EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les études de santé constituent, pour la Nation, un enjeu sanitaire et universitaire de premier ordre. Placées sous la responsabilité conjointe des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé, elles constituent la principale voie de recrutement des professionnels de santé et doivent contribuer, par leur organisation, à la répartition équilibrée de ces derniers sur le territoire au regard des besoins de santé identifiés.
Les modalités d'accès à ces études revêtent, d'abord, une importance cruciale pour l'accès aux soins de demain comme pour l'orientation et la réussite étudiantes. Plus d'un lycéen sur cinq formule au moins un voeu sur Parcoursup pour accéder à un parcours d'accès spécifique santé (Pass) ou à une licence accès santé (LAS).
Il est impératif, en particulier, de favoriser l'accès aux études de santé d'étudiants issus de l'ensemble du territoire national. L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a, en effet, récemment rappelé l'importance du lieu de naissance dans les choix liés à l'installation des médecins : en 2019, 50 % des médecins généralistes formés dans les années 2000 exerçaient à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance1(*).
Or plusieurs travaux conduits par le Sénat ont révélé les lacunes de la réforme de l'accès aux études de santé de 2019, qui a conduit à la mise en place du dispositif Pass-LAS. Deux rapports de Mme Sonia de La Provôté, publiés en mai 2021 et mars 20222(*), ont souligné d'importants dysfonctionnements dans la mise en place de la réforme, marquée par une grande disparité de situations entre universités. Un rapport de décembre 2024 de la Cour des comptes, demandé par la commission des affaires sociales du Sénat, recommande de faire évoluer ce dispositif d'accès, jugé illisible, qui n'a pas permis de diversifier les profils recrutés ni d'améliorer suffisamment la réussite des candidats ou leur progression dans les études3(*).
L'organisation des études de santé présente également d'importantes lacunes, qui risquent d'amoindrir leur attractivité.
Alors que la commission des affaires sociales a rappelé l'importance du lieu d'internat dans les choix liés à l'installation4(*), le dispositif actuel de répartition des internes par spécialité et subdivision territoriale ne permet pas de fidéliser les étudiants à leur territoire ni d'y favoriser leur installation. Comme le relève l'Académie nationale de médecine, les étudiants choisissent en priorité la spécialité qui a leur préférence, et sont souvent contraints de se former « dans une subdivision par défaut avec généralement l'intention de la quitter dès le terme de leur internat »5(*).
La commission des affaires sociales a, par ailleurs, plusieurs fois relayé les inquiétudes des étudiants relatives aux conditions de leur accueil en stage. Elle a souligné que la capacité de l'université à proposer suffisamment de lieux de stage en zone sous-dense aux futurs étudiants de quatrième année du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale demeurait « incertaine »6(*). Plus largement, elle a relevé que le renforcement des statuts existants de maître de stage et l'amélioration des conditions d'accueil en stage constituaient des demandes largement partagées parmi les étudiants de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie (MMOP)7(*).
La présente proposition de loi porte des mesures visant à répondre de manière opérationnelle à l'ensemble de ces enjeux.
Son chapitre Ier vise à améliorer le dispositif d'accès aux études de santé en diversifiant le recrutement et en répondant aux principales critiques adressées au système Pass-LAS.
L'article 1er refond le dispositif Pass-LAS en une voie unique d'accès, consistant en une formation universitaire de licence qui comporte, en première année, une majorité d'enseignements relevant du domaine de la santé. Pour favoriser un recrutement de proximité, il prévoit l'organisation par les universités d'une première année de cette voie unique dans chaque département. Il renforce également le cadrage national applicable au dispositif d'accès, en prévoyant la fixation par arrêté d'une liste de disciplines universitaires pouvant être enseignées dans cette licence. Enfin, il inclut explicitement la masso-kinésithérapie dans les dispositions relatives à l'accès aux études de santé, aujourd'hui applicables aux seules formations MMOP.
L'article 2 autorise, à titre expérimental, par dérogation aux modalités d'admission de droit commun et pour répondre au phénomène de places vacantes constaté dans cette filière, l'admission directe d'étudiants en premier cycle de pharmacie par Parcoursup. La part des étudiants recrutés par admission directe ne pourra excéder, dans chaque université, un tiers des capacités d'accueil.
Pour favoriser la diversification géographique du recrutement, l'article 3 étend à l'ensemble du territoire national l'expérimentation d'options santé dans les lycées de zones sous-denses, portée par la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels. Il précise également les objectifs de cette expérimentation comme les modalités de sa mise en oeuvre et prévoit que les lycées concernés devront conclure des conventions avec les universités et organismes de formation concernés.
Le chapitre II vise à territorialiser le troisième cycle des études de médecine.
Pour ce faire, l'article 4 fixe comme objectif l'affectation des deux tiers des étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont préalablement réalisé leurs études. Il précise également les conditions de répartition des postes d'internat par spécialité et par subdivision territoriale. Cette répartition devra être établie, au terme d'une procédure de concertation, prioritairement en fonction de la situation de la démographie médicale dans les différentes spécialités, des besoins de santé des territoires et des besoins prévisionnels du système de santé.
Le chapitre III vise à améliorer les conditions d'accueil des étudiants en stage.
L'article 5 crée quatre statuts homogènes applicables aux maîtres de stage des universités en médecine, en odontologie, en pharmacie et en maïeutique. Ces maîtres de stage devront avoir suivi une formation préalable nécessaire à leur agrément. Ils percevront une rémunération en contrepartie de l'accueil des étudiants.
Pour favoriser la réussite de la réforme du troisième cycle de médecine générale, initiée et soutenue par le Sénat, l'article 6 permet, à titre transitoire, l'accueil des étudiants de quatrième année dans des lieux de stage dans lesquels exercent un ou plusieurs médecins généralistes accueillants, préalablement déclarés à l'agence régionale de santé. Les étudiants demeureront supervisés par un praticien agréé maître de stage des universités exerçant à proximité du lieu de stage. Ces dispositions, destinées à permettre l'accueil des étudiants dans un nombre suffisant de lieux de stage lors des premières années d'application de la réforme, ne seront plus applicables à compter de la rentrée universitaire 2031.
Enfin, l'article 7 gage financièrement la présente proposition de loi.
* 1 Insee première, « Les médecins généralistes libéraux s'installent souvent à proximité de leurs lieux de naissance ou d'internat », n° 2024, 12 novembre 2024.
* 2 Mme Sonia de la Provôté, rapports d'information n° 585 (2020-2021) déposé le 12 mai 2021 et n° 590 (2021-2022) déposé le 29 mars 2022 au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat.
* 3 Cour des comptes, L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable. Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, décembre 2024.
* 4 M. Khalifé Khalifé, rapport n° 712 (2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, déposé le 10 juin 2025.
* 5 Académie nationale de médecine, La formation médicale initiale, rapport adopté le mardi 25 février 2025.
* 6 Contribution de Mme Corinne Imbert relative à la quatrième année de médecine générale, dans le rapport n° 44 (2024-2025) de Mme Élisabeth Doineau fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023.
* 7 Audition des syndicats des étudiants en études de santé sur l'accès aux études de santé par la commission des affaires sociales du Sénat, le 22 janvier 2025.