SNCF
Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la
SNCF.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, avant d'aborder le fond du débat, je souhaite dire ma
satisfaction de l'actuelle politique du Gouvernement qui consiste à consulter
le Parlement sur des sujets qui engagent l'avenir du pays.
Aujourd'hui, nous échangeons nos idées sur la SNCF, hier, nous parlions des
orientations budgétaires, de l'université, du financement de la sécurité
sociale. L'adhésion et le soutien procèdent non pas uniquement d'obligations
remplies mais aussi de comportements d'association décidés.
Par cette démarche courageuse, monsieur le ministre, vous avez su débloquer
une situation radicalisée et rétablir les conditions du dialogue. La réussite
d'une réforme s'ancre dans la reconnaissance qu'en ont les acteurs.
Le débat de cet après-midi prouve, comme les propos des différents
intervenants, l'importance de la SNCF, donc celle des communications, non
seulement dans les limites hexagonales mais aussi dans l'ensemble européen.
Il pose également la nécessité d'une redéfinition du rôle de l'Etat dans
l'organisation du service public en y intégrant les entités locales.
Dans la vaste consultation menée ces derniers mois sur ce thème, le Conseil
national des transports, au sein duquel j'ai l'honneur de représenter le Sénat,
a apporté une contribution qui s'inscrit bien dans l'optique du redressement
proposé.
La construction européenne doit être prise en compte dans l'établissement des
objectifs. Elle joue un rôle important dans la mise en place de transports
adaptés à la croissance des échanges, aux contraintes de la protection de
l'environnement et du cadre de vie ainsi qu'à la saturation routière. A cet
égard, une réflexion mérite d'être menée sur la formule du ferroutage, qui peut
être une solution heureuse et souple. La concurrence rail-route, qui sévit au
sein même de la société nationale, devra être traitée. Les Etats seront amenés
à collaborer davantage pour une meilleure coordination entre les réseaux et la
promotion de la multimodalité.
Permettez, un instant, au rapporteur de la commission des affaires économiques
de la proposition de résolution, présentée par notre collègue M. About, sur le
développement des chemins de fer communautaires de faire une incidente.
L'important et excellent rapport de notre collègue intitulé
l'Europe : une
chance pour la SNCF ?
- je relève que la fin de la phrase est ponctuée d'un
point d'interrogation - ...
M. Emmanuel Hamel.
Il a bien raison !
M. Bernard Joly.
... appelle l'attention de la représentation nationale sur l'enjeu que
constitue la libéralisation du transport ferroviaire. La commission européenne
des transports et du tourisme en examinera, à Bruxelles, les dispositions au
mois de juillet prochain, puis le Parlement s'en saisira vraisemblablement à la
fin de l'été. La proximité des échéances nous impose d'agir d'urgence. Or,
cette modification prochaine aura une incidence fâcheuse sur les chemins de fer
français si l'on n'y prend garde. L'avance de la libéralisation du transport
ferroviaire nous contraint à assainir la situation de la SNCF. La question de
l'endettement de la société nationale doit être réglée avant que l'on procède à
cette étape dont personne n'est en mesure d'évaluer les conséquences de façon
précise.
Pour être reconnue comme une entreprise responsable, capable d'assumer les
exigences financières, économiques et sociales qui sont les siennes, tout en
assurant, dans un cadre contractuel avec l'Etat et les collectivités locales,
une mission de service public, la SNCF exigeait un recentrage de ses tâches.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le champ était trop large, les vocations
trop mêlées : la dérive était inévitable.
La clarification des rapports était un préalable au traitement de la situation
financière quand on sait que l'endettement représente près de quatre fois le
chiffre d'affaires de l'entreprise et qu'il pèse de manière durable et aggravé
sur l'équilibre de la gestion. Le mal est autre et ne peut être uniquement
attribué à une conduite des affaires qui aurait pu être meilleure.
A travers l'établissement public dont on nous propose la création, l'Etat
remplit son rôle en assumant la responsabilité de l'infrastructure du réseau
national. Il reprend à son compte les dettes contractées, s'engage à assurer
les investissements futurs et à rémunérer l'entretien et l'exploitation de ce
réseau. Cette formule est préférable, à mon sens, à une structure de
cantonnement pour l'apurement de la dette. Elle relève d'une approche dynamique
s'ouvrant sur l'avenir. La mise à disposition de l'infrastructure, assortie de
redevances de la part du gestionnaire et surtout de l'exploitant, est normale,
si les montants de celles-ci sont en rapport avec la capacité contributive de
ce dernier. L'effort de redressement, puis le retour à l'équilibre des comptes,
ne doivent pas être compromis par des prélèvements qui peuvent être justifiés
par les coûts tout en étant insupportables pour l'assujetti.
J'ai noté que les concours apportés par l'Etat à la SNCF pour des missions de
service public, de tarifs sociaux notamment, ne seront pas supprimés. Tout en
séparant clairement l'exploitation des lignes de la gestion des
infrastructures, il convient de garantir l'unité de l'entreprise et sa vocation
à offrir une égalité d'accès et de traitement des usagers.
Le rôle des chemins de fer dans l'aménagement du territoire est vital. En
matière de lignes secondaires, le bon sens réclame un choix régional. La saisie
des besoins reflète mieux la réalité si elle est de proximité. Une définition
plus fine de la demande conduit à une meilleure réponse en qualité et en coût.
Une question se posait aux responsables régionaux : ce transfert de compétences
ne s'accompagnera-t-il pas d'un transfert de charges ? Vous y avez répondu tout
à l'heure.
Disons qu'il y a une certaine prudence à accepter une responsabilité par
ailleurs souhaitée.
L'audit commandé par l'Etat, la SNCF et l'ANER, association des élus
régionaux, a abouti à la conclusion que la contribution actuelle de 4 milliards
de francs versée par l'Etat pour le transport régional devrait être augmentée
de 1,9 milliard de francs dans le cadre du transfert de compétences.
De plus, il me paraîtrait équitable qu'une péréquation soit opérée en fonction
des capacités financières des régions, de façon à ne pas aboutir à des
déséquilibres qui ne seraient pas tolérables.
Une fois la ventilation des tâches opérée, la SNCF doit s'atteler à la
reconquête du marché, qu'il s'agisse des voyageurs ou du fret. L'attitude de
l'usager est ambiguë à l'égard du transporteur : les critiques sont nombreuses
sur la dégradation du service rendu, mais l'attachement au rail est réel.
Le train reste le mode de transport dominant ; il est indissociable du
fonctionnement du pays et il renvoie au profil-type de personnel qui constitue
une identité d'entreprise.
Reste à rendre le produit attractif et compétitif en développant une stratégie
commerciale offensive. Il ne suffit plus de faire rouler les trains : il faut
offrir un « plus » aux usagers qui n'ont d'autre choix que celui-là. Pourquoi
les gares ne seraient-elles pas des lieux de vie comme le sont les aérogares
?
L'implantation de services annexes complémentaires est fort différente de la
diversification d'activités, qui a tenté la SNCF comme d'autres entreprises. On
en a vu les dangers, et les difficultés qu'ont rencontrées certaines banques,
du fait de ces essaimages, sont présentes à tous les esprits.
Clairification, recentrage, reconquête, adaptabilité et ouverture : s'agissant
de cette capacité d'anticipation de l'évolution, j'évoquerai, pour conclure, le
rapport, rendu public jeudi dernier, du « groupe des sages » pour le transport
ferroviaire, qui avait été chargé par la Commission européenne d'analyser les
perspectives du rail communautaire et de formuler des recommandations visant à
en renforcer la compétitivité. Le message principal du rapport est simple : le
rail devra changer radicalement s'il veut survivre au début du siècle
prochain.
Je suis convaincu que nous travaillons à ce changement. La majorité du groupe
du Rassemblement démocratique et social européen soutiendra donc votre projet,
monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans
ce débat que les minutes qui passent rendent de plus en plus confidentiel, je
voudrais vous dire que préparer la SNCF au choc du futur en lui donnant les
chances d'être l'un des grands du transport du XXIe siècle est assurément l'une
des affaires majeures de la nation.
Peu de dossiers ont, en effet, suscité autant de commentaires,
d'interrogations, de constats, de propositions, de questions, de doutes,
d'inquiétudes et d'attentes que cette réforme nécessaire, annoncée depuis
longtemps et, grâce à vous, commencée depuis seulement quelques mois.
Monsieur le ministre, dans le débat qui, à l'Assemblée nationale, a précédé le
nôtre - et ce ne fut pas sans dépit pour le Sénat - vous avez répondu à
l'essentiel de ces attentes souvent crispées et, du même coup, aux commentaires
et questions qui surgissent de notre présent débat.
Vous avez annoncé d'entrée de jeu, et confirmé devant nous aujourd'hui, que
l'Etat reprenait à son compte une partie de la dette d'investissement, qu'il
entendait désormais assumer pleinement sa responsabilité dans le domaine de
l'infrastructure.
Comment ?
En ouvrant largement la porte à une régionalisation accrue, offrant ainsi aux
régions la chance du succès mais aussi le risque, qui n'est pas mince, de
l'échec : il sera plus facile de se retourner contre la région que contre
l'Etat quand les choses n'iront pas bien !
M. Roland Courteau.
Oh oui !
M. François Gerbaud.
En affirmant que la SNCF resterait une entreprise unique, sans changement
statutaire.
En précisant que, au terme de nécessaires clarifications des responsabilités
respectives de l'Etat et de l'entreprise, la SNCF verrait confirmer sa double
mission de transporteur et de gestionnaire de l'infrastructure.
Bref, vous avez clairement répondu à des attentes impatientes. Vous avez
surtout vaincu un doute, celui-là même qui semblait figer dans une incertaine
problématique la réforme trop longtemps attendue du rail français, dans une
Europe ferroviaire déjà rénovée, modernisée, concurrentielle.
Vous avez ainsi également répondu aux attentes et propositions du Sénat. Du
rapport Haenel, hier, au rapport du groupe de travail du RPR, aujourd'hui, le
Sénat s'est beaucoup investi dans une recherche de solutions susceptibles de
mettre la SNCF en phase avec ce que je crois être cette quadruple exigence du
temps : une ambition industrielle ; l'intégration de l'échelle européenne ; les
impératifs de l'aménagement du territoire ; l'incontournable dimension
humaine.
Les hommes, surtout ! Je veux dire les cheminots.
Tout au long de l'histoire du rail français, ils ont, de génération en
génération, fait preuve d'un attachement presque charnel à leur entreprise. Et
je sais beaucoup d'entreprises qui envient la SNCF ! Cet attachement est si
fort et si permanent qu'il donne aux réformes de structure engagées la
dimension d'une véritable révolution culturelle.
Ce sont des hommes qui, dans la tradition du rail, n'ont jamais cessé de
conjuguer leur héroïsme et leur légende. Je suis de ceux qui pensent, et qui le
disent, que la réforme ne peut se faire qu'avec eux et qu'elle ne se fera pas
sans eux.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. François Gerbaud.
Vous l'avez dit « ministériellement ». Je tenais à le redire à ma manière,
romantique peut-être, réaliste sûrement.
Convaincu, monsieur le ministre, qu'en choisissant ce préalable humain et
social qui fait des cheminots les propres acteurs de leur devenir, vous avez
obtenu le feu vert d'un préjugé favorable. Comment ne nous en réjouirions-nous
pas, nous qui le souhaitions tant ?
De nombreuses questions subsistent toutefois.
Structure nouvelle pour les infrastructures à responsabilité d'Etat, c'est
bien ; c'est même très bien puisque c'est la première des clarifications. Mais
quel type de structure ? Quel mode de gestion ? Comment y seront représentés
les élus locaux et les collectivités territoriales ? Quelles infrastructures ?
Qui les définira avant et après le schéma directeur des réseaux ferroviaires
prévu en 2015 ? Qui en établira les priorités ? Quand M. Rouvillois vous
remettra-t-il le rapport sur les TGV que vous lui avez demandé ?
En dehors des grands axes nationaux et européens, quelle sera la place des
infrastructures interrégionales consenties à une active politique d'aménagement
du territoire ? Comment seront-elles financées dans les financements appelés
?
Quelle sera, au-delà des voies nouvelles, la part réservée à la modernisation
des réseaux classiques et aux matériels qui, tel le pendulaire, peuvent être,
en vitesse, fréquence, confort et sécurité, des réponses pragmatiques et
rapides, essentielles conditions d'une reconquête commerciale par une offre
plus séduisante aux voyageurs, le réalisme économique ne permettant pas
l'ambition d'un TGV dont on perçoit bien aujourd'hui les limites ?
Je pense en particulier au TGV Est, qui me fait paraphaser Jacques Brel : «
T'as voulu voir Strasbourg, fallait commencer par voir Florence ! »
Sans tomber dans le particularisme local, je voudrais donner aux propositions
et à l'attente que je viens d'exprimer l'illustration d'un exemple :
l'historique et héroïque ligne Paris-Toulouse, qui dessert le département de
l'Indre, cher à mon coeur, Limoges, Brive, sans oublier, bien entendu, Cahors
et Montauban, et pourquoi pas Souillac ?
Historique, cette ligne, puisqu'elle a été, à partir de la fin du siècle
dernier, un formidable atout d'aménagement du territoire pour des régions qui,
sans elle, se seraient sans aucun doute repliées sur elles-mêmes.
Historique aussi parce que c'est sur ses voies qu'a circulé le premier train à
grande vitesse : le « Capitole ».
Héroïque puisqu'elle a très largement participé à la bataille du rail et à la
libération de la France.
Exemplaire, enfin, parce qu'elle permet d'illustrer l'amélioration de l'offre
ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Brive, ce qui sera à mon sens, et sur
d'autres liaisons du même type, une ardente obligation nationale de la SNCF de
demain, dans le double objectif d'une politique économique et d'aménagement du
territoire.
En plus de la région d'Ile-de-France, où se trouve son terminus parisien,
cette liaison concerne les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, soit un
vaste territoire rural, de très grandes cités et des millions de gens.
Cette très grande partie du territoire national n'entend pas rester à l'écart
de la modernisation du rail. Le TGV-Limousin n'y fut le rêve que de certains et
d'un instant ; pour un gain de cinquante minutes entre Paris et Limoges, le
système TGV appellerait un investissement de 10 milliards de francs, ce qui
n'est pas réaliste.
Ce qui l'est beaucoup plus, c'est, au terme de longues concertations avec les
acteurs concernés, le choix du matériel pendulaire pour desservir la
liaison.
Cette technique, que la France a quelque peu boudée, a été mise à l'épreuve
des faits chez nombre de nos voisins européens. Elle s'affirme comme pouvant
procurer des gains de temps importants et un meilleur confort quand la voie est
de bonne qualité, ce qui est le cas pour la liaison qui me sert d'exemple.
L'investissement nécessaire afin d'optimiser les performances du nouveau
matériel porte sur des améliorations d'infrastructure : suppression des
passages à niveau ; alimentation électrique et signalisation.
Ces améliorations seront-elles prioritaires dans la gestion des
infrastructures du nouvel établissement public que vous annoncez ?
Pouvez-vous nous confirmer que l'automne pourrait voir la mise en circulation
de ce nouveau matériel, ne fût-ce qu'à titre expérimental ? Quel type de
matériel sera choisi ? Monsieur le ministre, n'est-il pas maintenant possible
et souhaitable d'accompagner le projet de pendulaire que permet l'association
de GEC-Alsthom avec le canadien Bombardier ? Ce serait un « plus » significatif
pour notre industrie ferroviaire.
Quoi qu'il en soit, les riverains de la ligne, et ceux qui en sont plus
éloignés, attendent cette modernisation avec impatience.
Elle répondrait, par un gain de temps de trente minutes entre Paris et
Limoges, à cette politique d'aménagement du territoire qu'il ne faudra jamais
perdre de vue, et cela pour un coût plus de deux fois moins élevé que
l'investissement TGV, la modernisation en question pouvant approximativement
coûter entre 1 milliard et 3 milliards de francs.
L'entreprise doit adopter un nouveau comportement, alliant la culture
technique, dont elle a la maîtrise - depuis qu'au XIXe siècle elle s'était
donné la religion, sous le vocable « d'optimum théorique », d'une lecture de
gravité de la population, ce qui lui permit de créer quelquefois des gares à la
campagne, entre deux villes - à une technique de service qu'il lui faut
maintenant acquérir, ce qu'elle commence à faire.
En effet, pour satisfaire la collectivité nationale, l'organisation doit se
tourner complètement vers le client, qui n'est pas le voyageur-usager.
L'objectif unique doit être la corrélation entre la satisfaction
professionnelle du cheminot et la satisfaction commerciale du client.
D'ailleurs, les syndicats ont déjà intégré cette notion de satisfaction du
client. En effet, lors de leur marche du 6 juin dernier, la mobilisation ne
s'est pas faite au détriment du client. Ce signe, qui est peut-être passé
inaperçu, a prouvé, en tout cas, la capacité de réforme du personnel de
l'entreprise publique.
Les comportements commencent à changer au sein du personnel, qui doit, de
toute façon, prendre rapidement conscience des enjeux économiques et sociaux de
sa responsabilité.
Il est aujourd'hui de fait que, sous l'impulsion et l'autorité de management
de M. Le Floch-Prigent, dont je salue l'efficace présidence et que j'accompagne
de tous mes voeux, le client redevient l'objet de sollicitudes et d'attentions.
Il n'est pas encore le client « roi », mais il est déjà le client « prince » !
C'est sans doute là le premier signe de cette mutation attendue, que vous avez
eu le courage et la détermination d'engager.
Ainsi rénové dans ses structures, ses conceptions et son comportement, le
transport ferroviaire reprend tous ses droits et toute sa puissance dans
l'organisation concurrentielle des transports, à côté de la route, qui atteint
très vite ses limites, de l'avion, qui répond à de nouveaux besoins, et des
canaux.
En quelque sorte, on assiste à une nouvelle naissance de cette impérative
intermodalité, dont, après en avoir été la victime, le rail redevient un atout,
renaissance qui impose du même coup - et c'est, monsieur le ministre, toute
votre responsabilité - la nécessité de mettre en place, sans nier
d'indispensables concurrences, une politique de transport harmonieuse et
cohérente.
Beaucoup de bousculade en perspective ! Mais cela vaut le voyage, pour peu que
nous ne laissions personne sur le quai de la gare, surtout si elle s'appelle «
demain »... Croyez-moi, en l'occurrence je préfère que l'on aille de Waterloo à
Austerlitz !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, vous me pardonnerez de revenir sur l'aménagement du
territoire, mais le transport par voie ferrée en est un élément essentiel.
Lorsque, à l'automne dernier, nous avons lu dans la presse que les 6 000
kilomètres de ligne que la SNCF envisageait de fermer touchaient
particulièrement les zones rurales, nous en avons été consternés.
Certes, l'information, apparemment exagérée, a été démentie. Mais nous avons
alors, une fois de plus, pris conscience de la difficulté qu'il y avait à
mettre en pratique les objectifs de la loi d'orientation sur l'aménagement et
le développement du territoire.
Cette loi prévoit, en effet, qu'en 2015 aucune agglomération, aucun bassin de
vie ne devra se trouver à plus de quarante minutes d'une gare TGV. Nous en
sommes bien loin dans certaines régions.
Dans les zones fragiles, les voies ferrées sont longues et sinueuses, leur
entretien est assuré au minimum, le matériel est souvent obsolète et les gares,
elles-mêmes, sont mal entretenues. Tout cela éloigne les usagers du train.
Combien d'horaires ne sont pas respectés ni coordonnés ? Combien de ruptures
nécessitant un changement découragent les voyageurs ?
Il ne faut donc pas s'étonner que seule une population que nous appelons
captive, à savoir les jeunes et les personnes âgées, prenne le train, alors
qu'il nous faut retrouver des clients pour rendre ces lignes, qualifiées
injustement de secondaires, moins déficitaires.
Aussi, les décisions que vous nous annoncez, monsieur le ministre, vont dans
le bon sens. Je connais votre attachement au service public, mais il faut aussi
qu'à tous les niveaux de décision cette volonté soit relayée. Certes, le
service public a un coût, mais il faut trouver des solutions pour rendre
celui-ci acceptable.
Une approche au plus près des problèmes, dans un esprit pragmatique, est
possible. Permettez-moi à cet égard de citer mon département, la Lozère, dans
lequel nous avons mené plusieurs expériences.
En premier lieu, nous avons convaincu la SNCF de réaliser une enquête
spécifique et approfondie sur le besoin réel de la population en matière de
transport ferroviaire et public.
Cette enquête a débouché sur une refonte complète du service SNCF : de
nouveaux trains ont été mis en service, d'autres ont été remplacés par des cars
et un dispositif de rabattement sur les gares, par taxis, a été mis en
place.
Cet ensemble fonctionne et l'on a pu voir, sur certains trajets, le nombre de
passagers augmenter nettement. Pourtant, seuls les horaires avaient été
modernisés. Qu'en serait-il si le matériel et la rapidité du service l'avaient
été aussi ?
S'agissant de la rapidité du service, nous avons, avec la collaboration de la
région Languedoc-Roussillon, testé un train pendulaire - on en a beaucoup parlé
- qui nous avait été prêté par les chemins de fer allemands.
Cet essai nous a donné satisfaction car il a permis d'augmenter la vitesse du
train et de raccourcir le temps de parcours, ce qui rend le train beaucoup plus
attractif et améliore le confort des voyageurs.
Ces quelques exemples nous montrent que des solutions existent et que, à côté
des TGV, il y a place pour des réseaux régionaux qui, eux, répondent réellement
aux besoins des populations.
Certaines décisions seront sans doute difficiles à prendre et nous en sommes
conscients. Mais le risque de désertification rurale existe bien. Il faudra
donc procéder à des choix cohérents.
Ainsi pourrons-nous assurer les meilleures conditions d'un service public soit
par le chemin de fer, soit par la route lorsque cela est possible. Mais le
transfert par la route a aussi ses limites dans les régions au relief
difficile.
Il ne faut pas oublier non plus, à l'heure où nous parlons et où nous
légiférons pour préserver la qualité de l'air, que le transport combiné
rail-route est une solution. Je rappelle qu'un train de marchandises représente
une cinquantaine de camions.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Pour le transport des passagers, comme pour celui des marchandises, des
solutions en matière d'aménagement du territoire sont donc possibles.
Je comprends qu'une entreprise de transport ferroviaire, comme toute
entreprise saine, doit dégager des marges sur chacune de ses activités. Mais
nous ne pourrons échapper, pour les lignes de service public et d'aménagement
du territoire, à une compensation publique suffisante. Cela me semble
indispensable.
Si j'ai exprimé ainsi les inquiétudes des habitants des zones difficiles, je
n'en oublie pas pour autant, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat,
à quel point, dans ce dossier délicat, votre démarche de restructuration de la
SNCF est ambitieuse, courageuse et innovatrice, et à quel point cette réforme
est indispensable. Permettez-moi de vous en féliciter et de vous en
remercier.
Certes, les Français prennent moins le train, ils le boudent même parfois,
mais ils sont restés très attachés à ce mode de transport.
La SNCF dispose d'atouts, tant d'un point de vue humain que d'un point de vue
technique. En menant une politique globale, elle doit pouvoir assurer la
desserte des zones rurales et fragiles, tout en s'ouvrant sur l'Europe. Cela
n'est pas incompatible.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, sur
la volonté du Gouvernement pour que l'égalité des citoyens passe aussi par
l'égalité des territoires. Nous vous en remercions par avance.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR. - M. Peyrafitte applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je suis réellement convaincu de l'avenir du rail, compte tenu
de ses formidables atouts. Pourtant, force m'est de constater, comme la plupart
de mes collègues, que la SNCF est aujourd'hui en crise.
La réalité est là : les progrès en matière de productivité se sont
malheureusement traduits par une diminution du nombre d'emplois, de lignes, de
gares, d'arrêts, de points de desserte et, donc, par une baisse des
recettes.
Le transport de fret n'est plus, depuis des années, la priorité de la SNCF.
Elle enregistre ainsi une forte baisse du wagon isolé et une relative
stagnation des trains complets et, même s'il convient de reconnaître la
réussite technique incontestable du TGV, il faut bien avouer que la direction
de la SNCF n'a pas su prendre en compte les évolutions de la demande et
répondre à la nécessité d'améliorer ses services.
La SNCF a souffert, outre d'une direction trop sûre d'elle, d'un manque de
dialogue, des conséquences des investissements massifs en faveur du TGV au
détriment des grandes lignes classiques et du maillage du territoire ainsi que
des conditions de concurrence inégales avec la route.
Dès lors, comment s'étonner des pertes régulières de parts de marché ? Or,
l'intérêt de notre pays commande de redonner un deuxième souffle à la SNCF,
d'autant qu'elle répond à l'intérêt général en même temps qu'à des impératifs
économiques, écologiques et de sécurité.
Je veux réaffirmer dans cette enceinte, comme je l'ai fait devant les
premières assises du rail, qui se sont tenues récemment à Narbonne, toute
l'importance de la péréquation tarifaire, clé de voûte du service public
ferroviaire, mais aussi l'indispensable préservation de l'unicité de la SNCF et
l'attachement des Français à sa mission d'intérêt général en matière
d'aménagement du territoire et de service public. Ces missions doivent faire
l'objet de compensations publiques adéquates.
Mais je veux aussi insister sur l'urgence de la mise en place d'un schéma
intermodal des transports et d'une loi de programmation qui mette en
perspective les objectifs et les moyens financiers, en faisant toute sa place
au rail.
Enfin, je tiens à rappeler l'un des principes généraux de la LOTI, à savoir
une politique multimodale qui s'exerce, « dans le respect des règles de
concurrence et de complémentarité, entre différents modes de transport... ».
J'ai d'ailleurs noté, sur ce point, monsieur le ministre, que vous n'aviez pas
formulé de propositions permettant de parvenir à un réel équilibre des
conditions de concurrence entre le rail et la route.
Cela dit, la reconquête du rail passera d'abord par la résorption totale par
l'Etat de la dette dont il est largement responsable.
Elle passera par un service public de voyageurs et de marchandises, dont la
qualité est indissociable de bonnes conditions sociales pour le personnel, du
maintien du statut et du régime de retraite. Sur ce point, des garanties
écrites doivent être données pour le long terme.
La reconquête passera aussi obligatoirement par une véritable démocratisation
de l'entreprise, impliquant mieux le personnel dans les décisions.
Il faut aussi valoriser les gares, humaniser l'accueil et changer de politique
commerciale. Il convient donc de redynamiser l'offre et de faire les efforts
d'adaptation nécessaires.
Vous avez annoncé un plan, monsieur le ministre, concernant le désendettement,
le traitement de l'infrastructure et la régionalisation. Mais je note tout
d'abord la disparition du contrat de plan qui était pourtant prévu à l'article
24 de la LOTI.
L'Etat renoncera-t-il à ses obligations et banalisera-t-il le transport
ferroviaire ? Laissera-t-on à la seule SNCF le soin de décider de ce qui sera
souhaitable ou non pour la nation ? Où seront définis les objectifs, les
missions de service public ? Cela signifie-t-il qu'il n'y aura plus de
politique d'aménagement du territoire fondée sur les transports et impulsée par
l'Etat ?
Formaliser les rapports Etat-SNCF sur la base d'un simple échange de
courriers, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, ne me paraît pas
satisfaisant. Il faut en revenir au contrat de plan.
S'agissant du désendettement, pour donner un nouveau départ à la SNCF, une
remise à zéro des compteurs est indispensable.
En effet, les 83 milliards de francs de dettes que conservera la SNCF ou les
125 milliards de francs de l'EPIC ne compromettront-ils pas, dès le départ,
l'avenir de ces deux établissements ?
Laisser cette dette à la charge de la SNCF cette entreprise à céder ses
filiales, à engager son démantèlement et à poursuivre sa politique de
dégraissage. C'est ce que certains ici appellent pudiquement « le recentrage de
la SNCF sur ses activités ».
Comment la SNCF va-t-elle accroître son offre, améliorer la qualité, s'engager
vers la nécessaire expansion avec un tel boulet qui générera, chaque année,
entre 6 et 7 milliards de francs de frais financiers, sans compter le poids de
la charge d'un péage aujourd'hui évalué à 7 milliards de francs ? Prenez garde,
monsieur le ministre, à l'évolution de cette redevance.
Comme vous l'avez vous-même dit, l'Etat ne doit pas reprendre d'une main ce
qu'il donne de l'autre s'agissant de la reprise partielle de la dette. Je
crains que cette dette ne serve à maintenir la pression sur les salaires et sur
l'emploi.
A ce propos, je rappelle encore que le budget de 1996 de la SNCF prévoit
toujours 4 500 suppressions d'emplois. Sa révision me paraît donc
nécessaire.
Monsieur le ministre, au moment où la SNCF annonce qu'elle veut mieux servir
sa clientèle, elle supprime des emplois sur Narbonne, par exemple, et dans le
département de l'Aude. Quel double langage surprenant !
Le nouvel établissement responsable de l'infrastructure constitue un autre
motif d'inquiétude. Avec ses 125 milliards de francs de dette, sans compter les
charges de 1996, quel sera le mécanisme de désendettement de cet EPIC et pour
quels montants ? Comment va-t-il équilibrer ses comptes, moderniser le réseau
et, en même temps, investir dans de nouvelles lignes ?
Les cheminots, les usagers et les collectivités locales seront-ils associés à
la gestion de l'EPIC ? Quel sera le statut des personnels ? Ne faut-il pas
redouter que certains ne soient tentés, demain, pour financer cet
établissement, de vendre les actifs ou d'ouvrir l'accès de nos infrastructures
à différents exploitants, privés ou non ?
Il est en effet préoccupant que vous ayez créé un EPIC distinct de la SNCF,
alors qu'il aurait été possible de se contenter d'une séparation comptable, au
sein même de la SNCF, entre les comptes d'exploitation et d'infrastructure.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire part de mes craintes.
Existe-t-il un lien entre la solution retenue par le Gouvernement et le projet
d'extension de la directive européenne, sur lequel travaille la Commission
européenne, qui ouvrirait les droits d'accès à l'infrastructure à des
entreprises concurrentes, pour le cabotage et les transports internationaux de
voyageurs, par exemple ?
Une telle situation serait gravissime. En effet, les lignes rentables seraient
prises d'assaut, alors que seraient marginalisés les autres lignes et donc le
service public. Quant à la guerre des prix qui ne manquerait pas de faire rage,
elle poserait, à terme, des problèmes de sécurité.
Je tiens donc à rappeler que la SNCF doit être le seul opérateur en charge de
l'exploitation. Je souhaite avoir la garantie qu'aucune autorité administrative
ne sera chargée de l'attribution des sillons.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre plan restera sans incidence sur la
nécessaire reconquête, si l'on n'instaure pas, enfin, l'équilibre des
conditions de concurrence entre le rail et la route.
Vous vous devez de proposer au Parlement des dispositions pour établir les
fondements d'une concurrence loyale, bâtis sur la vérité des coûts externes et
sociaux.
Des amendements ont été déposés au Sénat dans le cadre du projet de loi sur
l'air. Ils visent à engager l'Etat « à prendre des mesures de coordination
intermodales pour permettre à la SNCF d'obtenir chaque année sur cinq ans un
gain de 1 p. 100 à 2 p. 100 dans la part qu'elle détient dans le trafic de
transport terrestre des marchandises ». On connaît malheureusement le sort qui
a été réservé.
Selon moi, le transport ferroviaire de marchandises doit relever de la mission
de service public. Je rappelle que le président de la SNCF, que j'ai interrogé
en commission des affaires économiques, s'est dit prêt à accepter une telle
mission.
Monsieur le ministre, le transport combiné, c'est aussi assurément l'avenir.
L'intérêt général commande de s'engager dans cette voie en raison de l'avantage
économique et écologique que la nation en tirerait.
Des incitations s'imposent ainsi que des financements nationaux et européens
pour la réalisation des infrastructures nécessaires.
Il faut établir un schéma national de transport de marchandises pour
l'ensemble des modes qui prendrait en compte le transport combiné, à travers un
schéma national des plates-formes multimodales.
Je précise que nous attendons depuis plusieurs années à Narbonne ce carrefour
de l'Europe du Sud, une plateforme renforçant les échanges rail-route-mer. J'ai
d'ailleurs souhaité relancer une nouvelle fois ce dossier en vous demandant
récemment, monsieur le ministre, de procéder à de nouvelles études. Soyez
assuré de notre vigilance sur cette question.
S'agissant de la régionalisation - et j'en terminerai là - plusieurs
conditions doivent impérativement être réunies.
Il importe d'abord que, dans le cadre général de l'aménagement du territoire,
il n'y ait pas abandon de la responsabilité de l'Etat et de la solidarité
nationale. L'Etat doit maintenir la solidarité de la nation envers les régions
pauvres au travers d'un fonds de péréquation.
En effet, la notion de service public serait mise à mal si les usagers
français venaient à être traités différemment selon la région dans laquelle ils
habitent. Ainsi, une libéralisation de la tarification est impensable, car elle
remettrait en cause le service public, donc le développement solidaire des
territoires.
Une dépéréquation spatiale serait inacceptable, tout comme le fait de confier
l'exploitation des lignes régionales à une entreprise autre que la SNCF.
De même, la reconquête de la clientèle passera par l'indispensable
modernisation des lignes et des infrastructures régionales. Faute de
modernisation ou de remise à niveau, la fréquentation baissera et l'on en
déduira qu'il faut fermer telle ou telle ligne, ce qui entraînera la
disparition du service public lui-même.
Dans ce cas, il ne faudrait pas que la régionalisation finisse par n'avoir
d'autre but que de transférer aux régions l'écrasante responsabilité de la
fermeture des lignes.
Selon un audit, l'actuelle contribution de 4 milliards de francs, versée par
l'Etat pour le transport régional, devrait être augmentée de près de 1,9
milliard de francs dans le cadre de ce transfert de compétences.
En s'orientant vers la régionalisation, l'Etat sera-t-il prêt à envisager tous
les efforts financiers nécessaires ?
Dans le cas contraire, les déséquilibres entre les territoires ne feront que
s'accentuer par l'application d'une régionalisation dogmatique, tandis que le
service public sera marginalisé.
En conclusion, je suis convaincu que le chemin de fer sera le mode de
transport du XXIe siècle, à la condition que nous sachions miser, sans
finasser, sur ce remarquable outil. Le moment est décisif ! En avez-vous la
volonté, monsieur le ministre ?
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, j'ai souhaité intervenir en tant que rapporteur spécial des
crédits des transports terrestres à la commission des finances. Certes, la
dimension financière n'est pas la seule dimension importante de notre débat.
Cependant, ce sont bien les difficultés financières de la SNCF qui mettent en
péril son existence, puisque sa technologie et la compétence de ses hommes sont
parmi les meilleures du monde.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Auguste Cazalet.
Les Français sont attachés à la SNCF.
M. Emmanuel Hamel.
C'est vrai !
M. Auguste Cazalet.
Ils consentent ainsi collectivement à prélever chaque année 50 milliards de
francs sur le fruit de leur travail pour elle. Cette somme comprend le budget
des transports terrestres - 40 milliards de francs - mais aussi les subventions
du ministère de la défense, du syndicat des transports parisiens, des
collectivités locales, et les compensations entre régimes de retraite. Cette
somme est élevée, puisqu'elle excède largement les recettes commerciales du
transport ferroviaire - 40 milliards de francs - et représente les cinq
huitièmes des recettes d'exploitation de la compagnie.
Pourtant, il apparaît que cette somme ne suffit pas.
Se pose d'abord le problème de la dette. Celle-ci, d'un montant de quelque 180
milliards de francs à la fin de 1995, sans compter les 31 milliards de francs
déjà repris en charge par l'Etat, génère des frais financiers de plus de 14,5
milliards de francs et un déficit financier de plus de 11 milliards de francs.
Un cheminot sur quatre travaille aujourd'hui au financement de cette dette.
Cette situation n'était pas tenable, et il était nécessaire que l'Etat prenne à
sa charge une nouvelle fraction. Reprendre la partie de la dette correspondant
à l'infrastructure est une idée logique, puisque celle-ci incombe à l'Etat.
Ainsi, 125 milliards de francs seront repris par l'établissement public qui
sera créé pour porter l'infrastructure. Monsieur le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, je souhaite vous poser sur ce point trois questions.
Au taux d'intérêt moyen de la dette de la SNCF - environ 8 p. 100 - la reprise
de cette dette n'allège les charges de l'entreprise que de 10 milliards de
francs, laissant à sa charge un déficit résiduel de 6,6 milliards de francs si
l'on se réfère aux comptes de 1995. Première question : cet effort sera-t-il
suffisant pour permettre à la SNCF de se redresser ?
Deuxième question : le nouvel établissement public reprendra-t-il la charge de
l'actuel service annexe ?
Enfin, troisième question : comment l'établissement public financera-t-il
cette charge ? Percevra-t-il une subvention de l'Etat et peut-on savoir à
combien celle-ci s'élèvera ? Détiendra-t-il des actifs, autres que les
infrastructures, qu'il pourra céder pour se financer ? Il apparaît en tout cas
que, pour ce qui concerne la SNCF elle-même, une politique de cession des
actifs qui ne constituent pas le coeur de son métier doit être entreprise.
M. Roland Courteau.
Et voilà !
M. Auguste Cazalet.
Quoique membre de la commission des finances et soucieux de l'assainissement
de nos finances publiques vis-à-vis des critères de l'Union monétaire
européenne, je ne m'étendrai pas sur la prise en compte des 125 milliards de
francs repris par l'Etat dans la dette publique au sens de ces critères. Le
problème est, selon moi, secondaire. Pour les agences de notation et les
marchés financiers, la dette de la SNCF est déjà celle de l'Etat, sinon la
signature de la SNCF, entreprise déficitaire et surendettée, ne serait pas
considérée comme l'une des meilleures. C'est tant mieux : cela permet à la SNCF
d'obtenir des taux d'intérêt peu élevés. Ce qui importe, c'est de s'attaquer
avec efficacité à la résorption de cette dette, ce que vous êtes déterminés à
faire, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre.
Se pose ensuite le problème de l'infrastructure. La division des tâches entre
la SNCF, exploitant du réseau de l'Etat, détenteur de ce réseau, va clarifier
les responsabilités, conformément à ce que prévoient les règles européennes.
Cette clarification est aussi conforme à des normes de bonne gestion, qui vous
ont paru évidentes, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre. Compte
tenu de sa situation financière, la SNCF ne peut plus accepter d'investir à
perte. Il devra en être de même pour le nouvel établissement public.
Autrement dit, la séparation des deux tâches n'a de sens que si elle se
traduit, à terme, par le retour à l'équilibre des deux comptes. La gestion des
infrastructures n'a aucune vocation naturelle à être déficitaire, ainsi que le
montre l'expérience des sociétés d'autoroute, qui remboursent leurs
investissements par le péage. Une juste rétribution devra donc être acquittée
par la SNCF à l'établissement public. Mais peut-être que, à l'instar du réseau
routier, il faudra distinguer les infrastructures payantes et rentables des
lignes non rentables et gratuites. C'est un choix qui devra être fait en toute
connaissance de cause par la collectivité nationale, qui contribue aujourd'hui
pour 13 milliards de francs aux charges d'infrastructure.
Peut-être serait-il également plus raisonnable d'attendre que les comptes
actuels du chemin de fer soient en voie de redressement sensible avant
d'entreprendre des chantiers très coûteux et dont la rentabilité est précaire.
Songez-vous, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, à un étalement
des investissements prévus ?
Enfin, le trosième volet de ce nouveau plan de redressement porte sur la
régionalisation. Cet axe, tracé par notre collègue Hubert Haenel, était déjà un
des points forts du projet de contrat de plan. Il n'est, en effet, contesté par
personne.
Sur ce dossier aussi, un accroissement des charges de l'Etat est à prévoir. En
effet, la contribution de l'Etat aux services régionaux de voyageurs est de
quelque 4 milliards de francs, pour des recettes totales de l'ordre de 8
milliards de francs. Or, les charges de ce compte s'élèvent à environ 9
milliards de francs. Si l'Etat ne veut pas transférer de charges nouvelles aux
régions, il devra verser environ 1 milliard de francs supplémentaires, à
commencer par la quote-part des régions volontaires pour expérimenter la
gestion de leurs services de transport. Les régions sont les mieux placées pour
connaître les besoins en matière de dessertes intrarégionales. Cette réforme
doit permettre des choix plus rationnels. Probablement faudra-t-il remettre en
cause certaines liaisons ferroviaires, au profit du transport routier par
autocar. N'oublions pas que les régions, autorités organisatrices de transport,
ne seront pas uniquement responsables du transport par voie ferrée, mais auront
aussi la responsabilité de tous les modes de transport public. Elles auront
donc intérêt à la définition du meilleur service, le moins coûteux pour le
contribuable. Dans certains cas, ce sera le train, dans d'autres, la route.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, je forme des voeux pour la
réussite de ce plan, qui aura vraisemblablement le soutien de la commission des
finances - je le dis bien que je n'aie pas reçu de mandat de sa part.
M. Emmanuel Hamel.
Vous raisonnez toujours très bien !
M. Auguste Cazalet.
Dans le contexte de grandes difficultés budgétaires que connaît notre pays,
cette réussite se mesurera non seulement au retour à l'équilibre de la SNCF,
dont les conditions sont maintenant réunies, mais aussi à notre capacité, à
nous gestionnaires publics, de ne pas laisser dériver les dépenses à la charge
des collectivités publiques, ainsi que nous y conduisent les conclusions du
débat d'orientations budgétaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Heinis, qui dispose de six minutes.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, je m'efforcerai de respecter le temps de parole qui
m'est imparti.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
grève de l'automne 1995, causée par des réactions passionnelles sur l'avenir
des régimes de retraite, a laissé des traces profondes dans l'image commerciale
de la SNCF, provoquant une rupture avec la clientèle, qui s'est sentie prise en
otage. Le trafic s'est détourné et le compte d'exploitation s'en ressent.
Cette situation a en outre laissé des traces dans la vie sociale au sein de
l'entreprise.
A cet égard, la sortie de grève a été tout aussi catastrophique.
M. Félix Leyzour.
Ce n'est pas vrai !
Mme Anne Heinis.
Mais si !
Le président a été congédié. Etait-ce la meilleure façon de défendre
l'autorité du nouveau président et, si j'ose dire, de donner du coeur au ventre
à ceux qui, dans l'entreprise, sur le terrain, s'étaient engagés dans la voie
des réformes ? Je n'en suis pas sûre.
Et pourtant, la commission des affaires économiques avait alerté le ministre
sur ce point dès la fin du mois de juin 1995. Hélas ! le dossier est resté sans
solution.
Je voudrais attirer l'attention sur le fait que les syndicats, comme l'Etat et
certains cadres dirigeants, semblent poursuivre chacun leur rêve : rêve de
sécurité absolue et de privilèges de l'emploi sans contreparties ni évolution ;
rêve d'un service public qui n'aurait ni coût économique, ni contenu défini
entre obligations et partage des charges ; rêve de prestige et de choix
stratégiques faits au détriment d'un service utile à la clientèle.
Pourquoi faut-il tant de soubressauts dramatiques pour revenir à une vision
réaliste et dynamique du transport ferroviaire ? Cela fait-il partie de
l'histoire de France ? On peut se poser la question.
Pourtant, jamais la SNCF n'aura fait l'objet de tant de rapports. Je voudrais
retenir de ces derniers quelques réflexions qui me semblent essentielles,
quelques grands axes. Le premier, ce sont le règlement de la dette, la
responsabilité des infrastructures et la transposition de la directive CEE
91/440. Il s'agit, bien sûr, de la situation financière de l'entreprise.
Le deuxième axe, c'est la concurrence des autres modes de transport, qui pose
de façon absolue le problème de la reconquête commerciale : le service du
client, qu'il soit voyageur ou chargeur ; il faut aller vers le client et ne
pas espérer qu'il viendra vers vous.
Le troisième axe, ce sont les paradoxes de la mission de la SNCF, partagée
entre logique économique et volonté d'aménagement du territoire. Ma collègue
Mme Bardou a développé ce point essentiel.
Le quatrième axe est la définition du contenu de la mission de service public.
A mon sens, elle se concrétise, d'une part, dans la volonté de desservir
l'ensemble du territoire, les charges liées aux contraintes devant être
évaluées et compensées, d'autre part, dans la régularité et la continuité du
service public ; voilà qui nous ramène à la définition du service minimum
qu'avait évoquée notre collègue M. Habert, dans un amendement qu'il faudrait
sans doute reprendre.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous faites des
propositions qui, à mon avis, seront salvatrices.
Au niveau de la dette, l'Etat prendra 125 milliards de francs à sa charge ;
mais il restera 83 milliards de francs de dette à la charge de la SNCF.
Pourra-t-elle assurer cette charge ? Je le souhaite.
La constitution d'un établissement public à caractère industriel et commercial
à compter de 1997 me paraît une idée adaptée à nos engagements européens.
La constitution éventuelle d'une structure de cantonnement est une idée
retenue par la commission des affaires économiques et du Plan. Encore
faudrait-il savoir de quels actifs on parle. Nous avons vu à quels mécomptes
pouvait conduire le soldage des actifs immobiliers militaires en 1988.
J'observerai encore que la séparation de la dépense d'infrastructure et de la
dépense d'activité ferroviaire doit s'accompagner d'un processus clair
d'élaboration des décisions, des contours des compétences et de la
responsabilité de chacun des acteurs ; je partage votre avis à cet égard,
madame le secrétaire d'Etat.
J'ajouterai que, s'il paraît pertinent que les régions deviennent les «
autorités organisatrices » des transports régionaux, encore faut-il qu'elles
obtiennent certaines garanties dans l'accomplissement de cette mission, que les
moyens transférés par l'Etat soient suffisants et pérennes, qu'un mécanisme de
péréquation entre les régions plus ou moins défavorisées soit défini - on en
revient ainsi à l'aménagement du territoire - et qu'elles aient éventuellement
la possibilité de choisir l'exploitant des services régionaux de voyageurs,
surtout pour le cas où la SNCF se retirerait, y compris en faisant appel à des
services privés si nécessaire.
Voilà, très brièvement, ce que je souhaitais rappeler.
Mon propos n'est pas du tout pessimiste : c'est en effet sur la vérité que
l'on peut construire du solide et certainement pas sur la démagogie.
C'est vous dire que j'attends beaucoup, monsieur le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, du courage et de la résolution du présent gouvernement,
ainsi que de la volonté des cheminots de redresser leur entreprise. Elle est
essentielle. Il s'agit, en fait, d'un véritable choix de société qui assure la
pérennité de la SNCF - c'est ce que je souhaite - et le renouveau d'un service
public ferroviaire moderne au bénéfice du pays tout entier.
(
Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, après la remise en cause, quoi qu'on en dise, du service
public des télécommunications, c'est aujourd'hui la SNCF qui voit son rôle
d'opérateur unique de chemins de fer en France mis à mal.
Si l'on veut bien considérer la place du chemin de fer dans la politique
globale des transports, l'attachement des Français à la SNCF, en dépit de
mouvements d'humeur passagers, et l'ampleur des moyens financiers qui sont
concernés, reconnaissons ensemble que nous sommes aujourd'hui devant un choix
de société, ainsi que vient de l'indiquer Mme Heinis.
Nous sommes tous conscients des difficultés que connaît la SNCF : son
endettement, la reconquête commerciale qu'elle doit opérer, la concurrence des
autres modes de transport constituent autant de handicaps qu'elle doit, pour
l'heure, surmonter seule.
En résumé, le transport ferroviaire est en crise.
Cela ne signifie en rien que le chemin de fer constitue un mode de transport
dépassé. Si l'on sait tirer parti de ses atouts, si l'on veut bien s'attacher à
satisfaire les besoins des usagers, actuels ou potentiels, si l'on pense une
autre organisation du chemin de fer - chacun aura compris que je fais référence
aux plates-formes multimodales, qui sont, à mon sens, l'avenir du rail - alors
le chemin de fer pourrait devenir le mode de transport de l'avenir.
Certes, à l'heure actuelle, il n'est plus le mode de transport dominant. Mais
ne cédons pas à la facilité qui consisterait, de ce simple fait, à se détourner
de son avenir. Pourquoi ne pas trouver les moyens nécessaires et les mettre en
oeuvre afin que le rail retrouve sa juste place dans une politique globale et
nationale des transports ?
Permettez-moi d'émettre des doutes quant aux moyens que vous avez choisis pour
atteindre cet objectif, monsieur le ministre.
Vos solutions consistent d'abord à abandonner les contrats de plan auxquels
les cheminots sont pourtant très attachés. Comment comptez-vous donc formaliser
les relations de l'Etat et de la SNCF, en dehors de la simple lettre
d'intention que vous avez évoquée ?
Vous suggérez aussi de démanteler la SNCF en programmant la fin d'une
politique nationale en faveur du chemin de fer, par la suppression de l'unicité
du service.
Que n'a-t-on, dans ce cas, à craindre pour l'aménagement du territoire
national ? Quel sera dans cinq ou dix ans, le déséquilibre auquel devra faire
face notre pays ? Et que ne voit-on déjà les conséquences pour les usagers ?
Selon leur région de résidence, ils seront plus ou moins avantagés !
Vous instaurez une régionalisation qui remet en cause les missions de service
public, sous prétexte que le service public n'est pas lié à un mode de
transport. Vous faites fausse route !
Vous avez proposé un débat sur l'avenir de la SNCF. Mais entendez-vous
seulement nos propositions ? Vous n'avez même pas su tirer les leçons des
mouvements sociaux de la fin de l'année 1995. Pourtant, le message était clair
: un service public ferroviaire modernisé, performant, restructuré, avec des
gares qui soient de véritables lieux de vie, mais pas la suppression du service
public !
Comme pour les télécommunications, c'est un service public minimum que vous
souhaitez instaurez. Les Français n'en veulent pas, monsieur le ministre,
soyez-en assuré ! Ce qu'ils souhaitent, c'est une véritable organisation des
transports en commun sur tout le territoire, ce que la LOTI, la loi
d'orientation sur les transports intérieurs, avait initié.
Il faut clarifier la notion d'aménagement du territoire. Apparemment, nous
n'en avons pas la même conception ! Le rail est un facteur déterminant pour
lutter contre la désertification. Il garantit le service public et, par là
même, le droit au transport pour tous. C'est pourquoi son unicité doit être
garantie impérativement. L'Etat, de son côté, doit lui rendre les moyens
d'agir, et ce par l'absorption de la dette dont il est à l'origine.
La structure que vous proposez ne réglera pas cette question fondamentale
puisqu'elle ne portera les dettes de la SNCF qu'à hauteur de 125 milliards de
francs, laissant ainsi 80 milliards de francs à la charge de la SNCF. Par
ailleurs, la structure aura en charge les infrastructures, et cette charge
financière sera si lourde que, à terme, vous la démantèlerez certainement en la
privatisant. La question de la dette est entière : au lieu d'un seul
établissement endetté, il y en aura deux.
Permettez-nous de douter de la viabilité de l'EPIC que vous voulez créer. La
charge des infrastructures conduira, tôt ou tard, à faire appel à la
concurrence, mettant ainsi en danger le service public.
Monsieur le ministre, vous nous donnez le sentiment que ces cinq mois de
consultation n'ont pratiquement servi à rien
(M. le ministre manifeste son
étonnement.)
Votre solution consiste à transférer vos responsabilités sur
les régions. Ces dernières ne manqueront pas de s'adresser aux conseils
généraux, à moins que vous ne puissiez nous conforter dans l'idée d'une
participation financière suffisante de l'Etat dans le cadre d'un réel
rééquilibrage. Malheureusement, il s'agit purement et simplement d'un
désengagement de l'Etat plus que d'une solution d'avenir sereine.
Il me revient à l'esprit, dans ce contexte, le cas d'une famille tarnaise et
qui vivait alors près de mon domicile, que j'ai connue dans mon enfance. Cette
famille comptait sept enfants, dont le plus jeune avait à l'époque six mois et
l'aîné, neuf ans. Nous étions assez proches et fréquentions la même école.
La famille semblait unie ; mais un jour - on ne peut jamais préjuger de rien -
la mère a quitté le domicile familial ; quelque temps après, l'assistance
publique plaçait les enfants dans des familles différentes. Ce n'est que
vingt-cinq à trente ans plus tard que j'ai retrouvé la trace de mes anciens
petits camarades. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant qu'il n'y avait
plus aucun lien entre eux, les plus jeunes ne connaissant quasiment pas leurs
aînés ; ils ne portaient même plus le même nom.
En évoquant hier les télécommunications et, aujourd'hui, la SNCF, en
constatant à regret le sort que vous réservez à la Corse qui risque, demain, de
ne plus être la France, je déplore cet abandon général de l'Etat, du service
public, et je ne peux m'empêcher de penser à cette mère qui a abandonné ses
enfants et au déchirement engendré par sa faute.
Cette mère patrie qui chérit le principe d'égalité inscrit dans notre
Constitution ne pourra plus, demain, l'assurer dans le domaine des transports.
En effet, seules les régions riches seront en mesure de suivre financièrement
les évolutions technologiques, et les plus pauvres devront se contenter
d'entretenir le minimum.
C'est cela dont nous ne voulons pas !
M. Emmanuel Hamel.
C'est une caricature, vos propos sont excessifs !
M. Jean-Marc Pastor.
Vous choisissez et mettez en oeuvre pour le court terme des solutions d'autant
plus inefficaces qu'elles sont dangereuses. En effet, dans dix ou quinze ans,
les déséquilibres seront tels que l'Etat lui-même en sera affaibli.
Monsieur le ministre, vous confondez, me semble-t-il, désengagement et
décentralisation.
Je lance donc un appel à la sagesse propre à la Haute Assemblée. Puisse-t-il
être le signe d'un arrêt au transfert aux collectivités locales de tout ce qui
ne va plus dans ce pays ! Les collectivités locales sont aujourd'hui les seules
garantes d'un difficile équilibre porteur d'un véritable aménagement du
territoire. Or, avec cette réforme de la SNCF, vous le rendez impossible.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, je voudrais tout d'abord
vous remercier pour la volonté que vous avez manifestée de voir s'instaurer
devant la représentation nationale un débat sur la situation et l'avenir de la
SNCF. Pour ma part, j'y vois plusieurs raisons.
Depuis plusieurs années, en effet, chacun sentait, parfois confusément, que
l'entreprise SNCF, par son évolution interne et par l'évolution de
l'environnement économique, devait entreprendre une réflexion d'ensemble sur
son avenir et sur l'avenir des transports ferroviaires dans notre pays.
Associer à cette réflexion la représentation nationale paraît utile et
essentiel, car - tous les orateurs qui sont intervenus cet après-midi l'ont dit
- nous sommes attachés à cette grande entreprise. Mais nous sommes aussi
attentifs aux conséquences financières pour le budget de l'Etat, ainsi qu'à la
mission de service public et d'aménagement du territoire dont la SNCF est un
acteur principal.
Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre de groupes de travail, de
commissions d'enquête parlementaires ou économiques, de chargés de mission qui
se sont intéressés à l'avenir de la SNCF.
Votre mérite, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, est d'avoir
souhaité qu'une synthèse de ces approches diverses soit réalisée et
qu'ensemble, en concertation avec l'entreprise, nous établissions un diagnostic
aussi précis que possible de la situation de la SNCF, pour définir à la fois un
pronostic sur son avenir et les moyens de sa meilleure insertion dans
l'environnement économique et social, en quelque sorte pour préconiser un
traitement permettant d'assurer sa pérennité. Monsieur le ministre, c'est une
démarche de praticien.
La commission d'enquête sénatoriale et le groupe de travail sur la SNCF ont
conduit, sous la responsabilité de M. Haenel, à qui je rends un hommage
particulier, une série de consultations approfondies permettant de définir des
axes de réflexion et - espérons-le - de proposer des solutions concrètes dont
l'urgence n'est plus à démontrer.
Il s'agit, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, de redéfinir les
responsabilités de l'Etat, des régions et de la SNCF.
C'est dans ce cadre parfaitement défini que se situent les interventions
successives dans ce débat : afin d'éviter les redites ou les redondances, les
membres du groupe de travail sur la SNCF se sont réparti les différents thèmes
qui inspireront notre réflexion commune.
Une évolution favorable de l'entreprise repose pour une part sur une
reconquête de la clientèle du chemin de fer, qu'il s'agisse du transport de
passagers ou de marchandises. A ce sujet, on ne peut que saluer l'effort
entrepris dans ce sens depuis quelques mois. Il résulte de la volonté autant de
la direction générale que des exécutants et de la base qui en ont saisi toute
l'importance.
Une des conditions de réussite qui s'ajoute à celles que je viens d'évoquer
passe aussi, à notre avis, par le recentrage de l'activité de l'entreprise sur
ses missions originelles : le transport de voyageurs et de marchandises, dont
la fiabilité apparaît comme une condition essentielle à la reconquête d'un
marché en récession depuis plusieurs années, ce qui, à terme, pourrait
compromettre définitivement la mission de service public et d'aménagement du
territoire de l'entreprise.
Monsieur le ministre, sans doute serait-il opportun de recenser de façon
exhaustive toutes les filiales dans lesquelles la SNCF possède des
participations et, par une approche pragmatique et objective, d'évaluer dans
quelle mesure elles relèvent ou non du service public.
Un certain nombre de ces activités, dont le nombre et la diversité surprennent
parfois, sont complémentaires du transport ferroviaire. Elles doivent être
maintenues - et même développées - alors que d'autres n'ont qu'un lointain
rapport avec la mission essentielle de la SNCF.
Un document réalisé par la SNCF et intitulé
Filiales et participations :
bilan 1995
a servi de base à ma réflexion.
Le nombre de filiales, l'importance des participations constituent une sorte
de « nébuleuse » qui n'a cessé depuis plusieurs années de connaître un
développement dont on saisit très imparfaitement l'évolution et la finalité, ce
qui laisse supposer un manque de réflexion globale conduisant à la définition
stratégique de la politique de la SNCF.
A l'examen de ce document, on constate que la rentabilité de ces filiales ne
cesse de diminuer : 497 millions de franc en 1989, 222 millions de francs en
1995. Il y a là une dérive qui n'est pas sans nous inquiéter.
Comment ne pas s'étonner que certaines de ces filiales concurrencent
directement l'activité de transport de la SNCF et contribuent à diminuer de
façon significative le plan de charge de l'entreprise, dont nous souhaitons
cependant l'évolution positive ?
Comment ne pas s'étonner, à la lecture du document précité, du nombre
important de salariés de la SNCF détachés et apportant leur collaboration à des
filiales n'ayant qu'un rapport lointain avec les missions spécifiques de la
SNCF, quand elles ne sont pas en concurrence avec elle ? On pourrait ainsi
parler du transport de surface transManche ou du tansport routier.
Certes, l'intermodalité, le transport combiné sont à l'ordre du jour et
constituent des éléments essentiels à une activité ferroviaire moderne et
adaptée. Mais il convient d'en fixer les limites et de réfléchir à la recherche
de certains partenariats pour, éventuellement, céder certains actifs, ce qui
permettrait le recentrage de la mission essentielle de la SNCF. Ainsi, cette
grande entreprise répondra à sa vocation de service public et contribuera
puissamment à l'aménagement du territoire.
Cette clarification nous est aujourd'hui imposée par la situation.
Nous sommes conscients de la difficulté de la tâche et de la nécessité de s'y
consacrer ensemble. En concertation avec tous les acteurs concernés, nous vous
aiderons, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans le cadre de
nos responsabilités, à mener à bien cette évolution capitale pour la SNCF, gage
de sa pérennité et de son développement.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre,
l'esquisse de projet dont vous nous saisissez aujourd'hui, après le débat qui a
eu lieu à l'Assemblée nationale, porte sur un schéma de réorganisation
d'ensemble dont il faut reconnaître la cohérence et le caractère novateur.
Dans le même temps, puisqu'il s'agit d'un point de départ, on peut redouter
qu'il ne renvoie un certain nombre de problèmes, notamment des problèmes
d'équilibre financier à moyen et long termes, à des échéances encore
incertaines.
Nous allons discuter à l'automne du projet de loi que vous nous avez annoncé
et je souhaite saisir l'opportunité de ce débat d'orientation pour appeler
votre attention sur l'application particulière de ce schéma aux transports
régionaux urbains, particulièrement en Ile-de-France, où ils représentent une
masse d'activités tout à fait significative pour la SNCF et une grande
spécificité dans les missions de l'entreprise.
Si j'essaie de me placer dans le dessein d'ensemble que vous nous avez décrit,
je constate que vont se distinguer une mission de gestion d'installations fixes
qui, là comme ailleurs, relèvera du nouvel établissement public à caractère
industriel et commercial, et une fonction d'exploitant. Or il me semble que,
dans ces deux fonctions, les missions particulières de l'entreprise en
Ile-de-France vont être assez spécifiques. Au demeurant, je crois pouvoir dire
que des raisonnements analogues seraient applicables aux grandes régions
urbaines : je pense notamment à la métropole lilloise ou à l'agglomération
lyonnaise.
Quoi qu'il en soit, les infrastructures ferroviaires en Ile-de-France
appellent des développements, des renforcements, des travaux importants et il
est donc nécessaire, dès l'instant où vous avez fait le choix de principe de ne
pas renouveler le mécanisme des contrats de plan Etat-SNCF, que vous nous
indiquiez quel peut être l'horizon financier, c'est-à-dire le mécanisme de
programmation de ces travaux d'infrastructures, dont certains ont un véritable
caractère de respiration pour le fonctionnement du transport en
Ile-de-France.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous êtes bien informés des
difficultés de fonctionnement quotidiennes que traversent un certain nombre de
liaisons dont la fréquentation est très élevée, et l'éventuel manque de
certitude quant aux dates de réalisation d'un certain nombre d'ouvrages, dont
l'absence provoque aujourd'hui sur le réseau des goulets d'étranglement, serait
véritablement source d'inquiétude.
De même, alors qu'en Ile-de-France les activités ont eu tendance à se déployer
à partir du centre de l'agglomération, la fonction de transport que je
qualifierai, pour schématiser, de Paris-banlieue doit être partiellement
relayée par une fonction de transport banlieue-banlieue, la SNCF ayant annoncé,
jusqu'à présent, l'ambition d'y être présente.
Au moins deux projets de relations transversales, de rocades ferroviaires ont
été mis en oeuvre. Je suis particulièrement familiarisé avec celui qui est
appelé « Trans-Val-d'Oise », et qui relie l'agglomération de Cergy-Pontoise à
la zone d'emplois de Roissy-Villepinte.
Le nouvel établissement public chargé des infrastructures est-il en mesure de
s'engager sur des projets de cette nature et d'en étudier de futurs ?
De même, un de nos problèmes significatifs dans la vie quotidienne du
transport en Ile-de-France est la situation des gares, qui sont très nombreuses
et qui connaissent des niveaux d'utilisation très élevés : les gares où
transitent 10 000 voyageurs sont un élément déterminant, parmi d'autres, dans
la structure de l'Ile-de-France.
Par ailleurs, vous savez que la situation de ces installations en termes de
sécurité est aujourd'hui assez problématique. Nombre d'usagers font état - et
les statistiques de fréquentation le répercutent - d'un sentiment d'insécurité
qui fait obstacle à l'utilisation sans arrière-pensée du transport public.
En ce qui concerne maintenant l'exploitation, il existe un problème de
concurrence entre l'exploitant Ile-de-France et les exploitants grandes lignes,
pour reprendre la terminologie traditionnelle. Il serait important de savoir si
la nouvelle réorganisation ménagera la place des transports régionaux
d'Ile-de-France par rapport aux liaisons rapides Paris-Province. Vous savez en
effet qu'aujourd'hui la régularité et la fiabilité des horaires des transports
en Ile-de-France constituent un défi préoccupant. Ainsi, les différentes
directions régionales produisent, en concertation avec les élus - je veux
souligner qu'elles consentent à cet égard des efforts - des statistiques, des
états des lieux, des tableaux de bord qui indiquent tous que des progrès
importants restent à faire en la matière.
De même, en ce qui concerne la qualité du déplacement quotidien des
Franciliens, se pose la question de la disponibilité des agents dans les rames,
du contact commercial entre les agents de la SNCF et les utilisateurs. Et je
n'oublie pas la question annexe, mais très significative, de la fraude : la
faible proportion de contrôle des titres de transport est aussi un élément au
sujet duquel nous espérons que la réorganisation apportera des réponses
concrètes.
J'ajoute, à partir d'une expérience évidemment très locale mais qui, je crois,
se répercute quotidiennement pour des milliers d'usagers en Ile-de-France, que
la question de l'intermodalité y présente un aspect assez particulier. Mme le
secrétaire d'Etat sait bien, par expérience, que, sur plusieurs grandes lignes
de RER, dont la ligne A en direction de Cergy-Pontoise, il doit être procédé à
un changement de machiniste à un endroit du parcours, parce que la même rame ne
peut pas être conduite par un agent de la SNCF sur le réseau RATP, ni par un
agent de la RATP sur le réseau SNCF. Cela signifie que toute perturbation,
qu'elle soit technique ou sociale, affectant l'une des deux entreprises
publiques entraîne l'indisponibilité totale du service.
En résumé - et pour ne pas dépasser mon temps de parole, que M. le président
surveille avec une attention bienveillante - je souhaite qu'avant le dépôt de
son projet de loi le Gouvernement soit en mesure de faire des propositions
concrètes sur l'application du nouveau schéma au transport ferroviaire des
grandes régions urbaines, car les enjeux s'y posent à la fois en termes de
capacité d'accès à l'emploi des millions d'habitants de ces zones urbaines,
mais aussi en termes d'écologie pratique, puisque tout ce qui sera conservé,
voire élargi au transport ferroviaire, diminuera d'autant la surcharge des
infrastructures routières.
Je souhaite tout particulièrement, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le
ministre, que ce travail préparatoire soit assorti d'une concertation
réellement ouverte avec les élus d'Ile-de-France.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Habert a souligné
à juste titre la notoriété du TGV à l'étranger.
Je ne partage pas du tout votre pessimisme, monsieur le sénateur, quant aux
chances que nous avons d'exporter cette technologie. Eurostar dessert déjà la
Grande-Bretagne et Thalys la Belgique. Des projets sont en cours à Taïwan, au
Canada, et même en Chine. Et je me trouvais récemment au Brésil où, avec les
autorités locales, nous avons évoqué une liaison TGV entre Rio et Sao Paulo.
Notre industrie ferroviaire est la meilleure du monde, et Mme Idrac et
moi-même entendons la soutenir fermement et activement.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
ne partage pas non plus, monsieur Habert, votre vision des projets de TGV
Lyon-Turin ou de TGV franco-espagnol. Ces projets méritent d'être soutenus, et
ils le seront.
La SNCF, désendettée de 125 milliards de francs, a - et aura davantage demain
avec son projet industriel et la mobilisation de ses personnels - les moyens
non seulement de supporter la dette résiduelle, mais encore de la réduire. Nous
verrons comment l'aider dans cette démarche.
Monsieur Haenel, peu de parlementaires connaissent mieux que vous le dossier
de la SNCF. Vous avez à juste titre souligné le grand tournant que constitue
notre réforme.
La SNCF est mortelle, avez-vous dit ; c'est vrai. Mais la réforme que nous
vous proposons lui permet de saisir, comme vous l'avez souligné, les chances
qui lui sont offertes, notamment en Europe. Il ne faut pas craindre l'aventure
européenne. Au contraire, il faut essayer de la saisir.
Je partage avec vous la conviction très profonde que le client est la raison
d'être de la SNCF et le vrai ressort de tout redressement durable.
« Client » ou « usager » ? Il faut éviter de se battre sur les mots, mais ma
conviction est claire : il y a des « usagers » des transports et des « clients
» des entreprises de transport. Ce que demandent aujourd'hui les usagers du
train, c'est bien d'être davantage traités comme des clients. Tel est tout le
sens des réorientations en cours à travers l'opération « De meilleurs services
dès demain ».
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez souligné l'exemplarité de la méthode
expérimentale retenue pour la régionalisation. Je vous rejoins parfaitement.
Nous devons réformer l'Etat et les services publics, mais nous devons le faire
dans la concertation, en testant des solutions dans un cadre expérimental. Les
réformes décrétées à l'échelon central échouent trop souvent. Celle que le
Sénat, vous-même en particulier, avez préconisée est donc bien un exemple à
reprendre.
Monsieur Fourcade, vous connaissez bien la SNCF, grâce, notamment, à votre
présence au sein de son conseil d'administration.
Vous avez raison de dire que le désendettement et la régionalisation ne
suffisent pas à régler tous les problèmes de la SNCF. Je l'ai d'ailleurs
souligné moi-même. Il faut en plus, en premier lieu, que la SNCF se dote, dans
la concertation, d'un projet industriel ambitieux, en particulier sur le plan
commercial et pour la maîtrise des charges.
Il faut, en second lieu, que les investissements à venir soient décidés de
manière sélective, en fonction du trafic attendu et non pas seulement du temps
de parcours, et qu'ils soient financés dans des conditions saines.
J'ai pris note avec intérêt de vos légitimes préoccupations en ce domaine pour
la région parisienne.
Je partage aussi votre souhait de voir l'entreprise se recentrer sur ses
métiers - M. Bernard l'a évoqué et j'y reviendrai tout à l'heure - et se doter,
je l'ai dit, d'une vraie comptabilité analytique pour maîtriser ses coûts, ce
qui suppose d'abord qu'elle les connaisse.
En ce qui concerne les formes d'action collective, je note, et je n'ai pas été
le seul, que la dernière journée d'action, le 6 juin dernier, s'est déroulée
sans interruption du service. Je veux y voir un signe très positif.
Vous avez, monsieur Belot, rappelé avec beaucoup de clairvoyance les carences
passées de l'Etat, qui a livré, d'une certaine manière, la SNCF à elle-même,
sans lui fixer d'objectifs clairs.
On a effectivement trop longtemps préféré la fuite en avant dans l'endettement
et les déficits à la lucidité et au courage des réformes.
Notre réforme ne se contente pas d'apporter un nouveau palliatif financier.
Elle traite, comme vous l'avez souligné, les problèmes de fond et apporte des
réponses structurelles à même d'assurer un redressement durable. Elle crée, en
effet, les conditions d'une mobilisation sur des objectifs crédibles de
redressement dans un cadre de responsabilités clarifiées.
J'appelle avec vous l'ensemble des personnels à se mobiliser afin que la SNCF
redevienne, comme vous l'avez dit, la plus belle entreprise ferroviaire du
monde.
Non, monsieur Leyzour, le Gouvernement n'est pas adepte, quand il s'agit de la
SNCF, du catimini. Le débat sans précédent qu'il vient d'organiser sur ce sujet
en est la preuve.
Oui, monsieur le sénateur, je me réjouis que ce débat, comme celui qui s'est
déroulé à l'Assemblée nationale, nous donne l'occasion de préciser les choses.
Je crois l'avoir fait sur les points essentiels en toute bonne foi, en toute
honnêteté intellectuelle.
Mais, monsieur Leyzour, le débat d'aujourd'hui n'épuise pas le sujet et nous
aurons, cet automne, l'occasion de revenir devant le Parlement, je vous l'ai
indiqué, pour présenter le projet de loi créant l'établissement public.
C'est pour cela que je ne comprends pas très bien un certain nombre de procès
d'intention. Si, véritablement, il y avait une mauvaise intention de ma part,
je n'aurais pas choisi cette procédure puisque, dans le débat général que j'ai
lancé, j'ai voulu, et c'était tout à fait logique et normal, puisque c'est un
débat national, que le Parlement ait le dernier mot. Je ne pouvais pas attendre
plus longtemps pour faire des propositions.
Certains d'entre vous en ont approuvé quelques-unes, d'autres les ont
critiquées. J'analyserai dans le détail toutes les interventions et, je vous
l'ai dit, nous nous retrouverons.
Cette maturation, normale pour un dossier de cette importance, ne suffit pas à
justifier des procès d'intention auxquels nos actes, ceux du Gouvernement et
ceux de la majorité, se chargeront de répondre, j'en suis convaincu.
S'agissant de la gestion de la dette résiduelle de la SNCF, il est vrai qu'un
problème se pose, mais il faut reconnaître l'effort qui est fait par la prise
en charge de la dette liée aux infrastructures ; c'était d'ailleurs une des
revendications des syndicats. Il s'agit là donc d'un pas en avant très
important.
Dans la mesure où le projet industriel générera une dynamique nouvelle, où
l'Etat assurera un suivi de l'opération, je suis tout à fait convaincu que des
progrès peuvent être accomplis en la matière et nous y veillerons.
Je fais toute confiance aux équipes compétentes au sein de cette entreprise
pour également obtenir des banques les meilleures conditions du marché, comme
vous l'avez dit vous-même, monsieur le sénateur, au besoin en renégociant les
encours. C'est là une chose qui peut être envisagée.
Je note enfin que votre volonté de conserver un réseau national rejoint tout à
fait mon propos.
Je n'ai pas, monsieur le sénateur, de religion particulière en matière de
contrat de plan, surtout quand je constate les résultats désastreux auxquels
ont conduit les deux contrats de plan précédents, élaborés d'ailleurs par
d'autres responsables.
Pour moi, monsieur le sénateur, je tiens à vous le dire, le fond compte
beaucoup. La forme également. Médecin de formation, j'ai souvent tendance à
dire que la façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne. Toutefois, lorsque
la maladie est grave, ce qu'on donne constitue vraiment une thérapeutique
majeure. Là, la qualité de la thérapeutique est importante, la manière de
donner joue aussi. Mais la qualité, donc le fond, l'emporte en l'espèce sur la
forme.
Compte tenu de la gravité de la maladie qui affectait la SNCF, je crois que le
fond prévaut. Je constate d'ailleurs que rares sont ceux - y compris les
cheminots - qui se trompent sur ce point du débat.
Monsieur Aubert Garcia, vous avez cru devoir conclure d'un constat que j'ai
été amené à faire, celui que le chemin de fer n'est plus le mode de transport
dominant - c'est une réalité - que j'aurai fait preuve de résignation.
Hélas ! monsieur le sénateur, les faits sont têtus. Il n'est pas dans mes
habitudes de dire d'un chat qu'il est blanc quand il est noir.
Comment peut-on voir de la résignation dans notre projet de réforme ? Je l'ai
dit aux organisations syndicales, je l'ai dit au Conseil économique et social,
je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je le redis ici devant le Sénat : loin
d'être inspirée par la résignation, notre réforme est au contraire une solution
ambitieuse pour affronter un problème qui a été malheureusement trop longtemps
différé en dépit de son évidence.
Vous ne m'en voudrez pas de préciser que ce problème aurait dû être traité
plus tôt, voilà plusieurs années. Mais je sais que c'était difficile.
M. Alain Richard.
Il y a trois ans, par exemple !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Oui
!
Aujourd'hui, nous avons eu la volonté de prendre le problème à bras-le-corps.
Je ne veux pas polémiquer sur ce point, parce que c'est trop grave. L'adhésion
de tous les élus nationaux pour sauver la SNCF est indispensable.
Je veux en tout cas, monsieur le sénateur, vous rassurer. Il ne s'agit pas de
répartir une dette et des difficultés financières entre deux établissements
publics. A travers l'EPIC chargé de l'infrastructure, l'Etat assumera bien, et
pleinement, la responsabilité du réseau.
Bien sûr, compte tenu des retards pris à affronter la réalité, il est clair
que le redressement sera long et coûteux et que l'Etat, avant de se lancer dans
la réalisation de nouvelles infrastructures, devra y regarder à deux fois.
Que s'est-il passé au cours de ces dernières années ? Une course en avant où,
sous prétexte de répondre à tel ou tel désir, ou de faire plaisir, peut-être,
on a décidé de réaliser telle et telle infrastructure, et c'était la SNCF qui
en assumait la responsabilité financière. C'était trop facile !
Monsieur Berchet, les actifs non transférés au nouvel établissement public
resteront la propriété de la SNCF : à elle de les valoriser au mieux.
Oui, la SNCF doit faire des efforts pour attirer davantage de clients.
S'agissant des tarifs, j'ai indiqué que les tarifs sociaux seront
maintenus.
J'ai la conviction que la régionalisation sera applicable à toutes les
régions, y compris les régions rurales. Je regrette un peu qu'aucune d'entre
elles ne se soit portée volontaire pour participer à la première vague
d'expérimentation. Mais je suis sûr que d'autres y viendront très vite.
Enfin, sur la ligne Paris-Bâle, j'attends, vous le savez, le rapport
Moissonnier, en principe au mois de juillet. Mais je reste très attentif à
l'avenir de cette ligne.
Monsieur Masson, vous avez centré votre propos sur la régionalisation. Votre
vigilance à préserver les régions d'un éventuel marché de dupes ne m'a pas
étonné. Je sais, en effet, le rôle éminent que vous jouez à titre personnel
dans la politique des transports de la région Centre, qui est l'une des régions
volontaires pour l'expérimentation.
Monsieur le sénateur, nous nous connaissons tous les deux depuis longtemps.
Parlons clair ! Soyez rassuré. Vous m'avez demandé, dans votre intervention,
non seulement du biscuit mais, si je vous ai bien entendu, du biscuit avec
beaucoup de beurre dessus.
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Attention au cholestérol, docteur !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Ne
me demandez pas l'impossible !
Il ne s'agit pas, pour reprendre vos propres termes, de « refiler le mistigri
». Il s'agit bien de mener une réforme favorable au chemin de fer et au service
public en rapprochant la définition des services des besoins des usagers. Les
régions ont fait la preuve dans d'autres domaines de leur capacité à améliorer
la gestion publique au plus près du terrain, là où l'Etat central était trop
lointain.
Nous nous engageons dans l'expérimentation en toute transparence. Nous en
assurerons un suivi régulier, afin de procéder aux adaptations qui apparaîtront
nécessaires à l'usage. Nous savons que nous aurons, avec les régions, des
partenaires constructifs mais vigilants.
Je vous remercie, monsieur About, d'avoir souligné que notre plan permet aussi
- c'est l'un de ses objectifs - de redonner motivation et espoir au
personnel.
Vous avez, d'ailleurs, parfaitement résumé l'esprit de notre projet et son
souci d'équilibre.
Merci également de votre approbation sur la méthode mise en oeuvre pour la
régionalisation. Elle ne dispense pas, vous l'avez dit, les élus de prendre
leurs responsabilités : au contraire, elle leur en donnera les moyens.
Oui, l'Europe est un espace adapté au chemin de fer, notamment pour les
marchandises. Mais seules en profiteront les entreprises redressées et
redynamisées. Seules, elles pourront affronter la concurrence intramodale, que
les textes communautaires déjà en vigueur autorisent, marginalement encore,
mais autorisent.
C'est pourquoi je partage, enfin, votre confiance en la capacité d'une SNCF
rénovée à tirer le meilleur parti de l'espace européen, dans le respect des
principes - de tous les principes - du service public.
Pourquoi être frileux ? Pourquoi être craintif ? Pourquoi craindre que nous ne
soyons pas capables d'affronter la concurrence européenne ?
Monsieur Minetti, vous m'avez interpellé très directement.
Mme Hélène Luc.
Mais oui !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Vous avez eu raison !
M. Ivan Renar.
Ce sont les meilleures interpellations !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
pense que vous aurez trouvé des éléments de réponse dans nos interventions
liminaires, celle de Mme Idrac et la mienne. Mais je souhaite être très
clair.
Je vais l'être en vous rassurant sur le fait qu'il y a d'ores et déjà, fort
heureusement, une politique globale et intermodale des transports. Vous en
aurez une nouvelle preuve bientôt à l'occasion de la présentation des cinq
schémas directeurs d'infrastructure.
Je vais être clair en vous confirmant que les conditions d'exploitation du
réseau ferré, telles qu'elles sont précisées par la LOTI, ne seront pas
modifiées pas notre réforme.
Je vais être clair en vous confirmant que les tarifs sociaux continueront à
s'appliquer dans les régions expérimentales.
Je vais être clair en vous rappelant que le transfert de compétences s'opérera
bien sans transfert de charges.
Je vais être clair en vous rassurant sur le fait que les grandes lignes
nationales ne sont pas menacées et qu'elles doivent, à l'évidence, conforter
les dessertes régionales.
Monsieur Fatous, ce débat, que j'ai personnellement souhaité, montre,
contrairement à ce que vous avez dit, notre souhait d'entendre et d'associer
étroitement le Parlement.
Parlementaire moi-même pendant très longtemps, j'ai été souvent irrité de voir
un certain nombre d'apparentes décisions être rendues publiques avant que l'on
puisse en débattre au fond. Mais je crois, monsieur le sénateur, que le temps
nous était compté, je l'ai dit voilà un instant.
Après avoir longuement participé à ce débat national, il n'aurait pas été
normal, ni bon ni sain, que je vienne avec Mme Idrac devant le Parlement sans
vous préciser quelles étaient les orientations du Gouvernement. Vous auriez eu
le droit de nous dire que nous ne savions pas ce que nous voulions.
Vos inquiétudes, je les comprendrais bien s'il s'agissait d'analyser une
situation actuelle résultant de nos propres choix. Mais nous trouvons une
situation que bien des gouvernements qui nous ont précédés ont trouvée, et
qu'ils ont essayé de résoudre d'une certaine manière. Nous reportant aux débats
qui ont précédé les deux derniers contrats de plan, nous avons bien vu quels
étaient les problèmes qui s'étaient posés, les inquiétudes qu'ils suscitaient
et les moyens qui avaient été présentés pour essayer de les résoudre. Nous
avons vu aussi ce que cela avait donné. Je ne suis pas là pour faire un procès,
mais je dois dire que je suis en présence d'une situation qui s'est
dégradée.
Je veux préciser aussi que, chaque fois, aussi bien en décembre que pendant
cette période, j'ai toujours veillé, à travers les mots que j'utilisais - les
mots ont une importance considérable - à rendre hommage à cette grande
entreprise nationale qu'est la SNCF, à tout ce qu'elle a pu faire dans le passé
et à ce qu'elle fait encore aujourd'hui, qui est tout à fait remarquable dans
un certain nombre de domaines, il faut bien le dire, et c'est une chance pour
la France.
Personnellement, je crois profondément à ce que je dis et je suis persuadé, je
vous l'assure, que l'ambition dont je parle sera porteuse d'un résultat positif
si tout le monde accepte de s'engager sans arrière-pensée.
Monsieur Fatous, à travers les critiques que vous nous avez adressées - c'est
bien normal dans un débat parlementaire - j'aurais aimé entendre - mais je ne
l'ai pas entendu et pourtant je vous ai écouté avec beaucoup d'attention - une
proposition concrète, différente de celle que je suis amené à vous faire. C'est
un débat que nous reprendrons à l'automne, au moment où il s'agira de mettre en
place l'établissement public.
Monsieur Joly, vous avez souligné à juste titre qu'il était nécessaire de
procéder à un assainissement préalable de la SNCF avant de la lancer sur les
rails européens. A cet égard, je veux vous rassurer en vous indiquant - je
tiens à le répéter et un certain nombre de vos collègues m'ont d'ailleurs
approuvé quand je l'ai dit tout à l'heure - que, pour moi, l'Europe est bien
une chance pour la SNCF.
Le point d'interrogation du rapport de M. About me semble pouvoir être levé.
Mais s'il y a une chance, il faudra que tout le monde se mobilise pour la
saisir pleinement, et je crois profondément que notre réforme le permet.
Vous avez, en outre, tenu à souligner la nécessité d'une stratégie commerciale
offensive, en souhaitant que les gares, en particulier, soient plus
accueillantes et transformées en vrai « lieux de vie ». Je veux vous dire
combien je partage votre analyse et votre avis.
Quand je pense à cet atout extraordinaire que sont, pour la SNCF, ces gares au
coeur des villes, ces lieux de fréquentation en plein centre, qui n'ont pas été
utilisés dans une dynamique commerciale, les bras m'en tombent ! Ce gisement
commercial extraordinaire n'a pas été exploité. Tel est réellement mon avis, et
ce depuis bien longtemps. Il s'agira d'un point auquel la SNCF devra
particulièrement s'attacher dans son projet industriel.
Monsieur Gerbaud, oui, les hommes avant tout ! Je partage entièrement votre
souci de saluer les cheminots et de leur renouveler la confiance de la nation
dans leur capacité à relever les défis d'aujourd'hui, comme ils ont su relever
ceux d'hier. La réforme se fera avec les hommes, ni sans eux ni contre eux.
Vous avez posé de nombreuses questions ; toutes sont pertinentes. Vous
comprendrez que je ne puisse, faute de temps, répondre ici à toutes.
Sachez en tout cas, que je pense comme vous : la technique pendulaire devra
être utilisée. J'ai d'ailleurs demandé à notre grande industrie ferroviaire de
bien vouloir prendre ce dossier à bras-le-corps. Elle m'a promis que d'ici à
dix-huit mois nous aurons un prototype que nous pourrons tester grandeur
nature.
Sachez encore que mon attachement à la ligne Paris-Toulouse est aussi fort que
le vôtre. Jeune secrétaire d'Etat à l'agriculture, entre 1969 et 1972, je
prenais très souvent le Capitole. Il m'arrivait même de prendre le train du
soir, à la gare Austerlitz, vers les vingt-trois heures et, dans la petite gare
de Souillac, vers cinq heures du matin, j'étais la plupart du temps le seul
voyageur qui descendait. L'hiver, j'avais un peu l'impression d'être l'homme
qui venait du froid...
Je connais donc cette ligne par coeur ; je l'ai vécue affectivement et
charnellement. C'est donc avec un grand regret que j'assiste à sa dégradation,
qui a été progressive, et qui donne l'impression que tout le monde a baissé les
bras. Je crois pourtant qu'il y a là une clientèle à reconquérir.
M. Hubert Haenel.
Sûrement !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
veillerai, monsieur Gerbaud, à ce que cette ligne, chère à mon coeur autant
qu'au vôtre, ne reste pas à l'écart des projets de modernisation.
Madame Bardou, bien sûr, la Lozère, bien sûr, l'aménagement du territoire !
Nous sommes au coeur du problème, et je comprends que, dans ce département
superbe, mais éloigné des grands centres, enclavé, le souci de l'aménagement du
territoire soit au coeur de vos réflexions. Je sais combien les transports
jouent un rôle essentiel dans l'équilibre du territoire.
Je veux vous rassurer, madame Bardou. Il y a bien évidemment une place pour
des réseaux régionaux, qui doivent se développer en propre, mais aussi en
cohérence avec le réseau des grandes lignes nationales, classiques ou TGV. La
régionalisation doit permettre d'en assurer l'essor dans le souci d'améliorer
toujours et d'abord le service.
Je vous rejoins également dans l'intérêt du transport combiné, qui constitue
un créneau privilégié pour la reconquête du transport de fret. Je constate
d'ailleurs avec satisfaction que c'est aujourd'hui le mode de transport qui se
développe le plus.
Monsieur Courteau, la SNCF a aussi souffert de l'indécision d'un grand nombre
de responsables politiques et de gouvernements, et je dois dire que la
situation actuelle est le résultat de dégradations progressives.
J'ai déjà, à plusieurs reprises, eu l'occasion d'évoquer les schémas
directeurs auxquels je suis, sachez-le bien, aussi attaché que vous.
S'agissant du service public, je vous rappelle que c'est à la collectivité
publique - et à personne d'autre - d'en définir le champ. Notre réforme
d'ailleurs ne le modifie en rien - elle ne l'élargit pas, elle ne le rétrécit
pas non plus - mais elle lui donne de nouvelles chances dans un cadre
rénové.
Monsieur Cazalet, vous nous avez rappelé le coût de la SNCF pour la
collectivité avec lyrisme, mais aussi avec la compétence et la vigilance du
rapporteur du budget des transports terrestres. Vous étiez en effet mieux placé
que quiconque pour souligner l'ampleur des montants, qui sont considérables.
Les conditions financières de la réforme vous intéressent fort logiquement et
vous avez soulevé certaines questions en prévision, sans doute, du prochain
projet de loi de finances.
Soyez rassuré, monsieur le sénateur.
D'une part, l'effort de désendettement est suffisant pour alléger la SNCF de
la part de sa dette à laquelle elle ne pouvait faire face. Mais il faudra
qu'elle se mobilise.
D'autre part, comme pour tout établissement public à caractère industriel et
commercial, il appartiendra à l'Etat de veiller à son équilibre financier.
Aussi l'Etat devra-t-il apporter, sous forme de dotations en capital ou de
subventions, le complément nécessaire aux recettes provenant des péages.
Enfin, vous avez évoqué des cessions d'actifs. Soyons clairs : il ne s'agit
pas de vendre des actifs pour désendetter la SNCF ; nous l'avons déjà dit.
Mais, si des actifs peuvent être valorisés, en cohérence avec la stratégie de
développement arrêtée pour la SNCF, il est bien évident qu'il faut choisir ces
opportunités.
Madame Heinis, vous avez rappelé à juste titre que de nombreuses commissions
se sont penchées ces dernières années au chevet de la SNCF. Le Gouvernement a,
lui, décidé d'agir, non pas pour briser un rêve - je reprends vos paroles -
mais plutôt pour éviter un cauchemar : la SNCF est mortelle, plusieurs de vos
collègues l'ont dit.
Notre ambition - je sais que c'est aussi la vôtre - est non seulement de la
sauver, mais de faire d'elle l'une des premières entreprises ferroviaires
d'Europe.
Monsieur Bernard, vous avez souhaité une clarification : reconquête de la
clientèle, recentrage de l'activité de l'entreprise, recensement des filiales,
afin de voir si elles relèvent du service public ou si elles ne jouent pas un
rôle un peu tordu de concurrence avec la SNCF. Vous avez raison de poser ces
questions : elles doivent alimenter notre réflexion.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, ainsi qu'un grand nombre de
vos collègues, du soutien que vous avez apporté au Gouvernement et de votre
approbation.
Monsieur Richard, parce que vous êtes un élu de cette grande région
d'Ile-de-France et que vos fonctions, dans l'autre assemblée, vous ont amené à
réfléchir à ces sujets, vous avez soulevé des questions très difficiles à
résoudre, très complexes, qui vont nous appeler - je l'ai dit tout à l'heure -
à mener tous ensemble une réflexion. Il s'agit véritablement de problèmes très
importants qui nécessiteront, je le pense, au-delà du débat national que nous
entamons, que nous menions une autre réflexion ensemble, mais également avec
l'entreprise concernée.
D'ores et déjà je peux vous indiquer qu'en ce qui concerne la région
d'Ile-de-France la lutte contre la fraude et contre l'insécurité sera au coeur
de nos préoccupations. Mme Idrac et moi avons eu de nombreuses discussions à ce
sujet avec le président de l'entreprise. C'est une orientation qu'il sera
indispensable de suivre. Elle peut être génératrice d'emplois nouveaux.
Monsieur le sénateur, vous avez reconnu la cohérence du schéma d'ensemble, et
je vous en remercie.
Pour ce qui est de la région d'Ile-de-France, je tiens à vous confirmer que le
cadre institutionnel dans lequel, à l'heure actuelle, est assuré l'ensemble des
services ne sera pas modifié même si l'infrastructure doit être transférée au
nouvel EPIC.
L'amélioration des transports dans cette région, en termes de fiabilité, de
sécurité, de régularité, de propreté, est au coeur de nos réflexions. Nous
allons poursuivre les efforts d'investissements qui ont été engagés.
Nous tirerons de la concertation avec l'ensemble des élus qui connaissent bien
le problème des transports dans la région d'Ile-de-France des enseignements qui
nous permettront d'affronter cette nouvelle étape laquelle sera, je n'ai pas
peur de le dire, complexe et difficile. Mais je suis convaincu que nous
surmonterons les difficultés.
Monsieur Pastor, je vous remercie de votre contribution à ce débat. Vous avez
évoqué un certain nombre de problèmes de fond, en particulier en ce qui
concerne la régionalisation. Vous avez également été quelque peu critique à
l'égard de notre projet. Je pense qu'il s'agit davantage d'un procès
d'intention que d'une critique objective, et je vous donne rendez-vous à
l'auromne pour le débat realtif à la mise en place de l'établissement
public.
Au terme de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de Mme Idrac
et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier du fond du coeur pour votre
participation, pour les réflexions et les analyses que vous avez formulées et
qui vont enrichir notre travail car, comme je l'ai indiqué voilà un instant en
répondant à certains intervenants, nous sommes non pas à la fin mais au début
d'un débat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je constate que le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 465 et distribuée.
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