EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 9 OCTOBRE 2013

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Le rapport que nous vous présentons s'inscrit dans le prolongement de celui du groupe de travail que notre commission avait constitué sur la réforme de la carte judiciaire. Ce dernier avait souligné l'ampleur de la réforme : suppression du tiers des juridictions, réduction du nombre de tribunaux d'instance de 37 %, 23 % pour les CPH, 30 % pour les tribunaux de commerce et 12 % pour les TGI, qui furent relativement épargnés.

J'étais moi-même membre de ce groupe de travail et nous vous en avions présenté les conclusions avec Nicole Borvo Cohen-Seat, le 11 juillet 2012. Il avait fourni la base du débat en séance publique que le Sénat avait tenu sur le sujet le 1 er octobre de la même année.

Notre rapport soulignait que la réforme, longtemps repoussée, avait été conduite à l'envers car elle avait précédé celle des contentieux et de l'organisation judiciaire dont elle aurait dû découler. Elle avait contribué à éloigner la justice du justiciable. Nous recommandions une pause et plutôt qu'une nouvelle réforme des implantations judiciaires, une réforme de l'organisation judiciaire. Nous évoquions deux pistes : le guichet unique de greffe et le tribunal de première instance.

La mission d'information que nous rapportons avec Virginie Klès vise à poursuivre la réflexion sur ces points. Comment améliorer l'accessibilité de la justice aujourd'hui éclatée dans une multitude de juridictions : tribunal d'instance, tribunal de grande instance, conseil de prud'hommes, tribunal de commerce, tribunal paritaire des baux ruraux, etc.

La ministre de la justice a, de son côté, constitué deux groupes de travail sur le juge et la juridiction du XXI ème siècle dont elle a respectivement confié la présidence à MM. Pierre Delmas-Goyon et Didier Marshall qui rendront prochainement leurs conclusions.

Déjà, avant la réforme de la carte judiciaire, en 1997, le rapport de M. Francis Casorla avait examiné ces questions comme, en 2008, le rapport de la commission présidée par Serge Guinchard.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - La complexité de l'organisation de la justice de première instance n'est plus à démontrer. Nous avons besoin de redonner de la lisibilité pour le justiciable, sans bouleverser un monde judiciaire déjà sérieusement ébranlé par la réforme de la carte judiciaire. Il ne faut pas remettre en cause les implantations géographiques actuelles.

Par exemple, il est compliqué pour un justiciable de savoir à quel tribunal s'adresser en matière de tutelle, car selon l'âge de la personne, c'est le tribunal d'instance ou le TGI qui est compétent. Pourquoi y a-t-il représentation obligatoire par un avocat dans certains cas et pas dans d'autres ? De même, la procédure est dans certains cas orale et dans d'autres écrite. Ces différences ne recoupent pas complètement la répartition des compétences entre TGI et tribunal d'instance. On le voit, la situation est incompréhensible et illisible pour le justiciable.

Dans un premier temps, nous avons voulu réfléchir en vue de faciliter l'entrée du justiciable dans la justice de première instance, même si la complexité demeure en arrière-plan dans le traitement juridictionnel de son affaire. En conséquence, nous proposons de commencer par la mise en place du guichet universel de greffe, car c'est par le greffe que le justiciable entre dans le système judiciaire. Le guichet universel de greffe est donc prioritaire, de sorte que le TPI ne pourrait être qu'une étape ultérieure.

On parle de guichet « universel » et non de guichet « unique » de greffe, pour signifier qu'un justiciable peut réaliser au greffe le plus près de son domicile toutes les démarches et les requêtes et y suivre ses affaires en proximité, tandis que le lieu de l'audience et du jugement peut être plus éloigné. Comme on a besoin moins souvent de se rendre à une audience, on peut envisager d'avoir à se déplacer plus loin.

Même le guichet universel de greffe rencontre des obstacles et des difficultés, en partie de la part des magistrats et des greffiers. Les inquiétudes exprimées par les greffiers sont d'ailleurs plus importantes que celles des magistrats. Le fonctionnement d'un guichet universel de greffe exige un effort de formation supplémentaire pour les greffiers, des compétences plus diversifiées et une plus grande polyvalence, ce qui suppose une indemnisation supplémentaire... Les greffiers ont besoin de garanties statutaires en termes d'affectation géographique, sans quoi une forte opposition à la réforme s'exprimerait.

La réforme de la justice de première instance doit également prendre en compte la situation des moyens financiers de l'État. La mutualisation des effectifs, en particulier des effectifs de personnels judiciaires au sein d'un guichet universel de greffe, permettrait une plus grande souplesse dans la gestion des moyens humains. C'est une préoccupation importante affirmée par les chefs de juridiction.

Il y a également d'importants moyens informatiques à mettre en place pour faire fonctionner le guichet universel de greffe. Il est indispensable d'accélérer le développement du projet informatique Portalis pour permettre l'interconnexion au sein du guichet universel de greffe de tous les sites judiciaires d'un même ressort de TGI.

Le guichet universel de greffe est donc la première étape.

Ensuite, on peut envisager à plus long terme la création du tribunal de première instance, mais de nombreuses questions resteraient à régler dans cette perspective, par exemple la répartition du contentieux des affaires familiales. En matière de compétence contentieuse des différents sites du tribunal de première instance, qu'est-ce qui devrait être fixé par la loi et qu'est-ce qui devrait être fixé par décision du chef de juridiction ? Il faudrait avoir un socle minimal dans la loi.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - La création du guichet universel de greffe est la première pierre de l'édifice. Ainsi, le justiciable pourrait engager une procédure ou s'informer sur ses progrès au greffe du tribunal le plus proche, même si elle concerne une autre juridiction située dans le ressort du tribunal de grande instance, ce qui lui évitera d'avoir à se déplacer jusqu'au moment de l'instance.

J'insiste sur la distinction, dont a fait état Virginie Klès, entre le guichet « unique » et le guichet « universel » de greffe. Nous avons vu le premier fonctionner au TGI de Bobigny : il y a bien un guichet unique mais sa compétence se limite au seul tribunal où il est implanté. Le guichet universel de greffe vaut, lui, pour tous les tribunaux du ressort. Nous recommandons en outre de mutualiser les effectifs des greffes des tribunaux d'instance, du conseil de prud'hommes et des TGI.

J'ajoute qu'il est effectivement indispensable de conduire à son terme le développement de l'application Portalis afin que tous les greffes puissent accéder à la même base d'information. Une fois cet outil mis en place, il sera, de plus, possible de recourir plus fréquemment aux audiences foraines dont le développement est malheureusement freiné à cause de l'absence d'applications informatiques communes.

Nous proposons la suppression du tribunal de police dont les compétences seraient reversées au tribunal correctionnel. La forfaitisation des amendes a en effet fortement diminué l'intérêt de cette juridiction.

Nous recommandons aussi l'intégration du tribunal paritaire des baux ruraux au tribunal d'instance. Les juridictions sociales, tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI), devraient être fusionnées en une juridiction unique échevinée. Il faudra réfléchir à l'évolution statutaire de leurs personnels de greffe.

En revanche, nous considérons qu'à ce stade, l'autonomie juridictionnelle des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes doit être préservée.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Concernant les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes, il ne faut pas bousculer les choses, mais la réflexion doit être immédiate sur les greffes des conseils de prud'hommes, composés de fonctionnaires qui peuvent rejoindre le guichet universel de greffe.

Nous proposons d'expérimenter le travail en commun de juges consulaires et de magistrats professionnels concernant les affaires commerciales. Rejoindre le tribunal de première instance ne pourrait être qu'une perspective de plus long terme pour les tribunaux de commerce.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Nous recommandons de faire participer des juges consulaires aux formations commerciales des cours d'appel, et pas l'inverse à ce stade. Vous connaissez l'hostilité des juges consulaires à l'échevinage. En revanche, l'expérimentation peut être rapidement conduite dans les cours d'appel.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Concernant l'organisation du tribunal de première instance s'il devait être mis en place, dans un premier temps -qui ne sera pas dans l'immédiat-, le tribunal de première instance regrouperait le tribunal d'instance ainsi que nous proposons de le réorganiser et le TGI. Pour nous, si le tribunal de première instance doit être mis en place, cela devrait être à carte judiciaire inchangée, c'est-à-dire que le siège actuel de chaque TGI accueillerait le siège du tribunal de première instance et le siège actuel de chaque tribunal d'instance accueillerait des chambres détachées du tribunal de première instance.

Le contentieux de proximité obligatoirement attribué aux chambres détachées du tribunal de première instance serait fixé par la loi, tandis que des compétences facultatives supplémentaires, en fonction des circonstances locales pourraient leur être attribuées par le président du tribunal. En tant que de besoin, des audiences foraines pourraient être organisées, dès lors que le système informatique serait au niveau pour permettre l'interconnexion entre le siège du tribunal de première instance et les chambres détachées.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Nos propositions ont été conçues à effectif constant. La réforme ne peut être un alibi pour procéder à une réduction du nombre de magistrats ou de greffiers, alors même que d'importantes vagues de départs à la retraite sont à venir et que les recrutements sont encore insuffisants.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Je précise que nous n'avons pas souhaité entrer dans le détail de la répartition du contentieux familial. Notre commission a en effet confié à Michel Mercier et Catherine Tasca la tâche de réfléchir à la justice aux affaires familiales.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je tiens à remercier chaleureusement nos rapporteurs. Votre rapport trace d'intéressantes perspectives pour le moyen et le long terme.

Mme Catherine Tasca . - Je salue le travail de nos rapporteurs. En apparence modeste, il me paraît particulièrement utile dans le contexte que traverse actuellement notre institution judiciaire. La priorité donnée au rapprochement physique de la justice et des justiciables me paraît essentielle, alors que nous prenons chaque jour la mesure des dégâts causés par la réforme de la carte judiciaire, qui a éloigné la justice des citoyens... Le travail que la commission des lois m'a confié, ainsi qu'à Michel Mercier, sur la justice familiale est encore en cours, et il viendra compléter votre réflexion. J'espère que nous pourrons vous présenter nos conclusions d'ici la fin de l'année.

Je souhaiterais vous poser une question : dans quel état d'esprit avez-vous trouvé les personnels des greffes lors de vos visites en juridictions ? Dans l'avis budgétaire que je suis amenée à faire chaque année sur les crédits alloués à la justice judiciaire, j'ai été amenée l'année dernière à souligner la grande déception de ces personnels, dont les difficultés ne sont pas entendues. Je crains que le projet de loi de finances pour 2014 ne leur apporte guère plus de satisfaction... Or je constate avec beaucoup d'intérêt que vous faites des greffes les pivots de votre réflexion : pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

M. Patrice Gélard . - À mon tour d'adresser mes félicitations à nos rapporteurs pour la qualité de leur travail. Ce dernier n'a rien de révolutionnaire : j'observe que vous n'allez pas jusqu'à proposer la suppression du plein contentieux en matière administrative par exemple...

Je regrette pour ma part la disparition des juges de proximité. Nous avions beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment avec notre ancien collègue Pierre Fauchon. C'était une bonne idée, mais les magistrats professionnels n'en ont pas voulu. C'est dommage. Je relève que vous ne les avez même pas mentionnés...

Un point de détail : les « juridictions » auxquelles vous faites référence ne sont pas toutes des juridictions à proprement parler, certaines ne sont que des subdivisions du tribunal d'instance.

J'en viens à présent à la question des greffes. Pour bien connaître « mon » greffe, au tribunal de grande instance du Havre, où pas moins de 20 postes sont vacants, je sais bien qu'il s'agit d'une institution malade. Il est urgent de procéder à des recrutements massifs ! Il faudrait également rétablir des greffes dans les tribunaux d'instance supprimés par la réforme de la carte judiciaire. Il n'est pas acceptable que des justiciables soient contraints de faire 80 kilomètres pour accéder à la justice. Ne pourrait-on pas, d'ailleurs, faire le lien avec les maisons de la justice et du droit ?

Je crains que votre proposition tendant à supprimer le tribunal de police ne change rien à la situation que nous connaissons actuellement : des dizaines d'affaires traitées à la chaîne en quelques minutes chacune, des renvois dès que l'avocat n'est pas là... Ce système est absurde ! Renvoyer le traitement de ce contentieux au tribunal correctionnel sans une réflexion préalable sur la façon d'éviter ce type de « justice d'abattage » n'améliorera pas les choses.

Je suis opposé à votre proposition n°14, qui propose de fondre les tribunaux de commerce dans des tribunaux économiques aux compétences plus larges : le droit comparé nous enseigne qu'un tel système peut conduire à des catastrophes. Souvent, ces tribunaux économiques n'ont pas la même jurisprudence que les tribunaux civils. C'est le cas en Russie notamment, où, en outre, aucun tribunal des conflits n'est prévu pour apporter une solution à ces divergences. Par ailleurs, nos juges consulaires ne sont sans doute pas adaptés pour traiter de contentieux économiques : il faut réserver ce genre d'affaires aux magistrats professionnels. J'ajoute qu'il faudrait qu'un jour, nous nous penchions sur les syndics de liquidation des entreprises, qui nous posent souvent des problèmes. Il y a là une confusion entre les différents rôles du syndic, ainsi qu'avec le rôle des juges...

Je soutiens en revanche votre recommandation n°16, qui écarte l'idée d'un unique TPI départemental, ce qui me paraît sage. Tous les départements sont différents. Prenons mon département, la Seine Maritime. Le Havre compte 250 000 habitants, Rouen 400 000. Il serait absurde de n'avoir qu'un TGI à Rouen, d'autant plus que le contentieux intéressant (sur les affaires maritimes notamment) relève du ressort du Havre. À moins, bien sûr, d'installer le TGI du département au Havre...

S'agissant de l'échelon supérieur, ne pourrait-on pas envisager, à terme, de retenir le principe d'une cour d'appel par région ?

En conclusion, je vous indique que je suis bien évidemment favorable à ce que cet intéressant rapport fasse l'objet d'une publication.

M. Alain Richard . - Je voudrais féliciter la démarche gradualiste et pragmatique adoptée par nos rapporteurs. Tous nos collègues n'ont pas toujours ce réflexe et n'hésitent pas, dans un rapport d'information, à définir des choses souhaitables tout en renvoyant à d'autres la question de savoir si elles sont possibles ...

La piste que vous avez définie -créer un tribunal de première instance à partir des compétences des tribunaux d'instance et de grande instance- est la bonne, mais comment organise-t-on concrètement les choses ? Il y a la question des lieux, mais également celle des formations spécialisées. Beaucoup de choses peuvent être décidées par le chef de juridiction, mais il y a des limites : en particulier, ce n'est pas au chef de juridiction de décider ce qui relève du juge unique et ce qui relève d'une audience collégiale. En outre, un certain nombre de ces formations spécialisées comportent un échevinage... Il y a tout un travail à faire pour définir les différentes composantes spécialisées ou à compétences limitées du TPI qui, au fond, recouvrerait tout ce qui ne relève pas du TGI collégial et généraliste. La solution est d'avancer par étapes sur ces sujets.

La question du greffe est une question-clé. Mais je n'ai pas entendu nos rapporteurs sur la question de l'informatique judiciaire : depuis 40 ans, j'entends des discours apocalyptiques sur ce sujet. Le guichet universel de greffe est-il réalisable compte tenu des systèmes informatiques du ministère de la justice ?

Enfin, il faut être réalistes, le choix de poste est un marché comme un autre : pour les magistrats, il y a des fonctions attractives, d'autres nettement moins... Il faut prendre en compte cette question et y remédier, par exemple en envisageant des déjudiciarisations lorsque cela est possible.

M. Jean-Pierre Vial . - Je m'associe aux félicitations qui ont été adressées à nos rapporteurs. Permettez-moi quelques questions. Il me semble d'abord que la question de la perception par le justiciable de la complexité du monde judiciaire et sa compréhension des circuits de suivi des dossiers, qui me paraissaient être un axe fort de votre réflexion, a peut-être été trop rapidement évacuée dans votre présentation. L'expérience nous montre que les maisons de la justice et du droit fonctionnent bien. Qu'en est-il ? Que peut-on en attendre de plus ? Comment s'articulent leurs missions avec les questions de médiation et de juges de proximité ?

Quant au second volet de votre réflexion, qui concerne la modernisation de la « strate » de première instance, y a-t-il eu une évaluation de la réforme de la carte judiciaire ? Sur la question de la taille souhaitable des cours d'appel, d'un côté, j'entends les chefs de cour vanter les mérites d'une cour d'appel resserrée et spécialisée, tandis que de l'autre, je lis ce qu'en disent les medias, dont l'appréciation est bien différente... Vaut-il mieux de grosses ou de petites structures ?

Sur la spécificité des juridictions spécialisées, comment prendre en compte les magistrats non professionnels ? Ceux-ci ont l'intérêt d'être des praticiens. Il faudrait les remplacer si on retenait une composition non échevinale.

Votre recommandation concernant la création de tribunaux économiques pose également la question de savoir si les juges consulaires -qui sont des magistrats non professionnels, des commerçants la plupart du temps- auront la compétence nécessaire pour connaître d'affaires qui, aujourd'hui, n'entrent pas dans la compétence des tribunaux de commerce. N'y a-t-il pas un risque de hiatus de ce point de vue ?

Enfin, je m'interroge moi aussi sur le ressenti des personnels judiciaires, qu'il s'agisse des personnels de greffe ou des magistrats.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je rebondis sur l'observation que vient de faire Patrice Gélard concernant les juges de proximité. Comme vous le savez, j'avais déposé une proposition de loi, qui a été adoptée, pour reporter de deux ans la disparition des juridictions de proximité afin de nous donner le temps d'une réflexion. Leur suppression au 1 er janvier 2013 aurait été une folie : qu'aurait-on fait des dizaines de dossiers qui restaient à traiter dans ces juridictions ? Le délai de deux ans avait pour but de mettre en oeuvre la réforme de la justice de première instance. Votre rapport va contribuer très utilement à la réflexion. Sur ce point, qu'envisagez-vous ? Doit-on supprimer les juridictions de proximité en 2015 ? Et que faire des juges de proximité, dont les chefs de juridictions nous disent que nombreux d'entre eux sont compétents et utiles ?

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Dans notre esprit, les juges de proximité ne disparaissent pas, ils sont reversés au tribunal de première instance (comme aujourd'hui il est prévu qu'ils le soient au tribunal de grande instance). Il est toutefois nécessaire de poursuivre le travail avec la Chancellerie sur la question des juges de proximité. Il faut apporter des réponses à toutes les questions posées sur la formation, la durée des contrats, leur renouvellement ....

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Êtes-vous partisan du renouvellement de leur mandat ?

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Oui, clairement. S'ils reçoivent une formation suffisante et efficace, il serait dommage de se priver de leurs services.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Il faudrait l'inscrire dans le rapport.

M. Patrice Gélard . - Ils pourraient même faire de la médiation et de l'arbitrage judiciaire comme en Grande-Bretagne.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Les entretiens que nous avons eus avec les représentants des médiateurs ainsi que les visites que nous avons faites sur le terrain confirment ce que l'on voit depuis plusieurs années : les juges de proximité prennent leur place et les chefs de juridiction souhaitent leur présence. Nous allons compléter le rapport pour que cela soit clair.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Oui. En ce qui concerne l'état d'esprit des personnels judiciaires, greffes et magistrats : celui des personnels des greffes est très tendu. Ils ne sont pas opposés à toute réforme mais demandent de meilleures conditions de salaire, de travail, des garanties statutaires sur leur lieu de travail. Ils craignent que la réforme soit uniquement conçue à des fins budgétaires et souhaitent qu'on n'en profite pas pour réduire les effectifs. Sous ces réserves donc, ils ne sont pas farouchement hostiles.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Ces garanties sont indispensables. C'est l'objet de nos propositions n os 3 et 4.

Autant la notion de TPI intéresse beaucoup les gens qui sont dans les TGI, autant dans les tribunaux d'instance où les personnels travaillent moins dans l'urgence que dans les TGI, on perçoit la crainte d'être discrétionnairement réaffectés par le président du TPI, du TGI aujourd'hui. Les propositions n° 3 et 4 reviennent sur cela.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Les magistrats des tribunaux d'instance partagent les mêmes inquiétudes que les personnels des greffes, mais moins fortes ; les magistrats de TGI semblent, eux, plus favorables au TPI.

Je réponds à Alain Richard sur la notion de marché : je suis entièrement d'accord. Dans le rapport, nous proposons de déjudiciariser un certain nombre de fonctions pour se recentrer sur la fonction de juger. Le fait d'imposer par la loi un bloc de contentieux de proximité est fait pour cela, pour se concentrer sur ce qui est important.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Nos propositions ne sont pas révolutionnaires mais les tribunaux ont été suffisamment marqués par la réforme de la carte judiciaire, pour que nous n'ajoutions pas à cet état de fait. Nous faisons donc des propositions réalisables plutôt que de bouleverser à nouveau le monde judiciaire.

A la question de Patrice Gélard, la polyvalence des greffes est-elle suffisante ? Le directeur de l'école nationale des greffes nous a rassurés sur le plan des formations qui insistent sur la polyvalence. Nos idées ne l'ont donc pas effrayé. L'école nationale des greffes avance déjà dans cette voie.

Les maisons de la justice et du droit : un de nos premiers déplacements au TGI de Bordeaux, nous a permis de constater qu'existait déjà un guichet unique d'accessibilité à la justice à travers la maison de la justice et du droit qui fonctionne très bien. Mais si les collectivités locales ne mettent pas la « main à la pâte », on a des maisons de la justice et du droit « croupion ». Il faut aussi que le ministère de la justice garantisse la présence d'un greffier.

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - Nous partageons les inquiétudes d'Alain Richard sur l'informatique de la justice. En conséquence, l'application Portalis doit être prioritaire.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Pour Portalis (qui est l'équivalent pour les procédures civiles de Cassiopée en matière pénale), la Chancellerie nous dit qu'en l'état actuel des choses, le développement durera quatre ans. Si on ne parvient pas à cela, il y aura une déception pour le guichet universel des greffes.

M. Alain Richard . - Une partie du système est-elle fonctionnelle ?

Mme Virginie Klès , co-rapporteur . - À la question sur la taille des structures, je réponds qu'il faut des structures moyennes. Les grosses structures sont une source de déperdition d'énergie et de contact avec le terrain. Les petites structures sont aussi une source de déperdition d'énergie en termes d'emploi des personnels. La moyenne structure est souvent la bonne mesure.

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Sur les tribunaux économiques, il s'agit d'étendre le champ de compétence des tribunaux de commerce aux agriculteurs et aux artisans. Il ne faut pas de mitage des juridictions concernant les questions économiques.

M. Patrice Gélard . - Quand la garde des sceaux va-t-elle établir un programme de recrutement sur dix ans pour éviter les phénomènes d'accordéon que nous connaissons ?

M. Yves Détraigne , co-rapporteur . - Il faudra en saisir la Chancellerie.

La publication du rapport d'information est autorisée.

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