C. L'ABSENCE DE RÉGULATION PAR UNE COOPÉRATION RÉGIONALE STRUCTURÉE

1. L'empilement des instances de coopération politique

L'une des caractéristiques de cette région est la prolifération d'organisations intergouvernementales.

Une présentation extraite d'une étude de juin 2014 sur la stratégie de développement de l'Union européenne dans le pacifique note que certaines dimensions particulièrement intéressantes de ces instances de coopération politique concernent « l'inclusion ou l'exclusion des principales puissances régionales que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le rôle des nations insulaires du Pacifique dans les organisations de niveau mondial, ainsi que les distinctions infrarégionales reflétant les divisions géographiques et culturelles traditionnelles entre la Mélanésie, la Polynésie, et la Micronésie. » Cette présentation est reproduite en annexe.

2. L'absence d'une architecture régionale de sécurité
a) Des engagements à vocation internationale

Plusieurs traités et engagements politiques et de sécurité existent en Asie-Pacifique. La France y est d'ailleurs partie :


• le traité de paix avec le Japon, dit « traité de San Francisco », signé le 8 septembre 1951 ;


• la convention d'armistice en Corée, signée le 27 juillet 1953 ; la France est restée membre de la coalition du Commandement des Nations unies (UNC) et de la Commission militaire d'armistice (UNCMAC) ;


• le traité de sécurité collective en Asie du Sud-Est, dit « traité de Manille », signé le 8 septembre 1954, toujours en vigueur même si son organisation militaire, l'OTASE, a été dissoute en 1977 ;


• le traité d'amitié et de coopération en Asie du Sud-Est, dit « traité de Bali », signé le 24 février 1976, auquel la France a adhéré en janvier 2007.

À cela s'ajoutent différents instruments et régimes dédiés à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) et de leurs vecteurs. Là encore la France est partie de chacun d'entre eux.

Ils ont une vocation mondiale :

- le Traité de non-prolifération (TNP),

- la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC),

- la Convention sur l'Interdiction des Armes Biologiques (CIAB),

- le Régime de contrôle de la technologie des missiles (RCTM ou MTCR- sigle anglais),

- le Groupe des fournisseurs nucléaires (GFN ou NSG-sigle anglais), le Groupe Australie 36 ( * ) ,

- l'Arrangement de Wassenaar 37 ( * ) ,

- et la Proliferation Security Initiative 38 ( * ) . La PSI est un ensemble d'activités et non pas une organisation officielle née d'un traité. On peut la concevoir comme un réseau de partenariats d'activités. Elle n'implique pas d'« obligations » formelles de la part des participants, mais plutôt un engagement politique à mettre en place les « meilleures pratiques » susceptibles d'enrayer le trafic lié à la prolifération. La PSI prévoit des exercices d'entraînement à l'interception et divers autres programmes opérationnels destinés à aider les États à agir de concert, de façon plus coordonnée et efficace, pour arrêter, fouiller et saisir les marchandises illicites. Dans ce cadre, l'Australie, les États-Unis, la Corée du Sud, le Japon et la France participent à l'exercice « Bouclier du Pacifique ».

Cette déclinaison locale d'une initiative internationale s'agglomère sans réelle articulation avec les accords et forums multilatéraux en vigueur dans la zone.

b) Les accords régionaux de sécurité

De nombreux fora multilatéraux cherchent à coordonner l'action des différentes nations du Pacifique et de l'océan Indien en particulier au niveau de la défense. Citons notamment :


• le Shangri-La dialogue , au niveau politique et stratégique, réunion annuelle entre ministère de la défense de la zone Asie-Pacifique,


• le South Pacific Defence Ministers Meeting (SDPMM). Il s'agit d'une communauté régionale de défense créée en 2013 qui réunit tous les deux ans les ministres de la défense de l'Australie, la France, la Nouvelle-Zélande, le Chili, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Tonga. Fidji pourrait prochainement adhérer. Le prochain rendez-vous est prévu en avril 2017 en Nouvelle-Zélande ;


• la Pacific Armies Chiefs Conference et sa déclinaison méridionale, le Chief of Defence Conference (CHOD), qui est la réunion annuelle des chefs d'état-major des nations du Pacifique soit environ 30 pays ;


• le Western Pacific Naval Symposium (WPNS). Les échanges qui s'y tiennent sont orientés vers la recherche d'une plus grande interopérabilité des armées. Le WPNS regroupe 21 membres. La France est le seul pays européen permanent depuis 2002. Cette réunion des chefs d'état-major de la marine s'est tenue en avril 2016 en Indonésie, la prochaine réunion aura lieu en 2018 ;


• l' Indian Ocean Navale Symposium (IONS) et le pendant du WPNS pour l'océan Indien ;


• les séminaires des chefs d'état-major des armées du Pacifique, USPACOM,


• la réunion annuelle des chefs du renseignement militaire d'Asie-Pacifique ;


• mais aussi, le central South Pacific Coast Guard forum .

Cette diversité de formats, d'acteurs, et de niveaux de dialogue montre assez la diversité des problématiques qui caractérisent cette zone et la difficulté d'y apporter une réponse unique. En fonction des thèmes abordés, les rapports de force, les alliances se modifient au détriment d'une stabilisation globale de la zone. Dans ce contexte, la position de la France peut en faire un acteur privilégié, capable de parler avec chacun des pays riverains. Des recommandations seront formulées en ce sens.

3. L'enchevêtrement des coopérations à visées économiques
a) De multiples accords

La multiplicité des formats de discussion dans le domaine de la sécurité n'a rien à envier à la superposition des coopérations à visées économiques. L'accroissement des échanges intra-zone, déjà caractérisé, a donné lieu à une forte intégration régionale qui s'est concrétisée par la multiplication d'accords commerciaux multilatéraux tels que :

- l'accord de libre-échange entre la Chine et l'ASEAN 39 ( * ) ,

- l'accord tripartite Chine-Corée-Japon 40 ( * ) ,

- la constitution d'une communauté économique de l'ASEAN ouvrant une zone de libre-échange de 625 millions d'habitants 41 ( * ) .

Ces accords se superposent et semblent parfois concurrents. Ainsi, en 2001, au sommet de l'ASEAN +3, les dirigeants de l'ASEAN et leurs homologues de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud avaient initié les réflexions sur la création d'une zone de libre-échange de l'Asie de l'Est (EAFTA), qui compterait 13 pays de la région.

Le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) ou partenariat économique global en Asie de l'Est (CEPEA) proposé en 2006, « prend en compte » l'existence de l'EAFTA mais vise une coopération plus globale en ajoutant l'Inde, l'Australie et la Nouvelle-Zélande à l'ASEAN +3, soit un bloc de 16 pays qui représenterait la moitié de la population mondiale.

b) Les partenariats avec les États-Unis, la Chine et l'Europe

Les autres acteurs mondiaux, les États-Unis, l'Europe et plus récemment la Chine, ont saisi l'intérêt de cette zone et ont multiplié les accords multilatéraux et bilatéraux.

(1) L'avenir incertain de la coopération avec les États-Unis

Les initiatives de coopération économique américaine concernent :

- les accords de libre-échange entre les États-Unis et quasiment tous les pays de l' « ASEAN-6 ». Il s'agissait là du volet commercial de stratégie du « pivot » américain vers l'Asie ;

- l'accord de partenariat transpacifique signé le 4 février 2016, aussi connu sous le nom de « Partenariat Trans-Pacifique » ou sous son nom anglais « Trans-Pacific Partnership Agreement » ou simplement « Trans-Pacific Partnership » (TPP). Il s'agit d'un traité multilatéral de libre-échange, visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique. Son avenir est toutefois incertain, le nouveau président américain ayant annoncé son intention de le dénoncer.

(2) Une collaboration bilatérale avec l'Union européenne

Les accords de libre-échange entre l'Europe et des pays de l'ASEAN prennent la forme de multiples accords bilatéraux.

Des pourparlers ont eu lieu de 2007 à 2009 en vue de la signature d'un accord global de libre-échange entre l'Union européenne et l'ASEAN, mais ont échoué sans doute en raison de la disparité des nations qui composent l'ASEAN.

L'Union européenne a donc décidé de négocier pays par pays. Actuellement la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande sont en négociation alors que des pourparlers avec Singapour (2014) et le Vietnam (2015) ont été couronnés de succès et attendent leurs ratifications par les différentes instances compétentes. Le 18 juillet 2016, le Conseil a autorisé la Commission à ouvrir les négociations avec l'Indonésie afin de discuter d'un accord de libre-échange.

(3) L'initiative chinoise de Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures ou AIIB

La création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures ou AIIB a modifié les équilibres entre les coopérations économiques régionales.

Elle résulte d'une initiative chinoise visant à renforcer son influence dans les institutions financières internationales existantes, d'autant que la Chine n'est plus toujours éligible, du fait de l'augmentation de son niveau de revenu, à la totalité des financements octroyés par celles-ci.

En octobre 2014, la Chine a donc signé, avec les pays asiatiques intéressés, un protocole d'entente reconnaissant l'importance des infrastructures dans le développement de l'Asie et le besoin d'un financement additionnel important à long terme pour financer les infrastructures de la région 42 ( * ) . Un appel à candidatures pour rejoindre le groupe des membres fondateurs potentiels a été lancé, dont l'échéance était fixée au 31 mars 2015, le statut de « membre fondateur potentiel » donnant la possibilité d'avoir une place à la table des négociations pendant l'élaboration des statuts et des premières politiques de la Banque. L'Australie et la Corée du Sud ont rejoint le groupe des pays régionaux quelques jours après l'annonce conjointe de la France, l'Allemagne et l'Italie. La Nouvelle-Zélande avait obtenu le statut de membre fondateur potentiel dès janvier 2015.

Les États-Unis, le Japon et le Canada, notamment, ont refusé de devenir membres fondateurs de l'AIIB. Il a pourtant été précisé que l'AIIB n'avait pas vocation à concurrencer ou à se substituer aux actions du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) ou de la Banque asiatique de développement (BAsD). La position du nouveau Président des États-Unis n'est pas encore connue sur ces sujets.

Compte tenu de l'insuffisance des infrastructures dans la région, la création de l'AIIB se justifie pleinement, selon le rapport de votre commission sur ce sujet 43 ( * ) . En effet, en 2010, la Banque asiatique de développement estimait le besoin d'investissement à 8 000 milliards de dollars entre 2010 et 2020. Les financements des banques multilatérales existantes- 30 milliards de dollars de prêts par an pour la Banque mondiale et 12 milliards pour la Banque asiatique de développement- ne permettent pas de satisfaire les besoins, et les marchés financiers régionaux ne sont pas suffisamment développés. L'AIIB devrait ainsi contribuer à orienter l'épargne dormante de pays développés ou à revenus intermédiaires vers les pays de la région qui en ont le plus besoin.

En septembre 2013, concomitamment au lancement du projet de l'AIIB, le Président Xi Jinping avait aussi dévoilé sa stratégie de la « nouvelle route de la soie » dite aussi « one belt, one road » qui regroupe une route terrestre devant relier la Chine à l'Europe par l'intermédiaire de l'Asie centrale et occidentale et une route maritime venant renforcer les connexions de la Chine avec les pays d'Asie du Sud, l'Afrique et l'Europe. Cette initiative a notamment vocation à permettre à la Chine de conquérir de nouveaux marchés commerciaux en facilitant l'accès par la construction d'infrastructures telles que des routes, des ports et des aéroports, dans un contexte de ralentissement de la croissance de l'économie chinoise et de diminution de la demande externe. Un fonds d'investissement, doté de 40 milliards de dollars est dédié au projet de la nouvelle route de la soie.

La façon dont ces fonds viendront s'ajouter aux autres initiatives de mobilisations des investissements dans la zone n'est pas encore certaine. Il est notable que la multiplicité des accords de commerce, unions douanières, et accord de libre-échange, lieu de concurrence autant que de coopération ne parviennent pas à équilibrer à ce jour la zone. De nombreux États ne survivent que grâce à l'aide au développement que leur apportent les pays riches de cette zone et particulièrement l'Australie, mais aussi l'Union européenne.

4. Une région aidée

Il ne sera ici fait cas que de l'aide au développement apportée par l'Australie et par l'Union européenne. La Chine, les États-Unis, le Canada et bien d'autres pays contribuent également au développement des pays de la zone indopacifique.

a) L'Union européenne soutient le développement de cette région
(1) L'intervention de l'Union européenne : les accords de Cotonou

En 2000, la Communauté et les États membres de l'Union européenne ont signé un accord de partenariat d'une durée de vingt ans avec 77 pays du groupe Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP). Ce texte, dit accord de Cotonou, remplaçait les accords de Lomé qui organisaient les relations commerciales et de coopération entre la Communauté et les pays ACP depuis 1975 44 ( * ) .

Au terme de ce texte, cinq axes organisent l'aide européenne aux pays ACP :

- la libéralisation des échanges. L'accord met fin aux mécanismes de stabilisation des prix qui garantissaient les recettes des exportations des pays ACP pour les produits agricoles (Stabex) et pour les produits miniers (Sysmin), du moins sous les formes qui étaient les leurs depuis 1975 ;

- la conditionnalité de l'aide. Elle n'est plus automatique et dépend de la réalisation de performances dans différents domaines tels que les réformes institutionnelles, l'utilisation des ressources, la réduction de la pauvreté, la mise en oeuvre de mesures de développement durable. Chaque pays dispose d'une enveloppe qui couvre l'aide programmée sur la base d'une stratégie de coopération nationale (SCN) ;

- la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté. Cet objectif central de l'accord mêle les dimensions politiques (coopération régionale), économiques (développement du secteur privé, réformes structurelles et sectorielles), sociales (jeunes, égalité des chances), culturelles et environnementales de chaque pays ;

- l'association des populations concernées qui doivent être informées et consultées afin d'accroître la participation des acteurs économiques, sociaux et associatifs locaux à la mise en oeuvre des projets ;

- la mise en place d'un « dialogue politique » sur toutes les questions d'intérêt mutuel, aussi bien au niveau national, régional ou du groupe ACP.

À la fin du mois de mai 2006, la Commission européenne a adopté une proposition visant à renforcer les relations de l'UE avec les îles du Pacifique, en particulier les pays ACP. Cette stratégie vise à consolider un dialogue politique établi depuis 30 ans, à cibler davantage la coopération au développement et à accroître l'efficacité de l'aide fournie. Le thème dit «bleu-vert» qui sous-tend la stratégie accorde une attention particulière à la gestion durable des ressources naturelles, en ciblant les défis environnementaux globaux. Elle reflète l'importance croissante de la région Pacifique sur les plans environnemental, politique et économique. Le partenariat renforcé répond au besoin d'une politique de l'Union européenne plus ciblée, simplifiée et coordonnée sur des thèmes d'intérêt commun, qu'il s'agisse de questions politiques, sécuritaires, économiques, commerciales, sociales et environnementales ou de sujets spécifiques propres à certains pays.

(2) L'Union européenne premier bailleur de fonds de la région

L'Union européenne propose de plus une assistance humanitaire à la région en termes, à la fois, de préparation aux catastrophes et de secours d'urgence, lorsque surviennent d'importantes catastrophes :

- le Programme de préparation aux catastrophes (DIPECHO) pour la région du Pacifique dispose d'un budget alloué de 2,5 millions d'euros pour la période 2015-2016. Il finance des activités ancrées dans les communautés de préparation aux catastrophes, la création de liens entre les différents échelons de pouvoir (communautés, villages, provinces, régions et État), la standardisation des outils de réduction des risques de catastrophe, un travail conjoint et une coordination entre organisations gouvernementales et non-gouvernementales, ainsi qu'un apprentissage et partage d'expériences entre pairs ;

- en réponse aux effets du phénomène El Niño dans plusieurs pays du Pacifique en 2015-2016, le service de la Commission européenne chargé des opérations de protection civile et d'aide humanitaire européennes (ECHO) a débloqué des fonds pour soutenir les opérations de secours entreprises en Papouasie-Nouvelle-Guinée, pays le plus durement touché par la sécheresse, aux îles Fidji après le passage du cyclone tropical Winston et au îles Vanuatu après le passage du cyclone tropical Pam.

De manière générale, le rôle de l'Union en tant que principal donateur dans la région du Pacifique est, sans surprise, étroitement lié aux relations France-Pacifique. En réalité, lorsqu'elle affirme être le deuxième donateur d'aide au développement dans la région du Pacifique, l'Union européenne inclut les aides versées par la France qui, chaque année, sont au moins aussi importantes que la totalité des contributions des institutions de l'Union.

L'Union européenne alloue ainsi, sur la base des accords de Cotonou, au développement des pays et territoires d'outre-mer et aux pays ACP des sommes qui progressent au fur et à mesure des années. Ces sommes sont ainsi passées de 8 millions d'euros au titre du neuvième fonds européen de développement (FED) à 40 millions d'euros au titre du 10 e et plus de 100 millions d'euros pour la période suivante. Le projet financé sous le 10 e FED visait à renforcer la coopération régionale entre les territoires d'outre-mer et les pays du Pacifique inclus dans le groupe ACP afin de lutter contre les impacts du changement climatique. Ce projet a évolué pour étendre sa dimension régionale et mettre l'accent sur la coopération régionale et l'intégration dans les actions régionales existantes, notamment via une collaboration avec le secrétariat général de la Communauté du Pacifique, que nous avons également auditionné sur place.

Au total 58,49 millions d'euros ont été alloués par le 10 e FED aux territoires français du Pacifique : soit 16,5 millions d'euros à Wallis et Futuna pour aider au désenclavement économique en favorisant la desserte maritime, 19,8 millions d'euros en Nouvelle-Calédonie en faveur de la stratégie territoriale de formation professionnelle continue et enfin 19,8 millions d'euros en Polynésie française pour soutenir la politique sectorielle de l'eau.

Selon les informations recueillies, il apparaît clairement que de réels progrès peuvent être réalisés dans ce domaine :

- l'Union européenne est le premier bailleur de fonds de la région mais ces actions ne sont pas toujours suffisamment identifiées ;

- les procédures administratives communautaires sont beaucoup trop lourdes et deviennent contreproductives ;

- ces lourdeurs retardent la mise en oeuvre du 11 e FED et obèrent la possibilité de consommer l'intégralité des fonds prévus puisque la période de programmation reste inchangée malgré ce retard au démarrage ;

- l'interruption de certaines aides du fait des lourdeurs administratives peut avoir des conséquences dramatiques, ruinant les efforts mis en oeuvre faute de suivi dans le domaine de l'agriculture, de l'hygiène ou de la dépollution.

Des propositions seront formulées pour améliorer cette situation.

b) Le positionnement économique de l'Australie dans son environnement géographique
(1) Une relation économique fructueuse avec l'Asie

Le voisinage géographique de l'Australie représente de réelles opportunités et débouchés économiques. Tel est le cas des pays dits « émergés » et des pays dits « émergents » dont le dynamisme économique et le niveau de revenu représentent autant de nouveaux marchés potentiels pour l'Australie. Le Japon, 3 e économie mondiale et les dragons asiatiques, Taïwan, Singapour, la Corée du Sud, et Hong Kong, sont des partenaires majeurs de l'Australie. Le Japon est le deuxième client de l'Australie (13,4 %) et son troisième fournisseur (6,4 %). Les échanges avec ces économies concernent aussi bien le secteur primaire et secondaire que le secteur tertiaire, et notamment le secteur de la finance en pleine expansion à Sydney.

Les Tigres asiatiques, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, le Viet Nam, et l'Indonésie, sont également vus comme une opportunité économique pour l'Australie par les analystes. Ainsi, l'Indonésie, premier récipiendaire de l'aide australienne ayant bénéficié de 323 millions de dollars australiens en 2015, constitue une priorité de l'économie australienne dans la région. Son rang s'améliore dans les échanges avec l'Australie dont elle est devenue le 12 e partenaire économique en 2014.

L'Australie a développé des accords bilatéraux de libre-échange avec la plupart de ses voisins : la Nouvelle-Zélande 45 ( * ) , les États-Unis d'Amérique, Singapour, la Thaïlande et le Chili, la Chine (2015), le Japon (2014), la Corée (2013) et la Malaisie et un accord régional avec l'ASEAN et la Nouvelle-Zélande.

En 2017, l'Australie poursuivra par ailleurs la négociation du projet d'accord de libre-échange commercial « PACER Plus » entre les pays membres du Forum des îles du Pacifique. La Polynésie française, ayant récemment été acceptée comme membre à part entière du Forum des îles du Pacifique, pourrait bénéficier de cet accord qui pourrait faciliter les exportations polynésiennes vers l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les autres pays de la région.

(2) Une relation entre commerce et soutien vers le Pacifique

Les relations économiques de l'Australie avec les États insulaires du Pacifique restent relativement marginales tant le tropisme vers l'Asie est important. Elles se déclinent en deux catégories distinctes : de fortes relations avec la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée et des relations un peu moins importantes avec les autres États insulaires. Ainsi, les échanges commerciaux avec ces derniers représentaient une part encore réduite de son commerce extérieur.

L'Australie est le principal client, à hauteur de 31 % de ses importations, et le principal fournisseur, à hauteur de 38 %de ses exportations, de l'économie de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG), première économie du Pacifique après l'Australie et la Nouvelle-Zélande. À l'inverse, la Papouasie-Nouvelle-Guinée n'est que le quinzième partenaire commercial de l'Australie. Les investissements australiens en PNG atteignent près de 19 milliards de dollars australiens, et se concentrent traditionnellement dans le secteur des ressources naturelles, notamment les mines d'or, le pétrole et le gaz. La PNG est également le premier destinataire de l'aide au développement de l'Australie en faveur des États insulaires océaniens, avec 502,1 millions de dollars australiens pour la période 2014-2015, et 509,6 millions de dollars australiens en 2015-2016 (soit environ 358,3 millions d'euros), principalement dans les domaines de la santé, de l'éducation, des infrastructures et des transports, de l'État de droit et de la justice.

Cette étroite relation économique n'est pas exempte de quelques ambiguïtés. D'après les analystes, la PNG se montre réservée à l'égard du projet d'accord de libre-échange régional soutenu par l'Australie et la Nouvelle-Zélande dans le cadre du PACER Plus. Ses critiques rejoignent celles de Fidji, estimant que les intérêts des petits États insulaires n'y sont pas suffisamment défendus et que les aspects de développement devraient y être mieux pris en compte.

La relation économique entre l'Australie et la Nouvelle-Calédonie vient après celle nouée avec la PNG, et représente 15 % des échanges, soit 222 millions de dollars australiens. Viennent ensuite par autre d'importance : la Polynésie française (117 millions, 8% des échanges), les Iles Salomon (102 millions, 7% des échanges), les Iles Samoa occidentales (88 millions, 6% des échanges), le Vanuatu (46 millions, 3% des échanges) et Nauru (26 millions, 1,8% des échanges). Tonga, Guam, la Micronésie, Les Iles Cook, Tuvalu, les Iles Marshall, Belau et Niue se partagent les 2,2% restants.

L'Australie est un partenaire incontournable pour tous les pays du Pacifique Sud en raison du poids de son économie et de l'importance de l'aide publique au développement qu'elle accorde à cette région, soit en 2014 36,18 millions de dollars australiens pour les Kiribati, 77,7 millions de dollars australiens pour Vanuatu, 67 millions de dollars australiens pour Fidji. L'Australie est, après le Japon, le principal pourvoyeur d'aide aux petits États insulaires du Pacifique. Canberra apporte également des contributions aux différentes organisations régionales : Forum des Iles du Pacifique, Communauté du Pacifique, Agence des Pêches du Forum, Programme Régional Océanien de l'Environnement, Université du Pacifique Sud, etc. Cette relation de dépendance étroite alimente un certain ressentiment parmi les petits États insulaires reprochant à l'Australie de profiter de sa position de force pour leur imposer des choix conformes à ses propres intérêts.

Enfin, à l'extrême limite du Pacifique, l'Australie soutient le développement du Timor-Oriental, avec environ 483 millions de dollars australiens entre 1999 et 2007, et 123,7 millions de dollars australiens pour 2011-2012. Aujourd'hui, avec près de 40% du total de l'aide internationale elle est son premier donateur bilatéral. Les deux pays ont signé, en novembre 2011, un accord de partenariat pour le développement couvrant les secteurs de l'éducation, de la santé, des infrastructures rurales et de la gouvernance. L'aide et la coopération économique restent toujours conditionnées à la normalisation des relations diplomatiques qui sont précaires et soumises aux tensions sur les questions de frontière maritime et d'exploitation de gisements d'hydrocarbures.

(3) Une diminution progressive de l'aide publique au développement australienne

D'une manière générale, la part de l'aide publique au développement que l'Australie consacre aux pays les moins développés a augmenté de manière régulière depuis 2007, elle s'est concentrée à leur profit, passant de 30 % de l'aide bilatérale en 2007 à 39 % en 2011. L'Australie a alloué 40% de son aide bilatérale, soit 1,2 milliard de dollars australiens aux États fragiles en 2011 et a alloué 80 % de ce budget à la région Asie-Pacifique.

La présentation du budget 2014-2015 de l'Australie se caractérise par une diminution conséquente de l'aide au développement public, appelée Aus'AID et souligne la volonté du gouvernement de cibler son aide en faveur des pays les plus en difficulté, dans le cadre de partenariats avec des pays en développement et d'autres acteurs du développement.

Une diminution de 7,6 milliards de dollars australiens est ainsi prévue sur les cinq prochaines années ce qui correspond à une de 10 % en 2016 par rapport à 2012. L'Australie devrait consacrer 0,29 % de son PIB pour l'aide au développement en 2018. L' Aus'AID se concentrera sur la zone Pacifique Sud au détriment de l'Afrique, de l'Amérique du Sud ou des Caraïbes. La région du pacifique Sud verra ainsi l'aide au développement australienne passer de 637 à 966 millions de dollars australiens.


* 36 Le Groupe Australie est un groupe informel multilatéral de contrôle des exportations créé en 1985 (à la suite de l'utilisation d'armes chimiques par l'Irak contre l'Iran l'année précédente durant la guerre Iran-Irak) afin de coordonner les politiques des États membres en matière de contrôle des exportations de produits pouvant contribuer au développement d'armes chimiques. À ce jour, il compte 41 membres, dont en zone indo-pacifique : l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la France, les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon.

* 37 L'arrangement de Wassenaar sur le contrôle des exportations d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage est un régime multilatéral de contrôle des exportations mis en place par une trentaine d'États afin de coordonner leurs politiques en matière d'exportations d'armements conventionnels et de biens et technologies à double usage. Il prévoit essentiellement une procédure déclarative. Il regroupe dans la zone indopacifique : l'Australie, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, le Japon, la Nouvelle-Zélande, et la Russie.

* 38 L'Initiative de sécurité contre la prolifération, ou en anglais, Proliferation Security Initiative, est un programme de coopération internationale qui cherche à enrayer le trafic ADM, de leurs vecteurs et des matériels connexes. Créée à l'initiative des États-Unis en 2003, elle compte 101 pays adhérents.

* 39 Le 1 er janvier 2010, est entré en vigueur l'accord créant la zone de libre-échange entre la Chine et six pays de l'ASEAN : la Thaïlande, l'Indonésie, Brunei, les Philippines, Singapour et la Malaisie. Cette zone de libre-échange qui couvre aussi bien le commerce des produits que celui des services, ainsi que l'investissement, s'étend sur une superficie de 13 millions de kilomètres carrés avec 1,9 milliard de consommateurs. La Chine et l'ASEAN ont supprimé la quasi- totalité des droits de douane appliqués sur près de 90 % de leurs échanges.

* 40 Signé en mai 2012.

* 41 Entrée en vigueur le 31 décembre 2015. Son but est de permettre d'atteindre en 2030 un PIB par habitant de la zone de plus de 9 000 dollars, ce qui revient à doubler la richesse de l'ASEAN. Ceci est d'autant plus ambitieux que sur les 15 prochaines années, la croissance démographique de la zone est estimée à 120 millions de personnes.

* 42 Parmi ces pays asiatiques, on comptait, outre la Chine, l'Inde, le Kazakhstan, le Pakistan et les pays membres de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN) : Brunei, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, Singapour, l'Indonésie, cette dernière rejoignant l'initiative quelques mois plus tard.

* 43 Rapport n° 579 (2015-2016) de M. Jean-Pierre RAFFARIN, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 4 mai 2016 sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord portant création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures.

* 44 La coopération entre la Communauté européenne et les pays insulaires du Pacifique a commencé en 1975 avec la signature par les Fidji, les Tonga, et le Samoa de la première Convention de Lomé. Depuis, le groupe ACP du Pacifique s'est agrandi à mesure que des pays et des territoires devenaient indépendants pendant la durée d'application de la première convention. L'accord de Cotonou (2000-2020) entre la Communauté européenne et le groupe ACP a été signé en 2000, puis révisé en 2005 et en 2010 (à la suite du traité de Lisbonne de 2009). Le Fonds européen de développement (FED) est l'instrument principal de l'aide européenne à la coopération au développement en vertu de l'accord de Cotonou. Extrait de l'étude de juin 2014 EXPO/B/DEVE/2013/29 de la direction générale des politiques externes de l'union, sur la stratégie de développement de l'Union européenne dans le pacifique.

* 45 Depuis la signature d'un accord de libre-échange (CER) en 1983 entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, l'interpénétration des deux économies s'est énormément accrue, mais quelques contentieux bilatéraux subsistent, tels que la fermeture de l'Australie aux pommes néo-zélandaises pour des raisons sanitaires. L'Australie est l'un des deux principaux partenaires commerciaux, avec la Chine, de la Nouvelle-Zélande qui absorbe 18 % de ses exportations, mais la Nouvelle-Zélande n'est que le 4 e client et le 6 e fournisseur de l'Australie.

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