TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
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Projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie
de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin
NOR : EAEJ2322722L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I. Situation de référence
L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie de gendarmerie franco-allemande sur le Rhin, constitue une nouvelle étape importante dans le développement de la coopération policière, ancienne, entre les deux pays.
La création d'unités de gendarmerie chargées du contrôle de la navigation du Rhin en secteur franco-allemand est intervenue dès 1968, pour la brigade de Strasbourg. La création ultérieure des brigades de Neuf-Brisach (1969) puis de Gambsheim (1974) a abouti à la constitution de la compagnie fluviale de gendarmerie du Rhin, rassemblant ces trois unités opérationnelles. Cette création faisait suite à la mise en place, le 1er janvier 1968, d'une police allemande en uniforme (Wasserschutzpolizei), en lieu et place du service de la navigation chargé auparavant du contrôle et de la surveillance de la voie d'eau. Depuis la création de ces unités fluviales sur le secteur franco-allemand du Rhin, une coopération policière bilatérale s'est établie de manière pragmatique entre les deux États.
À la suite de l'entrée en vigueur, en mars 1995, de la Convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS)1(*), la France avait élaboré un modèle d'accord-type de coopération transfrontalière en matière policière et douanière, afin de décliner les dispositions de la CAAS sur une base bilatérale et de permettre une coopération le cas échéant plus avancée que celle permise par ce socle multilatéral. Six accords de ce type ont, au total, été signés avec chacun de nos partenaires limitrophes entre 1997 et 2001.
C'est dans ce contexte qu'avait été signé entre la France et l'Allemagne en 1997 l'Accord de Mondorf2(*). Cet accord a offert un premier cadre juridique intégré et moderne à la coopération transfrontalière franco-allemande en matière policière et douanière, laquelle s'appuyait précédemment sur des accords bilatéraux dont la portée restait limitée3(*) et sur une sédimentation de textes locaux parcellaire et sans véritable valeur juridique.
Le corpus juridique régissant la coopération relative à la navigation sur le Rhin franco-allemand s'est parallèlement étoffé en 2000, avec la signature d'un accord répondant aux spécificités de la navigation sur le Rhin et aux problématiques propres à la police de la navigation sur celui-ci : il s'agit de l'Accord de Vittel4(*).
La volonté d'approfondissement de la coopération policière entre États membres de l'Union européenne s'est affirmée dans les années 2000, sans cependant réussir à se concrétiser dans le cadre de l'UE et de ce qui était à cette date le troisième pilier (intergouvernemental) relatif à la justice et aux affaires intérieures. Une initiative multilatérale a été lancée par un petit groupe d'États membres (les trois États du Benelux, l'Allemagne et l'Autriche), inspirée du concept de coopération renforcée qui était alors assez prégnant, afin de poser les fondements d'une coopération policière plus intégrée.
Cette initiative s'est concrétisée au travers de la signature du Traité de Prüm5(*), dont l'essentiel des dispositions ont par la suite été intégrées dans le droit de l'UE au travers de la décision Prüm6(*). Elle a, à cet égard, contribué à impulser une nouvelle dynamique dans la coopération policière entre États membres, d'autant plus opportune que l'Union a parallèlement inscrit son action en la matière dans une nouvelle ambition : celle de créer et renforcer un « espace de liberté, de sécurité et de justice » (titre V de la troisième partie du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).
Dans ce contexte, la proposition faite par la gendarmerie de la région d'Alsace et la police du Land de Bade-Wurtemberg en 2007 en faveur de l'établissement de formes de coopération plus intégrées en matière de coopération sur le Rhin, voire d'une mutualisation de leurs unités fluviales, est apparue particulièrement pertinente. Le nouveau cadre juridique offert par le droit de l'UE semblait en tous cas de nature à permettre de porter cette ambition.
Dans le cadre de « l'agenda franco-allemand 2020 », adopté le 4 février 2010, les deux gouvernements ont donc exprimé leur volonté « [d'] approfondir et systématiser la coopération policière en zone frontalière, notamment en créant une unité fluviale franco-allemande sur le Rhin ». Cette intention a été consacrée par la négociation de l'Arrangement administratif entre le commandant de la région de gendarmerie d'Alsace et le ministre de l'Intérieur du Land de Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie fluviale commune sur le Rhin, signé à Strasbourg le 19 avril 20117(*).
Dans l'attente de la création définitive d'une unité fluviale commune, proprement intégrée, l'arrangement a permis la systématisation d'une conception commune du service entre les cinq unités fluviales (trois unités françaises, deux unités allemandes) et la généralisation progressive des patrouilles et des interventions communes de la cinquantaine de gendarmes français et policiers allemands affectés dans ces unités, compétents sur les quelques 164 kilomètres du Rhin franco-allemand.
II. Historique des négociations
Les premières réflexions bilatérales en vue de la pérennisation de l'unité fluviale franco-allemande sur le Rhin, inaugurée le 9 mars 2012, ont débuté dès la fin de l'année 2011. Ces travaux, menés au long des années 2011 et 2012 ont visé à dresser un premier bilan du fonctionnement à titre expérimental de l'unité, à déterminer les principes d'organisation ou de fonctionnement qui devaient être revus et à préciser les modalités d'emploi des agents de l'unité et les dispositions applicables à son activité opérationnelle. Ils se sont en particulier nourris tant des engagements opérationnels de l'unité que de son fonctionnement quotidien, dans un contexte permettant de confronter des cultures et organisations professionnelles très différentes et de créer des habitudes de travail communes. Dans ce contexte, si les enjeux juridiques ont constitué un aspect essentiel des réflexions, le processus proprement conventionnel est néanmoins passé au second plan, la formalisation de la pérennisation de l'unité appelant un premier lieu la juste définition des intentions institutionnelles et opérationnelles de la coopération et une définition précise des paramètres de mise en oeuvre à privilégier.
La négociation bilatérale, à proprement parler, a débuté en 2013. Une phase d'échanges, en lien avec les attendus stratégiques et les termes opérationnels de la coopération, a porté sur la nature juridique de l'engagement nécessaire pour pérenniser l'unité.
Au regard du contenu de la coopération envisagée et de la volonté d'assurer la parfaite sécurité de l'instrument négocié, la forme d'un accord intergouvernemental a été privilégiée. Cette forme s'avérait d'autant plus pertinente que le futur accord s'appuierait sur un socle juridique pluriel, combinant les instruments européens et bilatéraux relatifs à la coopération policière transfrontalière et le corpus juridique propre aux problématiques rhénanes, et que certaines de ses dispositions excéderaient a priori la limite des attributions du seul ministère de l'Intérieur côté français. Le choix d'un tel vecteur juridique permettait en outre, en tant que de besoin, de pouvoir inclure, pour la partie française, des dispositions de nature législative.
S'agissant de l'identité des parties contractantes, il s'avérait nécessaire de tenir compte des exigences constitutionnelles des deux États : côté français, la conclusion d'accords internationaux ne peut en principe intervenir qu'avec des sujets de droit international, mais il est admis que la France puisse signer des accords internationaux avec des entités fédérées d'États étrangers si celles-ci sont habilitées par leur droit interne à conclure de tels accords8(*).
Côté allemand, dans la mesure où la sécurité publique constitue par principe une compétence des Länder et où ces derniers se voient reconnaître par la Loi fondamentale du 23 mai 19499(*) (article 32) une capacité à contracter des engagements avec des États étrangers dans leurs domaines de compétence (sans préjudice des compétences attribuées à la fédération), le Land de Bade-Wurtemberg devait être regardé comme la partie contractante compétente pour conclure un tel engagement. Les autorités fédérales allemandes ont d'ailleurs, conformément à leurs procédures internes, validé le projet d'accord avant sa signature par les autorités bade-wurtembergeoises.
Les travaux menés entre 2013 et 2016 ont permis de consolider la trame de l'accord et de stabiliser la plupart de ses dispositions. La durée de la négociation peut sembler longue mais, compte tenu de la complexité du projet et de son caractère novateur (première unité bilatérale ayant un rôle proprement opérationnel10(*)), il semblait essentiel d'assurer la parfaite sécurité juridique de l'organisation et du fonctionnement de l'unité, en veillant notamment à l'adéquation des dispositions du texte avec les besoins opérationnels des agents de l'unité et en adaptant le dispositif envisagé en fonction des retours d'expérience opérationnels et des besoins des administrations contribuant à la mise en place de l'unité commune. Un travail important a par ailleurs été réalisé dans cette période sur les questions linguistiques.
Si les discussions ont connu une discontinuité en 2017-2018, dans le contexte notamment du renouvellement des équipes impliquées dans l'animation de ce projet côté français puis côté allemand, une nouvelle impulsion a pu être donnée aux négociations bilatérales à l'automne 2018 et les derniers points en suspens ont pu être arbitrés courant 2019. La négociation de l'accord s'est donc achevée, pour l'essentiel, en octobre 2019. Cependant, alors que la signature de l'accord aurait dû intervenir début 2020, elle a dû être repoussée à trois reprises, dans le contexte notamment de la crise sanitaire11(*).
L'accord a finalement été signé le 6 juillet 2022 par la Préfète de la région Grand-Est, préfète de la Zone de Défense et de Sécurité Est et préfète du Bas-Rhin, Mme Josiane CHEVALIER, et par le vice-Ministre-Président du Gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg, ministre de l'Intérieur, de la numérisation et des communes du Land, Thomas STROBL.
III. Objectifs de l'accord
Trois idées-maitresses ont conduit à la négociation de cet accord et ont guidé les travaux menés :
- le premier objectif était d'offrir à la coopération policière sur le Rhin le bénéfice des outils juridiques les plus modernes et les plus ambitieux, en s'appuyant notamment sur le corps de la coopération policière européenne et en mobilisant l'ensemble des engagements internationaux et bilatéraux pertinents au regard des attendus opérationnels du projet ;
- le deuxième objectif était d'apporter une grande latitude opérationnelle aux unités participant au fonctionnement de l'unité commune. À ce titre, la situation où l'exercice des compétences de la police de la navigation relevait d'une logique d'essence interétatique et où la coopération bilatérale constituait finalement une modalité d'action parmi d'autres pour les unités de chaque pays laissait place à une configuration où la police de la navigation sur le Rhin procède d'une conception commune et où la mixité des engagements constitue un principe ordonnateur de l'activité opérationnelle ;
- le troisième objectif était d'assurer la robustesse du cadre juridique de pérennisation de l'unité conjointe, compte-tenu du rôle directement opérationnel de l'unité commune et de la pertinence qu'elle avait démontrée dans sa phase d'expérimentation.
IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord ou convention
Cet accord emporte des conséquences de nature financière et administrative, de nature économique, sociale et environnementale, et de nature juridique.
a. Conséquences administratives et financières
La compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin (CG2FA) ne constitue pas une unité unique qui disposerait d'une personnalité juridique propre (indépendante) : même si le choix d'une intégration opérationnelle poussée a été fait dans le fonctionnement de l'unité, la compagnie est constituée - à l'instar des centres de coopération policière et douanière - de deux détachements nationaux. Ce système permet en effet d'assurer la conformité de la coopération envisagée au regard des exigences liées à la souveraineté policière des deux États sur leur territoire et à leurs règles de procédure pénale, ainsi que de préserver l'intégrité des chaînes de commandement et d'assurer le respect des règles budgétaires des deux États.
L'effectif total de la compagnie est de 56 agents, répartis dans quatre entités françaises et allemandes. La structure de commandement, basée à Kehl, est constituée de 8 agents (3 français et cinq allemands). L'unité opérationnelle de Kehl regroupe les agents affectés dans la brigade fluviale de gendarmerie de Strasbourg (8 militaires) et le Dienstgruppe de Kehl (10 policiers). L'unité opérationnelle, située en amont et localisée à Vogelgrun, regroupe les effectifs de la brigade fluviale de gendarmerie de Vogelgrun (8 militaires) et du Wasserschutzpolizeiposten de Breisach (8 policiers). Enfin, l'unité opérationnelle sise en aval, à Gambsheim, comprend les effectifs de la brigade fluviale de gendarmerie (8 militaires) et du Wasserschutzpolizeiposten (6 policiers).
Les agents de chaque État restent donc affectés dans une formation administrative de la gendarmerie nationale ou un service de la police bade-wurtembergeoise, qui constitue le point de référence pour leur gestion administrative et statutaire et pour leurs habilitations administrative et judiciaire. De même, les emprises immobilières, les équipements et les véhicules de la compagnie sont - en quasi-totalité (confer infra) - la propriété de l'une ou l'autre partie, même si des mécanismes de péréquation financière existent.
Dans son fonctionnement opérationnel, la compagnie constitue en revanche pleinement une unité mixte. Aucun service opérationnel, qu'il soit planifié ou qu'il réponde à un besoin d'intervention, n'est effectué par des agents d'un seul État. Cela permet notamment d'assurer la parfaite licéité des engagements communs - leur situation étant assimilable à celle de toute patrouille mixte ou d'une opération commune réalisée en vertu du droit de l'Union européenne (notamment la décision Prüm précitée) et des engagements franco-allemands - et garantit la pleine sécurité juridique des actes accomplis par les agents de la compagnie, quel que soit le lieu de leur intervention.
Pour mémoire, la compagnie assume l'ensemble des missions dévolues aux unités fluviales des deux pays sur le Rhin (le fonctionnement de l'unité commune ne posera à cet égard pas de difficulté car les responsabilités des unités étaient les mêmes de part et d'autre du Rhin) : surveillance et contrôle de la navigation fluviale ; prévention, constatation et poursuite des infractions à la navigation fluviale et, plus généralement, de l'ensemble des infractions commises sur le Rhin ou à ses abords ; constatation des accidents survenant sur les voies navigables relevant de la compétence de la compagnie et constatation des accidents ayant un lien avec la navigation ; secours aux personnes et assistance aux navires, en cas d'accident ou de danger ; investigations subaquatiques, dans le cadre de missions de police administrative comme de police judiciaire (domaine dans lequel une coopération bilatérale existe de longue date) ; appui à la sécurité de grands événements ; patrouilles communes sur les berges du Rhin et aux abords.
La réalisation d'engagements mixtes, moyennant une planification du service rigoureuse, permet en outre d'assurer une efficacité opérationnelle maximale : cela a notamment permis, dès le début de la phase d'expérimentation, un fort accroissement des engagements opérationnels des unités et une utilisation optimisée des moyens des unités.
On soulignera à cet égard les conséquences financières vertueuses de cette coopération, qui ne se traduit pas par la contraction de charges financières nouvelles revêtant un caractère certain, direct et immédiat pour les finances publiques.
Tout d'abord, chaque partie pourra être amenée à devoir procéder au remplacement de certains des véhicules et matériels utilisés par ses agents dans le cadre de l'unité commune. Les parties pourront ainsi vouloir acquérir des véhicules ou matériels plus performants (d'un point de vue opérationnel ou d'un point de vue budgétaire), ces dépenses ne seront par nature pas différentes de celles qui auraient en toute hypothèse incombé aux administrations concernées du fait de l'attrition, de l'obsolescence ou du manque de performance des véhicules et équipements considérés. Elles peuvent donc être regardées comme relevant des dépenses de fonctionnement courant incombant normalement à l'administration12(*).
De plus, d'un point de vue technique comme budgétaire, l'emploi commun des véhicules et équipements permet une optimisation de leur utilisation opérationnelle, qui permet de réduire les coûts de fonctionnement normalement supportés par les unités concernées. Il en va de même pour les emprises immobilières de la compagnie, les équipements des unités et les frais de service courant. La mutualisation des coûts d'investissement et de fonctionnement permet des économies non négligeables.
Enfin, le fait qu'une coopération franco-allemande se soit nouée entre les unités fluviales des deux États a d'ores et déjà permis de mobiliser des financements non-nationaux, notamment des financements de l'UE, au profit de ces unités. C'est le cas par exemple du nouveau sonar que la compagnie de gendarmerie fluviale de Strasbourg a acquis en 2020, en remplacement de son précédent système de détection subaquatique, qui a été pour l'essentiel acquis sous financement européen INTERREG (le fait que ce matériel ne revêtait justement pas une dimension exclusivement nationale l'a rendu éligible à un appel à projets au titre de ce programme).
D'autres acquisitions communes de même nature sont en cours ou envisagées, s'agissant notamment des moyens emblématiques de la CG2GFA : ses vedettes fluviales. Une vedette est ainsi en cours d'acquisition dans le cadre d'un financement commun franco-allemand soutenu par le programme européen INTERREG et l'acquisition d'une seconde vedette est souhaitée à terme. Ces acquisitions, qui contribuent à marquer la mixité de l'unité et renforcent son caractère commun, n'auraient pas été possibles - en tous cas pas dans les mêmes conditions - sans financement européen et le fait que la CG2FA constitue un projet emblématique de développement de la coopération policière européenne lui offre une légitimité forte dans le cadre de tels appels à projets européens.
b. Conséquences économiques, sociales et environnementales
Dans la mesure où elle contribue à améliorer l'efficacité de la coopération policière transfrontalière, la CG2FA contribue directement à améliorer l'efficacité de la sécurité des biens et des personnes sur le Rhin et aux abords du fleuve - qu'il s'agisse des résidents et touristes, des opérateurs de transports et des voyageurs ou des entreprises et acteurs économiques locaux.
L'optimisation de l'engagement opérationnel du personnel de la CG2FA permet en effet de multiplier les services opérationnels, qu'ils soient préventifs ou en réaction à des événements, sur l'eau comme à terre. L'organisation de l'unité permet également d'améliorer les conditions de réalisation des enquêtes judiciaires et administratives. Cette efficacité opérationnelle accrue permet de contribuer, directement (résultats opérationnels) et indirectement (dimension psychologique), au renforcement de la sécurité des personnes.
En outre, la création de la CG2FA permet de développer une action plus efficace en matière de prévention et de détection des accidents et incidents de la navigation et en matière de détection et de lutte contre la pollution du fleuve, des cours d'eau et masses d'eau attenantes et des espaces naturels proches.
Enfin, la signature de l'accord marque l'engagement des autorités des deux pays, qu'elles soient centrales ou locales, à agir conjointement en faveur du renforcement de la coopération transfrontalière et à promouvoir des formes de coopération intégrée et d'assistance opérationnelle originales, permettant de répondre de manière expédiente aux besoins propres à une configuration frontalière et à un milieu - naturel et juridique - spécifique, qui mérite une action particulière des pouvoirs publics. L'accord contribue également, dans ce cadre, à affirmer la communauté de vie qui unit les populations du Rhin supérieur.
c. Conséquences juridiques
§ Articulation avec le droit européen
L'accord respecte le droit de l'UE relatif à la coopération policière, qu'il décline de manière très concrète. Il fait ainsi application des dispositions de la décision Prüm pour ce qui touche :
- aux prérogatives des agents de la CG2FA participant à une opération sur le territoire de l'autre État (le paragraphe 2 de l'article 11 fait application des principes dégagés dans l'article 17 de la décision, qui s'appliquent pour l'ensemble des formes de coopération prévues au chapitre 5 de la décision). On notera que, dans ce domaine, les paragraphes 3 et 4 de l'article 11 prévoient en outre respectivement l'applicabilité de l'article 25 du Traité de Prüm (mesures provisoires en cas de situation d'urgence)13(*) et des dispositions pertinentes de l'Accord de Vittel (notamment son article 7) ;
- au port de l'uniforme de service, à l'emport et à l'usage de l'armement de service ainsi qu'à la conduite des véhicules et embarcations (l'article 8 est conforme aux dispositions de l'article 19 de la décision) ;
- à la protection juridique et fonctionnelle des agents lorsqu'ils se trouvent sur le territoire de l'autre État (l'article 16 prévoit expressément l'application de l'article 20 de la décision) ;
- au règlement des dommages causés ou subis :
i. les paragraphes 1 et 2 de l'article 17 de l'accord prévoient une renonciation mutuelle des parties à toute demande d'indemnisation en cas de dommage causés à leurs agents ou à leurs biens, conformément au paragraphe 6 de l'article 21 de la décision ;
ii. le paragraphe 3 de l'article 17 de l'accord prévoit une dérogation à ce principe général, en cas de faute intentionnelle ou de négligence, par analogie aux dispositions du paragraphe 5 de la décision ;
iii. le paragraphe 4 de l'article 17 de l'accord précise les modalités relatives à la prise en charge des dommages causés à un tiers par l'une, l'autre ou les deux parties (sans établir un régime de responsabilité nouveau à proprement parler14(*), puisque chaque partie reste dans ce cas responsable des dommages causés par ces agents - conformément au paragraphe 3 de l'article 21 de la décision) ;
iv. le paragraphe 4 de l'article 17 de l'accord prévoit enfin, en cas de contentieux résultant d'un dommage causé à un tiers, la substitution de la partie territorialement compétente à la partie d'origine de l'agent (conformément au paragraphe 2 de l'article 21 de la décision). Ce mécanisme n'organise pas pour autant un transfert de responsabilité ou un régime de responsabilité dérogatoire (il ne fait en particulier pas obstacle à ce que la partie territorialement compétente demande à la partie d'origine de l'agent le remboursement des indemnités qu'elle aura versées, conformément au paragraphe 3 de l'article 21).
S'agissant de l'échange d'informations opérationnelles entre détachements nationaux des deux États, il convient de préciser que l'accord ne crée aucun nouveau traitement de données à caractère personnel. La création d'un fichier opérationnel commun avait été envisagée et a donné lieu à différents travaux pendant la négociation de l'accord, mais il s'est avéré qu'elle était inutile : les textes du droit de l'UE relatifs à la coopération policière opérationnelle permettent en effet de répondre de manière tout à fait probante aux besoins de coopération identifiés15(*) et la création d'un fichier opérationnel commun aurait été source d'inefficiences.
Seule donc la création d'un fichier d'assistance au commandement est prévue (article 13) pour l'organisation et la planification du service de la compagnie, la gestion de ses équipements et le suivi de son activité opérationnelle. Ce fichier ne contiendra cependant pas de données à caractère personnel.
Il convient par ailleurs de préciser que les agents de chaque partie ont, naturellement, seuls accès aux fichiers de police et aux systèmes d'information européens auxquels ils sont habilités en vertu du droit interne de leur État (paragraphe 1 de l'article 12). L'accès des agents d'une partie aux traitements automatisés de données à caractère personnel de l'autre partie est rigoureusement interdit (paragraphe 2 de l'article 12).
De manière générale, on soulignera que le paragraphe 3 de l'article 12 de l'accord prévoit, en matière d'échange d'informations opérationnelles, le strict respect du cadre juridique de référence. Cela inclut donc en particulier :
- le droit de l'UE dans ce domaine, notamment la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil16(*) ;
- le corpus du Conseil de l'Europe relatif à la protection des données17(*), qui est également visé expressément dans le préambule et qui trouvera donc à s'appliquer si des transferts touchaient à des matières ne relevant pas du champ du droit de l'Union devaient avoir lieu.
L'accord satisfaisait donc pleinement aux exigences du cadre juridique européen et international dans ce domaine.
§ Articulation avec les engagements bilatéraux
Comme relevé ci-dessus, l'accord vise à instituer une forme de coopération policière plus intégrée que celles prévues antérieurement par les accords bilatéraux préexistants (notamment de Mondorf18(*) et l'Accord de Vittel19(*)). Il ne remet cependant pas en cause la validité de ces accords, dont il mobilise du reste certaines dispositions (confer supra au sujet de l'article 7 de l'Accord de Vittel).
V. État des signatures et ratifications
Les procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de l'accord pour la partie allemande (au niveau du Land et au niveau du Bund) sont en cours.
* 1 Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990.
* 2 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières, signé à Mondorf-les-Bains le 9 octobre 1997.
* 3 Confer par exemple l' Accord entre le Gouvernement de la République française et Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération entre les services de police dans la zone frontalière franco-allemande, signé à Paris le 3 février 1977.
* 4 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin, signé à Vittel le 10 novembre 2000.
* 5 Traité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale, fait à Prüm le 27 mai 2005. Pour la France, le traité était entré en vigueur au terme d'une procédure d'approbation parlementaire (loi n° 2007-1160 du 1er août 2007).
* 6 Décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008 relative à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière. Les dispositions de la décision en matière d'opérations policières sont analogues aux dispositions correspondantes du Traité de Prüm, qu'elles ont de jure supplantées (article 35 de la décision), mais bénéficie donc de l'habilitation législative de ces dernières.
* 7 Non publié.
* 8 Confer en ce sens le Traité entre la République française et les Länder de Bade-Wurtemberg, de l'Etat libre de Bavière, de Berlin, de la Ville libre hanséatique de Brême, de la Ville libre hanséatique de Hambourg, de Hesse, de Basse-Saxe, de Rhénanie du Nord-Westphalie, de Rhénanie-Palatinat, de Sarre, du Schleswig-Holstein sur la chaîne culturelle européenne, signé à Berlin le 2 octobre 1990.
* 9 Loi fondamentale pour la République fédérale d'Allemagne du 23 mai 1949.
* 10 A titre d'exemple, des centres de coopération policière et douanière (CCPD) ont été créés sur le fondement des accords bilatéraux de coopération transfrontalière en matière policière et douanière (comme l'Accord de Mondorf de 1997 précité). Néanmoins, ces centres ont un rôle de soutien aux unités opérationnelles des deux pays (échange d'informations, soutien à la réalisation d'opérations communes, facilitation des éloignements) et ne réalisent pas d'interventions opérationnelles autonomes.
* 11 La cérémonie de signature prévue le 23 avril 2020 a dû être annulée en raison du déclenchement de la pandémie de COVID-19. La signature le 17 juin 2021 a dû être ajournée en raison du non-achèvement des procédures inhérentes à la signature d'un tel accord, puis son report au 3 mars 2022 a également été repoussé au 06 juillet 2022.
* 12 Au sens de la note du Conseil d'État 385.004 du 7 avril 2011.
* 13 L'article 25 fait en effet partie des dispositions du traité qui n'ont pas d'équivalent dans la décision Prüm et restent donc pleinement applicable entre les États membres parties au traité (14 actuellement, dont la France et l'Allemagne).
* 14 Confer la note du Conseil d'État 369.098 du 12 juin 2003.
* 15 On citera notamment à ce titre la « décision-cadre suédoise » ( Décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres de l'Union européenne), la décision Prüm (s'agissant notamment des échanges relevant du champ des trois secteurs d'échange semi-automatisé de données) ou le règlement Europol pour ce qui est des échanges d'informations avec l'agence ou par son entremise ( Règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI).
* 16 Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016. La transposition en droit interne de cette directive a été effectuée au travers de la loi n°2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles (la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés a été modifiée en dernier lieu par l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493).
* 17 Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 et son Protocole additionnel concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontaliers de données du 8 novembre 2001. Pour mémoire, à la date de signature de l'accord, l'Allemagne avait achevé la ratification du second protocole additionnel à la convention ( Protocole d'amendement à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 10 octobre 2018), mais pas la France. Les obligations relatives à ce cadre conventionnel seront néanmoins satisfaites du fait de la conformité de l'accord au droit de l'UE et l'accord ne fait en tout état de cause pas obstacle à l'application des dispositions du second protocole additionnel.
* 18 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières, signé à Mondorf-les-Bains le 9 octobre 1997.
* 19 Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin, signé à Vittel le 10 novembre 2000.