abandonner serait plus grave que de le maintenir. Il vise des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs en limitant les écarts de prix entre produits d'appel et produits plus onéreux. Nous refusons de relancer une guerre des prix qui déstabiliserait les filières et les relations commerciales. La proposition de loi répond à cet enjeu.
Nous avons maintenu l'harmonisation des durées d'expérimentation des dispositifs, pour le SRP+10 comme pour l'encadrement des promotions, y compris pour les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH). Dans une logique de compromis avec les députés, les taux de promotion sur ces produits DPH ont été portés de 34 % à 40 %. Attention toutefois à l'année 2025 : les négociations commerciales étant terminées, ce nouveau taux doit concerner les années 2026-2028, au risque sinon de fragiliser les entreprises. Le Sénat sera vigilant ; vous devrez l'être aussi, madame la ministre.
Les sanctions en cas de violation du SRP ou de non-respect de l'obligation de justifier du surplus de marge généré pourront atteindre 0,4 % du chiffre d'affaires. La CMP a également étendu le SRP+10 aux produits sous marque de distributeur (MDD) et prévu la publicité du rapport du Gouvernement sur la mise en oeuvre du SRP+10, pour plus de transparence. Ces évolutions ont conduit à l'adoption du texte par l'Assemblée nationale hier.
Je vous invite à mon tour à adopter largement les conclusions de la CMP. Nous pourrons ainsi poursuivre les expérimentations du SRP+10 et l'encadrement des promotions jusqu'au 15 avril 2028, avec des sanctions renforcées. Dans un souci de pédagogie, le Gouvernement préparera une méthodologie relative aux informations transmises par les distributeurs, comme il s'y est engagé devant nous.
En agriculture, un dicton dit que le provisoire dure. Il s'agit d'une expérimentation. Nous sommes demandeurs de ses conclusions pour évaluer la pertinence de la prolonger ou non. Nous nous donnons rendez-vous pour un projet de loi Égalim 4, qui devra fixer des perspectives pour les revenus des agriculteurs, sans les piéger au vu du contexte communautaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - Le Gouvernement se réjouit que la CMP ait dégagé un consensus entre des copies pourtant très différentes.
Ce texte concilie stabilité de la filière agroalimentaire, soutien à la consommation et nécessaire transparence.
Je salue le travail des députés Julien Dive et Stéphane Travert, de vos rapporteurs Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, ainsi que de la présidente Estrosi Sassone.
Ce texte prolonge donc de trois ans l'expérimentation du SRP+10, dont l'abandon se serait traduit par une guerre des prix immédiate, au préjudice de toute la chaîne agroalimentaire et plus particulièrement de l'amont agricole, plus fragile.
Je connais les doutes du Sénat sur le SRP+10, exprimés avec constance depuis la loi Égalim 1. Mais nous aspirons à une pacification des relations commerciales et à une stabilisation de la chaîne.
J'ai entendu les insatisfactions concernant la traçabilité du dispositif. La sanction pourra atteindre 0,4 % du chiffre d'affaires, si un distributeur ne communique pas les informations chiffrées nécessaires à l'évaluation du SRP+10. Je me suis engagée devant vous à travailler sur une méthodologie pour mieux définir ce qui est attendu des acteurs.
Enfin, la CMP a souhaité que le rapport synthétisant les informations chiffrées puisse être rendu public. Un rapport sera confié à l'IGF sur les marges et la péréquation dans la grande distribution. Je ne doute pas de son utilité en vue des prochains débats.
Le texte initial prévoyait une libération immédiate des promotions sur les produits DPH ; le Sénat proposait, lui, une prolongation de l'expérimentation en vigueur jusqu'en 2028. La CMP a opté pour une augmentation du taux de promotion à 40 %, tout en prolongeant l'expérimentation. Cela concilie l'intérêt des consommateurs et celui des fournisseurs, qui financent ces promotions. Je vous ai entendu, monsieur le rapporteur, sur l'impact de ce taux en 2025, j'y veillerai.
La CMP a maintenu l'extension du SRP+10 aux MDD, ce qui lève les incertitudes juridiques.
Je travaille avec Annie Genevard sur le schéma Égalim. J'ai entendu votre souhait de disposer d'un état des lieux sur la répartition de la valeur. Il s'agit avant tout de renforcer l'amont agricole et de simplifier l'aval commercial. Nous devons impérativement faire plus simple et apaiser le climat des négociations commerciales. Je forme le voeu que nous puissions aborder prochainement ces sujets très attendus, pour oeuvrer à une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans l'ensemble de la chaîne agroalimentaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Ronan Dantec . - Depuis 2018, le SRP+10 n'a pas fait ses preuves : il est de peu d'effet dans les négociations commerciales et a profité surtout à la grande distribution et aux agro-industriels, selon une étude récente d'UFC-Que Choisir.
L'enjeu pour l'avenir du monde agricole n'est pas celui des normes, fantasmé et souvent manipulé, mais celui du revenu agricole décent - Laurent Duplomb l'a parfaitement montré dans un précédent débat. (Mme Dominique Estrosi Sassone rit.)
Toutefois, le GEST ne s'opposera pas à la prolongation de ce dispositif, dont l'abandon sans encadrement des marges aggraverait la pression à la baisse sur les revenus des agriculteurs. Reste qu'une nouvelle prolongation sans renforcement de la transparence ni des contrôles ne sera bénéfique ni aux agriculteurs ni aux consommateurs. C'est pourquoi nous souhaitions qu'elle soit plus limitée dans le temps et plaidions pour des sanctions réellement dissuasives.
Il est regrettable que la commission ait supprimé la plupart des avancées introduites à l'Assemblée nationale, dont le renforcement de la transparence sur les surplus de marge, l'instauration de sanctions assises sur le chiffre d'affaires en cas de non-transmission des informations exigées et la transparence des marges des distributeurs sur les produits bio.
Nous saluons en revanche le compromis trouvé par la CMP sur la sanction à 0,4 % du chiffre d'affaires : c'est une vraie avancée, le texte du Sénat ne prévoyant qu'une amende dérisoire.
En l'absence de données fiables pour juger de l'efficacité du SRP+10, sa prolongation aurait dû être limitée à un an. Les documents transmis par la distribution ne seront pas rendus publics : cette opacité est regrettable. Enfin, plafonner à 40 % les promotions sur les produits DPH est une forme de cadeau à la grande distribution.
Compte tenu de ce bilan très mitigé, nous nous abstiendrons. La prolongation du SRP+10 ne sera pas suffisante pour répondre à l'enjeu essentiel d'un partage équilibré de la valeur. Le GEST défend des mesures bien plus structurantes pour soutenir le revenu des agriculteurs et favoriser l'accès de tous à une alimentation durable et de qualité.
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un cinquième des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté ; onze mille perçoivent le RSA socle, signe qu'ils ne dégagent aucun revenu. Nous refusons d'y voir une fatalité. La défense d'un revenu digne pour les paysans est depuis longtemps au coeur de mon engagement ; elle est aussi au coeur de l'action du groupe SER.
La précarité des paysans est d'autant plus inacceptable que d'autres acteurs cumulent des revenus indécents en préemptant la valeur. Avec 22 milliards d'euros, le PDG de Lactalis détient la cinquième fortune de France, selon le dernier classement Forbes.
Alors que lois Égalim n'ont pas atteint leur objectif de rééquilibrage, nous demandons la transparence des données et un droit de suite très rapide. Ne signons pas un chèque en blanc à la grande distribution. Nous aurions préféré une prolongation du SRP+10 limitée à un an.
Ce serait se leurrer que de croire au ruissellement par le libre jeu du marché. Nous appelons donc au renforcement des obligations de transparence de la grande distribution et des sanctions en cas de refus de transmission des informations. Nous soutenions les mesures adoptées par l'Assemblée nationale pour rééquilibrer le rapport de force. Hélas, la majorité sénatoriale est revenue sur la plupart d'entre elles : c'est à croire qu'elle ne veut pas que le dispositif fonctionne...
La CMP a toutefois retenu une sanction de 0,4 % du chiffre d'affaires en cas de non-transmission des données. Elle a opportunément conforté l'annonce par le Gouvernement d'un rapport de l'IGF. Elle a entériné la hausse à 40 % du plafond de promotion sur les produits DPH pour soutenir le pouvoir d'achat et les entreprises françaises.
En responsabilité, et compte tenu des avancées réalisées, le groupe SER votera les conclusions de la CMP. Mais ce texte n'est pas une fin en soi. Nous devons évaluer les effets du SRP+10 et mettre un terme à l'opacité. Nos agriculteurs ne doivent plus être les victimes de la guerre des prix !
M. Jean-Luc Brault . - Des lois Égalim aux manifestations agricoles en passant par les débats sur l'accord avec le Mercosur, l'enjeu du revenu des agriculteurs est central - dans la Sologne pouilleuse, on ne le sait que trop.
Ce texte contribuera à améliorer la rémunération des producteurs par une répartition plus juste de la valeur. Le compromis final répond aux objectifs initiaux, tout en intégrant - modérément - des apports de l'Assemblée nationale. Je salue le travail de la CMP et de l'ensemble des rapporteurs.
Les deux expérimentations sont prolongées jusqu'en 2028 : rappelons que l'évaluation d'une expérimentation requiert du temps. Les acteurs s'accordent à reconnaître que l'abandon du SRP+10 serait catastrophique. Les opérateurs ont besoin de stabilité et de lisibilité.
S'agissant des promotions sur les produits DPH, le relèvement du plafond à 40 %, décidé par l'Assemblée nationale, est conservé. Nous verrons dans les mois à venir si cette mesure a un effet positif sur le pouvoir d'achat.
Une loi Égalim 4 a été annoncée : cela doit être l'occasion d'approfondir les réflexions sur l'amélioration du revenu des agriculteurs et les moyens de leur donner plus de poids dans les négociations. Dans le Loir-et-Cher, les discussions évoluent dans le bon sens - je pense notamment à Andros et St Michel. Le futur texte devra traiter du rôle des centrales d'achat européennes ainsi que du hard discount.
L'Assemblée nationale avait prévu des sanctions exorbitantes en cas de non-transmission des informations liées au SRP+10. Le compromis trouvé en CMP est plus acceptable.
Certaines mesures inadaptées ou trop complexes ont opportunément été écartées.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte qui stabilise la situation et offre aux acteurs un cadre clair. (M. Daniel Gremillet applaudit.)
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je félicite les rapporteurs, Stéphane Travert et nos collègues Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet, pour le compromis trouvé en CMP ; ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour aboutir à un texte assez consensuel, dans des délais extrêmement contraints liés à l'expiration de l'expérimentation du SRP+10 au 15 avril.
Je remercie également Mme Loisier et M. Gremillet pour le travail au long cours mené dans le cadre du groupe de suivi des lois Égalim.
Nous avons opéré un recentrage pertinent du texte sur la prolongation du SRP+10 et l'harmonisation des durées de cette expérimentation et de celle de l'encadrement des promotions sur les produits DPH. Nos rapporteurs ont également obtenu du Gouvernement l'engagement de travailler avec les distributeurs à une méthodologie clarifiant les données à fournir sur les surplus de marge issus du SRP+10, alors que tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une plus grande transparence.
Nous partions de positions très éloignées, et il a fallu trouver des voies de rapprochement. C'est chose faite grâce aux concessions réalisées, des deux côtés. L'Assemblée nationale a adopté les conclusions de la CMP hier et je souhaite que le Sénat fasse de même à une large majorité.
Alors qu'un projet de loi Égalim 4 est en préparation, nous devons veiller à la stabilité des dispositifs, souhaitée par les acteurs économiques. Nous devons faire mieux respecter la logique de ces lois, celle de la marche en avant, au moment où la guerre des prix se poursuit au détriment des producteurs.
Nos rapporteurs et l'ensemble de la commission des affaires économiques continueront de défendre nos filières, d'oeuvrer pour la stabilité législative et de mener un travail de fond dans un climat de confiance, dans la perspective de la loi Égalim 4. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Frédéric Buval . - Instauré à titre expérimental en 2018, prolongé en 2021, le SRP+10 aurait dû prendre fin dans cinq jours. Ce mécanisme a reçu un accord globalement favorable des acteurs, qui en demandent la poursuite.
Les évaluations ont relativisé les critiques initiales portant sur le risque de hausse des prix alimentaires. Mais les effets de cette mesure sur la rémunération des producteurs restent insuffisamment démontrés.
Le RDPI appelle à poursuivre les évaluations et à assurer la stabilité des règles dans le contexte de négociations particulièrement tendues. Dans trois ans, nous disposerons d'une évaluation plus juste des effets du SRP+10.
Le monde agricole est en crise, et les agriculteurs se sont mobilisés de façon inédite l'année dernière. Ils dénoncent des charges excessives et une concurrence étrangère déloyale, mais aussi une instabilité réglementaire chronique.
Le compromis trouvé sur une amende de 0,4 % du chiffre d'affaires va dans le bon sens : ce niveau est suffisamment élevé pour inciter au respect des règles.
Le RDPI votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Daniel Gremillet et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)
M. Henri Cabanel . - Nous légiférons en urgence pour pérenniser deux expérimentations. Nous sommes conscients que leur efficacité pour l'amélioration du partage de la valeur reste à démontrer, mais leur arrêt pénaliserait trop les agriculteurs, qui ont besoin de clarté et de stabilité. Ne prenons pas le risque de les exposer à une nouvelle guerre des prix.
La CMP a abouti à un juste compromis, qui répond aux attentes. Nous voterons ses conclusions.
Nous sommes favorables au renforcement des outils incitatifs comme des sanctions en cas de non-transmission des données exigées.
La prolongation du SRP+10 a fait l'objet de nombreux débats, et il faut lever les doutes sur l'efficacité de ce dispositif. Reste que son abandon aurait conduit à l'étranglement de nos producteurs.
Ce qui manque, c'est la capacité à imposer aux distributeurs que ce mécanisme serve à améliorer la rémunération des producteurs plutôt qu'à alimenter des systèmes de cagnottage et de fidélité. N'atteignons-nous pas là les limites de la loi ? Jusqu'où peut aller l'obligation de publicité ? Pouvons-nous corriger par la loi un manque de volonté de partager la valeur ?
Les lois Égalim souffrent d'une mauvaise application et de contournements. Mais ce qu'il faut surtout, c'est un vrai dialogue entre les acteurs, mené dans un climat de confiance. Dans les conditions actuelles, la suspicion l'emporte et, à la fin, ce sont toujours les agriculteurs qui perdent.
Il faudrait réunir à nouveau tous les acteurs, comme lors des états généraux de l'alimentation, afin d'aboutir à des principes de partage de la valeur. En Allemagne, c'est par un tel dialogue, non une loi, que le revenu des agriculteurs a été amélioré.
Du soutien au revenu des agriculteurs dépend une part de notre souveraineté et notre force commerciale. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Daniel Gremillet et Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent également.)
M. Daniel Fargeot . - (M. Jean-Luc Brault et Mme Frédérique Puissat applaudissent.) Un cadre lisible et stable au service de la compétitivité et de la souveraineté : tel est le voeu des acteurs économiques.
Je salue la rigueur, la cohérence et l'écoute d'Anne-Catherine Loisier, qui, avec Daniel Gremillet, a recentré le texte décousu de l'Assemblée nationale. Stabiliser sans complexifier : c'est ce à quoi le Sénat s'est employé. Nous ne réglerons pas les difficultés structurelles du secteur agroalimentaire en empilant les dispositifs et en changeant les règles tous les deux ans. En matière de relations commerciales, la simple lecture du code de commerce est déjà un exercice d'endurance...
Ce texte n'est ni un engrais miracle ni une herse idéologique. Nous faisons le choix pragmatique de la stabilité, tout en déplorant le défaut d'évaluation des dispositifs, mal bien français. Une sortie sèche du SRP+10 rouvrirait les vannes de la guerre des prix ; ce sont les producteurs qui en pâtiraient. En responsabilité, prolongeons ce dispositif et renforçons son évaluation.
Quand certains, à l'Assemblée nationale, ont cédé au populisme économique, nous avons refusé de faucher ceux qui cultivent la valeur et l'emploi. L'encadrement des marges par coefficients multiplicateurs ou la publication des marges ligne par ligne auraient fragilisé les PME françaises et complexifié les relations commerciales. Ne brouillons pas ce message simple : nous voulons produire et transformer en France.
Nous voterons ce texte qui représente un compromis équilibré, proche de la version sénatoriale. Il ne doit pas être une haie décorative sans portée réelle pour les revenus des agriculteurs. Nos réserves demeurent sur les MDD : l'objectif n'est pas de consolider les marges réalisées sur des produits à bas coût importés.
Le relèvement à 40 % du plafond de promotion sur les produits DPH est inoffensif, car commercialement inopérant. Le vrai débat porte sur le soutien à notre tissu industriel.
Ce texte n'est pas une grande récolte, et Égalim 4 est encore en germination. Mais nous remettons un peu de structure dans le paysage et contribuons à l'apaisement des tensions en sécurisant jusqu'en 2028 des équilibres fragiles. L'économie de la confiance commence par la stabilité du droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - Les conclusions de la CMP ne modifient pas fondamentalement notre appréciation sur ce texte.
Nous regrettons l'abandon des dispositifs introduits par l'Assemblée nationale pour mieux corréler le prix payé à la ferme et le prix de vente au consommateur. Certes, les coefficients multiplicateurs ne sont pas aisés à mettre en oeuvre et peuvent s'avérer lourds, voire dissuasifs. Reste que cette hypothèse, souvent considérée avec condescendance, nous semble d'autant moins décalée que les dispositifs envisagés aux États-Unis ne sont rien d'autre qu'un protectionnisme autoritaire et unilatéral. Nous ne devons rien nous interdire et n'exclure aucun mécanisme de régulation pouvant favoriser une juste rémunération des producteurs.
Les entreprises de l'abattage et de la découpe, par exemple, alertent sur un risque de crise, lié au recul de l'offre. Le site Charal de Sablé-sur-Sarthe est transformé en plateforme logistique. Si nous avions entendu plus tôt la détresse des éleveurs, la situation serait peut-être différente. Lorsqu'une exploitation réduit son cheptel, il y a rarement retour en arrière : pour reprendre la formule d'un éditorialiste de la presse agricole, « on ne tue les vaches qu'une fois ». Il n'est pas dit que tous les éleveurs tireront avantage de la hausse de prix attendue d'une réduction de l'offre. Leurs trésoreries sont exsangues, et les viandes importées risquent de déferler.
Rien ne prouve l'efficacité du SRP+10, mais ne pas le prolonger ouvrirait la voie au retour de la guerre des prix. Le revenu des agriculteurs ne doit pas redevenir la variable d'ajustement des négociations entre supermarchés et industriels.
Soucieux d'éviter de nouvelles pressions sur les prix, nous voterons ce texte. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'en félicite ; M. Henri Cabanel applaudit.)
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. - Je remercie les rapporteurs pour leur engagement constant sur ces questions, la présidente de la commission des affaires économiques et tous les membres de la CMP. Ils ont oeuvré dans un esprit de responsabilité à la construction d'un consensus sur la base de positions assez éloignées.
Je me réjouis que nous offrions de la visibilité aux acteurs pour trois ans, par-delà plusieurs échéances électorales. Il faudra profiter de cette période pour objectiver les effets des dispositifs, à partir des données beaucoup plus précises qu'il nous faut obtenir de l'ensemble des acteurs.