M. le président. « Art. 11. - Le livre II du code des postes et télécommunications est complété par un titre VII ainsi rédigé :

« TITRE VII

« AGENCE NATIONALE DES FREQUENCES

« Art. L. 97-1. - I. - Il est créé, à compter du 1er janvier 1997, une Agence nationale des fréquences, établissement public de l'Etat à caractère administratif.
« L'agence a pour mission d'assurer la planification, la gestion et le contrôle de l'utilisation du domaine public des fréquences radioélectriques sous réserve de l'application de l'article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que des compétences des administrations et autorités affectataires de fréquences radioélectriques.
« Elle prépare la position française et coordonne l'action de la représentation française dans les négociations internationales dans le domaine des fréquences radioélectriques.
« Elle coordonne l'implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature afin d'assurer la meilleure utilisation des sites disponibles. A cet effet, les décisions d'implantation ne peuvent être prises qu'après avis de l'agence lorsquelles relèvent de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel et qu'avec son accord dans tous les autres cas.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe le délai à l'issue duquel cet avis ou cet accord sont réputés acquis ainsi que, le cas échéant, les catégories d'installations pour lesquelles, en raison de leurs caractéristiques techniques, ils ne sont pas requis.
« II. - L'agence est administrée par un conseil d'administration composé de représentants des administrations, notamment de celles qui sont attributaires de bandes de fréquences, du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de l'Autorité de régulation des télécommunications, ainsi que, pour au moins un tiers de ses membres, de personnalités choisies en raison de leurs compétences.
« Le président du conseil d'administration est nommé par décret. Il ne peut cumuler cette fonction avec celle de président du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de président de l'Autorité de régulation des télécommunications.
« III. - Le directeur général de l'agence est nommé par décret après avis du président du conseil d'administration. Il assure la direction technique, administrative et financière de l'agence. Il représente l'établissement en justice.
« IV. - Les ressources de l'agence comprennent la rémunération des sevices rendus, les revenus du portefeuille, les subventions publiques et le produit des dons et legs. L'agence peut également percevoir des redevances d'usage des fréquences radiolélectriques, dans les conditions fixées par les lois de finances.
« V. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les missions, l'organisation et les conditions du fonctionnement de l'établissement.
« Un arrêté interministériel précise les objectifs à atteindre par l'agence dans les circonstances prévues aux articles 2 et 6 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense ainsi que les dispositions particulières à prendre en compte pour y parvenir.
« VI. - Le présent article est applicable à la collectivité de Mayotte et aux territoires d'outre-mer sous réserve des compétences exercées par ces territoires en application des statuts qui les régissent. »
Sur l'article, la parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet article substitue à l'actuel comité de coordination des télécommunications, le CCT, une Agence nationale des fréquences.
Un tel changement, nous dit-on, serait rendu nécessaire par l'ouverture au privé du secteur de l'audiovisuel et de la radiotéléphonie en 1990.
Avec la déréglementation prévue par le présent projet de loi, nous assistons à un formidable essor des demandes de fréquences.
Notons au passage que, s'il y a multiplication des opérateurs et des diffuseurs, cela ne conduit ni vers plus de variété, ni vers plus de pluralisme et de démocratie, ni même vers plus de création française.
En outre, la multiplication des demandes de fréquences suffit-elle à justifier que la gestion des fréquences soit confiée à une agence indépendante ?
Le rapport présenté à l'Assemblée nationale par M. Claude Gaillard nous fournit à cet égard une explication particulièrement éclairante : « L'agence nationale des fréquences s'inspire directement du modèle britannique de la Radiocommunication Agency , organisme qui gère l'ensemble des fréquences radioélectriques du Royaume-Uni, définit les spécifications techniques des équipements, assure la police des spectres et représente le pays dans les instances internationales. »
On comprend mieux que la création d'agences soit à la mode depuis quelques années ! En effet, on ne peut mieux illustrer la tendance actuelle de nos gouvernants à aller chercher du côté du modèle ultra-libéral anglo-saxon les réponses à la crise de la société française.
Et il n'y a même pas l'excuse habituelle de la convergence européenne puisque, comme nous le rappelle M. Gaillard, « la plupart de nos voisins européens n'ont pas opté pour un système fondé sur une agence indépendante ».
Un tel système nous paraît contraire aux intérêts nationaux de notre pays.
L'autorité sur les fréquences doit, selon nous, rester du ressort du Gouvernement, même si celui-ci peut être aidé dans sa tâche par des comités spécialisés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 128, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer l'article 11.
Par amendement n° 137, M. Pelchat propose de rédiger ainsi le deuxième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 11 pour l'article L. 97-1 du code des postes et télécommunications :
« L'agence a pour mission d'assurer la planification, la gestion et le contrôle des fréquences radio-électriques, sous réserve des compétences des administrations et autorités affectataires de ces fréquences. »
La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 128.
Mme Hélène Luc. L'article 11 prévoit la création d'une Agence nationale des fréquences radioélectriques, qui se substituerait à l'actuel comité de coordination des télécommunications.
Cet article confie à l'agence en question un rôle de planification du domaine public des fréquences radioélectriques, une mission de préparation de la position française dans les négociations internationales ainsi que le soin de coordonner l'implantation des stations radioélectriques sur le territoire national.
Par cet article, l'Etat délègue une nouvelle fois, à une agence, certes de statut public, des missions qui lui sont propres. Peut-être faut-il voir là un passage obligé en vue d'une déréglementation poussée plus avant dans un temps proche.
Quant aux ressources de cette agence, elles sont, bien sûr, assurées par la rémunération des services rendus et par des subventions mais aussi par les revenus de participations autorisées, ce qui révèle bien, s'il en était besoin, les véritables visées de la création de ladite agence.
La couverture radioélectrique de notre pays se situerait-elle au niveau qu'elle a atteint si, à l'origine, une telle organisation, qui fait l'économie de la puissance publique, avait été mise en place ? On peut en douter. On peut même dire le contraire.
Opposés, nous l'avons souvent dit dans ce débat, au processus de démantèlement que vous mettez en place, monsieur le ministre, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pelchat, pour défendre l'amendement n° 137.
M. Michel Pelchat. Les conventions internationales ratifiées par la France ainsi que plusieurs textes antérieurs, que le projet de loi n'abolit pas, encadrent la planification et la gestion du spectre radioélectrique.
Cet amendement tend à définir la mission de l'agence des fréquences dans des termes suffisamment généraux pour qu'il n'y ait ni redondance ni contradiction entre ces conventions et ces textes antérieurs, d'une part, et le présent texte, d'autre part.
Ainsi, il n'est pas nécessaire de rappeler que les fréquences sont gérées comme un domaine public de l'Etat et de réserver l'application de l'article 21 de la loi de 1986, celui-ci restant en tout état de cause applicable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 128 et 137 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'amendement n° 128 s'oppose en fait à la création de l'Agence nationale des fréquences radio-électriques et la commission y est donc défavorable.
Mme Demessine ayant tout à l'heure parlé d'« agence indépendante », je tiens à préciser qu'il s'agit au contraire d'une agence à caractère fortement administratif.
La commission est favorable à l'amendement n° 137, qui explicite les missions de l'agence et éclaire le texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
M. François Fillon, ministre délégué. Madame Luc, si vous étiez sincère dans la défense de votre amendement, vous devriez, après les explications que je vais vous donner, le retirer.
En effet, cette agence n'a rien d'une agence indépendante. C'est un organisme administratif que crée l'Etat - c'est au fond un organisme interministériel - pour coordonner la gestion des fréquences, gestion qui est aujourd'hui le fait de huit ministères différents et du CSA.
Chacun reconnaît que cette situation n'est pas convenable puisque les fréquences constituent une ressource rare, qu'il convient d'utiliser au mieux.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu créer un service administratif sous la forme d'un établissement public chargé de faire des recommandations et d'effectuer un travail de planification pour le compte de l'Etat. Il n'y a là aucun démembrement de l'action de l'Etat, contrairement à ce que vous avez pu dire tout à l'heure.
Quant à l'amendement n° 137, il tend à reformuler de manière tout à fait satisfaisante les missions de l'Agence nationale des fréquences, et j'y suis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 137, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.
(L'article 11 est adopté.)

Article additionnel après l'article 11