B. UN SOUTIEN SANS FAILLE DES POUVOIRS PUBLICS
1. Des financements publics importants
La question du montant des financements publics aux ports du
Benelux est un sujet sensible. Aucune récapitulation systématique
de ces concours n'existe, et le travail de recensement entrepris par la
Direction de la concurrence de la Communauté européenne fera sans
doute oeuvre pionnière. Lors de ses déplacements aux ports
d'Anvers et de Rotterdam votre rapporteur, qui a été par ailleurs
fort bien reçu, n'a obtenu aucune information sur ce point et n'a pas pu
avoir connaissance des comptes annuels des établissements portuaires
visités.
Le sujet est d'autant plus délicat que les structures portuaires ne sont
pas comparables et que la participation des pouvoirs publics aux
dépenses des ports prend chez nos voisins une forme plus
détournée que la subvention budgétaire.
Ainsi, le statut municipal des ports de type hanséatique aboutit
à faire supporter à la commune l'essentiel des charges de
personnel du port qui lui est rattaché. Le changement de statut du port
d'Anvers, intervenu au 1er janvier 1997, a permis de prendre la mesure de cette
subvention implicite. Le personnel du port a dû opter entre le statut de
droit public du personnel municipal et un nouveau statut de droit privé.
Il a été ainsi ramené de 3.500 à 2.000 personnes,
et devrait se stabiliser à 1.800 personnes à terme. Par
ailleurs, le port doit verser chaque année à la
municipalité, au titre des retraites de son personnel, une contribution
de 1,7 milliard de francs belges.
La prise en charge directe des travaux de dragage par les États belge ou
hollandais rend également plus difficile la comparaison avec les ports
français, qui doivent financer ces travaux dont l'Etat leur assure
ensuite le remboursement, théoriquement à 100 %.
Des chiffres sont rendus publics par la région flamande, qui exerce en
la matière la compétence de l'Etat belge. Ils font
apparaître que les financements des dragages pour les ports belges se
sont élevés en 1994 à 3,596 milliards de francs belges,
soit 598 millions de francs français, contre 381 millions de francs
inscrits la même année en loi de finances pour les ports
français.
Des chiffres sont également disponibles pour les financements publics
des investissements portuaires en Belgique, qui montrent qu'en 1994 ceux-ci se
sont élevés à 2,360 milliards de francs belges, soit
393 millions de francs français, à comparer aux
138 millions de francs prévus en loi de finances initiale pour les
ports français.
L'importance des contributions publiques dans les ports de nos voisins permet
de limiter la participation demandée à l'usager. Le tableau
ci-dessous, qui ramène les différentes recettes des ports
autonomes français et du port d'Anvers à la tonne de marchandise,
est instructif. Il montre que, bien que le coût global des ports
français soit inférieur de 14,6 %, la contribution de l'usager
à travers les droits de port et les recettes domaniales y est
supérieure de 9,1 %.
Origine des ressources dans les ports autonomes
français
et dans le port d'Anvers
Source : UPACCIM
2. Des pratiques douanières et fiscales conciliantes
Les ports du Benelux sont officiellement soumis aux
règles d'imposition de droit commun. Cependant, en raison de leur
caractère d'établissements municipaux, ils échappent en
réalité à l'essentiel des impositions. En outre, il
n'existe pas en Belgique ni aux Pays-Bas d'imposition équivalente
à la taxe professionnelle ou aux impôts fonciers français.
Les plus importants des ports, tels Anvers ou Rotterdam, doivent un reversement
à la commune, mais qui reste limité et est dans certains cas
affecté à des dépenses liées au port. Dans d'autres
ports, tel celui de Gand, la ville verse au contraire une subvention annuelle
destinée à combler le déficit d'exploitation du port, au
titre de la rémunération de l'activité économique
apportée par le port à la ville.
Les administrations douanières participent par leur souplesse à
la compétitivité globale des ports. Bien que les
réglementations en vigueur soient identiques au sein de l'Union
européenne, les délais sont comprimés à
l'extrême pour la réalisation des formalités. Le
dédouanement d'un cargo de 100.000 tonnes de capacité s'effectue
en deux heures à Rotterdam, au lieu de 3 à 2 jours dans les ports
français. Tout le port est considéré comme une seule zone
en douane et les contrôles ne se font plus selon la technique du guichet,
qui oblige les véhicules à s'arrêter, mais lors du
chargement. Les grandes compagnies disposent à proximité de leur
terminal d'exploitation d'un poste de douane qui leur est dédié.
Sur le plan fiscal, le régime contractuel du "ruling" existant en
Belgique comme aux Pays-Bas permet aux grandes entreprises de négocier
au préalable, avec un service spécialisé de la direction
des impôts, la fiscalité qui leur sera appliquée. Ce
mécanisme est très avantageux pour l'implantation de centres de
distribution et d'unités industrielles dans les zones portuaires. Une
fois signé, l'accord entre le fisc et l'entreprise ne peut plus
être remis en cause, sauf circonstances très exceptionnelles.
3. Une vision stratégique de long terme
L'engagement financier des pouvoirs publics en faveur des
ports en Belgique et aux Pays-Bas s'inscrit dans une vision stratégique
de long terme. A l'occasion de ses visites, votre rapporteur a
été impressionné par l'ambition des projets d'extension
engagés par des ports déjà gigantesques.
Le développement du port d'Anvers, qui s'est fait historiquement le long
de la rive droite de l'Escaut, est venu buter sur la frontière toute
proche avec les Pays-Bas. Le port a donc entrepris de s'étendre sur la
rive gauche du fleuve, où une superficie de 6.400 hectares fait
actuellement l'objet d'un aménagement par phases. La capacité du
port se trouvera ainsi doublée d'ici à l'an 2010.
A Rotterdam, le port envisage d'investir 16 milliards de francs d'ici à
l'an 2010 dans l'opération dite de Plaine de la Meuse II (
Maasvlakte
II
). Pour sa part, l'Etat investira 30 milliards de francs en
infrastructures portuaires, ferroviaires et routières.
L'aménagement consiste à gagner sur la mer une surface de
2.000 hectares, qui augmentera la surface du port de 40%. Rotterdam est en
effet confronté à une pénurie de terrain. Le port dispose
actuellement d'environ quatre années de réserves, mais a dû
répondre négativement à 13 demandes d'implantations
industrielles en 1996 pour manque d'espace.