M. le président. Par amendement n° 122 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 33 de la même loi est ainsi modifié :
« 1. Au premier alinéa, les mots : "et notamment de leurs activités sociales" sont remplacés par les mots : "et notamment des activités associatives communes".
« 2. Au troisième alinéa, après les mots : "intérêt public", sont insérés les mots : "ne concernant pas des activités sociales".
« 3. Après le troisième alinéa, il est inséré l'alinéa suivant :
« Le conseil de gestion de chaque groupement d'intérêt public concernant des activités sociales est constitué d'un représentant de chacun des deux exploitants publics qui en assure alternativement la présidence et, pour chaque exploitant public, d'un représentant des organisations syndicales. Celui-ci est désigné par les représentants au conseil d'orientation et de gestion mentionné à l'article 33-1 des organisations syndicales et des associations de personnel à caractère national selon les mêmes règles de vote qu'au sein dudit conseil. »
« II. - Il est inséré dans la même loi un article 33-1 ainsi rédigé :
« Art. 33-1. - Il est créé au sein de France Télécom et au sein de La Poste un conseil d'orientation et de gestion des activités sociales en charge de définir la politique et d'assurer la gestion et le contrôle des activités sociales relevant de chaque exploitant public.
« Chaque conseil d'orientation et de gestion des activités sociales comprend 8 représentants désignés respectivement par France Télécom ou La Poste, 8 représentants désignés par les organisations syndicales représentatives, 8 représentants désignés par les associations de personnel à caractère national.
« Les représentants des associations de personnel à caractère national sont désignés par les associations du secteur auquel elles appartiennent à raison de deux associations pour chacun des quatre secteurs suivants : prévoyance et solidarité, activités sportives et de loisirs, activités culturelles, activités économiques et restauration. En cas de vote, chaque secteur dispose d'une seule voix.
« Les présidents de France Télécom et de La Poste ou leurs représentants sont de droit présidents des conseils d'orientation et de gestion des activités sociales de France Télécom ou de La Poste. Ils sont chacun assistés de deux vice-présidents désignés parmi les représentants des organisations syndicales par les représentants au conseil d'orientation et de gestion des organisations syndicales et des associations de personnel à caractère national selon les mêmes règles de vote qu'au sein dudit conseil.
« Les conventions constitutives des conseils d'orientation et de gestion sont soumises à l'approbation du ministre chargé des postes et télécommunications et fixent les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. J'ai dit que les négociations s'étaient poursuivies avec les personnels de France Télécom et nous avaient conduits à introduire deux amendements rectifiés à plusieurs reprises, monsieur Mélenchon, car les négociations sont les négociations. Le présent amendement, à savoir le second, concerne les oeuvres sociales.
Le groupement d'intérêt public créé en 1990 entre La Poste et France Télécom pour gérer ces activités sociales doit évoluer pour tenir compte de l'évolution des opérateurs et tirer les leçons de cinq ans de fonctionnement.
La concertation que nous avons engagée avec les employeurs et les salariés a permis d'élaborer un nouveau mécanisme qui est fondé sur les principes suivants : assurer une représentation des personnels dans l'orientation et la gestion des activités sociales, respecter l'unité du monde associatif des PTT en maintenant le groupement d'intérêt public pour les activités associatives et créer un cadre de gestion des activités sociales plus économique - je pense à la restauration, à tout ce qui a trait aux vacances et au logement - propre à chaque opérateur. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission avait appelé de ses voeux un tel amendement et une telle réflexion sur la gestion des oeuvres sociales. Nous l'avions dit à plusieurs reprises et notamment lors de la discussion générale. Nous savions que des négociations étaient engagées entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et nous étions d'ailleurs informés par ces derniers de l'évolution desdites négociations.
Voilà pourquoi, s'agissant du groupement d'intérêt public concernant les activités sociales, un nouveau mécanisme a été élaboré et, M. le ministre vient de le dire, est détaillé dans l'amendement n° 122 rectifié.
Il préserve l'unité du monde associatif des postes et télécommunications en maintenant le groupement d'intérêt public pour les activités associatives. Nous pensons que c'est important, car il y a là un héritage très fort qui appartient aux deux opérateurs. Il crée un cadre de gestion des activités sociales propre à chaque opérateur. De toute façon, nous paraissait indispensable - nous l'avions écrit - une clause de rendez-vous après cinq ans d'application de la loi de 1990. Voilà pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui répond à nos voeux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 122 rectifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour éclairer mon vote, je souhaiterais poser une question à M. le ministre.
Cet amendement résulte d'une négociation avec les partenaires sociaux, a-t-il dit. Je ne suis pas assez informé de ces négociations, je vous prie de m'en excuser. Aussi, je souhaiterais, sur ce point, savoir qui a négocié quoi et, le cas échéant, qui a signé, pour que nous sachions à peu près à quoi nous en tenir.
Après quoi je serai contraint d'avouer que je suis dans le plus grand embarras. En effet, ces questions concernent en définitive très directement le personnel lui-même, puisqu'il s'agit de ses oeuvres.
M. le ministre, j'en suis sûr, voudra bien me faire la grâce d'une explication, en m'apportant les précisions que je viens de lui demander.
L'élu politique que je suis doit-il opiner du côté de ceux qui auraient signé ou de ceux qui ne l'auraient pas fait ? En cet instant, je l'avoue, j'hésite.
M. Félix Leyzour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. L'amendement 122 rectifié, présenté par le Gouvernement, comporte en fait plusieurs aspects pour le moins préoccupants.
En effet, même en l'absence de comité d'entreprise, on est bien obligé de constater aujourd'hui que les services socioculturels existants pour les agents de La Poste et de France Télécom participent d'une certaine façon du statut des fonctionnaires des deux exploitants publics. C'est un aspect très important de la vie des salariés.
Les aspects sociaux et culturels sont l'objet de conquêtes qu'il ne faut pas remettre en cause. Ces deux aspects sont imbriqués l'un dans l'autre pour les salariés. Ils valent par leur contenu et par leurs conditions d'accès.
L'amendement n° 122 rectifié, en visant à réduire l'activité du groupement d'intérêt public aux seules activités de caractère associatif - sports, culture, cinéma, etc. - et à procéder, concernant les autres activités, tels les restaurants, centres de vacances ou les logements, à une plus stricte séparation entre les deux opérateurs, comporte un réel danger.
L'une des conséquences de la banalisation de France Télécom, contenue dans l'esprit et la lettre du présent projet de loi, va être une sorte de divorce à l'amiable et la répartition du patrimoine social existant entre les deux opérateurs.
L'une des conséquences de ce dispositif est la disparition d'une partie de la synergie de gestion qui permettait aux agents de la Poste et de France Télécom de bénéficier indistinctement des prestations sociales accordées au personnel.
Les économies d'échelle résultant de services communs à plus de 450 000 fonctionnaires et à leurs familles vont donc être remises en question.
Il est en effet patent que les structures existantes accueillent indifféremment les agents de l'un et l'autre des deux exploitants publics.
Demain, à qui sera attribuée la gestion de tel ou tel restaurant administratif, selon que la proportion des agents de La Poste venant s'y restaurer y sera plus élevée que celle des agents de France Télécom, ou inversement ? Selon quelles modalités décidera-t-on d'affecter à La Poste ou à France Télécom la gestion de tel ou tel équipement ?
Toute une cohérence dans l'activité sociale et culturelle en direction des personnels de La Poste et de France Télécom va être brisée par la loi dont nous débattons, d'autant plus que le nombre des embauches de droit privé va se généraliser à France Télécom.
Cette situation risque, selon toute vraisemblance, d'aboutir à la remise en cause progressive des activités existantes, remise en cause qui présentera les caractéristiques bien connues de la cession de patrimoine, de la spéculation immobilière, de la banalisation des activités touristiques, de la mise en sous-traitance des activités de restauration.
Ainsi, peut-être, la Compagnie générale des eaux qui investit aujourd'hui avec la SFR, la Société française du radiotéléphone, le marché des télécommunications pourra-t-elle également envisager de se faire, par ses filiales de restauration collective, prestataire de services envers France Télécom, alors que, actuellement, des agents sont mis à disposition pour effectuer les tâches de gestion de ces restaurants.
Ces observations faites, je vous invite, mes chers collègues, avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à rejeter l'amendement n° 122 rectifié.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je dirai, après M. le rapporteur, à quel point je suis favorable à cet amendement du Gouvernement et à la percée significative d'un esprit de concertation, qui, seul, permet d'avancer.
Je crois, pour ma part, que l'ASPTT est une grande réalisation qu'il ne convenait pas de faire disparaître purement et simplement. La continuation de cette participation commune des personnels de La Poste et des télécommunications me paraît garantie par l'amendement n° 122 rectifié.
S'agissant des préoccupations de nos collègues communistes, je dirai que rien n'empêche les centres gérés soit par France Télécom, soit par La Poste d'accueillir les partenaires et amis de l'autre organisation. Toutefois, il faut bien constater que les évolutions techniques existent. Pardonnez-moi de le dire, mais il est évident que les localisations des personnels sont différentes et le seront probablement de plus en plus, parce que, précisément, les télécommunications facilitent les migrations et les localisations particulières. Par conséquent, cela me paraît tout à fait dans la nature des choses.
Je trouve que cette concertation a très bien abouti, et je ne souhaite pas remettre en cause des contacts avec les syndicats qui l'ont négociée. Sur ce point, je comprends parfaitement les interrogations de M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je crains de vous décevoir, mon cher collègue, car je vois que nous partons de la même préoccupation.
J'aurais souhaité que M. le ministre me donne des éclaircissements.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, j'ai indiqué plusieurs fois au cours de ce débat que nous avions négocié avec les organisations qui l'avaient souhaité, mais pas avec toutes les organisations. Il est clair que je ne viens pas devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, avec un accord que je vous demanderais d'entériner. C'est en effet vous qui êtes chargés de légiférer.
Je dis simplement que le Gouvernement a négocié avec les partenaires sociaux et qu'il est arrivé au texte qu'il vous propose.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je tiens à remercier M. le ministre de ses explications.
Vous avez raison de dire, monsieur le ministre, que nous ne saurions être une chambre d'enregistrement d'accords syndicaux. Quel que soit son accord à tel ou tel moment de la négociation sociale, le législateur garde le point de vue qui est le sien.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais le fait de savoir qu'un accord existe constitue une indication très importante.
Votre intervention, monsieur le ministre, me permet de comprendre que cet accord n'engage qu'une partie des syndicats représentatifs, si bien que, sur ce vote, je me trouverais dans la situation de leur donner raison contre le point de vue de ceux qui n'ont pas signé cet accord ; tel n'est pas le choix que peuvent faire à ce moment le parti socialiste et ses parlementaires. Les arguments présentés par mon collègue du groupe communiste républicain et citoyen me semblent se situer dans une certaine continuité avec ceux que j'ai moi-même développés contre la dislocation du système de France Télécom.
Par conséquent, je croirais commettre une faute en m'écartant de l'argumentation de mes amis communistes.
Si certains syndicalistes ne sont pas d'accord, ils souffriront très facilement, j'en suis sûr, que les élus politiques de la gauche, eux, le soient.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je m'associe pleinement aux propos de notre collègue M. Pierre Laffitte et de M. le rapporteur. C'est avec conviction, monsieur le ministre, que je voterai l'amendement n° 122 rectifié.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122 rectifié, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
Article 10