SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dispositions diverses relatives à l'outre-mer.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
1
).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à
l'outre-mer ; Jean-Marie Girault, rapporteur de la commission des lois ; Daniel
Millaud.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel après l'article 1er (p. 2 )
Amendements n°s 4 et 5 (priorité) de M. Millaud. - MM. Millaud, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement n° 4 ; adoption de l'amendement n° 5 insérant un article additionnel.
Article 7 (p. 3 )
Amendement n° 1 de M. Millaud. - MM. Millaud, le rapporteur, le ministre
délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 10
quater.
- Adoption (p.
4
)
Article 28
quinquies (supprimé)
(p.
5
)
Article 28
sexies (supprimé)
(p.
6
)
Amendements n°s 2 et 3 de M. Millaud. - MM. Millaud, le rapporteur, le ministre
délégué. - Rejet des deux amendements.
L'article demeure supprimé.
Articles 28
septies,
28
octies,
41, 41
bis
et 45
bis.
- Adoption (p.
7
)
Article additionnel après l'article 46 (p.
8
)
Amendement n° 6 de M. Lagourgue et sous-amendement n° 7 du Gouvernement. - MM. Lagourgue, le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 9 )
M. Pierre Lagourgue.
Adoption du projet de loi.
3.
Statut d'autonomie de la Polynésie française. -
Adoption d'une proposition de loi organique (p.
10
).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à
l'outre-mer ; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Article unique. - Adoption (p.
11
)
Article additionnel après l'article unique (p.
12
)
Amendements n°s 1 de M. Millaud et 2 de la commission. - MM. Millaud, le
rapporteur, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble de la proposition de loi
organique.
4.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
13
).
Suspension et reprise de la séance (p. 14 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
5.
Loyauté et équilibre des relations commerciales.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
15
).
M. le président.
Discussion générale : MM. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au
commerce extérieur ; Jean-Jacques Robert, rapporteur de la commission des
affaires économiques ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la
commission des lois ; Aubert Garcia, Mme Nicole Borvo.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er C (p. 16 )
Amendements identiques n°s 3 de la commission et 18 de M. Hyest, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 1er DA (supprimé) (p. 17 )
Amendement n° 4 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 1er D (p. 18 )
MM. Roland du Luart, Michel Souplet, le rapporteur pour avis.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
M. le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 5.
M. Michel Souplet, Mme Nicole Borvo, MM. Bernard Plasait, Jacques Delong, le
ministre délégué.
Adoption de l'article.
Article 1er EB (p. 20 )
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 1er EC (p. 21 )
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 1er F. - Adoption (p.
22
)
Article 1er (p.
23
)
Amendements n°s 8 et 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre
délégué. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 24 )
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. -
Adoption.
Amendement n° 19 de M. Hyest, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour
avis, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué,
Delong. - Adoption.
M. Jacques Delong.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 bis (p. 25 )
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles 3
ter
A et 3
ter
B
(supprimés)
(p.
26
)
Article 4 (p.
27
)
M. Bernard Plasait.
Amendement n° 26 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur,
Garcia. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5. - Adoption (p.
28
)
Article 5
bis
(p.
29
)
Amendement n° 20 de M. Hyest, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour
avis, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 ter (p. 30 )
Amendements identiques n°s 14 de la commission et 21 de M. Hyest, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre délégué. - Adoption des amendements supprimant l'article.
Article 7 (p. 31 )
Amendements identiques n°s 15 de la commission et 22 de M. Hyest, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre délégué. - Adoption des amendements supprimant l'article.
Article 10 (supprimé) (p. 32 )
Amendement n° 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 11 (p. 33 )
Amendement n° 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Vote sur l'ensemble (p. 34 )
MM. Aubert Garcia, Jacques Delong, le rapporteur, le ministre délégué.
Adoption du projet de loi.
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
35
).
7.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
36
).
8.
Ordre du jour
(p.
37
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DISPOSITIONS DIVERSES
RELATIVES À L'OUTRE-MER
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
333, 1995-1996), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.
[Rapport n° 401 (1995-1996).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué à l'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous examinez
aujourd'hui en deuxième lecture n'est pas très différent de celui que vous avez
adopté lors de votre séance du 12 mars 1996.
A l'occasion de la première lecture, votre Haute Assemblée, consciente de la
nécessaire modernisation du droit applicable outre-mer, avait bien voulu
adopter plusieurs amendements, qui ont notamment étendu le champ d'application
géographique de celui-ci à toute la France d'outre-mer.
L'Assemblée nationale a également accepté de partager ces préoccupations.
Ainsi, la plupart des nouvelles dispositions ont été adoptées en termes
identiques par les deux assemblées.
Je tiens à remercier très vivement la représentation nationale de cette marque
d'intérêt témoignée à nos concitoyens d'outre-mer.
L'entrée en vigueur, le 23 avril dernier, de la loi organique du 12 avril 1996
portant statut de la Polynésie française impose le dépôt d'un amendement de
coordination.
A cet égard, je remercie M. Millaud, dont je salue la vigilance, d'avoir
suggéré cette nécessaire modification, qui concerne exclusivement l'article 1er
de la loi, relatif à la pêche maritime. Le Gouvernement y est, bien sûr,
favorable.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
quelques observations préliminaires que je souhaitais faire sur ce projet de
loi que je vous demande de bien vouloir adopter.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La
commission des lois, qui a examiné le texte voté au Palais-Bourbon, m'a mandaté
pour indiquer qu'elle propose à la Haute Assemblée d'adopter conforme les
dernières modifications suggérées par l'Assemblée nationale, sous réserve des
amendements dits extérieurs que nous allons examiner au cours de la séance.
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un certain
nombre de dispositions incluses dans le présent projet de loi sont susceptibles
de conduire à des situations contradictoires quand on les oppose aux
compétences du territoire de Polynésie française définies par la loi organique
n° 96-312 du 12 avril 1996, et dont la discussion aura pu présenter une
certaine concomitance avec la première lecture par le Sénat du présent
texte.
Ainsi, en ce qui concerne les modifications relatives à la loi de 1888 sur les
pêches maritimes, on a oublié, comme l'a rappelé tout à l'heure M. le ministre,
de tenir compte des troisième et quatrième alinéas de l'article 7 de la loi
précitée, alinéas qui ont pour objet d'accorder au territoire de la Polynésie
française la compétence réglementaire et les droits d'exploration et
d'exploitation du domaine maritime, du sol, du sous-sol et des eaux
surjacentes.
C'est pourquoi a été déposé un amendement tendant à insérer un article
additionnel après l'article 1er et précisant que les dérogations sont accordées
par les autorités territoriales.
Il serait également logique que des agents assermentés des services du
territoire de la Polynésie française puissent être agréés et commissionnés dans
les conditions prévues par l'article 809 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, il y a, au regard du code du travail, au moins une
interrogation.
En effet, le 7° de l'article 6 de la loi organique du 12 avril dernier
confirme que l'Etat est compétent dans le domaine des « principes généraux du
droit du travail ». Alors, pourquoi faire référence aux travailleurs salariés
étrangers, dans le corps d'un nouvel article 50-3, qui pourraient se passer
d'autorisation de travail si un traité le prévoyait ? Il faut, dans ce cas
particulier, relever la possibilité d'installation des travailleurs européens
salariés telle qu'elle est envisagée par l'article 135 du traité de Rome et
dont l'application aurait été mise en place sans la vigilance de la
représentante de mon territoire, et ce malgré le 17° de l'article 28 de la loi
organique déjà citée.
Certes, une théorie juridique affirme qu'une loi organique s'impose à une loi
ordinaire, mais les rédactions précises ne sont-elles pas préférables dans le
domaine législatif ?
Pourquoi également ne pas admettre ce qui avait été reconnu autrefois dans les
attributions du territoire, je veux parler des contrats de sous-traitance des
marchés publics ? Il serait tellement préférable de garder les pieds sur terre,
d'abandonner l'excès de philosophie dans l'extension ou l'interprétation de la
législation outre-mer et de prendre en compte en priorité l'intérêt des
territoires d'outre-mer !
Voilà pourquoi il conviendrait que le Gouvernement présente à nos
délibérations des textes conçus à cette fin et respectant les possibilités
offertes par l'article 74 de la Constitution.
Mais c'est là un autre problème, me direz-vous, car le Conseil constitutionnel
ne semble pas maîtriser des notions telles que l'organisation particulière des
territoires. Nous aurons l'occasion d'ouvrir une réflexion, et non un débat, je
l'espère, et j'insiste sur ce sujet. D'avance, monsieur le ministre, je vous en
remercie.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article additionnel après l'article 1er
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Tous deux sont présentés par M. Millaud.
L'amendement n° 4 vise à insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 1er de la loi du 1er mars 1888 précitée, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. 1er
bis. - Pour l'application des dispositions de l'article 1er
à la Polynésie française, les dérogations sont accordées par les autorités
territoriales en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 7
et du paragraphe 23° de l'article 28 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril
1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. »
L'amendement n° 5 tend à insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 2 de la loi du 1er mars 1888, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Pour l'application des articles 1er et 2 de la présente
loi en Polynésie française, des délibérations de l'assemblée de la Polynésie
française prises conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article
7, du paragraphe 23° de l'article 28 et de l'article 62 de la loi organique n°
96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française
fixent les modalités selon lesquelles les dérogations à l'interdiction de
pêcher sont accordées, réglementent l'exercice des pêches, et déterminent les
infractions à ces réglementations territoriales. »
La parole est à M. Millaud, pour défendre ces deux amendements.
M. Daniel Millaud.
Monsieur le président, je préférerais exposer d'abord l'amendement n° 5, qui
est plus complet.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission demande que l'amendement n° 5 soit
effectivement appelé en discussion par priorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
La parole est donc à M. Millaud, pour défendre d'abord l'amendement n° 5 puis
l'amendement n° 4.
M. Daniel Millaud.
La loi organique du 12 avril 1996 classe dans le domaine public maritime du
territoire la zone des 12 miles des eaux territoriales, confie au territoire le
pouvoir de réglementer les droits d'exploration et d'exploitation des
ressources naturelles biologiques, dont font partie les produits de la pêche,
les eaux intérieures, les eaux territoriales, la zone économique exclusive, et
précise que c'est le conseil des ministres de la Polynésie française qui
autorise les concessions du droit d'exploration et d'exploitation des
ressources maritimes naturelles, ces concessions, au cas particulier, étant
matérialisées par la délivrance de licences de pêche.
Tout en reconnaissant la souveraineté de l'Etat - ce qui est normal - sur
l'ensemble du territoire de la République et sur les espaces maritimes qui
bordent ses côtes, il était nécessaire de rappeler les compétences reconnues à
la Polynésie française en matière de pêche maritime.
Quant à l'amendement n° 4, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 5 ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable. Cet amendement tire les
conséquences du transfert au territoire de la Polynésie française de la
compétence en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles
biologiques maritimes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Le Gouvernement est également favorable à cet
amendement, qui a le même objet que l'amendement n° 4, mais qui est
effectivement plus complet.
Je remercie de nouveau M. Millaud d'avoir bien voulu adapter et coordonner ces
textes avec la loi organique.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 1er.
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Il est inséré, dans la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative
à la sous-traitance, deux articles 15-2 et 15-3 ainsi rédigés :
«
Art. 15-2. - Non modifié.
«
Art. 15-3.
- La présente loi, à l'exception du dernier alinéa de
l'article 12, est applicable dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et
de la Polynésie française sous réserve des dispositions suivantes :
« I. - Il y a lieu de lire au premier alinéa de l'article 14 : "agréée
dans les conditions fixées par arrêté du haut-commissaire de la
République" au lieu de : "agréée dans des conditions fixées par
décret".
« II. - Elle s'applique aux contrats de sous-traitance conclus à partir du 1er
janvier 1997.
« III. -
Supprimé.
»
Par amendement n° 1, M. Millaud propose de rétablir le paragraphe III du texte
présenté par l'article 7 pour l'article 15-3 de la loi n° 75-1334 du 31
décembre 1975 dans la rédaction suivante :
« III. - A l'exception de son article 7, le titre II de cette loi n'est pas
applicable aux marchés publics passés au nom de la Polynésie française et de
ses établissements publics. »
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Lors de l'examen du texte en deuxième lecture, l'Assemblée nationale est
revenue sur une disposition qui avait été approuvée par le Sénat sur mon
initiative.
L'unique raison invoquée par nos collègues députés est que la sous-traitance
des marchés est une matière qui relève du droit civil et qui, à ce titre, ne
peut être réglementée que par les autorités de l'Etat.
Je ne vois d'ailleurs pas la raison pour laquelle cet argument ne
s'appliquerait qu'à la seule sous-traitance. Sans entrer trop dans le détail de
la réglementation des marchés publics, qu'il me suffise de rappeler que les
marchés publics constituent des contrats écrits et quele droit des constats
relève incontestablement du droit civil. C'est donc l'ensemble du droit des
marchés publics qui devrait revenir à l'Etat, alors que cette compétence est
reconnue expressément à mon territoire depuis l'application du décret-loi du 22
juillet 1957.
D'ailleurs, l'assemblée de la Polynésie française n'a pas attendu
l'intervention de la loi du 31 décembre 1975 pour assurer la protection des
sous-traitants, puisque c'est par une délibération en date du 3 octobre 1966
qu'elle a institué une réglementation des marchés administratifs passés au nom
du territoire.
Pour en revenir au problème de la répartition des compétences entre l'Etat et
le territoire, il me paraît nécessaire de citer M. le ministre délégué à
l'outre-mer. En effet, répondant au député M. Gaston Flosse, il affirmait -
cela figure dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale de la
séance du 31 janvier 1996, à la page 477 - qu'il n'y avait aucun doute sur la
compétence du territoire en matière de réglementation des marchés publics. Il
confirmait aussi que cette matière était bien de la compétence du territoire et
non de celle de l'Etat au titre du droit civil.
Je précise, enfin, que les deux assemblées ont accepté de ne pas étendre à la
Polynésie française les dispositions de l'article 8 relatives à la
sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises.
Dans l'hypothèse où le Parlement n'adopterait pas cette thèse, il va de soi
que, pour éviter tout conflit de compétence, l'assemblée de la Polynésie
française se verrait contrainte d'abroger toute la partie du code territorial
des marchés publics relative à la sous-traitance, ce qui serait dommageable
pour les sous-traitants, car notre réglementation est plus précise et plus
protectrice pour eux que la loi du 31 décembre 1975.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
A l'occasion de la première lecture de ce texte devant le
Sénat, cet amendement avait déjà été déposé par notre collègue Daniel Millaud,
et il avait été adopté par le Sénat.
L'Assemblée nationale a exprimé un point de vue différent.
Après un nouvel examen de l'amendement de M. Millaud par l'Assemblée, la
commission des lois a décidé d'émettre un avis défavorable sur cet
amendement.
En effet, aux termes de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut
d'autonomie de la Polynésie française, il apparaît que, si le régime juridique
applicable aux marchés publics du territoire est inclus dans la sphère de
compétence de ce dernier, le droit civil demeure une compétence de l'Etat. Or,
la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance relève du droit civil.
Cependant, son titre II, qui traite du paiement direct du sous-traitant dans le
cadre des marchés publics, se situe aux confins des domaines de compétence de
l'Etat et du territoire de la Polynésie française.
En outre, exclure ces dispositions du champ de l'extension proposée
reviendrait à soumettre les marchés passés par le territoire, d'une part, et
par les communes, d'autre part, à deux régimes distincts, ces dernières étant
assujetties à la loi précitée.
Enfin, si le seuil déterminant l'obligation de paiement direct du
sous-traitant a été aligné sur celui en vigueur en métropole, comme nous le
souhaitions, cette harmonisation peut néanmoins être remise en question à tout
moment.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis
défavorable sur l'amendement n° 1.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Le Gouvernement est partisan d'une position de
sagesse.
Monsieur Millaud, j'avais émis un avis favorable sur cet amendement lors de la
première lecture de ce texte au Sénat. Toutefois, les observations tant des
députés que des spécialistes de ces questions nous incitent à la prudence.
En fait, la question est la suivante : ces dispositions relèvent-elles du
droit civil, matière de la compétence de l'Etat, ou du droit des marchés
publics, matière de la compétence territoriale ? La réponse n'est pas
évidente.
La procédure du paiement direct du sous-traitant instaurée par la loi du 31
décembre 1975 peut en effet s'analyser comme une dérogation au droit des
obligations telle qu'elle est définie par le code civil. La circonstance au
terme de laquelle cette dérogation trouverait à s'appliquer dans les relations
entre un donneur d'ordre public, et non un donneur d'ordre privé, et une
entreprise peut-elle dénaturer la loi de 1975 et la faire tomber dans le champ
du droit des marchés publics ?
Je rappelle que la loi de 1975 est une protection offerte aux sous-traitants,
quel que soit le donneur d'ordre initial. A ce titre, elle ne peut sans doute
pas être considérée comme relevant du droit des marchés publics, qui est
essentiellement un droit de la concurrence.
Aujourd'hui, le Gouvernement et la commission demandent un vote conforme sur
cet article. Cette position me paraît plus sage. Elle évitera surtout des
contentieux sur la compétence de l'assemblée territoriale pour prendre une
telle délibération, alors que ce texte est très attendu par les acteurs
économiques du territoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis
défavorable sur l'amendement n° 1.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Daniel Millaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Je voudrais tout d'abord vous faire part de mon étonnement. Pendant quarante
ans, mon territoire a pu être compétent dans ce domaine très ponctuel !
Par ailleurs, je ferai appel à votre sagesse, monsieur le ministre, mes chers
collègues. Il ne faut pas oublier que notre assemblée territoriale prend des
délibérations qui, sur le plan constitutionnel, ont valeur réglementaire. Par
conséquent, si nos délibérations s'écartaient du code civil, le tribunal
administratif local ne demanderait alors pas mieux que de les annuler ! Il faut
en effet lui mettre un peu de pain sur la planche !
(Sourires.)
Enfin, s'agissant des communes, pourquoi ne pas leur étendre l'application des
délibérations de l'assemblée territoriale dans ce domaine très particulier ?
La sagesse est donc d'adopter l'amendement n° 1 et de ne pas mener une
politique inconséquente qui, dans quelques années, sera encore remise en cause,
car on se sera alors aperçu de l'erreur qui a été commise.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, l'objectif tant du législateur
que du Gouvernement est non pas de donner du grain à moudre au tribunal
administratif, mais de faire en sorte que les conflits ne naissent pas des
positions ambiguës que nous pourrions prendre.
M. Daniel Millaud.
Ça marche depuis quarante ans !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 10
quater
M. le président.
« Art. 10
quater.
- La loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives
est complétée par un article 37 ainsi rédigé :
«
Art. 37
- La présente loi, à l'exception des articles 24, 35 et du
paragraphe I de l'article 36, est applicable à la collectivité territoriale de
Mayotte et au territoire des terres Australes et Antarctiques françaises.
« Pour son application dans la collectivité territoriale de Mayotte et dans le
territoire des terres Australes et Antarctiques françaises, à l'article 10, les
mots : "ou de dation au sens de la loi n° 68-1251 du 31 décembre 1968
tendant à favoriser la conservation du patrimoine artistique national"
sont supprimés.
« Pour son application dans la collectivité territoriale de Mayotte, au 3° de
l'article 3, après les mots : "officiers publics ou ministériels", et
au 3° de l'article 7 ainsi qu'à l'article 8, après le mot :
"notaires", il y a lieu d'insérer les mots : "et des
cadis".
« Les paragraphes II et IV de l'article 36 ne sont pas applicables dans le
territoire des terres Australes et Antarctiques françaises. » -
(Adopté.)
Article 28
quinquies
M. le président.
L'article 28
quinquies
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 28
sexies
M. le président.
L'article 28
sexies
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais je suis saisi de deux amendements qui tendent à le rétablir.
Ces deux amendements, présentés par M. Millaud, peuvent faire l'objet d'une
décision commune.
L'amendement n° 2 tend à rétablir l'article 28
sexies
dans la rédaction
suivante :
« Tout voyageur se rendant en Polynésie française doit justifier de la
possession d'un titre de transport lui permettant de poursuivre son voyage ou
de revenir au point d'embarquement. A défaut, il doit justifier de l'existence
de moyens suffisants pour la couverture de la dépense.
« En ce qui concerne les personnes salariées, la justification est remplacée
par l'engagement de l'employeur d'assurer cette dépense. »
L'amendement n° 3 vise à rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« I. - L'Etat prendra en charge le titre de transport permettant le
rapatriement de tout voyageur s'étant rendu en Polynésie française sans pouvoir
assurer son retour.
« II. - La perte de ressources résultant du I ci-dessus est compensée, à due
concurrence, par une majoration du tarif des droits de consommation sur les
tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Millaud, pour défendre ces deux amendements.
M. Daniel Millaud.
Tout à l'heure, dans la discussion générale, j'ai exprimé le souhait que nous
ne fassions pas trop de philosophie et que nous gardions les pieds sur
terre.
Lors de la première lecture de ce projet de loi, le Sénat, dans sa sagesse,
avait adopté un amendement dont l'objet était le même que celui de l'amendement
n° 2, même si sa rédaction était quelque peu différente. Il est vrai que nous
étions alors un peu plus nombreux dans cet hémicycle qu'aujourd'hui ! Mais il
s'agit là d'un autre débat !
L'Assemblée nationale, pour des raisons qui m'étonnent - l'indivisibilité de
la République a sans doute été un argument prépondérant - a supprimé l'article
28
sexies
.
Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que, pour se rendre en
Nouvelle-Calédonie comme à Wallis-et-Futuna, il est nécessaire de posséder un
billet aller-retour, cette obligation ne s'appliquant, bien entendu, pas aux
personnes originaires du territoire ou propriétaires sur le territoire.
Cette disposition me paraît absolument normale. Au nom de l'indivisibilité de
la République, il aurait cependant été opportun, me semble-t-il - mais je ne
pense pas que mon collègue représentant la Nouvelle-Calédonie serait d'accord -
que le Gouvernement demande également l'annulation de cette obligation !
Je crois au contraire, mes chers collègues, qu'il faut maintenir cette
obligation et accepter celle que je propose. Cette dernière ne met pas en cause
l'unité de la République et n'a donc rien d'anticonstitutionnel.
Mais si le Parlement ne revient pas sur sa décision, nous aurons alors des
problèmes avec la Cour de justice des Communautés européennes.
En effet, au nom de la non-discrimination, n'importe quel ressortissant de
l'Union européenne pourra venir en Polynésie française sans être obligé de
posséder un billet de retour. Mes chers collègues, je vous laisse à penser les
problèmes qui pourront alors surgir, notamment sur le plan de l'emploi : déjà,
de nombreuses personnes originaires de mon territoire se plaignent du fait que
des emplois d'accès facile sont tenus maintenant par des personnes en
provenance de métropole.
Par conséquent, je demande avec insistance au Sénat d'adopter l'amendement n°
2.
Quant à l'amendement n° 3, il s'agit, bien entendu, d'un texte de repli.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 2 et 3.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n°
2. Je dois d'ailleurs indiquer que, si le Sénat a certes adopté un amendement
similaire lors de la première lecture, ce vote est néanmoins intervenu contre
l'avis de la commission des lois, laquelle a été suivie par l'Assemblée
nationale.
Il est donc normal que, en deuxième lecture, la commission des lois reprenne
les arguments qu'elle avait déjà avancés.
Je comprends les implications locales et les difficultés que pourrait
entraîner la non-adoption de la disposition préconisée par M. Millaud. Mais
cette mesure vise ni plus ni moins la liberté constitutionnelle d'aller et
venir. Je tiens d'ailleurs à dire à M. Millaud que le Conseil d'Etat, dans un
arrêt du 20 décembre 1995, a déclaré illégal le décret du 27 avril 1939, qui
réglementait l'admission et le séjour sur le territoire de la Polynésie
française dans des conditions qu'il a jugées non conformes à la Constitution.
C'est un fait, et on ne peut pas ne pas considérer que la liberté d'aller et
venir est mise en cause dès lors qu'une personne qui va en Polynésie française
ne justifie pas du titre de transport susceptible d'assurer son retour vers le
lieu d'où elle vient. On n'admettrait pas une telle disposition sur le
territoire de la métropole, et on ne peut donc pas l'admettre davantage dans un
territoire ou dans un département d'outre-mer.
M. Daniel Millaud.
Et la Nouvelle-Calédonie ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Le cas de la Nouvelle-Calédonie ne se pose pas aujourd'hui.
Nous parlons actuellement de la Polynésie française, mais il est vraisemblable
que, si des dispositions de même nature existaient en Nouvelle-Calédonie, elles
pourraient très bien être un jour censurées, comme l'a été le décret du 27
avril 1939. Par conséquent, n'évoquons pas aujourd'hui ce qui se passe en
Nouvelle-Calédonie, et considérons le problème propre à la Polynésie
française.
J'ai dit, lors de l'examen de ce texte en première lecture, que j'étais
convaincu qu'il s'agissait d'une atteinte à la liberté constitutionnelle
d'aller et venir. La commission des lois maintient ce point de vue. C'est
pourquoi elle demande au Sénat de repousser l'amendement n° 2.
L'amendement n° 3 est un amendement de repli pour le cas où l'amendement n° 2
ne serait pas adopté. J'imagine que la mesure qu'il prévoit se heurte aux
dispositions de l'article 40 de la Constitution, puisqu'il met à la charge de
l'Etat les frais éventuels de rapatriement d'un voyageur qui refuserait de
quitter la Polynésie française. Je ne sais d'ailleurs pas dans quelle mesure on
pourrait obliger l'intéressé à accepter le billet payé par l'Etat et à monter
dans l'avion : nous en revenons, finalement, au problème constitutionnel de la
liberté d'aller et venir.
M. le président.
La commission invoque-t-elle l'article 40, monsieur le rapporteur, ou se
contente-t-elle de l'évoquer ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je ne l'invoque pas, monsieur le président : je n'ai fait que
céder à un vieux réflexe de sénateur en l'évoquant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 3 ?
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Monsieur Millaud, vous savez que le Gouvernement,
contre l'avis de la commission, avait abondé dans votre sens lors de la
précédent lecture de ce projet de loi.
Le Gouvernement comprend parfaitement vos préoccupations : il n'existe pas, en
Polynésie française, de direction de l'action sanitaire et sociale susceptible
de prendre en charge les immigrants sans ressources, et la possession d'un
billet de retour constituerait, en quelque sorte, une garantie pour les
personnes mal informées qui se retrouveraient en situation pécuniairement et
moralement difficile à plus de 18 000 kilomètres de la métropole.
Cependant, après nouvelle concertation avec votre commission, après
consultations juridiques, après nouvel examen à l'Assemblée nationale, je
rejoins l'analyse juridique qui avait été faite initialement par votre
commission quant au risque très sérieux d'inconstitutionnalité de la mesure que
vous proposez.
Le Gouvernement ne peut, dès lors, donner un avis favorable à l'amendement n°
2.
Vous avez évoqué le problème de la Nouvelle-Calédonie. Pour la Polynésie
française, si mes souvenirs sont exacts, le décret date de 1939...
M. Daniel Millaud.
C'est exact !
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
... alors qu'il date de 1937 pour la
Nouvelle-Calédonie. Mais il y a actuellement une affaire pendante devant le
tribunal administratif à ce propos et, sans préjuger, bien sûr, les conclusions
de la juridiction administrative, je pense que les conclusions seront les mêmes
que pour la Polynésie.
Les réflexions en cours sur le foncier, sur le droit d'établissement et sur
bien d'autres sujets que vous connaissez bien et qui sont très importants sur
le territoire de la Polynésie française - ils ont notamment été au coeur de la
dernière campagne électorale - devront donc être approfondies de manière à
essayer d'apporter à nos compatriotes polynésiens des réponses qui ne soient
pas anticonstitutionnelles.
Quant à l'amendement n° 3, j'ai cru comprendre que M. le rapporteur évoquait à
son sujet l'article 40 de la Constitution. Il est bien évident que l'adoption
de cet amendement représenterait pour le budget de l'Etat une dépense qui, dans
la circonstance actuelle, poserait un problème assez sérieux.
M. Daniel Millaud.
L'amendement est gagé !
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Oui, vous proposez, comme toujours, de taxer le tabac.
Or, vous le savez, la Dordogne est le premier département tabacole de France.
Et je ne voudrais pas, à l'occasion de l'adoption de ce texte, me faire
désigner du doigt par mes compatriotes périgourdins. Donc, sans invoquer dans
l'immédiat l'article 40, je pose quand même la question.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que je me suis livré à une petite enquête sur
le prix du billet d'avion. Savez-vous que, aujourd'hui, avec les
tour-opérateurs, dans 90 p. 100 des cas, le coût d'un aller simple est plus
élevé que celui d'un aller-retour effectué à des dates fixes ? Dans ces
conditions, plus aucun citoyen, surtout lorsqu'il est démuni de ressources,
n'achète un simple aller.
Je sais bien que cette argumentation ne convaincra pas M. Millaud, mais je
souhaitais cependant lui apporter cette précision.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements n°s 2 et 3.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Daniel Millaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Je veux rappeler au Sénat et au Gouvernement - le représentant du Gouvernement
qui est parmi nous ce matin connaît bien le problème - que, aux termes du
traité de Rome, dans sa quatrième partie, et de la décision d'association de
1991, il ne peut y avoir aucune discrimination quant à l'établissement des
ressortissants de la Communauté dans mon territoire.
Je ne sais pas pourquoi on veut sacrifier la Polynésie ! Elle a eu la bombe,
elle a les cancers et tout ce qui s'ensuit, et vous voudriez aujourd'hui, mes
chers collègues, que tous les Européens en quête d'aventure puissent se rendre
dans mon territoire sans obligation de retour ?
J'en arrive à penser que ce n'est désormais plus au Parlement qu'il appartient
de décider de ce genre de mesures et je me demande si mon assemblée
territoriale ne devra pas exiger le billet de retour pour les personnes qui
débarqueront chez nous.
Je regrette que la commission des lois n'ait pas demandé son avis à la Cour
européenne de justice, car les pays et territoires d'outre-mer ont bien souvent
été oubliés dans l'application du traité de Rome, et la Constitution n'a pas
été respectée.
Par ailleurs, si mon amendement n° 2 n'est pas adopté, je maintiendrai, bien
entendu, mon amendement n° 3, et je pense qu'à ce moment-là, dans sa sagesse et
son humanité, le Sénat l'adoptera.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je voudrais redire à M. Millaud qu'il s'agit non pas d'un
problème lié à la liberté d'établissement, mais d'une question qui concerne les
allées et venues des voyageurs. Saisir la Cour européenne de justice pour lui
demander son avis n'était pas nécessaire sur le sujet qui nous occupe
aujourd'hui.
C'est une raison supplémentaire qui vient à l'appui de notre demande de rejet
de ces amendements.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Daniel Millaud.
Vous avez les remerciements de M. Oscar Temaru, leader des indépendantistes
!
Articles 28
septies
et 28
octies
M. le président.
« Art. 28
septies. -
Les articles L. 25 à L. 25-7 du code de la route
sont applicables au territoire de la Polynésie française dans la rédaction
suivante :
«
Art. L. 25 et L. 25-1. - Non modifiés.
«
Art. L. 25-2. -
Les véhicules dont l'état ne permet pas la
circulation dans des conditions normales de sécurité ne peuvent être retirés de
la fourrière que par des réparateurs chargés par les propriétaires d'effectuer
les travaux reconnus indispensables.
« Ils ne peuvent ensuite être restitués à leurs propriétaires qu'après
vérification de la bonne exécution des travaux.
« En cas de désaccord sur l'état du véhicule, un expert est désigné dans des
conditions fixées par délibération de l'assemblée de la Polynésie française.
S'il constate que le véhicule n'est pas en état de circuler dans des conditions
normales de sécurité, il détermine les travaux à effectuer avant sa remise au
propriétaire.
«
Art. L. 25-3. -
Sont réputés abandonnés les véhicules laissés en
fourrière à l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la mise
en demeure faite au propriétaire d'avoir à retirer son véhicule.
« La notification est valablement faite à l'adresse indiquée au répertoire des
immatriculations. Dans le cas où le véhicule fait l'objet d'un gage
régulièrement inscrit, cette notification est également faite au créancier
gagiste.
« Si le propriétaire ne peut être identifié, le délai précité court du jour où
cette impossibilité a été constatée.
« Le délai prévu au premier alinéa est réduit à dix jours en ce qui concerne
les véhicules qu'un expert désigné dans des conditions fixées par délibération
de l'assemblée de la Polynésie française aura estimés d'une valeur marchande
inférieure à un montant fixé par le gouvernement de la Polynésie française et
déclarés hors d'état de circuler dans des conditions normales de sécurité.
« Les véhicules visés à l'alinéa précédent sont, à l'expiration du délai de
dix jours, livrés à la destruction.
«
Art. L. 25-4.
- Les véhicules abandonnés dans les conditions prévues
au premier alinéa de l'article L. 25-3 sont remis au service des domaines en
vue de leur aliénation dans les formes prévues pour les ventes du mobilier du
territoire. Les véhicules qui n'ont pas trouvé preneur, à l'expiration d'un
délai fixé par le président du gouvernement de la Polynésie française, sont
livrés à la destruction sur l'initiative de l'autorité administrative investie
des pouvoirs de police en matière de circulation.
«
Art. L. 25-5 et L. 25-6. - Non modifiés.
«
Art. L. 25-7.
- Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions
d'application des articles L. 25 à L. 25-5 ci-dessus.
« Une délibération de l'assemblée de la Polynésie française détermine les
clauses devant obligatoirement figurer dans le contrat type susceptible d'être
passé entre les collectivités publiques intéressées et les entreprises aptes à
effectuer la démolition des véhicules automobiles. » -
(Adopté.)
« Art. 28
octies.
- Dans toutes les lois applicables à la Polynésie
française, les références au gouvernement du territoire et au président du
gouvernement du territoire sont remplacées respectivement par celles au
gouvernement de la Polynésie française et au président du gouvernement de la
Polynésie française et la référence à l'assemblée territoriale par celle à
l'assemblée de la Polynésie française. » -
(Adopté.)
Articles 41 et 41 bis
M. le président.
« Art. 41. - L'article 28 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au
statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Ce délai est réduit à quinze jours en cas d'urgence sur demande du
représentant de l'Etat. » -
(Adopté.)
« Art. 41
bis. -
I. -
Non modifié.
« II. - L'article 2 du même texte est ainsi rédigé :
«
Art. 2. -
Le transfert des compétences à la collectivité territoriale
en application de l'article premier donne lieu à une compensation financière
définie selon les modalités prévues aux articles L. 1614-1 et L. 1614-3 du code
général des collectivités territoriales. Cette compensation évoluera à l'avenir
comme la dotation générale de décentralisation prévue à l'article L. 1614-4 du
code susvisé.
« Après avis du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon, un arrêté
conjoint du ministre de l'outre-mer, du ministre du budget, du ministre de la
fonction publique, du ministre de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation et du ministre du travail et des affaires sociales fixe le
montant de cette compensation. »
« III. -
Non modifié.
« IV. - La caisse de prévoyance sociale peut, à la demande du conseil général
et par convention, être chargée de tout ou partie de la gestion de l'aide
sociale.
« La caisse de prévoyance sociale participe au financement des dépenses
d'action sociale à hauteur au moins de 2 p. 100 du montant des cotisations
encaissées annuellement.
« V. -
Non modifié.
» - (Adopté.)
Article 45 bis
M. le président.
« Art. 45
bis.
- I. - Le premier alinéa de l'article L. 832-2 du code
du travail est complété par les mots : ", et des personnes déterminées par
décret en Conseil d'Etat rencontrant des difficultés particulières d'accès à
l'emploi".
« II. - Dans le même alinéa, les mots : "de longue durée et" sont
remplacés par les mots : "de longue durée,".
« III. - Le présent article entre en vigueur le 1er juin 1996. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 46
M. le président.
Par amendement n° 6, MM. Lagourgue, Lauret et Mme Michaux-Chevry proposent
d'insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 472-1-2 du code de la construction et de
l'habitation, il est inséré un article nouveau ainsi rédigé :
«
Art. L. ...
- A compter du 1er janvier 1997, les dispositions des
articles L. 442-1, à l'exception du troisième alinéa, à L. 442-2 sont
applicables aux sociétés d'économie mixte constituées en application de la loi
n° 46-860 du 30 avril 1946 et aux sociétés d'économie mixte locales, dans les
départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion,
pour les logements à usage locatif leur appartenant, ou appartenant à l'Etat, à
une collectivité locale ou à un groupement de collectivités locales et gérés
par lesdites sociétés.
« Les logements concernés doivent avoir été construits, acquis ou améliorés
avec le concours financier de l'Etat, apporté selon les modalités prévues à
l'article L. 472-1 ou sous forme de prêt spécial du Crédit foncier de France,
assorti d'une prime de l'Etat.
« Les révisions de loyer pouvant résulter de ces dispositions peuvent
s'appliquer aux baux en cours, à la date de révision annuelle convenue entre
les parties ou, à défaut, au terme de chaque année de contrat.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine en tant que besoin les modalités
d'application du présent article. »
« II. - L'article 40 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est complété par un
paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1997, les dispositions des articles 17 à 20 ne sont
pas applicables aux logements auxquels s'appliquent les dispositions de
l'article L. 472-1-3 du code de la construction et de l'habitation. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 7, présenté par le
Gouvernement, et tendant :
I. - Après le premier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 6
pour le nouvel article du code de la construction, à insérer un nouvel alinéa
ainsi rédigé :
« Toutefois, l'application de ces dispositions à l'une des sociétés précitées
ne peut intervenir que consécutivement à la passation d'une convention
révisable annuellement entre cette société et l'Etat, définissant notamment des
objectifs de loyers. »
II. - A compléter le deuxième alinéa du même texte par les mots : « ... ou
sous forme de prêts de la caisse centrale de coopération économique ».
III. - Dans le troisième alinéa du même texte, à remplacer les mots : « les
révisions de loyer » par les mots « les modifications de loyer » et les mots «
à la date de révision annuelle convenue » par les mots « à la date de révision
convenue ».
La parole est à M. Lagourgue, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Pierre Lagourgue.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet
amendement a pour objet de supprimer une inégalité entre les différents acteurs
qui interviennent en matière de logement social.
Les sociétés d'économie mixte des DOM sont les principaux opérateurs de
l'habitat social, secteur où les besoins sont considérables. Cependant, elles
voient depuis plusieurs années leurs charges s'accroître bien plus rapidement
que leurs recettes, ce qui compromet, à terme, leur existence même et, par voie
de conséquence, les moyens mis en oeuvre pour faire face au problème du
logement outre-mer.
En effet, les possibilités d'évolution des loyers des logements des sociétés
d'économie mixte sont limitées à la variation de la moyenne sur quatre
trimestres de l'indice INSEE du coût de la construction. Ainsi, en 1995, à la
Réunion, les sociétés d'économie mixte ont augmenté leurs loyers en moyenne de
0,15 p. 100, alors que les sociétés anonymes d'HLM, qui sont soumises à un
régime d'évolution des loyers différent, ont pratiqué une augmentation moyenne
de l'ordre de 3,6 p. 100. Or, il ne faut pas oublier que les loyers pratiqués
par les sociétés anonymes d'HLM sont beaucoup plus élevés que ceux qui le sont
par les sociétés d'économie mixte.
Il est, dès lors, essentiel que la révision annuelle des loyers des logements
sociaux des sociétés d'économie mixte des DOM puisse se faire selon des
dispositions similaires à celles qui sont applicables aux sociétés anonymes
d'HLM, afin que les sociétés d'économie mixte, au même titre que les organismes
d'HLM, puissent assurer l'équilibre de leurs opérations locatives en fonction
de l'évolution de leurs charges.
J'ajoute que, pour les locataires, l'augmentation des loyers qui en résultera
sera minime puisque, bien entendu, elle sera limitée par le niveau
réglementaire des loyers plafond.
Tel est l'objet de l'amendement que je demande au Sénat de bien vouloir
adopter.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 7.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Vous avez raison, monsieur Lagourgue, de proposer une
mesure de saine gestion qui est attendue depuis très longtemps par les sociétés
d'économie mixte.
Cependant, compte tenu de l'absence de tutelle de l'Etat sur les sociétés
d'économie mixte et de la nécessaire prudence à adopter en la matière, nous
souhaitons que cette mesure ne soit applicable que sous réserve de la passation
d'une convention entre le représentant de l'Etat sur place et la société
concernée, définissant notamment des objectifs de loyer tant pour les
opérations anciennes que pour les opérations nouvelles. C'est une simple
précaution.
Par ailleurs, le sous-amendement du Gouvernement vise à étendre la mesure aux
logements sociaux construits à l'aide de prêts de la Caisse centrale de
coopération économique. En effet, avant 1981, le financement de la Caisse des
dépôts et consignations n'était pas prévu pour le logement.
Enfin, dans un souci de clarification, le Gouvernement propose de remplacer
les termes : « révisions de loyers » par les termes : « modifications de loyer
» et de remplacer les termes : « à la date de la révision annuelle convenue »
par les termes : « à la date de la révision convenue ».
Je suis donc favorable à l'amendement n° 6, sous réserve de l'adoption du
sous-amendement n° 7.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 6 et sur le
sous-amendement n° 7 ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Hier, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement
n° 6. En l'instant, j'émets également un avis favorable sur le sous-amendement
n° 7, qui s'inscrit dans le même esprit que l'amendement en le complétant par
des dispositions qui me paraissent raisonnables.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 7, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 6, accepté par la commission
et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 46.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Lagourgue pour explication de vote.
M. Pierre Lagourgue.
Sur ce texte, initialement consacré uniquement aux territoires d'outre-mer,
vous avez, monsieur le ministre, ajouté plusieurs dispositions concernant les
départements d'outre-mer afin d'en permettre la mise en oeuvre au plus tôt dans
nos régions.
Je pense, en premier lieu, à l'alignement de certaines prestations sociales,
telles que l'allocation parentale d'éducation, l'APE, et l'allocation pour
jeune enfant, l'AJE. Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la politique menée
par le Gouvernement en faveur de l'égalité sociale entre les départements
d'outre-mer et la métropole, politique à laquelle nous ne pouvons que
souscrire, bien entendu.
Je me permets simplement de vous rappeler, monsieur le ministre, que, si l'APE
est désormais attribuée aux familles d'outre-mer comme elle l'est en métropole,
il n'en demeure pas moins - c'est important - que la créance de proratisation
due à ce titre pour les années 1994-1995, c'est-à-dire avant l'entrée en
vigueur de la loi que nous sommes sur le point de voter, n'a toujours pas été
versée dans son intégralité.
En deuxième lieu, la collecte des fonds destinés à la formation
professionnelle nécessitait une adaptation en raison de la spécificité du tissu
économique des départements d'outre-mer, où toutes les branches
professionnelles ne sont pas représentées. Grâce à l'article 46, les contrats
de qualification, dont le nombre avait gravement chuté, vont pouvoir être
relancés.
En troisième lieu, monsieur le ministre, vous avez fait adopter en deuxième
lecture, à l'Assemblée nationale, un amendement qui étend le bénéfice du
contrat d'accès à l'emploi aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en grande
difficulté, comme c'est le cas en métropole avec le contrat initiative-emploi.
Il s'agit là d'une promesse que vous aviez faite lors de la tenue des assises
de l'égalité sociale active, en février dernier, et nous constatons avec une
très grande satisfaction la concordance entre l'application d'une mesure en
métropole et son application dans les départements d'outre-mer.
Enfin, bien que, à mes yeux, votre sous-amendement établisse un nouveau
contrôle de l'Etat - un de plus ! - je vous remercie d'avoir accepté mon
amendement.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, en tant qu'élu d'un département
d'outre-mer, c'est sans réserve que j'approuve ces dispositions et que je
voterai ce texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
STATUT D'AUTONOMIE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
Adoption d'une proposition de loi organique
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique (n°
376, 1995-1996), adoptée par l'Assemblée nationale, complétant la loi organique
n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie
française. [Rapport (n° 407, 1995-1996).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui une proposition de loi
organique complétant la récente loi organique du 12 avril 1996 portant statut
d'autonomie de la Polynésie française.
Il s'agit de tirer les conséquences de la décision rendue le 9 avril 1996 par
le Conseil constitutionnel sur la loi complétant le statut d'autonomie de la
Polynésie française, devenue la loi du 12 avril 1996.
Le Conseil constitutionnel a considéré que la disposition relative à la
délégation de signature pouvant être consentie par les membres du gouvernement
de la Polynésie française aux responsables des services territoriaux ou à ceux
des services de l'Etat ainsi qu'à leur directeur de cabinet constituait une
règle essentielle d'organisation et de fonctionnement d'une institution propre
du territoire et qu'elle revêtait donc un caractère organique.
Je tiens à remercier très vivement les assemblées parlementaires d'avoir
accepté d'examiner aussi rapidement cette proposition de loi organique déposée
par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Son
adoption dans les délais les meilleurs est en effet essentielle pour le bon
fonctionnement du gouvernement et de l'administration de la Polynésie
française.
Cette proposition de loi organique est une disposition de bonne
administration.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les brèves observations que
l'on pouvait faire sur cette proposition de loi organique qui est soumise à
votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons à examiner ce
matin la proposition de loi organique que vient d'adopter l'Assemblée
nationale, et qui est destinée à compléter la loi organique du 12 avril dernier
portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
En effet, lors des débats qui se sont instaurés sur cette importante loi,
l'Assemblée nationale, suivie en cela par le Sénat, avait transféré, par voie
d'amendement, certaines dispositions prévues dans la loi organique à l'article
13 de la loi ordinaire qui était jointe en complément.
Que disait cet article 13 ? Il offrait la possibilité aux membres du
gouvernement de la Polynésie française de déléguer leur signature, sous leur
surveillance et leur responsabilité, aux responsables des services territoriaux
ainsi qu'à ceux des services déconcentrés de l'Etat, y compris leur directeur
de cabinet.
L'article 13, ne faisait ainsi que reprendre une disposition du statut
résultant de la loi précédente du 6 septembre 1984, qui, toutefois -
reconnaissons-le - ne faisait pas explicitement référence au directeur de
cabinet.
Les députés et les sénateurs ont pensé qu'il était logique de transférer cette
disposition de la loi organique à la loi simple, qui complétait, je le
rappelle, la loi organique, suivant en cela la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, selon laquelle « une loi organique ne peut intervenir que dans
des domaines et pour des objectifs limitativement énumérés par la Constitution
». En cela, les dispositions ordinaires ne figurent pas dans une loi
organique.
Or le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre du projet de loi
simple, a considéré que l'article 13 définissait « une règle essentielle
d'organisation et de fonctionnement d'une institution propre du territoire » et
qu'elle revêtait, par voie de conséquence, « un caractère organique ».
Cette décision du Conseil constitutionnel a donc des conséquences directes sur
le fonctionnement des institutions du territoire. Faute de base légale, les
membres du gouvernement de la Polynésie française ne peuvent plus procéder à
aucune délégation de signature. Cela équivaut presque à une paralysie du
système institutionnel.
Il est donc proposé de combler cet actuel vide juridique en réinsérant la
disposition de l'article 13 de la loi simple dans l'article 43 de la loi
organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, place qui était
d'ailleurs la sienne dans le projet de loi initial du Gouvernement.
Nous vous proposons d'adopter cet article unique tel qu'il nous a été transmis
par l'Assemblée nationale.
En conséquence, l'article 43 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996
portant statut d'autonomie de la Polynésie française serait complété par
l'alinéa suivant : « Ils peuvent » - les membres du Gouvernement - « sous leur
surveillance et leur responsabilité, donner délégation de signature aux
responsables des services territoriaux, à ceux des services de l'Etat, ainsi
qu'au directeur de cabinet ».
Ajoutons, pour être complet, qu'il ne semblerait pas nécessaire de consulter
l'assemblée de la Polynésie française, puisqu'il s'agit de la reprise exacte de
la disposition examinée lors des précédents débats.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril dernier,
a considéré comme non conformes les dispositions prévues aux 13° et 14° de
l'article 28, de la loi organique concernant les transferts de propriétés
immobilières et l'exercice du droit de préemption par le conseil des ministres,
au nom du territoire.
Le Conseil constitutionnel excipe, dans sa sagesse, qu'il conviendrait de
préciser les motifs des mesures en les référant à des fins d'intérêt général
sur lesquelles le conseil des ministres devrait, sous contrôle du juge, fonder
sa décision.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a jugé nécessaire de
tenir compte des observations du Conseil constitutionnel, en proposant une
nouvelle rédaction du texte relatif au régime d'autorisation de transfert de
propriété immobilière et au droit de préemption.
Ce sera l'objet d'un amendement que nous vous proposerons. Cet amendement,
s'il était adopté, ajouterait, après l'article unique, un article additionnel
complétant le 10° de l'article 28 de la loi organique et prévoyant que les
décisions du conseil des ministres de la Polynésie française devront préciser
les motifs d'intérêt général tels qu'ils sont dûment mentionnés dans le dernier
alinéa de l'article additionnel.
Pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées par la commission des
lois de l'Assemblée nationale concernant l'article unique, il ne semble pas
qu'il soit nécessaire de consulter l'assemblée territoriale de la Polynésie
française, puisque la forme seule des dispositions prévues par l'amendement est
en cause, et non pas le fond.
La commission des lois vous propose donc d'adopter conforme l'article unique
de la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale, et d'ajouter -
c'est l'objet de son amendement - un article additionnel.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
M. le président.
«
Article unique
. - L'article 43 de la loi organique n° 96-312 du 12
avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent, sous leur surveillance et leur responsabilité, donner
délégation de signature aux responsables des services territoriaux, à ceux des
services de l'Etat ainsi qu'au directeur de leur cabinet. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi organique.
(L'article unique est adopté.)
Article additionnel après l'article unique
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 1, M. Millaud propose d'ajouter, après l'article unique, un
article ainsi rédigé :
« Le 10° de l'article 28 de la loi organique est complété par les dispositions
suivantes :
« Le conseil des ministres du territoire autorise, à peine de nullité, les
transferts de propriété immobilière lorsque l'acquéreur est une société civile
ou commerciale ou, s'il s'agit d'une personne physique, lorsqu'elle n'est pas
domiciliée en Polynésie française ou s'il n'a pas la nationalité française.
« Le conseil des ministres du territoire peut, en outre, dans ce cas, exercer
un droit de préemption au nom du territoire sur les immeubles en cause à charge
de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits immeubles. Cette
valeur est alors évaluée comme en matière d'expropriation. Il en est de même en
cas de locations de propriétés immobilières d'une durée égale ou supérieure à
dix ans. »
Par amendement n° 2, M. Lanier, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article unique, un article, ainsi rédigé :
« Le 10° de l'article 28 de la loi organique portant statut d'autonomie de la
Polynésie française est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil des ministres du territoire autorise, à peine de nullité, les
transferts de propriété immobilière lorsque l'acquéreur est une société civile
ou commerciale ou, s'il s'agit d'une personne physique, lorsqu'elle n'est pas
domiciliée en Polynésie française ou si elle n'a pas la nationalité
française.
« Le conseil des ministres du territoire peut, en outre, dans ces cas, exercer
un droit de préemption au nom du territoire sur les immeubles en cause à charge
de verser aux ayants droits le montant de la valeur desdits immeubles. Cette
valeur est alors évaluée comme en matière d'expropriation. Il en est de même en
cas de locations de propriétés immobilières d'une durée égale ou supérieure à
dix ans.
« Les décisions du conseil des ministres relatives aux transferts de propriété
immobilière ou à l'exercice du droit de préemption doivent être motivées par la
mise en oeuvre d'une politique territoriale de l'habitat, l'organisation du
maintien, de l'extension ou de l'accueil des activités économiques, la
promotion du développement des loisirs et du tourisme, la réalisation des
équipements collectifs, la lutte contre l'insalubrité, la sauvegarde ou la mise
en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels. »
La parole est à M. Millaud, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Daniel Millaud.
Notre rapporteur, avec le talent qu'on lui connaît,...
M. Emmanuel Hamel.
Immense talent !
M. Daniel Millaud.
... vient de faire une double démonstration.
Il a démontré que, malgré leur sagesse et leurs connaissances, les
parlementaires pouvaient commettre des erreurs et confondre des dispositions
organiques avec des dispositions ordinaires, ce qui a bien sûr provoqué
l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'article 13 de la loi
complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, annulation qui est
à l'origine de la proposition de loi organique dont nous discutons
aujourd'hui.
Il a fait, ensuite, référence au Conseil constitutionnel.
J'ai rédigé cet amendement n° 1 en me référant justement à la décision du 9
avril 1996, qui précise que, à l'article 2 de la décision du 30 août 1984, le
Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions
de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie
française. La rédaction de cet amendement est donc constitutionnellement
correcte.
Toutefois, l'amendement n° 2 de M. Lanier correspond, davantage, me
semble-t-il, aux nouvelles conditions émises par le Conseil constitutionnel. Et
comme la démonstration est faite que ce dernier change souvent d'avis dans des
décisions portant exactement sur le même objet, je retire l'amendement n° 1, en
souhaitant que l'amendement n° 2 soit adopté par le Sénat.
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je remercie M. Millaud d'avoir retiré son amendement.
Pourquoi la commission a-t-elle préféré déposer cet amendement n° 2, qu'au
départ elle considérait comme un sous-amendement à l'amendement n° 1 de notre
excellent collègue M. Daniel Millaud ? Tout simplement parce qu'elle a désiré
tenir compte des considérants du Conseil constitutionnel, que je me permets de
relire : « Considérant que le 13° de l'article 28 organise un régime
discrétionnaire d'autorisation préalable à la réalisation d'opérations de
transfert de propriété qui peuvent concerner des catégories de droits
multiples, sans préciser les motifs se référant à des fins d'intérêt général
sur lesquels le conseil des ministres devrait, sous le contrôle du juge, fonder
sa décision ; ».
Dans ces conditions, il était logique de rétablir dans la loi organique
portant statut d'autonomie de la Polynésie française la disposition relative au
régime d'autorisation de transfert de propriété immobilière et à l'exercice du
droit de préemption en adaptant sa rédaction pour prendre en considération les
observations formulées par le Conseil constitutionnel, d'où cette nouvelle
rédaction, particulièrement en son dernier paragraphe. Les considérants du
Conseil constitutionnel sont ainsi parfaitement respectés.
Certes, monsieur le ministre, une nouvelle navette entre les deux assemblées
va être nécessaire, mais cela me paraît tout de même véniel, car les lois
doivent être complètes - c'est de notre responsabilité - et une telle navette
ne devrait pas susciter de difficultés, même en cette fin de session
parlementaire.
J'insiste donc, monsieur le ministre, au nom de la commission des lois, pour
que le Gouvernement accepte cet amendement n° 2, qui a une valeur certaine et
qui ne peut que parfaire la loi portant statut d'autonomie de la Polynésie
française.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement comprend
parfaitement le sens et l'objet de cet amendement mais - anticipant sur ma
réponse, vous l'avez dit - il souhaite un vote conforme de ce projet de loi
organique, qui a pour objet de rectifier une disposition importante pour le
fonctionnement des nouvelles institutions de la Polynésie française - vous
l'avez également souligné, monsieur le rapporteur. Il y a donc lieu d'aller
vite.
Il est vrai que, sur un territoire composé de cent dix-huit îles, la maîtrise
des terres émergées est nécessaire pour assurer le développement équilibré des
différentes activités qui ont vocation à s'exercer.
En outre, le problème foncier, nous le savons, est très complexe et très
sensible en Polynésie française.
Les lois du 6 septembre 1984 et du 12 juillet 1990 ont respectivement instauré
et renforcé le régime d'autorisation préalable et de droit de préemption.
Je prends acte de la rédaction de l'amendement, qui prévoit que les décisions
d'autorisations ou de refus devront être justifiées par des motifs d'intérêt
général : politique territoriale de l'habitat, développement des activités
économiques, promotion du développement des loisirs et du tourisme, réalisation
d'équipements collectifs, lutte contre l'insalubrité, mise en valeur des
espaces du patrimoine. Cette rédaction nous paraît de nature à lever le motif
d'inconstitutionnalité qui avait été retenu par le Conseil constitutionnel dans
sa décision du 9 avril 1996.
Monsieur Millaud, compte tenu de l'urgence qu'il y a à régler le problème, je
vous propose - je ne sais pas si la Haute Assemblée sera d'accord - d'élaborer
une proposition de loi organique sur ce projet particulier. Je prends
l'engagement qu'elle viendra rapidement en discussion et qu'elle aboutira.
En effet, le calendrier étant très serré, il n'est pas évident que nous
puissions avoir un retour de la proposition de loi organique que nous examinons
aujourd'hui si elle doit passer de nouveau devant l'Assemblée nationale. Une
motion de censure a été déposée et de nombreux textes sont en attente,
notamment le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en
valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements
d'outre-mer, sans compter les inscriptions nouvelles que nous demandons à
chaque fois. Il risque donc de se poser un problème pour l'entrée en vigueur
rapide de ce texte.
Cela dit, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée en lui demandant
de prendre en compte les réserves que je viens de faire sur l'aboutissement
d'une éventuelle navette.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Daniel Millaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Monsieur le ministre, je suis tout prêt à siéger demain ! A défaut de
président, je présiderai la séance s'il le faut.
M. le président.
Il y a toujours un président quand il le faut !
M. Daniel Millaud.
Je remplacerai le rapporteur et, si c'est nécessaire, je vous remplacerai même
au banc du Gouvernement !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Le ministre est irremplaçable !
M. Daniel Millaud.
Monsieur le ministre, soyons sérieux ! S'il existe véritablement une
impossibilité de faire adopter ce texte, c'est à vous de prendre l'engagement
public - il faut savoir si notre commission sera d'accord - de déposer toute de
suite un projet de loi organique afin qu'il soit examiné par notre assemblée
territoriale immédiatement et par le Parlement dès la première semaine du mois
d'octobre.
Monsieur le ministre, le problème foncier dans notre territoire est
excessivement complexe, vous le savez. Il peut même en résulter de véritables
drames, croyez-moi ! Certains hommes de loi, par exemple, pourraient faire de
multiples tractations, ventes, des choses absolument pas normales !
Je n'ai pas l'intention de prendre la responsabilité de déposer une
proposition de loi organique ; c'est à vous qu'incombe la responsabilité de
nous soumettre un projet de loi organique.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, j'ai simplement un doute sur
l'efficacité de la navette par les temps qui courent.
Pour répondre à votre contre-proposition, je prends l'engagement devant vous
de déposer un projet de loi organique immédiatement sur cette disposition, dont
je mesure combien elle est sensible et importante.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la déclaration que
vous venez de faire à l'instant en répondant à M. Millaud et que vous n'aviez
pas faite dans un premier temps !
Comme vous le disait M. Millaud, il y a effectivement le risque d'un second
considérant du Conseil constitutionnel pour refuser cette disposition, ce qui
serait une première dans l'histoire des rapports du Parlement avec le Conseil
constitutionnel. Mais le sujet qui est débattu et dont nous avons la
responsabilité est important, d'autant que, vous l'avez très bien dit, ces
territoires extrêmement dispersés ont justement besoin d'une législation
forte.
Après votre première déclaration, j'étais décidé à dire que la commission des
lois m'avait mandaté pour maintenir cet amendement.
Dans votre sagesse, vous avez déclaré qu'il y avait effectivement un risque.
Etant donné l'urgence de cette disposition, il vaut mieux ne pas courir un tel
risque. Aussi, si vous confirmez votre engagement formel de déposer un projet
de loi organique, monsieur le ministre, au nom de la commission je retirerai
l'amendement n° 2.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, je vous confirme que je vais
déposer immédiatement un projet de loi organique sur cette disposition. C'est
une bonne démarche que j'ai l'intention d'entreprendre tout de suite.
D'ailleurs le texte est pratiquement prêt, si toutefois il n'y a pas d'autres
dispositions à y inclure.
Dans cette affaire, mon souci est vraiment l'urgence, je veux éviter une
navette de cette proposition de loi organique.
Nous avons quand même un léger doute - vous l'avez souligné au début de votre
intervention - sur le fait que, même si le fond de la disposition concernée
reste le même, l'Assemblée territoriale n'a pas été consultée. Nous ne savons
donc pas comment le Conseil constitutionnel pourrait réagir.
S'engager à déposer un projet de loi organique ne suffit pas. On peut en effet
très bien s'arrêter là, prenant le prétexte d'un calendrier parlementaire
chargé. Je m'engage donc aussi à le faire aboutir très rapidement.
M. Emmanuel Hamel.
Donc, un texte sera déposé très rapidement !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 2.
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
112:
Nombre de votants | 300 |
Nombre de suffrages exprimés | 223 |
Majorité absolue des suffrages | 112 |
Pour l'adoption | 223 |
4
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a reçu le rapport du conseil
national des assurances pour 1996, établi en application de l'article L. 411-2
du code des assurances.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, le Sénat va maintenant interrompre
ses travaux ; il les reprendra à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
LOYAUTÉ ET ÉQUILIBRE
DES RELATIONS COMMERCIALES
Adoption d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
392, 1995-1996), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.
[Rapport n° 408 (1995-1996 et avis de la commission des lois).]
J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a
fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats
qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi actuellement en discussion.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
La nomination des représentants du Sénat à la commission mixte paritaire
pourrait ainsi avoir lieu aussitôt après le vote sur l'ensemble du projet de
loi, si le Gouvernement formulait effectivement sa demande.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué aux finances et au commerce extérieur.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de retrouver la
Haute Assemblée pour l'examen, en deuxième lecture, de ce projet de loi, dont
nous pensons tous qu'il rééquilibrera les relations commerciales et renforcera
la loyauté de la concurrence.
Je tiens ici à remercier une nouvelle fois de leur travail la commission des
affaires économiques et du Plan, saisie au fond, ainsi que son rapporteur, M.
Jean-Jacques Robert, avec qui j'ai eu une collaboration intense et de qualité,
et la commission des lois, saisie pour avis, ainsi que son rapporteur, M.
Jean-Jacques Hyest.
Le texte issu des débats en première lecture au Sénat et en deuxième lecture à
l'Assemblée nationale représente un équilibre satisfaisant. Il maintient le
principe fondamental de la liberté des prix et de la liberté contractuelle, qui
est au coeur de notre processus économique et qui constitue l'acquis essentiel
de la réforme de 1986. Il ne sanctionne que les abus.
Ainsi, afin de préserver la liberté des prix, ce texte entend lutter seulement
contre les pratiques de prix de prédation. Il ne s'agit évidemment pas de
restaurer un quelconque contrôle des prix par le bas. De même, soucieux de
respecter la liberté contractuelle, le Gouvernement ne souhaite pas intervenir
dans les délais de paiement, à quelques exceptions près.
Dans l'ensemble, ce texte clarifie très utilement la législation sur des
points essentiels, comme la facturation. Il va rendre pleinement effective -
enfin - l'interdiction de la revente à perte, dont le défaut actuel
d'application déstructure certaines filières de production. On sait que les
grandes surfaces, étant donné la faiblesse de l'ordonnance de 1986, avaient en
effet pu tourner cette interdiction.
Il renforce aussi les producteurs en libéralisant le refus de vente et en
mettant un terme à certaines pratiques abusives de la grande distribution :
primes de référencement, déréférencements abusifs, « prix abusivement bas ».
Enfin, ce projet de loi renforcera la lutte contre le « paracommercialisme »,
qui constitue une concurrence déloyale vis-à-vis des commerçants.
Conformément à l'engagement que j'avais pris en première lecture, le
Gouvernement a traité tous les problèmes qui ont été soulevés par la
représentation nationale. Sur chaque point, j'ai largement consulté les
professionnels et les rapporteurs de votre assemblée.
Je souhaite maintenant revenir sur plusieurs des thèmes abordés au cours de
nos débats : l'agriculture, les carburants, le disque et la « civilisation » du
droit de la concurrence.
En ce qui concerne l'agriculture, le Sénat avait, tout comme le Gouvernement,
souhaité exempter certains accords agricoles de l'interdiction générale des
ententes. Il n'y a, en la matière, aucune divergence, quant aux objectifs
politiques, entre le Gouvernement et le Sénat, et nos objectifs communs
rejoignent les souhaits des organisations professionnelles agricoles.
L'intervention du Premier ministre devant la conférence agricole, en février
dernier, l'atteste pleinement.
Le Gouvernement a estimé que le recours à des dispositions législatives,
séduisant
a priori,
ne conférerait pas la sécurité juridique demandée
par les professionnels agricoles, au contraire des décrets d'exemption, déjà
prévus par la loi, mais jamais mis en pratique depuis dix ans.
Aujourd'hui, la démarche du Gouvernement, sur laquelle je m'étais engagé
devant vous, est couronnée de succès. Les décrets d'exemption ont été publiés
au
Journal officiel
le 11 juin dernier. La procédure de l'avis conforme
du conseil de la concurrence a très bien fonctionné. Celui-ci a jugé conformes
au droit actuel, tant français qu'européen, les décrets proposés par le
Gouvernement, sous réserve de quelques modifications de forme. Ainsi, se
trouvent légitimés les objectifs comme la méthode du Gouvernement et du
Parlement.
Je me félicite que le conseil ait, de la sorte, renforcé la sécurité juridique
tant recherchée par nos agriculteurs.
Dans son avis, que j'ai transmis aux rapporteurs du texte, le conseil de la
concurrence approuve les décrets dans leur ensemble. Les modifications
apportées n'altèrent en rien l'équilibre général et les objectifs que le
Gouvernement et votre assemblée se sont assignés. Le conseil a amélioré les
textes, de manière à les rapprocher au mieux des textes et de la jurisprudence
communautaires, conformément à l'objectif de sécurité juridique.
Le premier décret autorise des ententes destinées à promouvoir la qualité,
notamment au sein des labels ou des appellations d'origine contrôlées. C'est
une excellente nouvelle pour l'ensemble de la politique de qualité de
l'agriculture française.
Seules quelques modifications mineures ont été apportées.
Les « ententes-qualité » ne pourront inclure de parties détentrices de
positions dominantes, ce qui ne gênera en rien nos petits producteurs
agricoles.
Le conseil a aussi estimé que de tels accords ne pourront inclure de prix de
vente conseillés au consommateur, conformément à la jurisprudence européenne.
Cependant, les prix de filières demeurent admis.
De même, ces accords ne pourront pas excéder trois ans, ce qui ne pose pas de
problème, car ils sont reconductibles.
Enfin, le conseil de la concurrence a exclu des accords de qualité les vins et
spiritueux, accédant ainsi aux souhaits des professionnels concernés, qui
s'estiment pleinement couverts par ailleurs.
Le second décret autorise des ententes pour faire face à des crises
sectorielles structurelles. Le conseil de la concurrence l'a retouché en
améliorant la définition de la crise et de la période de référence,
conformément aux textes européens, mais ce décret reste tout à fait dans
l'esprit de ce que nous entendons par « cartel de crise. »
Enfin, le conseil de la concurrence a estimé que les accords d'entente
devraient être notifiés à l'administration.
Sur le thème agricole, le Gouvernement s'était engagé devant la Haute
Assemblée ; les indications que je viens de vous donner vous permettent de
constater qu'il a tenu parole.
En ce qui concerne les carburants, je m'étais engagé auprès de vous à
approfondir le débat qu'ils suscitent.
Nous partageons clairement le même objectif : éviter la disparition des petits
pompistes afin de lutter contre la désertification des zones rurales et de
promouvoir l'aménagement du territoire. C'est un sujet que je connais bien, en
tant qu'ancien ministre de l'industrie et actuel ministre en charge de la
concurrence et de la consommation.
Certains souhaiteraient inclure les carburants dans les produits concernés par
les « prix abusivement bas ».
La grande distribution réalise en moyenne une marge de 20 centimes par litre,
contre 50 centimes dans les petites stations-service. Mais le problème réel est
que les petits pompistes ne récupèrent que 15 centimes, les compagnies
pétrolières ponctionnant, en moyenne, 35 centimes pour financer des activités
diverses, en particulier le déficit du raffinage. C'est un des éléments qui ont
créé une situation de concurrence déloyale au détriment des petits
pompistes.
Réglementer les prix en instaurant une marge minimale dans la grande
distribution ne réglerait pas les déséquilibres fondamentaux dans la profession
pétrolière. En outre, ce serait très mal perçu par les consommateurs ;
d'ailleurs, leurs organisations ont clairement fait savoir qu'elles étaient
très fermement opposées à une telle mesure, alors qu'elles avaient soutenu à
l'unanimité le projet de loi initial du Gouvernement.
Je tiens à préciser ici que les consommateurs ne sont manipulés par personne.
Je présidais avant-hier le conseil national de la consommation, où sont
représentées vingt associations nationales de consommateurs. Leurs délégués
m'ont clairement exposé l'opinion des consommateurs et leurs conceptions sur le
sujet.
Le problème des carburants doit donc être traité selon une autre logique : il
faut appréhender les problèmes de l'ensemble de la filière.
Les difficultés dérivent des surcapacités structurelles du raffinage en France
et en Europe. Aussi les raffineurs sont-ils prêts à vendre au seul coût
marginal de court terme plutôt que de ne pas vendre du tout. Aucun dispositif
contraignant sur les prix ne résorbera ce désajustement structurel entre une
offre surabondante de carburants et une demande qui ne progresse plus guère.
Il faut donc, pour être efficace, envisager des pistes concrètes, qui aident
véritablement les stations-service rurales et semi-urbaines à faible débit à
trouver une rentabilité et à se placer dans les conditions d'une concurrence
plus loyale.
Je pense d'abord à l'encouragement à la pluri-activité des petits
pompistes.
On peut songer aussi à des dispositifs de rééquilibrage financier permettant
le maintien des petits pompistes en zone rurale, idée que je me propose de
développer lors de la discussion des amendements.
Le disque a également attiré l'attention de la représentation nationale.
Je tiens à rappeler que les prix des disques en France sont parmi les plus
élevés du monde. Mais, au titre de l'exception culturelle, le Gouvernement
s'est rangé au vote de la Haute Assemblée en première lecture.
Je crois toutefois que, pour éviter une dérive des prix et pour répondre
véritablement à l'objectif de création, qui sous-tendait l'amendement d'origine
parlementaire, il convient d'explorer d'autres pistes.
Avec mon collègue Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, en
concertation avec les professionnels, et en plein accord avec Yves Duteil, qui
a été le porte-parole de la création française, nous sommes convenus de créer
des groupes de travail autour de quelques réformes possibles.
En premier lieu, nous devrons faire le bilan de la présente loi dans quelques
mois : le renforcement de la revente à perte mettra un terme aux quelques
pratiques abusives constatées dans certaines grandes surfaces. La fin de
l'interdiction des ventes liées permettra aux distributeurs de vendre en même
temps des disques faiblement connus, à côté des « tubes » du moment. Cette
nouvelle dispositions encore peu connue de nos éditeurs phonographiques,
devrait renforcer la diversification de la création.
En deuxième lieu, le Gouvernement va travailler avec les professionnels à la
modernisation de la distribution du disque. Ainsi peut-on inciter les
disquaires indépendants à se regrouper en centrales d'achat pour négocier des
conditions plus favorables de vente.
En troisième lieu, les producteurs, quant à eux, ont lancé pour 1996 une
charte de la chanson française, par laquelle ils s'engagent à promouvoir la
nouvelle création francophone, tant par le nombre d'albums nouveaux que par
leur politique de marketing. Cette initiative est tout à fait bienvenue, et je
sais que mon collègue Philippe Douste-Blazy a à coeur de l'encourager.
En quatrième lieu, peut-être faut-il songer aussi à réformer certaines
réglementations relatives à la télévision publique. On peut s'interroger sur
l'ampleur de la publicité dans ce secteur. Certains professionnels estiment que
cet accès sans limite à la publicité favorise quelques titres seulement, au
détriment du reste de la création, française notamment, et qu'il conviendrait
d'encadrer la publicité télévisuelle sur les disques.
Enfin, ne conviendrait-il pas que les chaînes publiques soient également
astreintes à diffuser plus de chansons françaises et européennes aux heures de
grande écoute ?
Bien sûr, il est trop tôt pour légiférer en la matière, sans avoir procédé à
une large concertation. Mais le Gouvernement mènera, dans les prochaines
semaines, la concertation nécessaire pour mettre en oeuvre ces réformes, avec
Yves Duteil et les syndicats professionnels, au-delà de l'amendement voté par
la Haute Assemblée, dans l'esprit de développement de la création et de
maîtrise des prix dont je parlais tout à l'heure.
La dépénalisation du droit de la concurrence a également attiré l'attention du
Parlement. Le débat à l'Assemblée nationale en deuxième lecture a été
particulièrement fructueux à cet égard. Nous l'avons poursuivi ici avec MM. les
rapporteurs.
Il paraît toutefois prématuré de s'engager dans la voie de la « civilisation
», au risque de vider la loi de son caractère efficace et dissuasif.
Après que l'Assemblée nationale eut renoncé à un système instaurant des
sanctions pécuniaires applicables par le juge civil, le président de la
commission des lois s'est clairement engagé à étudier le problème de la «
civilisation », notamment en procédant à des auditions. Cette décision est sage
et éclairée.
En conclusion, je souhaite d'ores et déjà dresser un premier bilan de nos
travaux, qui arrivent bientôt à leur terme.
Quels étaient les engagements du Gouvernement dans ce débat ? Il s'agissait,
tout d'abord, de remédier aux dysfonctionnements de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 sans en compromettre les principes essentiels, en premier lieu le
principe de liberté des prix.
L'objectif était de rééquilibrer la situation du producteur, d'adopter un
dispositif équilibré qui ne pénalise ni les producteurs ni nos emplois au
profit des importations ou des délocalisations et, enfin, de prendre en compte
l'intérêt des consommateurs, tout en apportant des réponses concrètes aux
préoccupations des milieux professionnels et des parlementaires.
On nous prédisait souvent que la tâche serait impossible, que nous prenions un
pari hardi en empruntant la voie parlementaire pour la première fois depuis
soixante ans. Jusqu'à présent, ce sujet était en effet traité par voie
d'ordonnances. Nous avons entendu bien d'autres prédictions pessimistes du même
ordre. N'en déplaise aux Cassandre, force est de constater que ces débats ont
été d'une grande tenue et d'une grande richesse.
Bien sûr, parfois, il y a eu des risques de dérapage. Certains ont pu croire
que la ligne de crête que constituait le projet du Gouvernement allait être
dépassée. Je vous rappelle les débats que nous avons eus sur les prix bas, sur
les ententes ou sur les problèmes agricoles.
Mais, d'ores et déjà, des apports significatifs au droit existant peuvent être
constatés. Quels sont-ils ?
Les deux décrets d'exemption pour la politique de qualité et les cartels de
crise, en matière agricole, offrent un cadre juridique sûr pour nos
agriculteurs. Les réaménagements de la facturation et de la revente à perte ont
fait de ces deux dispositions un instrument désormais effectif et d'application
simple pour le juge, en évitant les excès de la grande distribution et la
tentation de détourner la loi.
La libéralisation du refus de vente est également un élément important du
rééquilibrage des situations respectives du producteur et du distributeur.
Les moyens nouveaux en matière de lutte contre les abus de dépendance
économique dont sont victimes les petits producteurs constituent une avancée
significative de notre droit.
Sur tous ces points, les textes sont très largement acquis, comme le prouve
l'examen des amendements qui ont été déposés. Je ne doute pas que, dans la
discussion qui va s'engager, nous parviendrons à lever les dernières
difficultés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas constaté les dérives qui
nous étaient promises. Nous avons su tenir nos engagements vis-à-vis des
professionnels et des consommateurs. Nous avons su préserver l'équilibre du
texte et les grands principes de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Nous avons,
je crois, rempli notre contrat, et je voulais par avance vous en remercier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des séances
des 28 et 29 mai derniers, l'Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture,
le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.
Elle a adopté conformes un certain nombre de dispositions votées par la Haute
Assemblée en première lecture, les 7 et 9 mai derniers, ou confirmé la
suppression de certains articles.
L'Assemblée nationale est cependant revenue sur la position qu'elle avait
elle-même adoptée en première lecture sur plusieurs articles importants. Ainsi,
ont été adoptés conformes l'article 1er A, qui modifie la composition du
conseil de la concurrence en lui adjoignant un dix-septième membre,
vice-président, l'article 1er EA, de coordination, relatif aux compétences du
conseil de la concurrence, l'article 1er FA, également de coordination,
concernant la consultation du conseil de la concurrence par les juridictions,
l'article 3
ter,
qui fixe les délais de paiement pour les achats de
viandes congelées ou surgelées et de poissons surgelés, et enfin, l'article 8,
qui comporte des dispositions relatives à l'entrée en vigueur de la loi.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, confirmé la suppression de l'article 6,
qui ouvrait l'action en justice aux organisations consulaires ou
représentatives des consommateurs.
Elle est revenue, en tout ou partie, sur sa position initiale sur de nombreux
autres articles du projet de loi que j'évoquerai brièvement.
A l'article 1er C, relatif aux ententes, elle a notamment rétabli la faculté
de pratiquer des prix de cession communs. La commission des affaires
économiques vous proposera de supprimer cet article.
A l'article 1er D, qui concerne l'offre ou la vente aux consommateurs à prix
abusivement bas, l'Assemblée nationale a supprimé l'exception permettant
d'appliquer le dispositif du prix abusivement bas aux ventes de carburants de
détail. Vous vous êtes longuement exprimé sur ce point dans votre propos
liminaire, monsieur le ministre.
Je rappelle que l'exception concernant les carburants avait été introduite par
l'Assemblée nationale en première lecture, contre l'avis du Gouvernement, sur
proposition de M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des
finances. La commission des affaires économiques, suivie par le Sénat, l'avait
adoptée à l'unanimité.
A l'heure actuelle, les ventes de carburants au détail sont soumises à
l'interdiction de la revente à perte. Or, ce dispositif n'a pas pu y, à de
rares exceptions près, être appliqué aux produits pétroliers, dans la mesure où
les grandes surfaces, en particulier, ne les revendent pas à perte.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires économiques
vous proposera de rétablir l'exception relative aux ventes de carburant de
détail, qui permet de leur appliquer le dispositif du prix anormalement bas,
cette nouvelle procédure trouvant là une place de choix.
A l'article 1er F, qui réglemente la publicité, la périodicité et la durée des
promotions concernant les produits alimentaires périssables, l'Assemblée
nationale a prévu que l'arrêté destiné à fixer cette réglementation serait
interministériel ou, à défaut, préfectoral. Il s'agit là d'un compromis
satisfaisant avec la position adoptée par le Sénat.
A l'article 1er, elle a réintroduit la notion de « réductions de prix »
acquises sur les factures, notion que la commission des affaires économiques
vous demandera de nouveau de remplacer par celles de « rabais, remises ou
ristournes », qui sont mieux connues et plus facilement applicables.
A l'article 2 relatif à la revente à perte, l'Assemblée nationale a supprimé
deux dispositions adoptées par le Sénat, qui autorisent la revente à perte,
d'une part, des produits saisonniers à l'exception des vins de primeur et,
d'autre part, des produits faisant l'objet du droit d'alignement, et ce quelle
que soit la surface de vente du commerce y ayant recours. J'insisterai quelque
peu sur ce point important.
L'Assemblée nationale a donc rétabli la limitation du droit d'alignement aux
magasins disposant d'une surface de vente inférieure à trois cents mètres
carrés.
Lors de la première lecture, la commission des affaires économiques, suivie
par le Sénat, avait jugé dangereux de priver ainsi les commerçants de ce moyen
de défense, j'allais dire d'autodéfense, qui permet à des commerces de taille
modeste - il ne faut pas les oublier - de ne pas être contraints à
l'immobilisme quand leur survie peut être en jeu.
Je rappelle qu'en vertu du droit en vigueur l'exception du droit d'alignement
est autorisée pour l'ensemble des commerces, quelle que soit la surface de
vente, et qu'elle n'a pas soulevé, que je sache, de difficultés
particulières.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques proposera, comme en
première lecture, d'autoriser l'exception d'alignement pour l'ensemble des
commerces, ainsi que le prévoit le droit en vigueur.
A l'article 3
bis
, l'Assemblée nationale a prévu que les conditions
générales de vente devront mentionner le point de départ des délais de paiement
et le barème des escomptes. Comme en première lecture, la commission des
affaires économiques vous proposera de supprimer cette disposition.
L'article 4 concerne le refus de vente ou de prestation de services, les
conditions restrictives de référencement et de rupture des relations
commerciales. L'Assemblée nationale a complété cet article, notamment pour
interdire la revente hors réseaux lorsque les produits concernés ont fait
l'objet d'un contrat de distribution exclusive et/ou sélective. La commission
des affaires économiques vous proposera la suppression de cette disposition.
L'Assemblée nationale est également revenue sur sa position en ce qui concerne
l'article 5, relatif aux ventes à la sauvette, et sur l'article 5
bis,
qui prévoit la publication des condamnations et des amendes en cas de
récidive.
L'Assemblée nationale a rétabli l'article 7, relatif au contrôle des
commissaires aux comptes, dans une rédaction cependant différente de celle
qu'elle avait adoptée en première lecture et que le Sénat avait supprimée.
Elle a prévu que le rapport de gestion exposant la situation d'une société
durant l'exercice écoulé devrait faire état du respect des dispositions des
articles 31 et 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatives aux mentions
devant obligatoirement figurer sur la facture et aux délais de paiement. La
commission des affaires économiques proposera de supprimer cet article.
L'Assemblée nationale a, en outre, supprimé quatre articles introduits dans le
projet de loi, en première lecture, par le Sénat. Il s'agit de l'article 1er
DA, relatif à l'autorisation d'exemption de certains accords individuels, de
l'article 3
ter
A sur les prix imposés, de l'article 3
ter
B, qui
fixe les délais de paiement pour les achats de produits et animaux de
basse-cour, et de l'article 10 concernant les conditions d'opposabilité de la
clause de réserve de propriété en cas de redressement ou de liquidation
judiciaires.
La commission des affaires économiques vous proposera de rétablir l'article
1er DA et l'article 10, dans la rédaction adoptée par le Sénat en première
lecture.
L'Assemblée nationale a, enfin, introduit trois nouveaux articles dans le
texte. Deux d'entre eux, à savoir les articles 1er EB et 1er EC, modifient la
procédure devant le conseil de la concurrence. Le troisième, l'article 5
ter
, impose une séparation comptable aux commerces de détail de plus de
300 mètres carrés procédant à la distribution de carburants. La commission des
affaires économiques proposera de supprimer ces articles.
En conclusion, la commission des affaires économiques, dans un esprit de
compromis, proposera de voter conformes un certain nombre d'articles dans la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. En revanche, dans le souci
d'équilibre qui l'a animé à l'occasion de l'examen du projet de loi en première
lecture, elle proposera de revenir à la position adoptée par le Sénat sur
certains aspects essentiels du texte.
Deux points méritent encore d'être soulignés. Il s'agit des ententes agricoles
et des prix anormalement bas pratiqués dans le secteur du transport routier de
marchandises.
S'agissant des ententes dans le secteur agroalimentaire, rappelons que, lors
de la première lecture du projet de loi au Sénat, la commission des affaires
économiques avait adopté un amendement tendant à autoriser ces ententes, afin
de permettre l'organisation concertée des productions qui bénéficient d'une
garantie officielle d'origine ou de qualité ou qui se trouvent en situation de
déséquilibre important en ce qui concerne l'offre ou la demande.
La commission avait accepté, à votre demande, monsieur le ministre, de retirer
cet amendement, en se réservant le droit de le représenter en deuxième lecture
si l'avis du conseil de la concurrence concernant les deux projets de décret
d'exemption élaborés par le Gouvernement sur ce point, en application de
l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, n'était pas conforme.
Or, sans être totalement conforme, l'avis rendu par le conseil de la
concurrence au début du mois de mai dernier ne remet pas en cause les aspects
essentiels de ces décrets, comme vous venez de le souligner, monsieur le
ministre.
Dans ces conditions, la commission des affaires économiques a jugé inutile
d'inscrire de telles dispositions dans la loi, dans la mesure où elles feraient
double emploi avec celles des décrets que vous seriez appelé à prendre.
La commission des affaires économiques avait, par ailleurs, adopté un
amendement tendant à appliquer le dispositif du prix anormalement bas au
secteur du transport public routier de marchandises.
A votre demande, monsieur le ministre, le rapporteur avait accepté de retirer,
une fois de plus, cet amendement, puisque vous vous étiez engagé à ce que le
Gouvernement « trouve les solutions adéquates » d'ici à la deuxième lecture au
Sénat.
C'est, en réalité, au cours de la première lecture du projet de loi relatif au
développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat devant
l'Assemblée nationale que Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux
transports, a proposé des amendements de nature à répondre au problème. Je ne
vous cache pas que ce procédé nous a quelque peu étonnés.
Cela dit, le Sénat sera prochainement amené à se prononcer sur ces
propositions, qui font l'objet des articles 27 et 28 du projet de loi précité.
Par conséquent, il n'y a plus lieu de débattre de ce sujet dans le cadre du
présent projet de loi.
Au terme de cet exposé liminaire, je tiens à remercier M. le ministre et mon
collègue M. Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois, de la
collaboration étroite qui s'est instaurée entre nous.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, mon propos sera bref dans la mesure où le rapporteur de la
commission saisie au fond a développé tous les aspects du projet de loi qui
nous est présenté en deuxième lecture.
Je voudrais simplement rappeler que la commission des lois était attachée à un
certain nombre de questions posées par ce projet de loi, notamment la
composition du conseil de la concurrence. Sur ce point, l'Assemblée nationale a
accepté le dispositif qui avait été introduit par le Sénat et visant à garantir
la représentation du monde économique et la présence de la haute juridiction
judiciaire.
Un certain nombre de dispositions qui nous sont soumises ont fait l'objet
d'amendements de la commission des lois. Bien entendu, je ne me prononcerai pas
sur le fond, notamment sur les problèmes d'applicabilité du dispositif relatif
au prix abusivement bas pour les produits revendus en l'état. Je n'énumérerai
même pas les cas, puisque M. le ministre vient d'expliquer qu'il accepte ce
dispositif pour le disque tout en le considérant mauvais. Nous aurons sans
doute l'occasion de débattre de cette question, qui ne concernait pas la
commission des lois.
Cela étant dit, je me réjouis, monsieur le ministre, que les décrets
d'exemption soient parus, faute de quoi nous aurions eu un débat extrêmement
difficile en deuxième lecture, compte tenu des inquiétudes d'un certain nombre
de producteurs. Il est bon que ces décrets d'exemption, qui étaient prévus par
l'ordonnance de 1986, aient reçu un avis favorable du conseil de la
concurrence, ce qui a permis leur publication.
Je vous proposerai, comme M. Jean-Jacques Robert, de supprimer la disposition
introduite à l'article 1er C et visant à permettre les ententes consistant à
organiser les volumes et la qualité de production ainsi que la politique
commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun. En effet, une
telle disposition est contraire au traité sur l'Union européenne et à la
jurisprudence communautaire.
En ce qui concerne les prix abusivement bas, je vous poserai simplement une
question, monsieur le ministre.
En l'occurrence, il s'agit de la vente aux consommateurs. Or, un certain
nombre de professionnels se sont inquiétés, notamment en ce qui concerne le
louage d'ouvrages. Cette pratique existe essentiellement dans le cadre des
marchés publics. Vous connaissez les difficultés actuelles. On attend avec
impatience la réforme du code des marchés publics. En effet, dans ce domaine,
on casse maintenant les prix, ce qui est regrettable, et l'inquiétude des
professionnels est donc justifiée.
Les professionnels considèrent que, si l'on ne peut pas pratiquer des prix
abusivement bas pour la vente au consommateur,
a contrario
on pourrait
le faire en matière de louage d'ouvrages. En fait, cela ne peut pas être le
cas, car le texte s'applique uniquement à la vente aux consommateurs.
Par conséquent, il conviendrait de rassurer les professionnels et de leur
rappeler, comme les ministres concernés l'ont précisé à plusieurs reprises, que
le Gouvernement souhaite qu'une réforme du code des marchés publics intervienne
rapidement. En effet, compte tenu de la conjoncture, les professionnels du
bâtiment et des travaux publics sont très inquiets, vous le savez, monsieur le
ministre. Ils m'ont fait part de leurs interrogations. Je me devais, à mon
tour, de vous en parler.
S'agissant de l'article 2, je serai bref. L'Assemblée nationale a introduit
une disposition complémentaire. Je proposerai une autre rédaction.
En ce qui concerne l'article 3
bis
, je me réjouis que l'Assemblée
nationale ait confirmé la suppression de la peine d'exclusion des marchés
publics pour les personnes morales, adoptée par le Sénat, sur proposition de sa
commission des lois.
A l'article 5
bis,
si l'Assemblée nationale a accepté dans son ensemble
l'actualisation des dispositions de l'article 55 de l'ordonnance de 1986, elle
a adopté un amendement de façon à viser également les infractions à l'article
28 de ladite ordonnance.
En fait, cette référence est erronée, car la responsabilité pénale des
personnes morales n'est pas prévue par l'article 28 de l'ordonnance.
Enfin, l'Assemblée nationale a introduit un article 5
ter
ainsi rédigé
: « Pour toute installation de distribution au détail de carburants » - cela
est lié au problème que nous évoquerons tout à l'heure - « annexée à un magasin
de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 mètres carrés,
l'activité de distribution des carburants est individualisée du point de vue
comptable. »
La commission des lois considère que cette disposition est inapplicable au
regard du droit des sociétés et en pratique. Aussi, elle proposera de la
supprimer.
De même, elle proposera la suppression de l'article 7, visant à modifier
l'article 340 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. M.
Jean-Jacques Robert a évoqué ce point tout à l'heure. Je considère que la loi
de 1966 ne doit pas être sans cesse modifiée, sauf à effectuer une réforme
d'ensemble. Je me méfie beaucoup de l'introduction de certaines dispositions
sous couvert d'améliorer la situation des entreprises. Je ne suis pas sûr que
cela améliore leur situation. En tout état de cause, je n'aime pas voir rentrer
par la fenêtre ce que l'on a jeté par la porte.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois soutient les
propositions de la commission des affaires économiques et du Plan. Elle
rappelle qu'il est bien de réglementer, mais qu'il faut assurer aussi la
liberté du commerce, ce qui est essentiel pour les consommateurs et pour le
développement économique.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte
revient donc en deuxième lecture au Sénat après que l'Assemblée nationale lui
eut apporté un certain nombre de modifications qui vont à l'encontre de la
volonté d'équilibre manifestée par les initiateurs du projet de loi.
On a beaucoup parlé, tout au long de ces débats, de l'ambition des auteurs de
cette réforme de l'ordonnance de 1986 : rééquilibrer les relations commerciales
entre producteurs et distributeurs et modifier cette ordonnance qui traite de
la transparence et des pratiques restrictives.
Ce texte a, reconnaissons-le, le mérite d'apporter certaines améliorations qui
vont dans le sens souhaité, même si, sur certains points, il entretient des
ambiguïtés qui seront difficiles à lever dans la pratique.
Améliorer la transparence de la facturation, renforcer la répression de la
vente à perte, prévenir toute sorte d'abus tels que le chantage ou le
déréférencement abusif, réprimer la pratique des prix abusivement bas qui
déstabilisent une filière de production et nuisent au petit commerce, tout cela
était inscrit dans le texte, et nous cautionnons ces dispositions, d'autant
plus que, en ce qui me concerne, sénateur d'un des départements de ce monde
rural dont tout le monde parle, j'ai vu, au cours des trente dernières années,
s'asphyxier et disparaître irrémédiablement ce petit commerce de proximité qui
faisait le charme et la convivialité de nos villages, et donc une part
importante de notre vie.
Mais, comme les vitrines d'avant Noël font briller les yeux des enfants, les
méthodes et les présentations de la grande distribution ont fait briller les
yeux de nos ruraux et ont amené ces derniers, le samedi, à monter dans leur
véhicule automobile pour aller à Intermarché, à Mammouth ou chez Leclerc, comme
on se rendait autrefois au marché hebdomadaire de la ville voisine ; c'était un
peu un jour de rencontre et de fête ; aujourd'hui, on se croise dans les allées
du supermarché, la fête est différente.
La question lancinante que nous nous sommes posée tout au long de l'examen de
ce texte et que certains de nos collègues ont évoquée aussi est encore présente
aujourd'hui : ce texte va-t-il véritablement faire apparaître plus de loyauté
dans les relations commerciales entre producteurs et fournisseurs ? Ne va-t-il
pas, au contraire, engendrer d'autres déséquilibres, plus pernicieux, qui se
retourneront contre ceux-là mêmes que l'on voulait protéger ?
Lors de mon intervention en première lecture, le 7 mai dernier, j'avais déjà
émis, au nom du groupe socialiste, des doutes sur la portée réelle du texte.
J'avais fait le constat que, malgré des avancées positives, il ne satisfaisait
réellement personne parce qu'il essayait d'une façon incomplète de répondre aux
attentes d'interlocuteurs dont les intérêts sont différents et contradictoires,
à savoir la grande distribution, les producteurs et les consommateurs.
Dans votre réponse, à l'occasion de l'examen du texte en première lecture,
vous m'aviez dit, monsieur le ministre, que mon inquiétude vous semblait sans
fondement et que vous aviez recueilli l'accord de tous.
Pourtant, les courriers que j'ai reçus depuis n'ont fait que confirmer mes
craintes : de celui du secrétaire général des organisations de consommateurs à
celui du conseil national des professions de l'automobile en passant par la
lettre de la fédération des industries de la parfumerie, je n'ai trouvé que des
opinions radicalement opposées sur les articles de votre texte.
Pour illustrer mon propos, je reprendrai quelques points qui sont révélateurs
de ces zones d'ombre et des espoirs quelque peu déçus des intéressés.
Le problème de l'agriculture est au coeur de ce texte, qui vise à redéfinir
les relations entre distributeurs et producteurs. Les sénateurs avaient, sur la
demande de M. le ministre, accepté de retirer un amendement tendant à autoriser
les ententes dans le secteur agroalimentaire si les deux projets de décrets
d'exemption élaborés par le Gouvernement recevaient un avis conforme du conseil
de la concurrence. Qu'en est-il aujourd'hui ? L'avis rendu par le conseil de la
concurrence n'est, certes, pas totalement conforme aux souhaits des
producteurs, mais il répond globalement à leur attente en spécifiant que les
accords autorisant les ententes destinées à promouvoir la qualité, qu'il
s'agisse de labels ou d'appellations d'origine contrôlée, ne pourraient inclure
un prix de vente conseillé - seuls les prix de filières seront admis.
Il restait une ultime étape à franchir, celle de la publication de ces
décrets, qui vient juste d'intervenir. Nous l'attendions avec impatience, mais
nous regrettons d'ores et déjà que certaines situations spécifiques à
l'agriculture n'aient pas été prises en compte.
Certaines propositions ont été discutées âprement. Elles constituent l'«
ossature » même des modifications voulues par le législateur, modifications qui
visent à mieux protéger et armer le faible contre le fort - et Dieu sait si
dans cette voie je serais prêt à vous suivre ! Cependant, elles manquent de
lisibilité et de clarté quant au but final à atteindre.
Prenons le cas de la revente à perte : elle comporte de multiples exceptions,
qui, au gré des lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat, augmentent ou
diminuent. N'est-ce pas là une situation révélatrice de l'ambiguïté de
certaines dispositions ? Et que pensez-vous, monsieur le ministre, de l'avenir
de ce texte étant donné les mesures qui seront vraisemblablement votées et qui
le rendront difficilement applicable ?
Un autre point mérite d'être rappelé, car il illustre la dichotomie entre les
souhaits exposés par le Gouvernement en présentant ce texte et la réalité des
mesures qui seront définitivement votées ; c'est celui des prix abusivement
bas.
Le Gouvernement a obtenu de l'Assemblée nationale, en deuxième lecture,
qu'elle fasse échapper les ventes de carburants des grandes surfaces aux
sanctions de la législation sur les prix abusivement bas. Les supermarchés
gardent donc, pour le moment, le droit de solder l'essence, au grand dam des
professionnels de l'automobile - CNPA - et des industries pétrolières - UPIF -
qui ont exhorté les sénateurs à rétablir cette notion en deuxième lecture,
compte tenu des promesses maintes fois formulées par le Gouvernement.
Celui-ci a justifié sa position en déclarant que « cela aboutirait à majorer
le prix de l'essence à la pompe, et donc à pénaliser les consommateurs ».
En échange, monsieur le ministre, vous vous êtes très fermement engagé à
trouver « des solutions concrètes avant la fin de l'année », solutions qui
auraient, bien sûr, leur traduction budgétaire, pour lutter contre la
disparition massive des petits pompistes.
Lors de l'examen de ce texte en première lecture au Sénat, mon collègue
Bernard Dussaut avait rappelé les déclarations que vous aviez faites, monsieur
le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires économiques
et du Plan, le 19 mars dernier. Vous vous étiez alors engagé à apporter une
réponse précise sur la disparition des stations-service, dans le cadre d'un
texte spécifique.
A force de tenir des promesses un peu floues et des engagements qui engagent
peu, vous vous êtes tout de même attiré les foudres de tous les partenaires
concernés par ce difficile dossier lié à l'aménagement de notre territoire. Qui
faut-il croire, monsieur le ministre ? Nous savons que les grandes surfaces
utilisent le prix des carburants comme prix d'appel, et nous devons nous
opposer à ces pratiques.
Mais, en même temps, la réintroduction de cette notion de prix abusivement bas
pour la vente au détail de carburants résoudra-t-elle le problème du maintien,
de la survie, devrais-je dire, des pompistes ? Nous en doutons fortement et
j'ai exprimé, dès le début des débats, nos réticences sur la façon dont ce
dossier était traité.
Il y a aussi la mentalité et les habitudes des hommes. Me permettez-vous,
monsieur le ministre, une anecdote ? J'ai rencontré, il n'y a pas si longtemps
- c'était après la première lecture de votre projet de loi - le garagiste d'un
village gascon, qui est aussi distributeur de carburants, à la sortie d'un
supermarché. C'était un samedi après-midi ; accompagné de sa femme, il poussait
devant lui un caddy abondamment rempli de provisions, alors que, dans son
village, subsistent encore difficilement quelques petits commerçants. Je sais
cet homme, à l'occasion, très revendicateur sur sa situation professionnelle.
Dois-je vous avouer que, parce que je le connaissais bien, je lui ai demandé
s'il n'envisageait pas d'aller faire le plein à la pompe du supermarché avant
de repartir ?
Je crois tout simplement que de nouvelles habitudes de chalandises sont nées
dans notre monde d'aujourd'hui et que, les habitudes étant dans la vie
quotidienne des hommes plus fortes que les traditions, il faudra plus qu'un
texte de loi pour les faire changer et plus que les mesures dont nous discutons
pour sauver les commerces du monde rural de notre enfance. Il faudra, certes,
faire un monde rural vivant, fort et moderne, mais il ne sera plus jamais celui
d'hier.
La nostalgie du passé, lorsqu'elle devient passéisme, est le pire ennemi des
progrès vers l'avenir. Membre d'un parti qui se veut de progrès, je souhaite
pour nos villages des lendemains d'espoir et non pas de regret, et je crois que
l'aménagement du territoire doit avoir pour les habitants de nos campagnes
d'autres ambitions que celles dont nous débattons aujourd'hui.
Je pourrais aussi évoquer, pour rendre compte de ce malaise global que nous
laisse notre travail législatif sur ces dispositions, un autre secteur auquel
devait s'appliquer le dispositif du prix anormalement bas : le transport public
routier de marchandises. La disposition le visant a disparu et s'est retrouvée
sous la forme d'un amendement gouvernemental dans le projet de loi relatif au
développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, qui nous sera
soumis lundi prochain.
Les dispositions contenues dans ce projet de loi ne me semblent pas répondre à
une amélioration notable des relations commerciales existantes, même si nous
avons honnêtement voulu y chercher et noter les avancées positives dont je vous
donne acte.
Il nous semble même que ce texte rencontre, dans la mise en application de
certaines de ses dispositions, de nombreuses difficultés insurmontables.
Nous ne sommes pas les seuls à avoir exprimé tout au long de ces débats nos
doutes et même nos craintes sur la portée de cette réforme.
Toutes ces interrogations conduisent le groupe socialiste à maintenir sa
position : il s'abstiendra lors du vote sur ce texte.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi relatif à la loyauté et à l'équilibre des relations commerciales qui nous
revient en deuxième lecture comporte encore bon nombre de dispositions en
discussion, ce qui témoigne de la difficulté du Parlement à moraliser les
relations commerciales entre professionnels sans que cela se fasse au détriment
du consommateur.
Réalisée à l'origine pour libéraliser la concurrence, l'ordonnance de 1986 a
fait la preuve que, sans un minimum de réglementation, la liberté d'action
instaurée ne pouvait s'exercer qu'au détriment des producteurs, des petits
commerçants, qui, comme le service public, font la vie de nos villages, des
quartiers de nos villes et, en définitive, au détriment des consommateurs, qui
peuvent constater tous les jours que, à part quelques promotions, les prix de
détail restent toujours aussi élevés.
Depuis une dizaine d'années, les principales chaînes de grands magasins et
leurs centrales d'achats ont vu leur puissance économique et financière croître
de manière très importante, au point d'acquérir au fil des ans une position
dominante dans le domaine de la distribution.
Elles sont parvenues à attirer vers elles l'essentiel des marges bénéficiaires
en exerçant de formidables pressions commerciales sur les agriculteurs et les
petites et moyennes entreprises, qui n'ont pas véritablement été en mesure de
résister à leur puissance.
Elles se sont de plus arrogé un pouvoir quasi bancaire en se faisant payer la
plupart du temps au comptant par les consommateurs, tout en appliquant des
délais de paiement exagérément longs et des conditions de vente souvent
déraisonnables à leurs fournisseurs, qui sont obligés de se soumettre sous la
menace du « déréférencement » immédiat.
De tels comportements déloyaux envers les autres structures de vente et très
déstabilisants pour les filières de production sont, de toute évidence,
préjudiciables à l'emploi.
Dans ces conditions, une réforme en profondeur de la réglementation de la
concurrence nous semble absolument nécessaire, non pas pour revenir à un
encadrement strict des prix et des conditions de vente, mais pour mettre
réellement fin aux multiples pratiques répréhensibles que nous connaissons
aujourd'hui.
Certes, l'affaire n'est pas simple, car l'équilibre des droits et obligations
en matière de concurrence est traditionnellement un équilibre si précaire qu'il
convient de prendre toutes les précautions pour ne pas déstabiliser l'ensemble
de l'édifice et aboutir à des situations encore plus dommageables pour
l'économie.
Cependant, cela n'exclut pas des mesures de fond plus courageuses que celles
qui sont proposées par un gouvernement et une majorité qui, ne voulant vexer ni
les grandes surfaces, ni les petits commerçants, ni les artisans, ni les
responsables des petites et moyennes entreprises, se contentent d'un simple
toilettage de la législation en vigueur.
Ainsi, on se refuse à agir vraiment contre les délocalisations de productions
françaises à l'étranger, qui sont pourtant l'un des principaux facteurs de
déstabilisation de nos marchés autant que de l'emploi dans notre pays.
Sous le prétexte fallacieux que cinq millions de Françaises et de Français
travailleraient pour l'exportation, le Gouvernement s'en remet, nous a-t-on dit
en première lecture, à l'action de M. Leon Brittan auprès de l'Organisation
mondiale du commerce pour lutter contre ces pratiques fondées sur le dumping
social. Quand on sait les options ultralibérales de celui-ci et la célérité
qu'il a mise à défendre les intérêts français et européens lors des
négociations qui ont conduit à l'accord de Marrakech, il y a de quoi être
inquiets !
Quand Adidas ferme ses usines de l'est de la France pour les réouvrir en Chine
ou quand Thomson ferme ses unités de production situées dans notre pays pour
les transférer du côté de Singapour ou de la Thaïlande, n'est-ce pas pour faire
une concurrence déloyale à ceux de leurs concurrents qui seraient tentés de
continuer à produire en France ?
De même, pour préserver les profits spéculatifs des géants de la distribution,
le Gouvernement et sa majorité se refusent à agir pour une véritable réduction
des délais de paiement, qui sont une grande injustice pour les agriculteurs
comme pour les petites et moyennes entreprises et qui constituent un type de
concurrence particulièrement déloyale à l'égard du petit commerce, lequel paie
très souvent au comptant les produits qui lui sont livrés.
Le pouvoir se contente donc d'agir à la marge en préconisant des actions
destinées notamment à clarifier les modalités de facturation, à favoriser le
bon fonctionnement et l'action du conseil de la concurrence, à lutter contre la
revente à perte, contre les prix « abusivement bas », ou à réglementer la
périodicité et la durée des promotions concernant les produits alimentaires
périssables.
Malgré les promesses de M. Vasseur, le texte en discussion ne comporte
toujours pas de véritable volet agricole, et les deux petits décrets qu'il a
pris pour permettre les ententes professionnelles aux agriculteurs en cas de «
perturbations graves du marché » et pour permettre un « développement coordonné
» des productions de qualité bénéficiant d'un label ou d'un signe de
reconnaissance de qualité demeurent très insuffisants.
Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale reste donc timoré, et nous
ne pouvons, par exemple, que nous étonner qu'on protège, à juste raison,
l'industrie du disque et qu'on ne le fasse pas pour les distributeurs de
carburants, qui contribuent pourtant au maintien de l'activité économique à la
campagne et qui sont également victimes de pratiques commerciales déloyales de
la part des grandes surfaces.
Nous regrettons que l'article 6 du projet de loi, qui ouvrait le droit des
organisations consulaires ou représentatives de consommateurs, ait été
supprimé.
Enfin, nous insistons de nouveau sur le caractère très laxiste des peines
appliquées à ceux qui mettent en oeuvre des pratiques déloyales, alors que
celles que l'on prévoit d'infliger aux vendeurs à la sauvette nous semblent
tout à fait disproportionnées.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles, en plus des arguments
développés par Félix Leyzour lors de la première lecture, le groupe communiste
républicain et citoyen ne pourra se prononcer en faveur de ce projet de loi et
maintiendra son vote d'abstention.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai en
quelques mots aux différents intervenants.
M. le rapporteur connaît la réflexion générale que nous menons en matière de
carburants : il sait que nous divergeons non pas sur la philosophie, mais sur
les méthodes qui permettront de régler le problème.
Il sait également que, s'agissant de l'exception d'alignement, nous avons des
points de convergence et que les différences entre nous portent sur
l'application du dispositif. Mais nous y reviendrons au cours de l'examen des
amendements.
M. le rapporteur pour avis s'est étonné que nous n'étendions pas à d'autres
produits le dispositif que nous avons accepté pour le disque. Je rappellerai la
convergence qu'il y a eu sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée pour
se battre pour l'exception culturelle, et je ne vois pas en quoi on peut
élargir cette dernière à un ensemble de produits !
M. Hyest m'a interrogé sur les prix abusivement bas concernant le code des
marchés publics, et je tiens à le rassurer à cet égard. Je tiens à lui dire
combien je suis de son avis quand il dit que bien réglementer, c'est assurer la
liberté du commerce, en particulier pour les consommateurs.
Monsieur Garcia, les décrets dont vous attendez la parution ont été publiés
mardi dernier !
Vous avez indiqué que, s'agissant du carburant, je m'étais engagé, à
l'Assemblée nationale, à trouver avant la fin de l'année des solutions, qui
auraient leur traduction budgétaire. J'aurai l'occasion d'aller plus avant sur
ce point lors de la discussion des articles.
Madame Borvo, vous ne pouvez pas dire que nous nous en remettons à sir Leon
Brittan pour régler le problème du dumping social ! En effet, s'il y a un pays
qui est engagé sur le plan du dumping social et de la concurrence loyale en
matière internationale, c'est bien la France ! Vous en avez encore eu récemment
une démonstration avec l'attitude et l'engagement du Président de la République
à Genève, qui ont entraîné un certain nombre d'autres pays. Nous avons
l'intention d'aborder ces problèmes lors du sommet de l'Organisation mondiale
du commerce à Singapour, en décembre prochain.
C'est donc un vrai sujet sur lequel la France est non pas à la remorque de la
Commission européenne, mais
leader
sur le plan international.
Mme Nicole Borvo.
Nous verrons à Singapour !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er C
M. le président.
« Art. 1er C. - Au début de la dernière phrase du troisième alinéa de
l'article 10 de la même ordonnance, après les mots : "Ces pratiques",
sont insérés les mots : ", qui peuvent consister à organiser, sous une
même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la
politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession
commun,". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Jean-Jacques Robert, au nom de la
commission des affaires économiques.
L'amendement n° 18 est déposé par M. Hyest, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Le Sénat avait supprimé cet article par lequel l'Assemblée
nationale avait, d'une part, inséré l'objectif d'emploi dans l'article 10 de
l'ordonnance et, d'autre part, fait bénéficier d'une telle exemption les
pratiques consistant à organiser les volumes et la qualité de production, ainsi
que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession
commun, ce qui est grave.
L'Assemblée nationale a souhaité rétablir cet article, en renonçant cependant
à insérer l'objectif d'emploi, difficile à déterminer, partageant sur ce point
la position du Sénat. Elle a repris le 2° de l'article qu'elle avait adopté en
première lecture, en précisant cependant que les pratiques visées le sont sous
une même marque ou enseigne.
La commission des affaires économiques et du Plan rappelle que les ententes
relatives au prix ou à son mode de calcul sont systématiquement pourchassées et
que l'adoption de ce texte serait la porte ouverte à toutes les ententes
abusives. C'est pourquoi elle propose de supprimer cet article.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
18.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, les arguments de M. le
rapporteur sont tout à fait pertinents. J'ajouterai que la disposition contenue
dans l'article 1er C est contraire à l'article 85-3 du traité sur l'Union
européenne et à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 et 18 ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
L'avis du Gouvernement est conforme à celui des deux
commissions. En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale pourrait
générer beaucoup d'illusions. J'ajoute que des ententes à objet
anticoncurrentiel ne sont jamais exemptables, car les critères fixés à
l'article 10 de l'ordonnance ne peuvent pas être réunis.
Je rappelle que la jurisprudence du conseil de la concurrence permet déjà très
largement des politiques communes sous une même enseigne, y compris des
politiques de prix de vente aux consommateurs.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements
identiques n°s 3 et 18.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 3 et 18, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er C est supprimé.
Article 1er DA
M. le président.
L'article 1er DA a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais je suis saisi de trois amendements identiques tendant à le rétablir.
L'amendement n° 4 rectifié est présenté par M. Jean-Jacques Robert, au nom de
la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 1 est déposé par M. Moinard.
L'amendement n° 23 est présenté par MM. César, de Menou, Gérard, Gerbaud,
Doublet, François, Debavelaere, Le Grand, Besse, Pluchet, Valade, Vasselle et
Rigaudière.
Tous trois visent à rétablir l'article 1er DA dans la rédaction suivante :
« Au début du dernier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er
décembre 1986 précitée, après les mots : "certaines catégories
d'accord" sont insérés les mots : "ou certains accords". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Le Sénat avait introduit cet article 1er DA, de façon à
étendre le bénéfice des décrets d'exemption aux simples accords, alors que
ceux-ci ne peuvent, jusqu'à présent, porter que sur des catégories
d'accords.
Sur proposition de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a supprimé
cet article. La commission des affaires économiques vous propose de le rétablir
dans la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture.
M. le président.
L'amendement n° 1 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 23 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 rectifié ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Cet amendement concerne la suppression de l'exemption
individuelle. Le Gouvernement est d'accord avec la commission : les décrets
d'exemption ne peuvent concerner que des catégories d'accords, et non pas des
exemptions individuelles. Il faut éviter d'entrer dans le cadre d'une économie
administrée.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article Ier DA est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er D
M. le président.
« Art 1er D. - Il est inséré, après l'article 10 de la même ordonnance, un
article 10-1 ainsi rédigé :
«
Art. 10-1.
- Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix
de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production,
de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques
ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher
d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits.
« Les coûts de commercialisation comportent également et impérativement tous
les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à la
sécurité des produits.
« Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à
l'exception des enregistrements sonores reproduits sur supports matériels. »
Sur l'article la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Avec cet article, nous abordons la difficulté clé de cette deuxième lecture ;
qui tend à trouver un point d'équilibre : l'extension aux carburants de
l'interdiction de revente à un prix abusivement bas.
Dans le projet initial, le Gouvernement avait introduit une incrimination,
inconnue dans l'ordonnance de 1986, qui tendait à interdire la revente des
produits transformés par le distributeur à un prix abusivement bas.
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement -
l'amendement « Le Fur » - visant à étendre cette interdiction aux carburants
lorsqu'il s'agit d'un produit revendu en l'état.
D'après le compte rendu analytique de l'Assemblée nationale, le Gouvernement
s'est prononcé contre cet amendement et a fait supprimer cette disposition en
deuxième lecture. Notre éminent rapporteur, M. Jean-Jacques Robert, nous
propose de la réintroduire.
Je me permettrai de faire la synthèse des arguments avancés, puisque,
finalement, ce que nous recherchons, c'est un terrain d'entente et un point
d'équilibre.
Le Gouvernement est opposé à l'extension aux carburants de la notion de prix
abusivement bas, parce qu'il pense que le dispositif proposé ne serait pas de
nature à sauver les pompistes en milieu rural : d'une part, la mesure serait
inefficace, parce que les marges de la grande distribution sont bénéficiaires
sur l'essence ; d'autre part, son application serait difficile, dans la mesure
où le conseil de la concurrence, dont relève cette nouvelle disposition, se
montre très réservé, considérant que de tels contrôles tombent déjà sous le
coup de la revente à perte, qui est de la compétence du juge pénal.
De surcroît, si nous entrons dans ce système, nous nous trouvons en totale
contradiction avec l'ordonnance de 1986, ce qui serait défavorable aux
consommateurs.
Pour ma part, je souhaite que l'on trouve une solution qui nous permette de
sortir de cette situation.
Monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, vous avez dit qu'il était
possible d'envisager d'intensifier et de redéployer les aides du fonds
d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des
activités artisanales et commerciales, le FISAC, de développer la polyactivité
des stations-service et de mieux intégrer les notions de sécurité et de
service, par exemple en exigeant du personnel à la pompe.
Notre collègue M. Jean-Jacques Robert souhaiterait réintroduire la mesure
proposée dans l'amendement « Le Fur ».
Aujourd'hui, le Gouvernement et la commission sont d'accord sur deux points,
me semble-t-il : d'une part, la situation dramatique des petits pompistes
provient du fait que leurs prix sont trop élevés par rapport à ceux des grandes
surfaces, sans que pour autant celles-ci revendent l'essence à perte dans la
plupart des cas ; d'autre part, dans le cadre de l'aménagement du territoire,
un maillage adapté des stations-service doit impérativement être préservé ; au
Sénat, nous y sommes très attachés.
Ma question sera simple, monsieur le ministre : quel engagement pouvez-vous
prendre aujourd'hui devant le Sénat pour rapprocher nos positions et aider, de
façon définitive, les stations-service en milieu rural ? Serait-il possible de
mettre en place un système efficace qui pourrait éventuellement s'inspirer
d'une forme de péréquation ? J'aimerais que vous apportiez une réponse à cette
question, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
Tout d'abord, je voudrais rappeler l'exemple qu'a donné tout à l'heure M.
Garcia, un peu sous forme de boutade ou d'anecdote. Il a dit que son garagiste
allait faire le plein de son caddy dans les grandes surfaces. Je serais tenté
de lui répondre ceci : ce brave garagiste qui éprouve des difficultés pour
joindre les deux bouts procédera souvent à ses achats de première nécessité là
où les produits sont les moins chers s'il peut ainsi réaliser quelques
économies ;
a contrario,
s'il gagnait correctement sa vie, il
effectuerait probablement ses achats de première nécessité chez les commerçants
de sa commune.
Ensuite, je tiens à préciser que, en première lecture, les deux assemblées
avaient voté un texte identique. Les députés comme les sénateurs étant
représentatifs des intérêts des consommateurs et de l'ensemble de la population
du territoire, il est curieux qu'ils aient voté le même texte !
Depuis, l'Assemblée nationale a légèrement changé d'avis et, à l'instant, mon
ami Roland du Luart proposait de trouver un terrain d'entente. Je veux bien le
rejoindre, mais à la condition que cela ne se traduise pas par une aumône pour
ceux qui vendront de l'essence sur l'ensemble du territoire.
Dans quelle situation nous trouvons-nous ?
A la commission des affaires économiques, nous travaillons, depuis de
nombreuses années, sur l'aménagement du territoire. Malgré les mesures que nous
proposons, la désertification est de plus en plus grande et les petits
commerces ferment.
J'ai été pendant longtemps président de coopérative et je sais combien il est
difficile de discuter avec les représentants des grandes surfaces : c'est le
pot de terre contre le pot de fer ! Face à un représentant de grande surface,
le petit producteur n'a aucun pouvoir. Il doit passer sous les fourches
caudines de celui qui prétend défendre les intérêts du consommateur, alors que,
en fait, il défend son portefeuille et les sommes importantes qu'il pourra
économiser pour reprendre la grande surface voisine ou pour étendre son pouvoir
politique.
Vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre, des problèmes agricoles
: il semble effectivement
a priori
que le texte que nous examinons les
résolve, en tout cas en grande partie.
Toutefois, cette semaine, nous avons reçu des lettres des représentants des
petits distributeurs de carburant - c'est normal - et des organismes de
consommateurs. Ils ont posé une question qui m'effraie : que deviendront les
super-bénéfices que les pétroliers dégageront, dans la mesure où les grandes
surfaces vendront le carburant au même prix que les pompistes ? Cette question
m'affole. La situation est complètement démentielle.
Si les pompistes obtenaient le carburant au même prix que les grandes
surfaces, ils pourraient dégager un bénéfice qui leur permettrait de vivre. Or,
actuellement, la plupart des pompistes paient le carburant plus cher qu'il
n'est vendu dans les grandes surfaces. Voilà qui est absolument aberrant et
anormal !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Tout à fait !
M. Michel Souplet.
En tout état de cause, le pétrolier devrait livrer le pompiste au même prix
que la grande surface : ce n'est pas parce qu'on achète 5 000 litres au lieu de
100 000 que l'on doit payer le carburant plus cher !
J'ai discuté avec les pétroliers lorsque j'ai défendu la filière du carburant
agricole, et je les connais donc bien : ils ne sont pas faciles. Mais nous
sommes ici pour faire en sorte, d'une part, que l'on maintienne des petits
commerces sur l'ensemble du territoire, d'autre part, que l'on permette à des
gens honnêtes de gagner leur vie normalement dans des conditions de concurrence
loyales. Or, ce n'est pas en permettant à des grandes surfaces de réaliser des
bénéfices phénoménaux qui leur donnent les moyens de reprendre n'importe quoi
dans n'importe quelles conditions que l'on sauvera la vie rurale et qu'on
favorisera l'aménagement harmonieux du territoire.
Il est donc impératif, à mes yeux, que nous maintenions le texte dans la
rédaction que nous avions adoptée en première lecture et que nous le défendions
jusqu'en commission mixte paritaire.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Je ne souhaite pas intervenir dans le débat qui
s'instaure sur le prix de vente des carburants. En fait, je vous avais posé une
question, monsieur le ministre, à laquelle vous n'avez pas répondu.
Les dispositions du projet de loi s'appliquent aux prix de vente pour les
consommateurs. J'ai évoqué le problème du loueur d'ouvrages à l'occasion de
l'examen de cet article ; j'avais même pensé déposer un amendement sur ce
sujet. C'est d'ailleurs tout à fait dans l'esprit du rapport de mars 1996 de la
mission parlementaire sur la réforme des marchés publics, laquelle proposait de
rendre obligatoire la suppression des offres abusivement basses, qui est
aujourd'hui facultative.
Je souhaite simplement obtenir une précision sur ce point, monsieur le
ministre.
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de rédiger ainsi le dernier alinéa du texte
présenté par l'article 1er D pour l'article 10-1 de l'ordonnance précitée :
« Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à
l'exception de la vente de carburants au détail et des enregistrements sonores
reproduits sur supports matériels. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Il s'agit là du point essentiel du débat.
Nous nous trouvons face à une situation clairement définie : monsieur le
ministre, comme nous tous qui siégeons sur les travées de cette assemblée, vous
cherchez - j'en suis intimement convaincu - le moyen de répondre à une
injustice particulièrement flagrante.
En effet, les grandes surfaces pratiquent un prix de vente au détail du
carburant qui donne satisfaction à nos concitoyens, mais qui est nettement plus
bas que celui des distributeurs qui assurent le maillage de notre territoire
hors du champ des grandes villes.
Cependant, personne parmi nous n'a pensé à une situation équivalente, celle
des stations-service autoroutières, parce que l'on considère que l'autoroute
appartient aux grands de ce monde : l'essence y coûte le même prix que chez le
petit pompiste, voire plus cher, en raison des charges qui sont imposées par
les sociétés d'autoroute.
On aboutit ainsi à un phénomène tout aussi injuste : certains gérants de
stations-service autoroutières, malgré quelques compensations apportées par la
tenue de magasins, sont autant pris à la gorge que le sont les 6 000 pompistes
qui sont aujourd'hui l'objet de notre attention.
En attendant d'autres initiatives à l'Assemblée nationale, vous avez fait une
proposition faisant intervenir le FISAC, monsieur le ministre : 1,3 milliard de
francs seraient effectivement collecté et 600 millions de francs seraient
conservés par le ministre des finances. Toutefois, les règles d'application du
FISAC ne permettront pas, me semble-t-il - nous en avons discuté à la
commission des affaires économiques, où nous connaissons très bien ce
dispositif - d'apporter une réponse satisfaisante.
Comme nous sommes convaincus que cette mesure n'aurait été qu'un gadget, nous
avons prolongé la discussion pour trouver une solution face à cette situation
qui nous trouble et qui nous inquiète.
Chacun d'entre nous sait combien nous avons connu de désillusions lorsque nous
avons présenté des projets d'aménagement du territoire qui n'aboutissaient pas,
combien les promesses qui nous ont été faites n'ont pas été tenues. Or, nous
sommes là au coeur de l'aménagement du territoire : lorsque nous roulons à
Lyon, à Paris ou à Toulouse, nous n'avons pas d'inquiétude à avoir vis-à-vis de
la gestion de notre carburant ; dès que nous sommes appelés dans des régions
plus reculées de province, nous savons combien il est dangereux de parcourir
fût-ce cinquante kilomètres la nuit si notre jauge d'essence vire au rouge. Et
c'est bien la concurrence qui entraîne la disparition des pompes !
Il n'est pas possible d'exciper de la procédure de la revente à perte, dans la
mesure où les carburants ne sont qu'exceptionnellement revendus à perte, et il
n'y a absolument rien dans l'ordonnance de 1986 pour répondre aux conséquences
des progrès de la distribution moderne, qui affectent des pans entiers de la
petite distribution et qui frappent les travailleurs et les distributeurs de ce
secteur d'activité.
Certes, grâce à vous, monsieur le ministre, nous allons avoir la procédure des
prix abusivement bas. De quoi s'agit-il ? D'une formule qui permet d'examiner
dans le détail les éléments constitutifs d'un prix. De la sorte, on va plus
loin que la revente à perte ; en effet, si vous vendez en dessous du prix
auquel vous avez acheté, vous êtes sanctionnable ; mais la vente ne se fait pas
toujours à perte, et des éléments de toutes sortes entrent dans le prix du
carburant dans les grandes surfaces, que nous ne connaissons pas.
Qui peut agir dans ce domaine ? C'est le conseil de la concurrence, qui va
sanctionner les plaintes pour prix abusivement bas. D'un mot simple, pour que
l'on me comprenne bien, il s'agit d'un contrôle fiscal approfondi, donnant lieu
à la sanction du conseil national de la concurrence.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, j'ai du mal à vous suivre, comme
j'ai d'ailleurs du mal à suivre les consommateurs - mais j'en parlerai tout à
l'heure. En effet, malgré tous vos efforts, je n'arrive pas à être convaincu
que les prix abusivement bas vont entraîner une hausse du prix des carburants.
Le fait, en cas de prix abusivement bas, d'être sous la menace d'un contrôle ou
d'une sanction n'est pas, à mon sens, de nature à entraîner une hausse des prix
de l'essence.
Au demeurant, monsieur le ministre, la dernière augmentation de la TVA sur les
carburants n'a pas entraîné, que je sache, un tollé tel que celui qu'a provoqué
la mesure que nous souhaitons aujourd'hui pour assainir le marché !
Les consommateurs soutenant ce point de vue, je leur dédie donc, d'une part,
la dernière hausse de la TVA, contre laquelle personne n'a bougé, et, d'autre
part, l'instauration de ces contrôles, qui ne vont certainement pas générer une
augmentation des prix à la distribution.
Enfin, pour remédier à la disparition quotidienne des pompes à essence hors
des grandes villes, vous proposez une formule nouvelle. J'en ai entendu parler,
mais je n'en connais pas le détail.
En l'état, je maintiens donc mon amendement, car je n'ai aucune raison de me
raviser et de modifier la position qu'unanimement la commission des affaires
économiques et du Plan m'a donné mission de défendre. Si, comme vous l'avez
laissé entendre - non pas dans les médias, mais à la tribune - des éléments
sérieux sont de nature à emporter notre conviction, vous pourrez compter sur ma
bonne foi. Cependant, je ne m'engage pas en l'instant à retirer mon
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur de
la qualité des propos qu'il vient de tenir. Il s'agit d'un sujet difficile, sur
lequel nous nous ferons les uns et les autres, j'imagine, le crédit de penser
que nous poursuivons exactement le même objectif.
Nous voulons élaborer des mesures efficaces pour l'aménagement de notre
territoire et, en la circonstance, pour le maintien de stations-service et de
pompistes dans nos zones rurales et semi-urbaines. En la matière, nous partons
de loin et il est vrai que, depuis un certain nombre d'années, nous sommes
passés de 40 000 à 20 000 pompistes.
Chacun a présenté son analyse de la situation, et je voudrais vous livrer, en
ce qui me concerne, une réflexion préalable.
L'amendement sur les prix abusivement bas - je pense en particulier aux
interventions de MM. Michel Souplet et Jean-Jacques Robert à ce sujet - est-il
de nature à régler le problème ?
S'il le peut, c'est donc qu'il doit avoir une incidence sur les prix. Je
m'interroge alors et je me tourne vers M. le rapporteur, qui a du mal à croire
qu'une telle mesure peut entraîner une hausse du prix des carburants. Nous
savons parfaitement, en effet, qu'il existe une marge de l'ordre de vingt
centimes en moyenne sur le prix du carburant dans les grandes surfaces. Nous
savons aussi que, partout où le carburant serait vendu à perte, factures à
l'appui, les responsables seraient impitoyablement poursuivis, et la loi que
nous sommes en train d'élaborer nous donnerait des moyens accélérés de le
faire. Mais si, compte tenu de cette marge, la mesure devait n'avoir aucune
incidence sur les prix à la pompe, elle serait alors totalement inefficace.
Sur ce point, j'ai une divergence d'interprétation avec M. Souplet au sujet de
la lettre de l'association de consommateurs à laquelle il a fait référence. Les
consommateurs font simplement l'analyse suivante : il est vendu, dans les
grandes et moyennes surfaces, 17 millions de mètres cubes de pétrole. Si,
contrairement à ce que nous pouvons penser, les prix abusivement bas avaient
une incidence de l'ordre de 7 à 10 centimes en moyenne par litre sur les prix à
la pompe, cela aurait une répercussion non pas sur le prix d'achat de la grande
distribution - personne ne le pense - mais sur le prix de vente, qui subirait
alors cette marge minimum imposée de 7 à 10 centimes. Cette marge
supplémentaire, de l'ordre de 1 200 millions de francs à 1 700 millions de
francs, profiterait donc, de ce fait - les consommateurs ont raison - à la
grande distribution.
C'est pourquoi les consommateurs, dans une lettre que vous avez reçue et qui a
été signée par pratiquement l'ensemble de leurs organisations, ont exprimé
leurs préoccupations sur ce que pourrait être l'incidence d'une telle mesure
sur les prix.
Il existe une association très représentative que vous connaissez tous,
l'association Familles rurales. Je recevais, pour d'autres motifs, ses
dirigeants hier. Elle est très engagée, inutile de vous le dire, dans tout ce
qui a trait à l'aménagement du territoire en zone rurale, et je voudrais vous
donner connaissance de certains de ses propos : « On ne peut être que favorable
au soutien des activités commerciales en milieu rural, notamment au soutien des
petits pompistes. Cependant, ce soutien ne peut pas résulter de la seule
modification du droit de la concurrence, en particulier si cela se traduit par
le renchérissement des prix des carburants dans la grande distribution supporté
par l'ensemble des consommateurs. Le pompiste doit, dans la mesure où, d'une
part, son activité sera soutenue et où, d'autre part, l'offre n'est pas
satisfaite localement, développer d'autres services et d'autres activités pour
mieux répondre aux besoins des familles, et ainsi rester attractif. »
Nous sommes là au coeur du débat qui nous occupe !
Je rappelle que Familles rurales représente 175 000 familles adhérentes et
que, s'il est une association qui ne suscite aucune suspicion quant à la
volonté commune de ses membres, c'est bien celle-là.
Vous connaissez les écarts de prix qui sont actuellement constatés ; les
raisons en ont été excellement rappelées par M. le rapporteur ainsi que par
différents intervenants. S'il est vrai que nos pompistes vendent plus chers que
les grands distributeurs n'achètent,...
M. Michel Souplet.
Il achètent plus cher !
M. Yves Galland
ministre délégué.
Oui, ils achètent plus cher, effectivement,
pardonnez-moi. Mais nous n'avons, je pense, ni les uns ni les autres,
l'espérance de pouvoir harmoniser les conditions dans lesquelles sont effectués
les achats ! Ce serait une illusion, les pétroliers qui sont engagés dans cette
affaire ne nous laisseraient pas faire et nous nous trouverions dans une
situation unique au monde.
Cela étant, les propos de M. le rapporteur concernant les stations
autoroutières sont parfaitement exacts. Il y a simplement une différence
fondamentale qui nous préoccupe : les stations autoroutières connaissent des
difficultés mais elles ont un gros débit, alors que nos stations de campagne
subissent les mêmes difficultés avec un petit débit. Leurs difficultés ne sont
pas exactement de même nature et elles appellent une analyse différente.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Cela doit nous inquiéter aussi !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Tout doit nous inquiéter !
J'ai pris l'engagement, au nom du Gouvernement, devant l'Assemblée nationale,
de réfléchir et de rechercher des solutions efficaces, que j'ai qualifiées de
positives et de constructives, avant l'examen du projet de loi de finances.
Pourquoi avant l'examen du projet de loi de finances ? Parce que,
naturellement, seuls peuvent intervenir des mécanismes financiers, lesquels
comme vous l'avez opportunément souligné, monsieur le rapporteur, ne doivent
pas être réduits à des aumônes. Ce serait inconcevable : j'ai parfaitement
conscience qu'il s'agit d'une profession où les conditions de la concurrence
sont loyales, d'une profession qui ne demande pas l'aumône.
Mais ne nous leurrons pas : quoi qu'il en soit, ce dispositif aura des
répercussions financières, dans un sens ou dans un autre.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, pour considérer que le
FISAC n'est pas une procédure adaptée et qu'elle ne saurait apporter une
solution aux problèmes de fond. Il faut avoir conscience que cette perspective,
qui ne doit cependant être ni négligée ni marginalisée, n'apportera pas la
solution que nous souhaitons.
Comme vous et comme Familles rurales, je considère que le débat sur
l'aménagement du territoire nous a valu quelques déceptions, tant le sujet est
difficile.
Je suis convaincu que l'une des voies possibles est un encouragement à la
pluriactivité.
Je retiens ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur : j'aurais une
proposition nouvelle à vous présenter ; vous seriez prêt à l'étudier, mais vous
attendriez un engagement de ma part. Cela est tout à fait légitime.
Eh bien, je suis prêt à prendre un engagement ferme et très précis.
En analysant le sujet qui nous occupe, j'ai fait une découverte qui, je
l'avoue, m'a surpris. La taxe sur les grandes surfaces, qui est acquittée par
tous les magasins de plus de 400 mètres carrés, est assise sur la surface de
vente. Or, actuellement, les surfaces consacrées à la vente de carburant ne
sont pas comprises dans cette assiette.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Ah !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
J'entends le rapporteur pour avis s'étonner de cette
situation. Je dois vous dire que j'ai moi-même été très surpris, et vous faites
probablement tous cette découverte avec moi.
Il est tout à fait anormal, alors que nous constatons une distorsion de
concurrence qui met une profession en difficulté, que les aires consacrées à la
distribution de carburants échappent à la taxe sur les grandes surfaces !
M. Roland du Luart.
Incroyable !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je vais vous donner des chiffres précis, car, si je
prends des engagements précis, ce n'est pas pour que vous vous prononciez dans
le vague : 3 800 stations-service qui dépendent d'hypermarchés, de supermarchés
ou de commerces de plus de 400 mètres carrés sont concernées, puisque ce sont
ceux-là qui paient la taxe sur les grandes surfaces. La moyenne d'une
superficie de station-service est de quelque 120 à 150 mètres carrés. Ce sont
donc plus de 500 000 mètres carrés de superficie commerciale qui sont exemptés
de fait de la taxe sur les grandes surfaces. Sachant que le taux de la taxe est
de 58 francs le mètre carré, cela représente un volume d'au moins 30 millions
de francs.
Maintenant, je voudrais m'arrêter quelques instants sur l'autre partie du
dispositif qui concerne les stations-service rurales. Comme je l'ai dit
précédemment en réponse à M. le rapporteur, il me semble nécessaire de retenir
des priorités, car les difficultés des 20 000 stations-service rurales sont de
nature différente. En effet, certaines stations ont un volume faible
d'activité, d'autres un volume en développement, d'autres encore une
possibilité de pluriactivité. En tout cas, toutes sont un élément d'aménagement
du territoire fondamental, surtout dans des zones qui sont en voie de
désertification.
C'est pourquoi il me semble qu'il faudrait concentrer notre action sur les
stations-service - mais je reste ouvert à toutes les propositions des
professionnels intéressés comme des parlementaires compétents - qui ont un
débit faible, de l'ordre de 500 à 600 mètres cubes par an.
Cette première réflexion m'amènerait à retenir 3 000 stations-service sur les
20 000. Il est possible, monsieur le rapporteur, qu'en retenant d'autres
paramètres de fragilité, qui restent à définir, on prenne en considération 1
000 à 2 000 stations-service supplémentaires.
Je prends donc l'engagement suivant : étendre la taxe sur les grandes surfaces
aux stations-service des grandes surfaces ; en confier la gestion au comité
professionnel de la distribution du carburant selon des procédures que nous
déterminerons ensemble ; sur la base des critères de compétitivité, procéder à
une péréquation, pour reprendre le terme employé par M. du Luart tout à
l'heure.
M. Roland du Luart.
A ce moment-là, ce n'est pas une aumône !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Effectivement ! Il serait donc procédé à une
péréquation entre ceux qui, aujourd'hui, jouissent de conditions d'exploitation
exceptionnelles et ceux qui ont des difficultés.
Je prends là, véritablement, un premier engagement. Les choses évoluent donc
rapidement puisque, voilà moins de quinze jours, devant l'Assemblée nationale,
je n'avais pris qu'un engagement générique pour le prochain projet de la loi de
finances ; aujourd'hui, je prends un engagement précis.
Ainsi, ceux qui sont à l'origine de ces distorsions de concurrence, les
grandes surfaces, alimenteront un fonds dont les sommes seront ensuite
réparties par péréquation.
Monsieur le rapporteur, j'espère avoir été complet sur l'ensemble de la
réflexion philosophique qui nous anime et les moyens d'y répondre. Il s'agit de
la première mesure concrète sur laquelle je prends un engagement ferme - la
première - et tout notre débat montrera bien qu'elle sera positive. Elle ne
lèsera pas les consommateurs ; elle ne frustera pas les pompistes des zones
rurales.
Voilà ce que je vous propose. Sur la base de cet élément, je vous demanderai
donc de bien vouloir accepter de retirer votre amendement, étant à votre
disposition, naturellement, pour répondre instantément à toutes les questions
complémentaires que vous voudriez me poser.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même ne doutons
jamais de votre bonne foi quand vous prenez un engagement. D'ailleurs, nous
avons déjà eu deux occasions de le vérifier depuis la première lecture devant
le Sénat et la deuxième devant l'Assemblée nationale.
Votre proposition est certes intéressante, mais elle suscite cependant deux ou
trois commentaires, qui sont également des interrogations.
Six à huit mille stations-service sont en grande difficulté et on va en
retenir trois mille cinq cents. Que vont devenir les autres ?
Je ne savais pas que les aires de distribution de carburants des grandes
surfaces n'étaient pas assujetties à la taxe sur les grandes surfaces. Les y
soumettre relève de la simple équité, et je ne discuterai pas sur ce point.
Le montant des recettes que vous pouvez attendre de cette extension de taxe,
selon vos calculs, serait de 30 millions de francs, soit quelque 10 000 francs
par station-service retenue. Sera-ce suffisant pour éviter la disparition des
petits distributeurs ? Les causes des difficultés subsisteront et ce ne sont
pas ces 10 000 francs qui amélioreront les conditions de l'exploitation.
Quant au FISAC, vous savez comme moi qu'il est difficile d'y recourir. Mais
l'appât est tout de même considérable : il y a 600 millions de francs qui
dorment ! Peut-être pourrait-on envisager d'établir un programme pour doubler,
par exemple, le produit de l'extension de la taxe, afin de réagir face à une
situation nationale catastrophique qui émeut tout le monde et qui, passez-moi
l'expression, nous prend aux tripes parce que nous connaissons ces petits
distributeurs chez qui, quand nous quittons le Sénat, nous nous fournissons en
essence le samedi, le dimanche et le lundi. Nous sommes donc en prise directe
avec les problèmes de ces commerçants et on ne peut pas les abandonner : 30
millions de francs, cela paraît beaucoup, mais ce n'est pas suffisant.
En triplant ce chiffre, on arriverait à 90 ou 100 millions de francs. Les
fonds existent, il n'y a pas à les trouver, et nous voudrions obtenir une
garantie quant à l'utilisation de crédits dont vous disposez déjà.
L'ensemble de ces considérations, compte tenu de l'importance du sujet, me
conduisent, monsieur le président, à demander une suspension de séance, avant
de prendre une décision.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je tiens à dire combien j'apprécie l'ouverture d'esprit
de M. le rapporteur. Je comprends bien ses interrogations, et même je les
partage.
Dans son intervention liminaire, M. le rapporteur a indiqué quels étaient ses
doutes sur l'efficacité de la répression de la pratique des prix abusivement
bas.
Il a toutefois bien voulu estimer que mon dispositif était bon dans son
principe, bien que la somme, de son point de vue, soit insuffisante.
Il me disait également, tout à l'heure, qu'il n'était pas sûr qu'il aurait pu
obtenir autant par le biais de son amendement, puisqu'il ne connaissait pas les
répercussions de la mesure qu'il proposait. De toute façon, il n'y aurait pas
eu de péréquation.
Je voudrais tout d'abord dire que, en ce qui concerne le nombre de
stations-service, j'ai pris un engagement que je tiendrai. Le Gouvernement doit
gérer cela avec les professionnels. On ne peut pas considérer que les problèmes
soient homogènes pour les 20 000 stations qui actuellement existent,
certainement pas ! Certaines stations sont plus fragiles que d'autres et
connaissent des situations spécifiques, selon qu'elles sont implantées en zones
rurales, en zones défavorisées ou en zones en voie de désertification, voire
selon les débits. Bref, un certain nombre de paramètres sont à prendre en
compte, et c'est avec les professionnels et vous-mêmes qu'ils le seront.
Vous avez indiqué ce que pourraient être l'orientation financière, la
répartition et la péréquation par pompiste en vous posant la question de savoir
si le seuil serait ou non suffisant. C'est malgré tout la première fois - il ne
s'agit nullement d'une aumône, mais d'une juste répartition et péréquation -
que se dessine une perspective financière dans cette direction.
Vous me demandez s'il ne serait pas possible d'augmenter la somme. C'est là
que vous reprenez au bond le FISAC, en disant que ce dernier dispose d'une
marge de manoeuvre qui pourrait précisément permettre cette augmentation.
Monsieur le rapporteur, on est crédible quand on prend les engagements que
l'on est sûr de tenir. Le seul que je suis précisément certain de tenir dans le
prochain projet de loi de finances est celui que j'ai pris.
Je m'engage - c'est un autre type d'engagement, et vous comprendrez pourquoi,
connaissant mes responsabilités ministérielles, ainsi que les domaines de
compétence de chaque membre du Gouvernement - à essayer de voir comment,
puisque je vous ai parlé de 30 millions de francs minimum, nous pourrions
abonder ce fonds.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, maintenez-vous votre demande de suspension de séance
?
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaite
auparavant préciser ma pensée.
Je dis que le FISAC doit intervenir parce que l'argent existe qu'il est
employé à d'autres fins que celles auxquelles il était destiné.
Ces fonds peuvent permettre la mise en place immédiate d'un programme. Il
suffit que le Gouvernement s'y engage avec vous, comme il l'a fait dans
d'autres domaines. C'est ce qui nécessite, d'ailleurs, cette suspension de
séance.
Je souhaite que le Gouvernement prenne, devant la Haute Assemblée,
l'engagement ferme que 60 millions ou 70 millions de francs seront pris sur le
FISAC et accordés, dans le cadre de l'aménagement du territoire, aux pompistes
en difficulté.
Cela étant dit, je maintiens ma demande de suspension de séance.
M. le président.
Le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande, monsieur le rapporteur,
afin de permettre à la commission de se réunir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept
heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Monsieur le président, durant cette suspension de séance, la
commission a réfléchi sur les propositions nouvelles présentées par M. le
ministre et sur les engagements précis qu'il a pris.
La commission considère que les propositions qui ont été faites sont un
premier pas dans le cadre d'une politique de l'aménagement du territoire, mais
qu'elles doivent être développées afin de répondre au problème de la
désertification, dont chacun d'entre nous est conscient, et à l'inquiétude
immense née de la désillusion que la plupart d'entre nous éprouvent, peu ayant
été fait, pour ne pas dire rien, en matière d'aménagement du territoire, malgré
les propositions qui avaient été avancées.
La commission a donc décidé de constituer en son sein un comité de suivi de
vos propositions et de vos engagements, monsieur le ministre, comité dont ne
manquera pas de faire partie le rapporteur de ce projet de loi, afin qu'en
aucun cas la proie ne devienne l'ombre ! En attendant, elle a décidé de retirer
son amendement.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'article 1er D.
M. Michel Souplet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
Après la longue discussion qui s'est déroulée durant la suspension de séance,
j'ai été, je l'avoue, un moment perplexe.
Toutefois, la commission des affaires économiques étant très attachée à
l'aménagement du territoire et son président ayant constitué un comité de suivi
au sein de cette commission qui travaille depuis un an sur ces dossiers, nous
nous rallions, bien sûr, à sa décision de retirer l'amendement n° 5.
Ce comité s'efforcera, avant le prochain projet de loi de finances, de faire
des suggestions précises pour améliorer encore les propositions que M. le
ministre vient de nous faire.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Vos engagements, monsieur le ministre, sont particulièrement flous. Ce qui
serait intéressant, c'est que vous obligiez les compagnies pétrolières à faire
payer le même prix, en prenant sur leurs immenses marges, et les grandes
surfaces à favoriser les petits détaillants, en prenant également sur leurs
marges. Nous nous abstiendrons donc.
M. Bernard Plasait.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Compte tenu de l'objectif qui est le nôtre de maintenir les pompistes sur
l'ensemble du territoire national, la proposition du Gouvernement est bonne et
intéressante. En effet, mieux vaut une solution positive en faveur des petits
distributeurs - ce que permet le mécanisme de péréquation qui sera mis en place
- qu'une mesure négative pénalisant les consommateurs qui paieraient l'essence
plus chère et qui apporteraient ainsi plus d'argent dans les caisses des
grandes surfaces sans que pour autant les petits distributeurs en tirent
bénéfice.
Je souhaite néanmoins que le Gouvernement s'engage à faire en sorte que le
mécanisme qui sera mis en place rapporte plus que les trente millions de francs
espérés par le ministre.
M. Jacques Delong.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong.
Monsieur le ministre, le groupe du RPR se réjouit des explications que vous
avez données à la commission à propos de l'amendement qui soulevait un problème
particulièrement délicat. Vous avez éclairé le débat en resituant le problème
dans le cadre de la loi relative à l'aménagement et au développement du
territoire et de la loi sur la lutte contre la désertification rurale.
La commission a fort bien compris vos propos et M. Jean-Jacques Robert les a
fort bien rapportés à notre assemblée. Je tiens à l'en remercier tout
particulièrement.
Il reste que les modalités pratiques seront maintenant à préciser ; mais cela
relève du proche avenir.
En tout cas, nous nous réjouissons de cette nouvelle pierre solide apportée à
la politique d'aménagement du territoire et de lutte contre la désertifications
rurale.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous
remercier pour le travail de réflexion très approfondi que nous venons de faire
en commun. J'ai pris un engagement très précis, et je tiens à dire, notamment à
Mme Borvo, qu'il ne s'agit pas d'un engagement flou.
Elle souhaite que les grandes surfaces soient taxées sur leurs marges. C'est
exactement la teneur de l'engagement que j'ai pris puisque la taxe élargie que
nous instaurerons sera, bien évidemment, payée par les grandes surfaces, et par
elles seules. C'est, comme l'a dit M. Plasait, une mesure positive et
concrète.
Vous avez dit les uns et les autres, notamment MM. Souplet et Delong, ainsi
que M. le rapporteur, combien vous étiez attachés, comme le Gouvernement, à
l'aménagement du territoire, à la lutte contre la désertification de nos zones
rurales à la modernisation de nos stations-service.
La commission a décidé de constituer un comité de suivi et d'initiative sur la
mesure proposée par le Gouvernement. Je me félicite de cette décision car,
comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je souhaite que nous puissions travailler
avec les parlementaires et les professionnels.
J'ai bien noté que vous souhaitiez un accroissement des moyens et j'ai pris un
engagement ferme à cet égard. Un premier chiffrage a été réalisé, mais c'est
une hypothèse basse. J'ai compris que vous souhaitiez aller plus loin. Je
prends donc l'engagement de travailler dans ce sens pour atteindre les
objectifs que nous nous fixons ensemble : l'aménagement du territoire, grâce à
l'aide accordée par voie de péréquation aux stations-service les plus
défavorisées, celles dont le débit est le plus faible. Cela ne règlera
d'ailleurs pas le problème entièrement. Il faudra envisager d'autres solutions
complémentaires. La pluriactivité en est une, mais nous pourrons en trouver
d'autres.
Pour terminer, je veux me féliciter de la qualité du débat, de ce que nous
partageons la même philosophie, ce qui nous permettra, je pense, de tirer
ensemble des conclusions satisfaisantes d'ici à la fin de l'année.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er D.
(L'article 1er D est adopté.)
Article 1er EB
M. le président.
« Art. 1er EB. - Le premier alinéa de l'article 21 de la même ordonnance est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« La notification des griefs est accompagnée des documents sur lesquels se
fonde le rapporteur. »
Par amendement n° 6, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission
des lois, sous-amendé par le Gouvernement, tendant à compléter l'article 21 de
l'ordonnance de 1986, qui précise la procédure applicable aux affaires portées
devant le conseil de la concurrence. Cet article précise que le conseil notifie
les griefs aux intéressés, qui peuvent consulter le dossier et présenter leurs
observations dans un délai de deux mois, ce qui est d'une complication
inouïe.
Le rapport est ensuite notifié aux parties, accompagné des documents sur
lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par
les intéressés. Les parties disposent ensuite d'un délai de deux mois pour
présenter un mémoire en réponse.
L'article 1er EB prévoit, en outre, que la notification des griefs devrait
être dorénavant accompagnée des documents sur lesquels se fonde le
rapporteur.
L'article 1er EC, quant à lui, prévoit que, en conséquence le rapport ne sera
dorénavant accompagné que des documents qui n'ont pas encore été communiqués au
moment de la notification des griefs, cela afin d'éviter la double
communication de ces documents.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a justifié son amendement par
la nécessité de permettre aux intéressés de prendre connaissance immédiatement
des pièces ayant motivé leur incrimination.
Relevons cependant qu'ils disposent à l'heure actuelle de la possibilité de
consulter l'intégralité du dossier.
Ces dispositions nous semblent comporter d'innombrables inconvénients. Vous
savez que le conseil de la concurrence traite cent vingt dossiers par an et
qu'il dispose d'un nombre limité de rapporteurs pour effectuer son travail
d'investigation.
Par ailleurs, je redoute l'apparition de nombreux contentieux de procédures.
Or, ce qui est intéressant avec le conseil de la concurrence, c'est qu'il juge
le fond. Il ne faudrait pas qu'il soit accaparé par des questions de procédure
!
Je vous fais grâce des autres observations que je pourrais faire. J'espère,
mes chers collègues, vous avoir convaincus des raisons pour lesquelles la
commission vous propose de supprimer l'article 1er EB mais aussi, par avance,
l'article 1er EC.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
La commission souhaite la suppression des dispositions
concernant la procédure de notification des griefs qui ont été adoptées par
l'Assemblée nationale, en raison de la complexité qu'elles engendreraient.
Ces dispositions avaient un avantage dans la mesure où les documents qui
fondent les griefs doivent être transmis dès la notification des griefs. Nous y
voyions un renforcement des droits de la défense. C'est la raison pour laquelle
nous avions accepté la proposition de l'Assemblée nationale.
M. le rapporteur invoque la lourdeur de la procédure, compte tenu des moyens
du conseil de la concurrence.
Pour sa part, le Gouvernement considère que le texte, en l'état, ne soulève
pas de difficulté. Aussi, tout en prenant note des observations formulées, il
s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er EB est supprimé.
Article 1er EC
M. le président.
« Art. 1er EC. - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 21 de la
même ordonnance est ainsi rédigée :
« Il est accompagné des observations faites, le cas échéant, par les
intéressés et des documents sur lesquels se fonde le rapporteur, à l'exception
de ceux déjà communiqués en application du premier alinéa ci-dessus. »
Par amendement n° 7, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'amendement n° 7 vise à supprimer cet article pour les mêmes
raisons que celles que j'ai exposées en faveur de la suppression de l'article
1er EB.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Sagesse !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er EC est supprimé.
Article 1er F
M. le président.
« Art. 1er F. - L'article 28 de la même ordonnance est ainsi rétabli :
«
Art. 28. -
Toute publicité à l'égard du consommateur, diffusée sur
tout support ou visible de l'extérieur du lieu de vente, mentionnant une
réduction de prix ou un prix promotionnel sur les produits alimentaires
périssables, doit préciser la nature et l'origine du ou des produits offerts et
la période pendant laquelle est maintenue l'offre proposée par l'annonceur.
« Toute infraction aux dispositions du premier alinéa est punie d'une amende
de 100 000 F.
« Lorsque de telles opérations promotionnelles sont susceptibles, par leur
ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés, un arrêté
interministériel ou, à défaut, préfectoral fixe, pour les produits concernés,
la périodicité et la durée de telles opérations.
« La cessation de la publicité réalisée dans des conditions non conformes aux
dispositions du présent article peut être ordonnée dans les conditions prévues
à l'article L. 121-3 du code de la consommation. » -
(Adopté.)
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Au troisième alinéa de l'article 31 de la même ordonnance,
les mots : "ainsi que tous rabais, remises ou ristournes dont le principe
est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de
service, quelle que soit leur date de règlement" sont remplacés par les
mots : "ainsi que toutes réductions de prix acquises à la date de la vente
ou de la prestation de service et directement liées à cette opération de vente
ou de prestations de service". »
« II. - L'article 31 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Pour l'application du présent article, le règlement est réalisé à la date à
laquelle les fonds sont mis à disposition du bénéficiaire par l'acheteur. »
Par amendement n° 8, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose, dans le paragraphe I de cet article, après les
mots : « sont remplacés par les mots : », de rédiger ainsi la fin de ce
paragraphe : « ainsi que tous rabais, remises ou ristournes acquis à la date de
la vente ou de la prestation de service et directement liés à cette opération
de vente ou de prestation de service ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai
également l'amendement n° 9.
M. le président.
Je suis en effet saisi d'un amendement n° 9, également présenté par M.
Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des affaires économiques, et
tendant à supprimer le paragraphe II de l'article 1er.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'article 1er modifie partiellement la liste des mentions qui
doivent figurer sur la facture. Nous en avons longuement débattu en première
lecture.
Il s'agit de faciliter l'application de la prohibition du refus de la revente
à perte, dont le seuil est calculé à partir du prix effectif d'achat résultant
lui-même du prix porté sur la facture. Il convient, pour cela, de recourir à
une « notion simple et arithmétique », ainsi que je l'ai déjà indiqué.
Si l'on commence à prendre en considération les escomptes, dont on ne
connaîtra le montant éventuel que quinze jours ou trois semaines plus tard -
puisque tels sont les délais dont on dispose, selon les cas, pour régler la
facture et bénéficier de cet avantage - ou les rabais à terme, nous n'en
sortirons jamais et, comme aujourd'hui, les reventes à perte ne recevront
aucune sanction.
Il faut donc faire simple. Il faut donc adopter une formule précise et,
surtout, connue de tout le monde : « tous rabais, remises ou ristournes acquis
à la date de la vente ».
C'est ce que nous proposons par l'amendement n° 8.
Quant à l'amendement n° 9, il tend à supprimer le paragraphe II de l'article
1er, qui prévoit, pour l'application de l'article 31 de l'ordonnance
réglementant la facturation et la fixation contractuelle des dates de
règlement, que les paiements sont réalisés à la date à laquelle les fonds sont
mis à la disposition du bénéficiaire.
J'ai expliqué en première lecture que la procédure actuelle doit mettre en
oeuvre plusieurs méthodes pour déterminer le moment où les fonds sont
acquis.
D'abord, la traite est remise en banque et le paiement intervient à trente,
soixante ou quantre-vingt-dix jours. Si, d'aventure, la traite n'est pas
honorée - ce qui, par les temps qui courent, arrive assez fréquemment, hélas !
- le compte est débité. A quel moment doit-on considérer que le paiement a été
effectué ? Au moment où l'on aura remis la traite en banque ?
Il existe également des établissements de
factoring
qui achètent les
factures...
M. Emmanuel Hamel.
Parlez français !
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
On ne peut pas parler français, en l'occurrence, monsieur
Hamel. Je regrette, mais
factoring
, c'est
factoring
!
M. Emmanuel Hamel.
Il faut faire l'effort !
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Je risquerais de ne pas être compris si j'utilisais un autre
terme.
M. Emmanuel Hamel.
Imaginez !
M. le président.
Monsieur Hamel, seul M. le rapporteur a la parole !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
On peut dire l'« affacturage ».
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Eh bien, l'affacturage, pour faire plaisir à M. Hamel, a la
même conséquence, car, si la facture n'est pas payée, on est à nouveau
débité.
C'est pourquoi nous proposons, comme en première lecture, de supprimer le
paragraphe II, qui nous paraît inopportun.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 8 et 9 ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, je dois
reconnaître, monsieur le rapporteur, que la terminologie que vous proposez a le
mérite d'être parfaitement connue et des entreprises et des magistrats.
L'Assemblée nationale a préféré une autre terminologie, essentiellement pour
permettre, le cas échéant, l'incorporation de l'escompte dans le seuil de
revente à perte, estimant que cette disposition pouvait être de nature à
améliorer les délais de paiement.
Vous comprendrez que, sur ce point, je m'en remette à la sagesse de la Haute
Assemblée.
L'amendement n° 9 pose un problème d'une autre nature.
Il est vrai que l'Assemblée nationale a apporté une contrainte supplémentaire
dans le domaine de la facturation et que la notion de mise à disposition des
fonds est imprécise. Cela crée une obligation dont le débiteur n'est d'ailleurs
pas complètement maître. Aucune sanction particulière n'est prévue. Le seul
intérêt de cette disposition concerne le point de départ du calcul des
pénalités.
J'ai consulté, à ce sujet, l'observatoire des délais de paiement et celui-ci a
estimé que le dispositif, complexe, était difficile à appliquer. C'est pourquoi
le Gouvernement accepte l'amendement n° 9.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. -
Non modifié.
« II. - L'article 32 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
«
Art. 32.
- I. - Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou
d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix
d'achat effectif est puni de 500 000 francs d'amende. Cette amende peut être
portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce
publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix
d'achat effectif.
« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré
des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette
revente et du prix du transport.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction
prévue au premier alinéa du présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal
;
« 2° La peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du même code.
« La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les
conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation.
« II. - Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables :
« 1° Aux ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le
changement d'une activité commerciale,
« - aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué,
pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle
compris entre deux saisons de vente,
« - aux produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de
l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques,
« - aux produits, en tous points identiques, dont le réapprovisionnement s'est
effectué en baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix
résultant de la nouvelle facture d'achat,
« - aux produits vendus dans un magasin non visé par les dispositions des
articles 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du
commerce et de l'artisanat et dont le prix de revente est aligné sur le prix
légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la
même zone d'activité ;
« 2° A condition que l'offre de prix réduit ne fasse pas l'objet d'une
quelconque publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente,
« - aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés
d'altération rapide.
« III. - Les exceptions prévues au II ne font pas obstacle à l'application du
2 de l'article 189 et du 1 de l'article 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier
1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
»
Par amendement n° 10, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de compléter le troisième alinéa du paragraphe II
du texte présenté par le paragraphe II de cet article pour l'article 32 de la
même ordonnance par les mots : « , à l'exception des vins de primeur, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a apporté une modification aux
exceptions à l'interdiction de la revente à perte figurant au paragraphe II de
cet article en supprimant la disposition introduite par le Sénat qui visait à
interdire la revente à perte des vins de primeur, dont la qualité exclut, à
l'évidence, qu'ils bénéficient de cette possibilité.
Nous proposons donc de rétablir cette exception à l'exception accordée aux
produits saisonniers.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, l'interdiction de la revente à
perte des vins de primeur est un point qui nous avait beaucoup occupés en
première lecture. Je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose,
dans le quatrième alinéa du 1° du II du texte présenté par le paragraphe II de
l'article 2 pour l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,
de remplacer les mots : « , en tous points identiques, » par les mots : « aux
caractéristiques identiques ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
L'Assemblée nationale a apporté une précision
intéressante, mais il ne peut s'agir de « produits en tous points identiques »,
car ce sont alors des produits strictement identiques. C'est pourquoi nous
proposons cette modification rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de rédiger ainsi le sixième alinéa du paragraphe
II du texte présenté par le paragraphe II de l'article 2 pour l'article 32 de
l'ordonnance précitée :
« - aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement
pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone
d'activité ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Nous en venons de nouveau à une question sensible.
L'Assemblée nationale a rétabli la limitation du droit d'alignement aux
magasins disposant d'une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés,
c'est-à-dire le droit pour un commerçant de s'aligner sur le prix de revente à
perte pratiqué à proximité immédiate de son magasin.
Jusqu'à présent, cette liberté était totale : quelle que soit sa surface de
vente, chacun bénéficiait de ce droit, que j'estime fondamental, et, à ma
connaissance, cela n'avait pas suscité de contestation.
En fait, aujourd'hui, dans tous les débats sur les problèmes de distribution,
on est en quelque sorte obnubilé par les grandes surfaces. Or, en l'espèce, il
m'apparaît tout à fait naturel de ne pas limiter l'exercice de ce droit aux
magasins d'une superficie inférieure à 300 mètres carrés.
Au demeurant, les magasins de 400, 500 ou 600 mètres carrés sont aujourd'hui
extrêmement nombreux, et ils sont exploités par celles et ceux qui constituent
justement ces professions commerciales traditionnelles, ayant besoin de soutien
en cas de difficulté. Ils sont propriétaires de la marchandise qu'ils proposent
à la vente, et, à deux pas de chez eux, on vend le même produit à perte.
Doivent-ils alors mourir sur leur stock parce qu'il leur est interdit d'aligner
leurs prix ?
En maintenant ce seuil de 300 mètres carrés, on pénaliserait ceux qui
attendent beaucoup de nous, ces commerçants que nous fréquentons tous les
jours. Qu'on y réfléchisse : un magasin de 350 mètres carrés, cela ne fait pas
un très grand magasin.
En outre, parmi ces magasins, beaucoup sont sous l'enseigne Intermarché,
Leclerc ou Shopi - il faut appeler un chat un chat - tout en étant des
commerces traditionnels de centre-ville, qui continuent d'offrir un véritable
service de proximité. Et il s'agit souvent de commerçants qui exercent leur
métier depuis longtemps. Simplement, maintenant, ils sont franchisés et
rattachés à une grande enseigne.
Cela signifie que ces commerçants ont en face d'eux deux fournisseurs : la
centrale d'achat de l'enseigne et celui qui produit la marchandise. Peut-on
leur interdire de s'aligner sur un prix de vente à perte qui, pratiqué à
proximité, les met en difficulté ?
Les chambres de commerce, qui devraient être leurs défenseurs naturels, ne
s'en occupent pas parce qu'elles ne tiennent compte que du nom inscrit sur
l'enseigne, c'est-à-dire le nom d'un de ces groupes de la grande distribution
qui se sont beaucoup manifestés dans la presse à propos de ce texte, sans se
soucier de leurs franchisés.
Les organismes professionnels et les fédérations, notamment, qui sont
intervenues en faisant... j'allais dire - mais je ne veux pas choquer M. Hamel
- du
lobbying,...
M. Emmanuel Hamel.
De grâce, ne prononcez pas ce mot ! Dites : des pressions de couloir !
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, ces organismes ne reconnaissent pas ces
commerçants franchisés sous prétexte qu'ils dépendent d'une grande centrale
d'achat.
Voilà pourquoi je propose, au nom de la commission, la suppression du seuil de
300 mètres carrés et le retour à la situation antérieure.
Je vous dirai, avec un peu de malice, monsieur le ministre, que vous devez
penser comme moi puisque, à l'Assemblée nationale, à propos de l'amendement de
M. Poniatowski qui tendait à instituer une comptabilité particulière pour les
commerces de plus de 300 mètres carrés qui vendent du carburant, vous avez
indiqué que, avec un tel seuil, des supérettes seraient touchées. Je me prends
donc à penser que vous exprimerez un avis favorable sur cet amendement.
(M.
le ministre sourit.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Monsieur le président, j'aime l'humour fin de M. le
rapporteur.
M. Emmanuel Hamel.
Nous l'apprécions tous !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Nous l'apprécions tous, en effet, et je ne lui reproche
pas son amicale pression.
Il conviendra cependant avec moi que le sujet du carburant appelle un
traitement particulier, comme nous avons eu l'occasion de le constater tout à
l'heure.
Sur le problème du droit d'alignement, le Gouvernement porte effectivement une
appréciation différente de celle de la commission et du rapporteur.
Cela peut certes paraître étonnant, car tout ce que vient de dire M. le
rapporteur est frappé au coin du bon sens : j'ai un commerce et, dans la zone
environnante, un autre commerce pratique un prix inférieur ; il faut, en règle
de bonne concurrence, que je puisse m'aligner sur ce prix inférieur, même s'il
est en dessous de mon seuil de revente à perte.
Toutefois, il ne faudrait pas que ce droit d'alignement généralisé conduise
certaines enseignes - ce ne sont pas celles qui nous préoccupent - à tirer vers
le bas les prix qu'elles négocient avec leurs fournisseurs. Nous assisterions
alors à une concurrence déloyale généralisée.
Prenons un exemple précis. La Cour de cassation, dans trois arrêts, a estimé
qu'Angers et Nantes constituent une même zone de chalandise. Nous traitons ici
non pas des problèmes de proximité touchant les petits commerces, mais de zones
de chalandise très étendues.
Nous craignons qu'une grande surface, à la suite d'une négociation ponctuelle,
ne parvienne à obtenir un prix très bas, et que, par le droit d'alignement, une
grande surface proche ne s'aligne sur celui-ci. Ce prix très bas ne deviendra
donc pas une exception. Les prix auront été, par le biais du droit
d'alignement, tirés vers le bas et tous les petits commerces implantés dans la
zone de chalandise de ces deux grandes surfaces en souffriront.
Telle est notre préoccupation. J'ai d'ailleurs cru comprendre - je me trompe
peut-être - que M. le rapporteur n'était pas nécessairement en désaccord avec
mes propos. Il estimait simplement qu'il faudrait peut-être trouver un autre
seuil entre celui de 300 mètres carrés et l'infini. Peut-être une réflexion de
cette nature est-elle en cours.
Quoi qu'il en soit, si le Gouvernement souhaite limiter le droit d'alignement
à 300 mètres carrés, c'est parce qu'il craint que la généralisation sans limite
de celui-ci ne tire les prix vers le bas, ce qui serait effectivement
préjudiciable pour les petits commerçants pour lesquels nous cherchons à
établir, depuis de début, une concurrence loyale.
Voilà pourquoi nous sommes en désaccord sur ce point depuis la première
lecture. Nous poursuivons le même objectif, mais notre approche est quelque peu
différente. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement se prononce très
clairement contre l'amendement n° 11.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Sans vouloir prolonger ce débat, je tiens à préciser que cet
amendement ne constitue pas une innovation puisqu'il tend à maintenir le droit
existant ; il n'y a donc rien de changé.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Ce que dit M. le rapporteur est parfaitement exact.
Mais c'est, précisément, parce que le droit d'alignement n'a pas été une
excellent référence par le passé que nous souhaitons une innovation en la
matière.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Jacques Delong.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong.
J'ai écouté avec le plus grand intérêt les explications de M. le ministre et
celles des rapporteurs. Si j'approuve tout à fait le fond et l'esprit de cet
amendement, je ne puis en accepter la formulation. En effet, je considère
personnellement - mais je me trompe peut-être - que la vente à perte est un
procédé malhonnête. Or adopter cet amendement équivaudrait à légaliser un tel
procédé.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'intervention de notre collègue M. Delong peut susciter un
certain trouble. En effet, le droit d'alignement ne revient pas à accepter
l'infraction que constitue la revente à perte. Mais des produits, tels que les
denrées périssables peuvent être stockés. Prenons l'exemple d'un directeur de
magasin qui commet une infraction à l'égard de ces produits. Le temps que la
justice, même avec la procédure du référé, se saisisse de l'affaire, il aura
vendu ceux-ci. Mais celui qui, honnêtement et de bonne foi, aura ces mêmes
produits en stock, risque d'être amené à déposer son bilan. Il me paraît
évident qu'il faut lui laisser ce droit immédiat ; il s'agit d'équilibrer les
relations commerciales, et tel est l'objet du présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 2.
M. Jacques Delong.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong.
La réponse que m'a faite M. le rapporteur m'a bien évidemment convaincu.
Lorsque j'avais formulé mes remarques à propos de l'amendement n° 11, je
n'avais pas songé à certains aspects qu'il a soulignés, en particulier en ce
qui concerne les denrées périssables. Je m'incline donc devant sa connaissance
des problèmes ;
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, contrairement à ma première
affirmation - ce qui prouve qu'on peut comprendre les arguments de ses
partenaires, car il ne s'agit pas d'adversaires - j'ai voté l'amendement n°
11.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
bis
M. le président.
« Art 3
bis
. - L'article 33 de la même ordonnance est ainsi modifié
:
« 1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles précisent également le point de départ pour le calcul du délai de
paiement et le barème des escomptes. » ;
« 2° Les trois derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les
modalités prévues par l'article 131-38 dudit code. »
Par amendement n° 12, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les trois derniers alinéas de l'article 33 de la même ordonnance sont
remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les
modalités prévues par l'article 131-38 dudit code. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'Assemblée nationale avait introduit l'article 3
bis
en première lecture afin de préciser que les conditions de vente devaient
mentionner le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème
des escomptes.
Sur proposition de la commission des lois, et avec l'accord de la commission
des affaires économiques et du Gouvernement, le Sénat avait supprimé cette
disposition et lui en avait substitué une qui modifiait uniquement les peines
encourues pour les personnes morales reconnues pénalement responsables.
La peine d'exclusion des marchés publics, qui apparaissait comme une
injustice, serait ainsi désormais supprimée, l'amende seule étant maintenue.
Au cours de la deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté le dispositif
voté par le Sénat, mais elle a également rétabli celui qu'elle avait adopté en
première lecture.
Nous devons tout de même prendre en compte le poids croissant de la
réglementation sur les entreprises. Trop de réglementation conduit à supprimer
l'initiative. En outre, le coût est très élevé pour les entreprises. Celles-ci
devraient modifier leurs conditions de vente, déjà imprimées, ce qui
entraînerait une charge qui est, selon nous, difficile à supporter.
Il est donc plus simple de supprimer cette disposition. Tel est l'objet de
notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
L'argumentaire de M. le rapporteur est excellent. Le
Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
bis
est ainsi rédigé.
Article 3
ter
A
M. le président.
L'article 3
ter
A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais je suis saisi de deux amendements identiques tendant à le rétablir.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Moinard.
L'amendement n° 24 est déposé par MM. César, de Menou, Gérard, Gerbaud,
Doublet, François, Debavelaere, Le Grand, Besse, Pluchet, Valade, Vasselle et
Rigaudière.
Tous deux visent à rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Dans l'article 34 de la même ordonnance, les mots : "directement ou
indirectement" sont supprimés. »
L'amendement n° 2 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 24 est-il soutenu ?...
Article 3 ter B
M. le président.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 3
ter
B.
Mais, par amendement n° 25, MM. César, de Menou, Gérard, Gerbaud, Doublet,
François, Debavelaere, Le Grand, Besse, Pluchet, Valade, Vasselle et Rigaudière
proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Dans le troisième alinéa de l'article 35 de la même ordonnance, après les
mots : "bétail sur pied", sont insérés les mots : ", de
volailles ou de lapins vivants et des oeufs". »
L'amendement est-il soutenu ?...
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 36 de la même ordonnance est ainsi modifié :
« 1° Les troisième et quatrième alinéas sont abrogés ;
« 2° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« 3. D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la
passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume
d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le
fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ;
« 3° Il est inséré, après le cinquième alinéa, trois alinéas ainsi rédigés
:
« 4. D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale
des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de
vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires
aux conditions générales de vente ;
« 5. De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale
établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales
antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. Les
dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans
préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force
majeure ;
« 6. De participer directement ou indirectement à la violation de
l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord
de distribution sélective et/ou exclusive exempté au titre des règles
applicables du droit de la concurrence ;
« 4°
Supprimé.
»
Sur l'article, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens
sur l'article 4 pour dire à quel point je suis favorable à l'autorisation du
refus de vente, proposée par l'Assemblée nationale et soutenue par les
commissions compétentes du Sénat.
En premier lieu, sur le plan économique, il me paraît clair que l'industriel
doit avoir la possibilité de choisir ses cocontractants en fonction de sa
stratégie. Un distributeur doit être libre de refuser d'acheter à un industriel
et un industriel doit être libre de refuser de vendre à un distributeur.
Cette liberté ne saurait nuire aux petites et moyennes entreprises de la
distribution : un industriel a pour vocation et pour raison d'être de
vendre.
Il faut aussi rappeler que la commission chargée des travaux préparatoires à
l'élaboration de l'ordonnance du 1er décembre 1986 avait préconisé l'abandon de
l'interdiction du refus de vente puisqu'il était déjà clair à l'époque que le
rapport de force s'était inversé au profit des distributeurs et que le refus de
vente ne pouvait qu'être exceptionnel.
Cette solution n'avait finalement pas été adoptée pour une seule raison, à
savoir la nécessité d'accompagner la suppression du contrôle des prix, qui
constituait la mesure essentielle, sur les plans politique et économique, de
l'ordonnance.
En second lieu, sur le plan juridique, les abus de refus de vente peuvent être
parfaitement sanctionnés par le biais des dispositions actuelles de
l'ordonnance, en tant qu'abus de position dominante, en tant qu'abus de
dépendance économique, en tant que manifestation d'une entente illicite, en
tant que manifestation d'une discrimination abusive et, enfin, au titre du
droit commun de la responsabilité civile, aux termes de l'article 1382 du code
civil.
Bref, la position à laquelle nous sommes parvenus me paraît être la bonne, et
je m'en félicite très vivement.
M. le président.
Par amendement n° 26, le Gouvernement propose de remplacer le deuxième alinéa
(1°) de l'article 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« 2. D'interdire l'accès au marché des acheteurs de produits ou de prestations
de service en refusant de satisfaire à leur demande dès lors que le demandeur à
l'instance établit que la demande ne présente pas un caractère anormal et que
les conditions qui lui sont imposées ne sont pas justifiées au regard de
l'article 10.
« La demande d'un acheteur est présumée présenter un caractère anormal au sens
de l'alinéa précédent lorsqu'il est établi que cet acheteur procède à l'une ou
l'autre des pratiques déloyales visées aux articles 32 à 37 du présent titre ;
».
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
J'approuve totalement les propos de M. Plasait.
L'amendement n° 26 affirme sans ambiguïté la libéralisation du refus de vente.
Le texte qui avait été adopté en première lecture par le Sénat et qui était
très proche de celui du Gouvernement prévoyait l'inversion de la charge de la
preuve. Voilà qui suffit à démontrer que nous libéralisons le refus de vente
!
Quelle est la seule exception à cette libéralisation que nous introduisons ?
Il s'agit du refus de vente qui empêcherait l'accès au marché de nouveaux
opérateurs, notamment les petites entreprises.
Libéralisation du refus de vente pour promouvoir la modernisation de notre
économie et défense des petites et moyennes entreprises en cas d'impossibilité
d'accès au marché, tel est l'objet de l'amendement n° 26.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas, me semble-t-il, opposés sur le fond.
J'espère que M. Plasait aura ainsi mieux compris l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
En première lecture, nous n'avions pas accédé à la demande du
Gouvernement. En effet, la commission des affaires économiques et la commission
des lois étaient et sont toujours animées du même souci d'élaborer des textes
simples, sans trop d'exceptions ni d'exclusives.
Nous étions relativement sereins parce que nous pensions que, dans l'arsenal
des différents articles de l'ordonnance de 1986, il y avait de quoi sanctionner
le refus de vente ou, par voie indirecte, l'abus de position dominante.
Cependant, avant même que j'aie eu connaissance de cet amendement - puisque la
commission ne l'a examiné que ce matin - l'étude de ce dossier m'a conduit à
recevoir des producteurs.
J'ai découvert à cette occasion que, indépendamment de notre volonté
d'élaborer des textes simples et efficaces, ce dispositif soulevait de réelles
difficultés.
Ainsi, mardi dernier, je recevais des producteurs de légumes qui me disaient
combien leur situation était difficile. En effet, que peuvent-ils faire ? Ils
vendent une denrée périssable et ont en face d'eux des clients, dont j'ignore
les noms, qui, à peine le projet de loi annoncé dans les médias ou par leurs
instances professionnelles, leur ont dit : « C'était 2 p. 100. Ce sera 3 p. 100
» ! La législation sur le refus de vente est, dans ce cas, difficile à
appliquer, car, m'ont-ils dit, les clients vont simplement acheter ailleurs :
c'est de l'abus de position dominante.
J'ai eu le même dialogue avec les représentants d'une centrale d'achat
d'artisans. Ils sont en prise directe avec de gros producteurs d'articles
d'artisanat, parfois de taille internationale. Or, leur clientèle les menace de
ne plus rien leur commander s'ils livrent également ces artisans qui, parce
qu'ils sont efficaces sur le terrain, leur font de la concurrence.
Ces pressions sont courantes, mais je ne vois pas - ou pas plus d'ailleurs que
M. Hyest ou nos collaborateurs - comment on peut les éviter, si ce n'est dans
le cadre plus général d'une volonté de rendre plus saines les relations
commerciales.
J'en ai donc conclu que, face à ces cas de refus de vente, nous devions
chercher à protéger les petits et les moyens en acceptant cet amendement qui,
aujourd'hui, est le bienvenu.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
M. Aubert Garcia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia.
Avant de voter l'amendement, je tenais simplement à souligner que, en première
lecture, et contre l'avis de la commission, le groupe socialiste, qui avait
perçu l'importance de l'amendement du Gouvernement, l'avait voté. Je ne fais
donc maintenant que renouveler ce vote.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de supprimer le dernier alinéa (6) du 3° de
l'article 4.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a complété l'article 4 par une
disposition qui interdit la revente hors réseau faite aux distributeurs liés
par un accord de distribution sélective ou exclusive.
Cette disposition introduirait donc dans l'ordonnance de 1986 un régime de
responsabilité visant spécifiquement les comportements d'entreprises
commerciales qui ne respectent pas les obligations contractuelles qu'elles ont
souscrites dans le cadre d'un tel contrat.
Nous devons cependant relever que ce comportement est un cas classique de
non-respect d'une obligation contractuelle. Il relève donc, logiquement, du
juge de l'exécution du contrat et n'intéresse que les parties au contrat.
Les autres dispositions de l'article 36 concernent des comportements qui,
au-delà de leurs aspects contractuels, posent des problèmes pour un ensemble
d'opérateurs économiques. Cette disposition n'a donc pas sa place à l'article
36 de l'ordonnance de 1986.
Enfin, le non-respect du contrat peut être sanctionné soit par la résiliation,
soit par des dommages et intérêts.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques propose de supprimer le
dernier alinéa du 3° de l'article 4 du projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Le Gouvernement souscrit totalement aux propos de M. le
rapporteur.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I et II.
- Non modifiés.
« III. - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées
parlementaires, avant le 1er mars 1997, un rapport sur les activités exercées
par les associations en concurrence avec des commerçants, ainsi que sur les
problèmes créés par cette concurrence. Ce rapport présentera, le cas échéant,
des propositions de nature à y remédier. »
- (Adopté.)
Article 5
bis
M. le président.
« Art. 5
bis
. L'article 55 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
«
Art. 55
. - En cas de condamnation au titre des articles 31, 32, 34 et
35, la juridiction peut ordonner que sa décision soit affichée ou diffusée dans
les conditions prévues par l'article 131-10 du code pénal.
« Lorsqu'une personne ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une
condamnation pour l'une des infractions définies par les articles 28 et 31 à 35
commet la même infraction, le maximum de la peine d'amende encourue est porté
au double.
« Lorsqu'une personne morale ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans,
d'une condamnation pour l'une des infractions définies par les articles 28 et
31 à 33 commet la même infraction, le taux maximum de la peine d'amende
encourue est égal à dix fois celui applicable aux personnes physiques pour
cette infraction. »
Par amendement n° 20, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose,
dans le troisième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 55 de
l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, après les mots : « définis par
les articles » de supprimer les mots : « 28 et ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Il convient de supprimer la référence à l'article
28. En effet, l'article 28 de l'ordonnance, qui réglemente la publicité à
l'égard du consommateur pour les opérations promotionnelles relatives aux
produits périssables, ne prévoit pas l'engagement de la responsabilité pénale
des personnes morales. Aussi convient-il de supprimer la référence à cette
disposition au dernier alinéa de l'article 55, qui traite de la récidive et que
l'Assemblée nationale a adopté conforme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5
bis
, ainsi modifié.
(L'article 5
bis
est adopté.)
Article 5
ter
M. le président.
« Art. 5
ter
. - L'article 60 de la même ordonnance est complété par un
XI ainsi rédigé :
« XI. - Pour toute installation de distribution au détail de carburants,
annexée à un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à
300 mètres carrés, l'activité de distribution des carburants est individualisée
du point de vue comptable. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Jean-Jacques Robert, au nom de la
commission des affaires économiques.
L'amendement n° 21 est déposé par M. Hyest, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent à supprimer l'article 5
ter
.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
A l'Assemblée nationale, notre collègue M. Ladislas
Poniatowski, contre l'avis du Gouvernement et contre celui de la commission de
la production et des échanges, a présenté un amendement visant à imposer
l'individualisation de l'activité de distribution de carburants au plan
comptable dans les magasins d'une surface de vente supérieure à 300 mètres
carrés.
Certes, on pense tout de suite aux grands distributeurs et à leurs immenses
surfaces de vente. Mais il faut songer aussi aux petites et moyennes surfaces,
car cette loi s'applique à tous.
Sur le terrain, une fois quitté l'hémicycle et de retour chez nous, dans nos
communes, nous le voyons bien, un garage de 300 mètres carrés et plus, ce n'est
rien. Pour peu que le garagiste vende aussi des voitures d'occasion, et s'il a
une pompe, il arrive vite à 450 ou 500 mètres carrés de surface. Le dispositif
va donc s'appliquer à lui également. Il va falloir en comptabilité
individualiser et distinguer la pompe, l'investissement qu'elle a exigé, les
frais d'électricité, la part d'activité du mécanicien qui va laisser la roue
qu'il était en train de remonter pour aller servir le client, celle du patron
qui sera à la caisse...
Non ! Vraiment, ce dispositif nous paraît d'une complication déraisonnable,
même si le principe est bon !
Que vise-t-on ? La comptabilité ? Elle est déjà quasiment établie. La facture
et le litrage ? Peut-être, mais nous n'aurons pas vraiment appris grand-chose
de plus. En revanche, nous aurons mis à la charge de ceux que nous voulons
défendre des obligations qu'ils ne pourront pas respecter, et ce sans aucun
résultat pratique.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
21.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
On devine aisément le contexte dans lequel cet
amendement a été adopté puisque nous avons débattu longuement du problème des
carburants.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
C'était après !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Certes, mais, en somme, c'était pour dire que l'on
faisait quelque chose. J'en suis d'accord, d'ailleurs, mais à condition que ce
soit opérant. Or, à l'évidence, sur le plan de la gestion de l'entreprise, on
ne voit pas comment on pourrait rendre efficace un tel dispositif. Je crois
qu'il vaut mieux y renoncer et s'en tenir aux engagements qu'a pris le
Gouvernement tout à l'heure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 14 et 21
?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Effectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, la
situation a évolué. Je dois dire, pour la vérité historique des débats, que M.
Ladislas Poniatowski, intéressé par ce sujet, a déposé des amendements en
première et en seconde lecture d'une nature un peu différente puisqu'ils
visaient respectivement, en première lecture, le personnel et, en seconde
lecture, la transparence de la comptabilité et la séparation comptable des
activités.
Certes, monsieur le rapporteur, il devait viser les stations-service annexes
aux grandes surfaces, mais il se trouve que les dispositions adoptées touchent
bien d'autres distributeurs de carburants et entraînent les complications que
vous soulignez.
De surcroît, comme l'a dit M. le rapporteur pour avis, le débat que nous avons
eu précédemment nous ouvre une piste intéressante, compte tenu des engagements
précis que j'ai pris et de notre désir commun d'en amplifier la portée.
Parce que cet article créerait des difficultés pour un certain nombre de
distributeurs qui ne sont pas des grandes surfaces sans résoudre des problèmes
que, de toute façon, nous avons réglés, mais différemment, le Gouvernement est
favorable aux amendements de suppresion n°s 14 et 21.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 21, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
ter
est supprimé.
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - L'avant-dernier alinéa de l'article 340 de la loi n° 66-537 du 24
juillet 1966 sur les sociétés commerciales est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Il fait état du respect des dispositions visées au quatrième alinéa de
l'article 31 et à l'article 35 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986
relative à la liberté des prix et de la concurrence. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Jean-Jacques Robert, au nom de la
commission des affaires économiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent à supprimer l'article 7.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Rappelons que l'Assemblée nationale avait adopté une
disposition exigeant des commisssaires aux comptes, dans le cadre des contrôles
qu'ils effectuent, de veiller au respect des dispositions de l'ordonnance du
1er décembre 1986 sur les mentions devant figurer sur la facture et les délais
de paiement.
Considérant qu'une telle disposition, d'une part, aurait dénaturé la mission
des commissaires aux comptes et, d'autre part, constituait un « cavalier », le
Sénat avait supprimé cet article, sur la proposition de ses commissions des
affaires économiques et des lois.
L'Assemblée nationale a réintroduit cet article, sous une forme, il est vrai,
très différente. Le rapport de gestion prévu par l'article 340 de la loi
précitée, qui expose la situation d'une société durant l'exercice écoulé,
devrait faire état du respect des dispositions des articles 31, quatrième
alinéa, et 35 de l'ordonnance de 1986, relatives aux mentions devant
obligatoirement figurer sur la facture et aux délais de paiement. Par voie de
conséquence, les commissaires aux comptes devraient, dans le cadre de leurs
missions, vérifier le respect effectif de ces règles.
Lorsque nous avions débattu du texte sur les délais de paiement, dont j'avais
l'honneur d'être le rapporteur, nous avions déjà décidé que la date figurerait
obligatoirement sur la facture et que le respect effectif de ces règles devrait
être vérifié, s'agissant d'un engagement contractuel.
De surcroît, les commissaires aux comptes, vous le pensez bien, ne vont pas
mener de telles investigations sur les factures des entreprises sans vouloir
être « honorés » bien plus largement.
Une telle disposition serait donc source de complications et induirait des
coûts supplémentaires pour les entreprises. C'est pourquoi la commission vous
propose de supprimer cet article.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
22.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
La commission des lois a abouti aux mêmes
conclusions que la commission des affaires économiques.
D'une part, il ne nous apparaît pas opportun de modifier la loi de 1966, de
façon incidente, sans réflexion préalable et sans concertation. Dès lors que le
rapport de gestion, qui, aux termes de l'article 340 de la loi du 24 juillet
1996 sur les sociétés commerciales, doit être établi à la clôture de chaque
exercice, mentionne les éventuelles infractions aux articles 31 et 35 de
l'ordonnance de 1986, cela implique que les commissaires aux comptes procèdent
à des investigations qui n'appartiennent pas à leur mission traditionnelle.
On retrouve donc indirectement les mêmes difficultés que celles qui nous
avaient incités à ne pas accepter les propositions de l'Assemblée nationale en
première lecture sur cet article 7. C'est pourquoi nous vous en proposons
également la suppression.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
La vérité oblige à dire que l'amendement présenté à
l'Assemblée nationale en première lecture était de nature assez différente de
l'amendement voté en deuxième lecture, celui-ci présentant des inconvénients
moindres.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur
et
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
En effet !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Nous nous trouvons confrontés à une volonté, en
particulier celle du rapporteur de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, M.
Jean-Paul Charié, dont on peut, par ailleurs, parfaitement comprendre le souci,
mais qui charge ou plutôt surcharge les commissaires aux comptes d'une
responsabilité qui ne leur est pas naturelle.
C'est pourquoi le Gouvernement n'a jamais été favorable à l'article 7 : il y
était très opposé dans la version initiale ; il n'y est pas favorable dans la
version actuelle.
Pour les raisons qui ont été exposées par M. le rapporteur et par M. le
rapporteur pour avis, le Gouvernement est donc favorable aux amendements de
suppression n°s 15 et 22.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 22, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 10
M. le président.
L'article 10 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 16, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission
des affaires économiqes, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le deuxième alinéa de l'article 121 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985
relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises est
complété par la phrase suivante :
« Nonobstant toute clause contraire figurant dans des conditions générales
d'achat, la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et aux
autres créanciers, à moins que les parties n'aient convenu par écrit de
l'écarter ou de la modifier. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
A ce point de la discussion, nous avons tenu à présenter
cette disposition relative à la réserve de propriété, après avoir bien étudié
la situation et bien qu'on puisse considérer qu'une telle mesure a ou n'a pas,
selon qu'on regarde d'un côté ou de l'autre, sa place dans ce projet de loi.
Quand un producteur vend sa marchandise à un distributeur et qu'il n'est pas
payé, ce qui arrive fréquemment de la part de petits distributeurs et qui est
d'autant plus inacceptable qu'il s'agit de petits producteurs, la réserve de
propriété est nécessaire pour que le producteur puisse rester propriétaire de
la marchandise lorsqu'elle existe encore.
Il s'agit d'un dispositif qui avait recueilli l'assentiment de notre assemblée
quand il avait été proposé. Il a été, en effet, difficilement applicable, et
peu nombreux sont ceux qui ont pu retrouver une partie de leur livraison alors
que ceux à qui ils avaient livré ne les avaient pas payés et avaient déposé
leur bilan. Pour autant, ce n'est pas parce qu'un texte profite à peu de
personnes qu'il faut le supprimer. Autrement dit, il convient de le maintenir
même si les « élus » sont peu nombreux.
En l'occurrence, nous sommes en présence d'une jurisprudence récente de la
Cour de cassation. Lorsqu'ils sont en position dominante - c'est pour cela que
nous proposons d'insérer ce dispositif dans le texte, à mon avis - certains
gros clients n'acceptent pas qu'on leur oppose la clause de réserve réserve de
propriété au motif que leurs conditions générales d'achat s'opposent à la mise
en oeuvre d'une telle clause. Or, cette clause représente pour les petits
producteurs peut-être la dernière chance de ne pas être victimes d'un abus de
position dominante.
Chacun d'entre nous, ici, est préoccupé - M. le ministre l'est également - par
les positions dominantes des grands de la distribution. Nous avons l'occasion
de faire une oeuvre pie, oserai-je dire, en rétablissant ce texte. Nous
n'aurons plus jamais cette chance. Aussi, je vous demande, mes chers collègues,
de la saisir, en votant cet amendement.
M. Emmanuel Hamel.
Peut-on parler d'oeuvre pie dans une République laïque, monsieur le rapporteur
?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez observé
dans l'intervention de M. le rapporteur une orientation qui le pousse à faire
un choix et des interrogations qui ont présidé à ce choix. Vous comprendrez
donc que, pour respecter l'équilibre général de l'intervention de M. le
rapporteur, le Gouvernement s'en remette à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10 est rétabli dans cette rédaction.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Dans l'article 153-4 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985
relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, les
mots : ", à l'exception de la dernière phrase du deuxième alinéa de
l'article 121" sont supprimés. »
Par amendement n° 17, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de compléter cet article par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux procédures en
cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
Cet amendement est la conséquence de ce que le Sénat vient
d'adopter et dont je le remercie. Il tend à préciser que les dispositions de
l'article 11 ne s'appliquent pas aux procédures en cours à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Compte tenu du vote qui vient d'être exprimé, le
Gouvernement ne peut qu'être cartésien ; il émet donc un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
L'esprit français souffle dans l'hémicycle !
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.
(L'article 11 est adopté.)
M. le président.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Garcia pour explication de vote.
M. Aubert Garcia.
J'ai déjà expliqué la position de mon groupe lors de mon intervention dans la
discussion générale. Je confirme simplement que, comme lors de la première
lecture, il s'abstiendra.
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong.
Le projet de loi que nous avons examiné aujourd'hui en deuxième lecture répond
à la nécessité de mettre fin aux nombreux dysfonctionnements de la concurrence
qui pèsent sur notre économie et sur l'emploi, et votre action, monsieur le
ministre, se place sur le plan de l'aménagement du territoire.
En effet, votre texte modifie certaines dispositions de l'ordonnance du 1er
décembre 1986, devenues archaïques ou sources d'incertitudes juridiques pour
nos entreprises. Il renforce la loyauté des transactions entre producteurs et
distributeurs et il permet de mieux sanctionner les abus.
Vous avez répondu avec beaucoup de clarté aux nombreuses demandes
d'explications qui vous ont été faites. Vous avez fait preuve de la meilleure
bonne volonté et d'une grande compréhension au cours de la discussion. Je
tiens, monsieur le ministre, au nom du groupe du RPR, à vous en remercier.
Je tiens très sincèrement à féliciter les rapporteurs, en particulier M.
Jean-Jacques Robert, pour la qualité du travail qu'il a effectué et pour la
richesse des explications qu'il n'a pas manqué de nous donner tout au long de
cette deuxième lecture au Sénat.
Je tiens, mon cher rapporteur, à souligner votre esprit d'ouverture, dont vous
avez d'ailleurs fait preuve très largement tout à l'heure.
Après la large consultation à laquelle vous aviez procédé, lors de la première
lecture, vous avez su, encore aujourd'hui, par vos propositions garantir un
véritable équilibre entre les différentes formes de commerce et placer le
consommateur ainsi que l'emploi au centre de la discussion, en accord avec
vous, monsieur le ministre.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera, bien sûr, ce texte.
M. Jean-Jacques Robert
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert,
rappporteur.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, il
n'était pas utile de procédé par voie d''ordonnance. Les deux lectures
auxquelles nous avons procédé témoignent de la confiance qui règne entre le
Gouvernement et notre assemblée, ainsi que de la qualité avec laquelle les
sujets ont été abordés.
Vous comprendrez que je veuille remercier tous ceux qui nous ont accompagnés
dans cette tâche : la commission des affaires économiques et ses
collaborateurs, la commission des lois et mon collègue M. Hyest, ainsi que tous
ceux qui, par leur avis et au cours des auditions, nous ont permis de retenir
le seul objectif qui vaille dans l'examen de ce projet de loi, à savoir la
qualité de notre production, l'efficacité de notre distribution, l'avantage que
les consommateurs peuvent et doivent en attendre, et à travers tout cela, le
respect de la morale économique. Celle-ci a eu tendance à dériver...
M. Emmanuel Hamel.
Du fait des grandes surfaces !
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
... et ce texte, je l'espère, permettra de la remettre sur
des rails faisant honneur à notre production, à notre distribution et, surtout,
de maintenir les créations d'emplois dans des domaines qui devraient être en
expansion et auxquels nous sommes sensibles en permanence.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jean-Jacques Robert,
rapporteur.
S'agissant de l'exception concernant les distributeurs de
carburants, vous avez pu constater que nous étions animés par un esprit
d'ouverture. Celui-ci est le résultat de la confiance que nous avons en vous,
monsieur le ministre, et dans le Gouvernement - je dois reconnaître, car j'ai
eu l'occasion de le constater à trois reprises au cours des deux lectures
auxquelles le Sénat a procédé, que vous avez toujours été au rendez-vous de la
confiance que nous avions mise dans vos propositions.
Aussi, vous me permettrez de revenir sur ce qui a constitué l'esentiel, le
temps fort de notre entretien de cet après-midi et des dispositions que nous
avons votées : la situation difficile des pompistes, sur le plan économique,
qui conduit certains à cesser leur activité et d'autres à réussir. Il ne faut
pas que la réussite soit insolente ni que « la mort » soit trop précipitée.
C'est pourquoi, confiants dans les propositions que vous avez faites et
pensant toujours à ceux qui ont du mal à s'en sortir - nous voulons tous, ici,
passionnément, qu'ils s'en sortent, en leur donnant les moyens de le faire -
nous avions pensé soumettre la vente de carburants au dispositif du prix
abusivement bas.
Nous avons aussi élaboré tout un arsenal de dispositions issues des
discussions que nous avons eues. A cet égard, la commission des affaires
économiques et du Plan a créé un comité de suivi, qui va travailler avec vous
et avec votre équipe ministérielle. La commission des lois et son rapporteur
pourront s'associer à ce comité de suivi.
En l'occurrence, la seule préoccupation qui nous a animés et qui nous a
conduits à mettre deux fois l'ouvrage sur le métier, en déposant puis en
retirant notre amendement, c'est de faire en sorte que le tissu économique,
dans le cadre de l'aménagement rural, de la lutte contre la désertification et
de l'emploi, ne soit plus mis à mal.
Si nous y parvenons, ce projet de loi aura été utile. Je suis persuadé, vous
ayant fait confiance, que, ici même, j'aurai l'occasion, au nom de la
commission des affaires économiques et de l'ensemble du Sénat, de vous
remercier des mesures que vous aurez prises et qui iront dans le sens que
chacun de nous attend.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel.
Souhaitons que ces mesures se concrétisent rapidement !
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous sommes au terme d'un long processus, qui a comporté deux
lectures approfondies dans chaque assemblée.
Vous me permettrez, en préambule, de remercier ceux qui m'ont accompagné et
éclairé en ce qui concerne ce texte, je veux parler des collaborateurs de la
DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes, et de mon conseiller technique, M. Jacques Lovergne,
dont vous connaissez les éminentes qualités et qui a trouvé un certain nombre
de solutions très utiles qui ont permis d'aboutir à des propositions concrètes
dans le cadre de ce texte.
Vous me permettrez aussi de me retourner vers les membres de la majorité,
notamment vers M. Delong, pour leur dire combien j'ai apprécié, tout au long de
l'examen de ce texte, leur collaboration et leur soutien sans faille, qui
n'enlève rien à l'identité des convictions.
Messieurs les rapporteurs, comme vous avez raison ! Nous n'avons pas, je n'ai
cessé de le dire, à regretter d'avoir traité ce sujet par la voie d'un projet
de loi et d'avoir renoncé, pour la première fois depuis soixante ans, aux
ordonnances pour traiter du droit de la concurrence. Pourtant, que ne nous
avait-on dit, que n'avions-nous vu ou entendu en ce qui concerne les
catastrophes inévitables que générerait un débat au Parlement sur un tel projet
de loi !
Or nous constatons que nous sommes dans le cadre et dans l'esprit du projet de
loi initial tel que nous l'avions défini, pour régler de manière claire les
problèmes de distorsion de concurrence fondamentaux auxquels nous étions
confrontés : revente à perte sur les produits en l'état, prix abusivement bas
sur les produits fabriqués et transformés, exception culturelle - c'est la
seule ! - pour le disque.
Par ailleurs, s'agissant de la distribution pétrolière, nous avons eu un long
débat, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Vous êtes maintenant parvenus
à un texte commun, et l'engagement du Gouvernement a trouvé une première
concrétisation, qui trouvera sans doute des prolongements dans l'esprit que
nous avons évoqué aujourd'hui. Et je me réjouis à l'avance de travailler avec
votre comité de suivi.
Sachez que j'ai l'habitude de tenir mes engagements, ainsi que vous l'avez
rappelé. Je me sens totalement impliqué, avec M. le Premier ministre et le
Gouvernement, dans la défense de l'aménagement du territoire, de la ruralité et
dans la défense de la pluriactivité du commerce et des stations-service. Je me
sens totalement engagé dans cette action, et nous réussirons. Je crois en tout
cas que ce texte constitue une très nette amélioration par rapport à la
situation existante.
M. Aubert Garcia ne m'empêchera pas de m'étonner : marquer son scepticisme à
ce stade de la discussion me paraît singulier, d'autant que chacun a pu noter,
tout au long de ce débat, l'abstention constante des socialistes et des
communistes, comme l'absence totale d'amendements de leur part. C'est donc
entre le Gouvernement et sa majorité que l'amélioration du droit de la
concurrence aura été réalisée.
Nous aurons constaté, tout au long de la présente discussion, une situation
étonnante : la grande distribution, qui a normalement tous les atouts dans son
jeu, qui est théoriquement au service des consommateurs, s'est trouvée
formidablement isolée, que ce soit par rapport au Gouvernement, par rapport au
Parlement, toutes tendances politiques confondues, ou par rapport à toutes les
associations de consommateurs. Compte tenu des qualités naturelles et des
atouts de la grande distribution, cet isolement est sans précédent.
Je souhaite, au-delà de cet hémicycle et des avancées qui y auront été
décidées, lancer un appel aux responsables de cette grande distribution : que
notre travail commun soit porteur pour eux d'enseignements et que, au travers
de la philosophie de ce texte, de ce débat et de tout ce qu'ils auront entendu
et dont l'écho leur parviendra certainement, ils sachent clairement qu'à
l'avenir ils devront faire attention et se demander jusqu'où ils peuvent aller
trop loin.
C'est la conclusion que je tirerai de ce débat, en espérant que nous serons
entendus. Quoi qu'il en soit, ce que nous aurons fait ensemble devra être
respecté et, dorénavant, la loyauté de la concurrence sera sensiblement
meilleure.
(Applaudissement sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons
d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et
du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean François-Poncet, Jean-Jacques Robert, Jean-Jacques
Hyest, Alain Pluchet, Mme Anne Heinis, MM. Jean-Marc Pastor et Félix
Leyzour.
Suppléants : MM. Dominique Braye, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Léon Fatous,
Jacques de Menou, Louis Minetti et Michel Souplet.
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de Mme Danièle Pourtaud, MM. Jean Besson, Claude Estier et les
membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de résolution,
présentée en application de l'article 73
bis
du règlement, sur la
proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le
marché intérieur de l'électricité et sur la proposition de directive du Conseil
concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n°
E-211).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 434, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 17 juin 1996, à vingt et une heures :
Discussion du projet de loi (n° 381, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement et à la
promotion du commerce et de l'artisanat.
Rapport n° 421 (1995-1996) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
Avis de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 17 juin 1996, à douze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 juin 1996, à douze
heures.
Délai limite général pour le dépôt des amendements
Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les projets de loi et
propositions de loi ou de résolution prévus jusqu'à la fin de la session
ordinaire, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux
pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque
cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence la discussion.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (n°
415, 1995-1996).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 18 juin 1996, à dix-sept heures.
2° Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relative à l'adoption (n° 396, 1995-1996).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 24 juin 1996, à onze
heures.
3° Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la SNCF.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans ce débat : lundi 24 juin
1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE
UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
355 (1995-1996) modifiant plusieurs dispositions du code électoral relatives à
l'élection des conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500
habitants, des conseillers généraux et des députés, de M. Jean-Paul Delevoye
dont la commission est saisie au fond.
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 358
(1995-1996) visant à réglementer la circulation des pitbulls sur tout de
territoire national, de M. Xavier Dugoin dont la commission est saisie au
fond.
M. Georges Othily a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 400
(1995-1996) relative au placement sous surveillance électronique pour
l'exécution de certaines peines, de M. Guy Cabanel dont la commission est
saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du vendredi 14 juin 1996
SCRUTIN (n° 112)
sur l'ensemble de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée
nationale, complétant la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant
statut d'autonomie de la Polynésie française
Nombre de votants : | 300 |
Nombre de suffrages exprimés : | 223 |
Pour : | 223 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
N'ont pas pris part au vote :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (24) :
Pour :
19.
Abstentions :
5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André
Boyer, Yvon Collin et Mme Joëlle Dusseau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour :
93.
GROUPE SOCIALISTE (74) :
Abstentions :
72.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui
présidait la séance, et M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :
Pour :
58.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Pour :
44.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (10) :
Pour :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gelard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Yves Guéna
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lacour
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Jacques Sourdille
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Abstentions
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
Gérard Gaud
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Charles Metzinger
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Danièle Pourtaud
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Regnault
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Nicole Borvo
Michelle Demessine
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Félix Leyzour
Paul Loridant
Hélène Luc
Louis Minetti
Robert Pagès
Claude Pradille
Jack Ralite
Ivan Renar
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait
la séance.