M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 123, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
Par amendement n° 131 rectifié ter, M. Hoeffel et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
I. - De compléter in fine le quatrième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications par les mots : « et au ministre chargé de l'économie ».
II. - De compléter le paragraphe III du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications par un alinéa ainsi rédigé :
« Le recours du ministre chargé de l'énonomie ne peut être fondé que sur les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence. »
Par amendement n° 204, le Gouvernement propose :
I. - De compléter le dernier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications par les mots : « et au ministre de l'économie ».
II. - Après le premier alinéa du paragraphe III du même texte, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le recours du ministre de l'énonomie ne peut être fondé que sur les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence. »
Par amendement n° 184, M. Gerbaud propose, à la fin du premier alinéa du paragraphe IV du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de remplacer le mot : « Paris », par le mot : « Bourges ».
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 123.
M. Claude Billard. Nous avons eu l'occasion, à maintes reprises, de dénoncer l'instauration de cette autorité de régulation des télécommunications qui met en cause les prérogatives régaliennes de l'Etat.
Nous estimons, au regard de ce projet d'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, qu'il est en effet inadmissible de tranférer le pouvoir judiciaire à cette nouvelle instance dépourvue de toute légitimité populaire.
Nous proposons de maintenir, dans ce domaine des litiges et contentieux, la compétence de droit commun.
Le paragraphe II de cet article L. 36-8 définit la compétence de l'ART pour régler les litiges concernant la mise en conformité des conventions de réseau câblé et le partage des installations situées sur le domaine public.
Le paragraphe I, quant à lui, définit la procédure relative aux litiges d'interconnexion. Certes, et vous me l'indiquerez sans doute, monsieur le rapporteur, la compétence de l'ART n'est pas exclusive. En effet, une partie en présence peut saisir le juge civil ou commercial.
Ce bémol n'élude pas la question de fond des pouvoirs exorbitants conférés à cette nouvelle instance.
Nous refusons ce glissement de responsabilité qui, finalement, porte un coup grave à la démocratie, au nom d'une indépendance qui restera à prouver quant aux puissances d'argent qui s'apprêtent à s'abattre sur la manne que représente pour eux la déréglementation.
La seule indépendance qui sera réelle, c'est celle qui s'exercera vis-à-vis du peuple, vis-à-vis de l'électorat.
Un gouvernement, un ministre, une assemblée ont légitimement des comptes à rendre à la population. Une instance telle que l'autorité de régulation des télécommunications n'en aura pas.
Il apparaît clairement, en l'occurrence, que la future ART n'aura qu'un objectif, à savoir accélérer l'application de la politique décidée à Bruxelles par qui vous savez.
Nous nous opposons fondamentalement à cette démarche et c'est l'objet de notre amendement n° 123.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour présenter l'amendement n° 131 rectifié ter .
M. Jacques Machet. Mon amendement a le même objet que celui du Gouvernement, et je le retire à son profit.
M. le président. L'amendement n° 131 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 204.
M. François Fillon, ministre délégué. Cet amendement vise à introduire un recours du ministre de l'économie. Ce dernier est en effet chargé, notamment vis-à-vis des autorités communautaires, d'une application effective et uniforme des règles de concurrence. Il doit avoir connaissance des décisions prises par l'autorité de régulation des télécommunications en matière d'interconnexion et pouvoir former un recours contre elles si elles se révèlent non conformes aux principes de la concurrence.
Cette possibilité de recours est indépendante de la question de savoir devant qui le ministre de l'économie forme ce recours.
Comme mesure de bonne organisation, il convient de prévoir la notification des décisions de l'autorité de régulation des télécommunications au ministre de l'économie.
Ce mécanisme ne dessaisit pas le Conseil de la concurrence des pouvoirs qui sont les siens. Le projet de loi a d'ailleurs très largement prévu l'intervention de ce dernier - j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire - par voie d'avis, de consultation ou de saisine directe par le président de l'autorité de régulation.
Mais il était impossible d'envisager un recours devant le Conseil de la concurrence qui aurait instauré une autorité administrative indépendante comme juge d'une autre autorité administrative, situation sans précédent dans notre droit, d'où cet amendement qui instaure un recours du ministre de l'économie devant la cour d'appel de Paris qui disposera de moyens d'instruction approfondis.
M. le président. L'amendement n° 184 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 123 et 204 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous sommes défavorables à l'amendement n° 123, puisque, pour des motivations déjà largement expliquées, dépouiller l'autorité de régulation n'est pas l'objectif poursuivi, notamment par la commission, au travers du projet de loi.
L'amendement n° 204 a le même objet que l'amendement n° 131 rectifié ter auquel la commission n'avait pas donné un avis favorable. En effet, monsieur le ministre, nous n'avons pas le sentiment qu'une telle disposition soit neutre vis-à-vis du Conseil de la concurrence. En outre, nous considérons qu'il n'est pas opportun que le ministre de l'économie puisse faire appel des décisions d'une autorité indépendante. Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 204.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 123 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l'amendement n° 123, car il vise à supprimer les pouvoirs d'arbitrage de l'autorité de régulation.
S'agissant de l'amendement n° 204, j'insiste : il s'agit de permettre au ministre de l'économie de mettre en oeuvre les règles de concurrence, et en particulier de le faire vis-à-vis des autorités communautaires.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 204.
M. René Trégouët. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu les arguments que vous avez avancés en faveur de cet amendement. Je pense que vous ne m'en tiendrez pas rigueur si je vous avoue que, pour une fois, ils ne m'ont pas réellement convaincus.
La commission supérieure du service public de La Poste et des télécommunications, - au sein de laquelle j'ai l'honneur de siéger - s'est d'ailleurs inquiétée, dans son avis, des risques d'affaiblissement de l'autorité de régulation, car le droit de recours donné au ministre de l'économie sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance de 1986 est en fait très large.
De plus, cet amendement aurait l'inconvénient - contrairement à ce qui a été dit - de passer outre les compétences du Conseil de la concurrence.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Bien sûr !
M. René Trégouët. Notre assemblée est attachée au rôle du Conseil de la concurrence, ainsi qu'elle l'a démontré lors de l'examen, voilà un mois, du projet de loi sur « la loyauté et l'équilibe des relations commerciales ».
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout à fait !
M. René Trégouët. Le dispositif actuellement prévu dans le projet de loi est tout à fait satisfaisant : l'autorité de régulation des télécommunications, la cour d'appel de Paris, et le Conseil de la concurrence ont des compétences claires et définies.
Je ne vois donc pas pourquoi nous devrions ajouter la notification au ministre chargé de l'économie des décisions de l'autorité de régulation des télécommunications et le recours en annulation. En réalité, cette disposition réduirait les compétences du Conseil de la concurrence et introduirait un mélange des genres.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de ne pas adopter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 204, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 36-9 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS