M. le président. M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la situation très difficile dans laquelle se trouvent les entreprises du BTP à ce jour et tout particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Les difficultés de ces dernières se trouvent amplifiées par les pratiques effectives de passation des marchés de travaux.
En effet, que le marché soit passé par adjudication ou par appel d'offres, le recours excessif au marché à entreprise générale fait de la plupart des entreprises du second oeuvre des sous-traitants à des niveaux de prix et à des conditions de paiement incompatibles avec leur pérennisation.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les règles applicables aux choix des candidats, et notamment la règle selon laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent posséder par elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties professionnelles et financières demandées par le maître d'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en entreprise générale, que s'il existe, compte tenu des caractéristiques de l'ouvrage, un nombre important d'entreprises possédant la capacité technique et les moyens de réaliser par elles-mêmes l'ensemble de l'ouvrage ; dans tous les autres cas, il devrait, s'il souhaite avoir un seul interlocuteur pour la réalisation de l'ouvrage, choisir de recourir à la formule du groupement conjoint ou en marchés séparés. (N° 413.)
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme mais, à vrai dire, elle concerne aussi M. le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, en tant que tuteur du code des marchés publics. Toutefois je ne doute pas que Mme le secrétaire d'Etat aux transports est parfaitement à même de faire la synthèse des réponses qu'ils auraient pu m'apporter.
Ma question porte sur la situation difficile dans laquelle se trouvent à ce jour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, et tout particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Ces difficultés sont, bien entendu, de nature économique et conjoncturelle, mais elles sont amplifiées par des ambiguïtés juridiques et par les pratiques effectives de passation des marchés de travaux.
En effet, quel que soit le mode de passation des marchés, on constate un recours de plus en plus important à l'entreprise générale. Les entreprises du second oeuvre se voient ainsi réduites au rôle de sous-traitant, sans lien juridique avec le maître d'ouvrage, à des niveaux de prix et à des conditions de paiement qui les menacent quelquefois dans leur survie.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les règles applicables aux choix des candidats et notamment la règle selon laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent présenter par elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties professionnelles et financières demandées par le maître de l'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en entreprise générale, que pour les marchés comptant un nombre restreint de lots, pour lesquels il existe des entreprises capables de les réaliser par leurs propres moyens. Dans les autres cas - comme l'avait déjà prévu la circulaire du 9 mars 1982 - il devrait recourir à la formule des marchés séparés ou, s'il souhaite avoir un seul interlocuteur, du groupement conjoint.
La réforme en préparation du code des marchés publics sera peut-être l'occasion de donner de « l'entreprise générale » une définition juridique, qui manque, semble-t-il, et de préciser les références qui doivent êre prises en considération, références acquises soit par une exécution directe des travaux, soit par le recours à la sous-traitance.
Autrement dit, ne jugez-vous pas utile, madame le secrétaire d'Etat, de clarifier l'ensemble de cette question et de lever les ambiguïtés qui inquiètent aujourd'hui une bonne partie des industriels du bâtiment et des travaux publics ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, vous demandez à M. Bernard Pons, ainsi qu'à M. Yves Galland, comment les procédures de passation des marchés publics de travaux peuvent contribuer à maintenir un tissu dynamique de petites et moyennes entreprises, facteur important de qualité et d'innovation, ainsi que de création d'emplois, dans le secteur de la construction.
M. Pons me charge de vous apporter les éléments d'information suivants.
En l'état actuel du droit, comme vous le savez, tout maître d'ouvrage public est libre de choisir le mode de dévolution des travaux qu'il estime être le plus adapté à l'opération qu'il envisage. Il peut ainsi recourir à l'entreprise générale, à un regroupement d'entreprises ou faire appel à plusieurs entreprises dans le cadre de marchés séparés.
De même, la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance consacre le droit des entreprises à sous-traiter leur activité, qu'il s'agisse d'une sous-traitance de capacité ou de spécialité.
Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, prévoit que, dans le bâtiment, le maître de l'ouvrage ne peut consulter les entreprises que lorsqu'il dispose d'études de conception suffisamment poussées pour lui permettre d'exercer pleinement son choix quant au mode de dévolution des travaux, et donc pour opter éventuellement pour les marchés séparés.
Nous sommes très attachés au développement d'une concurrence saine et loyale, et extrêmement sensibles, monsieur Gaillard - je puis vous l'assurer - aux préoccupations que vous avez évoquées, spécialement dans le contexte économique actuel.
Nous entendons pour cela veiller à ce que l'attribution des marchés de travaux le soit aux entreprises « mieux-disantes ». Nos services travaillent ainsi dans ce sens, en particulier en élaborant un guide à l'attention des maîtres d'ouvrage publics sur ce sujet.
Nous souhaitons également que, dans le cadre de la réforme du code des marchés publics, qui sera engagée par le Gouvernement sur la base des conclusions remises par M. Trassy-Paillogues, un débat soit instauré en particulier sur la sous-traitance.
Nous sommes convaincus que le titulaire du marché doit exécuter une part significative du marché qui lui est attribué et qu'il doit en être de même pour les sous-traitants proposés. Il faut également que le choix au « mieux-disant » s'applique à l'entreprise sous-traitante. Enfin, il est indispensable d'instaurer davantage de transparence et de partenariat entre donneurs d'ordre et sous-traitants dans le cadre de la passation des marchés publics.
Voilà quelques-unes des orientations, lesquelles sont, me semble-t-il, monsieur Gaillard, tout à fait en conformité avec votre propre préoccupation de clarification, que nous souhaiterions mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme du code des marchés publics.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse très documentée que vous avez bien voulu m'adresser. Il est vrai qu'il s'agit d'une question très délicate.
Alors que le code, dans sa rédaction initiale, contient des dispositions contraignantes pour les candidats, les obligeant à ne présenter une offre qu'accompagnée de références et de garanties professionnelles et financières propres, la pratique de l'entreprise générale s'est développée, ce qui est inévitable.
Elle présente toutefois l'inconvénient de rompre, en quelque sorte, le lien entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant, puisque ce dernier peut très bien être exclu, aussi bien au moment de la passation du marché qu'ensuite, et que le maître d'ouvrage n'a d'autre possibilité que de l'agréer.
Vous avez fait allusion à une étude menée par M. Trassy-Paillogues. Je crois qu'elle ne répond qu'en partie à la question, ne traitant pas du problème des deux catégories de références dont vous avez parlé : celles qui sont transmises directement et celles qui le sont indirectement à travers la sous-traitance.
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