EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Qu'il s'agisse de remarques hostiles chuchotées à demi-mot, de gestes méprisants, d'insultes, de harcèlement sur les réseaux sociaux, d'agressions physiques, de guet-apens, ou pire encore, d'actes criminels... Les personnes LGBTQIA+ sont exposées à une violence systématique liée à leur identité de genre ou leur orientation sexuelle.
Les séquelles laissées par ces agressions sont profondes et durables. Les victimes en ressortent souvent avec des troubles psychologiques graves et une santé fragilisée à long terme. Cela est d'autant plus alarmant que les personnes LGBTQIA+ sont déjà plus vulnérables, en raison d'une exposition accrue aux discriminations dans tous les aspects de leur vie. Ces dangers nourrissent un climat de crainte et d'insécurité, les poussant souvent à dissimuler leur identité, par peur d'être ciblées.
Or, ces violences et ces inégalités patentes ne semblent aujourd'hui pas vouées à disparaître, alors que les atteintes aux droits se multiplient. Le retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis en est le triste préambule. À peine élu, sous couvert de « défendre les femmes » qu'il n'a pourtant de cesse de dénigrer et d'attaquer, et arguant d'un « délire transgenre » et d'un « wokisme » à combattre, il s'est immédiatement attelé à restreindre les droits des personnes trans : interdiction de servir dans l'armée, reconnaissance de « deux sexes » uniquement, fin de financement pour les soins de transition de genre...
Si la liste est longue, tout porte à croire qu'elle continuera à s'étendre à d'autres libertés et d'autres individus. En effet, la lutte contre les droits des personnes trans est devenue un point de ralliement des mouvements réactionnaires du monde entier. À travers cette offensive, c'est un projet plus vaste qui se dessine : celui d'un rejet global de la diversité et d'un recul généralisé de l'égalité des droits. L'attaque des minorités de genre n'est pas un fait isolé, mais bien symptomatique d'une stratégie visant à fragiliser l'ensemble des combats pour l'émancipation et l'inclusion.
De fait, ces mesures outre-Atlantique trouvent leurs ramifications ici aussi en Europe : retrait des droits aux familles homoparentales en Italie ; interdiction de la représentation de l'homosexualité auprès des mineurs en Hongrie ; opposition au changement d'état civil en mairie, par l'extrême droite en France mais aussi par Emmanuel Macron, qui qualifie ce droit « d'ubuesque ».
Ce constat d'une recrudescence de haine ne va pas sans la perpétration de violences et est tout aussi vrai à l'international qu'en France. En effet, 16 % des personnes LGBTQIA+ rapportent avoir subi des violences liées à leur orientation sexuelle ou identité de genre au moins une fois au cours des cinq dernières années.
Pourtant, les données officielles, comme les 4 558 infractions relevées par le ministère de l'Intérieur en 2023 ou les 2 377 signalements recueillis par SOS Homophobie, reflètent une situation bien en deçà de l'ampleur réelle du phénomène. Cette disparité s'explique par un sous-signalement chronique, qui invisibilise une grande partie des faits de haine et de violence.
Les victimes, souvent parmi les plus précaires ou résidant dans les territoires d'outre-mer, hésitent à dénoncer ces actes. Certaines renoncent à porter plainte, par crainte d'un accueil hostile ou par conviction que leur démarche serait vaine. Ce sous-signalement alimente un sentiment d'impunité qui encourage les agresseurs à passer à l'acte voire à récidiver.
Il apparaît donc impératif de briser ce cercle vicieux en renforçant les mécanismes qui encouragent le dépôt de plainte.
Un des leviers essentiels consiste à améliorer la formation des forces de l'ordre, comme le recommandent l'OCDE, la Commission européenne, et la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). La généralisation des officiers de liaison LGBT+ dans tous les commissariats est une première étape, mais elle doit s'accompagner d'une spécialisation des agents pour recueillir les plaintes liées à ces actes de haine. Il conviendrait de s'assurer que, dans chaque poste de police comme dans chaque brigade de gendarmerie, il y ait des agents des forces de l'ordre qui soient spécialement formés à recueillir les plaintes avec un mobile de haine à l'encontre des personnes LGBTQIA+.
Le traitement judiciaire des affaires doit également être renforcé. Une meilleure formation des magistrats, la création de pôles spécialisés et le soutien accru de l'Office central de lutte contre les crimes de haine sont autant de mesures nécessaires pour garantir une réponse pénale adaptée et dissuasive.
Cependant, une justice efficace ne saurait suffire sans une prévention renforcée, et ce, dès le plus jeune âge. Les établissements scolaires jouent un rôle fondamental dans ce domaine. La protection des élèves LGBTQIA+ contre le harcèlement et les violences doit devenir une priorité. En augmentant les efforts de formation initiale et continue, les personnels enseignants pourront non seulement approfondir leur compréhension des enjeux liés à ces problématiques, mais aussi acquérir les compétences nécessaires pour sensibiliser leurs élèves et pour identifier, prévenir et réagir efficacement face à des situations de harcèlement ou d'agression.
Les interventions d'associations spécialisées ont prouvé leur efficacité pour déconstruire les préjugés et limiter les comportements hostiles.
Pour poursuivre cet objectif, il est impératif de sensibiliser davantage les élèves aux réalités vécues par les personnes LGBTQIA+. Une part importante des hostilités dont elles sont victimes repose sur des préjugés et une méconnaissance. En tant que lieu privilégié de transmission des savoirs et des valeurs, l'école a un rôle décisif à jouer dans la déconstruction de ces idées reçues. À ce titre, l'application rigoureuse des dispositions légales, notamment l'organisation des trois séances annuelles d'éducation à la sexualité prévues par la loi, doit être une priorité.
Par ailleurs, le recours à des interventions d'associations spécialisées directement auprès des élèves constitue un levier puissant. Ces interventions, dont l'efficacité a été démontrée à maintes reprises, permettent d'instaurer un dialogue constructif et de sensibiliser les jeunes à l'inclusion et au respect des diversités. Elles offrent également l'opportunité de réduire durablement les risques d'actes de haine ou de violence perpétrés à l'encontre des personnes LGBTQIA+.
De surcroît, il est crucial de redoubler d'efforts dans la lutte contre le harcèlement et la haine anti-LGBTQIA+ en ligne. Le sentiment d'impunité qui règne dans l'espace numérique favorise ces comportements, alors même que leurs répercussions sur les victimes sont tout aussi dévastatrices. Étant donné que la haine anti-LGBTQIA+ figure parmi les trois principales raisons de signalements de contenus haineux en ligne au sein de l'Union européenne, il est impératif de renforcer les dispositifs de signalement et d'exiger des opérateurs de plateformes numériques un traitement rapide et efficace des alertes.
Cependant, même si des progrès considérables étaient réalisés pour lever les freins au dépôt de plainte, faciliter les démarches de signalement, systématiser les actions de prévention dans les écoles et renforcer la lutte contre les contenus haineux en ligne, ces mesures, bien qu'indispensables, ne suffiraient pas à éradiquer totalement la haine et la violence visant les personnes LGBTQIA+. Une réponse globale et multidimensionnelle est nécessaire pour s'attaquer aux racines de ce fléau.
La libre expression de l'identité de genre ou de l'orientation sexuelle ne devrait jamais être bridée par la peur des agressions anti-LGBTQIA+.
Enfin, face aux agressions dont elles font l'objet, il semble indispensable de renforcer la prise en charge et l'accompagnement des victimes de violences et de discriminations anti-LGBTQIA+. Trop souvent, ces personnes se retrouvent seules face à leurs souffrances, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sociales. Il convient donc de développer des dispositifs spécifiques d'accueil, d'écoute et d'accompagnement adaptés à leurs besoins : un soutien accru aux associations spécialisées, qui jouent un rôle crucial dans l'aide aux victimes et la création ou l'amélioration de structures dédiées au sein des services publics, notamment dans les domaines de la santé et du soutien psychologique.
Une meilleure coordination entre les acteurs institutionnels, sociaux et associatifs est aussi nécessaire pour offrir un parcours d'aide cohérent et efficace. Garantir un accès simple et effectif à ces dispositifs constitue un impératif, car une réponse rapide peut faire la différence pour des victimes souvent vulnérabilisées par l'isolement ou la stigmatisation.
Face à l'intensification des violences et des discriminations, il est urgent d'adopter une stratégie nationale ambitieuse et cohérente et de consolider les outils existants tout en innovant pour mieux protéger les personnes concernées et promouvoir une société véritablement inclusive.
S'opposer à la haine envers les personnes LGBTQIA+, c'est défendre les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité.
La présente proposition de résolution vise ainsi à condamner fermement ces violences, tout en appelant à des actions concrètes pour les éradiquer et mieux accompagner les victimes. Elle repose sur une exigence fondamentale : l'instauration d'une tolérance zéro face à la haine et à la violence, car aucune société juste et libre ne saurait les accepter.