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N° 486

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 27 juin 1996.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 1996.

PROPOSITION DE LOI

tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance,

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Pierre FOURCADE, Alain VASSELLE, Henri de RAINCOURT, Maurice BLIN, Guy CABANEL. Josselin de ROHAN, Jacques LARCHÉ, Christian PONCELET, Paul GIROD, Jacques OUDIN, Jean PUECH, Jean-Paul DELEVOYE, Michel MERCIER, Jean CHÉRIOUX et Lucien NEUWIRTH,

Sénateurs

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement )

Personnes âgées. - Code de la famille - Code de la sécurité sociale.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames. Messieurs,

Le Président de la République a choisi de faire de l'institution d'une prestation destinée à répondre aux problèmes croissants posés par la dépendance des personnes âgées une des priorités de son action. Cette priorité a été inscrite, dès son installation, au programme du Gouvernement conduit par M. Alain Juppé.

Les difficultés économiques et financières et la nécessité de redresser les comptes publics ont contraint le Gouvernement à différer l'examen du projet de loi n° 2 (1995-1996) instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.

Dans l'attente du vote de cette loi. les auteurs de la présente proposition de loi estiment, néanmoins, à la fois possible et nécessaire d'améliorer la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Telle est la raison pour laquelle ils vous proposent de substituer à l'allocation compensatrice pour tierce personne -dont telle n'est pas la vocation- une nouvelle prestation, en nature, intitulée « prestation spécifique dépendance » offerte à toutes les personnes dépendantes âgées de plus de 60 ans.

Le titre Premier précise que cette prestation est accordée par le président du conseil général et gérée par le département où le bénéficiaire possède son domicile de secours.

Il renvoie au décret le soin de déterminer les conditions de ressources, de degré de dépendance et de durée de résidence en France exigées pour bénéficier de la nouvelle prestation. Le décret fixera également les modalités selon lesquelles la prestation est modulée en fonction de l'état de dépendance de l'intéressé, de son environnement et, le cas échéant, des aides qui lui sont apportées.

Les départements sont invités, s'ils en retiennent le principe, à définir par la voie conventionnelle, avec les autres collectivités ou organismes publics et les associations, les modalités de l'instruction et du suivi de la prestation spécifique dépendance.

Il convient d'éviter que l'aide ainsi accordée ne soit détournée de son objet ou ne décourage les solidarités familiales.

Si le recours à l'obligation alimentaire paraît devoir être écarté, il est. en revanche, légitime que puissent être engagés des recours sur succession en récupération des sommes versées, limités, lorsque la personne reçoit la prestation à domicile, à la part de l'actif net successoral excédant un seuil fixé par décret.

Pour améliorer la prise en charge des personnes dépendantes en rationalisant l'utilisation des financements qui lui sont déjà consacrés, il apparaît nécessaire de mettre en place une meilleure coordination des actions développées, d'une part, par les collectivités territoriales et, d'autre part, par les organismes de sécurité sociale.

Il est proposé, pour y parvenir, de généraliser la démarche retenue dans le cadre de l'expérimentation engagée en application de l'article 38 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale. Cette démarche devra être définie en concertation étroite avec les organismes de sécurité sociale lorsque les instances délibérantes de certains d'entre eux auront été installées.

Les départements devraient ainsi conclure des conventions avec les organismes de sécurité sociale et la Mutualité sociale agricole, destinées à organiser, à l'instar du modèle retenu pour l'expérimentation, une telle coordination. Il convient de souligner ici le bilan très positif de cette expérimentation et le rôle joué dans sa mise en oeuvre par les départements et les organismes de sécurité sociale concernés.

Le comité national institué par le second alinéa de l'article 38 de la loi précitée serait chargé de suivre la mise en oeuvre de ces conventions.

Le titre II de la proposition de loi définit les règles particulières applicables à la prestation spécifique dépendance servie aux personnes maintenues à leur domicile.

L'équipe médico-sociale, chargée d'évaluer le besoin d'aide assure, en outre, le contrôle de l'effectivité de cette aide.

Le titre III édicté les règles particulières applicables à la prestation lorsqu'elle est accordée aux personnes âgées hébergées en établissement.

Il subordonne l'attribution de la prestation, versée directement à rétablissement, à l'évaluation de l'état de la personne hébergée, qui fait l'objet d'un réexamen périodique.

Le titre IV établit les bases législatives d'une réforme de la tarification dont le Parlement a déjà voté, à l'instigation de la Haute Assemblée, le principe de l'adoption avant le 1er janvier 1997.

Aux termes de l'article 9, la tarification de l'établissement est fondée sur une convention tripartite entre ledit établissement, le président du conseil général et l'autorité compétente pour l'assurance maladie.

Cette convention tripartite devra être conclue avant le 31 décembre 1999.

Cette réforme fondera désormais l'aide à la personne âgée, non plus sur le régime juridique de l'établissement qui l'accueille, mais sur son état.

L'assurance maladie devra assurer le financement des lits de section de cure médicale autorisés antérieurement à la date d'application des dispositions de la présente proposition de loi dans le délai de deux ans suivant cette date, fixée, aux termes du titre V, au 1er janvier 1997.

Ces dispositions sont applicables jusqu'à l'intervention de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.

La proposition de loi prévoit enfin que les prestations attribuées en application des conventions conclues dans le cadre des expérimentations continuent d'être servies à leurs bénéficiaires et sont prises en charge dans les conditions prévues par lesdites conventions.

Quant au dispositif transitoire qui vous est proposé désormais, il permet de tirer les meilleures leçons de ces expérimentations en améliorant la coordination des actions menées par les caisses et les départements et en recentrant l'aide sur les personnes les plus dépendantes et les plus démunies. Il permet également de fonder l'adoption d'une loi plus ambitieuse sur une démarche évaluative parfaitement achevée.

PROPOSITION DE LOI

Titre Premier

De la prestation spécifique dépendance

Dispositions générales

Article premier

Toute personne remplissant des conditions d'âge, de degré de dépendance, de durée de résidence en France et de ressources fixées par décret, a droit, sur sa demande, à une prestation en nature dite prestation spécifique dépendance.

Art. 2

La prestation spécifique dépendance est accordée par décision motivée du président du conseil général et révisée périodiquement. Elle est servie et gérée par le département où le bénéficiaire possède son domicile de secours.

Art. 3

Pour l'instruction et le suivi de la prestation spécifique dépendance, le département peut conclure des conventions avec des institutions et organismes publics sociaux ou médico-sociaux, notamment les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale ou des associations. Ces conventions doivent être conformes à une convention-cadre fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des personnes âgées et du ministre chargé des collectivités territoriales, pris après avis des représentants des présidents de conseils généraux et des maires.

Art. 4

Le montant de la prestation spécifique dépendance, fixé par décret par référence à la majoration pour aide constante d'une tierce personne visée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale, est modulé en fonction du besoin de surveillance et d'aide requis par l'état de dépendance de l'intéressé, tel qu'il est évalué selon des critères fixés par voie réglementaire. Cette modulation tient également compte de l'environnement de l'intéressé et, le cas échéant, des aides ayant un caractère régulier qui lui sont apportées.

Art. 5

L'attribution de la prestation spécifique dépendance n'est pas subordonnée à la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire définie par les articles 205 à 211 du code civil.

Des recours en récupération des sommes versées au titre de cette prestation sont exercés par le département contre les personnes visées aux a), b) et c) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale. Lorsque cette prestation a été versée à domicile, le recours est exercé sur la fraction de l'actif net successoral excédant un seuil fixé par décret.

Art. 6

Afin de favoriser la coordination des prestations servies aux personnes âgées dépendantes et d'accomplir les tâches d'instruction et de suivi, le département conclut des conventions avec les organismes de sécurité sociale et la Mutualité sociale agricole.

Ces conventions doivent être conformes à un cahier des charges arrêté par le ministre chargé des personnes âgées après avis des représentants des présidents de conseils généraux, des organismes de sécurité sociale et de la Mutualité sociale agricole.

Le comité national institué par le second alinéa de l'article 38 de la loi n° 94.637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale est chargé de suivre la mise en oeuvre de ces conventions.

Titre II

De la prestation spécifique dépendance à domicile

Art. 7

La prestation spécifique dépendance à domicile est attribuée pour répondre au besoin d'aide évalué par une équipe médico-sociale qui se rend auprès de l'intéressé. Cette équipe assure, ensuite, un suivi de cette aide qui comporte, notamment, le contrôle de son effectivité.

Titre III

De la prestation spécifique dépendance en établissement

Art. 8

Toute personne remplissant les conditions mentionnées à l'article premier, accueillie dans un établissement hébergeant des personnes âgées conformément au 5° de l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ou dans un établissement de santé visé au 2° de l'article L. 711-2 du code de la santé publique, a droit à la prestation spécifique dépendance.

L'évaluation de l'état de dépendance est effectuée à l'entrée en établissement puis périodiquement dans des conditions fixées par les conventions prévues à l'article 6. Cette évaluation détermine, en fonction de la tarification en vigueur, le montant de la prise en charge dont peut bénéficier la personne âgée.

La prestation spécifique dépendance est versée directement à l'établissement qui accueille son bénéficiaire.

Titre IV

Réforme de la tarification

Art. 9

I - Après l'article 5 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :

« Art. 5-1 - Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnés au 5° de l'article 3 ne peuvent accueillir des personnes âgées remplissant les conditions mentionnées à l'article premier de la loi n° du que s'ils y ont été autorisés conjointement par le représentant de l'État et le président du conseil général, au vu d'une convention pluriannuelle entre rétablissement concerné, le président du conseil général et l'autorité compétente pour l'assurance maladie. Cette convention est conclue au plus tard le 31 décembre 1999. »

II - Après le deuxième alinéa de l'article 26 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La tarification des établissements autorisés à accueillir des personnes âgées conformément à l'article 5-1 est arrêtée, pour les prestations remboursables aux assurés sociaux, par l'autorité compétente pour l'assurance maladie, après avis du président du conseil général et pour les prestations pouvant être prises en charge par la prestation spécifique dépendance, créée par l'article premier de la loi n° du , par le président du conseil général après avis de l'autorité compétente pour l'assurance maladie. »

III - Après l'article 27 ter de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est inséré un article 27 quater ainsi rédigé :

« Art. 27 quater - Les montants des prestations visées au troisième alinéa de l'article 26 sont modulés selon l'état de la personne accueillie et déterminés dans des conditions fixées par voie réglementaire. »

IV - Au début du dernier alinéa de l'article L. 711-2 du code de la santé publique, avant les mots : « Des soins de longue durée », sont insérés les mots : « Jusqu'au 31 décembre 1999, ».

V - Les places de section de cure médicale autorisées à la date d'application de la présente loi sont financées par les régimes d'assurance maladie dans un délai de deux ans suivant cette date.

Titre V

Dispositions diverses

Art. 10

L'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I. après les mots : « tout handicapé », sont insérés les mots : « dont l'âge est inférieur à un âge fixé par décret et ».

2° Le I est complété par les dispositions suivantes :

« Toute personne qui a obtenu le bénéfice de l'allocation compensatrice avant l'âge mentionné au premier alinéa peut, dans des conditions fixées par décret, choisir, à titre définitif, lorsqu'elle atteint cet âge, le maintien de cette allocation ou le bénéfice de la prestation spécifique dépendance créée par l'article premier de la loi n° du .

« Le même choix est offert à toute personne qui a obtenu le bénéfice de l'allocation compensatrice après l'âge mentionné au premier alinéa et avant la date d'application de ladite loi. »

Art. 11

Les prestations attribuées avant la date d'application de la présente loi en vertu des conventions mentionnées à l'article 38 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale continuent d'être servies à leurs bénéficiaires et sont prises en charge dans les conditions fixées par lesdites conventions.

Art. 12

Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur au 1er janvier 1997 et seront applicables jusqu'à l'intervention d'une loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.

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