MODERNISATION DES ACTIVITÉS
FINANCIÈRES

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 419 (1995-1996) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation des activités financières.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de modernisation a déjà une longue histoire, mais c'est une histoire qui se termine bien puisqu'un très large accord est intervenu au sein de la commission mixte paritaire.
Le processus s'achève donc, et la balle est désormais dans le camp des autorités de tutelle des marchés ainsi que dans celui des professionnels. Ceux-ci devront faire la preuve quotidienne de leurs performances sur un vaste marché unifié.
Bien sûr, le droit n'a jamais rendu les entreprises performantes. Mais son rôle n'est pas celui-là. Il est, plus modestement, de mettre en place un cadre propice à l'activité des entreprises. Pour ce faire, il doit être à la fois suffisamment simple pour être compris de tous et suffisamment contraignant pour apporter la sécurité nécessaire aux intervenants.
Dans le même temps, nous devons veiller à éliminer les dispositions qui pourraient se traduire par des distorsions de concurrence injustifiées.
Je pense que le texte que nous avons élaboré remplit l'ensemble de ces conditions, et le texte adopté par la commission mixte paritaire sur les points qui faisaient encore l'objet de discussions me semble particulièrement équilibré.
Ainsi, la composition des autorités de contrôle bancaire et financière a été modifiée afin que le principe de la parité entre les métiers du titre et ceux du crédit soit respecté.
A plusieurs reprises, au cours des délibérations, la Commission bancaire a également été évoquée. Nous l'avons laissée de côté, compte tenu des propos du ministre de l'économie concernant une éventuelle modification de la composition et du rôle de celle-ci. Il est clair, cependant, que les différentes réflexions en la matière, tant du côté du Gouvernement que de celui du Parlement, devront déboucher soit sur la réaffirmation du statu quo, soit sur une réforme et que l'ensemble de la place financière de Paris attend la réponse aux questions ainsi pendantes.
Par ailleurs, le statut des maisons de titres a été supprimé, comme l'avait souhaité le Sénat dès la première lecture du texte. Toutefois nous avons offert aux intéressés les garanties nécessaires pour qu'ils puissent poursuivre leurs activités en choisissant entre le statut d'entreprise de services d'investissement, créé par la nouvelle loi, et celui de crédit, issu de la loi bancaire.
Cette question, que nous avons ainsi tranchée, a soulevé beaucoup de passion et, d'après les commentaires que j'entends, j'ai l'impression que la solution à laquelle nous avons abouti peut recueillir le consensus nécessaire ; c'est, en tout cas, ce que laisse présager la très large approbation que j'ai déjà perçue au sein des deux asssemblées et dans les milieux professionnels.
Le texte que nous avons élaboré comprendra ainsi un volet statutaire plus équilibré et un volet institutionnel plus complet.
Je souligne, en outre, les avancées importantes qui ont été réalisées dans le domaine de la gestion pour compte de tiers, dont la spécificité a été reconnue. Notre assemblée a, en quelque sorte, ouvert la voie à une réforme qui devrait pouvoir se poursuivre. Nous attendons à cet égard le projet de loi sur les OPCVM qui nous a été annoncé pour la session d'automne.
L'approche consistant à reconnaître l'autonomie des métiers du titre l'a, en définitive, emporté sur la thèse de l'unicité du métier de banquier et des métiers du titre.
Une mise au point est nécessaire à ce propos.
Certains représentants attitrés de telle catégorie professionnelle n'ont pas hésité, à un moment donné, à qualifier publiquement le débat que nous avons eu au Parlement comme étant « hors du temps et hors des réalités ». Dans l'esprit de ces représentants, il est entendu que les établissements de crédit effectuent 80 p. 100 de l'activité des métiers du titre et qu'il est inutile d'accorder autant d'importance à une partie résiduelle des intermédiaires financiers. Pour eux, un simple chapitre annexe de la loi bancaire eût suffi. C'était, du reste, la position explicite du premier avant-projet de loi, issu de l'administration, et nous devons tous nous féliciter que notre ancien collègue Jean Arthuis ait infléchi les choses pour tenir compte des réflexions qui avaient été menées très en amont, au sein de la commission des finances du Sénat et de toute notre assemblée.
Il n'en reste pas moins que la position publique de certains professionnels est apparue particulièrement choquante tant du point de vue des principes que du point de vue de leur application au cas d'espèce.
Sur les principes tout d'abord - et je rejoins les propos de M. le président du Sénat - je voudrais rappeler cette vérité d'évidence selon laquelle ce sont les représentants de la nation, et eux seuls, qui sont en charge d'arbitrer entre les différents intérêts particuliers.
La contribution des professionnels est précieuse, surtout dans des matières aussi spécialisées, car la loi ne peut être élaborée dans une tour d'ivoire. Mais, lorsque commence le débat public, leur intervention doit s'arrêter et le Parlement est alors seul juge de l'intérêt des débats qu'il souhaite avoir et, plus encore, des solutions qui recueillent son agrément.
Par ailleurs, il y a un certain paradoxe à dénoncer les distorsions de concurrence quand elles s'appliquent aux autres et à s'arc-bouter pour défendre celles dont on bénéficie. Ce paradoxe est sans doute très français, puisque l'on évoquait tout à l'heure les conservatismes qui ne sont l'apanage de personne.
Quant au cas d'espèce, je rappellerai que cette loi n'entame en rien la théorie dite de la banque universelle, tout au contraire, puisque nous avons brisé le monopole des sociétés de bourse, ce qui n'était d'ailleurs nullement une obligation issue de la directive européenne. Désormais, les établissements de crédit pourront effectuer directement, s'ils le souhaitent, leur activité d'intermédiation et de négociation.
Tout l'enjeu du débat que nous avons eu et qui est maintenant tranché consistait à ne pas imposer aux entreprises qui ne souhaitent exercer que les métiers du titre les mêmes exigences que celles qui sont imposées aux banques, et ce afin de permettre l'éclosion des initiatives individuelles et la fertilisation de notre tissu économique.
Peut-être s'agit-il d'un objectif vain. Peut-être la nécessité d'avoir une taille critique interdira-t-elle de facto l'accès au marché à des structures trop légères. Peut-être enfin que la stratégie « commerciale » qui consiste pour une entreprise financière à offrir l'ensemble des services demandés par la clientèle l'emportera-t-elle sur la stratégie de spécialisation qui consiste, au contraire, à se concentrer sur les métiers que l'on connaît le mieux.
Mais, quelle que soit la réponse, ce sera le marché, ce sera la réalité économique qui l'emportera. Nous aurions commis une grave erreur en consacrant dans la loi des monopoles de fait et en légiférant au profit d'une seule catégorie d'entreprises.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations d'ordre général que je voulais développer au moment où le Sénat va devoir se prononcer sur le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Je termine en me réjouissant une nouvelle fois de l'accord obtenu et de la méthode de travail qui a prévalu pour l'élaboration, de ce texte. Le travail parlementaire a été accompli comme il devait l'être et la confrontation des points de vue du Gouvernement et des assemblées et de ceux de l'une et l'autre assemblées ont contribué à l'élaboration, dans l'état actuel des choses, du meilleur texte possible pour permettre à la place financière de Paris de relever les défis de la compétition européenne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a rappelé M. Marini, nous voici parvenus au terme d'un long processus de transposition en droit interne de la directive sur les services d'investissement, qui date du 10 mai 1993 et qui aurait dû être transposée par le 1er janvier dernier.
Si nous avons accepté ce retard, c'est au bénéfice d'une très importante amélioration du texte finalement adopté par le Conseil des ministres du 30 janvier dernier. La très large concertation à laquelle nous avons procédé, l'antériorité et la qualité de la réflexion du Sénat, notamment de la commission des finances et de son rapporteur, M. Philippe Marini, ont permis d'engager, dès la première lecture devant la Haute Assemblée, un débat approfondi et fécond.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cet accord quasi général, qui a facilité le débat parlementaire. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont confirmé l'architecture et les grandes lignes de ce texte, ce qui traduit, de la part du législateur, ce consensus de place que souhaitait le Gouvernement. A partir de l'acceptation de ces grandes lignes, les dispositions de ce texte, y compris les plus importantes, ont pu être substantiellement améliorées.
La loi de modernisation des activités financières, dès qu'elle sera définitivement votée par le Parlement, sera promulguée dans les tout prochains jours.
J'ai la certitude que les conséquences du retard de la transposition de la directive ne seront pas négatives pour les entreprises françaises. Il s'avère d'ailleurs que la grande majorité des pays européens connaît des difficultés pour transposer les directives nécessaires à la mise en place d'un marché financier européen, qu'il s'agisse de celle sur les services d'investissement ou de celle sur l'adéquation des fonds propres, qui sont inséparables l'une de l'autre.
Le Gouvernement fera bien évidemment diligence afin que les décrets d'application de la loi, notamment celui qui permettra la Création du conseil des marchés financiers, ne supportent aucun retard.
M. le rapporteur a rendu fidèlement compte des travaux de la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier. Quinze articles restaient en discussion. Vous êtes parvenus à élaborer un texte commun sur chacun d'eux, et le Gouvernement accepte le texte issu de la commission mixte paritaire.
Comme l'a rappelé M. Marini, le principal point d'achoppement demeurant entre les deux assemblées était celui du statut des maisons de titre. M. le ministre de l'économie et des finances avait appelé à un rapprochement des positions qui permette de satisfaire le principe d'identité de statut dès lors qu'il y a égalité de concurrence.
Comme il s'y est engagé, le Gouvernement suit très attentivement l'évolution des négociations à Bruxelles pour que les entreprises d'investissement voient leurs risques de crédit pondérés à 20 p. 100.
Quant au refinancement de ces entreprises auprès de la Banque de France, cette question relève bien évidemment de la seule indépendance de cette institution.
Le choix que vous avez retenu, et ce dès l'examen de ce projet de loi en première lecture, est celui de la disparition du statut des maisons de titre à compter du 1er janvier 1998. D'ici à ce terme, une option est ouverte entre le statut d'entreprise d'investissement et celui d'établissement de crédit. Cette solution paraît équitable et efficace pour résoudre la difficulté à laquelle nous étions confrontés. L'égalisation des conditions de concurrence et la mise en place des entreprises d'investissement permettront d'effectuer un choix en toute connaissance de cause.
Grâce à ce débat qui a été souvent très technique, nous avons tous ensemble contribué à mettre en ordre de bataille la place de Paris au moment où la concurrence européenne et mondiale devient plus vive, et je crois pouvoir dire après vous, monsieur le rapporteur, que nous avons fait ainsi oeuvre utile.
Je tiens à remercier le Sénat, tout particulièrement la commission des finances et la commission des lois, ainsi que leur rapporteur respectif, MM. Philippe Marini et Charles Jolibois, mais aussi l'ensemble des intervenants qui, soit pour le soutenir, soit pour le combattre, ont toujours su apporter un éclairage important à l'élaboration de ce texte.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
En l'occurrence, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :