EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les terres agricoles calcairisées furent, pendant de nombreuses années, creusées afin d'utiliser le calcaire pour marner les cultures et fertiliser les terres. Cette pratique, vieille du 17ème siècle, a été interrompue au fil des années pour totalement disparaître aujourd'hui.

Cependant, un nombre conséquent de terres ne fut pas rebouché ; les exploitants se contentant d'obstruer le puits à l'aide de matériaux divers et de planter des arbres à proximité du puisard. Ces faibles indices matériels ont avec le temps disparu, et seules, les archives retrouvées et les témoignages oraux permettent de localiser, aujourd'hui, ces anciennes marnières.

Les cavités souterraines, les bétoires et les marnières sont donc aujourd'hui un fléau pour nos concitoyens puisqu'ils sont dissimulés. La question des marnières est typique de Normandie et fait encourir de graves dangers aux habitants de la région. Ces cavités souterraines liées à l'extraction de la craie n'ont été répertoriées qu'à partir de 1853.

Très présentes en Normandie, les marnières seraient au nombre de 80 000 et 140 000. De la simple dépression à peine perceptible à l'oeil nu, ces cavités issues de l'extraction intensive de la craie peuvent conduire à un effondrement massif avec cratère de plusieurs mètres de diamètre, le plus souvent de façon brutale et sans signe avant-coureur.

Alors dans la lignée des travaux initiés par les Sénateurs Gélard et Revêt, la présente proposition de loi tend à résoudre un problème grave, celui de la prise en charge des personnes victimes de dommages consécutifs à des mouvements de terrains dus à des effondrements de cavités souterraines et de marnières sur des terrains qui n'avaient pas été identifiés auparavant. Les victimes ont très souvent le sentiment d'être laissées pour compte et les reconnaissances préventives ne permettent pas de mailler le territoire de cette région.

Les effondrements souterrains ne trouvent pas, dans la majeure partie des cas, leur origine dans une cause naturelle, mais dans le creusement de cavités par l'homme, cavités dites « anthropiques ».

Plus précisément, les cavités souterraines se divisent en deux catégories principales :

- Les cavités naturelles sont le plus souvent, dues à la dissolution des carbonates ou des sulfates qui résulte de la circulation de l'eau dans les calcaires, la craie et le gypse. La dimension de ces cavités peut atteindre un kilomètre et sont constituées de séries de salles et de boyaux ;

- Les cavités anthropiques ont été aménagées de mains de l'homme.

Tel est le cas des mines et des carrières, dont les marnières sont une variante et que l'on retrouve notamment en Normandie.

Pendant longtemps, ces cavités anthropiques ne pouvaient justifier d'aucune indemnisation. C'est le législateur qui a, le premier, appelé l'attention du Gouvernement à ce sujet. Cette démarche a débouché sur l'adoption de deux textes :

- la loi n° 95 -101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement (article L. 561-1 et suivants du code de l'environnement). Cette loi a eu pour objet la création d'un fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM dit « fonds Barnier »). Ce fonds est à l'origine destiné à financer les indemnités d'expropriation de bien exposés à un risque naturel majeur. Son utilisation a ensuite été élargie à d'autres catégories de dépenses, dont celles consécutives à un effondrement due à des cavités souterraines ou des marnières ;

- La loi n° 99-245 du 30 mars 1999. En fait, cette loi n'a résolu qu'une partie des problèmes puisqu'elle ne s'appliquait qu'aux dommages résultant d'une activité minière, au sens du code minier, à l'exclusion des autres mouvements de terrain d'origine anthropique.

Le fonds Barnier, issu de la loi du 2 février 1995, est alimenté par un prélèvement de 12 % sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d'assurance habitation et automobile. En dépit des réformes intervenues par les lois n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 et n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, le dispositif reste encore largement insuffisant.

Malgré des appels réitérés, les victimes d'effondrements dues à des cavités souterraines ou à des marnières ont le sentiment d'être abandonnées. Il peut arriver que des effondrements surviennent dans les galeries souterraines dont les puits qui permettaient d'y accéder est resté intact mais avait été colmaté par des branches et autres déchets qui, au bout de quelques années, peuvent s'effondrer.

Il convient alors d'agir plus efficacement à ce problème. Des personnes subissent régulièrement des dommages du fait d'un effondrement ponctuel à proximité d'une construction, déclenchant un arrêté de péril par l'autorité, ce qui entraîne une interdiction d'y habiter.

Un effondrement peut également concerner un lotissement en cours de construction ou qui a été construit à une époque où il n'y avait pas encore de recensement des terrains à risque. En effet, le lotissement a été construit et l'effondrement est intervenu plusieurs années après, contraignant les propriétaires à quitter leur logement. D'ailleurs, ceux-ci sont obligés d'aller habiter à l'hôtel ou de verser un loyer faute de pouvoir résider dans leurs maisons frappées d'un arrêté de péril, alors même qu'ils en acquittent parfois encore les traites.

Le dispositif de la présente loi a pour objet de renforcer la prise en compte de ces victimes, de faciliter la politique de prévention et de prévenir par des financements et des opérations de reconnaissance quant à la découverte d'une cavité ou d'une marnière.

Désormais, par cette proposition de loi, il sera l'opportunité de préparer une nouvelle aire d'indemnisation.

En effet, l'Homme n'a cessé d'évoluer et de faire évoluer son environnement et aujourd'hui encore il mu. Il convient donc de préparer par une première pierre législative à une modification de l'environnement provoquée par l'action humaine.

Aussi, afin de lutter, d'accompagner et de préparer une société mieux à même d'accompagner les victimes des faits anthropiques, cette proposition législative sera un pas vers une modification sociétale de la prise en charge des risques et des dangers environnementaux provoqués par l'Homme.

Pour répondre à cette situation nouvelle, la déclinaison de cette loi s'organisera en donc plusieurs axes :

Tout d'abord, il faudra définir un nouveau type de catastrophe naturelle, appelé anthropique, afin de répondre à problématique actuelle.

Ensuite, celui d'une meilleure reconnaissance et de la spécialisation des sondages. Il est préférable d'aborder le rôle du BRGM et de faciliter un agrément des sondages et d'une certification marnière. Le but de ce texte est alors de mieux répondre aux financements aussi des opérations de préventions de marnière. Protéger, c'est prévoir.

Par ailleurs, il s'agira de faciliter l'accompagnement et abaisser les charges des particuliers en accentuant le nombre de leviers utilisables pour les travaux et les découvertes de marnières. Le rôle du maire, des intercommunalités et les acteurs de l'État doit être renforcé. Avec le Cerema et la création d'un guichet unique pour faciliter et centraliser les accompagnements. De plus, les leviers fiscaux avec une TVA réduite, une déduction d'impôt sur les travaux, des PGE et une exonération de la taxe foncière et de la taxe séjour, permettront de répondre à la situation d'alerte vécue par les personnes privées et publiques.

Aussi, augmenter et accentuer la participation des assureurs aux risques de cavités et de marnières, permettrait de faire participer tous les acteurs de la vie publique. La reconnaissance législative d'une catastrophe naturelle anthropique permettra le renforcement des fonds de solidarité par une taxe sur les assurances d'habitation pour se diriger vers une augmentation de la participation au fond dit BARNIER pour les victimes. Elles seront des pistes permettant d'alléger la charge sur les différentes collectivités et l'État.

Et enfin, réformer les critères d'éligibilités et d'exclusion pour l'obtention des aides financières, permettant la prise en charge sur l'ensemble du périmètre de 45° de mise en sécurité et la participation de tous les acteurs sera un levier essentiel.

Tout ceci représentera un coût et donc un financement permettant d'éviter un accroissement des charges publiques (taxe tabac, taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, redevance des mines, imposition luttant contre les cavités souterraines).

Tous les éléments présents au sein cette proposition permettront assurément de se préparer à la culture du risque et de l'indemnisation des catastrophes naturelles anthropiques.