M. Christophe Pezron,
directeur du programme SECOIA (site d'élimination des chargements d'objets identifiés anciens) à la Délégation générale pour l'armement

M. Jacques LARCHÉ, président

Nous vous accueillons et vous souhaitons la bienvenue. Au sein de la Délégation générale pour l'Armement, vous êtes responsable du programme intitulé SECOIA. J'ai découvert aujourd'hui ce que signifiait SECOIA : site d'élimination des chargements d'objets identifiés anciens.

C'est à l'initiative de notre collègue Monsieur Machet que nous avons décidé d'organiser ces auditions. A l'arrière-plan de l'affaire de Vimy se pose le problème plus général de l'élimination des déchets de la Première et de la Seconde guerre mondiale. Pouvez-vous nous expliquer ce processus ?

M. Christophe PEZRON

Je vais essayer de vous donner un certain nombre de détails qui justifient le coût de cette opération. Je vous préciserai tout d'abord que le fait de retrouver encore des munitions de la première guerre mondiale est lié au grand nombre de munitions tirées, au contrôle qualité sommaire de l'époque et à la nature des terrains particulièrement boueuse qui ne favorisait pas la détonation des munitions. Ces éléments vous expliquent pourquoi nous retrouvons aujourd'hui encore de nombreuses munitions.

Concernant le programme SECOIA, le décret n° 96-1081 du 5 décembre 1996 a donné la responsabilité au Ministère de la Défense de détruire les munitions chimiques anciennes. Cette opération a été confiée au sein du Ministère à la Délégation générale pour l'Armement, et plus particulièrement au service des programmes nucléaires, auquel j'appartiens.

En juin 1997, la délégation a proposé que ce programme soit découpé en trois grandes phases. La phase de faisabilité devait nous permettre d'identifier les principes techniques qui permettraient de démanteler puis de bâtir une première définition de l'installation. La seconde phase consiste à assurer la conception détaillée, la réalisation et la mise en service de ces installations. Enfin, la dernière phase visait à assurer son exploitation régulière.

Le site projeté présente une particularité : il est quasiment unique. Il va devoir détruire 200 à 300 types de munitions différentes. Nous avions fixé initialement sa capacité de destruction à 100 tonnes par an et sa durée de vie à 30 ans.

Quelles sont les grandes fonctions de cette installation ? D'une part, elle doit avoir la capacité d'accueillir les camions du Ministère de l'Intérieur en toute sécurité. Elle doit d'autre part être en mesure de permettre le déchargement des munitions en respectant ces mêmes règles de sécurité. Ceci implique que toutes les opérations de déchargement des munitions seront réalisées à l'intérieur de bâtiments. Ils doivent être capables de résister à une détonation de 30 ou 40 kilos d'explosifs.

Nous réceptionnons les munitions dans un premier temps. Nous allons les identifier à nouveau par un certain nombre de moyens afin de s'assurer que ces munitions sont réellement chimiques. Elles vont ensuite être transportées de manière automatique dans un système qui assurera le démantèlement, c'est-à-dire la séparation de la partie chimique de la partie pyrotechnique. A l'issue de cette opération, le problème sera beaucoup plus facile à traiter. Nous détruirons alors l'ensemble des déchets, qu'ils soient de nature chimique ou pyrotechnique, de manière à ne rien rejeter après le traitement par cette installation.

En juin 1998, nous avons lancé cette phase de faisabilité en notifiant trois marchés. Tout d'abord, nous devions déterminer de quelle manière nous allions détruire ces munitions. Cette question a fait l'objet de nos premiers travaux durant les six premiers mois. Une fois que nous avons identifié les principes les plus efficients et les plus pertinents, nous avons bâti une première architecture de l'installation. Nous avons obtenu ces premiers résultats à la fin de l'année 1999.

Dès lors, il est apparu que cette installation était chère. Sa réalisation était en effet estimée à l'époque à 880 millions de francs. Nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre d'aménagements techniques nous permettraient peut-être de l'optimiser et de diminuer son coût. Nous avons alors engagé à cet effet un dialogue très étroit avec le Ministère de l'Intérieur.

J'ajoute que nous avions fixé la capacité d'installation à 100 tonnes de munitions par an. Or nous nous sommes rendu compte, dans le cadre des études de faisabilité, que cette installation avait la capacité de fonctionner en 2x8 ou en 3x8. Cela signifiait qu'une installation initialement prévue pour 100 tonnes avait la capacité intrinsèque de monter jusqu'à 300 tonnes. Toute la question était de savoir si cette capacité était bien dimensionnée par rapport aux besoins de la sécurité civile. Cette question a elle aussi fait l'objet de travaux.

Enfin, nous devions définir les grands principes de l'interface avec le Ministère de l'Intérieur. Ce ministère nous apportait les munitions dans les camions. Nous devions nous mettre d'accord sur le type de camion, sur le conditionnement des munitions et sur la fréquence de livraison de munitions. Toutes ces étapes techniques se sont déroulées au cours de l'année 2000.

A la fin de l'année 2000, on a fixé la capacité de cette installation à environ 25 tonnes par an en vitesse de croisière, ce qui correspond au flux de découverte annuel. Cette capacité sera portée au début du processus à entre 75 à 80 tonnes, pour permettre la destruction du stock existant durant les premières années d'exploitation. La délégation générale pour l'armement a ensuite procédé à l'élaboration de l'ensemble des documents contractuels nécessaires à la nouvelle consultation afin de lancer la phase de réalisation. Elle a fait valider ces documents par la Commission spécialisée des marchés. Nous avons également finalisé le protocole d'accord avec le Ministère de l'Intérieur, et la nouvelle consultation pour le programme a été lancée en juin 2001.

Ce calendrier conduirait à la destruction de la première munition durant l'année 2005 et à une mise en service opérationnelle de l'installation au cours de l'année 2007.

Je souhaite vous dire quelques mots, si vous me le permettez, sur les principes techniques qui seront utilisés, les contraintes que nous avons prises en compte et les calendriers. Nous estimons, d'un point de vue technique, que la destruction des munitions peut être réalisée d'après trois types de solutions. Nous pouvons, première solution, procéder à la destruction des munitions dans un four blindé. Ensuite, nous récupérerons les effluents et les déchets solides pour les neutraliser.

Nous pouvons, deuxième possibilité, utiliser un bain d'acide nitrique chauffé, dans lequel on introduira les projectiles. Puis, nous récupérons et traiterons les effluents gazeux, liquides et solides.

La troisième méthode est couramment réalisée en Belgique et en Allemagne. Elle consiste à effectuer un démantèlement mécanique de la munition pour séparer la partie chimique de la partie pyrotechnique en vue d'une élimination selon des procédés distincts.

Je vous ai présenté les trois grandes démarches actuellement en compétition. Les trois industriels que nous avons consultés choisiront un ou plusieurs de ces principes dans le cadre de la nouvelle consultation.

S'agissant du calendrier, l'expérience en Belgique et en Allemagne montre que le délai de mise au point de ce type d'installation prototype est important. Les Belges ont lancé la construction de leur installation en 1993 sur le principe du démantèlement mécanique. Cette unité de destruction est entrée en service opérationnel en octobre 1999 avec deux ans de retard.

Les Allemands ont lancé en 1995 la construction d'une installation complètement automatisée afin de détruire des terres polluées par des dérivés d'arsenic et par des munitions chimiques. Ils ont rencontré des difficultés de mise au point et ont pris deux ans de retard sur la mise en service de l'installation et semblent en remettre en cause certains principes techniques.

Ces constats conduisent la DGA à envisager une période de mise en service relativement longue. Nous souhaitons en effet nous laisser deux années d'essais. Durant les six premiers mois, nous validerons le principe de fonctionnement de l'installation sur des objets inertes. Ces examens devront nous permettre de nous assurer que l'ensemble des installations fonctionne correctement. A partir de 2005 et dans un deuxième temps, nous commencerons à détruire les premiers obus. Nous détruirons alors tous les types d'obus afin de démontrer que nous sommes capables de le faire en toute sécurité. Une fois que nous aurons prouvé cela, l'installation fonctionnera de manière quasi normale. Nous montrerons alors que l'ensemble de nos exigences sont respectées.

Les données de ce calendrier ont été définies à partir des résultats des études de faisabilité.

J'ai terminé ma présentation.

M. Jacques LARCHÉ, président

Cette intervention est tout à fait pertinente grâce à la qualité de notre interlocuteur. Combien de personnes travailleront dans cette installation ?

M. Christophe PEZRON

Cela dépendra des principes contractuels. Environ 10 à 20 personnes travailleront dans cette installation, qui sera totalement automatisée. L'installation fonctionnera seule et sera pilotée à 200 ou 300 mètres de distance par une dizaine de personnes.

M. Jacques LARCHÉ, président

La DGA est-elle en charge de la gestion de ce projet ?

M. Christophe PEZRON

Absolument. La phase d'exploitation sera réalisée par un industriel privé sous contrat avec la DGA.

M. Jacques LARCHÉ, président

Il s'agira donc d'une délégation de gestion.

M. Christophe PEZRON

Il s'agira d'un marché public.

M. Jacques LARCHÉ, président

Avez-vous d'ores et déjà une idée du coût de fonctionnement de cette installation ?

M. Christophe PEZRON

D'après les études de faisabilité, le coût de fonctionnement annuel s'élèverait à environ 50 millions de francs. Nous espérons, compte tenu des réductions de capacités, atteindre un chiffre plus proche de 30 millions de francs. Il convient de préciser qu'il s'agit d'évaluations.

Ces éléments ainsi que le coût du programme et le délai du programme doivent être validés dans le cadre de la nouvelle consultation.

M. Robert BRET

Je suppose que ce coût variera en fonction de la solution qui sera retenue.

M. Christophe PEZRON

Absolument.

M. Jacques LARCHÉ, président

Pensez-vous que tous les systèmes que vous nous avez présentés se valent ou considérez-vous que l'un d'entre eux semble être plus performant que les autres et qu'il faille s'orienter vers celui-là ?

M. Christophe PEZRON

La DGA considère que cette réalisation est particulièrement complexe. Dès lors, il appartient aux industriels maîtres d'oeuvre de nous proposer une solution technique qui réponde aux objectifs que nous nous sommes fixés. Nous souhaitons à cet égard laisser une liberté totale au maître-d'oeuvre. C'est ensuite à lui d'assumer l'obligation de résultat. Telle est notre position de principe.

La solution du démantèlement mécanique est généralement plus risquée car elle suppose un usinage de la munition. Si cette solution devait être mise en oeuvre, elle serait réalisée dans le cadre de locaux totalement blindés.

La technique du four blindé est très intéressante parce qu'elle permet une capacité de traitement très intensive. Cependant, il reste aujourd'hui à déterminer encore certains éléments techniques, surtout concernant la résistance dans le temps aux agressions des munitions. En effet, un certain nombre de munitions vont détoner dans ce four. Même s'il est blindé, les éclats viendront endommager les parois internes du four. Peut-être faudra-t-il alors changer régulièrement ces parois. Le four constitue donc une solution intéressante, mais il faudra considérer les questions ayant trait à sa résistance et le coût de son maintien en condition.

Enfin, la solution du traitement chimique est intéressante car elle ne requiert aucun four blindé, mais une cuve pour faire tremper les obus, qui seront dissous. Il conviendra toutefois d'approfondir les questions concernant les compatibilités chimiques au sein de ce mélange et la destruction des effluents résiduels, qui pourront se révéler pâteux dans certains cas.

Je pense que ces méthodes présentent toutes des avantages, ont un niveau de risque plus ou moins élevé et sont toutes éligibles en termes de solutions pour l'installation.

M. Jacques LARCHÉ, président

J'imagine qu'une ligne budgétaire devra être débloquée dans la mesure où il n'y a pas d'acteurs financiers privés.

M. Christophe PEZRON

Absolument.

M. Jacques LARCHÉ, président

Je souhaite vous poser une autre question. Pour quelles raisons avez-vous été affecté à ce projet ?

M. Christophe PEZRON

Je suis pyrotechnicien de formation et ai passé dix ans dans un des centres experts de la DGA dans le domaine de la protection nucléaire biologique et chimique.

M. Jacques MACHET

Les produits toxiques seront-ils traités à part ?

M. Christophe PEZRON

Le fait que le four soit chauffé aux alentours de 500 à 600 degrés va détériorer énormément les toxiques. Quel sera le pourcentage de cette destruction ? Cette question devra faire l'objet d'études.

Après traitement, nous ferons passer les effluents gazeux dans une chambre de post combustion à 1 200 ou à 1 300 degrés durant le temps nécessaire pour assurer la destruction complète de tous les produits.

L'acide nitrique va détériorer les composés toxiques en grande partie. Ces derniers seront de toutes façons détruits dans des fours, et les fumées seront traitées dans la chambre de post combustion. Nous avons indiqué aux industriels que cette installation devra se conformer strictement à la législation applicable à une industrie classique en termes de rejet.

M. Jacques LARCHÉ, président

Cette usine n'existe pas encore.

M. Christophe PEZRON

Non.

M. Patrice GELARD

Des études sont-elles actuellement réalisées en laboratoire ?

M. Christophe PEZRON

Oui.

Les Belges ont appliqué une solution relativement intéressante. Ils ne souhaitaient pas investir dans une installation d'incinération et ont donc décidé de confier les déchets qu'ils généraient à l'industrie pour qu'elle les détruise. Mais les Belges se sont aperçus que dans certains cas les déchets à détruire étaient souillés par de l'explosif, et l'industrie n'a pas voulu les traiter. Ils ne sont donc pas en mesure aujourd'hui de détruire toutes les munitions.

Les Allemands ont opté quant à eux pour une solution différente. Ils ont mis en place deux installations. La première est une installation de démantèlement mécanique. Un four d'incinération a été construit sur le site et détruit les déchets de l'installation. Par ailleurs, ils ont décidé d'investir dans une nouvelle unité pour assurer le traitement des terres polluées, qui a rencontré les difficultés que j'ai évoquées précédemment.

M. Jacques LARCHÉ, président

Connaissez-vous les coûts des installations belges et allemandes ?

M. Christophe PEZRON

En francs 90, les coûts pour la Belgique sont évalués aux alentours de 100 millions de francs. Mais la Belgique a dû procéder à des aménagements complémentaires afin de mettre l'installation aux normes et de la faire fonctionner, et nous ne connaissons pas le coût de ces dépenses supplémentaires.

S'agissant de l'Allemagne, le coût de l'installation visant à traiter les terres polluées atteint environ 600 millions de francs.

M. Jean-Jacques HYEST

Vous avez indiqué précédemment que la destruction de 25 tonnes correspondait au flux et que si l'on souhaitait éliminer les stocks, il fallait passer en 2X8 ou en 3X8. Bien entendu, les coûts de fonctionnement suivront cette évolution.

M. Christophe PEZRON

Absolument.

M. Jean-Jacques HYEST

Ce sera notamment le cas pour ce qui est des frais de personnel.

M. Christophe PEZRON

Tout à fait.

M. Jean-Jacques HYEST

Dans la troisième hypothèse, c'est-à-dire la destruction mécanique, l'intervention humaine est beaucoup plus importante.

M. Christophe PEZRON

Aucune intervention humaine n'est prévue. Nous n'acceptons aucune personne dans l'installation.

M. Jean-Jacques HYEST

L'installation est donc entièrement automatisée.

M. Christophe PEZRON

Tout à fait. Nous sommes capables de procéder de la sorte.

M. Jacques MACHET

En Belgique, les personnes transportent les obus à la main à l'intérieur de ces usines.

M. Christophe PEZRON

Ces hommes transportent effectivement les obus à la main. Les opérations de sciage et de découpe sont faites à distance. En revanche, des hommes entrent en scaphandre pour prendre et vider l'obus. Ils récupèrent le toxique au fond de l'obus et le mettent dans un seau. Ils nettoient l'explosif et vont le détruire ailleurs. Il s'agit d'un procédé à caractère artisanal demandant un personnel hautement qualifié, qui permet de détruire certains types de munitions. Toutefois, force est d'admettre que ces procédés artisanaux sont limités en capacité à 10, 15, voire 20 objets par jour.

M. Jean-Jacques HYEST

Je souhaitais vous poser une question qui rejoint votre réponse. Dans l'attente de la mise en place de l'installation française, les usines belges et allemandes sont-elles en mesure de recevoir des munitions françaises ?

M. Christophe PEZRON

Elles n'en ont pas la capacité. Il convient de préciser que les Allemands, qui éliminent les munitions depuis les années 1980, doivent éliminer une centaine de tonnes d'obus encore en stocks. Les Belges sont quant à eux confrontés à un stock d'environ 250 tonnes d'obus, et la capacité de leurs installation actuelle est tout juste suffisante pour détruire les flux découverts. Ils ne parviennent donc pas à résorber leurs stocks. Ils sont en train d'étudier d'autres installations afin d'augmenter leur capacité de destruction. Les Allemands font de même.

M. Jacques LARCHÉ, président

Si je comprends bien, les obus étaient de meilleure qualité durant la première guerre mondiale !

M. Christophe PEZRON

Le site où sont implantées les deux installations se situe sur un grand terrain d'essais au nord de l'Allemagne. Il s'agissait de leur site de production et d'essai. Ils ont connu des accidents majeurs sur ce site. En 1919, un train a explosé et a répandu près d'un million d'obus sur le site. Par ailleurs, lorsque les Américains et les Anglais sont arrivés, ils ont détruit à la va-vite les stocks et les installations. C'est alors que l'ensemble du site a été pollué.

C'est ensuite que les Allemands ont construit ces installations afin d'essayer d'une part de dépolluer au maximum les obus et d'autre part de traiter la terre polluée.

M. Jacques LARCHÉ, président

Les Allemands sont donc confrontés à un problème différent du nôtre. Nous ne rencontrons pas ces difficultés.

M. Christophe PEZRON

Notre pollution des terres n'est en tout cas pas aussi localisée et importante qu'en Allemagne.

M. Robert BRET

S'est-on posé la question en haut lieu d'une réponse au niveau de l'Europe ? Il me semble que ce dossier n'engage pas uniquement la responsabilité de la France. Au regard des coûts de réalisation et de fonctionnement des installations belges et allemandes, est-il encore possible d'envisager une coopération, un partenariat, voire même un projet piloté et pris en charge dans le cadre d'une mutualisation entre les Etats européens ? Ne convient-il pas de se poser ces questions ?

M. Christophe PEZRON

Nous y avons pensé. Les Belges, qui détruisaient leurs munitions par immersion jusque dans les années 1980, ont été les premiers à poser cette question. A cette époque, la France ne rencontrait pas ce type de problème, puisqu'elle effectuait les destructions de ses munitions chimiques en baie de Somme. Les résidus étaient emportés par la marée.

Sous l'impulsion du ministre Belge de la Défense, le principe de la création d'une agence européenne de destruction des munitions chimiques et conventionnelles a été décidé. La première réunion préparatoire s'est tenue à Bruxelles le 4 mai 2001.

Cependant, la construction d'une usine européenne de destruction des munitions poserait le problème du transport de ces objets. Le transport de ces munitions est excessivement dangereux.

En Allemagne, certains Lands s'opposent au transport de ces munitions sur leur territoire. La question du transport de ces objets est complexe et constitue un problème important.

En outre, il faudrait déterminer la localisation de cette installation européenne, qui drainerait l'ensemble des munitions chimiques sur ce lieu. Nous avions envisagé cette possibilité afin de rentabiliser l'installation SECOIA. Nous pensions en effet offrir les capacités de cette installation aux autres pays européens. Quelle aurait été la réaction des populations habitant aux alentours ? Celles-ci risquaient très certainement de rejeter une telle solution.

Aujourd'hui, ces questions sont traitées dans le cadre du projet d'agence européenne. Il convient de préciser que les services belges, allemands et français en charge de ces opérations entretiennent des échanges très étroits en vue de mutualiser l'expérience.

M. Patrice GELARD

Je souhaite formuler quelques remarques. Je constate tout d'abord que nous abordons ce problème bien plus tard que les Allemands et les Belges. Je considère que cette situation est gênante pour la France. Quel budget va assumer les dépenses d'investissement et de fonctionnement de ces usines ? S'agit-il du budget du ministère de la Défense ?

M. Christophe PEZRON

Tout à fait.

M. Patrice GELARD

Cette réalisation se fera donc au détriment de l'équipement des armées.

M. Christophe PEZRON

C'est l'un des soucis du Ministère de la Défense.

M. Patrice GELARD

Imputer ce coût au ministère de la Défense ne me paraît pas raisonnable. Ce coût devrait être assumé par la défense civile, et ne devrait plus être supporté par le ministère de la Défense. Il s'agit des séquelles des guerres précédentes. Je trouve qu'il est regrettable d'assurer cet investissement au détriment de l'équipement des armées.

Je souhaite vous poser une autre question. Avez-vous signé des conventions avec différents laboratoires de recherche afin de tester les différentes phases ou options que vous avez formulées ? Associez-vous les laboratoires du CNRS ou les universités sur les différents processus ou réalisez-vous ces études uniquement dans le cadre de la mission de l'armement ?

M. Christophe PEZRON

Ces questions sont directement traitées par les industriels, qui ont une obligation de résultat. Il leur appartient de s'appuyer sur les entités qu'ils estiment être compétentes afin de répondre à ce problème.

J'ajoute que cette installation est relativement complexe. Dans la mesure du possible, nous chercherons à utiliser des procédés industriels matures. Nous souhaitons nous contenter de financer les adaptations de ces procédés à la spécificité de cette installation. Aujourd'hui, nous recherchons des solutions « sur étagères ».

M. Patrice GELARD

Ce que vous affirmez est quelque peu inquiétant.

S'agissant du blindage, savez-vous s'il existe aujourd'hui des blindages suffisants pour détruire les munitions ?

M. Christophe PEZRON

Lorsque j'ai fait référence à des « solutions sur étagères », je souhaitais dire que dans un souci de limitation des risques et afin d'éviter d'essuyer trop d'échecs quant à la mise au point de nouveaux procédés, nous essayons d'utiliser des procédés qui fonctionnent déjà.

Les problèmes ayant trait au blindage sont assez maîtrisés. Nous nous appuyons par exemple sur des industriels suédois et français pour ce qui est de la conception de nos moyens de transport.

M. Jacques LARCHÉ, président

Le niveau de ces techniques permet-il de considérer qu'elles resteront viables pendant 30 ans ?

M. Christophe PEZRON

Une solution sur 30 ans me paraît difficilement imaginable, d'autant plus que les normes environnementales vont devenir de plus en plus drastiques. Par conséquent, les systèmes d'incinération et les chambres de post combustion seront peut-être obsolètes dans quelques années. Nous essayons de mettre en place un système central stable, mais il connaîtra certainement des évolutions. Des refontes de l'installation seront inévitables. Elles permettront d'avoir une installation plus performante et plus économique. Je rappelle qu'un des enjeux de ce programme est la réduction des coûts d'exploitation, au-delà de la sécurité qui constitue notre souci principal.

M. Jean-Paul AMOUDRY

Sait-on si des expériences analogues sont réalisées sur d'autres continents ? Je pense notamment au Vietnam.

M. Christophe PEZRON

Je n'ai pas d'information sur le Vietnam ou sur le Cambodge. En revanche, j'ai des éléments sur la Chine. Les Japonais ont laissé de très importants stocks de munitions chimiques en Chine. Des discussions entre la Chine et le Japon ont été menées afin de savoir qui devait financer l'élimination de ces stocks. Il semblerait aujourd'hui que cette question soit tranchée : en effet, le Japon devrait financer ces installations. Le Japon recherche actuellement des solutions techniques. Nous pensons que la solution technique qui sera retenue pour la France sera examinée de très près par les Japonais lorsqu'ils devront faire leur choix.

Si l'industriel retenu par la France revendait tout ou partie du process à un autre pays et si ce process avait été développé sur des fonds du Ministère de la Défense, des systèmes de redevance seraient alors mis en place.

M. Jacques LARCHÉ, président

Avez-vous des données chiffrées concernant le nombre d'obus présents en Chine ?

M. Christophe PEZRON

Un débat existait entre les Chinois qui affirmaient qu'il y a avait encore environ 2.000.000 obus et les Japonais qui évoquaient le chiffre de 700.000.

En France, la sécurité constitue l'enjeu fondamental de l'exploitation, et les délais représentent le deuxième enjeu majeur. Nous ferons tout notre possible pour réduire les délais de cette installation, mais aujourd'hui, nous n'envisageons pas de réduire ces délais de mise en service au détriment de la phase de mise au point. Nous figerons le calendrier à l'issue de la nouvelle consultation.

M. Jacques LARCHÉ, président

Qu'en est-il des autorisations de programme ?

M. Christophe PEZRON

Les premières autorisations de programmes seront nécessaires au moment de la notification du contrat, en 2002. 300 millions de francs avaient été budgétés en 1997 afin de concevoir cette installation. Aujourd'hui, 280 millions de francs sont encore disponibles. Le reliquat devra être prévu dans la prochaine loi de programmation.

M. Jacques LARCHÉ, président

Je vous remercie.

UNE QUESTION VITALE EN INSTANCE DEPUIS 80 ANS :
LE DÉMINAGE

_____

Un quart du milliard d'obus tiré pendant la Première guerre mondiale et un dixième des obus tirés durant la Seconde guerre mondiale n'ont pas explosé pendant ces conflits.

Depuis 1945, date à laquelle le déminage a été organisé, plus de 660.000 bombes ont été dégagées, de même que 13,5 millions de mines et 24 millions d'obus ou autres explosifs.

En 56 ans, 617 démineurs ont trouvé la mort en service. Chaque année, l'unité de déminage, constituée de 150 spécialistes, qui participe aussi à la sécurité des voyages officiels, intervient sur plus de 2.000 objets suspects, dont 80, en moyenne, contiennent réellement un explosif.

Plus de 80 ans après la fin du conflit de 1914-1918, l'activité du service de déminage reste intensive, comme l'a illustré récemment le transfert urgent des stocks d'obus chimiques de Vimy vers Suippes.

Sur l'initiative du sénateur Jacques Machet, la commission des Lois a procédé, le 27 juin 2001, à l'audition de responsables civils et militaires sur la question du déminage, poursuivant ainsi une réflexion engagée dans ses précédents rapports budgétaires sur la sécurité civile.

Pour alimenter cette réflexion qu'elle entend approfondir ensuite, la commission des Lois a décidé, sur la proposition de M. Jacques Larché, président, de publier le compte-rendu intégral de ces auditions.

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