B. LE FLOU PERSISTANT DU CADRE JURIDIQUE

La loi du 16 octobre 1997 innovait tout particulièrement en matière de droit du travail, notamment de deux manières :

- la création d'un contrat de travail de droit privé d'une durée de cinq ans, susceptible d'être rompu chaque année ;

- la mise en place d'une aide au poste, dissociée de la personne.

Ces innovations ont toutefois contribué à alimenter un certain flou sur le cadre juridique des emplois-jeunes, flou qui ne s'est pas dissipé après trois années d'application de la loi.

1. Un statut juridique incertain

a) Un contrat de droit privé pour des employeurs de droit public

La loi du 16 octobre 1997 a opéré un certain mélange des genres dont les conséquences sont toujours perceptibles et alimentent largement les préoccupations des jeunes.

Hormis le cas spécifique des adjoints de sécurité, puis des agents de justice 4 ( * ) , les emplois-jeunes sont recrutés sous contrat de droit privé par les employeurs qui sont très largement des personnes morales de droit public (collectivités locales, Education nationale, établissements publics, entreprises publiques) à l'exception des associations.

Les emplois-jeunes relèvent donc du code du travail, dans des secteurs où celui-ci est mal connu et où les conventions collectives (qui complètent le droit du travail) n'existent pas.

Dès lors, les employeurs n'étant pas familiarisés au droit du travail, les jeunes rencontrent fréquemment des difficultés pour connaître leurs droits et devoirs faute d'une information suffisante.

Il semble également que le droit du travail ne soit pas toujours appliqué correctement, loin s'en faut. La presse se fait d'ailleurs de plus en plus fréquemment l'écho des assignations d'employeurs par des emplois-jeunes au conseil des prud'hommes pour violation du droit du travail.

b) Un exemple significatif : l'Education nationale

L'ambiguïté du statut juridique des emplois-jeunes s'est sans doute révélée avec le plus de force dans l'Education nationale.

Il est à noter que l'ambiguïté y est d'autant plus forte que " l'employeur effectif " (le directeur d'école ou principal de collège ou lycée) n'est souvent pas " l'employeur juridique " (le directeur de l'établissement public local d'enseignement auquel est rattaché l'établissement d'exercice)...

Les aides éducateurs bénéficient d'un statut très différent de celui des autres personnels de l'Education nationale qui se révèle en pratique beaucoup moins favorable (prise en charge des accidents du travail ou des arrêts de maladie par exemple). Ces différences sont interprétées par les aides éducateurs comme un manque de reconnaissance et alimentent alors un certain désenchantement.

Plus concrètement, l'application du droit du travail pour les aides éducateurs soulève de nombreuses incertitudes, qui n'ont pas toutes été levées.

L'exercice du droit syndical

Si l'exercice du droit syndical est reconnu par les aides éducateurs, il ne peut que difficilement s'appliquer dans le cadre du droit syndical de la fonction publique. C'est tout particulièrement le cas en matière de représentation du personnel, la représentation des aides éducateurs n'étant pas organisée.

Aussi, le décret n° 2000-723 du 28 juillet 2000 a-t-il institué, dans chaque académie, des conseils académiques des aides éducateurs dont la mission consiste à donner un avis sur toute question relative aux conditions générales de travail, de formation et d'insertion professionnelle des aides éducateurs.

La couverture du risque de chômage

Les aides éducateurs ne sont pas affiliés à l'assurance chômage. Ils ne peuvent alors bénéficier ni de l'indemnisation du chômage, ni de l'allocation formation-reclassement (AFR).

Aussi, une circulaire ministérielle du 29 octobre 1999 ouvre la possibilité d'une " allocation de remplacement au revenu " si les aides éducateurs ont été privés involontairement d'emploi.

La durée du travail

Longtemps restée dans le flou, la durée du travail des aides éducateurs a été précisée par la circulaire du 23 juillet 1998. Elle prévoit une durée annuelle de travail de 1.575 heures (soit 35 heures par semaine), 7 semaines de congés payés et une durée maximale hebdomadaire de 39 heures.

Toutefois ces règles restent difficilement applicables en pratique. Se posent notamment la question du temps de travail des aides éducateurs lors des vacances scolaires et celle des heures supplémentaires, qui ne sont pas nécessairement payées.

Au total, selon les indications recueillies par votre rapporteur, les horaires effectifs de travail peuvent varier par semaine entre 21 heures et près de 80 heures (dans le cas des " classes transplantées ").

La mise à disposition des aides éducateurs auprès d'autres employeurs

Les aides éducateurs peuvent être mis à disposition, pendant les vacances scolaires, d'un autre établissement dans le cadre d'un programme " école ouverte ".

Ils peuvent être également mis à la disposition de collectivités locales ou d'associations si l'activité en question est susceptible de figurer dans un projet d'école ou d'établissement.

Ces mises à disposition, si elles peuvent se justifier au regard des missions dévolues aux aides éducateurs, n'en soulèvent pas moins des interrogations, eu égard aux conditions d'application du droit du travail et aux disparités entre aides éducateurs.

Le remboursement des frais de déplacement

Les aides éducateurs sont souvent assujettis à des obligations de déplacement, soit directement dans le cadre de leurs fonctions (lorsqu'ils interviennent dans plusieurs écoles et plusieurs établissements 5 ( * ) ), soit pour effectuer leur formation.

Or, le remboursement de ces frais de déplacement reste imparfait. Certes, des instructions ministérielles (lettre du 29 octobre 1999) précisent les conditions de remboursement des frais de déplacement. Toutefois, comme le reconnaît le ministère 6 ( * ) , " des difficultés d'application peuvent apparaître ici ou là " . En pratique en effet, plusieurs académies n'assurent toujours pas le remboursement des frais de déplacement.

Ces exemples soulignent l'ampleur des incertitudes pesant sur les statuts des aides éducateurs.

La plupart du temps, le ministère a élaboré, à la hâte, des réponses spécifiques aux problèmes mis en évidence.

Cette solution n'apparaît pas satisfaisante.

Elle se traduit par l'introduction d'un " droit mixte ", à mi-chemin entre le droit du travail et le droit de la fonction publique, sous forme de décret ou surtout par des circulaires souvent dérogatoires au droit du travail, qui régissent les conditions d'emplois des aides éducateurs. La lisibilité de l'ensemble est alors réduite d'autant.

Elle génère des situations très disparates selon les académies et les établissements, les conditions d'emploi des aides éducateurs devenant fort variables selon le degré réel d'application des textes.

* 4 Ces deux catégories relèvent d'un contrat de travail de droit public.

* 5 Selon le ministère de l'Education nationale, ils seraient au moins 10 % dans ce cas.

* 6 Audition des représentants du ministre de l'Education nationale par le groupe de travail.

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