M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si le Sénat en était d'accord, je souhaiterais que nous engagions le débat sur les cinémas maintenant, c'est-à-dire que viennent en discussion l'amendement n° 55 portant article additionnel après l'article 10 bis, assorti des sous-amendements y afférents.
Nous avons en effet la chance d'avoir M. le ministre de la culture parmi nous. J'ai beaucoup regretté à l'Assemblée nationale que ce débat se déroule en son absence. Il est en effet important de mener cette discussion avec sa dimension culturelle. Je me souviens que M. Ralite avait déjà exprimé ce souhait lors de la discussion du texte portant DDOEF.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Favorable !
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Par amendement n° 55, M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, propose d'insérer, après l'article 10 bis , un article additionnel ainsi rédigé ;
« Après l'article 36 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« Chapitre II bis
« Les équipements cinématographiques
«
Art. 36-1.
- I. - Il est créé une commission départementale
d'équipement cinématographique. La commission statue sur les demandes
d'autorisation qui lui sont présentées en vertu des dispositions du II
ci-après.
« Sont soumis pour autorisation à la commission départementale d'équipement
cinématographique, préalablement à la délivrance du permis de construire s'il y
a lieu, et avant réalisation si le permis de construire n'est pas exigé, les
projets ayant pour objet :
« 1° La création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques
comportant plus de 1 500 places, résultant soit d'une construction nouvelle,
soit de la transformation d'un immeuble existant ;
« 2° L'extension d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques
ayant déjà atteint le seuil de 1 500 places ou devant le dépasser par la
réalisation du projet.
« II. - Dans le cadre des principes définis aux articles 1er, 3 et 4, la
commission statue en prenant en considération les critères suivants :
« - l'offre et la demande globales de spectacles cinématographiques en salle
dans la zone d'attraction concernée : fréquentation cinématographique observée
dans la zone, par comparaison à la moyenne nationale de fréquentation,
situation de la concurrence, accès des films en salles, accès des salles aux
films ;
« - la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans
cette zone ; nature et composition du parc des salles ;
« - l'effet potentiel du projet sur la fréquentation cinématographique, sur
les salles de spectacles de la zone d'attraction et sur l'équilibre souhaitable
entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles
;
« - la préservation d'une animation culturelle et économique suffisante de la
vie urbaine et l'équilibre des agglomérations ;
« - les efforts d'équipement et de modernisation effectués dans la zone
d'attraction et leur évolution récente, ainsi que les investissements de
modernisation en cours de développement et l'impact du projet sur ces
investissements.
« Pour la détermination du seuil de 1 500 places, sont regardées comme faisant
partie d'un même ensemble les salles répondant à l'un des critères définis aux
deuxième et troisième alinéas de l'article 29-1. Ce seuil se substitue à ceux
prévus à l'article 29.
«
Art. 36-2.
- La commission départementale d'équipement
cinématographique est présidée par le préfet qui, sans prendre part au vote,
informe la commission sur le contenu du programme national prévu à l'article
premier et sur le schéma de développement commercial mentionné à l'article
28.
« I. - Dans les départements autres que Paris, elle est composée de huit
membres :
« - le maire de la commune d'implantation ;
« - un représentant de l'établissement public de coopération intercommunale
compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est
membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton
d'implantation ;
« - les maires des deux communes les plus peuplées de l'arrondissement, autres
que la commune d'implantation ; en dehors des Hauts-de-Seine, de la
Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise,
des Yvelines et de Seine-et-Marne appartenant à l'agglomération parisienne,
dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération
multicommunale comportant au moins cinq communes, les maires des deux communes
les plus peuplées sont choisis parmi les communes de ladite agglomération ;
« - un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique désigné
par son président, ayant la qualité de magistrat ;
« - le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale
comprend la commune d'implantation, ou son représentant ;
« - le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la
circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son
représentant ;
« - un représentant des associations de consommateurs du département.
« Lorsque le maire de la commune d'implantation ou le maire de l'une des deux
communes les plus peuplées visées ci-dessus est également le conseiller général
du canton, le préfet désigne pour remplacer ce dernier un maire d'une commune
située dans l'agglomération multicommunale ou l'arrondissement concerné.
« II. - Dans le département de Paris, la commission est composée de huit
membres :
« - le maire de Paris ou son représentant ;
« - le maire de l'arrondissement du lieu d'implantation ;
« - deux conseillers d'arrondissement désignés par le Conseil de Paris ;
« - un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique désigné
par son président ;
« - le président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris ou son
représentant ;
« - le président de la chambre de métiers de Paris ou son représentant ;
« - un représentant des associations de consommateurs du département.
« III. - Tout membre de la commission départementale d'équipement
cinématographique doit informer le préfet des intérêts qu'il détient et de la
fonction qu'il exerce dans une activité économique.
« Aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire où il a un
intérêt personnel et direct ou s'il représente ou a représenté une des parties
intéressées.
« Les responsables des services déconcentrés de l'Etat chargés des affaires
culturelles, de la concurrence et de la consommation, ainsi que de l'emploi,
assistent aux séances.
« Dans la région d'Ile-de-France, un représentant du préfet de région assiste
également aux séances.
« L'instruction des demandes d'autorisation est faite par les services
déconcentrés de l'Etat.
« IV. - Les conditions de désignation des membres de la commission et les
modalités de son fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
«
Art. 36-3.
- La commission départementale d'équipement
cinématographique, suivant une procédure fixée par décret, autorise les projets
par un vote favorable de cinq de ses membres. Le procès-verbal indique le sens
du vote émis par chacun des membres.
« Les autorisations sollicitées sont accordées par place de spectateur.
«
Art. 36-4.
- La commission départementale d'équipement
cinématographique doit statuer sur les demandes d'autorisation visées au I de
l'article 33-1 ci-dessus dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de
chaque demande, et ses décisions doivent être motivées en se référant notamment
aux dispositions du II du même article. Passé ce délai, l'autorisation est
réputée accordée. Les commissaires ont connaissance des demandes déposées au
moins un mois avant d'avoir à statuer.
« A l'initiative du préfet, de trois membres de la commission ou du demandeur,
la décision de la commission départementale peut, dans un délai de deux mois à
compter de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un
recours auprès de la Commission nationale d'équipement commercial prévue à
l'article 33 ci-dessus, qui se prononce dans un délai de quatre mois.
« Les commissions autorisent ou refusent les projets dans leur totalité.
« Avant l'expiration du délai de recours ou, en cas de recours, avant la
décision en appel de la Commission nationale, le permis de construire ne peut
être accordé ni la réalisation entreprise et aucune nouvelle demande ne peut
être déposée pour le même terrain d'assiette auprès de la commission
départementale d'équipement cinématographique.
«
Art. 36-5.
- Lorsqu'une décision d'une commission départementale
d'équipement cinématographique fait l'objet d'un recours devant la Commission
nationale d'équipement commercial, la composition de celle-ci est modifiée de
la manière suivante :
« - un membre du corps des inspecteurs généraux du ministère chargé de la
culture, désigné par le ministre, remplace le membre du corps des inspecteurs
généraux de l'équipement mentionné au sixième alinéa de l'article 33 ;
« - une personnalité compétente en matière de distribution cinématographique,
de consommation ou d'aménagement du territoire, désignée par le ministre chargé
de la culture, remplace la personnalité désignée par le ministre du commerce en
vertu du septième alinéa de l'article 33.
« En outre, la composition de la commission est élargie au président du comité
consultatif de la diffusion cinématographique.
« Le commissaire du Gouvernement prévu à l'article 33 ci-dessus est nommé par
le ministère chargé de la culture. Il rapporte les dossiers.
« Les modalités de fonctionnement de la commission sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. »
Cet amendement est assorti de dix sous-amendements.
Par sous-amendement n° 166, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger ainsi le quatrième alinéa (2°) du I du texte présenté par
l'amendement n° 55 pour l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973
:
« 2° L'extension d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques en
exploitation depuis plus de cinq ans ayant déjà atteint le seuil de 2 000
places ou devant le dépasser par la réalisation du projet. »
II. - De rédiger ainsi le dernier alinéa du II du texte proposé par
l'amendement n° 55 pour l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973
:
« Pour la détermination des seuils de 1 500 et 2 000 places, sont regardées
comme faisant partie d'un même ensemble les salles répondant à l'un des
critères définis aux deuxième et troisième alinéas de l'article 29-1. Ces
seuils se substituent à ceux prévus à l'article 29. »
III. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la
loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 :
a)
Au premier alinéa du paragraphe I, de remplacer le chiffre : « huit
» par le chiffre : « sept » ;
b)
De rédiger ainsi le quatrième alinéa du paragraphe I :
« - Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la
commune d'implantation ; en dehors des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du
Val-de-Marne, des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de la
Seine-et-Marne, appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la
commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant
au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée est choisi parmi
les communes de ladite agglomération ;
c)
Au dernier alinéa du I, de remplacer les mots : « l'une des deux
communes les plus peuplées » par les mots : « la commune la plus peuplée » ;
d)
Au premier alinéa du II, de remplacer le chiffre « huit » par le
chiffre « sept » ;
e)
Au quatrième alinéa du II, de remplacer les mots : « deux
conseillers d'arrondissement désignés » par les mots : « un conseiller
d'arrondissement désigné » ;
IV. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 55 pour l'article 36-3 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre
1973, de remplacer le chiffre : « cinq » par le chiffre : « quatre ».
Par sous-amendement n° 128, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti et Billard, et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le
quatrième alinéa (2°) du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article
36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précité, d'insérer un alinéa
ainsi rédigé :
« Pour l'extension ou la rénovation d'un ensemble de salles de spectacles
cinématographiques en centre-ville le seuil au-delà duquel l'autorisation est
nécessaire est porté à 2 000 places. »
Par sous-amendement n° 173, M. Vidal, Mme Pourtaud, MM. Dussaut, Bony, et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - De rédiger ainsi le début du quatrième alinéa du I du texte présenté par
l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973
:
« deux maires de communes de l'arrondissement, autres que la commune
d'implantation élus par leurs pairs ; en dehors des ... »
II. - Après les mots : « comportant au moins cinq communes », de rédiger ainsi
la fin du même alinéa : « les maires des deux communes sont élus parmi les
communes de ladite agglomération. »
Par sous-amendement n° 129, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le
sixième alinéa du I du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article
36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, d'insérer un alinéa
ainsi rédigé :
« Le représentant régional du Centre national de la cinématographie ; ».
Par sous-amendement n° 130, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le
sixième alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article
36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, d'insérer un alinéa
ainsi rédigé :
« Le représentant régional du Centre national de la cinématographie ; ».
Par sous-amendement n° 174, M. Vidal, Mme Pourtaud, MM. Dussaut, Bony, et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent, au troisième alinéa du
III du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n°
73-1193 du 27 décembre 1973, après les mots : « déconcentrés de l'Etat »,
d'insérer les mots : « du Centre national de la cinématographie et ceux ». »
Par sous-amendement n° 131, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le
deuxième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-4 de
la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, après les mots : « de trois
membres de la Commission », d'insérer les mots : « de tout exploitant concerné
par la création d'un méga- complexe cinématographique. »
Par sous-amendement n° 156, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du
deuxième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 55 de la commission pour
l'article 36-4 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précité, de remplacer
les mots : « quatre mois » par les mots : « trois mois ».
Par sous-amendement n° 132, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le
troisième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-5
de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précité, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« des représentants des quatre corps de la profession cinématographique : un
réalisateur, un producteur, un distributeur, un exploitant de salle. »
Enfin, par sous-amendement n° 176, M. Gouteyron propose de compléter
in
fine
le texte présenté par l'amendement n° 55 par les dispositions
suivantes :
«
Art...
Le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées, avant le
31 décembre 1996, un rapport sur les ensembles de salles de spectacles
cinématographiques comportant plus de 1 500 places. Ce rapport analyse les
conséquences de leur fonctionnement en prenant en considération les critères
énumérés au paragraphe II de l'article 36-1.
« Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, avant le 31 décembre, un
rapport sur l'application des dispositions du présent chapitre. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission
pérennisant une disposition de la loi du 12 avril 1996 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier, soumettant à autorisation des
commissions départementales d'équipements commercial les créations de complexe
cinématographique de plus de 1 500 places, seuil que la loi précitée avait
cependant fixé à 2 000 places, comme l'avait alors souhaité le Sénat.
La multiplication de ces multicomplexes accroît la dévitalisation des coeurs
des villes en attirant la population vers la périphérie.
Elle a nécessairement un impact sur la vie commerciale des villes concernées,
dont les restaurants et autres lieux de vie et de spectacle qui sont plus ou
moins boudés.
La commission souhaite le maintien à 1 500 places du seuil au-delà duquel la
création d'un complexe cinématographique sera soumis à autorisation. Elle
propose au Sénat d'adopter un amendement tendant à insérer un chapitre 2
bis
dans le titre Ier de la loi Royer spécifiquement consacré aux
équipements cinématographiques. Il a pour objet de créer une commission
départementale d'équipement cinématographique chargée de statuer sur les
demandes d'autorisation concernant les projets portant : premièrement, sur la
création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques comportant
plus de 1 500 places, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la
transformation d'un immeuble existant ; deuxièmement, sur l'extension d'un
ensemble de salle de spectacles cinématographiques ayant déjà atteint le seuil
de 1 500 places ou devant le dépasser pour la réalisation du projet.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale était incomplet puisqu'il ne
visait pas les extensions.
Cette commission départementale comprendrait huit membres, parmi lesquels
siégerait un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique,
désigné par son président et ayant qualité de magistrat.
Cette commission devra statuer en prenant en considération les critères
suivants : l'offre et la demande globale de spectacles cinématographiques, la
densité d'équipements dans la zone, l'effet potentiel du projet sur la
fréquentation des salles, l'équilibre souhaitable entre les différentes formes
d'offres de spectacles cinématographiques, la préservation d'une animation
culturelle et économique suffisante.
Enfin, nous prévoyons que la commission départementale d'équipement
cinématographique autorise un projet par un vote favorable de cinq membres sur
huit.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 166.
M. Philippe Douste-Blazy,
ministre de la culture.
Je voudrais tout d'abord remercier M. Raffarin de
me permettre de vous présenter ce sous-amendement, qui me paraît très
important.
Il concerne ce que l'on appelle les multiplex, c'est-à-dire des ensembles de
salles de cinéma. Ces multiplex ont pour caractéristique, dans le monde entier,
de favoriser la fréquentation des cinémas. On estime que, par multiplex, on
enregistre 300 000 à 500 000 spectateurs de plus par an. Ce phénomène est donc
positif pour le cinéma en général.
Le premier problème culturel qui se pose est de savoir si les multiplex
servent plutôt le cinéma non européen ou si, outre le cinéma non européen, ils
servent également le cinéma européen, notamment le cinéma français.
C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture a décidé de mettre en
place un observatoire qui, région par région, département par département,
salle par salle, étudiera si ces multiplex se développent au détriment du
cinéma français ou non.
Nous verrons ensuite ce qu'il y a lieu de faire, si nécessaire.
Le deuxième problème qui se pose est de savoir si l'installation de ces
complexes ne se fait pas au détriment des centres-villes. A cet égard, je
comprends très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, vos soucis, qui sont
d'ailleurs aussi les miens. Il faut éviter de geler le système des salles en
France. D'autres pays l'ont fait avant nous, comme l'Italie voilà quinze ans,
et on a vu quellecatastrophe cela avait donné.
Je souhaite donc la fixation d'un double seuil, c'est l'objet du
sous-amendement.
Pour la construction d'un multiplex, je suis favorable à un seuil de 1 500
places de façon à éviter la construction de grands complexes à la périphérie
des villes, au détriment des centres-villes.
En revanche, je propose d'élever à 2 000 places le seuil d'autorisation pour
les extensions. Aujourd'hui, il y a déjà en France 30 complexes de 1 500 à 2
000 places. Parmi eux, 28 se trouvent en centre-ville et seulement 2 en
banlieue parisienne.
Si l'on fixe le seuil à 1 500 places pour aider les centres-villes, en fait,
on risque d'obtenir le résultat inverse car la plupart des complexes qui
s'organiseront en centre-ville auront une potentialité de 1 500 à 2 000
places.
En effet, les propriétaires de cinémas de 1 500 places qui voudront étendre
leur exploitation achéteront des immeubles voisins pour créer deux ou trois
salles supplémentaires. Dès lors, le complexe disposera de 1 800 ou 1 900
places.
Telles est la raison pour laquelle je demande au Sénat d'adopter le
sous-amendement n° 166 ; c'est la seule solution pour sauver le cinéma en
centre-ville.
M. le président.
La parole est à M. Ralite, pour défendre le sous-amendement n° 128.
M. Jack Ralite.
Je suis d'accord avec les propos que vient de tenir M. Douste-Blazy. En effet,
il me semble bon de faire passer à 2 000 le seuil de places autorisées dans les
centres-villes. Je pense que cela répond à différentes préoccupations.
Je voudrais cependant faire une remarque.
Pour ma part, j'aurais souhaité que le cinéma, qui, selon André Malraux, est
un art mais aussi une industrie, ne soit pas finalement traité comme un
commerce, car le film n'est pas une marchandise comme les autres et doit
bénéficier de ce qu'on appelle l'exception culturelle.
Malheureusement, les laudateurs sans rivage des multiplexes - je pense à la
société Gaumont-Buena Vista et à UGC-Fox - n'ont pas voulu élaborer un code de
la route culturel. Se croyant immunisés, ils ont foncé, bousculant tout ce qui
n'était pas eux, c'est-à-dire avant tout les indépendants réunis récemment dans
l'UDIC et, à travers eux, les cinéastes et les « amants du cinéma », pour
parler comme Jacques Becker.
Précisément, lors du débat du 21 mars, j'avais proposé l'institution d'une
commission pluraliste pour établir un tel code de la route, mais la proposition
a été repoussée. Je sais - M. le ministre vient d'en parler - qu'il a été créé
un observatoire, mais dénué de pouvoir. D'ailleurs, il a fallu agir pour que
les cinéastes y soient représentés. Après deux réunions, les commentaires sur
les statistiques rassemblées ne sont pas pour le moment porteurs d'une
indication fiable. S'agissant de ces statistiques, par exemple, le simple
rapport fréquentation multiplex, fréquentation en centre-ville déforme la
réalité, qui dépasse, et de loin, ce rapport. Il n'est que de se souvenir des
complexes créés dans les années soixante-dix. Le débat avait déjà été posé.
Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, que je connais bien, s'il n'y
avait pas eu la création par les villes, aidées par la direction de l'action
culturelle, de cinémas publics, c'était la désertification, le déménagement du
territoire ou plutôt son aménagement sauvage.
La loi du marché, qui règle désormais - mais pas pour toujours - la vie, a
créé une tension entre la liberté commerciale, qui s'épanouit, et les libertés
artistique et citoyenne, qui se rétrécissent.
Un rapport de grande qualité, le rapport Brault, a été élaboré à l'occasion
des échanges d'actifs entre Gaumont et Pathé. Il est resté lettre morte. Le «
code de la route » s'est évanoui !
Or, aujourd'hui, la réalité de notre cinéma vient de se confirmer à Cannes. Il
faut donner à ce pluralisme de création un pluralisme de diffusion.
Mais fait-on tout ce qu'il faut pour l'accès du cinéma aux salles, à toutes
les salles ? Pourquoi un film américain part-il toujours gagnant, alors qu'un
film français ou européen doit se battre pour gagner ? Pourquoi, par exemple, y
a-t-il deux cents copies de
Dracula
et seulement quatre-vingts pour
le Facteur
?
Par-delà notre débat d'aujourd'hui, il serait souhaitable que l'idée d'une
commission, comme celle que j'avais avancée le 21 mars, soit reprise, avec
l'objectif de favoriser l'avènement d'un « code la route ».
L'expérience anglaise, de ce point de vue, nous serait précieuse. En effet,
contrairement à ce que laissent entendre les documents de la Fédération
nationale du cinéma français, voici ce qu'indique, sous le titre : « 50 p. 100
des films ne sont pas distribués », la
Lettre mensuelle de l'ambassade de
France à Londres
,
UK Media
: « Près de la moitié - 47 p. 100 - des
soixante-neuf films produits ou coproduits par le Royaume-Uni en 1994 ne sont
toujours pas sortis [...]. En 1986, 2,3 p. 100 seulement de la production
n'avaient pas été distribués [...]. Première raison invoquée : les multiplex
qui favorisent les films américains. »
Je crois donc qu'il faut envisager la création de cette commission. Un
représentant de l'UDIC a même demandé pourquoi on ne l'appellerait pas le « CSA
du cinéma ». Je ne sais pas si la formule vaut, mais elle fait mouche.
En 1946, la France a su réguler la diffusion cinématographique. Il faut
qu'elle sache, en 1996, dans des conditions neuves, la réguler d'une manière
neuve, c'est-à-dire sans étatisme mais sans affairisme, et cela pour le cinéma
dans son pluralisme.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Delfau applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre le sous-amendement n° 173.
Mme Danièle Pourtaud.
Ce sous-amendement ayant pour objet de mettre en conformité la commission
d'équipement cinématographique avec nos propositions concernant la commission
d'équipement commercial, je me demande s'il est utile que je le défende. Mais,
après tout, le Sénat ne s'est pas encore prononcé sur l'amendement n° 55 ;
j'exposerai donc notre point de vue.
Nous proposons, comme nous l'avions fait pour la CDEC, de prévoir que, parmi
les quatre maires - mais je pense que l'idée pourrait être retenue avec trois
maires - que nous souhaiterions voir siéger au sein de cette commission, l'un
sera élu par les maires de l'ensemble des communes concernées, et qu'il ne
s'agira pas nécessairement du maire de la commune la plus peuplée.
M. le président.
La parole est à M. Ralite, pour défendre les sous-amendements n°s 129 et
130.
M. Jack Ralite.
Il s'agit, par ces deux sous-amendements, de permettre au cinéma proprement
dit d'être représenté, en la personne d'un délégué régional du Centre national
du cinéma, dans les commissions départementales. Nous avons un outil, il faut
l'utiliser. Cela corrigera le fait qu'une commission en charge du commerce
intervienne en matière de cinéma.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter le sous-amendement n° 174.
Mme Danièle Pourtaud.
La présentation de ce sous-amendement me donne l'occasion de saluer
l'initiative du rapporteur, soutenu en cela par la commission, tendant à sortir
l'équipement cinématographique des compétences de la CDEC.
Une commission spéciale a en effet, à nos yeux, le mérite de constituer une
instance
ad hoc
pour régler les problèmes spécifiques ayant trait au
cinéma, lequel ne saurait être considéré, cela vient d'être rappelé, comme un
produit de consommation comme un autre.
Cependant, cette nouvelle commission départementale d'équipement
cinématographique ressemblera fort, dans sa composition, à la commission
départementale d'équipement commercial.
Aussi, puisqu'il s'agit de régler des questions relatives au cinéma, et donc à
la culture française, nous avions souhaité que les personnalités représentant
ce secteur soient plus nombreuses au sein de cette commission.
Pour respecter le principe de séparation des pouvoirs et parce que nous ne
souhaitons pas, comme l'ont souligné tout à l'heure mes collègues, mettre les
élus en minorité dans ces commissions, nous avons dû renoncer à voir siéger des
représentants du CNC et de la direction régionale de l'action culturelle dans
la nouvelle commission. Nous avons donc retiré nos sous-amendements.
Nous souhaitons néanmoins la présence de plusieurs fonctionnaires compétents
dans les domaines culturel et cinématographique, à défaut de voter, ils
pourront informer la commission des enjeux regardant le cinéma français.
J'ai bien noté que le dispositif de l'amendement n° 55 prévoyait la
participation aux travaux de la commission d'équipement cinématographique d'un
membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique, c'est-à-dire un
haut fonctionnaire ayant qualité de magistrat compétent en la matière. Cette
représentation unique du secteur nous semble insuffisante.
Qui est plus à même que les représentants du cinéma, à l'échelon local, de se
prononcer sur l'opportunité d'un projet d'ouverture de mégacomplexe et de faire
valoir l'intérêt du cinéma français dans son ensemble ?
Dans une zone donnée, il s'agira plus particulièrement d'évaluer les risques
que comporteront les projets d'ouverture pour les autres structures existant
aux alentours, qu'il s'agisse des salles intégrées à de grands groupes ou de
salles gérées par des exploitants indépendants.
Voilà pourquoi il nous semble important qu'un membre du CNC, seule autorité
réellement compétente en matière de cinéma, assiste aux travaux d'instruction
des commissions.
Seul l'avis de telles personnalités auprès des commissions départementales
d'équipement cinématographique permettra à ces nouvelles instances de jouer
pleinement leur rôle en faveur du cinéma français, pour la défense de notre
culture et contre l'invasion anarchique des mégacomplexes, promoteurs d'une
culture le plus souvent très éloignée de la nôtre, mettant en danger, par
ailleurs, les exploitants indépendants et donc la production de films français
« à risque ».
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Danièle Pourtaud.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre
sous-amendement n° 174 et nous voterons l'amendement n° 55.
M. le président.
La parole est à M. Ralite, pour défendre les sous-amendements n°s 131, 156 et
132.
M. Jack Ralite.
L'arrivée d'un nouvel équipement cinématographique, à plus forte raison quand
il s'agit de la création de mégacomplexes, modifie sensiblement les modalités
de fréquentation des salles de spectacles voisines.
Ainsi, on mesure encore très mal l'impact sur les petites salles de
l'installation d'un mégacomplexe cinématographique, par exemple, dans le
quartier des Halles, à Paris ; encore qu'une salle comme celle de la rue
Saint-André-des-Arts, dans le VIe arrondissement, qui est un peu le
porte-drapeau du cinéma d'auteur, s'en trouve manifestement déstabilisée.
L'observatoire qui a été mis en place devrait nous apporter des lumières sur
cette question.
Pour autant, nous devons ouvrir des voies de recours à tout exploitant de
salle concerné par la création d'un mégacomplexe cinématographique.
Nous savons combien, en cette affaire, la situation de nombre de petits
exploitants est précaire et impose qu'ils puissent exposer très vite quelles
sont leurs difficultés. C'est l'objet du sous-amendement n° 131.
Le sous-amendement n° 156 porte sur le délai de recours : quatre mois sont
prévus pour l'instruction ainsi que pour le recours. Nous proposons, dans un
souci d'accélération, de ramener de quatre mois à trois mois le délai de
recours.
Quant au sous-amendement n° 132, il répond à notre voeu de voir les
principales composantes de la profession cinématographique, à savoir les
producteurs, les distributeurs, les exploitants et les réalisateurs, assister
aux délibérations de la commission nationale. Quoi de plus normal ?
Ce sous-amendement tend donc, lui aussi, à corriger l'approche, hélas ! par
trop exclusivement commerciale du présent texte.
Je tiens en particulier beaucoup à la présence des réalisateurs, tant il est
vrai qu'aujourd'hui, et pas seulement à Châteauvallon, le statut du poète, au
sens général, dans la cité est remis gravement en cause. Les réalisateurs
doivent être partie prenante et pouvoir dire leur mot dans les délibérations de
la commission nationale.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron, pour défendre le sous-amendement n° 176.
M. Adrien Gouteyron.
J'ai bien écouté tout à l'heure M. le ministre de la culture indiquer la
position du Gouvernement sur un sujet important.
Si l'amendement n° 55 de la commission, modifié éventuellement par le
sous-amendement du Gouvernement ou par d'autres sous-amendements, est adopté,
il se substituera à une disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui avait
le même objet et tendait à pérenniser le régime temporaire institué par la loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et fiscal.
Dans ce dernier texte, nous avons répondu à un certain nombre de situations
caractérisées par leur urgence. La position qui avait été prise à ce moment-là
présentait en outre un grand avantage : elle nous laissait le temps de la
réflexion. La constitution de l'observatoire avait précisément ce but, monsieur
le ministre de la culture.
D'ailleurs, tout à l'heure, dans votre intervention, nous n'avons pas pu ne
pas remarquer que, si vous avez, certes, quelques intentions - puisque vous
proposez de sous-amender le texte de la commission, c'est bien que vous n'y
êtes pas hostile - vous n'avez pas, pour autant, beaucoup de certitudes.
Il est vrai que la situation actuelle soulève, à l'évidence, un certain nombre
de questions auxquelles on ne peut pas répondre avec une totale certitude.
Il est une première question à laquelle vous avez répondu : l'existence de
multiplexes, ou de grands complexes - ce n'est peut-être pas, d'ailleurs, tout
à fait la même chose - est-elle un facteur d'accroissement de la fréquentation
? La réponse, de manière à peu près certaine, est oui. C'est déjà un résultat
que l'on ne peut pas négliger.
Il est une deuxième question à laquelle on ne peut répondre avec autant
d'assurance : l'ouverture des multiplexes aboutit-elle à réduire la part du
cinéma français dans cette fréquentation ? Il semble bien qu'il n'y ait pas de
différence fondamentale entre les goûts du public qui fréquente ces multiplex
et les goûts du public en général, sinon que ce sont tout de même les films «
grand public » qui attirent, le plus souvent, les jeunes qui fréquentent ces
multiplex.
M. Ivan Renar.
C'est ce qui leur est offert !
M. Adrien Gouteyron.
Troisième question : quelles sont les incidences de ces multiplexes sur
l'équilibre du réseau de distribution, sur la survie des exploitants
indépendants, sur l'aménagement du territoire ? Monsieur le ministre, le fait
que vous ayez déposé un sous-amendement à l'amendement de la commission montre
bien que l'on ne peut pas traiter ces matières avec des instruments trop
grossiers et que l'on ne peut pas légiférer sans prendre d'infinies
précautions. Vous proposez en effet une modulation distinguant les
centres-villes et la périphérie.
Vous faites bien, parce qu'il faut surtout éviter de freiner et, plus encore
de stopper le mouvement de modernisation mené souvent, qu'on le sache bien, par
des indépendants. Les chiffres que vous avez fournis, concernant l'implantation
de ces multiplex en centre-ville, sont particulièrement intéressants.
Ainsi, monsieur le ministre, je propose un sous-amendement qui tend simplement
à ne pas pérenniser un système sans que nous nous donnions les moyens d'y voir
clair.
Si l'on estimait, en effet, n'avoir pas eu le temps de procéder à toutes les
observations nécessaires, on aurait pu très simplement allonger le délai
d'observation. On ne le fait pas. On a choisi un autre dispositif. Soit ! Mais
au moins, ne décidons pas de détourner définitivement notre regard de ce
problème. Octroyons-nous les moyens de suivre les évolutions.
Tel est l'objet du sous-amendement que j'ai l'honneur de présenter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 166, 128, 173,
129, 130, 174, 131, 156, 132 et 176 ?
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 166 que vous nous proposez, monsieur le
ministre, a fait l'objet d'un avis favorable de la commission. Il répond, en
effet, à certaines interrogations et aux soucis qu'a exprimés la commission
lorsque nous avons examiné les seuils et discuté de la nécessité de passer
devant une commission départementale d'équipement commercial au début de notre
discussion, puis, comme a bien voulu le rappeler Mme Pourtaud, de l'éventuelle
création d'une commission départementale d'équipement cinématographique.
La commission avait d'ailleurs proposé, dès le début, de soutenir un seuil de
2 000 places. Vous donnez donc satisfaction à une partie de la commission,
raison pour laquelle nous soutiendrons votre sous-amendement.
Le sous-amendement n° 128 est satisfait par sous-amendement n° 166 du
Gouvernement.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 173. Elle est également
défavorable au sous-amendement n° 129, car elle a jugé peu souhaitable de
prévoir la participation du Centre national de la cinématographie au sein des
commissions.
La commission est aussi défavorable aux sous-amendements n°s 130 et 174.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 131, la commission y est encore
défavorable.
S'agissant du sous-amendement n° 156, la commission a hésité et souhaiterait
connaître l'avis du Gouvernement, étant donné qu'une partie de la commission
souhaitait le
statu quo
par rapport à la situation ancienne.
Sur le sous-amendement n° 132, la commission a émis un avis défavorable.
S'agissant enfin du sous-amendement n° 176, la commission a émis un avis
favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 55 ainsi que sur les
sous-amendements n°s 128, 173, 129, 130, 174, 131, 156, 132 et 176 ?
M. Philippe Douste-Blazy,
ministre de la culture.
Tout d'abord, je tiens à remercier la commission
de son avis favorable sur le sous-amendement n° 166.
Sur le sous-amendement n° 128, l'avis du Gouvernement est défavorable. La
notion de centre-ville paraît beaucoup trop floue. Comme la commission, je
demanderai à M. Ralite de bien vouloir le retirer.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 173. Il correspond, en
effet, à un amendement général relatif à la composition de la commission qui,
présenté par le groupe socialiste, a déjà été rejeté par le Sénat.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 129. Le représentant du
ministère de la culture qui assurera l'instruction des dossiers ne peut être en
même temps partie à la décision.
Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 130, et pour
les mêmes raisons.
Il est défavorable au sous-amendement n° 174, car le Centre national de la
cinématographie, qui assure l'instruction des dossiers, ne peut être à la fois
juge et partie. Il ne peut donc être partie à la commission.
Il est défavorable au sous-amendement n° 131 qui, s'il était adopté,
signifierait un appel systématique de toutes les décisions des commissions
départementales.
Il est défavorable au sous-amendement n° 156, car il préfère le
statu
quo
.
Il est défavorable au sous-amendement n° 132. A aucun moment, en effet, les
socioprofessionnels n'ont été prévus dans la procédure. Il vaut mieux s'en
remettre, me semble-t-il, à des personnalités indépendantes.
Le Gouvernement est, en revanche, favorable au sous-amendement n° 176,
présenté par M. Gouteyron. Le rapport de transparence et de réflexion me paraît
tout à fait nécessaire. Il pourra d'ailleurs être élaboré à partir des travaux
de l'observatoire dont j'ai parlé en présentant le sous-amendement du
Gouvernement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 166.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je tiens tout d'abord à souligner devant notre assemblée les conditions
détestables dans lesquelles nous sommes conduits à traiter de ce sujet. J'avais
dit hier, dans la discussion générale, me distinguant en cela, du reste, de mes
amis socialistes - j'en avais informé la Haute Assemblée - que je ne partageais
pas la logique d'opprobre qui pesait sur les multiplex. Je m'en expliquerai à
mesure mais, en cet instant, je veux préciser un point.
Tout cela a commencé parce que, à l'Assemblée nationale, a été ajouté à un
texte du Gouvernement, qui ne le prévoyait pas, l'idée que le développement et
l'implantation de nouvelles salles de cinéma autour de 2 000 places devaient
être soumis à une commission départementale. Les multiplex étaient visés,
accusés, mis au banc d'infamie et ravalés au rang des hypermarchés, parce que,
par des prix d'appel, ils écraseraient le reste des installations
cinématographiques.
On en pense ce que l'on veut. Personnellement, je trouve que c'était une
position tout à fait détestable et que, au demeurant, avoir soumis le
développement de ces équipements à une commission départementale d'équipement
commercial était une absurdité, car l'industrie du cinéma est aussi, comme l'a
rappelé M. Ralite - on peut retourner la formule - un art et que sa
réglementation ne se confond pas avec les normes qui s'appliquent à la vente du
yaourt, des confitures, des vêtements, toutes choses absolument indispensables
et légitimes, par ailleurs. Cela n'a rien à voir !
C'est parce que nous avons ce rajout dans le texte qu'il a fallu, d'abord le
déplacer, comme l'a fait fort heureusement la commission ce matin, et que nous
sommes conduits, maintenant, dans des conditions extravagantes, à organiser
tout un système d'appréciation de ces implantations dans le pays alors qu'il y
va, au fond, de la survie ou de l'épanouissement - on prend la question comme
on veut - de l'industrie cinématographique française. Tant et si bien que la
commission des affaires économiques nous propose un dispositif - nous dirons
tout à l'heure ce que nous en pensons - qui est enrichi par le Gouvernement,
qui accourt à la rescousse, se rendant compte de l'énormité de ce qui est en
train de se faire.
De surcroît, aucun professionnel du cinéma, aucun syndicat de professionnels,
aucun représentant de la profession n'a été entendu par la commission des
affaires économiques. Quant à la commission des affaires culturelles, elle n'en
a jamais débattu. Et, ici, pour parer une mauvaise idée de l'Assemblée
nationale, nous sommes conduits, dans la précipitation, à mettre au point un
dispositif dont personne ne sait ce qu'il peut donner, s'il est fondé, si les
informations qui nous conduisent à décider sont fondées ou non.
J'ai dit hier que je me trouvais empêché, pour les raisons que j'ai indiquées,
de déposer moi-même des amendements. Le seul qui vaudrait en cette
circonstance, c'est un amendement de suppression afin de renvoyer cette
question pour pouvoir l'examiner lucidement. Evidemment, si le ministre prenait
l'initiative d'un tel amendement de suppression, il aurait la surprise de sa
vie : il verrait le socialiste Mélenchon voter dans son sens ! Peut-être
vais-je devoir le faire, mais je veux le faire sur les sous-amendements, comme
un pis-aller, car ce que nous faisons là n'est pas du bon ouvrage. Ce n'est pas
de la bonne besogne.
M. Emmanuel Hamel.
C'est du mauvais ouvrage !
M. Jean-Luc Mélenchon.
S'agissant des arguments qu'a développés tout à l'heure mon ami Jacques
Ralite, avec lequel je serai prêt à m'accorder sur toute une série de points,
quoique, pour ma part, je ne partage pas l'opprobre qu'il jette sur les
multiplex - si M. le président m'y autorise, je vais dire pourquoi ; cela me
permettra peut-être d'abréger le reste de mes interventions - nous ne pouvons
pas en discuter sérieusement. Nous allons donc faire un compromis hâtif à
partir de ce que, les uns et les autres, nous croyons indispensable de
protéger.
Le rapporteur ne croit pas que la décision qu'il propose soit autre chose
qu'un compromis que, pour sa part, je crois, il juge mauvais.
Le ministre ne pense pas que sa propre position soit autre chose qu'un
compromis, dont il nous a fait sentir qu'il le jugeait mauvais.
Moi-même, contemplant tous ces dispositifs, je juge l'ensemble mauvais et je
suis sûr qu'un grand nombre de collègues ici pensent de même.
C'est une décision précipitée qui nous est quasi imposée par une autre
décision prise à la hussarde par l'Assemblée nationale. Le mieux que nous
aurions à faire serait de renvoyer cette décision à plus tard pour que les deux
commissions de la Haute Assemblée puissent en discuter et consulter, et que
nous sachions quels sont les vrais chiffres, au lieu de travailler dans des
conditions pareilles.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
J'interviendrai sur l'amendement pour dire ce que je pense des multiplex et
pourquoi je crois que des jugements évidemment très sommaires ont été portés à
cet égard.
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Je regrette, une fois de plus, de ne pas être d'accord avec le Gouvernement.
Mais, porter à 2 000 places, comme il le demande par son sous-amendement, le
seuil au-delà duquel l'autorisation est nécessaire dans les cas de
modernisation de salles de cinéma, c'est incontestablement favoriser la
multiplication des mégacomplexes cinématographiques dans la main des grands
monopoles de la distribution cinématographique qui étouffent, vous le savez,
monsieur le ministre, la production française des films français. Ces groupes
capitalistiques accordent, en effet, la priorité à la diffusion des films
étrangers.
Je voterai donc en conscience contre ce sous-amendement qui est, je le crains,
un clin d'oeil aux grands groupes capitalistiques de la distribution du cinéma.
C'est un amendement dangereux pour la production cinématographique française,
pour l'industrie française du cinéma et pour l'art français.
M. Jean-Marie Girault.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault.
Je suis de près, depuis trois ou quatre mois, le problème des grands complexes
cinématographiques.
Je connais bien l'origine de l'amendement, qui fut déposé, en premier lieu, à
l'Assemblée nationale à propos de la législation provisoire sur laquelle le
Sénat s'est ensuite prononcé. Il s'agissait d'un amendement d'un collègue
parlementaire qui m'est proche, Francis Saint-Ellier. Cet amendement était issu
d'une expérience vécue dans la région que nous habitons, la région de Caen, à
l'occasion de l'implantation d'un complexe dans une périphérie en voie
d'américanisation.
Dans l'esprit de la législation sur l'aménagement du territoire, cela vaut
bien une réflexion et quelques réactions. Si je reconnais que l'amendement,
adopté dans le cadre de cette législation provisoire et repris par le Sénat,
comportait des insuffisances, notamment au niveau de la saisine de la
commission d'équipement commercial - l'industrie cinématographique n'est pas,
en effet, un commerce au sens habituel du mot - je considère que, à l'occasion
de la discussion du présent projet de loi, des réflexions ont été menées et les
échanges ont été nombreux. L'amendement qui est présenté par la commission des
affaires économiques, sous-amendé par le Gouvernement, me paraît tout de même
un grand progrès et la preuve de la qualité de cette réflexion.
Je voudrais dire à notre collègue Jean-Luc Mélenchon qu'il y a bien longtemps
que l'on connaît toutes les données du problème. L'affaire des complexes
cinématographiques est bien connue. On en a pesé les avantages et les
inconvénients. Le débat n'est pas improvisé, il est le produit d'une réflexion.
Je reconnais que, sur la législation provisoire votée il y a quelques mois, le
Gouvernement s'était montré beaucoup plus réticent, pour finalement admettre le
chiffre de 2 000 places. La réflexion aidant, on a conçu le texte qui est
proposé au Sénat.
Je voudrais rappeler à nos collègues que la commission départementale
d'équipement cinématographique, dont la saisine est obligatoire au-delà de
certains seuils, est un instrument de régulation, et non pas un instrument
d'interdiction. Son mérite fondamental est d'être complètement détachée de la
commission départementale d'équipement commercial et de permettre, pour chaque
situation, de résoudre dans le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest de la France les
problèmes qui se posent éventuellement de façon très différente.
On confond - je ne sais pourquoi - l'autorisation imposée avec un risque
majeur d'interdiction. Laissons donc les partenaires décider sur place avec
pragmatisme, en fonction des expériences vécues, une autorisation ou une
interdiction.
S'agissant de la réflexion sur l'aménagement du territoire, je pense que les
décisions de la future commission entrent parfaitement dans une logique
d'équilibre, de respect certes, du coeur des villes, mais aussi, peut-être, des
banlieues qui naissent et se développent, c'est tout à fait normal. La
commission saura bien le dire. En définitive, nous aboutissons ce soir à un
texte d'équilibre.
Je n'ai pas très bien compris l'ire de notre collègue Hamel en ce qui concerne
le sous-amendement gouvernemental. Ce dernier est issu de réflexions soumises à
certains parlementaires - ce qui prouve que le débat n'est pas improvisé - et
notamment de M. Labbé, président des cinémas de France, que j'ai rencontré, et
qui a des intérêts évidents dans la ville d'Auxerre, où il envisage de
moderniser un ensemble, projet qui ne peut voir le jour, a-t-il dit, qu'avec un
minimum de 2 000 places. L'intervention du monde de la cinématographie est à
l'origine de ce sous-amendement.
Quand on veut protéger le coeur des villes, le fait de construire 300 ou 400
places supplémentaires est une bonne chose pour l'aménagement du territoire. Il
n'en va pas de même pour les banlieues ou pour la périphérie, me
rétorquerez-vous. Certes, il faudra l'autorisation de la future commission
départementale. Elle décidera, en fonction des besoins exprimés, si un projet
de 2 490 places peut être recevable.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault.
Je termine, monsieur le président.
Le débat n'est pas improvisé ; il a été approfondi et je ne ferai pas injure à
M. Mélenchon en lui disant qu'il connaît par coeur ce dossier ; il est très
informé de tous ces sujets. Aujourd'hui, nous sommes en état de statuer.
Pour ma part, je voterai le sous-amendement du Gouvernement ainsi que
l'amendement n° 55 de la commission des affaires économiques.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Comme l'a rappelé M. Gouteyron, nous manquons peut-être encore d'éléments
d'évaluation sur les conséquences de l'implantation des multiplex. Mais qu'il
me pardonne, à défaut de certitudes, nous pouvons néanmoins avoir quelques
présomptions. J'en donnerai trois exemples.
La première est la suivante. Les méga-complexes permettent la diversité, et
donc favorisent le cinéma français, nous dit-on. Personnellement, j'en doute.
Il suffit de consulter les programmes. Regardons simplement ceux de cette
semaine. A Paris : huit films américains sur les quinze salles du Ciné-Cité les
Halles, dont deux fois le même dans deux salles ; sept films américains sur
onze salles à l'UGC George V. Dix films américains sur dix-sept salles à
Villeneuve-la-Garenne en banlieue nord-ouest de Paris. Toutes ces salles jouent
une douzaine de films en commun. Où se trouvent donc la diversité et la
promotion du cinéma français ?
Deuxième présomption : qui programme le cinéma d'auteur ? Tout le monde sait
que ce sont les distributeurs indépendants, et eux seuls, qui prennent le
risque et qui favorisent le cinéma d'auteur. Je ne veux pas faire l'apologie
d'un seul type de cinéma, car tous les types de films jouent un rôle dans la
bonne santé du cinéma français. Il n'existe pas de genre majeur. Je crains fort
que les méga-complexes ne tuent un certain type de programmation certes moins
rentable, moins commerciale, néanmoins importante sur le plan culturel.
Troisième présomption : il semble bien que les multiplex fassent de l'ombre
aux petites salles des centres-villes et compromettent même souvent leur
survie. On a souvent pris l'exemple de Bruxelles ; c'est effectivement un
exemple type. Cette ville a vu, au milieu des années quatre-vingt, se créer à
sa périphérie l'un des premiers méga-complexes d'Europe. Depuis, les cinémas
indépendants du centre de Bruxelles ont disparu. Par ailleurs, certains de mes
collègues avaient pris, lors du débat sur le projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier, l'exemple d'Avignon, qui est plus
proche.
C'est pourquoi le groupe socialiste estime qu'il ne faut pas laisser les
méga-complexes s'implanter et se développer de manière anarchique. Néanmoins,
il est également nécessaire de permettre à des salles, principalement en
centre-ville, de se moderniser. Aussi, nous considérons que le sous-amendement
n° 55, qui prévoit un seuil de 2 000 places en centre-ville en cas d'extension,
est acceptable. Nous le voterons donc.
M. Jack Ralite.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Je serai bref car j'ai dit tout à l'heure comment j'analysais l'ensemble de la
situation.
Je voterai le sous-amendement n° 55. Je voudrais tout de même préciser que, en
fait, il a été élaboré par l'UDIC, l'union des indépendants du cinéma, qui
regroupe la totalité des indépendants, des réalisateurs aux producteurs.
Ceux-ci, au cours d'assises qui se sont d'abord tenues au cinéma Le Balzac, qui
était archicomble, puis pendant le Festival de Cannes, ont estimé qu'il fallait
élaborer une disposition de ce type, que j'ai reprise car je suis très à
l'écoute de la profession.
Par ailleurs, je dirai à mon collègue Mélenchon que, sur le fond, il ne me
paraît pas bon de mêler le cinéma et le commerce. Cela dit, lors du débat du 21
mars, j'avais proposé la création d'une commission. Le Gouvernement et la
majorité du Sénat ne m'ont pas approuvé. On n'a pas voulu qu'il y ait un débat,
une étude approfondie. Je m'étais alors rallié à l'amendement.
Aujourd'hui, je maintiens ma position, car je ne veux pas d'un
no man's
land
où les multicomplexes se développeraient. J'ai lu dans
Ecran total
l'éditorial de Serge Siritzki, dans lequel il comparait les salles des
indépendants à des fiacres et les salles des grands groupes à des voitures. Il
disait que les cochers sont rassurés. Je trouve cela un peu condescendant, car,
dans ma banlieue, ce sont les grands groupes qui cassent le pluralisme du
cinéma et les indépendants qui le défendent.
C'est en fonction de ce seul aspect de question que je me détermine : le
pluralisme.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 166, accepté par la commission.
M. Emmanuel Hamel.
Je vote contre !
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les sous-amendements n°s 128, 173, 129 et 130 n'ont plus
d'objet.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 174.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le ministre, nous n'avons pas proposé qu'un représentant du CNC, le
centre national de la cinématographie, siège au sein de la commission car nous
avons bien conscience que cela n'est pas possible. Nous avons simplement
proposé qu'un représentant, éventuellement un membre déconcentré, du CNC soit
adjoint à la commission pour accorder son avis et éventuellement pour éclairer
la commission ; il n'est pas question de lui accorder un droit de vote. Aussi,
je ne vois pas en quoi un tel représentant serait gênant.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je salue la performance du ministre, qui a réussi à obtenir l'unanimité du
Sénat, comme une convergence de tous les replis, devant la bousculade que nous
avons subie de la part de l'Assemblée nationale.
Je maintiens totalement la critique que j'ai formulée tout à l'heure. Au
demeurant, le collègue qui me disait que ces questions étaient bien connues -
au sens où il portait ses appréciations - a été démenti par des hochements de
tête de plusieurs collègues de part et d'autre de l'hémicycle. C'est vrai, nous
travaillons dans la précipitation.
Cela étant dit, je ne veux pas résumer ma proposition et la résumer à une
opposition de forme, je parlerai du fond.
Avec ce qu'on nous a proposé, jusqu'à 1 500 places, il n'y a pas besoin de
passer par la commission. Cela veut dire que jusqu'à 1 499 places, on fait
comme avant et que, dans un certain nombre de cas, nous n'avons droit qu'à 1
499 places et jamais à plus de 2 000 places, parce qu'on ne sera pas dans le
bon plan, on ne passera pas au bon moment.
La logique de tout cela, c'est une logique anti-multiplex. J'entends
parfaitement tous les discours de nos amis qui nous expliquent le danger, mais
je ne vois pas que la dénonciation soit pertinente. En effet, les critiques
portent sur la programmation qui est opérée par ce type de multiplex, quelques
exemples ont été donnés tout à l'heure.
Or, si on prend les choses de ce côté-là, c'est contre l'ensemble de
l'environnement culturel qui prépare à la consommation cinématographique qu'il
faudrait agir ; il faudrait fixer des quotas de programmation. Qui les propose
? Personne !
Alors, quand on veut utiliser ce type d'arguments, on doit aller jusqu'au bout
du raisonnement et ne pas s'arrêter à mi-chemin pour montrer du doigt un type
particulier d'offre supplémentaire, car - c'est là le coeur de mon
argumentation, mon cher Jack Ralite, mes chers collègues - nous sommes dans une
économie d'offre dans ce domaine particulier, une économie du désir. C'est la
multiplication de l'offre qui crée la consommation, le goût, qui permet de
l'aiguiser et ensuite de faire des choix.
Dans ma commune, j'ai été confronté à une situation comparable à celle qu'ont
connue de nombreux élus, les gros distributeurs refusant d'ouvrir une salle. En
tant que maire-adjoint à la culture, j'en ai ouvert trois. Grâce à la qualité
du programmateur que nous avons mis au travail dans un système de cogestion,
nous sommes arrivés jusqu'à 120 000 entrées par an. Cela ne s'est traduit par
aucune baisse de fréquentation dans les salles alentour. En revanche,
l'émulation a primé ; elles ont amélioré leurs équipements et leur
fréquentation a progressé ; cela a provoqué une progression de la consommation
de cinéma chez nous en retour.
Donc, il y a un effet cumulatif, qui se constate partout. C'est pourquoi je
disais tout à l'heure que nous ne devons avoir ni les mêmes chiffres ni les
mêmes échos. Mais la vérité, c'est que, autour de ces multiplex, dans les
nombreux cas qui sont évoqués, y compris celui d'Avignon, mais on pourrait en
citer d'autres, notamment Toulon, la consommation globale a progressé. Des
personnes toujours plus nombreuses sont allées au cinéma, ont repris l'habitude
d'aller dans les salles obscures car ces dernières sont d'une qualité qui
oblige tous les autres à faire des progrès.
J'ajoute, ce sera ma conclusion, que plus la consommation de cinéma augmente,
plus on vend de tickets de cinéma et plus on abonde les fonds qui, en France,
ont permis de sauver le cinéma, notamment la TSA, taxe spéciale additionnelle,
si profitable, et combien d'autres.
Par conséquent, c'est à une vaine opposition que l'on a assisté sur le mot «
multiplex » qui a été agité comme un chiffon rouge pour faire peur, pour
essayer de confondre cela avec ce qu'est la loi de la jungle entre la grande
épicerie de l'hypermarché et la petite épicerie du centre-ville.
Cela n'a strictement rien à voir. Tout d'abord, les groupes en question ne
disposent pas de moyens financiers comparables à ceux des hypermarchés. Chacun
des grands distributeurs a, en effet, un budget équivalent à celui d'un
hypermarché.
Par ailleurs, il n'y a pas de compétition par prix d'appel ou par prix écrasés
: le prix de la place de cinéma est le même pour tout le monde, et il est même
parfois plus élevé dans les multiplex.
Par conséquent, il s'agit bien d'une affaire d'émulation : l'augmentation de
l'offre globale du cinéma peut nous permettre d'aider le cinéma français à
réussir.
Je vous prie de bien vouloir excuser la passion que j'ai mise dans mon propos,
monsieur le président. Mais je ne voulais pas que ma position puisse être
ressentie comme évitant le sujet de fond. J'assume mon soutien aux multiplex,
ainsi qu'aux autres salles bien sûr, car il ne faut pas que les cinémas
indépendants disparaissent ! D'ailleurs, si j'avais un souhait pour ma ville,
ce serait qu'un multiplex s'y installe, y compris face aux trois cinémas que
j'ai aidé à créer ; en effet, cela permettrait à des dizaines de milliers de
personnes d'aller au cinéma, de s'éduquer le goût, de devenir capables de
choisir entre les salles pour voir tel ou tel film ; en définitive, cela
tirerait par le haut la consommation cinématographique.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 174, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 131, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 156, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 132, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 176.
M. Jack Ralite.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Je suis favorable à ce sous-amendement.
Néanmoins, les deux premières délibérations à propos des statistiques de
l'observatoire créé montrent que la lecture sera complexe et plurielle. Je
préférerais, si M. Gouteyron en était d'accord, que le Gouvernement fasse
réaliser le rapport par l'observatoire. Nous serions sûrs que, comme le disait
Diderot, la voix aurait vingt bouches pour pouvoir exprimer la profondeur de
l'analyse. Ce serait, à mon avis, mieux ainsi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 176, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
M. Emmanuel Hamel.
Je vote contre.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 55, accepté par le Gouvernement.
M. Emmanuel Hamel.
Je vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 10
bis.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)