SÉANCE

du samedi 22 novembre 2025

19e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

La séance est ouverte à 9 h 50.

Financement de la sécurité sociale pour 2026 (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Deuxième partie (Suite)

L'article 11 quinquies est adopté.

Article 11 sexies

M. le président.  - Amendement n°213 rectifié de M. Durox et alii.

M. Joshua Hochart.  - Maillon essentiel de la santé de proximité, les pharmacies ferment encore et toujours - nous en perdons deux cents chaque année. Pourtant, vous continuez d'abaisser le plafond de leurs remises : un décret du 4 août dernier prévoit 20 % en 2027. Or ces remises ne sont pas un avantage injustifié, mais le socle de notre modèle officinal. Menée sans négociation, cette politique menace l'avenir du réseau, donc la dispensation des médicaments sur les territoires. Fixons nous-mêmes des plafonds réalistes et soutenables.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.  - Nous sommes conscients du problème structurel autour des grossistes répartiteurs, mais la réécriture que vous proposez, similaire à l'article lui-même, ne le réglera pas. Retrait ?

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.  - Je ne suis pas favorable à cet article, mais en comprends l'objectif. C'est pourquoi nous avons suspendu l'arrêté du mois d'août qui réduisait les remises. J'ai lancé une mission sur le modèle économique des pharmacies : ce travail démarre, n'en préemptons pas la conclusion. Avis défavorable.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Depuis cet été, nous sommes nombreux à soutenir les pharmaciens qui réclament un relèvement du plafond. De fait, ces remises sont indispensables au fonctionnement du réseau officinal et participent au dynamisme du médicament générique.

Alors que maternités et hôpitaux de proximité ferment, que de nombreux généralistes partent en retraite sans remplaçant, la pharmacie est un maillon essentiel de l'accès aux soins et les pharmaciens accomplissent des actes toujours plus nombreux - vaccination, dépistage, conseil. (Mme Corinne Imbert acquiesce.) Hélas, près de trois cents ferment chaque année.

Nous demandons une étude sur le niveau des remises et leurs effets sur le marché des médicaments. D'autre part, il faut améliorer la lisibilité des études de pharmacie pour prévenir une pénurie de professionnels.

L'amendement n°213 rectifié n'est pas adopté.

L'article 11 sexies est adopté.

Article 11 septies

M. le président.  - Amendement n°135 rectifié de M. Cuypers et alii.

M. Pierre Cuypers.  - Cet article est un contresens industriel, économique et juridique. On instaure une taxe qui ne protège ni la santé ni l'environnement et pénalisera les entreprises françaises. C'est un suicide par la vertu !

Auxiliaire technologique couramment utilisé dans l'industrie agroalimentaire, l'hexane ne laisse pas de résidus. Sur la base d'une étude de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), la Commission européenne a confirmé qu'il n'occasionne aucun risque sanitaire. Laissons les scientifiques travailler et respectons le cadre européen.

L'article viole le droit européen : la France ne peut interdire un produit légalement fabriqué et commercialisé en Europe. En outre, la taxe envisagée ne frapperait que nos entreprises. Préservons leur compétitivité, supprimons cette surtransposition ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement identique n°621 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je n'ai rien à ajouter à cet excellent plaidoyer. Nous ne sommes pas sans nous inquiéter des effets de ce produit, mais faisons confiance aux autorités sanitaires.

M. le président.  - Amendement identique n°1508 rectifié ter de M. Le Rudulier et alii.

M. Khalifé Khalifé.  - Défendu.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Par cohérence avec ma position à l'Assemblée nationale, sagesse.

Mme Marion Canalès.  - Certes, il faut attendre les conclusions des autorités sanitaires. Mais n'oublions pas que, dès 2024, l'Anses a recommandé de limiter l'exposition des femmes enceintes à ce produit, potentiel perturbateur endocrinien.

Mme Silvana Silvani.  - Une taxe est-elle le meilleur moyen de pousser à l'abandon progressif de l'hexane ? On peut en débattre, mais le fait est que la dangerosité de cette substance, présente dans de nombreux produits alimentaires, y compris des préparations pour bébés, appellerait une action plus forte.

La taxe présente l'avantage de s'inscrire dans la logique pollueur-payeur. Nous regrettons l'irrecevabilité de l'amendement déposé par Michelle Gréaume pour soumettre les entreprises qui manient cette substance à une contribution finançant des examens préventifs. Hélas, la compétitivité semble primer la santé...

Les amendements identiques nos135 rectifié, 621 et 1508 rectifié ter sont adoptés et l'article 11 septies est supprimé.

Après l'article 11 septies

M. le président.  - Amendement n°1462 rectifié de M. Canévet et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Michel Canévet a déposé trois amendements visant à instaurer une micro-taxe sociale sur les paiements scripturaux. Le premier prévoit un taux de 1,8 %, qui remplacerait l'ensemble des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS - soit plus de 600 milliards d'euros.

Nous sommes tous attachés à la protection sociale, mais il faut trouver de nouveaux moyens pour la financer. Les 23 milliards d'euros de déficit actuel ne sont pas tenables ! Nous devons asseoir le financement de la sécurité sociale sur une nouvelle assiette que le travail, pour répondre à des besoins en hausse tout en préservant la compétitivité de nos entreprises.

Beaucoup dénoncent la financiarisation excessive de notre économie : faisons-en une source de financement pour notre protection sociale !

M. le président.  - Amendement n°1447 rectifié de M. Canévet et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Le taux proposé ici, de 0,25 %, couvrirait la suppression des cotisations d'assurance maladie. Cette substitution réduirait le coût du travail et encouragerait la hausse des salaires. En outre, M. Canévet insiste sur les risques que l'IA et la robotisation font peser sur l'emploi : il est impératif de faire reposer le financement de notre protection sociale sur d'autres bases.

M. le président.  - Amendement n°1448 rectifié de M. Canévet et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Ce dernier amendement fixe un taux de 0,35 %, en contrepartie de la suppression des cotisations aux branches maladie, famille et AT-MP. Pour sauver notre protection sociale, M. Canévet nous appelle à l'audace !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Michel Canévet pose les bonnes questions. Oui, le modèle de financement actuel est sans doute obsolète. Mais on ne peut le faire évoluer au détour d'un amendement. La « micro-taxe » représente tout de même 400 milliards d'euros... C'est plus qu'audacieux : miraculeux ! (Sourires) Par ailleurs, cette taxe entraînerait un retour de l'argent liquide. M. Canévet s'attend à notre avis défavorable, mais il est temps d'ouvrir enfin le débat sur les sources de financement de la sécurité sociale.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable, mais merci à M. Canévet de soulever cette question. J'espère qu'elle sera au coeur des débats dans la perspective des échéances nationales à venir.

Mme Nathalie Goulet.  - Ces amendements sont prospectifs. Madame la ministre, ne pourrait-on demander à quelques-uns des très nombreux hauts fonctionnaires de l'Igas et de l'IGF d'y travailler ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Si la question est légitime, la réponse est effarante. Les cotisations sociales font partie du salaire ! Le jour où vous aurez compris cela... (Protestations à droite et sur certaines travées au centre)

Après avoir réduit les cotisations patronales au nom du coût du travail - 70 milliards d'euros perdus chaque année -, voilà que vous vous attaquez aux cotisations salariales, au nom du pouvoir d'achat. Mais baisser la part socialisée des salaires, c'est baisser les salaires tout court ! Que ferez-vous après ?

Mme Émilienne Poumirol.  - Il est surprenant de proposer une telle révolution au détour d'un amendement. Depuis 1945, la sécurité sociale repose sur un financement par les cotisations. Or, comme la Cour des comptes l'a confirmé, une bonne part de nos difficultés actuelles viennent des niches sociales diverses qui ont été consenties. Avant de révolutionner les fondements de notre pacte social, penchez-vous sur ces exonérations qui nous coûtent cher ! Nous pourrions par exemple approfondir le travail mené par Raymonde Poncet Monge et Élisabeth Doineau dans le cadre de la Mecss.

M. Martin Lévrier.  - Mme Poncet Monge explique régulièrement que le salaire total intègre les cotisations, mais la majeure part d'entre elles va aux retraites - celles des retraités ! Ce n'est donc pas un salaire.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Si : un salaire socialisé.

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est un salaire différé !

Mme Nadia Sollogoub.  - Mme Poumirol parle de révolution, mais Michel Canévet est loin d'être révolutionnaire...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Pour sûr !

Mme Nadia Sollogoub.  - Il ne s'agit pas de lutte des classes, mais d'assurer un avenir à notre système social dans une société dont les grands paramètres changent.

L'amendement n°1462 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos1447 rectifié et 1448 rectifié.

M. le président. - Nous avançons actuellement au rythme de quinze amendements à l'heure, contre vingt et un l'an dernier. Pour tenir les délais, il nous faudrait accélérer un peu. (Mme Frédérique Puissat renchérit.)

M. le président.  - Amendement n°923 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Merci pour ce rappel juste avant mon intervention... (On ironise à droite.)

Le financement de la sécurité sociale ne peut pas reposer uniquement sur le travail ? À la bonne heure : cet amendement instaure une contribution de 10 % sur les fonds de pension au profit de la Cnav.

L'épargne retraite représente 300 milliards d'euros : c'est peu par rapport au total de l'épargne financière - qu'on pourrait taxer aussi -, mais elle ne cesse de croître sous l'effet de la loi Pacte. Pourtant, la Cour des comptes - qui ne donne pourtant pas dans la lutte des classes - s'est émue des 2 milliards d'euros qu'elle coûte chaque année aux finances publiques en déductions.

M. le président.  - Amendement n°1148 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Vous voulez toujours faire payer les travailleuses et les travailleurs, ceux qui créent la richesse. Mais il y a de la richesse ailleurs, captée par la rente spéculative. Mettons en place une contribution de 15 % sur les fonds de pension pour renflouer la Cnav, plutôt que d'encourager un système par capitalisation contraire à la solidarité et préjudiciable aux plus modestes. Irez-vous dire à des personnes qui n'ont plus d'argent le 10 du mois qu'elles doivent capitaliser pour leurs vieux jours ? Préservons notre système social, ciment de la République : c'est le sens de cette proposition audacieuse, miraculeuse, voire révolutionnaire ! (Sourires)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Dans le secteur public, il existe bien la Préfon... (M. Martin Lévrier et Mme Frédérique Puissat abondent.)

Mme Monique Lubin.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous débattrons de la capitalisation plus tard. Pour ma part, je trouve ce système plutôt vertueux. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Ce débat viendra, en effet, plus tard. Le plan d'épargne retraite (PER) est très populaire : onze millions de personnes détiennent un contrat, dont la moitié ne sont pas imposables. Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La capitalisation ne résoudra pas le rapport démographique. Par ailleurs, vous refusez d'augmenter les cotisations retraite mais encouragez les employeurs à capitaliser, pour un coût annuel de 2 milliards d'euros. Non seulement vous affaiblissez la retraite par répartition, mais vous faites payer l'État et la sécurité sociale pour favoriser la capitalisation !

L'amendement n°923 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1148.

M. le président.  - Amendement n°1025 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On ne peut pas tout faire reposer sur le salaire ? Il faut d'autres sources de financement ? En voici une.

L'année dernière, les entreprises du CAC 40 ont réalisé 135 milliards d'euros de bénéfices et distribué 73 milliards d'euros de dividendes. Pendant ce temps, notre déficit atteint 5,8 % du PIB, principalement du fait de la baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises, comme le montre l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans une étude récente : la politique de l'offre menée depuis 2017 a conduit à une baisse de 2,5 points de PIB des prélèvements obligatoires, principalement en faveur des entreprises.

Pour corriger cette trajectoire qui va à l'encontre de la tendance observée dans d'autres pays européens et assurer un effort équitable de rétablissement des comptes, nous proposons une taxe sur les dividendes au profit de la branche vieillesse.

L'amendement n°1025, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1749 rectifié de Mme Canalès et alii.

Mme Marion Canalès.  - Hier, la majorité sénatoriale a renoncé aux 2,4 milliards d'euros de recettes liées à l'augmentation de la CSG votée par l'Assemblée nationale.

Voici une autre proposition de recette, juste sur le plan social et efficace sur le plan économique : une contribution de 15 % sur des dividendes versés par les établissements privés à but lucratif accueillant des publics vulnérables, comme les Ehpad et les crèches.

Certains groupes surfinanciarisés liés à des fonds de pension font de la fragilité humaine un terrain de rentabilité. Or ces établissements bénéficient de financements publics. Il n'est donc pas ahurissant de leur demander une contribution à la solidarité nationale sur les dividendes, c'est-à-dire le « gras », qu'ils versent.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Quand il y a des dérives, il faut les dénoncer. Mais il n'y a pas que dans les établissements privés à but lucratif que la maltraitance existe. Évitons donc de stigmatiser ce secteur et d'étrangler des établissements que nous sommes contents d'avoir dans nos territoires.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Nous devons être vigilants face aux risques de financiarisation. C'est pourquoi nous avons pris des mesures de renforcement de la transparence : les Ehpad doivent tenir une comptabilité analytique, les crèches envoyer leurs documents comptables aux CAF. Avis défavorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Est-il besoin de rappeler les scandales récents et les livres de Victor Castanet ? Tous les établissements privés n'ont pas des comportements frauduleux, mais nous assistons à une financiarisation extrême, sous l'influence de fonds de pension étrangers, qui fait primer l'objectif de rentabilité sur tout le reste.

La mission d'information du Sénat sur les crèches appelle à renforcer les contrôles, en particulier dans les établissements multisites. Il est juste de taxer des structures qui érigent en système le profit fait sur les plus vulnérables.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - À droite de l'hémicycle, quelqu'un a dit : sans rentabilité, il n'y a pas de privé lucratif. Le privé lucratif, de fait, va à la rentabilité. Depuis que le secteur des Ehpad a été un peu régulé, à la suite des scandales, les groupes financiarisés investissent les cliniques psychiatriques, où ils trouvent une rentabilité de 8% - jusqu'à ce qu'un scandale éclate dans ce secteur aussi, qu'on prétendra ne pas avoir vu venir.

Ces groupes prospèrent sur l'absence d'offre publique, conséquence de l'assèchement des collectivités territoriales. Les collectivités n'ont plus les moyens d'agir, et on présente le privé comme le sauveur... On ne devrait pas faire de profit dans les crèches et les Ehpad !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous avons tous été émus par les scandales révélés par Victor Castanet dans les Ehpad et les crèches ; nous avons tous un coeur. Mais tout continue comme avant, malgré quelques contrôles renforcés.

Nous militons pour un service public de la petite enfance. Hélas, nos municipalités manquent de moyens. Les élus entretiennent ce qui existe, mais n'investissent plus, car l'État a asséché leurs financements. Tous les maires l'ont dit ces derniers jours lors de leur congrès !

Mme Pascale Gruny.  - Je ne peux laisser dire que les entreprises privées seraient mauvaises. Parfois, dans les structures publiques, la situation n'est pas terrible non plus... À vrai dire, c'est surtout une question de personnes. Dans les structures adossées à un hôpital, les 35 heures ont eu des effets désastreux. (Exclamations à gauche ; on renchérit à droite.) C'est ce que nous disent les médecins !

Cessez de dire que nous n'aurions pas besoin du secteur privé. L'enjeu, c'est de nous occuper des personnes vulnérables - aînés, enfants, handicapés. Si, hélas, elles sont parfois victimes de maltraitance, taxer des dividendes n'y changera rien.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Taxer ne fera pas reculer la maltraitance d'un pouce. Pour combattre les abus, il faut agir sur les tarifs et les contrôles. En réalité, votre projet de société, c'est la nationalisation de l'ensemble du secteur sanitaire et médico-social !

Mme Frédérique Puissat.  - Bravo !

M. Martin Lévrier.  - Ne perdons pas de vue l'essentiel : les femmes et les hommes qui travaillent dans ces structures, dont 99 % sont dévoués au service des autres et de la nation. (Applaudissements sur de nombreuses travées au centre et sur certaines travées à gauche)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Absolument !

Mme Marion Canalès.  - Si ces établissements peuvent verser des dividendes, c'est aussi parce qu'ils bénéficient de financements publics. Oui, nous avons besoin des crèches privées en complément des crèches publiques. Mais il est juste de leur demander une petite participation sur les bénéfices dégagés.

M. Jean-François Rapin.  - Ces établissements paient déjà des impôts !

Mme Pascale Gruny.  - Exactement ! Soyez honnêtes !

Mme Marion Canalès.  - À la suite de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, j'alerte sur l'irruption de sociétés privées à but lucratif qui s'emparent de pans entiers de la protection de l'enfance, à la faveur des carences des pouvoirs publics. Réinjectons une part des bénéfices dégagés par ces établissements dans le financement de la sécurité sociale !

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Merci à M. Lévrier d'avoir salué celles et ceux qui prennent soin des personnes fragiles. Nous devons mieux valoriser ces métiers ; au Salon des maires, j'ai signé une charte en faveur de leur évolutivité.

Le service public de la petite enfance est en place depuis le 1er janvier ; ce PLFSS lui consacre 87,4 millions d'euros. Notre objectif est d'améliorer l'accueil des enfants, quel que soit le mode d'accueil, de renforcer l'information des familles et de soutenir les investissements pour ouvrir des places supplémentaires.

L'amendement n°1749 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1027 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous proposons une contribution autonomie sur les successions au taux de 1 %. Seule une petite minorité de successions sont actuellement taxées, pour un produit très faible : 12,6 milliards d'euros. En 2021, le Conseil d'analyse économique (CAE) préconisait déjà une réforme en profondeur de la taxation de l'héritage qui abaisse les droits pour 99 % de la population tout en dégageant un surplus de recettes. La part de la fortune héritée dans le patrimoine a presque doublé, pour atteindre 60 % ! Le rapport Vachey préconise un tel prélèvement, pour un rendement de 500 millions d'euros.

L'amendement n°1027, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°920 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon l'étude du CAE « Repenser l'héritage en 2021 », l'assurance vie est soit exonérée totalement, soit taxée selon un barème ad hoc.

L'encours de l'assurance vie dépasse 2 000 milliards d'euros. C'est le deuxième placement financier des ménages, mais la répartition est inégale : 65 % des retraités anciens cadres possèdent un contrat, contre 23 % des anciens ouvriers.

Cet amendement crée une contribution de 0,2 % sur le stock d'assurance vie pendant cinq ans.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Monique Lubin.  - La génération du baby-boom, les « papy-boomers », va léguer un patrimoine d'un montant inégalé.

Nous ne sommes pas contre l'héritage - pas de caricature ! -, mais il faut revoir les choses. Je souligne d'ailleurs un paradoxe : si la majorité des Français estime qu'il ne faut pas toucher à l'héritage, très peu sont en réalité concernés par une telle taxation.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'héritage n'est pas que le fruit du travail. Selon les économistes, la valeur des actifs mobiliers et immobiliers transmis est due à 50 % à la spéculation immobilière. C'est l'argent qui a travaillé, rien d'autre.

L'amendement n°920 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1152 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Cet amendement concerne les plateformes de mise en relation entre les travailleurs ubérisés et leurs clients. Uber, Bolt, Deliveroo misent sur un modèle de contournement du droit du travail, grâce au statut de travailleur indépendant. Ce n'est pas sans conséquence sur les conditions de travail et sur le financement de notre modèle social. En outre, ne pas participer au financement de la sécurité sociale relève de la concurrence déloyale.

Aussi, pour plus de justice sociale et pour rétablir les comptes de la sécurité sociale, nous proposons une contribution de 10 % des plateformes sur les revenus réalisés ou imposés en France.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Le Sénat a commis plusieurs rapports sur les plateformes numériques. Instituer une nouvelle contribution ne serait pas une bonne solution. Comme l'an passé, avis défavorable.

Il y a des dérives, mais ce mode de travail existe désormais, et nous devons faire avec. Votre amendement accroitrait la place de l'État dans la protection sociale au détriment des partenaires sociaux.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Nous avons privilégié une réforme qui rend obligatoire la déclaration des revenus et le prélèvement direct par les plateformes des cotisations et contributions sociales dues par leurs utilisateurs micro-entrepreneurs. Avis défavorable.

L'amendement n°1152 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1658 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Instaurons une taxe sur les superprofits réalisés par les très grandes entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 750 millions d'euros, notamment pour financer le système de retraite.

Depuis 2021, la facture fiscale des entreprises françaises a diminué de 10 milliards d'euros. Pour les grands groupes, le taux d'imposition n'est pas de 25 %, mais en réalité plutôt de 14 %. Cela n'est pas acceptable.

Ces 10 milliards d'euros financeraient l'augmentation des salaires dans le secteur médico-social, plus de places en crèches, des recrutements dans les métiers du soin et dans les hôpitaux.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Depuis le covid, les profits des très grandes entreprises ont explosé. Nos amendements sur les successions, les plateformes, les grandes entreprises, sont systématiquement refusés.

Nous n'avons pas la même vision du partage de l'effort. Vous voulez responsabiliser les médecins, les patients, tout le monde... sauf ceux qui ont de l'argent ! Nous ne sommes pas sur la même planète.

Mme Monique Lubin.  - Oui, le déficit actuel est intenable. J'ai souvent entendu que l'effort devait être partagé  - mais ce sont toujours les mêmes qui sont visés !

Depuis 2017, les cadeaux fiscaux - que vous avez approuvés, car malgré vos critiques, vous avez fini par voter tous les budgets - ont bénéficié aux grandes entreprises. Et aujourd'hui, il ne faudrait rien leur demander ? Comment peut-on voter le gel des pensions, le gel des prestations sociales ou un recul sur les indemnités journalières (IJ) et ne rien demander aux grandes entreprises ?

Et ne me parlez pas de fuite ! On est Français ou on ne l'est pas.

M. Roger Karoutchi.  - C'est débile comme raisonnement...

Mme Monique Lubin.  - Vous détenez la vérité, monsieur Karoutchi ?

M. Roger Karoutchi.  - Dire « on est Français ou on ne l'est pas » est ridicule.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous n'allez pas insulter vos collègues !

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Le débat sur le PLF a eu lieu à l'Assemblée nationale. On ne peut pas dire que rien n'est fait : il y a la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises. (Protestations à gauche)

L'amendement n°1658 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1561 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Depuis la guerre en Ukraine, les bénéfices des majors pétrolières explosent. TotalEnergies, que nous connaissons bien au Sénat grâce au rapport de Yannick Jadot, a enregistré un bénéfice record de 19,8 milliards d'euros en 2023. Or l'industrie pétrolière mine notre santé. Le coût sanitaire et social des pollutions est compris entre 70 et 100 milliards d'euros annuels.

Renforçons le principe pollueur-payeur, en ciblant les vrais responsables, les grands pollueurs, soit les entreprises qui ont des chiffres d'affaires de plus de 750 millions d'euros et des bénéfices 1,25 fois supérieurs à leur moyenne de 2017-2019.

L'amendement n°1561, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1159 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Les Ogres a mis en lumière les dérives de la gestion des crèches par le secteur privé lucratif. Vingt ans après la fin du monopole public, quatre grands groupes se partagent le marché. Selon le rapport de 2023 de l'Igas, le niveau de rentabilité des microcrèches atteint 25 %, voire 65 % ! La qualité de l'accueil s'est dégradée au profit d'une logique uniquement financière. C'est une forme de détournement de l'argent des CAF.

Mettons à contribution les dividendes des crèches privées à but lucratif, afin de renforcer les crèches publiques à but non lucratif.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Le décret a été publié en septembre : les comptes des crèches seront désormais transmis aux CAF. Avis défavorable.

Mme Marion Canalès.  - Les établissements médico-sociaux peuvent être contrôlés par la Cour des comptes, pas les crèches. Le décret doit aller plus loin.

Les intermédiaires de réservation de berceaux captent une partie du crédit d'impôt famille pour se rémunérer. Il faut surveiller les activités masquées de ces grands groupes, car les fonds publics finissent dans les poches de leurs actionnaires.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Les crèches privées prennent moins cher que les crèches publiques - nous l'a vu en tant qu'élus locaux. Nous aurions dû nous méfier... Je ne pense pas que cette activité ait besoin d'actionnaires. Je voterai cet amendement.

Mme Silvana Silvani.  - Nous pointons des profits très importants, obtenus à partir d'aides publiques, au détriment de l'accueil, qui se dégrade. Ces profits ne sont même pas réinvestis pour améliorer les conditions de travail des salariés...

L'amendement n°1159 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°850 rectifié bis de M. Lévrier et du RDPI.

M. Martin Lévrier.  - Il y a un angle mort : 1,5 million de salariés de l'économie sociale et solidaire (ESS) n'ont aucun plan d'épargne entreprise (PEE). Créons un plan d'épargne ad hoc.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La commission n'a pas eu le temps d'expertiser cette proposition. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Les associations à but non lucratif réinvestissent leurs excédents nets comptables au profit des publics accompagnés, non de leurs salariés. Rien n'empêche ces entreprises de verser des primes de partage de la valeur (PPV), qui peuvent ensuite être placées dans un plan d'épargne en actions (PEA) ou un PER individuel. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Martin Lévrier.  - Les bras m'en tombent ! Ouvrons le PEE aux salariés des associations, ou alors, dites que les associations n'ont pas le droit de verser de primes à leurs salariés ! Il arrive que des associations dégagent un excédent : comme il n'y a pas de bénéfices, l'excédent est reversé. Si ma solution ne vous convient pas, ouvrons simplement le PEE aux salariés des associations - c'est le mot « entreprise » qui pose problème.

Mme Silvana Silvani.  - L'intention est bonne, mais le partage d'un excédent - qui n'est pas un profit - entre en contradiction avec les valeurs des associations loi 1901. Par ailleurs, vu que le PLF va réduire le financement des têtes de réseaux associatifs de 50 %, je ne vois pas ce qu'elles vont se redistribuer...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon Mme la ministre, il faudrait verser des primes, qui sont exonérées, afin de contracter un plan d'épargne collectif, lui aussi exonéré.

Vous ne proposez aucune ressource pour la sécurité sociale, et en plus, vous demandez son aide ! Je l'ai dit, la capitalisation, aidée par l'État, coûte 2 milliards d'euros selon la Cour des comptes.

Enfin, il n'y a pas de déficits cachés de l'État, et la capitalisation n'apporte rien aux fonctionnaires.

M. Daniel Chasseing.  - Le PEE est mal adapté à l'ESS. Le PEA pourrait être une mesure concrète pour ces salariés. Je voterai cet amendement.

Mme Monique Lubin.  - L'idée de Martin Lévrier est intéressante. Certaines associations sont des piliers de la protection sociale, or leurs salariés n'ont aucun avantage, une fois les salaires payés. Autant il serait choquant de partager les excédents avec les administrateurs, autant les partager avec les salariés, notamment dans le secteur médico-social, est une piste intéressante.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai cet amendement. Le rejeter enverrait un mauvais signal au secteur, qui est exsangue et dont les personnels sont exemplaires.

M. Michel Masset.  - Nous voterons cet amendement, en soutien au monde de l'ESS.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - À titre personnel, sagesse.

L'amendement n°850 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°541 rectifié ter de Mme Pantel et alii.

M. Michel Masset.  - Nous instaurons un malus sur les cotisations AT-MP des entreprises qui ont un taux de sinistralité très élevé, comme la Cour des comptes l'avait recommandé en 2018. L'objectif est double : encourager la prévention et dégager des moyens pour mieux réparer et mieux prévenir les risques professionnels. C'est une mesure juste, efficace et cohérente avec la promotion de la santé au travail.

M. le président.  - Amendement identique n°1143 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous relevons le taux de cotisation auprès de la branche AT-MP des entreprises dont la sinistralité est anormalement élevée. La situation est dramatique ! Il faut augmenter les sanctions pour pousser les entreprises à s'investir davantage dans la protection des salariés.

L'assurance maladie dénombre plus d'un million d'accidents du travail : accidents de trajets, maladies professionnelles ...

Les entreprises doivent être plus vertueuses. Frappons au portefeuille celles qui ne le sont pas. Nous en sommes à un point où certaines font la fête quand elles enregistrent peu d'accidents de travail ! Si c'est le cas, tant mieux, mais, en 2025, c'est grave...

M. le président.  - Amendement identique n°1679 de Mme Canalès et du groupe SER.

Mme Monique Lubin.  - Les chiffres récents font apparaître une recrudescence des accidents du travail. Visons les entreprises les plus accidentogènes. Le manque de prévention doit être sanctionné.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Personne n'accepte ces dérives, mais vos amendements stigmatisent certains secteurs. Un malus doit être contrebalancé par un bonus. Certaines entreprises sont vertueuses et mettent en place des actions préventives. Les entreprises défaillantes sont exposées à des sanctions pénales - il y a des inspecteurs du travail !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Pas assez !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Jean-Pierre Farandou lance un atelier sur la prévention dans le cadre de la conférence sociale Travail et retraites, qui commencera le 5 décembre prochain. En attendant, avis défavorable.

M. Jean-François Rapin.  - Je connais l'entreprise évoquée par Mme Apourceau-Poly, qui a fêté plus de mille jours sans accident du travail, dans la commune dont j'étais maire. C'est moins une fête qu'une démarche de prévention, qui associe employeurs et employés. J'ai proposé aux rapporteurs d'auditionner certaines entreprises exemplaires. Plutôt que la sanction, valorisons l'exemplarité, s'il vous plaît.

Les amendements identiques nos541 rectifié ter, 1143 et 1679 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°924 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon l'étude de Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh, Prévention des risques psychosociaux et des accidents du travail, la France est le seul pays d'Europe où le nombre de morts au travail a augmenté. Eurostat estime que la France n'atteindra jamais l'objectif zéro mort au travail en 2030. Le taux d'incidence, 3 396 par 100 000 travailleurs en 2017, est le plus élevé d'Europe.

Selon la Dares, les salariés des entreprises sous-traitantes sont surexposés. Les entreprises donneuses d'ordre se déresponsabilisent, externalisent les risques : augmentons leurs cotisations au titre des AT-MP quand leurs sous-traitants présentent un taux de sinistralité important. Ce taux serait fixé par décret.

M. le président.  - Amendement identique n°1167 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - La sous-traitance est l'angle mort de la prévention des accidents du travail. Les donneurs d'ordre externalisent les tâches, la main d'oeuvre et surtout les risques. Les salariés des sous-traitants en paient le prix fort. C'est injuste et inefficace, et cela favorise une sous-traitance low cost.

Lorsqu'un sous-traitant présente un taux de sinistralité élevé, augmenter les cotisations AT-MP du donneur d'ordre est une mesure de réparation évidente. Affirmons que le coût du risque ne doit pas être assumé par les plus précaires, mais par ceux qui organisent, structurent et profitent de la chaîne de production !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable, même si l'idée est intéressante. On constate en effet un transfert accru, par les entreprises donneuses d'ordre, des activités les plus sinistrogènes vers leurs sous-traitants, afin d'éviter une hausse de cotisations AT-MP. Cependant, un malus alourdirait encore les prélèvements obligatoires. Surtout, créer un malus sans bonus pour les entreprises vertueuses n'a pas de sens.

Avant que l'amendement ne revienne l'année prochaine, puisque je connais votre ténacité...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ah ça pour être tenaces, nous le sommes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - ... il faudra associer les partenaires sociaux. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Il faut accentuer la prévention des accidents du travail et travailler sur les chaînes de sous-traitance. C'est le sens de l'axe 5 du prochain plan Santé au travail en cours d'élaboration. Les partenaires sociaux ont bien identifié l'enjeu. Nous espérons donc que cet amendement ne sera pas déposé à nouveau l'année prochaine. Avis défavorable.

Mme Marion Canalès.  - L'an dernier, nous avions déposé ces mêmes amendements ; lors de l'examen du projet de loi Fraudes, nous avons débattu du devoir de vigilance.

Le contexte a changé : l'an dernier, nous espérions que le devoir de vigilance européen serait maintenu - la France l'avait défendu dès 2017 -, car il devait imposer aux sous-traitants une protection des droits humains, en plus de la protection de l'environnement. Au Bangladesh, 1 100 ouvriers sont morts dans les usines de la fast fashion... Malheureusement, le 13 novembre, en raison d'un accord entre la droite et l'extrême droite européennes, ce devoir de vigilance a été balayé. Le Gouvernement a accepté ce retour en arrière néfaste. (Applaudissements sur quelques travées du groupSER et du GEST)

M. Jean-Luc Fichet.  - Ce sujet a été largement abordé lors de l'examen du projet de loi Fraudes. La sous-traitance atteint désormais trois rangs. Comme la marge est répartie entre tous les intervenants, le troisième sous-traitant doit s'adonner à une forme d'exploitation de son personnel s'il veut gagner un minimum d'argent. La question même de la sous-traitance est posée.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Tant les entreprises que les branches tiennent compte de la sinistralité dans leur taux. Que font les donneurs d'ordre ? Ils externalisent le risque AT-MP. Je l'ai vu dans le secteur de la chimie. À partir d'un certain taux de sur-sinistralité, le donneur d'ordre doit répondre des conditions de travail de ses sous-traitants. C'est une honte, nous sommes les derniers en Europe !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Ce n'est pas vrai.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le nombre de morts au travail augmente.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Soyons prudents sur ces comparaisons européennes.

M. Jean-François Rapin.  - Largement !

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Les calculs ne s'appuient pas partout sur les mêmes bases. Dans certains pays, les malaises ne sont pas décomptés.

Les amendements identiques nos924 et 1167 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1165 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Depuis le 10 novembre à 11 h 31, les femmes travaillent gratuitement en France, en raison d'inégalités salariales structurelles aggravées par des temps partiels trop courts. Nous voulons mettre fin à cette injustice en proposant que les entreprises dont plus de 20 % des salariés sont à temps partiel très court voient leurs cotisations majorées de 10 %. Cet amendement punit les abus et protège les salariés. Nous ciblons les entreprises qui font du profit sur le dos des femmes en abusant du temps partiel.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1165 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1138 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous proposons d'augmenter le taux de cotisation des plus hauts revenus pour financer l'abrogation de la réforme scélérate des retraites de 2023. Jamais une réforme des retraites n'était allée si loin, reculant chaque année d'un trimestre l'âge de départ minimal. De surcroît, elle s'est appliquée immédiatement. La génération 1961 a vu dès 2023 son départ reculer de trois mois.

Cette réforme de régression sociale, d'une brutalité inouïe, a suscité une mobilisation historique. Deux ans après, elle demeure le symbole d'une rupture profonde entre nos citoyens et le pouvoir politique. Passée en force sans vote du Parlement, malgré un front syndical uni, elle est aux sources de la crise sociale sans précédent de notre pays.

M. le président.  - Amendement identique n°1318 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cette réforme impopulaire, adoptée sans vote, ne résout pas le problème des retraites et suscite des externalités négatives. Les trois quarts des dépenses d'indemnités journalières sont dues à des arrêts longs, qui concernent majoritairement des travailleurs seniors. Après, vous direz que ce n'est pas bien, qu'il faut les contrôler.

Mme Frédérique Puissat.  - Elle fait les questions et les réponses.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon la Cour des comptes, 42 % du déficit de la branche est dû à la sous-compensation des allégements généraux. Le Gouvernement concède un décalage de la réforme - s'il survit à cet examen - mais il faut surtout améliorer le taux d'emploi des seniors.

M. le président.  - Amendement identique n°1642 de Mme Lubin et du groupe SER.

Mme Monique Lubin.  - Mme la rapporteure générale a évoqué la Préfon et la capitalisation, brandie comme une solution miracle, mais tout le monde n'aura pas les moyens de capitaliser. À qui confier les fonds ? C'est un vaste débat que je suis prête à avoir.

Ne mélangeons pas tout. La Préfon est une retraite supplémentaire facultative, très différente d'un outil de capitalisation exclusif.

Nombre de personnes s'expriment sans vraiment connaître le sujet. (Mme Pascale Gruny s'exclame.) Je ne prétends pas être une spécialiste (marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) mais je siège tout de même au Conseil d'orientation des retraites (COR) depuis plusieurs années !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Nous débattrons de la suspension de la réforme des retraites à l'article 45 bis. Le Gouvernement accompagne le Parlement dans ce débat.

Cet amendement augmente les prélèvements de 7 milliards d'euros. Avis défavorable. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)

À la demande du groupe CRCE-K, les amendements identiques nos1138, 1318 et 1642 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°41 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 119
Contre 224

Les amendements identiques nos1138, 1318 et 1642 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°156 de Mme Micouleau.

L'amendement n°156 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°231 rectifié de Mme Senée et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le Sénat a souhaité augmenter de 12 points le taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Le gouvernement Bayrou a fixé un taux de 34,65 % en 2028. Cela représente plus de 4 milliards d'euros en 2028, sans aucune compensation. Les associations d'élus sont vent debout, d'autant plus que les collectivités territoriales sont privées de ressources. C'est intenable. Maintenir l'équilibre des comptes sociaux exige des hausses, mais celle-ci pose un problème de justice.

Des générations de fonctionnaires partent à la retraite et sont en partie remplacées par des contractuels. Cette hausse est une incitation à contourner le statut. Est-ce l'objectif caché ?

M. le président.  - Amendement identique n°379 rectifié de Mme Jacquemet et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Cette hausse n'est rien d'autre qu'un transfert du déficit de la sécurité sociale vers les collectivités !

M. le président.  - Amendement identique n°424 rectifié ter de M. Roux et alii.

M. Ahmed Laouedj.  - Cet amendement protège les collectivités territoriales d'une hausse brutale des cotisations à la CNRACL, difficilement soutenable, et qui ne résout pas les problèmes structurels de la caisse. Les associations d'élus ont clairement rejeté cette hausse. Plafonnons les cotisations à leur niveau actuel pour préserver les marges d'action des employeurs territoriaux et hospitaliers.

M. le président.  - Amendement identique n°433 rectifié ter de M. Levi et alii.

M. Khalifé Khalifé.  - Il faut attendre les conclusions de la mission de l'Igas pour statuer.

M. le président.  - Amendement identique n°446 rectifié quater de Mme Antoine et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1018 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - Cette mesure menace la capacité des collectivités à financer les services aux habitants et les actions en faveur de la transition.

M. le président.  - Amendement identique n°1102 rectifié quinquies de Mme Florennes et alii.

M. Olivier Henno.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1139 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Maintenons le taux de cotisation au niveau de 2025. Une augmentation a déjà eu lieu. Une hausse annuelle de trois points, soit 4,4 milliards d'euros par an, serait fatale aux collectivités. C'est d'autant plus injuste que depuis 1974, près de 100 milliards d'euros d'excédent de la CNRACL ont financé les déficits d'autres régimes, dont celui de la Mutualité sociale agricole (MSA). Désormais, la solidarité interrégime n'existe plus et la CNRACL n'a pu constituer de réserves.

M. le président.  - Amendement identique n°1643 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

M. Jean-Luc Fichet.  - La CNRACL a contribué 100 milliards d'euros au mécanisme de compensation interrégime depuis 1974. Au début des années 1980, elle bénéficiait de 4,53 cotisants pour un pensionné ; en 2022, c'est 1,46 pour un. L'augmentation de la contractualisation et les hausses du point d'indice ont aussi fragilisé la caisse.

Les marges d'autofinancement des collectivités se réduisent. Le service public hospitalier, déjà asphyxié, va devoir créer un déficit public pour assumer ses dépenses de fonctionnement. Gelons le taux.

M. le président.  - Amendement identique n°1778 rectifié ter de M. Bonneau.

L'amendement n°1778 rectifié ter n'est pas défendu.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous avons débattu de ce sujet l'an dernier. C'était difficile. Alors qu'il nous était proposé une hausse de 4 points par an sur trois ans, nous avons voté pour 3 points par an sur quatre ans. Ne changeons pas la donne tous les ans. Les retraites de tous les agents sont en jeu. Toute la branche vieillesse était mise en difficulté par cette situation. En outre, à partir de 2027, un mécanisme de compensation démographique sera mis en place. Enfin, le taux reste facialement moins élevé que celui appliqué aux militaires, par exemple. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Pas moins de 2,5 milliards d'euros de déficit en 2023, une hausse atteignant plus de 10 milliards d'euros annuels en 2030 si rien n'est fait : l'enjeu est de taille.

Un rapport préconisait une augmentation de 10 points en 2025, atteignant en cumulé 50 points d'ici à 2030. Le Gouvernement a choisi une trajectoire plus progressive.

Nous devons faire preuve de responsabilité pour que les pensions soient versées. Cette année, l'Acoss (Urssaf Caisse nationale) avance 13 milliards d'euros. Avis défavorable.

Mme Monique Lubin.  - Bien sûr, le déficit de la CNRACL ne doit pas s'accroître, mais, lorsqu'elle était excédentaire, on y a puisé pour équilibrer le régime général. Elle a payé son tribut. Moins les collectivités territoriales recrutent de fonctionnaires, moins les pensions sont financées, plus le système est en difficulté. Réfléchissons vraiment au financement de notre système de retraites par répartition.

Les amendements identiques nos231 rectifié, 379 rectifié, 424 rectifié ter, 433 rectifié ter, 446 rectifié quater, 1018 rectifié ter, 1102 rectifié quinquies, 1139 et 1643 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°955 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le déficit structurel de la CNRACL est notamment dû aux départs à la retraite de fonctionnaires, au gel du point d'indice et à une hausse du nombre de contractuels, tandis que le nombre de fonctionnaires diminue. L'Igas recommande de songer à une compensation du manque de cotisations issu du recours à des contractuels par l'instauration d'un prélèvement au bénéfice de la CNRACL sur les salaires versés aux contractuels.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°955 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°215 rectifié bis de M. Capus et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - La pension de retraite des fonctionnaires est calculée sur la base de six derniers mois de traitement. Les primes servent de base de cotisation à la retraite complémentaire dans la limite de 20 % du traitement indiciaire. Dans le privé, la cotisation est calculée sur les 25 années les plus avantageuses, en tenant compte de l'ensemble de la rémunération. L'inégalité de traitement est totalement injustifiée. Alignons le calcul du public sur le privé. La mise en oeuvre de la mesure serait progressive pour ne pas pénaliser les fonctionnaires proches de la retraite.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Attendons les débats de la conférence proposée par le Premier ministre et ceux de l'élection présidentielle. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Nous aurons ce débat dans les mois à venir ; en attendant, avis défavorable.

M. Martin Lévrier.  - Nous avons étudié cette question lors du travail sur la retraite universelle. Selon nos calculs, il n'y a pas de distorsions entre public et privé dans la majorité des cas ; surtout, une telle réforme léserait terriblement certaines catégories, dont les enseignants. Soyons très prudents.

Mme Émilienne Poumirol.  - Très bien !

L'amendement n°215 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1253 rectifié de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Ouvrons un débat sur le temps de travail. Les Français travaillent moins que les Allemands. Le temps de travail complet est de 1 673 heures en France contre 1 790 en Allemagne, soit 40 heures hebdomadaires en Allemagne, contre 35 heures en France. Cela n'empêche pas le temps partiel, plus important proportionnellement en Allemagne qu'en France.

Cet amendement augmente la durée légale de travail hebdomadaire à 37 heures.

Depuis 1945, avec le social-libéralisme, les salariés et les entreprises créent les richesses par leurs cotisations. Il faut coconstruire le maintien de nos acquis sociaux.

M. le président.  - Amendement n°572 rectifié septies de M. Henno et alii.

M. Olivier Henno.  - Notre pays doit créer des richesses pour financer sa solidarité. Il faut investir plus et mieux, mais aussi travailler plus.

La proposition de supprimer deux jours fériés a suscité le mécontentement. Pour nous, le travail doit payer, d'où cet amendement : 12 heures supplémentaires de travail par an rémunérées - soit 1 heure par mois ou 15 minutes par semaine. Nous laissons les partenaires sociaux s'organiser, car nous sommes attachés au paritarisme.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Ce sujet doit être mis sur la table, comme l'a promis le Premier ministre avec la conférence Travail et retraites.

Ce qui est proposé, ce sont des heures rémunérées - ce qui ferait du bien à la sécurité sociale. La commission a émis un avis défavorable, mais je suis totalement d'accord avec les auteurs de ces amendements : c'est une des solutions. Nous l'avons montré avec Raymonde Poncet Monge dans notre dernier rapport : nous pouvons aussi travailler sur la quantité de travail.

Mais il faudrait en débattre dans un projet de loi Travail plutôt que dans un PLFSS - vous avez bien fait d'arriver, monsieur le ministre...

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités.  - C'est du lourd ! (On renchérit sur les travées du groupe SER.) La question du temps de travail est légitime. Nous pouvons l'évoquer en PLFSS, mais nous n'aurons pas le temps de l'approfondir.

Notre pays ne produit pas assez, on le sait. Il ne faut pas renoncer à la croissance. Nous avons besoin de plus de richesses à répartir, pour financer notre système social et améliorer le niveau de vie de nos concitoyens. Comment se répartir le travail ? Il ne faut pas renoncer à augmenter le taux d'emploi des jeunes et des séniors et trouver le bon équilibre entre nombre de travailleurs et nombre d'heures travaillées individuellement. Nous en débattrons lors de la conférence Travail et retraites. Pour des questions de procédure, avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Quel dommage !

Mme Silvana Silvani.  - Le Canard enchaîné rapporte les propos du président Marseille : « les Panzerdivisions sont prêtes à démarrer ». (On s'en amuse sur les travées du groupe UC.) Nous y sommes.

Cette version remastérisée des deux jours fériés, issue de la fameuse boîte à outils sénatoriale, consiste à faire travailler les salariés quinze minutes de plus par semaine ! (On ironise à droite.)

Les effets en seraient extraordinaires : hausse de 0,4 % du PIB, amélioration du solde des administrations publiques (APU) de 0,2 point de PIB ; rendement annuel de 10 milliards d'euros. Bref, la solution miracle ! Mais si c'est la solution à tous les problèmes, pourquoi ne pas y avoir pensé avant ?

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Bah si !

Mme Silvana Silvani.  - Comme par hasard, vous exemptez le patronat et les revenus financiers et vous vous attaquez aux travailleurs, notamment les plus précaires -  puisque les cadres, au forfait, ne sont pas concernés.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Ils font bien plus que 35 heures ! (Mme Nathalie Goulet lève le poing en signe de lutte.)

Mme Silvana Silvani.  - C'est une provocation : vous défendez les intérêts des puissants et du Medef. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)

Mme Corinne Féret.  - À chaque jour, sa surprise. Tous les ans nous examinions vos propositions de recul de l'âge de départ à la retraite, et là, ni vu ni connu, vous augmentez le temps de travail ! Un samedi à 12 h 30, vous allez voter l'allongement de la durée légale du travail ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il n'y a pas d'heure !

Mme Corinne Féret.  - Avez-vous conscience de ce que vous proposez ? Ce PLFSS, c'est pire que le musée des horreurs ! Heure après heure, vos propositions sont plus inacceptables les unes que les autres.

M. Martin Lévrier.  - Que voilà un beau débat ! À une condition : qu'il ne soit pas binaire -  plus d'heures, moins d'heures  - , car les travailleurs ne sont pas des machines.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. Martin Lévrier.  - Par exemple, nous examinons treize amendements par heure cette année, contre 21 l'an dernier...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous avons vieilli !

M. Martin Lévrier.  - Sortons de nos postures. Je connais des entreprises qui sont passées aux 32 heures et qui finalement n'ont pas embauché, car la productivité s'est améliorée.

Mme Émilienne Poumirol.  - Très bien !

Mme Monique Lubin.  - Je n'aurais jamais été autant d'accord avec Martin Lévrier, ainsi qu'avec Mme la rapporteure générale : nous ne pouvons avoir ce débat en PLFSS.

Mme Frédérique Puissat.  - Exactement !

Mme Monique Lubin.  - L'un des péchés originels de la réforme des retraites est de ne pas avoir débattu du travail. Dans certains métiers, on peut travailler plus, ou plus longtemps, dans d'autres non. Nous avons besoin de deux projets de loi sur lesquels travailleront les partenaires sociaux et le Parlement : l'un sur le travail, l'autre sur ce qui en découlera en matière de retraites.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Daniel Chasseing concède que notre temps de travail par emploi est dans la moyenne européenne, et même supérieur à l'Allemagne. Dès lors, pourquoi augmenter le temps de travail par emploi ? Bizarre.

Logiquement, il faudrait plus d'emplois. Vous allez me rétorquer : « Et la démographie ? » Si notre taux d'emploi des séniors est si mauvais, c'est à cause de nos conditions de travail et notamment du management. Votre volonté de réduire drastiquement les flux migratoires -  ce que ne font plus l'Italie ni l'Allemagne  - et le choix de ne plus avoir d'enfants dégradent notre bilan démographique.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Manifestement, certains ne croient pas en la valeur travail... Madame Silvani, les cadres font plus de 35 heures. Monsieur Lévrier, oui, il y a l'efficience, mais il y a aussi les cotisations ! Madame Poncet Monge, vous avez raison : sortons la baguette magique et créons des emplois...

On parle de 15 minutes supplémentaires -  c'est quasiment imperceptible  - (protestations à gauche), pour 10 milliards d'euros de ressources nouvelles : c'est l'une des mesures les plus efficaces et les moins douloureuses pour redresser nos comptes sociaux (mêmes mouvements). Le PLFSS n'est peut-être pas le véhicule idéal, mais on ne peut pas repousser infiniment le débat ! (Mme Silvana Silvani s'exclame.)

Mme Frédérique Puissat.  - C'est classique : nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord et les médias ne vont retenir que ce sujet-là...

Mme Laurence Rossignol.  - C'est vous qui le lancez !

Mme Frédérique Puissat.  - Ce qui est nouveau, c'est que l'idée d'un travail sur la productivité progresse chez les partenaires sociaux.

Même s'il est clivant, ce n'est pas un débat vain. Les Républicains y prendront leur part dans un prochain projet de loi sur le travail et l'emploi.

M. Olivier Henno.  - Coluche disait : c'est toujours le bon moment pour discuter des choses importantes.

Monsieur le ministre, ce n'est pas un amendement d'appel, mais un amendement de conviction, qui porte une mesure de justice sociale. (Indignation à gauche) Le pays s'appauvrit et ce sont les plus modestes qui trinquent. Quand le pays travaillait plus -  comme en 1958  - , il s'enrichissait et les plus démunis en bénéficiaient. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Mme Pascale Gruny.  - La loi de Robien, avant les 35 heures, avait permis aux entreprises de négocier une éventuelle réduction du temps de travail. C'est ainsi que le fabricant de vélos MBK, dans mon département de l'Aisne, est passé aux 32 heures.

En revanche, vous avez imposé les 35 heures. Je travaillais alors dans le transport routier de marchandises : je ne vous raconte pas les difficultés, quand il a fallu diminuer les déplacements des chauffeurs ! Et à l'hôpital, quel chantier !

Nous n'avons pas débattu du temps de travail dans la loi de 2023, car c'était un PLFSS. Et malgré les promesses de la Première ministre Élisabeth Borne, nous n'avons rien eu. Ce débat devra avoir lieu à un moment ou à un autre.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Coluche disait aussi : « il paraît qu'il faut faire payer les pauvres, car ils sont plus nombreux que les riches ».

Mme Monique Lubin.  - Excellent !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ceux qui ne voudraient pas augmenter le temps de travail seraient contre la valeur travail ? (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.) Mais pour nous, la valeur travail, c'est la dignité des travailleurs qui vont au boulot tous les jours. Allez dire aux aides à domicile, aux femmes de ménage, aux égoutiers qu'ils peuvent travailler un petit quart d'heure supplémentaire, par-ci par-là.

La réduction du temps de travail, à 35 ou 32 heures a amélioré la productivité, mais surtout réduit le nombre d'arrêts maladie (« Non ! » sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC) et renforcé la fidélité à l'entreprise. Des rapports l'attestent, madame Romagny.

C'est facile de faire travailler tout le monde, avec les bras des autres !

Nous sommes opposés à ce que l'on travaille plus avec le même salaire. (On se récrie vivement sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; applaudissements sur les travées du groupe SER ; ayant épuisé son temps de parole, l'oratrice est interrompue par le président.)

M. Jean-Luc Fichet.  - J'ai une pensée pour les 15 000 travailleurs de l'agroalimentaire du Finistère, et tout particulièrement pour un travailleur à la chaîne qui, après avoir soulevé des poulets pendant vingt ans, a subi cinq opérations pour troubles musculosquelettiques (TMS) et souffrira jusqu'à la fin de ses jours. Idem dans le bâtiment et l'aide à domicile. Avant d'imaginer d'augmenter le temps de travail, prenons conscience des conséquences sur les arrêts de travail et donc les finances de la sécurité sociale. (MmCathy Apourceau-Poly applaudit.)

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Les débats s'allongeant, nous avons décidé de vous faire travailler dimanche matin, après midi et soir.

Mme Émilienne Poumirol.  - Pas grave, c'est une fois par an !

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - En 2025, nous avons voté la journée de solidarité...

Mme Émilienne Poumirol.  - Le Sénat a voté !

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - ... au profit de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

C'est différent ici : il s'agit d'un allongement de la durée du travail. Mais cela ne peut se faire par simple amendement à un PLFSS, même si j'y suis favorable sur le fond, car cela créera plus de richesses. Les hôpitaux seraient ainsi plus à l'aise, pour soigner mieux. (Marques d'indignation sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je souscris à la philosophie de cet amendement. Nous avons un problème de productivité, tous les chiffres le montrent. (On le conteste sur les travées du groupe SER) Travailler plus dégagerait de nouvelles ressources pour la protection sociale. Mais le PLFSS n'est pas le bon véhicule, en outre un samedi midi... Je suis favorable à cet amendement, même si une loi sur le travail aurait été plus appropriée.

Le Gouvernement peut-il s'engager à ce que le transfert de la TVA bénéficie bien à la sécurité sociale ?

M. Simon Uzenat.  - À mon tour de citer Coluche : « dites-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer. » Vous ne cessez d'expliquer aux Français comment se passer de la justice fiscale qu'ils réclament !

Vous évoquez « un effort imperceptible », alors que nos concitoyens exercent des métiers pénibles et que, pas plus tard qu'hier, vous avez refusé d'augmenter la CSG sur le capital des plus aisés. C'est une provocation absolue !

Vous êtes les tenants de la théorie du ruissellement, qui a abouti à des mégabassines de richesses pour les uns et des déserts de précarité pour les autres. Vous faites les poches des plus modestes jusqu'à taxer les apprentis et peut-être refuser la suspension de la réforme des retraites.

Votre nouveau slogan : « Travailler plus pour gagner moins et vivre moins longtemps en bonne santé ». Les messages envoyés par la droite sénatoriale sont dramatiques ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Corinne Bourcier.  - Combien de temps faut-il travailler ? Nous devrons en débattre le moment venu, y compris avec les partenaires sociaux.

Madame Poncet Monge, petite erreur : en France, nous travaillons 1 673 heures, contre 1 690 en Allemagne. Plus d'heures travaillées, c'est plus de production, plus de productivité, plus d'investissement, plus de pouvoir d'achat (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste), un meilleur financement de notre système de retraites et moins de déficit.

M. Daniel Chasseing.  - Je suis heureux d'avoir provoqué ce débat et retournerai dans mon département de Corrèze la tête haute. Je ne me suis pas attaqué aux travailleurs : j'ai essayé de préserver la sécurité sociale, pilier de notre République.

Les personnes en affections de longue durée (ALD), qui étaient 9 millions en 2011, seront 18 millions en 2035. Riches et pauvres ont accès aux nouveaux médicaments.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Heureusement !

M. Daniel Chasseing.  - Le nombre des plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040, le nombre de pensionnés passera de 4 millions en 1980 à 25 millions en 2050...

Je me félicite, petit sénateur de Corrèze, d'avoir porté cet amendement.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Il n'y a pas de petit sénateur !

M. Daniel Chasseing.  - Nous devons travailler plus, avec peut-être plus de temps partiel, comme en Allemagne, et une attention aux carrières pénibles et aux carrières longues.

Je l'ai dit lors de la discussion générale : nous aurons besoin de plus de financements, car les ALD vont augmenter ; il faudra peut-être de la TVA sociale (protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K) - ce n'est pas un gros mot. (Ayant épuisé son temps de parole, l'orateur est interrompu par le président.)

Mme Laurence Rossignol.  - Pour que notre pays débatte de l'organisation du travail, il faudrait un peu plus que des ministres saisonniers. (On ironise à droite.)

M. Martin Lévrier.  - Soutenez-les !

Mme Laurence Rossignol.  - On ne va pas débattre de qui est responsable...

M. Francis Szpiner.  - Un peu, quand même !

Mme Laurence Rossignol.  - D'abord, la création de richesse passe par l'augmentation du volume de travail, mais pas forcément du volume individuel de travail...

Ensuite, de même que lorsqu'on réduit le temps de travail sans baisse de salaire, on améliore la rémunération du travail, lorsqu'on augmente le temps de travail sans augmenter le salaire ou en diminuant la rémunération des heures supplémentaires, on rémunère moins le travail.

Les salariés en télétravail s'arrangeront avec ce quart d'heure supplémentaire, mais ceux qui ne peuvent pas télétravailler seront pénalisés. Ce sont de nouvelles inégalités.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Madame Rossignol, je faisais partie des ministres intérimaires censurés par le PS...

Mme Laurence Rossignol.  - Rien de personnel !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous n'aviez pas de portefeuille : ce n'était pas gênant.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Oui, nous avons besoin d'un débat sur l'organisation et le contenu du travail. La gauche a bien déposé des amendements d'appel sur le financement de la sécurité sociale...

Monsieur Henno, il me semble que votre amendement méritera d'être ajusté s'agissant de la comptabilisation des heures supplémentaires.

Mme Marion Canalès.  - Vous évoquez 15 minutes de plus chaque semaine. Mais certains font déjà des heures qui ne sont pas rémunérées ; je pense notamment aux intervacations et à une grande partie des retours sur situation des aides à domicile.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - L'an dernier, il s'agissait d'une journée de solidarité. Cette année, ce sont des heures de travail supplémentaires, qui vont dégager environ 10 milliards d'euros de ressources nouvelles pour l'État et la sécurité sociale.

L'amendement n°1253 rectifié est retiré.

À la demande du GEST, l'amendement n°572 rectifié septies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°42 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 199
Contre 135

L'amendement n°572 rectifié septies est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1307 de Mme Mélanie Vogel et alii.

Mme Anne Souyris.  - Les journalistes français à l'étranger sont nos yeux et nos oreilles partout dans le monde. Pourtant, ils exercent dans une grande précarité. L'affiliation à la sécurité sociale reposant sur le principe de territorialité, ils sont souvent sans protection sociale, alors qu'ils sont exposés à des risques élevés. Les assurances privées sont trop coûteuses ; l'affiliation à des régimes locaux n'est pas adaptée, car ils couvrent souvent plusieurs pays à la fois ; certains cotisent à la sécurité sociale française sans droits ouverts.

Nous avons déposé un amendement pour les affilier à la sécurité sociale, comme cela a été fait pour les travailleurs des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf), mais celui-ci a été jugé irrecevable. D'où cette demande de rapport. Cette affiliation ne concernerait que quelques centaines de personnes et serait peu coûteuse.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable, s'agissant d'une demande de rapport.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Les journalistes qui travaillent pour un média français bénéficient d'une présomption de salariat et sont donc affiliés au régime général. Nos accords bilatéraux lèvent aussi parfois la condition de territorialité. Enfin, dans certains cas, les journalistes en mission peuvent adhérer à la Caisse des Français de l'étranger. Avis défavorable.

L'amendement n°1307 n'est pas adopté.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Joshua Hochart.  - Lors du scrutin public n°41, j'ai voté pour M. Ravier alors que je n'avais pas de consigne de vote. De plus, MM. Aymeric Durox et Christopher Szczurek et moi-même avons voté pour, alors que nous souhaitions voter contre.

Acte en est donné.

M. le président.  - Compte tenu de l'avancement de nos travaux, avec l'accord de la commission des affaires sociales et du Gouvernement, nous siégerons demain le matin, l'après-midi et le soir.

Il en est ainsi décidé.

La séance, suspendue à 13 h 05, reprend à 14 h 35.

Présidence de Mme Anne Chain-Larché, Vice-présidente

La séance reprend à 14 h 35.

Mises au point au sujet d'un vote

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Lors du scrutin public n°42, Mme Gacquerre et M. Parigi souhaitaient voter contre ; M. Demilly souhaitait ne pas prendre part au vote ; Mme Devésa et MM. Bitz et Chauvet souhaitaient s'abstenir.

Acte en est donné.

Discussion des articles (Suite)

Deuxième Partie (Suite)

Article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°622 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La sécurité sociale est affectataire de certaines recettes fiscales, réparties entre ses branches : c'est le sens de cet « article-tuyau ».

L'article 40 du projet de loi de finances réduit la TVA affectée à la sécurité sociale de 3 milliards d'euros, afin que l'État récupère les gains liés à la réforme des allègements généraux de cotisations patronales pour 2025 et 2026 - 1,6 et 1,4 milliard d'euros, respectivement.

Je pense qu'il n'est pas pertinent d'alourdir ainsi le déficit de la sécurité sociale, et je ne suis pas la seule. La Cour des comptes, après avoir constaté une sous-compensation des allègements généraux de l'ordre de 5,5 milliards d'euros par an, souligne que l'affectation de ces 3 milliards d'euros à l'État revient sur la décision, prise l'an dernier, de laisser à la sécurité sociale les gains de la réforme pour limiter la sous-compensation.

Cet amendement neutralise donc les mouvements destinés à répartir entre branches la moindre recette de TVA. Nous avons pris l'année dernière des décisions courageuses en matière de réduction des allègements : les 3 milliards d'euros qui en résultent sont indispensables à la sécurité sociale.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1057 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le revirement de l'État conduit à une ponction massive de 3 milliards d'euros sur la sécurité sociale. Depuis 2019, la sécurité sociale a perdu 31 milliards d'euros en raison de la sous-compensation des allègements généraux de cotisations patronales. Encore faut-il y ajouter les 13 milliards d'euros liés à l'exonération des heures supplémentaires. Bref, les gouvernements macronistes ont sciemment mené une politique des caisses vides !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - La réforme des allègements généraux s'est traduite cette année par un gain de 1,6 milliard d'euros pour la sécurité sociale. La politique des allègements généraux étant financée par l'État, le Gouvernement souhaite que le rendement de cette réforme lui revienne. Pour la sécurité sociale, c'est un jeu à somme nulle, puisque ce qu'elle rétrocède à l'État, elle le reçoit via des cotisations sociales supplémentaires. En outre, ces amendements préemptent le débat sur l'article 40 du PLF. Avis défavorable.

Mme Annie Le Houerou.  - La réforme des allègements généraux aura rapporté 1,6 milliard d'euros cette année et rapportera 1,4 milliard l'année prochaine. Nous voterons ces amendements pour maintenir cet argent dans les caisses de la sécurité sociale. La baisse de 3 milliards d'euros des transferts de TVA envisagée par le Gouvernement n'est pas acceptable. La sécurité sociale a besoin de ces moyens pour l'assurance maladie et les retraites !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Monsieur le ministre, soyez de bonne foi ! Depuis 2019, les cadeaux faits aux employeurs ne sont pas correctement compensés, au mépris de la loi Veil. J'ai donné le chiffre cumulé du manque à gagner : on est bien loin de l'euro près... Il est donc juste de ne pas rendre ces 3 milliards d'euros.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous anticipons le débat du PLF ? Mais vous aussi, monsieur le ministre, puisque le décret procédant au transfert des 1,4 milliard d'euros n'a pas été publié : nous ne faisons ni moins ni mieux... Certes, tout déficit en moins pour la sécurité sociale est un déficit en plus pour l'État, mais notre rôle est ici de défendre les intérêts de la sécurité sociale. Je ne transigerai pas sur ces 3 milliards : non au hold-up ! (Applaudissements au centre et à droite et sur quelques travées à gauche)

Les amendements identiques nos622 et 1057 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°623 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement rédactionnel n°623, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°624 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il s'agit de supprimer les alinéas qui autorisent le transfert à la Cnav par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) de l'excédent de contribution tarifaire d'acheminement (CAT). Certes, le droit européen impose une accise unique sur l'énergie, mais l'éventuelle requalification de la Cnieg en administration publique entraînerait une aggravation du déficit public de 20 milliards d'euros. Dans l'attente d'une analyse plus poussée de l'Insee, supprimons cette disposition.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1186 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Ce prélèvement sur la Cnieg est profondément injuste. Il s'agit de 1 milliard d'euros par an ponctionnés sur les factures d'électricité et de gaz des Français.

La CTA a été créée pour financer les retraites des électriciens et gaziers. Depuis cinq ans, la collecte dépasse les besoins. Il faudrait diviser par deux la contribution, ce qui ferait baisser les factures de 1 à 2 %. Mais le Gouvernement s'y refuse, parce qu'il veut transférer l'excédent à la Cnav.

Bref, en transformant la CTA en surtaxe énergétique, vous demandez aux ménages, aux collectivités et aux artisans de financer des exonérations patronales accordées sans contrepartie et dont ils ne bénéficieront jamais !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je comprends votre prudence. Nous avons interrogé l'Insee. Pour l'heure, avis favorable. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'en félicite.) Nous verrons dans la suite de la navette s'il y a lieu de réintroduire ces dispositions.

Les amendements identiques nos624 et 1186 sont adoptés.

L'article 12, modifié, est adopté.

Après l'article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°1149 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous déposons cet amendement chaque année, mais ne perdons pas confiance. Il s'agit d'exonérer de taxe sur les salaires les hôpitaux et Ehpad publics, confrontés à la sous-compensation des récentes mesures salariales et à la hausse de leur taux de cotisation à la CNRACL. Les universités et les centres communaux d'action sociale, entre autres établissements publics, bénéficient déjà de cette exonération. D'autre part, les cliniques privées ont obtenu la suppression intégrale du coefficient de minoration des tarifs destiné à compenser l'avantage du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1652 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Corinne Féret.  - Le code général des impôts prévoit plusieurs exceptions au paiement de la taxe sur les salaires, qui représente une charge de 4 milliards pour les hôpitaux publics. Pour les Ehpad, c'est 300 millions par an. Pourtant, la plupart de ces établissements publics sont déficitaires, à hauteur de 2,8 milliards d'euros en 2024. Nous devons agir pour nos soignants et nos soignés, qui refusent d'être réduits à des variables d'ajustement. Chaque soin différé, c'est une pathologie qui s'aggrave et une hospitalisation qui aurait pu être évitée.

Mme la présidente.  - Amendement n°1641 de Mme Harribey et du groupe SER.

Mme Émilienne Poumirol.  - Cet amendement complète le précédent. Les Ehpad traversent une crise silencieuse, mais majeure. Sur le terrain, tous constatent une dégradation rapide des conditions de prise en charge. Or ces établissements sont victimes d'une inégalité fiscale incompréhensible. En confirmant le non-assujettissement à la TVA, la jurisprudence du Conseil d'État a entériné la taxe sur les salaires. Nous ne créons pas une niche, mais corrigeons une incohérence.

Près de 85 % des Ehpad publics sont déficitaires contre 27 % en 2020. Certains d'entre eux ne tiennent plus que grâce à des aides exceptionnelles ou en réduisant les prestations.

Mme la présidente.  - Amendement n°1781 rectifié de Mme Canayer et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Étendons l'exonération de taxe sur les salaires aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) à but non lucratif, qui joue un rôle important dans la prise en charge des personnes vulnérables et en perte d'autonomie -  ainsi de La Ligue havraise, qui a sollicité Mme Canayer. Ils remplissent une mission d'intérêt public, mais ne disposent pas de la même reconnaissance fiscale que d'autres structures. La taxe sur les salaires pèse lourdement sur leurs budgets et aggrave la perte d'attractivité des métiers.

Mme la présidente.  - Amendement n°1150 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Supprimons les taux majorés de taxe sur les salaires pour ne conserver pour les établissements publics et privés non lucratifs que le taux de 4,25 %. Il s'agit de redonner des marges de manoeuvre à ces structures et d'encourager la revalorisation des salaires. Les centres de santé offrent des soins de proximité et répondent aux aspirations de nombreux jeunes médecins. Mais ce modèle souffre de différentes attaques, dont la remise en cause de la subvention Teulade. Il faut les soutenir, d'autant que les établissements publics ou privés non lucratifs, contrairement aux entreprises privées, ne peuvent pas récupérer une partie de leur TVA.

Mme la présidente.  - Amendement n°165 rectifié ter de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - L'ESS emploie 15 % des salariés et réalise 10 % du PIB. En Lot-et-Garonne, elle représente 14 000 emplois non délocalisables, notamment dans l'accompagnement des plus fragiles. Le secteur est aussi un levier majeur de démocratisation de l'entreprise.

Hélas, il subit une profonde crise d'attractivité, du fait des marges financières en baisse des organismes. Le taux unique de taxe sur les salaires à 4,25 % n'est pas un cadeau fiscal, mais un rééquilibrage pour encourager le recrutement et la revalorisation des salaires.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°922 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Supprimons les taux majorés, qui ont de nombreux effets pervers. Ils freinent non seulement les revalorisations salariales, mais aussi les regroupements de services, puisque les structures sont incitées à conserver une taille modeste optimale du point de vue des coûts. En outre, ils encouragent le temps partiel subi, le calcul de la taxe ne tenant pas compte de la durée de travail. Enfin, ils entravent l'amélioration de la qualité des prestations par un encadrement formé qui émargerait au taux majoré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°933 rectifié de Mme Conconne et alii.

Mme Catherine Conconne.  - Je plaide pour un territoire de 350 000 âmes, perdu dans l'Atlantique et qui détient plusieurs records, dont celui du plus âgé, avec presque 40 % de sa population au-dessus de 60 ans. Il faut aussi partie des territoires les plus pauvres de France.

Face au défi du vieillissement en Martinique, les acteurs publics, à commencer par la collectivité, s'engagent pour prendre en charge un nombre croissant de personnes vieillissantes après une dure vie de labeur notamment dans les champs, dont les ressources ne permettent pas de couvrir les 3 000 ou 4 000 euros que coûte parfois un Ehpad privé.

Ouvrons le chantier du grand âge en outre-mer ! Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de faire face au tsunami qui vient.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La suppression de la taxe sur les salaires pour les hôpitaux et les Ehpad coûterait 4 milliards d'euros. Le coût des autres amendements est plus élevé encore.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Pas ceux sur les taux majorés !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous sommes tous d'accord sur l'état de certains établissements et, globalement, les choses ne vont pas en s'arrangeant. Mais nous ne pouvons pas priver la sécurité sociale de recettes aussi importantes. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Les enjeux financiers sont considérables : 4 milliards d'euros, c'est difficilement acceptable dans le contexte actuel. La taxe sur les salaires, quatrième source de financement de la sécurité sociale, est affectée à 50 % à l'assurance vieillesse et à 25 % à l'assurance maladie : sa suppression aurait donc des conséquences pour les établissements que vous souhaitez défendre. Nous sommes conscients que cette taxe mérite d'être modernisée, mais c'est une réflexion de fond qui réclame du temps. Avis défavorable à tous les amendements.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je le répète, les taux majorés rendent gagnant le recours au temps partiel, souvent subi, et désincitent aux regroupements de services. Faute de suppression de cette taxe, il faut absolument la reparamétrer.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - J'entends l'argument du coût, mais le dépôt de tous ces amendements, issus de l'ensemble des travées, met en lumière les tares de cette taxe, préjudiciable à l'emploi, notamment qualifié, et aux revalorisations salariales. Voilà cinq ans que la Cour des comptes a appelé à la réformer, et tous les gouvernements s'y sont engagés. Comprenez donc notre impatience, monsieur le ministre : vous engagez-vous clairement à agir, et selon quel calendrier ?

Mme Cécile Cukierman.  - Madame la rapporteure générale, je ne vous comprends plus. Vous faites partie de ceux qui, depuis des semaines, appellent à défendre notre économie contre ceux qui voudraient taxer toujours plus. Or voilà que vous vous opposez à la suppression d'une taxe, qui certes coûterait 4 milliards d'euros, mais à rapporter aux 80 milliards d'euros que coûtent les exonérations offertes aux entreprises. Et pourquoi cela ? Parce que votre choix politique est de ne jamais toucher au capital, quitte à détruire le service public !

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Compte tenu de son coût, en responsabilité, je retire l'amendement n°1781 rectifié. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.) Reste qu'il est temps de se pencher sur la réforme de cette taxe et, plus largement, la mise à plat du financement de la sécurité sociale, dans un esprit de simplification.

L'amendement n°1781 rectifié est retiré.

M. Daniel Fargeot.  - Oui, il faut réformer la taxe sur les salaires, appelée sur les non-assujettis à la TVA. Pourquoi pas une TVA sociale ?

Les amendements identiques nos1149, et 1652 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°1150 et les amendements identiques nos165 rectifié ter, 922 rectifié et 933 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°164 rectifié bis de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Ancienne et complexe, la taxe sur les salaires frappe lourdement les secteurs fortement employeurs de main-d'oeuvre, comme l'ESS, dont la mission première n'est pas de dégager un profit, mais d'être utile à la société. Elle est un frein aux embauches et à des rémunérations justes. La Cour des comptes appelle à la réformer en profondeur. Commençons par la rendre plus lisible et plus juste en instaurant un taux unique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1690 de M. Michau et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Cette taxe frappe sans distinction toutes les structures non soumises à la TVA, quels que soient leur modèle économique et leur situation financière. Elle dissuade les embauches dans les associations à but non lucratif, qui, contrairement aux entreprises, ne peuvent pas récupérer une partie de leur TVA. Aidons les 27 500 structures associatives et fondations qui interviennent dans le champ social, médico-social et sanitaire à continuer d'accompagner les publics fragiles.

Mme la présidente.  - Amendement n°1777 rectifié de M. Bonneau et alii.

Mme Brigitte Bourguignon.  - Défendu.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable, pour les raisons précédemment exposées.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Ces amendements ont un coût trop élevé : avis défavorable. Nous pourrons discuter de l'amendement n°934 rectifié.

Mme Silvana Silvani.  - Le ministre nous explique que nous avons besoin de temps pour réfléchir. On peut nous renvoyer ainsi aux calendes grecques chaque année, mais ces amendements, comme l'a dit Mme Carrère-Gée, émanent de tous les bancs. Défendons au moins les centres de santé, essentiels pour l'égalité d'accès aux soins !

Les amendements identiques nos164 rectifié bis et 1690 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°1777 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°934 rectifié de Mme Conconne et du groupe SER.

Mme Catherine Conconne.  - Voici l'amendement dont vous parliez, monsieur le ministre. Il s'agit d'étendre l'abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient les associations et fondations reconnues d'utilité publique aux fonds de dotation. Rassurez-vous, il est loin de coûter 4 milliards... Je compte sur votre sagesse.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Cette extension de l'abattement aux fonds de dotation, structures non lucratives créées en vue d'un objectif d'intérêt général, semble peu coûteuse. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je suis ravi que tous, dans cet hémicycle, aient envie que nous continuions à travailler ensemble en 2026. J'y suis prêt ! Cela fait chaud au coeur. (Sourires)

Madame Conconne, merci de votre persévérance. L'impact financier de votre mesure est faible, car c'est une correction technique plutôt qu'un changement de périmètre. Sagesse.

Mme Catherine Conconne.  - Merci !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Sagesse également.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je lève le gage.

L'amendement n°934 rectifié, modifié par la suppression du gage, est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°163 rectifié ter de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Cet amendement met en place un régime fiscal des accords d'intéressement plus favorable pour les personnes morales à but non lucratif. L'intéressement a fait ses preuves. Or il est très difficile à mettre en oeuvre pour ces structures, car elles ne bénéficient pas des mêmes incitations fiscales que celles qui sont à but lucratif.

Mme la présidente.  - Amendement n°752 rectifié de Mme Bourguignon et alii.

Mme Brigitte Bourguignon.  - Nous parlons beaucoup de partage de la valeur dans les grands groupes, mais ce sont les acteurs de l'ESS qui tiennent la cohésion sociale. Ils n'ont pas d'actionnaires à rémunérer ; chaque euro est réinvesti dans l'emploi et le service rendu. Pourtant, s'ils veulent verser de l'intéressement à leurs salariés, ils sont pénalisés par rapport aux entreprises commerciales, du fait de la taxe sur les salaires.

Pour les associations de moins de 250 salariés, déduisons les primes d'intéressement du calcul de la taxe sur les salaires. Le partage de la valeur ne doit pas être réservé aux grandes entreprises cotées.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je ne conteste pas l'injustice que vous décrivez, mais votre mesure revient à prendre de l'argent à la sécurité sociale. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Avis défavorable. Les primes d'intéressement font déjà l'objet d'un traitement fiscal et social avantageux.

Les amendements nos163 rectifié ter et 752 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°384 rectifié ter de M. Louault et alii.

L'amendement n°384 rectifié ter n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°418 rectifié ter De M. Roux et alii.

M. Michel Masset.  - Les Sdis sont de plus en plus sollicités, notamment en raison du changement climatique. Pourtant, leur financement est insuffisant et instable.

Réorientons une part de taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) vers les départements, sans augmenter les cotisations d'assurance, pour dégager 250 millions d'euros supplémentaires pour soutenir nos Sdis.

Cet ajustement fiscal est indispensable à la sécurité civile et à la protection de nos concitoyens, dans un contexte de risques croissants.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°440 rectifié quater de Mme Antoine et alii.

M. Bernard Pillefer.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°975 de M. Grégory Blanc.

L'amendement identique n°975 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1707 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous voulons relever durablement la fraction de la TSCA attribuée aux départements, pour aider les Sdis à faire face aux conséquences du dérèglement climatique. La mission flash de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale de 2024 a montré les difficultés des Sdis.

Dans les Côtes-d'Armor, des communes sont contraintes de les soutenir car les financements actuels ne suffisent pas. Il faut un financement stable, lisible et durable, d'autant que les départements subissent des baisses de recettes et des hausses de dépenses.

Nous proposons un versement supplémentaire de 200 millions d'euros, issu d'un simple changement d'affectation, sans effet sur les contrats d'assurance. Une partie des recettes fléchées vers la Cnaf seraient redirigées vers les collectivités territoriales. La perte pourrait être compensée par une réduction du point de sortie des allégements généraux.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je salue les femmes et les hommes qui s'investissent pleinement pour nous protéger, parfois au péril de leur vie. Les Sdis subissent une pression accrue liée aux difficultés des urgences et à la hausse des catastrophes naturelles. La pression morale et financière qui pèse sur eux est donc très grande. Les départements peinent à abonder les budgets de ces structures.

Certes, la branche famille n'est pas en difficulté. Mais vous oubliez que les autres branches déficitaires ont besoin des transferts qui en proviennent. On ne réglera ni les problèmes des Sdis ni ceux des départements en prenant des moyens à la sécurité sociale. C'est un peu décoiffer Pierre pour coiffer Paul ! Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Un étonnement, d'abord : la part de TSCA affectée à la sécurité sociale a été augmentée l'année dernière. Pourquoi un tel stop and go ? Vous priveriez la sécurité sociale de 400 millions d'euros. Certes, la nature des interventions des Sdis a changé, mais, statistiquement, le nombre d'interventions est revenu au niveau d'avant 2019. (Mme Émilienne Poumirol le nie.) Avis défavorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Effectivement, ce n'est pas au détour d'un amendement au PLFSS que nous réglerons le problème des budgets des départements et des Sdis.

Les communes versent un tiers du financement des Sdis. Les deux autres tiers viennent des départements, qui ont eux-mêmes reçu une part de TSCA. Le département de Haute-Garonne a beaucoup augmenté sa participation : aux 25 millions d'euros issus de la TSCA, il a dû ajouter 40 millions d'euros. La population du département augmente de 18 000 habitants par an, ce qui accroît le nombre d'interventions.

Il est urgent de revoir entièrement le financement des Sdis. Nous attendons d'ailleurs avec impatience les résultats du Beauvau de la sécurité civile. Les Sdis sont souvent le dernier service public à encore répondre à la détresse de nos concitoyens.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Les Sdis sont en difficulté parce que les départements le sont. Ce n'est pas au détour d'un petit amendement que nous réglerons le problème de la dépendance. On nous fait miroiter depuis des années une loi Autonomie et Grand Âge !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Depuis 2010 !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Et nous l'attendons toujours...

Nos départements sont victimes de la mauvaise compensation des dépenses de l'APA. Les budgets de la solidarité explosent et il devient impossible de répondre aux besoins.

Réfléchissons donc à la question de l'autonomie, dans sa globalité. Madame la ministre, j'espère que vous prendrez ce sujet à bras-le-corps.

Mme Brigitte Bourguignon.  - Si une loi permettait de tout régler, cela se saurait !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Il ne fallait rien promettre, alors !

Mme Brigitte Bourguignon.  - La belle loi Handicap de 2005 est aussi la championne des dérogations. En 2025, la moitié de ses dispositions n'est toujours pas respectée.

Ce qu'il faut, ce n'est pas une loi Grand Âge, c'est une vraie réflexion sur l'autonomie. Elle est en cours. Arrêtez les poncifs. Moi, je suis sortie des slogans pour entrer dans la machine... (On se gausse sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est lorsqu'on n'a plus d'arguments qu'on dit ce genre de choses... (Mme Brigitte Bourguignon s'exclame.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La loi de 2005 a fixé un cap dont tous les projets, ensuite, doivent tenir compte. Un gouvernement doit montrer la direction à suivre. On ne peut pas dire que la loi de 2005 n'a servi à rien.

Mme Brigitte Bourguignon.  - Je n'ai jamais dit cela !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Dans la loi Bien vieillir, nous avons voté pour l'engagement d'une présentation pluriannuelle.

La transition démographique est en cours. Nous sommes au milieu du gué. Des mesures ont été prises sur les dépenses. Maintenant, il faut agir sur les recettes.

Mme Corinne Féret.  - On nous a promis la loi Grand Âge, et nous y avons cru. Un article de la loi Bien vieillir avait trait à la programmation du financement de la perte d'autonomie. Nous l'avons tous voté.

La Première ministre, à l'époque, s'était engagée à présenter cette loi de programmation, qui devait être élaborée en concertation avec tous les acteurs de l'autonomie et voir le jour avant fin 2024. Nous sommes le 22 novembre 2025, et elle n'est plus envisagée. C'est pourquoi nous sommes contraints de proposer, par amendement, des financements pour la branche autonomie. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

À la demande de la commission des affaires sociales, les amendements identiques nos418 rectifié ter, 440 rectifié quater et 1707 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°43 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption 106
Contre 210

Les amendements identiques nos418 rectifié ter, 440 rectifié quater et 1707 ne sont pas adoptés.

Article 12 bis

Mme Nadia Sollogoub .  - Je prends la parole au nom de Jean-François Longeot.

L'article 12 bis issu de l'Assemblée nationale permet une juste compensation, à 50 % par l'État et 50 % par les départements, des concours historiques de l'APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Cet article n'est pas parfait, mais il répond à l'absence de compensation.

Il faut donner à chaque échelon les moyens d'assurer ses missions.

Il est indispensable de conserver cet article, pour soutenir les départements déjà contraints financièrement.

M. Rémy Pointereau.  - Madame la rapporteure générale, vous proposez la suppression pure et simple de l'article, estimant que la branche autonomie connaît une trajectoire déficitaire et qu'un simple transfert de recettes ne constitue pas une réponse structurelle au financement de la perte d'autonomie. Mais vous connaissez la situation financière très difficile des départements.

Les dépenses d'APA progressent de 4 % par an, celles de la PCH de 9 %. Dans le même temps, les taux de compensation restent insuffisants : 43,5 % pour l'APA, 30 % pour la PCH. En 2024, la CNSA a récupéré 0,15 point de CSG, soit 2,6 milliards d'euros. Sur cette somme, seuls 200 millions d'euros ont été reversés aux départements en compensation. Nous ne pouvons pas continuer ainsi ! L'APA devait être compensée à l'euro près.

Les départements subissent des décisions nationales. L'article 12 bis, quoiqu'imparfait, a le mérite de souligner que la compensation doit être améliorée.

Mme Corinne Bourcier .  - Nombre de conseillers départementaux nous alertent, notamment ceux du Maine-et-Loire et du Nord. Nos départements ne peuvent assumer seuls le mur du vieillissement. L'article 12 bis n'est pas parfait, mais il permet une juste compensation des concours historiques à l'APA et à la PCH. Il s'agit bien d'un transfert et non d'une hausse de taux. Les départements subissent des décisions nationales. Il est logique que la CNSA contribue au paiement de ces prestations individuelles afin de réduire le reste à charge des départements.

Mme la présidente.  - Amendement n°625 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Ces propos sont justes. Nos départements traversent une passe difficile : plus de la moitié d'entre eux ont du mal à équilibrer leur budget. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) Mais ponctionner la branche autonomie serait injuste. Tous les départements en avaient réclamé la création. Elle a besoin de ces moyens.

Les collectivités font face à des charges transférées qui ne sont pas compensées à l'euro près. Vous parlez de l'autonomie et du handicap, mais on pourrait aussi évoquer la protection de l'enfance.

Pour donner des recettes aux départements, il faut revoir toute l'architecture fiscale.

La CNSA travaille quotidiennement avec les départements : elle finance leurs projets. Cet article ne réglera pas leurs problèmes financiers : ce n'est qu'un pansement sur une jambe de bois !

Mme la présidente.  - Amendement identique n 1058 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet article n'augmente en rien les ressources des départements, mais diminue, par transfert, les sommes allouées à la branche autonomie.

Les difficultés des départements résultent d'une politique budgétaire inconséquente de l'État. Ils ont perdu 46 milliards d'euros de dotations depuis quinze ans. Ponctionner la branche, ce serait participer à un jeu de bonneteau. L'État se dégage de ses responsabilités envers les collectivités territoriales et la branche autonomie.

L'APA et la PCH ne font pas partie du périmètre de l'objectif global de dépenses de la CNSA.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Nous sommes au début de la transition démographique et des difficultés financières qui y sont liées.

Les concours versés aux départements par la CNSA ont été réformés pour soutenir le virage domiciliaire. Pour 2026, avec 300 millions d'euros dédiés, le taux de compensation aux départements atteint 43 % en moyenne -  jusqu'à 49 % pour la PCH. Il convient d'y ajouter les 85 millions d'euros du Ségur.

Comme l'a souligné le Premier ministre, il faudra examiner ces questions lors du futur débat sur la décentralisation. Avis favorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Madame la rapporteure générale, vous êtes en partie d'accord avec nous. Nous aurions pu éviter ce détournement si vous aviez accepté hier l'amendement augmentant de 1,4 point le taux de CSG, qui rapportait 2,66 milliards d'euros. Puisque vous n'avez pas voulu cette recette nouvelle sur le capital, nous ne voterons pas votre amendement de suppression. Nous préférons garder ce pis-aller : c'est toujours mieux que rien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale par des amendements transpartisans. Il prévoit l'affectation d'une fraction très minime de CSG aux départements, pour pallier la mauvaise compensation de l'APA et de la PCH, qui ont connu une forte progression, de 30 % pour l'APA et 260 % pour la PCH entre 2009 et 2023. C'est vertigineux !

Certes, le taux de compensation a légèrement évolué, mais cela reste largement insuffisant. Nos conseils départementaux sont à l'os. C'est ce que je retiens de mes discussions avec le président du Conseil départemental de l'Yonne, Grégory Dorte, et ses vice-présidentes Catherine Maudet et Élisabeth Frassetto.

Le Premier ministre a déclaré il y a quelques jours qu'il était logique que les départements perçoivent une part de la CSG.

Si l'article était maintenu, le Gouvernement aurait tout loisir de déposer un amendement de transfert. Nous ne voulons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je ne sais pas si tout cela est légal : selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), la CSG doit être affectée à la sécurité sociale ; or, par ce dispositif, elle serait reversée aux départements...

La CNSA, malgré son enveloppe contrainte, a bien pris en charge l'aide à la mobilité des aides à domicile -  ça a d'ailleurs été une prime aux retardataires. Il vaudrait donc mieux augmenter l'enveloppe de la CNSA.

M. Rémy Pointereau.  - Supprimer purement et simplement l'article 12 bis serait difficilement audible pour nos départements. Même si on leur promet une réforme de fond demain, il faut bien payer les dépenses aujourd'hui !

On transfère 2,6 milliards d'euros de la Cades à la CNSA, mais seulement 200 millions aux départements. Il aurait fallu un dispositif plus équilibré, avec une compensation jusqu'à 50 % pour l'APA, car ils auront aussi à financer le déficit des Ehpad. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.)

L'article 12 bis n'est pas une taxe supplémentaire, mais un transfert de charge, qui soulagera les départements. Certains sont en grande difficulté, à l'instar de la Nièvre, du Cher et de l'Indre. La situation est dramatique.

Mme Marion Canalès.  - Je m'étonne qu'il ait fallu un amendement à l'Assemblée nationale pour soulever ce sujet. Le Premier ministre a indiqué doubler le fonds de sauvegarde, de 300 à 600 millions d'euros.

Le sujet n'est pas nouveau, le constat est partagé. Pourtant, nous avons l'impression de bricoler. De plus en plus de départements sont en difficulté, mais nous n'apportons pas de réponse solide. Entre maintenir l'article ou voter l'amendement de suppression, il n'y a pas de bonne solution !

M. Martin Lévrier.  - J'entends parfaitement les difficultés des départements. L'État n'a pas compensé suffisamment. Donc on vide un peu la branche autonomie... Mais quel autre tuyau vient la remplir ? Arrêtons d'essayer de remplir des tonneaux percés. La CSG n'a absolument pas vocation à soutenir les départements. Assez de cette tuyauterie infernale !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Dans les tuyaux, il faut mettre du chablis, pas de l'eau ! (Sourires)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Plomberie, bricolage, je ne sais pas... Nous débattons du financement de la sécurité sociale, dont le déficit prévu est de 1,7 milliard d'euros. Cet article le porterait à plus de 3 milliards. Ce n'est pas un transfert de moyens, mais de déficit ! Vous alourdissez le déficit de la sécurité sociale.

M. Rémy Pointereau.  - Sinon, c'est le déficit des départements...

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis favorable aux amendements de suppression.

À la demande de la commission des affaires sociales, les amendements identiques nos625 et 1058 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°44 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 274
Pour l'adoption 196
Contre  78

Les amendements identiques nos625 et 1058 rectifié sont adoptés et l'article 12 bis est supprimé.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Je sollicite une suspension de séance d'une vingtaine de minutes afin que la commission puisse se réunir.

La séance, suspendue à 16 h 25, reprend à 16 h 45.

Après l'article 12 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°799 rectifié ter de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Pour soutenir les finances des départements, cet amendement propose de leur transférer 0,4 point de CSG, soit 7 milliards d'euros, sans modifier l'assiette ni le taux, et, en compensation, de supprimer les exonérations de cotisations sociales au-delà de deux Smic. Cela garantit la neutralité financière du dispositif pour la sécurité sociale tout en renforçant de manière immédiate et durable les moyens des départements.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°972 rectifié ter de M. Grégory Blanc et alii.

L'amendement identique n°972 rectifié ter n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1710 rectifié de Mme Conconne et du groupe SER.

Mme Catherine Conconne.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°800 rectifié ter de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Celui-ci attribue aux départements 0,2 point de CSG, soit 3,5 milliards d'euros, afin de leur donner des ressources à la hauteur des charges de plus en plus coûteuses qu'ils assument - handicap, autonomie, protection de l'enfance, insertion. C'est une mesure de justice territoriale qui reconnaît le rôle des départements dans les solidarités du quotidien.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°973 rectifié ter de M. Grégory Blanc et alii.

L'amendement identique n°973 rectifié ter n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°1128 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - Nous proposons que l'État assume à parité avec les départements la charge croissante de l'APA et de la PCH, dont le coût a explosé avec la hausse du nombre de bénéficiaires. En 2024, l'État compensait 43,5 % sur l'APA et 30 % sur la PCH.

Vu la situation budgétaire dégradée des départements, un partage des dépenses est indispensable. La solidarité nationale l'exige.

Cet amendement redirige une partie du supplément de CSG dévolu à la CNSA vers les conseils départementaux, en deux temps : 0,04 point en 2026, 0,04 point en 2027, soit deux fois 650 millions d'euros. Il s'agit d'un transfert et non d'une hausse de taux - sans impact, donc, sur les recettes.

Mme la présidente.  - Amendement n°419 rectifié quinquies de M. Roux et alii.

Mme Sophie Briante Guillemont.  - La protection de l'enfance est une mission régalienne, non une variable d'ajustement budgétaire. La Suède et l'Allemagne financent ces missions via un fonds dédié ; en France, ce sont les départements, mais les ressources n'ont pas suivi.

Confortons leur capacité à agir pour sécuriser l'avenir de 400 000 jeunes vulnérables, en réorientant une fraction marginale de la CSG vers la protection de l'enfance.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°441 rectifié quinquies de Mme Antoine et alii.

M. Bernard Pillefer.  - Cet amendement affecte une part de la CSG aux départements pour financer leurs dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE) à hauteur de 700 millions d'euros - le montant de l'excédent de la Cnaf en 2026. Il s'agit de compenser les carences de l'État sur l'offre médico-sociale qui entraînent un report vers les départements. Ceux-ci doivent assurer seuls la prise en charge lorsque les enfants sont exclus des établissements par décision unilatérale des établissements médico-sociaux. C'est un transfert de charges de l'État vers les départements, contraints de créer des dispositifs dédiés.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°869 rectifié ter de Mme Lermytte et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - Il s'agit de renforcer les moyens dédiés à la protection de l'enfance.

Mme la présidente.  - Amendement n°1086 rectifié bis de M. Mandelli et alii.

Mme Florence Lassarade.  - Pour tenir compte de la réforme des allègements généraux, nous clarifions le champ d'application des entreprises et rémunérations éligibles à cette réduction et le champ des employeurs éligibles aux réductions proportionnelles supprimées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Sans cela, certains employeurs relevant des régimes spéciaux - SNCF, RATP, industries électriques et gazières - ne bénéficieraient plus d'aucun allègement. La hausse du coût du travail affecterait leur compétitivité dans un contexte d'ouverture à la concurrence.

Cet amendement vise à maintenir les réductions proportionnelles maladie et famille pour ces seuls employeurs qui ne bénéficient pas de la réduction générale élargie.

Mme la présidente.  - Amendement n°951 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les dispositifs de partage de la valeur grèvent les recettes, car ils ont un effet substitutif à l'augmentation des salaires. De plus, les mesures d'épargne salariale profitent plutôt aux salariés des grandes entreprises, comme le souligne l'annexe 4 du PLFSS. Leur multiplication permet une baisse globale des prélèvements, car le taux effectif de contribution chute d'année en année. Le coût net des exemptions d'assiette est estimé à 3,7 milliards d'euros.

Afin d'atténuer les pertes, le PLFSS 2025 avait intégré la PPV dans le calcul de la base pour la réduction générale dégressive. La Cour des comptes recommande d'étendre cette mesure aux autres compléments de salaire, pour un gain estimé à 3 milliards d'euros. Il n'y a pas lieu d'offrir un deuxième cadeau, après les exonérations, en les retirant de la base de la réduction des coûts.

Mme la présidente.  - Amendement n°1170 rectifié de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - On ne peut pas dire qu'il existe un déficit structurel de notre modèle de protection sociale et continuer à creuser le trou - dans lequel nous finirons tous par tomber !

Ce n'est pas aux plus pauvres de compenser le manque de cotisation des plus riches. À gauche, nous estimons qu'il faut faire cotiser davantage ceux qui gagnent davantage. Ce n'est pas le choix du Gouvernement ni de la majorité sénatoriale. L'heure n'est pas à la justice fiscale... On préfère réduire les recettes de la sécurité sociale, alors que les besoins augmentent. Et ce sont les plus précaires qui en subissent les conséquences.

Nous vous proposons un entre-deux, en limitant les baisses des cotisations aux salaires équivalant à deux Smic. C'est déjà beaucoup : le salaire socialisé, c'est aussi du salaire.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1671 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Le gouvernement Bayrou, refusant le compromis trouvé au Sénat, avait fixé un point de sortie des allégements généraux à trois Smic, soit 5 400 euros - deux fois le salaire médian.

Le coût des allègements explose ; or il est démontré qu'ils ne sont pas efficaces après 1,6 Smic. Le manque à gagner atteint 77 milliards d'euros en 2024 selon la Cour des comptes, qui appelle à des mesures de régulation. L'État déroge à la loi Veil et ne compense plus ces exonérations depuis la réforme de 2019. La Cour des comptes chiffre la sous-compensation du bandeau maladie à 5,5 milliards d'euros.

La sécurité sociale n'a pas à supporter le coût d'aides à l'emploi inefficaces. L'exemple suédois montre que leur suppression ne détruirait pas les emplois existants ; selon le rapport Bozio-Wasmer, l'existence de trappes à bas salaires n'est pas démontrée. Fixons donc le point de sortie à deux Smic.

Mme la présidente.  - Amendement n°1681 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Amendement de repli, avec un point de sortie à 2,4 Smic.

Mme la présidente.  - Amendement n°1160 rectifié de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Comment financer durablement la sécurité sociale quand on réduit progressivement la part du capital dans l'assiette et que l'on bouleverse la structure de répartition de la valeur ?

Les entreprises du CAC 40 distribuent environ 70 milliards d'euros de dividendes chaque année. Cette dynamique est décorrélée de l'investissement productif et de la progression salariale. Seuls 1 % des ménages captent 96 % des dividendes. Dans le même temps, les hôpitaux souffrent, les assurés doivent arbitrer entre délai de prise en charge, renoncement aux soins et reste à charge.

Le problème n'est pas la dépense sociale, mais l'assèchement progressif des ressources !

Les entreprises qui distribuent des dividendes supérieurs à 10 % du bénéfice imposable n'ont pas à bénéficier de la réduction dégressive des cotisations patronales. Appelons ça une mesure incitative : si l'entreprise privilégie l'investissement, la recherche, la transition écologique, elle conserve l'allégement. Si elle privilégie le vol de la valeur au détriment de l'économie et du travail, elle doit contribuer davantage.

Mme la présidente.  - Amendement n°1161 rectifié de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Cet amendement reprend la proposition originale du professeur Clément Carbonnier, consistant à dégonfler progressivement les allégements en gelant le barème et en le fixant sur un montant en euros, plutôt qu'en proportion du Smic. On laisse ainsi les salaires se décaler vers le haut du barème, au fil de l'inflation ; les exonérations s'éteindront petit à petit.

Pour éviter les chocs pour les entreprises et gagner en lisibilité, l'amendement remplace les barèmes par des montants numéraires.

Mme la présidente.  - Amendement n°940 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement limite le champ de l'allègement des cotisations familiales et maladie aux salaires inférieurs ou égaux à deux Smic. Tant le CAE que le rapport Bozio-Wasmer soulignent que les exonérations n'ont pas d'effet probant, ni sur l'emploi ni sur la compétitivité, au-delà de ce seuil.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame), sauf l'amendement n°1086 rectifié bis, pour lequel je demanderai l'avis du Gouvernement.

Sur le transfert d'un pourcentage de CSG vers les départements, nous avons eu le débat, je n'y reviens pas - sinon pour rappeler que le fonds national de protection de l'enfance n'a jamais été abondé. Si l'on veut plus de décentralisation, il faut changer la façon dont les collectivités peuvent lever l'impôt, afin qu'elles cessent de dépendre des dotations de l'État. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.) On ne réglera pas le problème en prenant des moyens à la sécurité sociale.

La sortie des allégements généraux à deux Smic avait été proposée l'an dernier, avant que nous trouvions un accord avec le gouvernement de l'époque. N'y revenons pas. Nous avons été rassurés : l'évolution de la courbe protège les salaires au Smic, conformément à notre souhait. La courbe est plus convexe, jusqu'à un peu plus de deux Smic.

J'en viens à l'amendement n°1086 rectifié bis. La SNCF et la RATP perçoivent le bandeau famille et le bandeau maladie ; les IEG, uniquement le bandeau famille. En l'absence de dispositions spécifiques, elles cesseraient de bénéficier des allègements généraux au 1er janvier 2026. Je souhaite entendre le Gouvernement sur le montant en jeu, si l'on maintenait ces bandeaux pour ces entreprises.

Concernant l'amendement n°951 rectifié, la Cour des comptes préconise effectivement un élargissement de l'assiette. Cela dit, je suggère plutôt de retenir l'amendement n°1678, précédemment voté.

Je ne reviens pas sur la sortie des allégements généraux à deux Smic ; nous en avons débattu l'an dernier et la position du Gouvernement nous a rassurés.

Avis défavorable aux amendements nos1160 rectifié, 1161 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n°940 rectifié, qui limite les bandeaux famille et maladie aux salaires inférieurs ou égaux à deux Smic. Je vous renvoie à la proposition du Gouvernement sur la réduction générale dégressive unique, dite RGDU, qui sera appliquée au 1er janvier 2026.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable aux amendements affectant des pourcentages de CSG. Ce débat devra avoir lieu dans le cadre de la discussion sur la réorganisation des compétences.

Quant aux allégements généraux, c'est un outil essentiel au soutien de notre économie, à la compétitivité de nos entreprises et à l'emploi. La réforme de l'année dernière a permis de lutter contre les trappes à bas salaires et a préservé la compétitivité de nos industries.

Les amendements vont très loin, certains supprimant tout allègement au-delà de deux Smic, ce qui augmenterait de plus de 10 milliards d'euros le coût du travail. Avis défavorable.

L'amendement n°1086 rectifié bis corrige un effet de bord. Il garantit à EDF, à la SNCF et à la RATP qu'elles bénéficieront du même niveau d'allégement qu'en 2025. Nous voulons préserver leur compétitivité, à l'heure de l'ouverture à la concurrence. Avis favorable. Cela représente 300 millions d'euros, comme l'an dernier donc.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous dites que notre proposition augmenterait le coût du travail de 10 milliards d'euros, mais le consensus économique estime qu'elle rapporterait 7 milliards d'euros. Nous, nous ne gonflons pas les chiffres !

Combien d'études vous faut-il ? Combien d'économistes, y compris ceux qui ont soutenu le CICE, disent aujourd'hui que ce fut une erreur, car il n'a eu aucun effet sur l'emploi ni sur la compétitivité internationale ?

Reconnaissez plutôt que vous voulez maintenir des cadeaux, puisque c'est de cela qu'il s'agit ! Cela coûte 7 milliards d'euros ; or avec 7 milliards d'euros on peut faire beaucoup, à commencer par renoncer à plusieurs mesures antisociales.

Mme Annie Le Houerou.  - L'amendement n°1710 rectifié, travaillé avec Départements solidaires, vise à apporter des réponses durables à la crise de financement des départements. Alors que les dépenses sociales explosent, les collectivités assument la solidarité nationale.

Nous voulons transférer aux départements 0,4 point de CSG, soit environ 7 milliards d'euros. Rien ne bougerait pour les contribuables, ce serait une simple réaffectation interne, une ressource dynamique pour les départements. Le coût pour les finances sociales est compensé par la suppression des exonérations de cotisations au-delà de deux Smic, pour 7 milliards d'euros.

Ces deux mesures sont cohérentes, neutres pour la sécurité sociale et indispensables pour redonner de l'oxygène aux départements.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Depuis le début de l'examen de ce texte, nous vous proposons des recettes de plusieurs milliards d'euros. Vous les avez refusées. Nous arrivons à la limite de l'exercice.

Nos amendements mettent en lumière les difficultés des départements. C'est incroyable : on en vient à utiliser la CSG pour les financer !

Depuis 2021, les départements ne perçoivent plus aucun impôt direct. Il ne leur reste que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Quel impôt voulez-vous qu'on trouve, madame la rapporteure générale ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il faut revoir cela !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je ne comprends pas bien. Quand le Pas-de-Calais a été frappé par les inondations, la région et le département ont mis la main à la poche pour aider les communes et les gens. Le président du département parle d'asphyxie généralisée !

Mme Marion Canalès.  - Nous voterons les amendements des groupes RDSE et INDEP car nous étions opposés à la suppression de l'article 12 bis.

Mme Antoine s'investit beaucoup pour la protection de l'enfance et veut lui réserver une part de la CSG. Mais le groupe UC a voté pour la suppression de l'article 12 bis. Nous ne voterons donc pas pour son amendement, par cohérence, même si nous sommes d'accord avec elle sur le fond.

À la demande de la commission, les amendements identiques nos799 rectifié ter et 1710 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°45 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption   80
Contre 223

Les amendements identiques nos799 rectifié ter et 1710 rectifié ne sont pas adoptés.

À la demande de la commission, l'amendement n°800 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°46 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption   80
Contre 223

L'amendement n°800 rectifié ter n'est pas adopté.

À la demande de la commission, l'amendement n°1128 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°47 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 295
Pour l'adoption   92
Contre 203

L'amendement n°1128 rectifié bis n'est pas adopté.

À la demande de la commission, les amendements identiques nos419 rectifié quinquies, 441 rectifié quinquies et 869 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°48 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 297
Pour l'adoption   96
Contre 201

Les amendements identiques nos419 rectifié quinquies, 441 rectifié quinquies et 869 rectifié ter ne sont pas adoptés.

L'amendement n°1086 rectifié bis, modifié par la suppression du gage, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°951 rectifié, les amendements identiques nos1170 rectifié et 1671 rectifié, ainsi que les amendements nos1681 rectifié, 1160 rectifié et 1161 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n°940 rectifié n'est pas adopté.

Demande de réserve

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Je demande que l'article 14 soit réservé, afin qu'il soit examiné juste avant l'article 17. Ainsi, le Gouvernement pourra présenter un tableau d'équilibre.

La réserve, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

Discussion des articles (Suite)

Deuxième partie (Suite)

Après l'article 12 bis (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°1147 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - En 2024, les actionnaires du CAC 40 se sont partagé près de 100 milliards d'euros de dividendes. Chaque année, en janvier, un nouveau record est franchi, provoquant des salves d'indignations auxquelles répondent des tentatives de justifications : cette pluie de milliards rémunérerait une prise de risque qui financerait l'économie... Cet amendement prévoit une contribution de 2 % - une obole - pour financer l'autonomie à hauteur de 2,4 milliards d'euros.

Mme la présidente.  - Amendement n°1655 de Mme Féret et du groupe SER.

Mme Corinne Féret.  - Nous souhaitons créer une contribution sur les dividendes afin de renforcer les moyens de la branche autonomie. Le rapport Libault avait montré en 2019 qu'il faudrait 6 milliards d'euros par an pour faire face aux besoins en 2024 et 9 milliards en 2030.

Les financements manquent. Il est donc légitime de faire contribuer le capital et nous ne pénalisons ni l'investissement productif ni les entreprises en difficulté. Nous dégagerions 2 milliards d'euros pour la branche autonomie.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Silvana Silvani.  - Je regrette que les avis ne soient pas motivés...

Il y a quelques heures, certains trouvaient anodin d'allonger le temps de travail des salariés et de les mettre à contribution pour augmenter les recettes. Mais quand il s'agit de mettre à contribution les dividendes mirobolants des actionnaires, il n'y a plus personne ! Enfin, 2 %, c'est dérisoire ! Qui croit encore que les dividendes nourrissent l'économie ?

Dans mon département de la Meurthe-et-Moselle et en Moselle, un investisseur, sans projet industriel, a repris Ascometal, qu'il a rebaptisé NovAsco. L'État a mis 80 millions d'euros, Greybull Capital, l'investisseur, qui en avait promis autant, n'a mis que 1 million, après quoi il s'est retiré. Résultat : fermeture de la dernière aciérie en Moselle et 550 chômeurs de plus !

Mme Marion Canalès.  - L'amendement n°1655 de Corinne Féret a le mérite de proposer une solution pour financer la branche autonomie. Un avis argumenté du Gouvernement serait bienvenu... Si notre proposition ne vous convient pas, comment fait-on ?

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Je souhaitais simplement faire avancer les débats. Vous examinerez cette question à l'occasion du PLF.

Les revenus que vous visez sont déjà assujettis à une fiscalité importante : CSG au même niveau que les revenus d'activités et CRDS. Les bénéfices ont été auparavant taxés au titre de l'impôt sur les sociétés. Enfin, les dividendes sont pris en compte dans la contribution sur les hauts revenus, qui peut mener à un taux d'imposition effectif de 20 %.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Un petit oubli, madame la ministre : la flat tax. C'est un des nombreux dispositifs ayant permis, depuis l'élection de M. Macron, de réduire les prélèvements sur le capital.

L'amendement n°1147 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1655.

Mme la présidente.  - Amendement n°1053 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'assiette de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) était réduite aux revenus d'activité des salariés, en contrepartie de la journée de solidarité - nom qui a été donné à la journée de travail gratuite - puis a été étendue aux revenus de remplacement.

Le rapport Vachey préconisait de l'étendre aux revenus des indépendants, suivi en cela par les trois Hauts Conseils dans un rapport de juillet dernier.

Le présent amendement reprend cette recommandation, mais uniquement pour les revenus supérieurs à 2,5 Smic, car nous sommes conscients des difficultés de certains indépendants. Cela rapporterait 160 millions d'euros à la branche autonomie.

Mme la présidente.  - Amendement n°1674 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Cet amendement, déjà défendu par les députés socialistes, étend l'assiette de la CSA, actuellement percée, car ne couvrant pas l'intéressement ou la participation entre autres, au-dessus de trois Smic. Il reprend la recommandation du rapport Vachey d'assujettir à la CSA l'ensemble des revenus redevables de la CSG.

Le rendement de cette mesure est certes insuffisant - 600 millions d'euros environ -, mais c'est une participation.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - L'extension de la CSA aux indépendants n'est pas évidente : ils nous alertent sur leurs difficultés à la fin du mois...

Mme Annie Le Houerou.  - Au-dessus de trois Smic !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - J'entends bien. En outre, les travailleurs indépendants n'effectuent pas de journée de solidarité. Le dispositif n'est pas abouti et mérite une concertation avec les intéressés.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable : la CSA, c'est l'équivalent de la journée de solidarité ; ce ne serait donc pas équitable, puisque nous n'avons pas prévu de nouvelle journée de solidarité. De surcroît, nous venons de réformer l'assiette des cotisations des indépendants ; ne remettons pas en cause l'ensemble de l'édifice.

L'amendement n°1053 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1674.

Mme la présidente.  - Amendement n°538 rectifié bis de Mme Pantel et alii.

M. Michel Masset.  - La CNSA a besoin de financements pérennes et ambitieux. Alors que les inégalités patrimoniales vont croissant, les efforts doivent être partagés. Notre amendement crée à son profit une contribution de 1 % sur les transmissions de patrimoine si celles-ci dépassent 200 000 euros

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Ce débat aura lieu dans le cadre du PLF. L'Assemblée nationale a adopté certains amendements pour prendre en compte les nouveaux modèles de famille.

Cet amendement créerait un impôt de 2 milliards d'euros supplémentaires - ce n'est pas neutre -, alors que notre pays est celui qui prélève le plus sur les successions, selon la Cour des comptes. Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Un impôt de 1 % ne serait pas supportable ? Mais 2 milliards d'euros, c'est ce que rapportent la journée de solidarité ou le gel des pensions. Pour les salariés qui y sont soumis, c'est bien un impôt. C'est insupportable !

La transmission d'héritage regorge de niches - les hauts patrimoines savent très bien s'y retrouver pour échapper à l'impôt.

Si le rendement estimé est de 2 milliards d'euros alors que les cas ne sont pas si nombreux, c'est dire l'importance des patrimoines visés.

L'amendement n°538 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1654 rectifié de Mme Féret et du groupe Les Républicains.

Mme Corinne Féret.  - Nous souhaitons créer une redevance sur les lits non habilités à l'aide sociale des Ehpad privés à but lucratif. Certains groupes commerciaux réalisent des profits alors qu'ils bénéficient de subventions publiques comme les forfaits soins des ARS et les forfaits dépendance des départements. L'argent public finance les profits privés... Cet amendement est une mesure d'équité et de responsabilité.

Mme la présidente.  - Amendement n°1031 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il s'agit d'une redevance sur les Ehpad dont l'autorisation d'activité par les pouvoirs publics prévoit un pourcentage de places affiliées à l'aide sociale inférieur à 50 %.

L'existence d'Ehpad dotés de peu de places habilitées est un frein pour les personnes aux ressources réduites. C'est le cas des Ehpad des grands groupes, dont la part de places habilitées à l'aide sociale est, selon la Drees, de 19 %, contre 25 % pour les autres privés lucratifs, loin de la moyenne nationale de 81 %.

Or ils bénéficient de dotations publiques. Cet amendement reprend une recommandation d'un rapport du Sénat.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Près de 33 % des établissements à but lucratif sont en difficulté ; les Ehpad publics ne sont donc pas les seuls dans ce cas. Les projets de création de nouveaux établissements sont moins nombreux sur nos territoires. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il n'y a que 19 % de places habilitées à l'aide sociale dans ces établissements, contre 93 % dans les Ehpad publics. Ils rencontrent peut-être des difficultés, mais c'est comme la pauvreté : tout est une question d'échelle.

L'amendement n°1654 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1031.

Mme la présidente.  - Amendement n°1030 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La loi sur l'autonomie et le grand âge, promise par le Gouvernement, ne voit toujours pas le jour, alors que la branche est dotée de moyens insuffisants pour faire face au défi de la prévention : besoin d'embauches, déficit d'encadrement, revalorisation salariale.

Le rapport Libault préconisait de profiter de la fin programmée des besoins de remboursement de la dette sociale pour flécher la CRDS vers le financement de l'autonomie. Or elle risque de ne pas pouvoir y servir. Nous proposons donc de créer une véritable cotisation affectée à la branche autonomie, comme l'a recommandé le Cese dans son avis du 26 mars 2024, pour un gain de 16 milliards d'euros.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1663 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Monique Lubin.  - Pour financer la branche autonomie, relevons la CSA payée par les entreprises de 0,3 à 0,6 %.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Je comprends votre volonté de trouver de nouvelles ressources : le financement de la transition démographique dans le cadre de notre modèle social actuel est un vrai sujet, mais votre amendement augmenterait le coût du travail de 7,5 milliards d'euros. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Les amendements identiques nos1030 rectifié et 1663 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°1151 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Nous devons l'avouer : cet amendement nous a été inspiré par ceux qui ont eu l'idée...

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - La bonne idée !

M. Gérard Lahellec.  - ... d'instaurer le travail gratuit pour des salariés. Puisque cette « journée de solidarité » existe pour eux, il n'y a aucune raison de ne pas en créer une pour les actionnaires ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Plutôt que de vieillissement, je préfère parler d'allongement de l'espérance de vie - mais il faut bien financer ce phénomène. Les besoins en autonomie ont été évalués à 10 milliards d'euros en 2019 - la prévision pourrait être doublée aujourd'hui. Mettre à contribution les actionnaires qui touchent 100 milliards d'euros par an de dividendes permettrait de financer l'allongement de l'espérance de vie.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable. (Marques de déception ironiques sur les travées du groupe SER.)

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol.  - Surprenez-nous un peu !

Mme Silvana Silvani.  - Nous aurions aimé entendre vos arguments sur ces propositions, qui ne sont ni des provocations ni des plaisanteries. Elles sont le simple miroir des mesures prises au détriment des travailleurs. Les capitaux sont déjà imposés ? Mais les travailleurs aussi, avant qu'on les soumette au travail gratuit !

Personne n'est dupe de la nature de nos oppositions : nous n'avons pas les mêmes idées sur la place de chacun dans le monde.

Mme Anne Souyris.  - Pourquoi une telle journée serait une blague ?

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Personne ne l'a dit !

Mme Anne Souyris.  - Cette idée d'une journée de solidarité pour les actionnaires n'a pas été creusée jusque-là ; saisissons-en nous sérieusement.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - D'autant que 0,4 %, c'est une contribution très modeste.

Je souhaite revenir sur l'heure de travail hebdomadaire supplémentaire dont - concession ultime - vous acceptez qu'elle soit payée !

En France, les travailleurs sont mensualisés. Rien n'empêche un employeur d'offrir pour un poste d'infirmière à 36 heures le même salaire de 2 000 euros que pour un poste à 35 heures ! La durée du travail n'est pas une obligation, c'est un seuil à partir duquel sont déclenchées les heures supplémentaires.

Vous enlevez donc aux travailleurs le supplément de rémunération de ces heures supplémentaires. À raison d'une heure multipliée par les 45 semaines travaillées par an, cela commence à faire beaucoup ! En comparaison, cet amendement est modeste.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Qu'est-ce qu'un actionnaire ? C'est quelqu'un qui investit dans une entreprise... (Mmes Anne Souyris et Raymonde Poncet Monge ironisent.)

Mme Laurence Rossignol.  - Un salarié aussi !

M. Patrick Kanner.  - Cent milliards de dividendes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Vous pensez aux actionnaires du CAC 40 (Mme Silvana Silvani proteste) mais toutes les entreprises ne versent pas des dividendes aussi importants ; (Mme Monique Lubin et M. Ronan Dantec protestent) je connais beaucoup de petits actionnaires. Comment les faites-vous participer ?

Votre proposition n'est pas très bien définie. Ce n'est pas le concours Lépine ! Je respecte votre idée - il n'est pas sûr que les actionnaires la refuseraient, d'ailleurs (Mme Monique Lubin en convient) -, mais en l'état, votre amendement n'est pas opérationnel.

L'amendement n°1151 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1662 rectifié de Mme Conconne et alii.

L'amendement n°1662 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°1158 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Depuis la publication des Fossoyeurs par Victor Castanet, les dysfonctionnements des Ehpad privés à but lucratif ont été mis en lumière : personnels précarisés, résidents délaissés, subventions détournées... Soumettons à contribution les dividendes des Ehpad privés à but lucratif, afin de renforcer les Ehpad publics et privés non lucratifs.

Mme la présidente.  - Amendement n°1319 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le scandale Orpea a révélé que les grands groupes privés avaient détourné les forfaits soins et hébergement. L'État a ainsi réclamé 55 millions d'euros à Orpea, qui ont manqué à la sécurité sociale.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1664 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

M. Simon Uzenat.  - Victor Castanet a fait la lumière sur les pratiques scandaleuses d'Orpea, qui se vérifient encore : rationnement des couches et de la nourriture, personnes âgées laissées sans soins d'hygiène en été pendant des jours, voire des semaines. Pendant ce temps, les dividendes versés par Orpea sont passés de 4 à 80 millions d'euros. Entre 1985 et 2015, le nombre de places en Ehpad a bondi en moyenne de 85 % - mais de 560 % dans le secteur privé lucratif !

La comparaison est édifiante : le privé à but lucratif, c'est 23 % de personnel soignant en moins et 44 % de coûts en plus pour les familles - charge insupportable pour nombre d'entre elles, à plus de 2 600 euros par mois en moyenne. Luttons contre la financiarisation dont nos aînés et leurs familles sont victimes.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Même avis : nous en avons déjà débattu.

M. Patrick Kanner.  - Vos réponses sont bien rapides sur un sujet aussi important. J'ajoute que les Ehpad gérés par le secteur privé associatif rencontrent les mêmes difficultés que les Ehpad publics. Il faut imaginer une solidarité de la part du secteur privé lucratif pour aider les départements à les financer.

Mme Pascale Gruny et M. Francis Szpiner.  - Nous avons déjà eu le débat !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous l'avons chaque année...

M. Simon Uzenat.  - Peut-être, mais nous avons tous des personnes âgées dans nos familles. La dépendance peut être un drame pour elles et pour leurs proches qui, lorsqu'il n'y a pas d'autre choix que d'accepter une place dans un Ehpad à but lucratif, doivent se saigner.

Ces réponses laconiques sont moins choquantes pour nous que pour eux. Vous voulez des ressources nouvelles, en voilà une ! Les acteurs privés ont leur place, à condition de respecter les règles et de ne pas emmagasiner les profits sur la détresse de millions de nos concitoyens. La décence commande de prendre en compte ce vécu.

Mme Corinne Féret.  - Les établissements privés à but lucratif tirent une part importante de leurs revenus de financements publics : ARS, départements... C'est l'argent de la solidarité nationale qui leur permet de fonctionner. Il est normal qu'une part de leurs bénéfices revienne au bien commun. (Mme Pascale Gruny s'exclame.)

Mme Anne Souyris.  - Quand il s'agit de taxer les malades et les retraités, vous votez pour ; mais quand il s'agit de faire payer les grands groupes (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit), qui d'un côté maltraitent les personnes âgées et de l'autre pillent la sécurité sociale, vous ne donnez pas d'explications ? Il y a un problème de responsabilité politique. Où est la droite sociale ?

M. Gérard Lahellec.  - Le problème se pose partout en France. Issu d'un département rural, j'observe que l'essentiel de nos Ehpad sont publics ou associatifs : la solvabilité des résidents est déterminée par le niveau des retraites et, dans la ruralité, les retraites sont principalement agricoles. On ne peut pas ne pas tenir compte des plus nécessiteux, qui sont aussi les plus nombreux.

M. Ronan Dantec.  - Où est la droite sociale ? On la cherche depuis un certain temps... Depuis les années 1960, le partage de la valeur entre le capital et le travail a évolué en faveur du capital. Cela explique une grande partie du déficit de la sécurité sociale, dont les ressources sont d'abord adossées sur les revenus du travail.

Les grands groupes ont investi dans des Ehpad où les tout petits salaires sont généralisés, comme dans le reste du secteur des services à la personne. Ils n'en font que plus de bénéfices.

Mais je ne mélange pas cela avec le scandale Orpea : certains font un bon travail, mais ils n'en bénéficient pas moins à plein de notre système de protection sociale.

Une taxation sur le résultat est donc adaptée, surtout à un moment où l'on demande à la société de faire des efforts pour rétablir les finances publiques.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Bien sûr, ce débat est légitime. Monsieur Kanner, c'est la troisième fois que nous parlons de ce sujet, mais vous étiez absent.

M. Patrick Kanner.  - C'est pour cela que je viens vous écouter !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous sommes tous confrontés à ce sujet, y compris dans nos familles.

Il y a moins de projets d'établissements à but lucratif, car les scandales ont été nombreux. Pensons aux salariés ! Tous ne sont pas maltraitants et ils n'ont rien à voir avec les superprofits.

Mme Laurence Rossignol.  - Ils n'en voient pas la couleur !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - J'aimerais plus de nuance dans nos débats. Tout est tellement noir dans certains discours - comme dans l'exposition Soulages  - que je me demande s'il faut encore rester en France !

Mme Laurence Rossignol.  - C'est l'outrenoir !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - On ne dit pas ça !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Parfois, à vous écouter, on se croirait au XIXe siècle : les patrons contre les ouvriers. Mais nous avons évolué depuis Émile Zola ! (Exclamations à gauche)

Mme Monique Lubin.  - Arrêtez de caricaturer !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous gagnerions à nuancer nos propos. (Mme Nadia Sollogoub et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent.)

Nous n'avons pas les mêmes solutions, politiques et économiques. Alors oui, vous êtes un peu frustrés que nous n'adoptions pas vos amendements...

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas nous qui sommes frustrés !

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Lorsque le débat a déjà eu lieu, je raccourcis mon propos pour faire avancer nos travaux ; ce n'est pas une marque de désintérêt de ma part.

Vous partez du postulat que les Ehpad lucratifs utilisent mal leurs ressources. Oui, la financiarisation comporte des risques et nous y veillons : la comptabilité analytique de ces établissements est désormais attestée par la Cour des comptes ; leur budget est soumis au contrôle de l'Igas, de l'IGF et de la Cour des comptes ; leur dotation peut être réduite en cas d'excédent injustifié ; les sanctions ont été renforcées. Avis défavorable. (M. Ronan Dantec écarte les bras en signe d'incompréhension.)

Je rappelle que ce secteur affiche une rentabilité moyenne de 5 %, quand d'autres, à l'égard desquels nous devrons être vigilants, sont à 30 % !

Mme Émilienne Poumirol.  - On le sera !

L'amendement n°1158 n'est pas adopté.

M. Ronan Dantec.  - Il n'est pas question de revenir au temps de Zola ! Ce que nous demandons, c'est qu'en cas de résultat financier positif, dans le contexte que l'on connaît, il y ait une contribution. Il fut un temps où la droite sociale portait une vision gagnant-gagnant. Maintenant, les gagnants sont les détenteurs du capital, et les perdants, toujours les salariés les plus modestes !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous sommes au XXIe siècle, mais on a parfois le sentiment de revenir en arrière, confer l'excellent livre de Thomas Piketty sur les inégalités patrimoniales : on revient à une société de rente ! Désormais, on arbitre entre dividende et investissement et si le résultat n'est pas au rendez-vous, on prend sur les réserves !

M. Gérard Lahellec.  - Je veux aussi défendre Soulages. (Sourires) En réalité, il y a beaucoup de lumière dans sa peinture, ainsi qu'une volonté de dépassement, qu'il a exprimée au travers de ses outrenoirs. Nous sommes un peu moins en situation de dépassement... (Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Ronan Dantec applaudissent.)

M. Laurent Somon.  - M. Dantec a attaqué le gaullisme social. (Protestations sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Ronan Dantec.  - Je ne l'ai pas attaqué !

M. Laurent Somon.  - Ne mettons pas tous les établissements dans le même sac. Orpéa ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt ! Et tous les Ehpad publics ne sont pas mirobolants ! N'opposons pas le public et le privé : ils sont complémentaires, comme pour l'école.

M. Ronan Dantec et Mme Laurence Rossignol.  - Non !

M. Laurent Somon.  - Certes, nous pourrions améliorer nos contrôles. Ce qui compte, c'est la qualité de la prise en charge et l'accessibilité financière au regard des aides publiques, pas qui fait quoi.

N'opposons pas systématiquement une droite qui serait libérale et une gauche qui défendrait le secteur public. Comme l'a dit Mme la ministre, nous devons tous nous battre contre la financiarisation.

M. Olivier Henno.  - Dire que le privé est le diable et le public la perfection, c'est un raccourci un peu rapide...

Plusieurs voix à gauche.  - Personne n'a dit ça !

M. Olivier Henno.  - Certains établissements publics peinent à trouver du personnel et la qualité d'accueil s'en ressent. Ne jugeons pas sur la couleur des choses, mais sur la valeur constatée sur le terrain.

Depuis le début de ce débat, il y a un grand disparu : la gauche de gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Pascale Gruny et M. Jean-Baptiste Lemoyne s'en amusent.)

M. Simon Uzenat.  - Nous n'avons pas d'hostilité radicale à l'égard du secteur privé. (Mme Pascale Gruny ironise.) Mais la liberté de choix est fondamentale. Or quelle liberté a-t-on de choisir ou non un Ehpad à but lucratif ? Strictement aucune ! Le coût représente 2 600 euros en moyenne par mois, contre moins de 2 000 euros dans le public. Quelles familles peuvent se payer ça ? Dans le même temps, le taux d'encadrement dans le privé lucratif est inférieur de 23 % par rapport au public et les difficultés de recrutement y sont pires qu'ailleurs en raison de conditions de travail dégradées.

Nous n'opposons pas public et privé. Les difficultés des établissements publics sont principalement liées à des problèmes de recettes, celles des établissements privés à but lucratif, à la ventilation de leurs dépenses. Que privilégie-t-on : les dividendes, ou le soin ?

Mme Anne Souyris.  - Je vois que la remarque sur la droite sociale - ce n'était pas un gros mot - a eu un certain succès. Je sais que cette fibre existe encore dans cet hémicycle, mais je ne l'entends pas.

Qu'entendez-vous par « gauche de gouvernement » ? Une gauche responsable ? La sécurité sociale va mal ; on cherche de l'argent ; nous vous proposons une taxe exceptionnelle sur les bénéfices. Mais vous répondez : haro sur la taxe, on revient à Émile Zola ! Qui est caricatural ici ? Personne de ce côté-ci de l'hémicycle. (Mme Pascale Gruny proteste.)

M. Laurent Somon.  - On n'a pas dit ça !

Mme Anne Souyris.  - Vous le dites ! Prenons nos responsabilités, ensemble !

Les amendements identiques nos1319 et 1664 ne sont pas adoptés.

Article 12 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°626 de Mme Doineau au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit l'automaticité de l'annulation des cotisations prises en charge par l'assurance maladie au bénéfice des professionnels de santé coupables de fraude.

La commission est bien sûr favorable à la lutte contre la fraude. Mais l'automaticité de cette procédure priverait les caisses de marges de manoeuvre pour appliquer les sanctions de manière proportionnée. Nous en avons discuté très récemment dans le projet de loi Fraudes. Plusieurs dispositions introduites dans ce PLFSS auraient en réalité davantage leur place dans ce texte. Supprimons l'article.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - J'avais donné un avis de sagesse à l'Assemblée nationale, tout en appelant l'attention sur le projet de loi Fraudes, qui va arriver à l'Assemblée nationale. Sagesse à nouveau.

Mme Émilienne Poumirol.  - Quand cet article a été ajouté à l'Assemblée nationale, celle-ci n'avait pas encore examiné le projet de loi Fraudes. C'est une mesure intéressante.

L'amendement n°626 est adopté et l'article 12 ter est supprimé.

Article 12 quater

Mme la présidente.  - Amendement n°627 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Cet article, également inséré à l'Assemblée nationale, exclut les micro-entrepreneurs utilisant des plateformes de vente de biens du dispositif de précompte des cotisations sociales par les plateformes. Cela va à l'encontre de notre objectif de lutte contre la fraude. Il serait préférable que le débat ait lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi Fraudes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1059 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le PLFSS pour 2024 a créé un dispositif de précompte des cotisations des micro-entrepreneurs. Pas moins de 814 millions d'euros de chiffre d'affaires n'ont pas été déclarés en 2021 par les micro-entrepreneurs.

L'article recentre la réforme pour exclure les micro-entrepreneurs commerçants sur les plateformes de vente en ligne, d'où un important manque à gagner pour les comptes sociaux. C'est pourquoi nous voulons supprimer l'article.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos627 et 1059 sont adoptés et l'article 12 quater est supprimé.

L'article 12 quinquies est adopté.

Article 12 sexies

M. Daniel Chasseing.  - Mme Bourcier souhaitait remercier le député François Gernigon, qui a soulevé ce sujet d'équité de notre système de protection sociale : les ressortissants extracommunautaires peuvent être affiliés à la protection sociale après trois mois de résidence stable et régulière, alors que certains perçoivent leurs pensions à l'étranger et ne sont pas assujettis à l'impôt sur le sol français. Cet article instaure une contribution obligatoire minimale pour ces publics bénéficiant de la protection universelle maladie (PUMa).

Mme la présidente.  - Amendement n°1821 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous avons tous été émus de ces témoignages d'Américains qui profitent de soins en France sans s'acquitter d'aucune contribution. Nous avons réécrit le dispositif pour l'améliorer, mais il pourrait encore évoluer.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Cela répond à un problème réel, lorsque la PUMa devient un objet d'optimisation, comme en témoigne l'exemple des retraités américains. Mais il conviendrait de cibler plus précisément les personnes qui ne sont redevables ni de la CSG, ni de la CRDS, ni des cotisations d'assurance maladie en France. Avis favorable, sous réserve d'ajustements à effectuer dans la navette.

L'amendement n°1821 est adopté et l'article 12 sexies est ainsi rédigé.

Article 12 septies

Mme la présidente.  - Amendement n°628 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - L'Assemblée nationale a souhaité supprimer la possibilité offerte au Gouvernement de minorer la compensation à l'Unédic des allègements généraux de cotisations patronales. Frédérique Puissat avait défendu plusieurs amendements en ce sens.

Mais avec cet article, 4,1 milliards d'euros seraient versés à l'Unédic, au détriment de la sécurité sociale. Si nous ne le supprimons pas, nous aggraverions le déficit d'autant.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1088 rectifié de Mme Nadille et du RDPI.

M. Dominique Théophile.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1509 rectifié bis de M. Le Rudulier et alii.

M. Khalifé Khalifé.  - Défendu.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - En effet, on ne peut se permettre de priver la sécurité sociale de 4,1 milliards d'euros de recettes. Avis favorable aux amendements de suppression.

Mme Frédérique Puissat.  - L'objectif est bien de sauver notre sécurité sociale. Grâce à la commission, le déficit est à peu près maîtrisé, même s'il reste encore beaucoup à faire.

Je prépare néanmoins un amendement au PLF visant à mettre fin à toute ponction de l'Unédic. Ça suffit ! Pour l'heure, je voterai l'amendement de la rapporteure générale.

Mme Anne Souyris.  - Nous soutenons l'article 12 septies. Le dispositif adopté dans le PLFSS 2024 est contraire au principe de gestion paritaire de l'Unédic et suscite une forte opposition des partenaires sociaux. Le manque à gagner est déjà de 2,6 milliards d'euros pour l'Unédic ; il sera de 4,1 milliards d'euros en 2026 si cet article est supprimé.

La démocratie sociale, c'est l'autogestion par les travailleurs, ou a minima la gestion paritaire. Mais le patronat prend de plus en plus de place et la sécurité sociale est quasi étatisée. Nous nous y opposons.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La réforme des allègements généraux a été sous-compensée aux cinq branches de la sécurité sociale, mais aussi à l'Unédic et à l'Agirc-Arrco. Pourquoi la branche vieillesse de la sécurité sociale devrait-elle compenser la sous-compensation de l'État envers l'Unédic et l'Agirc-Arrco ?

Les amendements identiques nos628, 1088 rectifié et 1509 rectifié bis sont adoptés et l'article 12 septies est supprimé.

Article 12 octies

Mme la présidente.  - Amendement n°629 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Depuis la fermeture des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, leurs nouveaux salariés sont affiliés au régime général. La Cnav et l'Agirc-Arrco sont tenues de verser à l'État une subvention d'équilibre, dont le montant est fixé par convention. Si cette dernière n'est pas conclue avant le 30 juin de chaque année, le Gouvernement peut fixer le montant par décret. Le présent article supprime cette possibilité offerte à l'État. Jusqu'à présent, les partenaires ont toujours conclu. Supprimons cet article.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis favorable. Cette compensation a déjà fait l'objet d'un accord pour l'année 2025, mais l'État doit conserver la possibilité d'agir en cas de désaccord.

L'amendement n°629 est adopté et l'article 12 octies est supprimé.

Article 12 nonies

Mme la présidente.  - Amendement n°630 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous supprimons cet article également, car un amendement de Mme Poncet Monge a été adopté dans le projet de loi Fraudes.

L'amendement n°630, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 12 nonies est supprimé.

Article 12 decies

Mme la présidente.  - Amendement n°631 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Supprimons cet article, qui revient sur la majoration de cotisations sociales redressées en cas de travail dissimulé et qui est contraire aux dispositions du projet de loi Fraudes.

L'amendement n°631, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 12 decies est supprimé.

Article 12 undecies

Mme la présidente.  - Amendement n°632 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Là encore, je vous propose de supprimer cet article relatif à la lutte contre la fraude.

L'amendement n°632, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 12 undecies est supprimé.

Après l'article 11 septies (Amendements précédemment réservés)

Mme la présidente.  - Amendement n°1103 rectifié bis de M. Grosvalet et alii.

M. Michel Masset.  - Cet amendement vise à consolider durablement le financement de la sécurité sociale en ajustant légèrement le taux de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui passerait de 0,16 à 0,21 % pour un rendement de 400 à 500 millions d'euros au bénéfice de la branche vieillesse. Les grandes entreprises concernées ont été largement bénéficiaires des baisses de fiscalité de ces dernières années : cet ajustement est proportionné et sans impact sur leur compétitivité et leur investissement.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La commission est défavorable à l'augmentation de la C3S. Vous proposez une sérieuse augmentation du taux...

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Nous n'avons pas le même chiffrage, monsieur Masset : cela représenterait un surcoût de 1,65 milliard d'euros en 2026. Cette augmentation de 31 % serait insupportable pour les entreprises concernées. Avis défavorable.

L'amendement n°1103 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 13

Mme la présidente.  - Amendement n°1187 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous dénonçons la part croissante des exonérations de cotisations sociales, ainsi que leur non-compensation par l'État : le montant total des niches sociales s'élève à 100 milliards d'euros, dont 35 milliards d'euros non compensés !

La loi Veil de 1994 a posé le principe de la compensation, les niches antérieures n'y sont donc pas soumises. La Cour des comptes a estimé en mai 2024 que la non-compensation depuis 2019 de l'exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de la prime de partage de la valeur n'était pas conforme à la loi.

S'agissant des allègements généraux de cotisations patronales, la compensation du bandeau maladie est inférieure de 5,5 milliards d'euros à son coût, car la part de TVA affectée a été mal calculée.

Les allègements sont très généreux : 35 milliards d'euros, c'est plus que le déficit de la sécurité sociale !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Si cet article était supprimé, l'ensemble du texte serait censuré : ce serait dommage, après tout le travail que nous avons effectué. Cet article n'a qu'un caractère estimatif et informatif.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Cet article, qui revêt un caractère obligatoire, vise la bonne information du Parlement. Seuls 2,8 milliards d'euros ne sont pas compensés, sur les 85 milliards d'exonérations de cotisations sociales, et l'efficacité des exonérations fait l'objet de travaux dédiés chaque année. Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Monsieur le ministre, sur ces 2,8 milliards, qui ne portent que sur les exemptions d'assiette, 2,4 milliards sont relatifs aux heures supplémentaires. Il a donc été décidé, postérieurement à la loi Veil, de ne pas compenser ce dispositif inefficace et de pure aubaine...

Mais vous n'évoquez pas les 80 milliards d'euros d'allègements généraux, dont la non-compensation s'élève à 5,5 milliards d'euros.

Avec cet article, vous nous demandez d'accepter que vous ne remplissiez que partiellement votre obligation de compenser.

Hier, le Sénat a étendu le dispositif relatif aux heures supplémentaires, alors qu'on ne devait plus étendre les niches sociales... Cela ne sera pas compensé : nous creusons donc encore un peu plus le déficit de la sécurité sociale.

L'article est certes obligatoire, mais son contenu est inacceptable.

L'amendement n°1187 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Mme la présidente.  - L'article 14 a été réservé.

Article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°1189 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Supprimons cet article, qui fixe les objectifs d'amortissement de la dette sociale par la Cades et les prévisions de recettes pour le FRR pour 2026.

Par la loi du 7 août 2020, le Gouvernement a décidé de transférer la dette covid à la Cades : 136 milliards d'euros ont ainsi gonflé artificiellement le montant que la caisse est censée rembourser, prolongeant la CRDS jusqu'en 2033.

Le remboursement de la dette sociale immobilise 16,4 milliards d'euros, privant de ressources la sécurité sociale. Cette dette, imposée par la droite et gonflée par la macronie, est illégitime.

En 2024, la Cades s'est acquittée de 3,2 milliards d'euros de charges financières et les marchés financiers ont déjà coûté 1,4 milliard d'euros à la sécurité sociale au premier semestre 2025. Les cotisations des assurés sociaux ne doivent pas servir à rémunérer les investisseurs.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable, nous y reviendrons à l'amendement suivant.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1189 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1870 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il s'agit de transférer 15 milliards d'euros de dette de l'Acoss à la Cades, alors que l'article 16 fixe le plafond d'emprunt de l'Acoss à 83 milliards d'euros en 2026.

Rappelez-vous : pendant le covid, l'Acoss n'a pas réussi à financer sur les marchés un pic de 90 milliards d'euros et s'est donc tournée vers la Caisse des dépôts, ainsi qu'un pool bancaire.

La fin de l'amortissement de la dette transférée à la Cades aurait lieu au mitan de 2032, au lieu du 31 décembre 2023 fixé par la loi organique. Il est donc possible de transférer de l'Acoss à la Cades environ 15 milliards d'euros.

Nous avions envisagé un tel « petit » transfert, mais nous avions une incertitude juridique. Le Conseil d'État, dans un avis rendu avant-hier, a confirmé la possibilité juridique d'un tel transfert sans apport de nouvelles recettes.

L'Acoss bénéficierait ainsi d'une année de répit, avant le véritable transfert de dette qui impliquera que nous révisions l'ordonnance de 1996 sur la dette sociale. Le prochain transfert, vraisemblablement postérieur à la prochaine élection présidentielle, représenterait plus de 100 milliards d'euros.

Alors qu'il augmente les charges de la Cades -  qui empruntera sur les marchés la somme qu'elle versera à l'Acoss  - , notre amendement est recevable au titre de l'article 40, car le Gouvernement a déposé un amendement identique. Notre amendement couvre aussi celui du Gouvernement, car ce dernier n'a normalement pas la faculté de déposer des amendements introduisant des dispositions entièrement nouvelles.

Si la tendance se poursuit, la dette de l'Acoss sera plus élevée que celle de la Cades. Nous devrons repousser l'échéance de 2033 et donc modifier la loi organique.

Nous aurions pu choisir de transférer 20 milliards d'euros, mais il nous a paru plus prudent de n'en transférer que 15. Attention, il s'agit bien d'un emprunt, et non d'un apurement du déficit.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°1871 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - La commission propose un transfert de 15 milliards d'euros afin de soulager la trésorerie de la sécurité sociale. L'Acoss est un financeur de court terme qui n'est pas censé constituer une dette de long terme. Cela découle d'un principe simple : la sécurité sociale doit être à l'équilibre et, quand elle ne l'est pas, prendre des mesures pour y revenir.

Pour éviter de transférer le poids d'une dette aux générations futures, la Cades a été établie. Le dernier transfert qu'elle a reçu a été autorisé en 2020, pour 136 milliards d'euros. Cela a permis d'apurer une grande part des dettes constituées pendant la crise sanitaire. Depuis sa création, elle a déjà remboursé 275 milliards d'euros. Elle aura achevé de rembourser mi-2032, avec un an et demi d'avance.

Depuis 2024, les comptes de l'Acoss se dégradent. Ils doivent revenir à l'équilibre. D'ici là, ils sont sous tension, malgré des mesures de sécurisation prises par le Gouvernement et le Parlement. La Cour des comptes recommande de tirer parti des ressources non utilisées déjà affectées à la Cades, estimées à environ 20 milliards d'euros. Le Sénat propose de suivre cette voie. Le Gouvernement soutient cette initiative, qu'il fallait néanmoins sécuriser juridiquement. Le Conseil d'État a confirmé cette possibilité.

La commission des affaires sociales prend une importante marge de sécurité, avec un transfert de 15 milliards d'euros. Le Gouvernement y est favorable. Les conséquences de ce transfert devront néanmoins être retravaillées. Aussi, si ces amendements sont adoptés, l'article 16 sera rappelé par le Gouvernement à l'issue de l'examen de la troisième partie du texte afin d'amender le plafond d'emprunt de l'Acoss.

Mme Annie Le Houerou.  - Cette mesure est nécessaire. L'Acoss ne peut plus supporter seule les déficits des branches.

Au rythme actuel, la dette sociale serait éteinte au second semestre 2032. Il existe donc une marge pour procéder à ce transfert sans remettre en cause l'équilibre de la Cades. Mais ce transfert, même s'il est techniquement soutenable et juridiquement autorisé, n'est pas une solution. Au contraire, c'est le symptôme d'un problème profond d'absence de trajectoire, de dérive des déficits. Or, vous refusez d'aller chercher les recettes là où elles se trouvent, sauf chez les pauvres ! (Murmures au centre et à droite) Nous vous avons pourtant fait de nombreuses propositions. Ce refus délibéré fragilise durablement notre modèle social. Ce transfert n'est qu'une solution transitoire. Vous glissez la poussière sous le tapis, sans rien régler.

La Cades a déjà amorti 290 milliards d'euros depuis sa création.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est une nécessité technique, mais surtout un problème politique. Il faut en effet délester l'Acoss des déficits que vous accumulez depuis des années. Mais ce n'est pas une Cades bis ! Elle ne gère pas la dette sociale.

Vous masquez que vous avez accumulé 100 milliards d'euros de déficits. En refusant toute recette, en ne réduisant pas les dépenses de manière efficiente, mais en vous contentant de les transférer sur les ménages, vous ne contribuez pas au retour à l'équilibre en 2029.

Vous creusez le déficit structurel depuis 2019 ! Sans le remboursement par la Cades d'une dette sociale que la Sécu n'avait pas à affronter seule, les comptes étaient à l'équilibre. Et vous voulez reporter au-delà des élections le moment d'assumer votre responsabilité.

M. Bernard Jomier.  - Nous prenez-vous pour des lapins de trois semaines ? Pourquoi le Gouvernement ne dépose-t-il pas un projet de loi organique pour 2026 ? Pourquoi passer par un amendement au PLFSS et reporter le règlement de cette question après 2027 ? Il y a plus de 100 milliards d'euros de dette à transférer à la Cades, et vous ne voulez pas d'une telle loi en 2026.

Le Conseil d'État a ouvert la porte à votre solution technique : très bien. Nous ne nous y opposerons pas, car nous sommes responsables. Nous ne nous drapons pas dans des postures, nous sommes favorables au compromis. Un débat sur une loi organique dans l'année précédant l'élection présidentielle dévoilerait au grand jour votre gestion catastrophique de la sécurité sociale. Voilà pourquoi vous n'en voulez pas et préférez faire passer une mesure inaperçue dans le PLFSS.

Dites un grand merci à la commission des affaires sociales !

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - La commission a constaté qu'il y avait un problème important à régler à l'Acoss et a proposé au Gouvernement, qui l'a accepté, de transférer 15 milliards d'euros de l'Acoss à la Cades.

Il faut des soins palliatifs à la sécurité sociale afin d'éviter l'aide active à mourir. (Murmures à gauche ; Mme Émilienne Poumirol affiche une moue réprobatrice.) Vous n'êtes pas contente, mais peu importe. (Marques d'étonnement et murmures désapprobateurs à gauche)

Je sollicite une suspension de séance afin d'harmoniser le reste des amendements.

Les amendements identiques nos1870 et 1871 sont adoptés.

L'article 15, modifié, est adopté.

La séance, suspendue à 19 h 40, reprend à 19 h 50.

Après l'article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°1455 rectifié bis de M. Canévet et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Nous voulons mettre fin à une dérive, le détournement du fonds de réserve pour les retraites (FRR). Créé par la loi du 17 juillet 2001, le FRR avait pour mission initiale de constituer des réserves financières pour contribuer à l'équilibre du régime général des retraites. Or, depuis la réforme des retraites de 2010, sa mission a profondément évolué. Il doit verser chaque année 2,1 milliards d'euros à la Cades pour participer à l'amortissement de la dette sociale. Résultat : l'actif a été divisé par deux en dix ans. Mettons fin à ces versements.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable. Le FRR alimente désormais la Cades à hauteur de 1,4 milliard d'euros chaque année. Cette somme garantit la solvabilité de la Cades.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Le FRR est performant. Le cadre organique relatif à la dette sociale nous limite. Retrait sinon avis défavorable.

Mme Nadia Sollogoub.  - C'était un amendement d'appel, mais M. Canévet a raison d'attirer notre attention sur cette dérive. Le système des retraites est déjà bien compromis pour l'avenir. Il est malheureux que ce fonds ait été détourné de sa vocation initiale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous sommes d'accord.

Mme Nadia Sollogoub.  - Je retire l'amendement.

Mmes Raymonde Poncet Monge, Émilienne Poumirol et Laurence Rossignol.  - Nous le reprenons !

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°1455 rectifié ter.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'objectif du FRR était de passer la bosse démographique. Il fonctionnait comme la capitalisation que vous voulez établir. Nous faisions des réserves, placées, qui devenaient des actifs financiers générateurs de revenus. Le rendement était très élevé. Si l'on avait continué de l'alimenter, il ne serait pas nécessaire d'introduire une couche de capitalisation.

Mme Émilienne Poumirol.  - Le FRR a été créé par Lionel Jospin, qui avait anticipé le mur du vieillissement et la bosse démographique. Cet argent avait effectivement un bon rendement. Le détournement de son rôle, en 2010, est regrettable. Revenons à sa vocation initiale : celle d'un fonds de réserve pour les retraites.

L'amendement n°1455 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Article 16 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°633 de Mme Doineau au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Le dispositif de cet article introduit à l'Assemblée nationale ne correspond pas à l'intention de ses auteurs, qui était que l'Acoss se finance prioritairement auprès de la Caisse des dépôts et consignations et subsidiairement sur les marchés. C'est ce qu'il s'est passé durant la crise sanitaire, comme je l'ai rappelé. Cet article ne mérite que d'être supprimé.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Les conditions de taux proposées par les établissements bancaires, même auprès de la CDC, seraient plus coûteuses pour la sécurité sociale que l'émission de titres de court terme sur les marchés financiers. L'Acoss a tout intérêt à recourir aux financements les moins coûteux. Avis favorable.

L'amendement n°633 est adopté et l'article 16 bis est supprimé.

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Article 14 (Précédemment réservé)

M. le président.  - Amendement n°1188 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Le tableau d'équilibre par branche nous inquiète. Avec de telles perspectives, nous sommes très loin de répondre aux besoins de financement de la sécurité sociale et aux besoins sanitaires de la population.

Le PLFSS repose sur un gel des prestations sociales et des pensions de retraite. Nous refusons ces choix qui s'attaquent aux plus fragiles pour préserver les plus forts.

M. le président.  - Amendement identique n°1569 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Les dépenses affichées dans le tableau d'équilibre ne répondent pas aux défis de la sécurité sociale : vieillissement, inflation, hausse des maladies chroniques. Nous contestons toute la stratégie prévue pour 2026. Le déficit est dû aux exonérations massives de cotisations sociales.

Nous partageons l'objectif d'équilibre, mais pas au prix d'une casse sociale comme le gel des prestations ou la hausse des franchises.

Nous défendons des mesures plus justes : faire davantage contribuer les plus hauts revenus et réduire les niches sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je respecte votre opposition au tableau d'équilibre, mais cet article est obligatoire dans les lois de financement de la sécurité sociale. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos1188 et 1569 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1873 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Cet amendement vise à assurer une première coordination avec les votes intervenus au Sénat. Le déficit après l'examen du texte à l'Assemblée nationale était de 23,5 milliards d'euros. Désormais, le solde serait de 17,5 milliards d'euros de déficit, soit proche du niveau initial. Nous avons rétabli les articles 6 et 7 et la rationalisation des exonérations spécifiques ; nous avons supprimé certaines niches, entre autres.

L'amendement intègre la hausse du temps de travail, pour 2 milliards d'euros environ, estimation que nous affinerons. Cette estimation ne prend pas en compte les futurs votes de la troisième partie. Voici l'état des soldes à ce stade.

M. le président.  - Amendement n°1760 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous dénonçons le ralentissement de 0,4 milliard d'euros du Fonds national d'action sociale (Fnas) de la Cnaf, qui fragiliserait les politiques familiales. Maintenons son niveau.

Ce fonds est un levier majeur de l'action sociale locale, pour la petite enfance, les centres sociaux, l'aide à la parentalité notamment. Il doit être renforcé pour garantir un service public de qualité et un soutien aux structures locales. La parentalité est un enjeu social de cohésion sociale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La commission proposait un déficit de 15 milliards d'euros en 2026, supposant de modifier l'article 40 du PLF pour annuler le transfert de la sécurité sociale vers l'État des 3 milliards d'euros issus de la réforme des allègements généraux. Compte tenu de leur nature très aléatoire, ces 3 milliards d'euros ne peuvent figurer dans le tableau d'équilibre. Ainsi, la commission propose en réalité un déficit de 18 milliards d'euros.

Les propositions de la commission concernent, pour les trois quarts, la partie recettes. D'après nos calculs, le déficit après la partie II devrait atteindre 20 milliards d'euros.

L'amendement du Gouvernement indique un déficit de 17,5 milliards d'euros. Pourquoi ? L'amendement n°1678 d'Annie Le Houerou introduit un nouveau plafond d'exemption des compléments de salaire, à 6 000 euros, ce qui rapporte 400 millions d'euros. L'amendement n°572 rectifié septies d'Olivier Henno augmente le temps de travail, pour un gain de 2 milliards d'euros de recettes pour la sécurité sociale.

Le compteur est donc un peu moins dégradé. Ne relâchons pas nos efforts pour atteindre un déficit d'environ 16 milliards d'euros, inférieur au texte initial, et surtout au texte de l'Assemblée nationale.

Avis favorable à l'amendement n°1873.

L'amendement n°1760 n'a pas d'effet juridique et fausse la prévision. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Le Gouvernement connaît bien le rôle central du Fnas, abondé fortement. Nous sommes au début de la mise en place du service public de la petite enfance. Les créations de places en crèches restent atones ; nous travaillons donc avec les collectivités territoriales pour augmenter leur nombre.

Le Fnas représente l'activité constatée : s'il y avait davantage d'activité, son montant serait supérieur.

Nous avons augmenté de 2 % le prix plafond de la prestation de service unique (PSU) : c'est une bonne nouvelle.

L'amendement n°1873 est adopté et l'amendement n°1760 n'a plus d'objet.

L'article 14, modifié, est adopté.

M. le président.  - Nous reprenons le cours normal de la discussion.

Article 17 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°634 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous voulons rétablir cet article dans une rédaction modifiée, qui approuve le rapport annexé. Ainsi, nous mettons en avant la pluriannualité de la trajectoire, qui traduit un effort pour atteindre un solde plus raisonnable.

Le déficit était de 40 milliards d'euros en 2020, sans précédent, à cause de la crise sanitaire. Il s'est redressé en 2021, à 24 milliards d'euros. En 2022, il atteignait 19 milliards, puis 10,8 milliards d'euros en 2023, grâce à l'extinction des mesures covid. Puis nouvel accroissement à cause de l'inflation, pour atteindre 15,3 milliards d'euros en 2024. C'est 23 milliards d'euros en 2025 : l'inflation est à 1 %, l'accroissement de la masse salariale du privé ralentit et les dépenses repartent à la hausse.

D'ici à 2029, le déficit atteindrait 17,9 milliards d'euros. Les efforts pour réduire le déficit doivent être expressément mentionnés. Mon amendement documente les mesures sous-jacentes à la trajectoire de retour à l'équilibre en 2029.

Les débats sur la troisième partie donneront lieu à une nouvelle actualisation.

M. le président.  - Sous-amendement n°1800 rectifié de M. Delcros et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - C'est un sous-amendement d'appel qui demande la mise en place de quatre recommandations de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale sur le financement de la CNRACL : la prise en charge par la Cnaf de la majoration pour enfants ; ensuite, l'affiliation à la CNRACL de l'ensemble des agents territoriaux ; puis la prise en charge par la Cnav du financement direct des prestations légales d'invalidité ; enfin, le report à 2027 de l'augmentation de 3 points de cotisation mis à la charge des employeurs territoriaux et hospitaliers.

Nous n'aggravons aucune charge publique.

M. le président.  - Sous-amendement n°1124 rectifié bis de M. Montaugé et alii.

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous connaissons l'importance du rôle des proches aidants. Il faut leur donner des solutions de répit pour souffler. Celles-ci restent insuffisantes dans les territoires ruraux.

La loi de 2024 a posé un cadre, le droit au répit, mais sa mise en oeuvre tarde. Les prestations doivent être explicitement intégrées dans la trajectoire de la branche autonomie. Rendons ce droit effectif.

M. le président.  - Sous-amendement n°1551 rectifié de Mme Paoli-Gagin et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Si les concours de la CNSA en direction des départements ont augmenté, les dépenses pour les personnes âgées ou en situation de handicap sont très dynamiques et vont continuer à augmenter du fait du vieillissement de la population.

Cet amendement rappelle que la politique d'autonomie doit reposer sur un partage entre la branche autonomie et les départements. L'idéal serait d'aboutir à des concours homogénéisés de la CNSA à 50 %.

M. le président.  - Sous-amendement n°1803 rectifié bis de Mme Perrot et alii.

M. Bernard Pillefer.  - Défendu.

M. le président.  - Sous-amendement n°1552 rectifié de Mme PaoliGagin et alii.

M. Jean-Luc Brault.  - Nous voulons mentionner explicitement dans le rapport annexé l'aide financière de la CNSA à destination des départements pour soutenir la mobilité des professionnels de l'aide à domicile.

M. le président.  - Sous-amendement n°1804 rectifié ter de Mme Perrot et alii.

M. Bernard Pillefer.  - Cet amendement vise le même objectif.

M. le président.  - Sous-amendement n°801 rectifié bis de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Cet amendement, très cher à Maryse Carrère...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Pas uniquement !

M. Michel Masset.  - ... vise à maintenir la prise en charge des cures thermales...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - En plus, cela rapporte à l'État !

M. Michel Masset.  - ... qui représentent 0,1 point des dépenses de la sécurité sociale, pour 233 millions d'euros. Le remboursement couvre une grande partie des forfaits thermaux. De plus, 70 % des stations se trouvent dans des territoires ruraux. Conservons un fort taux de prise en charge de la médecine thermale.

M. le président.  - Sous-amendement n°1123 rectifié bis de M. Montaugé et alii.

Mme Frédérique Espagnac.  - Le thermalisme apporte des bienfaits reconnus par les scientifiques pour les pathologies chroniques. C'est un levier reconnu de prévention. Nous voulons clarifier ce rôle utile dans la programmation pluriannuelle, et ainsi donner de la visibilité aux acteurs du thermalisme et aux collectivités qui les soutiennent.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Excellent !

M. le président.  - Sous-amendement n°1810 rectifié bis de M. Boyer et alii.

M. Jean Sol.  - Dérembourser la prise en charge du thermalisme serait lourd de conséquences. Le thermalisme est l'un des premiers employeurs de nos territoires ruraux, souvent dans des communes de moins de 10 000 habitants.

M. le président.  - Amendement n°1874 du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Cet amendement vise à assurer une première coordination avec les votes de votre assemblée.

La méthode est la même que pour l'article 14.

Le solde issu des travaux à l'Assemblée nationale était dégradé de 10 milliards d'euros par rapport à l'objectif initial, et atteignait environ 28 milliards d'euros. Après les travaux du Sénat, le solde serait de 21,7 milliards d'euros, soit une dégradation de 3,4 milliards par rapport à la trajectoire initiale.

Je demande le retrait de l'amendement n°634, qui ne prend pas en compte les derniers amendements adoptés.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Le rapport annexé est un texte important : il présente une trajectoire pluriannuelle qui vise à réduire le déficit. Vos sous-amendements proposent des insertions particulières, dans différents domaines.

Le sous-amendement n°1800 rectifié sur la CNRACL est un sous-amendement d'appel. Toutefois, le rapport annexé ne doit pas être une liste de souhaits : avis défavorable.

Même avis sur le sous-amendement n°1124 rectifié bis, pour les mêmes raisons.

Il en va de même pour les sous-amendements nos1551 rectifié et 1803 rectifié bis.

Nous sollicitons l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos1552 rectifié et 1804 rectifié ter, puisqu'ils demandent de préciser la trajectoire de la branche autonomie, pour savoir si elle intègre, à hauteur de 100 millions d'euros, le soutien à la mobilité des aides à domicile.

Avis défavorable aux sous-amendements nos801 rectifié bis, 1123 rectifié bis et 1810 rectifié bis sur le thermalisme : cela n'a pas d'effet direct sur la trajectoire financière.

Enfin, je retirerai mon amendement n°634 au profit de l'amendement n°1874, pour lequel j'émets un avis favorable, puisque vous confirmez vous inscrire, madame la ministre, dans une démarche de retour à l'équilibre.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable à tous les sous-amendements. Néanmoins, voici quelques précisions.

Sur le sous-amendement n°1800 rectifié de M. Delcros, les recettes supplémentaires espérées ne sont pas suffisamment importantes. En outre, vous allez dégrader le solde de la Cnaf et de la Cnav et donc le déficit du régime général porté par l'Acoss. Ensuite, l'affiliation à la CNRACL aurait pour effet de renchérir les cotisations employeur. Enfin, la hausse des cotisations patronales dès 2026 est nécessaire pour maintenir la soutenabilité de notre régime de retraite.

Je suis convaincue de l'intérêt du baluchonnage promu par le sous-amendement n°1124 rectifié bis. Ces prestations de suppléance relèvent toutefois principalement de la PCH ou de l'APA, déjà financées par les départements. L'inscription dans la trajectoire de la branche est inopportune.

Nous avons déjà eu le débat sur les sujets abordés par les sous-amendements identiques nos1551 rectifié et 1803 rectifié bis.

Les sous-amendements nos1552 rectifié et 1804 rectifié ter portent sur la mobilité des aides à domicile. Nous aidons déjà les départements en la matière, à hauteur de 75 millions. C'est suffisant, inutile de prévoir 100 millions. Nous pourrons revoir les choses dans le PLF 2027.

Enfin, les sous-amendements nos801 rectifié bis, 1123 rectifié bis, 1810 rectifié bis sont relatifs au thermalisme. Ces dépenses sont de l'ordre de 270 millions d'euros en 2023. Nous sommes l'un des derniers pays à rembourser les cures thermales... Nous verrons à la fin de l'examen du texte ce que nous déciderons, en fonction de la baisse du déficit atteinte. Mais le Gouvernement souhaite diminuer le remboursement des cures thermales.

L'amendement n°634 est retiré.

Les sous-amendements nos1800 rectifié, 1124 rectifié bis, 1551 rectifié, 1803 rectifié bis, 1552 rectifié, 1804 rectifié ter, 801 rectifié bis, 1123 rectifié bis et 1810 rectifié bis n'ont plus d'objet.

Mme Marion Canalès.  - Même si nous avons déposé un amendement à l'article 49, je souhaite intervenir dès maintenant. L'hypothèse d'une baisse de remboursement des dépenses thermales a ému plus que des parlementaires : les professionnels, les maires, les patients. Nous avons tous lu le rapport de la Cour des comptes. Mais nous avons lu plusieurs études de l'Association française pour la recherche thermale montrant que le service médical rendu est avéré.

Vous dites vouloir attendre la fin des débats, madame la ministre. Mais Mme Espagnac l'a dit : cela représente moins de 0,13 % des dépenses de santé ! Les cures thermales évitent des hospitalisations, comme l'a chanté Jean-Louis Murat, originaire de mon département, qui vantait les thermes de Choussy pour soigner ses « souffles affaiblis ».

Mme Monique Lubin.  - Je suis moi aussi élue d'un département thermal, les Landes. Le thermalisme est une filière économique extrêmement importante. Je sais que la sécurité sociale n'a pas à supporter certaines charges. Mais décréter que le remboursement des cures thermales passerait de 65 % à 15 % est très brutal. À la clé, ce sont des suppressions de milliers d'emplois.

Nous voulions évoquer le sujet à l'article 49. Vous dites vouloir attendre la fin des débats : vous ne répondrez pas aujourd'hui, donc... Pouvons-nous espérer ? Nous comptons sur vous pour nous aider.

Mme Corinne Féret.  - Les résidences de répit partagé ne sont pas du baluchonnage, madame la ministre. Plusieurs projets sont à l'étude. Nous attendons des confirmations écrites de soutien, notamment dans le Calvados. Lorsque j'ai interpellé le Gouvernement au début de l'année 2025, la ministre d'alors m'a répondu que cela relevait du PLFSS. Or mon amendement a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Où le placer ? J'aimerais un véritable engagement !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Les sous-amendements avaient une portée plus ou moins normative. L'amendement n°1551 rectifié de Mme Paoli-Gagin évoquait la compensation des charges dues au titre de l'APA et de la PCH. Celles-ci ont un impact sur la trajectoire financière. Émettre un avis défavorable, c'est aller vite en besogne, d'autant que l'amendement de la rapporteure générale a été retiré.

Peut-être pourrions-nous envisager une suspension de séance pour redéposer des sous-amendements à l'amendement du Gouvernement ?

Le Gouvernement peut-il nous éclairer ? Comment parvenir à une meilleure compensation au profit des départements ? Le Premier ministre a eu des paroles fortes. Quel est le calendrier ?

Mme Frédérique Puissat.  - Je parle au nom de Jean-Marc Boyer, très investi sur le sujet du thermalisme. Le Sénat accueille les Journées parlementaires du thermalisme, et beaucoup d'entre vous y ont participé.

Nous ne souhaitons pas attendre une mesure du Gouvernement pour savoir quelle sera la baisse des remboursements. Au contraire, nous souhaitons inscrire ces précisions dans la loi. Nous pouvons donc déposer de nouveaux sous-amendements, ou alors nous abordons le sujet lors de l'examen de l'article 49.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Nous pouvons faire les deux !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Pardon de revenir au coeur du sujet : la trajectoire. Monsieur le ministre, comment aboutissez-vous aux 2 milliards d'euros d'augmentation des recettes grâce aux 12 heures supplémentaires ? Avant que nous ne votions, nous aimerions avoir des explications sur vos calculs. Les efforts doivent se répartir aussi sur le patrimoine et le capital.

M. le président.  - Il est impossible de déposer de nouveaux sous-amendements une fois que les explications de vote ont débuté.

Mme Nathalie Goulet.  - Le thermalisme est très important pour nos territoires. J'allais aussi proposer de déposer des sous-amendements ! L'amendement de M. Boyer avait été largement cosigné.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous y reviendrons...

Mme Nathalie Goulet.  - Ne pas pouvoir sous-amender de nouveau, après le retrait de l'amendement n°634, est très frustrant. Nous allons devoir agir à l'article 49.

Mme Cécile Cukierman.  - Cette discussion est très surprenante, alors que l'on nous dit qu'il faut redonner du pouvoir au Parlement. C'est un peu comme les jeux de bingo à la foire : vous ne retrouvez jamais la bille. Pareil avec les sous-amendements ! On fausse les règles du débat.

La question du thermalisme n'est pas anecdotique : il s'agit de savoir quelle est notre vision de la médecine.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - La prévention !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Cela ne concerne pas l'annexe !

Mme Cécile Cukierman.  - Oui, les cures participent de la prévention, même si elles ne répondent pas aux consignes séculaires de l'Académie de médecine... Nous y reviendrons à l'article 49.

Mme Frédérique Puissat.  - Il est supprimé !

Mme Cécile Cukierman.  - Monsieur le président, je demande une suspension de séance de 5 minutes, pour trouver une solution.

M. Patrick Kanner.  - Dans le Nord, nous avons une station thermale, à Saint-Amand-les-Eaux. Je ne voudrais pas que vous vous fâchiez avec son maire, Fabien Roussel, surtout en cette période. (Sourires)

Les curistes sont souvent des personnes très modestes, qui viennent se soigner dans une logique de prévention. Notre département est très touché par les maladies respiratoires. Depuis la période romaine, les cures sont un élément majeur de bien-être pour de nombreux Nordistes. C'est un outil d'aménagement du territoire dans une zone sinistrée. Un déremboursement partiel aurait des conséquences désastreuses.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je dois faire une explication de vote, mais nous avons demandé une suspension de séance...

M. le président.  - Terminons les explications de vote. Il appartient au président de fixer le déroulement des débats.

M. Olivier Rietmann.  - Il y a un règlement...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Donc, au moment de voter la partie recettes de ce PLFSS 2026, nous faisons le bilan du coût de Kärcher de la majorité sénatoriale. (Murmures) Artistes-auteurs, CSG sur le capital, clause de sauvegarde, cotisations sociales pour les apprentis... vous avez supprimé les maigres mesures de justice sociale et vous avez rétabli les mesures injustes supprimées par l'Assemblée nationale.

Pourtant, vous disiez vouloir réduire le déficit - votre moteur ! Quant à nos propositions de recettes nouvelles, vous les avez toutes balayées !

Mme Cécile Cukierman.  - Rappel au règlement ! Il est de droit, et se fonde sur l'article 36 alinéa 3.

Je vous demande, de nouveau, une interruption de séance de 5 minutes pour trouver une solution, peut-être par le dépôt d'un nouvel amendement de la commission, qui pourrait être sous-amendé.

M. le président.  - Nous terminons les explications de vote.

Mme Annie Le Houerou.  - Rappel au règlement. Je tiens à rassurer mes collègues de droite : pour l'heure, l'article 49 n'est pas supprimé, c'est vous qui avez déposé des amendements de suppression !

M. le président.  - Je suspends la séance pour une dizaine de minutes.

La séance, suspendue à 22 h 30, reprend à 22 h 40.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - À la suite d'échanges avec l'ensemble des groupes politiques, je demande une suspension de séance de vingt minutes pour réunir la commission.

La séance, suspendue à 22 h 40, reprend à 23 h 20.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - La commission est parvenue à un texte très construit. (Sourires)

M. le président.  - Sous-amendement n°1875 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Ce sous-amendement n°1875 à l'amendement n°1874 est ainsi rédigé : « Le thermalisme propose une prise en charge pluridisciplinaire s'inscrivant dans une logique de prévention et de bien-être. »

M. Olivier Rietmann.  - Eh bien voilà !

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Permettez-moi de répondre aux questions posées avant la suspension. Madame Féret, il reste en effet des points à régler sur le relayage à domicile. Les maisons de répit sont en cours de déploiement, dont une dans le Calvados.

Nous avons lancé une mission Igas-IGF sur la compensation aux départements pour en mesurer les impacts, dans l'attente du projet de loi de décentralisation annoncé par le Premier ministre.

Le sous-amendement n°1875 n'emporte pas de changement de la trajectoire financière. Je rappelle que le déremboursement est d'ordre réglementaire. Ne voyant pas d'inconvénient à cet amendement ; sagesse.

Le sous-amendement n°1875 est adopté.

L'amendement n°1874, sous amendé, est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

La deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°49 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 224
Contre 113

La deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale est adoptée.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Merci à tous pour le travail réalisé. Nous avons débattu de sujets importants. Je remercie aussi les ministres, leurs collaborateurs et les services du Sénat. (Applaudissements)

Troisième partie

Article 18 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°1862 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Nous voulons rétablir l'article 18, qui prévoyait une participation forfaitaire sur les actes et les consultations des chirurgiens-dentistes, une franchise sur les dispositifs médicaux et un plafond pour les transports de patients.

M. le président.  - Amendement n°1327 rectifié quater de Mme Bourcier et alii.

M. Jean-Luc Brault.  - Nous voulons déplafonner les franchises médicales sur le transport sanitaire. Le coût du transport sanitaire s'est élevé à 6 milliards d'euros en 2022, en hausse de 4,4 % par an depuis 2016. Ces dépenses sont prises en charge par l'assurance maladie à plus de 90 %, or la Cour des comptes établit un lien entre dépenses et niveau de prise en charge. Allons vers un usage raisonné.

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche assurance maladie.  - La commission des affaires sociales n'a pas eu le temps d'examiner l'amendement n°1327 rectifié quater. À titre personnel, avis défavorable.

Les franchises, instaurées pour responsabiliser le patient, se transforment en outil de rendement. Procéder la même année au doublement des participations, des franchises et des plafonds et à l'extension de leur champ, cela fait beaucoup ! Probablement une centaine d'euros pour les patients en ALD, sans prise en charge par une complémentaire santé...

Ne mettons pas en place un plafond de franchise spécifique pour le transport sanitaire, qui pèserait presque exclusivement sur les patients en ALD exonérante.

Avis défavorable à l'amendement n°1327.

Vous parlez de « forfait de responsabilité », madame la ministre. Mais connaissez-vous beaucoup de patients qui vont de gaîté de coeur chez le dentiste ?

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°1327 rectifié quater, pour conserver un plafond et éviter un risque de renoncement aux soins.

Mme Anne Souyris.  - Le secteur dentaire est parmi les plus touchés par le non-recours : une personne sur dix renonce à des soins dentaires pour raison financière. Vos forfaits et franchises aggraveront les inégalités.

Le reste à charge est socialement injuste, car les ménages modestes consacrent à la santé une part plus élevée de leur revenu que les autres. Nous voterons contre cet amendement et appelons le Gouvernement à renoncer au doublement des franchises et forfaits par voie réglementaire.

Mme Corinne Féret.  - En 2025, nous fêtons les 80 ans de la protection sociale. Mais avec de telles mesures, vous remettez en cause ses fondements.

En faisant porter l'effort de redressement des comptes sociaux sur les classes modestes et moyennes, vous ferez augmenter le non-recours aux soins. Si l'on additionne toutes vos mesures, le reste à charge atteint 350 euros ! Vous pénaliserez aussi les personnes en situation de handicap.

M. Bernard Jomier.  - Cet article n'obère pas la possibilité offerte au Gouvernement de procéder par voie réglementaire.

Madame la ministre, arrêtez avec votre novlangue : votre « forfait de responsabilité », c'est du déremboursement !

Une boîte de six comprimés d'amoxicilline coûte 3,01 euros. L'assurance maladie rembourse 1,96 euro, or la franchise sera de 2 euros par boîte. Cherchez l'erreur... Vous allez dérembourser complètement des hypertenseurs, des antibiotiques, des antidépresseurs : c'est inacceptable !

Le Gouvernement nous a prévenus qu'il ferait ce qu'il voudrait, mais nous voterons contre le rétablissement de cet article.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - J'ai redéposé ces amendements pour que nous ayons ce débat sur les franchises. Leur rendement serait de 600 millions d'euros, en 2027, avec un plafond à 250 euros - et non 350 euros.

La responsabilité n'est pas seulement individuelle ; elle peut aussi être collective, pour un retour à une trajectoire de réduction du déficit. Cela n'est pas de la culpabilisation. Je n'ai cependant aucun problème à garder le terme de franchise.

Oui, nous demandons des efforts à tous les secteurs, et aux assurés aussi. (Mme Laurence Rossignol lève les bras au ciel.) Mais vous le savez, un Français sur trois -  18 millions de personnes  - ne les payent pas. Peut-être faut-il augmenter ce chiffre, mais ne rejetez pas d'un revers de main une mesure collective de réduction du trou de la sécurité sociale.

Notre reste à charge est le plus bas du monde. En Belgique, il est de 400 à 4 000 euros par an -  les patients doivent payer leurs tubulures de perfusion à chaque dialyse. Je suis fière de notre pays, mais débattons de notre modèle de financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas en augmentant les franchises tous les ans que nous réglerons le déficit de la sécurité sociale.

Mme Laurence Rossignol.  - La responsabilité, au sens moral et philosophique, suppose la responsabilité de ses actes. L'individu responsable a son libre arbitre et fait un choix moral. Où est la responsabilité dans ce cas d'espèce : ne pas acheter les médicaments prescrits ou les payer soi-même ?

Ne nous dites pas qu'on est le pays avec le plus fort taux de prélèvements obligatoires et celui où l'on rembourse le mieux ! Ce lien, nous l'assumons. Nous en sommes fiers dans les colloques internationaux, soyons-le ici aussi !

Bernard Jomier a bien montré que dès lors que les industries pharmaceutiques ont modifié le conditionnement et que vous appliquez une franchise de 2 euros sur chaque boîte, plus aucune boîte ne sera remboursée... Que répondez-vous à cela ?

Mme Annie Le Houerou.  - Vous rétablissez une nouvelle hausse des franchises médicales et participations forfaitaires, qui quadruplent depuis 2024, et faites peser l'effort principalement sur les malades. C'est injuste.

La Drees a souligné la hausse notable du reste à charge moyen, de 276 euros en 2023 à 292 euros en 2024, résultant directement du doublement des franchises et participations forfaitaires en 2024.

Les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap supportent déjà 2 000 euros de reste à charge annuel.

Le terme de « forfait de responsabilité » ne correspond pas à la réalité. Il ne s'agit pas d'éduquer les patients, mais de réduire la part prise en charge par la sécurité sociale. Nous ne pouvons pas l'accepter.

L'efficacité de la mesure est en outre contestable, car le renoncement aux soins entraîne des pathologies plus lourdes et donc plus coûteuses pour la collectivité.

M. Simon Uzenat.  - On parle beaucoup de responsabilité, mais le fait générateur est bien la situation des comptes de la sécurité sociale. S'ils étaient parfaitement à l'équilibre, il ne serait pas question de franchise. Qui est responsable de leur dégradation ? Nous le savons !

Vous parlez de budget, mais l'enjeu du PLFSS, c'est la santé des Français. Le risque de non-recours est déjà avéré. Comment votre discours peut-il être audible pour ceux qui, dans les territoires ruraux, ne trouvent pas de médecin et devront payer davantage alors que c'est le retard de prise en charge qui a dégradé leur état de santé et donc alourdi leur traitement ? Cette double ou triple peine n'est pas acceptable.

Nous voulons protéger nos concitoyens de la logique du chacun pour soi que vous dessinez. Ce sont toujours les mêmes victimes : les classes moyennes et les malades.

Mme Émilienne Poumirol.  - Pourquoi ces éléments de langage bien rodés ? Le terme de « forfait de responsabilité » masque un déremboursement, avec un risque important de non-recours.

Je ne comprends pas très bien ce qu'est la responsabilité collective. Le ticket modérateur n'a pas fait baisser les dépenses de santé.

Madame la ministre, nous ne pouvons pas être d'accord sur le partage de l'effort : nous vous proposons des recettes - que vous balayez d'un revers de main - sur des entreprises ou des familles qui ont largement les moyens de contribuer à la solidarité nationale, et vous n'avez de cesse que de nous proposer des mesures sur les patients. Ils ne font pas exprès d'être malades ! Certes, 16 000 patients voient plus de 25 médecins chaque année : ils souffrent probablement d'un problème psychiatrique. On ne va tout de même pas pénaliser 70 millions de Français parce que 16 000 personnes abusent ! (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Il existe des plafonds journaliers sur les actes et sur les transports, qui diminuent le coût pour le patient.

Certains concitoyens considèrent qu'ils pourraient payer un peu plus leurs boîtes de médicaments.

Les difficultés d'accès aux soins pourraient faire l'objet d'un sous-amendement. Ayons ce débat plutôt que de le balayer d'un revers de la main.

Il est vrai qu'un effort de 42 euros par an en moyenne est demandé aux patients, en tout cas pour ceux qui les paient - en ALD, c'est 75 euros.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Tout est dit sur l'hypocrisie et la novlangue qui conduisent à appeler « mesure de responsabilité » une mesure de déremboursement.

La bonne mesure de dépense, c'est celle qui améliore l'efficience. Là, vous ne réduisez pas la dépense ; vous la transférez sur les malades. Mais l'année suivante, cela recommence. Ce n'est pas du tout notre voie. Le transfert d'un milliard d'euros aux complémentaires santé, par exemple, est un fusil à un coup.

M. Ronan Dantec.  - Le taux de couverture joue sur les comportements. Nous venons de suspendre la séance après avoir débattu de celui des cures thermales. J'attends la réaction du Sénat sur le sujet important des médicaments...

Vous pénalisez les Français, quels que soient leurs revenus. (Mme Stéphanie Rist le conteste.) C'est profondément injuste. Il me semblait que le Gouvernement cherchait un accord avec le Parlement. Or vous revenez sur ce qu'a voté l'Assemblée nationale ! Cela interroge. Quelle est votre stratégie pour parvenir à un accord ?

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Les personnes qui relèvent de la complémentaire santé solidaire (C2S) ne paient pas les franchises.

C'est par transparence que j'ai déposé cet amendement, pour débattre avec vous. Le décret est prêt, mais n'est pas signé. Il ne le sera pas pendant nos débats. Nous verrons ce qu'il en est en fonction du déficit final, à la fin de l'examen du PLFSS. Mais il est de mon devoir, en tant que membre du Gouvernement, de laisser le Sénat s'exprimer.

Mme Marion Canalès.  - Le forfait de responsabilité n'est rien d'autre qu'un déremboursement. Cet article a fait débat à l'Assemblée nationale. Le Cese s'inquiète de cette disposition, qui risque d'accentuer le non-recours aux soins. Cela entraînera un report de charges.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je rejoins mes collègues de gauche. Cette mesure est profondément injuste. Ne signez pas ces décrets, madame la ministre ! On ne choisit pas d'être malade. Ces dispositions développeront le non-recours et toucheront nos concitoyens les plus précaires, les travailleurs et les travailleuses au Smic. On casse la solidarité. De surcroît, le non-recours coûtera in fine beaucoup plus cher à la sécurité sociale.

M. Martin Lévrier.  - Je remercie Mme la ministre d'avoir ouvert ce débat d'orientation. Merci de nous avoir écoutés.

Vous avez rappelé que certaines personnes n'étaient pas concernées : c'est un élément important.

Quelque 16 000 personnes abuseraient, mais je ne connais personne qui trouve du plaisir à consulter son chirurgien-dentiste. (Sourires) De plus en plus de problèmes dentaires apparaissent, parce que les patients ont la terreur du dentiste. Des franchises ajouteraient un obstacle supplémentaire.

L'amendement n°1862 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1327 rectifié quater, et l'article 18 demeure supprimé.

Après l'article 18 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°1863 du Gouvernement.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Cet amendement prévoit que les assurés paient directement les participations forfaitaires et les franchises auprès des professionnels de santé.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cela posera de nombreux problèmes techniques à ces professionnels : à titre personnel, avis très défavorable.

Mme Anne Souyris.  - Nous sommes contre le principe des franchises. Cet amendement prévoit que le patient s'acquitte de ce forfait auprès du professionnel de santé, qui devra le reverser à l'assurance maladie. Ce serait d'une complexité administrative monstre ! Cette semaine encore, le Premier ministre a appelé à la simplification. À croire qu'elle ne concerne que le droit de l'environnement. Cet amendement altère profondément la relation entre le patient et le professionnel de santé. La fonction des soignants, c'est de soigner !

Le groupe écologiste votera contre cet amendement.

M. Bernard Jomier.  - Je rejoins la rapporteure. On marche sur la tête, madame la ministre ! Depuis des années, les logiciels de l'assurance maladie ont évolué. Cela a pris du temps, mais désormais, ils sont reliés aux mutuelles.

Avec ce que vous proposez, les patients devront s'acquitter de ces franchises par carte bancaire - les banques se réjouiront - ou en espèces ; le médecin devra-t-il apporter son sac de pièces à l'assurance maladie en fin de journée ? Quand on a une idée aussi géniale, on pense aussi à la tuyauterie... Si elle n'est pas prête, on s'abstient de la mettre en oeuvre.

J'essaie de comprendre : votre souhait est que les assurés sachent ce que la santé coûte. (Mme Pascale Gruny renchérit.) Mais je ne comprends pas votre entêtement à faire encaisser la franchise par les professionnels de santé.

Mme Pascale Gruny.  - Bien sûr !

L'amendement n°1863 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1251 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement et le suivant visent à assurer la continuité de la prise en charge des frais de santé des Français établis à l'étranger à leur retour en France. Ils ont beau avoir été assurés à la sécurité sociale française avant leur départ, ils sont soumis, à leur retour, à un délai de carence de trois mois - c'est très long, plus long qu'il ne faut pour éviter que l'on ne profite de vacances pour se faire soigner en France ! Certains se retrouvent dans un vide juridique, sans couverture maladie en France.

Nous renvoyons à un décret pris en Conseil d'État le soin de préciser les modalités de prise en charge des frais de santé pour ces cas particuliers.

M. le président.  - Amendement n°1284 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - L'amendement n°1284, volontairement plus vague, laisse plus de marges de manoeuvre au décret, en visant une prise en charge « dans les meilleurs délais après le retour sur le territoire », et non « à leur retour ».

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Il s'agit du cas particulier des Français qui reviennent de l'étranger et ne peuvent justifier d'une condition de résidence stable et régulière ni d'un emploi sur le territoire national. Avis favorable à l'amendement n°1284, déjà adopté par le Sénat lors de deux précédents PLFSS. Demande de retrait de l'amendement n°1251.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Ces amendements sont satisfaits : retrait, sinon avis défavorable. S'il y a des trous dans la raquette, je suis prête à apporter une réponse par voie réglementaire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Je privilégie une accroche législative. Lors de la pandémie de covid-19, le gouvernement d'alors, dont je faisais partie, avait proposé un amendement au projet de loi de finances rectificative de mars 2020 pour suspendre le délai de carence de trois mois. Le 26 mai 2020, le Sénat en avait voté la prolongation.

Il serait utile de pérenniser cette mesure, car certains Français établis à l'étranger doivent parfois revenir précipitamment en France à la faveur de crises ou de guerre. Je voterai ces amendements, avec une préférence pour l'amendement n°1251, plus précis. Le fait générateur est bien le retour sur le territoire national.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Plusieurs exceptions permettent déjà une affiliation immédiate au retour de l'étranger : reprise d'activité professionnelle, rattachement familial, retour après un volontariat international. D'autres dispositifs assurent une couverture transitoire, notamment les allocations chômage d'un État de l'Union ou l'affiliation préalable à la Caisse des Français de l'étranger.

Je suis disponible s'il existe encore, malgré tout, des cas non couverts.

Mme Mélanie Vogel.  - L'amendement n°1251 est plus efficient.

Il existe effectivement des exceptions, si l'on est affilié à la CFE, ou si l'on a un emploi dès son retour. Mais d'autres -  des gens qui ont parfois cotisé à la sécurité sociale pendant des décennies, qui reviennent s'installer en France, qui ont trouvé un emploi mais ne vont l'occuper qu'au bout d'un mois  - n'ont aucune couverture !

Le coût de cette mesure serait modique. M. Lemoyne l'a dit, beaucoup de nos compatriotes établis à l'étranger, aux États-Unis par exemple, se posent désormais la question du retour en France, compte tenu du contexte géopolitique. Votons l'amendement n°1251.

Mme Laurence Rossignol.  - Madame la ministre, l'amendement n'est que partiellement satisfait. En témoignent les mesures d'urgence que le gouvernement de l'époque a dû prendre en urgence lors de la pandémie.

Ce sujet est régulièrement porté par nos collègues sénateurs des Français de l'étranger.

Nous devons agir sur le plan législatif. Le Gouvernement s'honorerait à émettre un avis favorable sur l'amendement de Mélanie Vogel. Cela rassurerait les Français concernés.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Nous avons privilégié l'amendement n°1284, car il est plus opérationnel.

Certaines situations sont déjà traitées, c'est vrai, mais pas toutes. Je songe à ce couple avec un enfant handicapé, rentré en France sans emploi, qui a eu le plus grand mal à retrouver des droits.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - L'amendement n°1251 me convient parfaitement. Quid des étudiants qui partent étudier un an à l'étranger ? Doivent-ils attendre trois mois pour retrouver leurs droits à leur retour en France ?

L'amendement n°1251 n'est pas adopté.

L'amendement n°1284 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°778 rectifié de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement, récurrent, s'inspire d'une mission d'information sénatoriale qui traitait notamment des opérations esthétiques réalisées à l'étranger à bas coût.

Nous parlions tout à l'heure de responsabilité : pourquoi serait-ce à la solidarité nationale d'assumer la réparation d'implants capillaires ou de rhinoplasties ratés à l'étranger ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Je comprends l'intention. Alors que le Gouvernement réclame des efforts accrus aux assurés, pourquoi prendrait-on en charge les conséquences d'opérations esthétiques réalisées par des professionnels peu qualifiés dans des pays extra-européens ?

Pour autant, le principe même de l'assurance maladie repose sur une prise en charge de tous les risques de santé, y compris ceux dont les assurés sont directement responsables -  pratique d'un sport dangereux habitudes alimentaires, etc. De plus, ces opérations de chirurgie esthétique ratées peuvent avoir des conséquences vitales...

Pour lutter contre le phénomène, mieux vaut privilégier la prévention, notamment sur les réseaux sociaux. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable. Dès lors que les assurés y ont droit, il n'y a aucune raison de refuser les soins. Il est délicat de déterminer la responsabilité du malade dans sa maladie -  cela peut conduire loin. Il faut privilégier l'information et l'éducation à la santé.

Mme Laurence Rossignol.  - Je reconnais bien le sens de la rigueur de Nathalie Goulet. Cet amendement sanctionne la bêtise : la sécurité sociale n'aurait pas à payer pour des gens assez bêtes pour aller subir des soins esthétiques à l'étranger, dans des conditions sanitaires douteuses.

C'est tentant, mais ce n'est pas juste. Si l'on commence à ne plus soigner les conséquences de la bêtise, cela risque d'aller très loin ! N'entrebâillons pas cette porte. (Mme Nadia Sollogoub acquiesce.)

Je pense aussi aux soins dentaires prodigués dans des pays européens, qui peuvent parfois nécessiter des rattrapages en France. Va-t-on aussi les dérembourser ?

Je comprends l'intention, mais cet amendement n'est pas la bonne solution.

Mme Anne Souyris.  - Je rejoins Corinne Imbert : on ne peut pas refuser de soigner au motif que le malade serait responsable de son mal. Quid du fumeur qui développe un cancer ? Certains pays ont fait un autre choix. (Mme Stéphanie Rist le conteste.) J'espère qu'en France, on continuera à soigner les gens sans les juger.

En revanche, des sanctions doivent être prises contre ceux qui pratiquent la médecine esthétique illégale, y compris en France, avec des catastrophes sanitaires à la clé. Ce sera bien plus efficace !

Mme Émilienne Poumirol.  - L'amendement de Mme Goulet peut paraître tentant, de prime abord. Mais les médecins prêtent le serment d'Hippocrate.

Mme Pascale Gruny.  - Très bien !

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous nous engageons à soigner tout le monde. Va-t-on dérembourser le traitement des maladies liées au tabagisme, à l'alcoolisme, à la sédentarité ? Nous pourrions multiplier les exemples.

Conservons ce principe, qui fait la noblesse de notre métier.

L'amendement n°778 rectifié est retiré.

M. le président.  - Nous avons examiné 150 amendements au cours de la journée, il en reste 619.

Prochaine séance aujourd'hui, dimanche 23 novembre 2025, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du dimanche 23 novembre 2025

Séance publique

À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence : M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2026 (n°122, 2025-2026)