II. - S'ENGAGER SUR LA VOIE DE LA RÉFORME, EN DONNANT À COURT TERME LA PRIORITÉ À L'ACCESSIBILITÉ DE LA JUSTICE
Trois chantiers de réforme de la justice de première instance peuvent être d'ores et déjà engagés, sans nécessairement attendre la fusion des juridictions. Au contraire, ils permettront sans doute, s'ils aboutissent, de faciliter cette fusion, si elle devait être décidée.
Le premier est la création d'un guichet universel de greffe, le second, le renforcement des moyens de projection judiciaire afin de maintenir une présence judiciaire là où elle risquerait de manquer, et le dernier, le développement de procédures permettant au juge de se concentrer sur la fonction de juger.
A. LE GUICHET UNIVERSEL DE GREFFE, PREMIÈRE PIERRE DE L'ÉDIFICE
L'expression de « guichet unique de greffe » est trompeuse. En effet, la réalité ne correspond pas à ce qu'entendaient par-là les auteurs du rapport Casorla.
Ceux-ci estimaient en effet que « le principe même du guichet unique de greffe implique qu'il puisse devenir effectivement un point unifié d'entrée dans le système judiciaire pour l'accomplissement de certaines formalités administratives ou judiciaires même si le contentieux n'est pas jugé sur le lieu où est physiquement implanté ce guichet ».
Conscient de l'importance d'une telle innovation, ils précisaient que « la réalisation de cet objectif suppose non seulement des moyens financiers importants, surtout à droit constant, mais également des modifications profondes qui touchent non seulement à l'organisation du travail, mais aussi à des dispositions législatives et réglementaires tant procédurales que d'organisation judiciaire » 34 ( * ) .
Sans doute l'ampleur des prérequis explique-t-elle que les guichets uniques créés par le ministère de la justice soient encore éloignés de ce qui était visé dans ce rapport ( cf. encadré).
Les guichets uniques de greffe en activité Les guichets uniques de greffe aujourd'hui en activité dans les juridictions se présentent comme des accueils mutualisés qui permettent d'effectuer des actes de greffe ou de procédure induits par un transfert de tâches en provenance des services en aval, de la ou des juridictions qui participent à son fonctionnement. Ils comprennent à cette fin un ou plusieurs box de confidentialité pour la réalisation de ces actes. Cette structure d'accueil du justiciable conciliant à la fois accessibilité, confidentialité et sécurité est en permanence en liaison avec l'ensemble des greffes des juridictions. La mise en place de ces guichets uniques vise à améliorer les conditions de travail du personnel de justice et la qualité du service public. Il s'agit aussi de renforcer la sécurité des agents en limitant l'accès du public dans les services et les bureaux des juridictions. Lorsque l'implantation du GUG n'est pas possible pour des raisons immobilières ou des problématiques d'effectifs, il est parfois mis en place un accueil informatisé (AI). Ce dernier permet d'informer les justiciables sur les procédures au moyen d'une consultation des applications informatiques de la ou des juridictions présentes sur le site. Selon les chiffres fournis par la Chancellerie, on comptait, en avril 2013, 99 guichets uniques et 228 accueils informatisés, pour 640 sites judiciaires recevant du public. 15,.3% des bâtiments judiciaires sont ainsi équipés d'un guichet unique et 34% d'un accueil informatisé. Sur les 99 guichets uniques de greffe existants, seuls 88 sont en fonctionnement. Les raisons invoquées par les juridictions pour expliquer l'inactivité de la structure sont généralement liées à une insuffisance des effectifs, conjuguée à la rotation des personnels et à la vacance des emplois. Le ministère de la justice s'est engagé dans un programme de création de nouveaux guichets uniques, à la faveur notamment des grandes opérations de restructuration immobilière des palais de justice, et espère qu'ainsi, 155 soient en place en 2017. |
Vos rapporteurs ont pu constater, en se rendant au TGI de Bobigny, l'intérêt qu'une telle structure présente pour l'accueil du public.
Toutefois, ils observent que dans l'immense majorité des cas (93 sur 99), le guichet unique est implanté dans un palais de justice qui réunit en son sein une ou plusieurs juridictions, et qu'il n'est compétent que pour traiter leur contentieux. S'il facilite l'accueil, il n'offre aucun bénéfice supplémentaire en termes de proximité.
Ainsi, il n'existe pas de guichet unique de greffe déconcentré : on ne peut, en se présentant au greffe d'un tribunal d'instance d'une autre commune du ressort, déposer une requête destinée au tribunal de grande instance de la ville centre.
La commission présidée par le doyen Serge Guinchard avait déjà mis en avant cette lacune, ce qui l'avait conduite à revenir au dispositif proposé par le groupe d'étude présidée par Francis Casorla et à recommander la mise en place de véritables guichets universels de greffe « permettant aux justiciables et aux auxiliaires de justice d'introduire une instance judiciaire ou d'obtenir des informations concernant une procédure depuis n'importe quel site judiciaire » 35 ( * ) .
L'intitulé « guichet universel » apparaît préférable à celui de « guichet unique », car il traduit le fait qu'il ne s'agit pas que d'une concentration des greffes d'un palais de justice donné en un seul lieu, mais bien d'une mise en commun de tous les greffes des juridictions.
Vos rapporteurs considèrent que c'est bien cette solution ambitieuse qu'il convient de retenir.
Recommandation n° 1 Prioritairement à la création éventuelle du tribunal de première instance, mettre enfin en place le système de guichets universels de greffe déjà préconisé à plusieurs reprises, afin de permettre au justiciable d'introduire et de suivre son affaire, en tout point du ressort, au tribunal le plus proche de son domicile |
Une telle réforme suppose, en créant le guichet universel, d'organiser la mutualisation des greffes des différentes juridictions. Elle ne peut néanmoins avoir lieu sans moyens techniques suffisants ni sans garanties pour les personnels judiciaires.
1. Créer le guichet universel de greffe et organiser la mutualisation des greffes
Au-delà de l'intérêt pratique pour les justiciables d'une porte d'entrée unique, l'intérêt d'un guichet universel de greffe (GUG), rassemblant les greffes de différentes juridictions, est triple.
• La création d'une nouvelle proximité judiciaire
En premier lieu, ce dispositif est créateur de proximité judiciaire. Il procède en effet d'une nouvelle conception de l'accès à la justice.
Pour reprendre les termes employés par M. Philippe Lemaire, procureur général près la cour d'appel d'Amiens, l'important, pour le justiciable, est moins que l'audience se tienne à chaque fois au plus près de son domicile que de pouvoir toujours déposer et suivre sa requête au lieu le plus proche.
Or, c'est exactement ce que réalise le guichet universel de greffe, puisque le justiciable est ainsi assuré de pouvoir saisir le juge qu'il souhaite, même s'il siège dans une autre ville du ressort, au greffe de l'implantation judiciaire la plus proche et d'être informé des progrès de la procédure. Seule lui restera l'obligation de se déplacer pour les audiences éventuelles.
Ainsi, le guichet universel de greffe permet de mettre à profit l'important réseau juridictionnel des tribunaux d'instance : à défaut de déplacer le juge, il rend la justice plus proche.
• Le bénéfice de la mutualisation des effectifs de greffe
En second lieu, le dispositif permet la mutualisation des services et des effectifs de greffe.
Comme on l'a vu précédemment, plusieurs juridictions possèdent leur propre service de greffe : le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et le conseil des prud'hommes 36 ( * ) . Les fonctionnaires qui y sont affectés ne peuvent en principe, sauf mutation ou affectation très temporaire ( cf. encadré), participer au fonctionnement du greffe d'une autre juridiction du ressort.
Ainsi que l'a observé M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, le code de l'organisation judiciaire n'a sans doute pas tiré toutes les conséquences de la fonctionnarisation des greffes intervenue en 1965 37 ( * ) , puisqu'il a maintenu pour chaque juridiction l'autonomie de gestion, sous la responsabilité du directeur de greffe, dont bénéficiaient les anciens greffiers titulaires de leur charge.
Le statut des fonctionnaires des greffes Les fonctionnaires des greffes sont soumis au statut général de la fonction publique et notamment à l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'État, qui précise que l'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. Au regard de ces dispositions les fonctionnaires des greffes sont nommés puis affectés dans une juridiction et ne peuvent être déplacés dans une autre. Toutefois, les agents des greffes peuvent être temporairement délégués dans les services d'une autre juridiction du ressort de la même cour d'appel (article R. 123-17 du code de l'organisation judiciaire). Cette délégation est prononcée par décision du premier président de la cour d'appel et du procureur général près cette cour. Elle ne peut excéder une durée de deux mois. Toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut la renouveler dans la limite d'une durée totale de huit mois. Dans les départements d'outre-mer, elle ne peut excéder une durée de six mois, renouvelable, le cas échéant, par le garde des sceaux. |
La mise en commun des personnels de greffe dans un même ressort judiciaire permettrait au contraire, comme c'est le cas pour les magistrats d'instance, administrativement rattachés au TGI, que les agents d'une juridiction puissent être affectés de manière pérenne au greffe -et avec les garanties nécessaires ( cf. infra )- d'une autre juridiction du ressort, sur décision du chef du TGI.
Comme on l'a vu précédemment, les chefs de juridictions et les chefs de cours appellent de leurs voeux une telle mutualisation des effectifs de greffe, la plus étendue possible.
La question clé est celle du périmètre : faut-il limiter le regroupement aux agents des greffes des tribunaux d'instance et du TGI ou y inclure aussi ceux des conseils de prud'hommes ?
Vos rapporteurs privilégient cette seconde option pour deux raisons.
Tout d'abord, l'unité du corps des greffiers est un atout : tous ceux affectés dans une de ces trois juridictions possèdent une formation identique et connaissent les métiers des deux autres.
Surtout, la mutualisation est d'autant plus performante qu'elle porte sur un nombre élevé d'agents dans un même ressort.
Recommandation n° 2 Organiser, dans le cadre du guichet universel de greffe, une mutualisation des effectifs de greffe du tribunal d'instance, du conseil des prud'hommes et du TGI, dans le ressort de ce dernier |
• La réduction des conflits de compétence
Le troisième intérêt de la création du guichet universel de greffe est, par l'information qui sera délivrée par les greffiers, de diminuer le nombre des saisines adressées à la mauvaise juridiction, et, partant, le nombre de décisions d'incompétence prononcées par les juges concernés. Celles-ci représentent un peu moins de 2 % du nombre de décisions rendues chaque année par les juridictions civiles, ce qui n'est pas négligeable.
Nombre de décisions d'incompétence rendues en 2012 par : |
|
Les tribunaux d'instance |
4 462 |
Les TGI |
4 627 |
Les conseils de prud'hommes, tribunaux paritaires des baux ruraux et tribunaux des pensions militaires 38 ( * ) |
2 192 |
Source : ministère de la justice
Vos rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité d'accompagner ce premier dispositif d'un second, qui confierait aux greffes eux-mêmes la tâche de transmettre la saisine, en la corrigeant, à la bonne juridiction, si elle est mal adressée par le justiciable.
Ce dispositif a déjà été examiné par la commission présidée par le doyen Serge Guinchard, sous la forme d'un service judiciaire d'orientation des affaires.
Cette commission s'est toutefois prononcée contre un tel service, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, ceci représenterait une charge de travail supplémentaire pour les greffes, déjà mobilisés par le guichet universel.
En second lieu, le dispositif serait difficilement compatible avec la procédure d'assignation, laquelle emporte convocation, par le plaignant, de son adversaire à une audience déterminée de la juridiction compétente. À défaut, pour le requérant, de désigner cette juridiction, il reviendrait au greffe, une fois la requête correctement adressée, de faire procéder à la convocation du défendeur. Or, ceci aurait un coût et retarderait d'autant la procédure.
Enfin, le service ne pourrait trancher, à la place du requérant, lorsqu'il faudrait faire le choix entre plusieurs juridictions possibles devant lesquelles porter l'affaire.
Vos rapporteurs partagent cette analyse et ne recommandent pas à ce stade, pour les mêmes raisons, la mise en place d'un tel service, dans le cadre d'un GUG. Ils observent toutefois, que les mêmes arguments sont inopérants s'agissant d'un guichet unique intégré à un tribunal de première instance, dans la mesure où il n'y a plus qu'une seule juridiction qui puisse être saisie : le TPI.
2. Prévoir des garanties et des moyens suffisants
Vos rapporteurs ont entendu les inquiétudes exprimées par les représentants des personnels de greffes, qui craignent que la mutualisation engagée par le guichet universel de greffe transforme les fonctionnaires en cause en l'équivalent de fonctionnaires placés, librement déplaçables d'un service à l'autre, au gré du chef de juridiction.
Ils n'ont pas oublié que nombre de ces agents ont été durement affectés par la réforme de la carte judiciaire, qui les a parfois contraints à quitter la ville de leur affectation d'origine, où ils avaient construit leur vie.
C'est la raison pour laquelle ils jugent nécessaire d'apporter aux intéressés des garanties suffisantes sur leur localisation et leurs affectations possibles.
Cette mutualisation doit être accompagnée d'une politique adaptée de ressources humaines.
Enfin, il s'avère que le succès de cette entreprise dépend, sur le plan technique, de la mise en place d'applications informatiques adaptées.
a) Garantir la localisation et les affectations des personnels judiciaires
La souplesse de gestion que pourrait apporter la mutualisation des greffes ne doit pas devenir une source d'insécurité ou d'instabilité pour les personnels intéressés.
Elle doit être encadrée et ne doit pas aboutir à imposer contre leur volonté aux fonctionnaires, après une réaffectation à une nouvelle juridiction, des temps de trajet considérablement allongés, voire un déménagement.
Vos rapporteurs proposent ainsi que l'affectation initiale des fonctionnaires au greffe mutualisé du tribunal de grande instance s'accompagne d'une précision sur la zone géographique dans laquelle ils pourront être affectés, en cas de nécessité de service, d'une juridiction à l'autre. L'étendue de cette zone géographique devrait être la ville ou l'agglomération de la première juridiction dans laquelle ils entreront effectivement en fonction.
Cette garantie devra trouver sa traduction dans le code de l'organisation judiciaire.
Une telle disposition s'appliquera facilement dans la ville siège du TGI, car elle accueille généralement aussi un tribunal d'instance et un conseil des prud'hommes.
Dans les autres implantations, le conseil des prud'hommes est presque toujours dans la même ville que le tribunal d'instance 39 ( * ) , ce qui permet de tirer parti de la mutualisation entre les deux.
Les fonctionnaires affectés dans des communes où la seule implantation judiciaire est un tribunal d'instance, ne devraient en revanche pas pouvoir être affectés contre leur volonté, du jour au lendemain, sur la seule décision du chef de juridiction, dans une autre localité.
Les règles actuelles auraient vocation à s'appliquer lorsque, du fait de la garantie de localisation, il ne serait pas au pouvoir du seul président du tribunal d'affecter un agent au poste requis : l'intéressé pourrait faire l'objet d'une mutation après avis de la commission administrative paritaire ou d'une délégation temporaire. En outre, en cas d'activité insuffisante au regard de l'effectif, il serait aussi envisageable de supprimer budgétairement le poste pour le remployer ailleurs.
Vos rapporteurs soulignent par ailleurs que la facilité de gestion qu'autorise la mutualisation des personnels de greffe ne se limite pas aux réaffectations entre plusieurs juridictions. Il est tout à fait possible qu'un fonctionnaire reste dans son tribunal d'origine, mais qu'il soit employé, pour le temps non occupé par les tâches propres à cette juridiction, à traiter des procédures d'une autre juridiction.
Un tel dispositif avait été utilisé à Fécamp et Bolbec, dans le ressort de la cour d'appel de Rouen, sous l'autorité du premier président d'alors, M. Vincent Lamanda, aujourd'hui premier président de la Cour de cassation, pour maintenir à leur poste des fonctionnaires de greffes détachés, en leur confiant la gestion administrative des injonctions de payer de tout le ressort.
Recommandation n° 3 Apporter aux fonctionnaires des greffes mutualisés la garantie pérenne, dans le cadre de cette mutualisation, d'une affectation dans la même ville ou la même agglomération que leur juridiction d'origine |
b) Mettre en place une politique adaptée de ressources humaines
La réforme du guichet universel et celle de la mutualisation des greffes reposeront sur la polyvalence des fonctionnaires, qui devront être familiers de l'évolution des procédures devant chaque juridiction.
Elles supposent, par conséquent, qu'un effort supplémentaire soit fourni pour la formation professionnelle continue des greffiers.
À cet égard, M. Frédéric Hardouin, directeur de l'école nationale des greffes (ENG), a exposé avec précision à vos rapporteurs le niveau croissant de recrutement des greffiers en chef et des greffiers, l'accroissement de leur polyvalence comme de leurs compétences juridiques. Selon lui, le niveau actuel des greffiers permet d'envisager le renforcement de leurs missions dans le cadre d'un guichet universel de greffe ou du TPI.
Au-delà, vos rapporteurs constatent que la création du guichet universel et la mutualisation des greffes, évoquées depuis si longtemps, mais jamais réalisées, constitueraient une évolution majeure, comparable à la fonctionnarisation des greffes, il y aura bientôt cinquante ans.
Une telle évolution du greffe, et du métier de greffe, justifierait, à leurs yeux, une revalorisation indemnitaire pour ces personnels, dans la mesure qu'autorise l'objectif de redressement des comptes publics. Une telle revalorisation serait d'autant plus légitime, que les greffiers n'ont bénéficié, ces dernières années, d'aucune mesure indemnitaire, contrairement à d'autres personnels judiciaires, comme notre collègue Mme Catherine Tasca s'en est fait l'écho, récemment, dans son rapport pour avis au nom de votre commission des lois, sur le budget de la justice pour 2013. 40 ( * )
En recommandant ainsi des efforts en faveur de la formation continue et de la revalorisation indemnitaire des greffiers, vos rapporteurs appellent à une véritable politique de ressource humaine de soutien à la réforme proposée.
Recommandation n° 4 Engager, au soutien de la création du GUG et de la mutualisation des greffes, une véritable politique de ressources humaines qui s'appuie sur la formation des greffiers et une revalorisation indemnitaire adaptée |
c) Adapter en conséquence l'outil informatique civil
Dans son esprit, le guichet universel de greffe, porte d'entrée unique sur la justice, suppose qu'un fonctionnaire de greffe d'une quelconque implantation judiciaire puisse enregistrer la saisine d'une autre juridiction par le justiciable ou accéder à l'état de la procédure devant cette juridiction, afin de l'informer des progrès en cours.
De telles fonctionnalités ne sont possibles que si les deux juridictions ont un accès commun à distance aux mêmes applications informatiques, et que chacune est informée, en temps réel, de toute modification apportée par l'autre.
Or, aujourd'hui, chaque type de juridiction possède ses propres applications, nationales ou d'initiative locale, dont la plupart ne sont pas accessibles à distance.
En l'état des architectures techniques des applications informatiques, un tel accès à distance n'est possible que pour les seules applications de type web, comme l'application Cassiopée en matière pénale, qui permet à tous les parquets d'avoir accès aux mêmes informations.
En matière civile, seule l'application IPWEB, relative aux injonctions de payer est accessible à distance.
La solution toutefois existe : la création d'une application commune à toutes les procédures civiles, identique, dans son esprit, à l'application pénale Cassiopée.
Le ministère de la justice en a d'ores et déjà conçu le projet. Il s'agit de l'application Portalis.
Les représentants de la Chancellerie ont toutefois indiqué au cours des auditions que ce projet n'en était qu'à son commencement, et que son déploiement devrait prendre un peu plus de quatre ans.
Vos rapporteurs estiment que ce chantier devrait être classé prioritaire, car en l'absence d'un tel dispositif, la réforme du guichet universel est impossible.
Recommandation n° 5 Conduire à son terme, de manière prioritaire, le développement de l'application informatique Portalis, qui permettra la connexion de l'ensemble des juridictions et procédures civiles |
* 34 Rapport Casorla, op. cit. , p. 68. Les termes mis en gras le sont par vos rapporteurs.
* 35 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 251.
* 36 Les tribunaux de commerce et les juridictions sociales sont mis de côté, les premiers parce que leur greffe est assuré par des officiers ministériels, titulaires d'une charge, les secondes, parce que leurs greffiers sont majoritairement des agents de droit privé qui relèvent des organismes de sécurité sociale et non du ministère de la justice.
* 37 Loi n° 65-1002 du 30 novembre 1965 portant réforme des greffes des juridictions civiles et pénales et supprimant la vénalité des charges.
* 38 Bien que son organisation soit gérée par la cour d'appel, le tribunal des pensions militaires n'est pas une juridiction judiciaire, mais relève de l'ordre administratif.
* 39 Deux conseils des prud'hommes échappent à cette règle : Épernay et Longwy.
* 40 Avis n° 154 (2012-2013) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois, sur le budget de la justice pour 2013, p. 34 (www.senat.fr/rap/a12-154-13/a12-154-13.html).