II. LA QUALITÉ DES ÉLITES ET DE L'ENCADREMENT

Prédisposée par son histoire et sa culture à la diversité et au pluralisme qui en permet l'expression démocratique, l'Inde n'en est pas moins attachée à son organisation sociale hiérarchisée et inégalitaire, fondée sur l'appartenance à des castes.

Le système éducatif porte la marque de cet inégalitarisme .

L'enseignement primaire a été négligé -d'où un taux d'alphabétisation de 52 %, parmi les plus bas du monde- au profit de l'enseignement supérieur, qui a été systématiquement privilégié.

Grâce à la qualité de l'enseignement supérieur, l'Inde dispose d'élites très bien formées dans l'administration, comme dans les affaires.

Les élites administratives appartiennent, pour la plupart, aux castes des lettrés (Brahmanes et « Guerriers »).

Mais un des premiers atouts pour l'économie est l'existence d'une élite « manégériale », formée dans les meilleures universités et parfaitement anglophone. Pour bon nombre, ses membres proviennent des classes de marchands dotés de l'esprit d'entreprise et portés à investir dans l'industrie.

Les Parsis occupent à cet égard une place de premier plan. D'origine perse et de religion mazdéiste, la Communauté Parsi n'est pas soumise au système des castes. Elle a noué très tôt des liens avec les Britanniques et est aujourd'hui la plus occidentalisée de l'Inde. Bien qu'elle ne compte guère plus de 200.000 membres, qui sont implantés pour la moitié d'entre eux dans la région de Bombay, son poids dans la vie économique est sans commune mesure avec son importance numérique. Elle a fourni à l'Inde ses plus grands hommes d'affaire, à commencer par Jawshad Tata, qui au début de ce siècle a créé le plus grand conglomérat industriel du pays. Les chefs d'entreprises, rencontrés par la mission d'information, dans le Maharashtra et dans le Karnataka notamment, ont permis de vérifier la compétence et le rayonnement des Parsis dans le monde des affaires.

Dans les secteurs de haute technologie, tels que l'électronique, les télécommunications et l'informatique, en particulier, l'Inde bénéficie d'une réserve d'ingénieurs parmi les meilleurs du monde. Cette ressource en matière grise permet à certaines de ses villes de se transformer en hauts lieux de la technologie de pointe, en compétition directe avec l'Europe et les États-Unis.

Juste derrière Bombay pour les investissements dans le domaine de l'informatique, le cas de Bangalore dans le Karnataka est exemplaire. Autrefois, agréable station climatique, cette ville est en passe de devenir la capitale de la « Silicon Valley » indienne. On y produit une gamme étendue d'ordinateurs et de logiciels, avec des applications militaires, médicales et autres. La plupart des grands noms de l'informatique y sont présents : IBM, Digital. Bull, Siemens, de même que l'Indien Infosys.

Grâce à ce dynamisme, l'Inde est au deuxième rang mondial, après l'Irlande, pour le développement de l'industrie du Software, devant Israël, le Mexique et les Philippines.

Interrogé par les Sénateurs, sur les raisons pour lesquels les investisseurs choisissaient Bangalore, le Président-Directeur général d'Infosys a placé au premier rang la disponibilité d'équipes compétentes et formées, et la qualité du management.

Dans le domaine de l'espace, les chercheurs indiens sont également à la pointe du progrès. La mission d'information a visité le Centre inter-universitaire d'Astronomie et d'Astrophysique (« Inter-University Center for Astronomy and Astrophysics ») à Pune, ville proche de Bombay. Ce centre est représentatif du niveau élevé de la recherche de l'Inde en la matière. Dirigé, depuis 1983, par le Dr Jayant Vishm Narhikar, astrophysicien de réputation mondiale, il dispose d'un laboratoire de recherche unique au monde qui, grâce à un radiotélescope géant, espère apporter des précisions concernant le déroulement du « Big Bang ».

Les enseignements qui y sont dispensés sont réservés à des chercheurs sélectionnés selon des critères très rigoureux et permettent de former une élite scientifique de très haut niveau.

Dans le domaine de la recherche spatiale et des télécommunications, les Indiens fabriquent désormais leurs propres satellites. Le niveau de leurs ingénieurs leur permet de mener à bien leurs propres programmes de recherche. Ainsi, de leur système de détection des cyclones, des caméras panchromatiques, qui permettent de dresser l'inventaire des ressources naturelles, ou encore des relais de télécommunications. Pour le lancement des satellites, le programme indien se développe en coopération avec Ariane, mais son satellite Insat 2 C ne comporte aucun apport de technologie étrangère.

D'une façon générale, le haut niveau de formation des cadres et des ingénieurs, de même que l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée sont, pour l'Inde, des atouts très appréciables. Les investisseurs étrangers y sont d'autant plus sensibles que les niveaux de rémunérations sont sans commune mesure avec les normes occidentales.

Si les salaires ont tendance à s'envoler à Bombay, au profit des dirigeants des sociétés financières notamment, ceux des salariés hautement qualifiés des secteurs de l'informatique à Bengalore ou de la chimie, de l'électronique et de l'industrie, à Hyderhabad, restent très compétitifs par rapport aux standards internationaux.

La compagnie britannique Glaxo, par exemple, peut encore rémunérer un chercheur 200.000 roupies par an en 1994 (soit 42.000 francs environ).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page