TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. EXAMEN EN COMMISSION DE LA COMMUNICATION D'ÉTAPE PRÉSENTÉE PAR M. ANDRÉ FERRAND LE 17 OCTOBRE 2012
Réunie le mercredi 17 octobre 2012, sous la présidence de M. Yvon Collin, vice-président, la commission a entendu une communication d'étape de M. André Ferrand, rapporteur spécial, sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires (l'action du réseau d'appui à l'international à la lumière du marché chinois) .
M. André Ferrand , rapporteur spécial . - En février dernier, la commission des finances nous a confié, à Christian Bourquin, Yannick Botrel, Joël Bourdin et moi-même, une mission sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires.
Cette mission a pour objet de dresser un diagnostic de la situation à l'export des industries agroalimentaires françaises et d'évaluer l'action publique en la matière, afin de porter une appréciation sur l'utilisation des crédits budgétaires et l'efficience du dispositif, et de proposer des améliorations. J'ai souhaité vous présenter aujourd'hui, avant la synthèse de nos travaux communs, une communication d'étape sur l'action du réseau d'appui à l'international à la lumière du marché agroalimentaire chinois et formuler quelques recommandations pour optimiser l'organisation et l'efficacité de notre dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires.
Cette mission de contrôle se justifie pour deux raisons. D'abord un motif budgétaire : il s'agit de savoir si le dispositif dispensé actuellement garantit une utilisation optimale des moyens alloués. Nos travaux coïncident avec l'achèvement de deux opérations :
- la réorganisation du dispositif de soutien des entreprises françaises à l'étranger, dorénavant partagé entre les services économiques, pour ce qui concerne l'exercice des missions régaliennes, et l'agence française pour le développement international des entreprises Ubifrance qui assure l'accompagnement commercial ;
- le renouvellement pour la période 2013-2017 de la délégation de service public accordée à la société Sopexa pour la promotion des produits agroalimentaires.
Nous reviendrons plus loin en détail sur les missions et le financement de ces structures, mais quelles que soient la compétence et l'efficacité des bureaux à l'étranger de ces deux opérateurs de l'État, il apparaît indispensable qu'une bonne coordination s'instaure avec l'ensemble des acteurs, qu'ils soient basés sur le territoire national (FranceAgriMer, les réseaux consulaires, les régions) ou à l'international (l'union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, les conseillers du commerce extérieur, les entreprises et prestataires délégataires de services publics, etc.).
Le fait que ces deux opérateurs relèvent chacun d'un ministère de tutelle différent, le ministre en charge de l'agriculture pour Sopexa et le ministère en charge du commerce extérieur pour Ubifrance, a justifié l'attribution du contrôle conjointement aux rapporteurs spéciaux des missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Economie ». Il faut signaler que notre collègue Joël Bourdin a réalisé, avec Marc Massion, en 2004, un rapport d'information relatif à Sopexa dont les principales conclusions ont conduit au lancement de la première délégation de service public pour la période 2008-2012.
L'autre motif de notre mission de contrôle est économique. La dégradation de notre solde commercial, déficitaire de 71,9 milliards d'euros en 2011 après avoir atteint 52,4 milliards en 2010, est révélatrice du déficit structurel des exportations par rapport aux importations. Dans ce contexte catastrophique, il faut relever que les points forts de la spécialisation française demeurent l'industrie agricole et agroalimentaire, avec l'aéronautique et les produits liés à l'industrie du luxe. Le dynamisme des exportations agroalimentaires est illustré par une progression de 12,6 % en 2011, tirée par la croissance des ventes de boissons vers l'Asie et la hausse du prix des matières premières agricoles. Il génère un excédent de 11,6 milliards d'euros. Toutefois, hors boissons, le solde est déficitaire depuis 2004. En effet, nos exportations proviennent principalement, pour 22 % des vins et spiritueux, pour 16 % des céréales, pour 11,1 % des « animaux et viandes » et pour 10,9 % des produits laitiers.
Ce dynamisme contraste avec l'atonie des autres secteurs. Toutefois il ne doit pas masquer le recul des parts de marché mondiales de la France. En effet, la croissance française est plus faible que celle des principaux partenaires européens. Ainsi, entre 2005 et 2010, les exportations agroalimentaires de la France ont progressé en moyenne de 4 % par an, contre 5 % pour les Pays-Bas, 6 % pour l'Espagne, la Belgique et l'Italie et 7 % pour l'Allemagne.
C'est à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Economie » pour 2012 que, avec Christian Bourquin, nous nous étions interrogés sur l'érosion des exportations françaises en matière agricole et agroalimentaire. Il s'agit incontestablement d'un secteur dans lequel la France reste compétitive mais sa position est menacée. Encore deuxième exportateur mondial agroalimentaire à la fin des années 90, après les États-Unis, elle n'arrive, depuis 2009, qu'au quatrième rang, après ce pays, les Pays-Bas et l'Allemagne. Ainsi, l'Allemagne devance désormais la France sur les exportations de produits agroalimentaires transformés. Hors boissons, il faut souligner que la balance commerciale agroalimentaire est négative. C'est pourquoi, lors des débats du projet de loi de finances pour 2012, nous avions souhaité évaluer, dans le cadre des travaux de contrôle de la commission des finances, l'efficience du dispositif de soutien aux exportations agroalimentaires, en nous assurant notamment de la bonne coordination du Groupe Sopexa, qui assure la promotion internationale des produits alimentaires français, avec l'opérateur Ubifrance.
Nous n'avons pas été les seuls à nous interroger sur l'efficience du dispositif. Déjà, en 2010, l'IGF avait rendu un premier rapport préconisant des pistes de réorganisation du dispositif et des relations entre les principaux organismes intervenant dans ce secteur : Ubifrance, Sopexa et Adepta (matériels agricoles). Sur le plan budgétaire, le constat est frappant. Le caractère interministériel et transversal du soutien de l'État à la promotion des exportations agroalimentaires françaises réside tant dans l'origine diversifiée des financements que dans l'hétérogénéité des opérateurs en charge du secteur :
- 27,5 millions d'euros de crédits sont alloués, en 2011, par le ministère de l'agriculture, selon la répartition suivante : 15,5 millions d'euros au travers des trois organismes d'appui Sopexa (13,5 millions d'euros), Ubifrance (0,7 million d'euros) et ADEPTA (1,3 million d'euros) et 12 millions d'euros via le budget de FranceAgriMer, dont plus de la moitié (63 % en 2011 contre 53 % en 2010) a bénéficié au secteur viticole, ce secteur représentant 22 % des exportations agroalimentaires ;
- en outre, environ 20 millions d'euros ont bénéficié au secteur agroalimentaire, au titre de la subvention globale du ministère de l'économie à Ubifrance.
Au total, les dépenses budgétaires en faveur de l'export agroalimentaire s'établissaient à 48 millions d'euros en 2011. Par ailleurs, la Commission européenne finance également des programmes de promotion transversale à hauteur de 46 millions d'euros par an. Enfin, il faut signaler que les collectivités territoriales, en particulier les régions, et les organisations professionnelles contribuent également de manière substantielle à la promotion de l'export agroalimentaire sans qu'un chiffrage précis puisse être avancé à ce stade.
La diversité des acteurs du dispositif public de soutien pose donc la question de la synergie des trois niveaux d'intervention de l'État :
- le niveau régalien (administrations de tutelle) au travers de la direction générale des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires (DGPAAT) et de la direction générale du Trésor (DG Trésor) ;
- les opérateurs spécialisés dans la promotion à l'export, la Sopexa dans le cadre de la délégation de service public (DSP) et Ubifrance ;
- et, en amont, l'intervention de FranceAgriMer (FAM) en matière d'export en raison de son rôle de structuration des filières et de l'offre de produit.
Le résultat de cette absence de cohérence et d'organisation du jeu collectif est que, pris globalement, le dispositif ne garantit pas une utilisation optimale des crédits alloués. Néanmoins, il ne m'a pas semblé souhaitable, à ce stade de la mission, de préconiser la suppression de l'un ou l'autre de ces opérateurs.
Le vrai problème ne réside pas dans le nombre des intervenants, mais dans l'absence de stratégie commune. En effet, si des conventions, des chartes destinées à progresser sur tous ces points ont été signées à Paris, on se rend compte que beaucoup trop souvent, elles n'ont pas été déclinées ni mises en oeuvre d'une façon opérationnelle et efficace sur le terrain.
Comme j'ai pu m'en rendre compte depuis le début de cette mission, le plan d'orientation à l'export agroalimentaire (POEAA) ne constitue pas une véritable stratégie d'action concertée et partagée par tous les acteurs. Il s'agit d'un plan développé essentiellement par l'administration du ministère de l'agriculture, sans adhésion active des autres ministères. Quant au programme « France Export », sorte d'agenda des manifestations chargé de partager les tâches, il est la résultante d'une convention de partenariat entre Ubifrance et Sopexa, s'apparentant davantage à un pacte de non agression, à un « Yalta » fragile, qu'à une stratégie de collaboration. Enfin, j'ai été surpris de voir que nombreux sont les membres locaux de ce que nous appelons « l'équipe de France de l'export » qui ne connaissent pas la « charte nationale de l'exportation ».
L'objectif commun est bien de faire en sorte que cette multitude d'acteurs se dote d'une stratégie commune et cohérente. La recommandation d'un nouveau rapport de l'IGF sur le même sujet met en évidence l'absence de « stratégie globale ». À ce stade, je constate que le nouveau Gouvernement a lancé une politique axée sur la structuration des filières, un rôle accru des régions et la mise en oeuvre d'une « diplomatie économique ». À ce stade, il faut espérer que cette orientation soit effectivement mise en oeuvre et apporte les résultats escomptés.
Au total, le champ d'investigation est potentiellement large car il concerne de nombreux sujets tels que :
- la structuration de l'offre proprement dite (territoire national) comme sa promotion (action à l'international) ;
- l'organisation et la coordination des moyens de l'État en France et à l'étranger ;
- la mobilisation des partenariats européens et privés dans un contexte de réduction des crédits budgétaires (à l'instar de la diminution du montant de la dotation au titre de la DSP de Sopexa) ;
- les synergies à développer entre les réseaux et les compétences de Sopexa et Ubifrance.
C'est pourquoi, nous avons décidé de nous répartir le travail. Dans le cadre des travaux classiques d'auditions, de tables rondes et de déplacements en France et à l'étranger, chaque co-rapporteur a souhaité se spécialiser sur un thème : l'organisation de l'amont et le soutien aux filières par Yannick Botrel, le bilan et les perspectives de la délégation de service public attribuée à Sopexa par Joël Bourdin, l'articulation du réseau international avec les opérateurs agroalimentaires dans les régions par Christian Bourquin et, quant à moi, le dispositif public d'appui à l'international. Naturellement, je partage l'objectif commun de contribuer à un rapport de synthèse sur la cohérence globale du dispositif et de suivi de la mise en oeuvre de nos recommandations.
J'en viens maintenant à mes constats et observations sur l'action du dispositif d'appui aux exportations agroalimentaires à la lumière du marché chinois. Le choix de ce pays était pour moi une évidence : il s'agit du marché le plus dynamique dans la demande mondiale agroalimentaire. Il se présente donc comme un relais de croissance exceptionnel pour notre industrie, pour peu que nous nous donnions les moyens d'y faire connaître et consommer les produits français.
La demande en produits alimentaires de la Chine s'accroît, avec des besoins quantitatifs et des exigences qualitatives en progrès constants. Ainsi, la Chine doit nourrir 21 % de la population mondiale sur 9 % de la surface agricole utile, alors que celle-ci est grignotée par l'urbanisation et que les ressources en eau sont très inégalement réparties entre les régions agricoles. Pour ces raisons, la balance agroalimentaire chinoise était déficitaire de 34 milliards d'euros en 2011 (premier poste de déficit), alors que la balance commerciale est globalement bénéficiaire. De plus, ce déficit se creuse en raison, notamment, d'une modification de la demande alimentaire (augmentation de la consommation de produits carnés par exemple) que l'offre domestique ne parvient pas à remplir. La situation d'importateur structurel de la Chine crée ainsi des opportunités.
Une meilleure organisation du côté français apparaît nécessaire pour mieux tirer parti de ce marché à fort potentiel de développement. La Chine (hors Hong-Kong) ne compte que pour 2,6 % seulement de nos exportations agroalimentaires, avec une sur-représentation des vins et spiritueux qui représentent 60 % de ces exportations. Hors boissons, la balance agroalimentaire des échanges entre nos deux pays est négative de 88 millions d'euros sur un total d'exportation de 1 345 millions d'euros. La structure des exportations agroalimentaires françaises vers la Chine se divise entre trois secteurs : les vins et spiritueux (880 millions d'euros), les matières premières destinées à la transformation en Chine (viandes et abats de porc et volaille, poudres de lait, bois brut, orge, cuirs, plants végétaux et génétique animale) pour 430 millions d'euros et les produits transformés (épicerie, biscuits, confiserie, autres boissons,...) pour seulement 143 millions d'euros.
Les interlocuteurs économiques rencontrés ont témoigné des indéniables opportunités de marché qui existent en Chine. Pour les produits transformés, l'image « France » est un atout qui doit être mieux valorisé, sous réserve qu'il soit possible d'importer au regard des règles sanitaires chinoises. Ainsi, les services économiques sur place nous ont fait part des marges très importantes de progression en matière de produits laitiers, d'épicerie mais aussi de charcuterie et de salaisons. Il faut signaler que ce dernier secteur n'exporte pas vers la Chine laissant ainsi le champ libre aux filières espagnoles et italiennes qui ont su mieux s'adapter aux exigences réglementaires et sanitaires propres à ce pays.
La réalité du marché chinois demeure trop méconnue des filières françaises, lesquelles sont majoritairement composées de PME insuffisamment tournées vers l'export. Celles-ci gagneraient à être fédérées, à l'exemple des filières de la viande et du secteur viti-vinicole. La réflexion stratégique des filières agroalimentaires et de leurs interprofessions vis-à-vis de l'export vers le marché chinois demanderait à être mieux soutenue, ce que commence à faire l'association nationale des industries agroalimentaires (ANIA), notamment par FranceAgriMer.
Les autorités chinoises dressent des barrières non tarifaires avec des normes sanitaires parfois non-conformes aux engagements OMC, peu transparentes et d'application variable selon les points d'entrée sur le territoire. Nous avons appris que cette instabilité juridique procède de la volonté des autorités de relever les normes, suite aux nombreux scandales alimentaires, et aussi d'une approche protectionniste, visant à réduire la concurrence générée pour les produits nationaux (amidon, produits laitiers frais, vins...). Ce contexte permet aux produits français de jouir d'une bonne réputation qu'il faut exploiter commercialement, notamment pour ce qui concerne certains aliments : la poudre de lait infantile, les protéines de lait, l'épicerie, la confiserie et le chocolat.
S'agissant des atouts et faiblesses de notre dispositif d'appui, il faut tout d'abord relever l'effort important de maillage du territoire chinois par les structures publiques et para-publiques, mais aussi par le réseau de la grande distribution. Ainsi, les distributeurs Auchan et Carrefour, sur le segment des produits transformés, nous ont-ils paru disposés à favoriser le développement de ces exportations qui représentent 2 % du chiffre d'affaires global des produits alimentaires et atteint 18 % pour les onze magasins sur 207 en Chine, où ils sont significativement présents. Il est important dans le « jeu collectif » que les « grands » puissent entraîner les « petits ».
Les difficultés auxquelles sont confrontées les exportations agroalimentaires françaises en Chine sont donc un révélateur des atouts et des faiblesses, tant de l'offre française que de son dispositif d'appui. Il ressort de cette mission une série d'observations :
- en termes d'organisation, il existe un grand nombre d'institutions chargées d'appuyer l'export et l'implantation des entreprises, mais l'effet de dispersion des moyens déjà constaté au niveau national est reproduit localement (Ubifrance, Sopexa, Régions, réseaux consulaires, conseillers du commerce extérieur de la France, sociétés privées d'accompagnement, etc.), chaque intervenant obéissant à des logiques techniques et financières propres ;
- il faut souligner une faiblesse de l'organisation collective du dispositif et, en particulier, le manque d'élaboration d'un plan stratégique commun et cohérent pour l'ensemble des acteurs. L'animation du réseau semble dépendre de la seule initiative individuelle du chef du service économique ou d'Ubifrance, sans autorité ni légitimité officielle. En conséquence, l'activité est très inégale selon les postes diplomatiques ;
- le manque d'information en France sur les opportunités du marché agroalimentaire chinois, notamment vis-à-vis des interprofessions agricoles, conduit à une image erronée du marché et à une sous-exploitation des opportunités d'export (produits laitiers, charcuterie et salaisons, épicerie, chocolat) ;
- du fait de la très forte influence de l'administration en Chine, il est également nécessaire d'articuler les aspects régaliens et commerciaux, afin de réduire les barrières non tarifaires à l'accès au marché que sont les normes sanitaires et les procédures douanières.
Ces constats montrent la nécessité de développer une meilleure articulation du réseau international avec les opérateurs agroalimentaires dans les régions avec l'amont agroalimentaire et les filières, thèmes sur lesquels mes collègues Christian Bourquin et Yannick Botrel ont concentré leurs travaux.
Alors que des situations de redondance et de concurrence « stérile » entre opérateurs du service public peuvent subsister sur le terrain, l'organisation du « jeu collectif » doit conduire à une répartition des compétences entre Ubifrance et Sopexa, véritablement fondée sur la complémentarité des savoir-faire et une saine émulation. En effet, un peu de concurrence entre les opérateurs n'est pas inutile pour maintenir le dynamisme des équipes. Toutefois, la visite des deux principaux salons dédiés aux vins et spiritueux dans lesquels la France tenait une part prédominante (Vinexpo à Hong-Kong et Topwine à Pékin), a permis d'illustrer très concrètement la duplication des activités d'Ubifrance et de Sopexa, alors que leurs compétences sont censées être complémentaires et organisées en synergie selon le plan d'orientation des exportations agroalimentaires du ministère de l'agriculture :
- à Sopexa, la promotion de la culture alimentaire française et de l'art de vivre, la conception des stands, l'animation des salons et la formation des consommateurs dans une approche « B to C » ;
- à Ubifrance, le travail d'identification des importateurs, de mise en relation des réseaux de distribution, d'analyse et d'organisation des rencontres sur les salons, dans une optique « B to B ».
Aussi, compte tenu de la nécessité pour ces deux opérateurs de coexister, on pourrait imaginer qu'au lieu de travailler chacun de leur côté sur la base d'une répartition géographique des manifestations, Ubifrance et Sopexa travaillent ensemble en se consacrant à ce qui constitue leur coeur de métier.
Les difficultés auxquelles sont confrontées les exportations agroalimentaires françaises en Chine sont riches d'enseignement et permettent de dégager des recommandations valables pour tout le réseau, tant en France qu'au niveau local. Il me paraît très important que des règles du jeu précises soient données aux acteurs publics et à tous ceux qui bénéficient de subventions de l'État. Il faut un capitaine d'équipe pour organiser le « jeu collectif », pour élaborer des plans d'actions concrets et opérationnels à l'international et pour assurer une articulation efficace avec les filières et régions en France.
Pour cela, je propose que le rôle central des ambassadeurs et de leurs services économiques soit défini par une lettre de mission commune du ministre de l'économie et des finances, ou de la ministre du commerce extérieur, et du ministre des affaires étrangères diffusée à l'ensemble des partenaires du dispositif d'appui public aux exportations. Ces deux ministères, ainsi que celui de l'agriculture pour ce qui le concerne, doivent être associés au suivi des plans d'action mis en oeuvre par les ambassadeurs.
Ce préalable de principe me semble indispensable pour la bonne exécution des six recommandations que je formule et dont la portée peut être étendue, au-delà de la seule expérience du marché chinois, d'une part à l'ensemble du réseau et, d'autre part, à d'autres secteurs économiques :
- au niveau local, instaurer clairement le « leadership » du représentant de l'État, l'Ambassadeur, afin qu'il dispose des moyens de coordonner l'action et d'assurer la synergie des différentes structures qui concourent à la promotion des exportations ;
- traduire le volontarisme de tous les acteurs à travers un plan stratégique et un plan d'action définissant des objectifs aussi précis que possible ;
- s'assurer que toutes les conventions, chartes et accords signés à Paris entre les différents acteurs puissent connaître sur le terrain une déclinaison locale permettant une action plus efficace ;
- rechercher et utiliser les circuits d'information les plus opérationnellement capables de transmettre en France aux acteurs concernés (interprofessions, filières et régions) les informations utiles quant aux opportunités identifiées sur les marchés étrangers ;
- recenser très précisément les obstacles et les freins à l'importation (normes sanitaires ou procédures douanières) et articuler étroitement les aspects régaliens et commerciaux afin de réduire plus efficacement les contraintes à l'accès aux marché relevant de barrières non tarifaires ;
- appliquer strictement le principe de réciprocité dans les négociations et agir en tirant le meilleur parti du levier européen.
Au terme de cette communication d'étape, je fais toute confiance à mes collègues co-rapporteurs qui ont travaillé de concert pour proposer, chacun dans son domaine de spécialisation, des recommandations qui permettront d'optimiser l'organisation et l'efficience de notre dispositif public de soutien. Je vous remercie.
M. Yvon Collin , président . - Nous avons parfaitement compris qu'il manquait un « pilote dans l'avion » pour coordonner l'action des acteurs de l'export agroalimentaire.
M. Aymeri de Montesquiou . - Au vu des ressources agricoles qui me semblent bien plus importantes en France qu'en Allemagne et aux Pays-Bas, comment pouvez-vous expliquer les meilleures performances de ces deux pays ?
M. Edmond Hervé . - Je suis tout à fait d'accord avec votre constat sur l'éparpillement de nos structures et sur la nécessité de confier un rôle majeur à nos ambassadeurs. Mais je voudrais surtout signaler la conduite déloyale de l'Allemagne qui ne respecte pas un coût du travail minimal, ce qui constitue une véritable distorsion de concurrence. Par ailleurs, je ne comprends pas que notre pays soit déficitaire dans la production de volaille alors qu'il est indiscutable que la demande s'accroît sur ce secteur. Enfin, il me paraît primordial d'investir dans la sécurité sanitaire et alimentaire, afin de donner toutes les chances à nos industries agroalimentaires d'accéder à de nouveaux marchés.
M. André Ferrand . - La position de deuxième exportateur agroalimentaire mondial des Pays-Bas tient au fait que leur industrie est naturellement tournée vers l'export et qu'elle bénéficie d'une logistique très efficace. Il faut aussi souligner que leurs capacités d'exportation de produits transformés reposent sur leurs importations de produits bruts. Le circuit de distribution des fleurs en est un exemple puisque les fleurs produites dans le monde, mais aussi en France, transitent par le marché international d'Aalsmeer avant d'être commercialisées sur notre territoire.
Quant à l'Allemagne, comme vous l'avez souligné, le coût du travail joue un rôle certainement déterminant mais il faut ajouter que les progrès qu'elle a accomplis tiennent pour beaucoup au développement de ses industries des secteurs de la viande et des produits laitiers à destination des marchés émergents. Sur ces derniers, nous avons des progrès à faire pour que nos filières investissent pour prendre pied sur ces nouveaux marchés et surmontent les barrières réglementaires et sanitaires.
M. Yvon Collin , président . - Nous prenons acte de votre communication d'étape qui précède ainsi, sur le volet spécifique du réseau d'appui à l'international, le rapport final que vous rendrez, avec vos collègues co-rapporteurs, au début de l'année prochaine.