Service des études juridiques (mars 2009)
ALLEMAGNE
Le code de procédure pénale adopté en 1877 a été modifié à de nombreuses reprises. Une réforme importante a eu lieu en 1975, lorsque le juge d'instruction a été supprimé et la conduite de la phase préliminaire de la procédure transférée au ministère public. Le code de procédure pénale précise que cette phase de la procédure vise à vérifier s'il convient de prononcer une mise en accusation. Si le ministère public a de nombreuses attributions, il ne peut toutefois pas prescrire toutes les mesures nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions. Certaines, qui portent particulièrement atteinte aux libertés publiques, sont subordonnées à l'autorisation d'un juge, « le juge de l'instruction ». Par ailleurs, la décision de poursuite du ministère public fait l'objet d'un contrôle par la juridiction de jugement, qui décide de l'ouverture de la procédure principale si les soupçons lui semblent suffisamment fondés. |
1) Les acteurs de l'instruction
Le code de procédure pénale confie l'instruction au ministère public , considéré comme un « organe autonome de l'administration de la justice », en précisant qu'il instruit à charge et à décharge.
Le ministère public fait réaliser la plupart des actes d'instruction par la police . Les affaires les plus graves, qui ne peuvent pas être suivies par la police de sécurité générale du Land , sont prises en charge par la police criminelle de la Fédération ou des Länder . Il s'agit de services de police spécialisés dont les membres font partie des ministères de l'intérieur de la Fédération ou des Länder . Dans la procédure pénale, la police est considérée comme un auxiliaire du ministère public . À ce titre, ses agents sont soumis aux ordres du ministère public.
Le code de procédure pénale charge la police de traiter directement les plaintes et d'enquêter sur les infractions. Bien qu'il lui impose de communiquer « sans retard » au ministère public le résultat de ses investigations, la police utilise largement son pouvoir autonome d'enquête . En pratique, l'enquête devient ainsi souvent exclusivement policière, notamment pour les affaires relevant de la petite criminalité, et le ministère public ne se charge que d'en contrôler la régularité.
Le rôle du juge pendant l'instruction est limité : il intervient sur requête du ministère public pour autoriser les mesures d'information les plus attentatoires aux droits et aux libertés. Certaines mesures qui relevaient traditionnellement de la compétence du juge ont été transférées au ministère public au cours des dernières années. Ainsi, depuis la réforme du code de procédure pénale de 1975, ce dernier peut contraindre les témoins et les experts à comparaître.
2) Le statut du ministère public
Il existe un ministère public fédéral, qui est chargé des infractions les plus graves portant atteinte à la Fédération (crimes contre la sûreté de l'État, terrorisme, etc.). Par ailleurs, dans chaque Land , il y a un ministère public. Le ministère public fédéral n'est pas le supérieur de ceux des Länder , mais les différents parquets sont fortement hiérarchisés .
La Loi fondamentale contient des dispositions relatives aux magistrats - elle garantit notamment leur indépendance -, mais est muette sur le ministère public. C'est la loi relative à l'organisation judiciaire qui détermine le statut du ministère public.
Le ministère public fédéral est composé du procureur général fédéral et des procureurs fédéraux. Il est placé sous l'autorité du ministre fédéral de la justice . Ses membres sont nommés par le président de la République fédérale, sur proposition du ministre fédéral de la justice après que le Bundesrat a donné son accord. Les ministères publics des Länder sont organisés suivant des règles analogues.
Les membres du ministère public ont des qualifications professionnelles équivalentes à celles des magistrats puisqu'ils doivent suivre la formation commune à toutes les professions juridiques (avocats, procureurs et juges). Si certains choisissent de faire toute leur carrière au sein du ministère public, d'autres commencent leur vie professionnelle au ministère public et passent ensuite à la magistrature.
Les procureurs sont des fonctionnaires, et la loi sur l'organisation judiciaire leur impose d'obéir aux directives de leurs supérieurs. Celles-ci peuvent être d'ordre général ou porter sur une affaire en particulier . La loi précise que les membres du parquet agissent en qualité de représentants du « premier fonctionnaire » et qu'un supérieur hiérarchique peut agir à la place d'un subordonné ou lui enlever une affaire pour la confier à une autre personne. Toutefois, les procédures disciplinaires entamées contre les membres du ministère public sont portées devant les juridictions disciplinaires des magistrats du siège.
Le ministère public peut recevoir des ordres du ministre de la justice . La Cour constitutionnelle fédérale considère qu'il fait partie intégrante de l'exécutif. En pratique, il semble que le ministre de la justice s'abstienne de donner des instructions au ministère public, notamment dans des affaires particulières.
Le code de procédure pénale pose le principe de légalité des poursuites , mais y apporte quelques exceptions : avec l'accord du tribunal qui aurait été compétent, le ministère public peut en particulier renoncer à poursuivre des infractions de faible importance et qui ne troublent pas gravement l'ordre public.
3) L'indépendance de l'organe d'instruction
Le ministère public dirige la procédure d'instruction, et le code de procédure pénale lui permet de requérir de toutes les administrations tous les renseignements dont il a besoin .
Sa liberté dans la conduite de l'instruction n'est pas totale, car il a besoin de l'autorisation du juge de l'instruction pour mettre en oeuvre certaines mesures particulièrement attentatoires aux libertés publiques et aux droits de la personne comme les saisies, les écoutes téléphoniques, les mesures secrètes de surveillance, les perquisitions, etc. Le juge apprécie alors la légalité des mesures demandées par le ministère public « eu égard aux circonstances ».
En cas d'urgence, le ministère public peut empiéter sur les compétences du juge : il peut ainsi ordonner une saisie, une perquisition ou un examen corporel. La validité de certaines de ces mesures est subordonnée à une confirmation du juge. Ainsi, les écoutes téléphoniques doivent cesser si elles ne sont pas confirmées dans les trois jours par le juge. L'appréciation de l'urgence appartient au ministère public (1 ( * )) . Cependant, quelles que soient les circonstances, le juge de l'instruction est seul compétent pour ordonner la mise en détention provisoire ou pour procéder à des auditions sous serment.
4) La séparation de l'instruction et du jugement
Les phases d'instruction et de jugement sont séparées par la procédure intermédiaire , pendant laquelle le tribunal, au cours d'une audience qui n'est pas publique, exerce un contrôle sur la décision de poursuite.
Une fois l'instruction terminée, le ministère public peut classer l'affaire ou engager les poursuites s'il estime les charges suffisantes. Dans ce cas, il adresse à la juridiction de jugement l'acte d'accusation assorti d'une demande d'ouverture de la procédure principale ainsi que le dossier d'instruction. C'est seulement si elle estime les soupçons suffisamment fondés que la juridiction de jugement décide de l'ouverture de la procédure principale.
Le code de procédure pénale précise que le tribunal, dans son appréciation des faits, n'est pas lié par la requête qui a fondé l'ouverture de la phase de jugement et qu'il peut décider de rechercher et de prendre en considération d'autres preuves : « Pour la recherche de la vérité, le tribunal doit d'office étendre l'instruction à tous les faits et moyens de preuve utiles à la décision ». Le jugement ne peut en effet que se fonder sur le résultat des débats , c'est-à-dire sur les faits présentés à l'audience et contradictoirement discutés. Du reste, lorsque l'affaire est jugée par un jury populaire, le dossier d'instruction est transmis aux juges professionnels, car on estime qu'ils ne sont pas susceptibles de se laisser influencer, mais la communication du dossier aux jurés fait l'objet d'une controverse, qui n'a pas été tranchée définitivement.
* (1) La Cour constitutionnelle fédérale exige la motivation de l'urgence, mais la nullité des actes ainsi pratiqués n'est encourue que lorsque le recours à la contrainte apparaît arbitraire.