Pays tiers (PPRE) - Texte déposé - Sénat

N° 149

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2025

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE


au nom de la commission des affaires européennes,
en application de l’article 73 quinquies B du Règlement,


sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’Union, et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2001/40/CE du Conseil et la décision 2004/191/CE du Conseil (COM(2025) 101 final), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l’établissement d’une liste des pays d’origine sûrs au niveau de l’Union (COM(2025) 186 final) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l’application du concept de « pays tiers sûr » (COM(2025) 259 final),


présentée

Par M. Ronan LE GLEUT et Mme Audrey LINKENHELD,

Sénateur et Sénatrice


(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)




Proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’Union, et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2001/40/CE du Conseil et la décision 2004/191/CE du Conseil (COM(2025) 101 final), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l’établissement d’une liste des pays d’origine sûrs au niveau de l’Union (COM(2025) 186 final) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l’application du concept de « pays tiers sûr » (COM(2025) 259 final)

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 73 quinquies B du Règlement du Sénat,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 78 et 79,

Vu la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,

Vu la nouvelle stratégie de l’Union européenne en matière de retour volontaire et de réintégration du 27 avril 2021,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2023 visant à améliorer la coopération policière en ce qui concerne la prévention, la détection et les enquêtes en matière de trafic de migrants et de traite des êtres humains, et à renforcer le soutien apporté par Europol pour prévenir et combattre ces formes de criminalité, et modifiant le règlement (UE) 2016/794, COM(2023) 754 final,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2023 établissant des règles minimales pour prévenir et combattre l’aide à l’entrée, au transit et au séjour non autorisés dans l’Union, et remplaçant la directive 2002/90/CE du Conseil et la décision-cadre 2002/946/JAI du Conseil, COM(2023) 755 final,

Vu le pacte sur la migration et l’asile, et, en particulier, le règlement (UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE,



Vu la proposition de règlement COM(2025) 101 final du Parlement européen et du Conseil établissant un système commun de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’Union, et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2001/40/CE et la décision 2004/191/CE du Conseil,



Vu la proposition de règlement COM(2025) 186 final du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l’établissement d’une liste des pays d’origine sûrs au niveau de l’Union, en date du 16 avril 2025,



Vu la proposition de règlement COM(2025) 259 final du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l’application du concept de « pays tiers sûr », en date du 20 mai 2025,



Vu les « orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2024-2029 » présentées par Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le 18 juillet 2024,



Vu le programme de travail de la Commission européenne pour 2025, « Avancer ensemble : une voie plus audacieuse, plus simple et plus rapide », en date du 11 février 2025, COM(2025) 45 final,



Vu le programme de travail de la Commission européenne pour 2026 : « Le moment de l’indépendance de l’Europe », en date du 21 octobre 2025, COM(2025) 870 final,



Vu les conclusions du Conseil européen, en particulier celles du 9 février 2023, du 18 octobre 2024, du 19 décembre 2024, du 20 mars 2025, du 26 juin 2025 et du 23 octobre 2025,



Vu la résolution européenne du Sénat portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’Union, et abrogeant la directive 2001/40/CE du Conseil et la décision 2004/191/CE du Conseil, en date du 27 juin 2025 – COM(2025) 101 final,



Concernant la nécessaire cohérence entre la réforme et le pacte sur la migration et l’asile :



Observe que le pacte sur la migration et l’asile, présenté en septembre 2020 et définitivement adopté en mai 2024, doit entrer en vigueur le 12 juin 2026, afin d’établir un « filtrage » des étrangers en situation irrégulière et une procédure accélérée d’asile aux frontières extérieures de l’Union européenne, d’actualiser la base de données « Eurodac » afin de mieux détecter les mouvements secondaires et les étrangers en situation irrégulière, de rénover les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et de définir leurs droits et obligations, et d’adapter les règles européennes en cas de crise migratoire ;



Souligne que ce pacte est fondé sur une approche globale entre politique migratoire, politique de l’asile et contrôles aux frontières, dont l’Union européenne a besoin ;



Rappelle que les trois propositions de règlement soumises à l’examen du Sénat, COM(2025) 101 final (règlement « retour »), COM(2025) 186 final (règlement « pays d’origine sûrs ») et COM(2025) 259 final (règlement « pays tiers sûrs ») résultent des dispositions du pacte et prévoient la mise en œuvre anticipée de certaines de ses dispositions, au risque de complexifier sa bonne application ;



Demande par conséquent que les négociations en cours préservent les équilibres politiques, institutionnels et financiers adoptés lors de l’adoption du pacte ;



Concernant la proposition de règlement « retour », COM(2025) 101 final :



Concernant le principe de la révision de la directive « retour » :



Considérant le développement de la politique commune de l’immigration, qui constitue une compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres aux termes de l’article 79 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ;



Considérant la réforme avortée de la directive « retour » présentée en septembre 2018 ;



Considérant les appels répétés du Conseil européen à améliorer l’effectivité et l’efficacité des procédures de retour dans les États membres depuis février 2023, en particulier celles du 26 juin 2025 encourageant une intensification des travaux en ce qui concerne « les efforts visant à faciliter, à accroître et à accélérer les retours, en utilisant l’ensemble des politiques, instruments et outils dont l’Union européenne dispose à cet effet » ;



Considérant la lettre de Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en date du 14 octobre 2024, appelant les États membres, à titre principal, à adopter une « approche commune sur les retours », à accélérer la mise en œuvre du pacte sur la migration et l’asile, à poursuivre l’établissement de partenariats avec des pays tiers clés et à combattre les réseaux de passeurs et les trafics de migrants ;



Constate que le taux d’exécution moyen effectif des décisions de retour au niveau européen, qui avoisinait 33 % avant la pandémie de Covid-19, a ensuite diminué pour atteindre aujourd’hui 20 % ; relève que ce taux est plus faible encore en France où il avoisine les 10 % ;



Constate qu’un faisceau d’obstacles empêche la mise en œuvre de nombreuses décisions de retour, parmi lesquels la difficulté à identifier la personne visée par la décision ou le refus de coopération de cette dernière, l’absence de liaison aérienne avec certains pays en guerre ou en crise, ou encore l’attitude peu coopérative de certains pays tiers d’origine pour délivrer les laissez-passer consulaires indispensables à la réadmission de leurs ressortissants ; ajoute qu’un nombre non négligeable de décisions de retour sont finalement abrogées par l’autorité administrative ou annulées par la juridiction compétente ;



Observe également que la France adopte chaque année un nombre bien plus important de décisions de retour que ses voisins – 130 000 contre 60 000 environ en Allemagne – du fait de la législation actuelle qui impose aux autorités compétentes de prendre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour chaque étranger en situation irrégulière interpellé sur le territoire national ;



Souligne, à la suite du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans son communiqué de presse du 6 mai 2025, « la nécessité de disposer de systèmes de retour opérationnels, étant donné que le retour sûr et digne des personnes dont on estime qu’elles n’ont pas besoin d’une protection internationale est essentiel au bon fonctionnement du régime de protection internationale » et à la crédibilité des politiques migratoires des États membres ;



Rappelle que la Commission européenne et une majorité d’États membres ont souhaité la révision de la directive « retour », afin de mieux prendre en compte les enjeux d’ordre public et d’actualiser le droit en vigueur au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant les procédures de retour des étrangers en situation irrégulière ;



Prend acte de la présentation, par la Commission européenne, de la proposition de règlement « retour » COM(2025) 101 final, le 11 mars 2025 ;



Salue, dans son principe, cette réforme de la directive « retour » car elle doit compléter utilement le pacte sur la migration et l’asile et accroître l’efficacité des procédures de retour, dans le respect de la dignité des personnes concernées ;



Concernant le suivi de l’avis motivé  159 (2024-2025) du Sénat du 27 juin 2025 :



Réitère avec insistance les recommandations de son avis motivé  159 (2024-2025) en date du 27 juin 2025, qui a démontré que plusieurs dispositions importantes de la présente proposition n’étaient pas conformes au principe de subsidiarité ;



Maintient que l’absence d’analyse d’impact pour accompagner et justifier la présente réforme est incompréhensible, cette absence empêchant d’évaluer sa nécessité et sa pertinence ; recommande plus généralement d’accompagner chaque proposition de règlement et de directive par une analyse d’impact, conformément aux recommandations de son rapport d’information du Sénat  190 (2024-2025) du 4 décembre 2024 sur la « dérive normative de l’Union européenne » ;



Réaffirme aussi son opposition au choix politique de la Commission européenne de présenter un règlement en lieu et place de l’actuelle directive « retour » car ce remplacement va entraîner une très forte restriction de la marge d’appréciation des États membres, alors même que ces derniers sont les premiers responsables de la politique migratoire, ainsi que la marginalisation des parlements nationaux de l’Union européenne dans l’élaboration des règles de retour européennes ; observe que la nécessité théorique d’appliquer immédiatement ce règlement sans possibilité de mesure de transposition pourrait conduire, en France, à la « paralysie » des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière ; demande donc solennellement que la présente réforme soit mise en œuvre par le biais d’une directive et non d’un règlement en rappelant que le document de travail des services de la Commission européenne, publié le 16 mai dernier, a confirmé qu’une telle option était juridiquement possible pour mener la réforme de la directive « retour » envisagée ; à défaut, souhaite qu’une période de transition de deux ans soit prévue pour l’entrée en vigueur de la proposition de règlement COM(2025) 101 final ;



Souligne enfin son opposition au dispositif de l’article 9 de la proposition de règlement COM(2025) 101 final qui instituerait à compter du 1er juillet 2027, par un acte d’exécution de la Commission européenne, une reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour entre États membres, en premier lieu, en raison des risques de contentieux accrus au niveau national, en deuxième lieu, du fait de l’alourdissement de la charge de travail qui en résulterait pour les services compétents des États membres, déjà en tension, et, en troisième lieu, parce qu’une telle réforme ne peut raisonnablement pas être adoptée par un simple acte d’exécution ; ajoute que la reconnaissance mutuelle de ces décisions doit être facultative, afin de rester compatible avec les règles relatives aux contrôles temporaires aux frontières intérieures de l’espace Schengen ;



Concernant le champ d’application du règlement « retour » :



Constate que l’article 2 de la directive 2008/115/CE exclut de son champ d’application les ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national des États membres, ou faisant l’objet d’une extradition ;



Déplore que la proposition de règlement « retour » supprime cette exclusion sans jamais motiver cette évolution ;



S’oppose à la suppression de cette exclusion par cette proposition de règlement car une telle disposition résulte d’une demande des États membres et ne pose aucune difficulté opérationnelle ; souligne que la suppression d’une telle exclusion tendrait à remettre en cause la peine d’interdiction du territoire français prévue par le droit français ; demande donc, dans un souci de stabilité juridique et de cohérence, le rétablissement de cette exclusion à l’article 2 de la proposition de règlement COM(2025) 101 final ;



Concernant l’extension de la définition des « pays de retour » (article 4) :



Considérant que, dans la directive 2008/115/CE, le « retour » est défini comme le fait, pour un ressortissant de pays tiers, de rentrer – par « obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé » – soit dans son pays d’origine, soit dans un pays de transit, soit encore dans un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;



Soutient l’extension de cette définition par l’article 4 de la présente proposition de règlement, respectivement au « pays de résidence habituelle » du ressortissant de pays tiers visé, mais aussi à un autre pays tiers dans lequel ce dernier a droit d’entrer et de séjourner, ou encore à un « pays tiers sûr » au sens du règlement (UE) 2024/1348, et enfin à un pays tiers avec lequel il existe un accord ou un « arrangement » en vertu duquel ce ressortissant de pays tiers peut être accepté, afin d’accroître l’effectivité des décisions de retour ;



Concernant l’instauration d’un examen de vulnérabilité des étrangers en situation irrégulière (article 6) :



S’interroge sur la pertinence de l’instauration, par l’article 6, d’un examen de vulnérabilité d’un étranger en situation irrégulière durant sa retenue pour vérification d’identité, considérant que, dans le pacte sur la migration et l’asile, le « filtrage » des personnes ayant franchi irrégulièrement les frontières extérieures de l’Union européenne comprendra déjà un contrôle de l’état de leur santé et estimant qu’un tel examen semble plus adapté lorsque les autorités compétentes doivent décider de mesures privatives de liberté telles que la rétention ;



Concernant les interdictions d’entrée (article 10) :



Prend note des dispositions de l’article 10, qui prévoient que les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée lorsqu’un étranger en situation irrégulière fait l’objet d’un éloignement ou n’a pas respecté son obligation de retour dans les délais prévus pour son départ volontaire, ou encore présente un risque pour la sécurité ;



Soutient, aux articles 10 et 16, l’application de régimes d’interdiction distincts applicables, d’une part, aux étrangers en situation irrégulière et, d’autre part, à ceux d’entre eux qui présentent un risque pour la sécurité ;



Soutient également l’allongement de la durée maximale des interdictions d’entrée, de cinq à dix ans, avec possibilité de prolongations ultérieures par échéances successives de cinq ans, car une telle évolution doit renforcer l’effet dissuasif de ce dispositif ;



Concernant les retours forcés et les retours volontaires (articles 12 et 13) :



Rappelle que la directive 2008/115/CE, en particulier ses articles 7 et 8, prévoit d’abord un « délai approprié » allant de 7 à 30 jours, à compter de la notification d’une décision de retour, pour le départ volontaire de l’étranger en situation irrégulière concerné par cette décision, puis autorise les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour éloigner la personne concernée ;



Observe que les articles 12 et 13 de la proposition de règlement COM(2025) 101 final maintiennent le retour volontaire de l’étranger en situation irrégulière comme procédure de retour « de principe », dans la lignée de la directive 2008/115/CE, tout en mentionnant quatre situations pour lesquelles l’éloignement deviendrait la règle : refus de coopération de l’étranger concerné ; déplacement non autorisé dans un autre État membre ; personne présentant des risques pour la sécurité ; non-respect de l’obligation de départ volontaire ;



Déplore le maintien d’une logique binaire trop rigide dans la proposition, mal adaptée aux réalités de terrain ;



Souhaite donc, par cohérence avec l’objectif général d’amélioration des procédures de retour, que la proposition de règlement puisse laisser le choix du caractère volontaire ou forcé de la procédure de retour aux autorités compétentes des États membres, sur la base d’une évaluation individuelle de chaque situation ; prend note des discussions en cours au Conseil à ce sujet ;



Concernant le retour des étrangers en situation irrégulière présentant des risques pour la sécurité (article 16) :



Estime que l’une des lacunes du droit européen en vigueur relatif au retour est l’absence de disposition spécifique relative au retour des étrangers en situation irrégulière et représentant un risque pour la sécurité ; constate d’ailleurs que ces derniers font l’objet d’une priorité d’action des autorités françaises dans les opérations de retour ; salue par conséquent les dispositions de l’article 16 de la proposition de règlement COM(2025) 101 final, qui prévoient des règles destinées à accélérer le retour de cette catégorie d’étrangers en situation irrégulière ;



Approuve la possibilité de placement en rétention administrative des personnes concernées au-delà de la durée maximale prévue, qui serait étendue à 12 mois puis, le cas échéant, 12 mois complémentaires, soit 24 mois ;



Concernant le retour dans un pays tiers avec lequel il existe un accord ou un arrangement et l’établissement de « centres de retour » (article 17) :



Rappelle qu’en mai 2024, 15 États membres avaient demandé à la Commission européenne « d’identifier, d’élaborer et de proposer de nouveaux moyens et de nouvelles solutions pour prévenir l’immigration irrégulière vers l’Europe » et que, le 14 octobre 2024, la présidente de la Commission européenne avait appelé l’Union européenne à explorer la possibilité de développer des centres de retour (« return hubs ») hors de l’Union européenne ;



Prend note avec intérêt des dispositions des articles 4 et 17 qui donnent aux États membres la possibilité de transférer des étrangers en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision de retour vers un pays tiers respectant les normes du droit international relatives aux droits de l’Homme avec lequel ils auraient conclu un accord ou un « arrangement » ; précise que l’accord ou « l’arrangement » précité devrait prévoir les conditions de séjour de ces personnes, les modalités de leur retour ultérieur dans leur pays d’origine, ainsi que l’établissement d’un organisme indépendant pour contrôler son application effective ; relève aussi que les mineurs non accompagnés et les familles seraient exclus de ce dispositif ;



Concernant la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (article 18) :



Approuve, à l’article 18, la prise en compte de « l’intérêt supérieur de l’enfant » en tant que « considération primordiale » dans la mise en œuvre du présent règlement ;



Constate que les articles 20 et 35 de la proposition de règlement autorisent sous certaines conditions, d’une part, les opérations de retour de mineurs non accompagnés et d’autre part, leur rétention administrative ; rappelle toutefois que, dans un souci de protection des mineurs, la France, refuse de procéder à de tels éloignements et de tels placements en rétention, en application des articles L. 611-3 et L. 741-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;



Concernant l’obligation de coopération des étrangers en situation irrégulière (articles 21 et 22) :



Soutient, aux articles 21 et 22, l’instauration d’une obligation de coopération qui s’imposerait aux étrangers en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision de retour, tout au long de la procédure de retour ; souligne que cette obligation suppose, pour l’intéressé, de rester sur le territoire de l’État membre compétent pour la procédure de retour, de fournir toutes les informations et documents aux autorités compétentes pour prouver leur identité, de ne pas détruire de tels documents, de fournir ses données biométriques et de rester disponible tout au long de la procédure ; rappelle que cette obligation est cohérente avec celle qui est prévue pour les demandeurs d’asile à l’article 17 du règlement (UE) 2024/1351 du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l’asile et de la migration ;



Considère que le respect de cette obligation doit, en cas de refus de l’étranger en situation irrégulière concerné, autoriser les services compétents à user, lorsque cela est nécessaire et dûment justifié pour la procédure de retour ou de réadmission, à un usage proportionné de la contrainte, en particulier pour le relevé de ses données biométriques ;



Approuve la possibilité, pour les services compétents, de mener des perquisitions au domicile de la personne concernée et de procéder à une fouille de ses effets personnels, lorsque cela est nécessaire et dûment justifié ; estime qu’il est nécessaire de préciser que la notion « d’effets personnels » comprend sans ambiguïté les appareils électroniques (ordinateur ; tablette ; téléphone portable…) de l’intéressé ;



Prend acte des mesures « effectives, proportionnées et dissuasives », prévues à l’article 22, qui peuvent être infligées à un étranger faisant l’objet d’une décision de retour si ce dernier ne respecte pas l’obligation de coopérer, à l’exemple de la prolongation d’une interdiction d’entrée ou de sanctions pécuniaires ; constate que le maintien sur le territoire d’un État membre au-delà des délais prévus par la réglementation de l’Union européenne et la législation nationale des États membres constituerait de jure un refus de coopération ; souhaite que le dispositif de cet article rappelle également la possibilité, pour les États membres, de sanctionner le non-respect de l’obligation de coopération par des infractions pénales, comme cela est déjà le cas en droit français ;



Concernant l’assistance juridique et la représentation en justice (article 25) :



Relève que l’article 25 définit ce que sont l’assistance juridique et la représentation en justice et prévoit les garanties procédurales nécessaires à la mise en œuvre du droit au recours effectif des étrangers faisant l’objet de décisions de retour contre ces dernières ; il prend note en particulier que cette assistance juridique et cette représentation en justice doivent être assurées par des « conseils juridiques ou d’autres personnes dûment qualifiées, reconnues ou habilitées par le droit national » ;



Souligne que cet article affirme également la gratuité systématique de cette assistance et de cette représentation pour les mineurs non accompagnés tout en permettant aux États membres, dans les autres cas, de limiter cette gratuité ; observe à cet égard que le b) du paragraphe 5 exclut la gratuité précitée lorsque le recours d’une personne « est considéré comme n’ayant aucune chance d’aboutir » ; estime, à la suite du Conseil des barreaux européens et du Conseil national des barreaux français dans sa position du 6 juin 2025, qu’une telle expression est « problématique parce qu’elle est trop vaste, trop subjective et ouvre la voie à une généralisation des ordonnances de tri des recours au fond », et qu’elle pourrait être remplacée par la notion de recours « manifestement irrecevable », bien connue du droit français ;



Concernant l’effet suspensif du recours contre une décision de retour (article 28) :



Rappelle qu’aux termes des articles 14 et 26 à 28 de la proposition de règlement COM(2025) 101 final, l’étranger en situation irrégulière et faisant l’objet d’une décision de retour, disposerait d’un délai de 14 jours à compter de la notification de cette décision pour contester cette dernière par un recours contentieux, et que l’exécution de la décision serait automatiquement suspendue pendant ce délai ;



Constate que l’effet suspensif automatique de 14 jours maximum qui serait prévu pourrait induire la modification ou la suppression de mesures du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorisant actuellement l’exécution d’office de certaines décisions ;



Prend note de l’exception à cet effet suspensif automatique qui est prévue à l’article 16 pour les décisions de retour prises à l’égard d’étrangers en situation irrégulière présentant des risques pour la sécurité ;



Exprime cependant sa préférence pour le maintien du droit en vigueur découlant de l’article 13 de la directive 2008/115/CE, qui laisse la possibilité aux autorités judiciaires ou administratives compétentes des États membres de suspendre temporairement l’exécution d’une décision de retour, conformément à leur législation nationale ;



Concernant la rétention administrative (articles 29 à 35) :



Appuie l’actualisation des règles de rétention administrative proposée aux articles 29 à 35, en particulier, à l’article 29, l’extension des motifs de rétention aux risques de sécurité, à la vérification de l’identité et au non-respect des mesures alternatives à la rétention, mais aussi l’insertion, à l’article 30, d’une définition harmonisée au niveau européen du « risque de fuite » d’un étranger en situation irrégulière, dont l’établissement pourrait justifier le placement en rétention, et, à l’article 32, l’augmentation de la durée maximale de rétention à 24 mois ; estime en effet que cette actualisation est l’une des conditions pratiques de succès des procédures d’éloignement forcés ;



Concernant la procédure de réadmission (articles 36 et 37) :



Observe que la réadmission de ses propres ressortissants est une obligation du droit international coutumier ; déplore cependant le non-respect de cette obligation par certains pays tiers à l’égard de leurs ressortissants en situation irrégulière dans un État membre ;



S’inquiète des dispositions de l’article 36, qui imposeraient aux autorités compétentes des États membres d’engager systématiquement une procédure de réadmission pour toute décision de retour exécutoire, y compris si la personne est volontaire pour partir ; considère en effet qu’une telle obligation engendrerait une charge administrative nouvelle disproportionnée pour les services concernés ;



Demande également la suppression de l’article 37 de la proposition de règlement COM(2025) 101 final, qui prévoit la possibilité, pour les autorités des États membres chargées de la procédure de retour, de communiquer avec des « entités de pays tiers non reconnues » ; observe en effet que ce dispositif a une valeur normative faible et que le dialogue visé relève de la libre appréciation de chaque État membre ;



Concernant les moyens mis en œuvre par les États membres et par l’Union européenne (articles 43 et 45) :



Souligne l’importance des dispositions de l’article 43 qui rappellent à chaque État membre de prévoir des « capacités suffisantes » pour mettre en œuvre la réforme, compte tenu des besoins réels et des retours envisagés dans les 12 mois à venir ; ajoute que cet impératif concerne également l’Union européenne, à travers son soutien financier et celui, opérationnel, de l’agence Frontex, visé à l’article 45 ;



Concernant la dimension externe de la politique migratoire :



Constate que l’efficacité des procédures de retour des étrangers en situation irrégulière des États membres de l’Union européenne est liée à celle de leur action diplomatique et à leurs bonnes relations avec les pays d’origine de ces personnes ;



Rappelle que la dimension externe de la politique migratoire a pour objectif d’aider les États membres dans leur dialogue avec les pays d’origine et les pays de transit des étrangers faisant l’objet d’une décision de retour dans un État membre et qu’elle constitue aujourd’hui une priorité, tant des autorités françaises que de la Commission européenne ;



Soutient, dans le respect de la souveraineté nationale, les efforts conjoints des États membres et des institutions de l’Union européenne pour parler « d’une seule voix » aux pays tiers concernés dans le cadre de cette dimension externe ; estime que ce dialogue doit permettre de faire cesser les attitudes non coopératives de certains pays tiers, en particulier en matière de délivrance des laissez-passer consulaires, et de mettre en place avec eux des partenariats stratégiques mutuellement bénéfiques comprenant un volet migratoire ;



Concernant les propositions de règlement COM(2025) 186 final (« pays d’origine sûrs ») et COM(2025) 259 final (« pays tiers sûrs ») :



Concernant le cadre général d’examen de ces propositions :



Considérant que le concept de « pays d’origine sûr » a été introduit pour permettre aux autorités compétentes des États membres compétentes en matière d’asile de procéder à l’examen accéléré de la demande de protection internationale formulée par un ressortissant de ce pays, et que celui de « pays tiers sûr » doit permettre aux autorités précitées de déclarer irrecevable une demande de protection formulée par un demandeur ayant un lien avec ce pays ;



Considérant que dans le cadre de la directive 2013/32/CE la désignation de « pays d’origine sûrs » n’est possible qu’au niveau des États membres ;



Considérant que le règlement UE 2024/1348, dit règlement « procédure », adopté au sein du pacte sur la migration et l’asile, a modifié le droit en vigueur pour autoriser la désignation de « pays d’origine sûrs », tant au niveau de l’Union européenne que des États membres ;



Considérant, aux termes de l’article 61 du règlement UE 2024/1348, qu’un « pays d’origine sûr » est, pour ses ressortissants qui demandent l’asile dans un État membre de l’Union européenne, un pays où il n’est recouru à aucun acte de persécution et où il n’existe aucun risque réel de subir des atteintes graves ;



Considérant qu’un « pays tiers sûr », est, aux termes des articles 59 et 60 du règlement (UE) 2024/1348, un pays où les personnes sollicitant une protection internationale dans un État membre n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté, où elles peuvent bénéficier d’une « protection effective », et avec lequel elles ont un « lien de connexion », qui peut être un lien familial, et un pays où il n’existe aucun risque d’atteintes graves, où la torture est interdite et où le principe de non-refoulement est respecté, ou alors qui, en vertu d’un accord avec l’Union européenne, bénéficie d’une « présomption de sécurité » ;



Rappelle que les dispositions du règlement (UE) 2024/1348 ne sont pas encore entrées en vigueur et doivent en principe devenir applicables en juin 2026 ;



Constate que les propositions de règlement COM(2025) 186 final et COM(2025) 259 final ont pour objectif premier de faciliter la mise en œuvre des concepts de « pays d’origine sûr » et de « pays tiers sûr », en conformité avec le souhait d’une majorité d’États membres de développer des « solutions innovantes » conduisant au traitement des procédures d’asile avec des pays tiers ;



Concernant la proposition de règlement COM(2025) 186 final (« pays d’origine sûrs ») :



Approuve les dispositions de la proposition de règlement visant à accélérer l’entrée en vigueur de deux mesures du pacte sur la migration et l’asile, à savoir la procédure d’asile à la frontière destinée aux demandeurs d’asile originaires de pays pour lesquels la part des décisions positives en matière d’asile dans le nombre total des décisions d’asile est, en moyenne au niveau de l’Union européenne, égale ou inférieure à 20 %, et la possibilité de reconnaître un pays tiers comme « pays d’origine sûr » ou « pays tiers sûr » moyennant des exceptions territoriales ou en faveur de catégories de personnes ;



Soutient également les dispositions de la proposition de règlement COM(2025) 186 final permettant l’établissement d’une liste de « pays d’origine sûrs » au niveau de l’Union européenne, dont le principe a été acté par l’article 62 du règlement (UE) 2024/1348 ; rappelle que l’ensemble des pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne bénéficieraient d’une « présomption d’inscription » sur cette liste européenne sauf dans les circonstances suivantes : s’il existe des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit ; si des mesures restrictives ont été adoptées compte tenu des actes du pays ; ou bien, si la proportion des décisions des autorités des États membres compétentes pour accorder une protection internationale aux demandeurs originaires de ce pays est supérieure à 20 % ;



Prend acte de l’exclusion de fait de l’Ukraine de la liste européenne, du fait de l’agression militaire russe en cours contre ce pays depuis février 2022 ;



Observe que les pays tiers inscrits sur la liste européenne (Bangladesh ; Colombie ; Égypte ; Inde ; Kosovo ; Maroc ; Tunisie) l’ont été sur la base d’une évaluation constituée d’informations en provenance des États membres, de l’Agence européenne pour l’asile, du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ;



Juge opportune la possibilité, admise par le règlement (UE) 2024/1348, de reconnaître des « pays d’origine sûrs » à l’exception de certains territoires ou de certaines catégories de population, afin d’étendre le nombre de pays potentiellement admissibles ;



Soutient la complémentarité d’une liste européenne de « pays d’origine sûrs », qui doit améliorer l’harmonisation des pratiques et des procédures communes d’asile, et des listes nationales ; rappelle sur ce point que la France dispose déjà de sa propre liste nationale et que cette dernière est régulièrement sollicitée par les services compétents pour mettre en œuvre la procédure d’asile accélérée ;



Concernant la proposition de règlement COM(2025) 259 final (« pays tiers sûrs ») :



Relève que la proposition de règlement COM(2025) 259 final vise d’abord à faciliter l’usage du concept de « pays tiers sûr » par les autorités des États membres chargées de l’asile en supprimant l’automaticité de l’exigence d’un « lien de connexion » et en reconnaissant comme « pays tiers sûrs », d’une part, les « pays de transit » des demandeurs et, d’autre part, les pays tiers avec lesquels il existe un accord ou un « arrangement » à ce sujet ; prend acte du fait que la réforme envisagée prévoit aussi de diminuer la durée de la procédure de traitement de l’asile en supprimant l’effet suspensif des recours visant les décisions d’irrecevabilité d’une demande d’asile, par référence au concept de « pays tiers sûr » ;



Soutient les dispositions de ce texte allant dans le sens de la simplification du recours au concept de « pays tiers sûr » dès lors qu’un demandeur d’asile peut y bénéficier d’une « protection effective » ;



Prend acte du fait que le quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 est interprété par le Conseil constitutionnel comme faisant « obligation aux autorités administratives et judiciaires françaises de procéder à l’examen de la situation » de « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » au titre de l’asile ;



Constate la portée limitée de ce texte pour la France dès lors que le concept de « pays tiers sûr » n’y est, à ce jour, pas appliqué en France ;


*



Invite le Gouvernement à faire valoir ces positions dans les négociations au Conseil.

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