Séance du 20 janvier 2000
M. le président. Par amendement n° 38, M. Hugot, au nom de la commission des affaires culturelles, propose d'insérer, avant l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le dernier alinéa de l'article 26 de la même loi, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Le Conseil supérieur de l'audivisuel attribue en priorité à la société mentionnée au premier alinéa de l'article 44 l'usage de la ou des fréquences nécessaires pour la mise à disposition du public de deux offres nationales de services de communication audiovisuelle diffusée par voie hertzienne terrestre. Chacune de ces offres pourra comprendre un ou plusieurs services locaux diffusés dans une zone délimitée.
« Le Conseil peut en outre attribuer à la société mentionnée au premier alinéa de l'article 44, éventuellement en partage avec un ou plusieurs éditeurs de services autres que nationaux autorisés en application de l'article 30, l'usage de la fréquence ou des fréquences nécessaires pour la mise à disposition du public d'une offre de services locaux de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre. Le Conseil fixe dans un cahier des charges les conditions, notamment techniques et financières, dans lesquelles la société mentionnée au premier alinéa de l'article 44 partage, le cas échéant, avec un ou plusieurs éditeurs de services autres que nationaux autorisés en application de l'article 30 l'usage de la fréquence ou des fréquences mentionnées au présent alinéa. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 249, présenté par M. Joyandet, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 38, après les mots : « par voie », à insérer le mot : « numérique ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 38.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Il s'agit du premier amendement visant à insérer le régime juridique de la diffusion numérique de terre dans la trame de la loi de 1986.
Cet amendement prévoit l'attribution à France Télévision de deux multiplex numériques sur les six qui devraient être lancés. Cela permet de diffuser une douzaine de services.
En outre, l'amendement vise à permettre au CSA de confier à France Télévision le rôle de distributeur d'un autre multiplex, qui sera réservé aux services locaux, France 3 partageant les canaux de diffusion avec des services locaux indépendants.
Il s'agit de réserver à la communication locale un espace dans le numérique hertzien de terre.
M. le président. La parole est à M. Joyandet, pour défendre le sous-amendement n° 249.
M. Alain Joyandet. Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement, qui lui a paru redondant avec le texte de l'amendement n° 38. Aussi demande-t-elle à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. Alain Joyandet. J'en suis d'accord.
M. le président. Le sous-amendement n° 249 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 38 ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. C'est l'amendement qui, sur une des questions essentielles, la place du service public, ouvre notre débat sur le numérique de terre.
Monsieur le rapporteur, nous devons bien être conscients que ce débat ne pourra se conclure aujourd'hui.
En effet, si je suis convaincue qu'une priorité pour le service public serait justifiée pour l'attribution des fréquences numériques, je ne suis pas sûre qu'il appartienne à la loi de répartir d'emblée la quantité de canaux qui lui seront attribués.
Je note, à cet égard, que le rapport de M. Hadas-Lebel suggère plutôt, en cette matière, de conserver, pour le numérique hertzien, le mécanisme existant d'attribution prioritaire de fréquences aux chaînes publiques, ainsi que la fixation par décret du cahier des charges des chaînes publiques numériques.
C'est sans doute par erreur que cet amendement confie ce cahier des charges au CSA, alors qu'en matière de service public la définition des tâches ne peut être dissociée des moyens de financement public qui leur sont attribués. Cela méritera d'être précisé à l'occasion des navettes parlementaires.
De manière plus générale, je veux saluer le travail exploratoire auquel la commission et, au premier chef, son rapporteur se sont livrés. Leurs propositions, les premières réflexions dont je vous ferai part à leur égard, le rapport Hadas-Lebel et toutes les riches contributions professionnelles qui l'ont précédé constitueront la base des propositions que je ferai, au nom du Gouvernement, et que nous examinerons ensemble en seconde lecture.
D'ores et déjà, je souhaite présenter les objectifs que se fixe le Gouvernement en matière de numérisation de la diffusion terrestre de la télévision.
Est d'abord prévu, pour l'ensemble des foyers français, un élargissement de l'offre de programmes, en particulier pour les foyers qui ne peuvent, pour des raisons techniques ou économiques, s'abonner au câble ou au satellite. C'est le premier objectif. Le numérique terrestre pourra leur apporter de nouvelles chaînes, mais aussi faire accéder un plus grand nombre d'entre eux à d'autres services de la société de l'information, en particulier interactifs.
C'est indéniablement un progrès non seulement pour la télévision, mais aussi au regard de l'accès à tous les nouveaux services que pourra offrir ce nouveau mode de diffusion.
Deuxième objectif : favoriser le développement de l'expression locale et associative, dont nous parlions à l'instant. Le numérique terrestre ne sera pas et ne doit pas être un prétexte pour retarder le lancement de télévisions locales analogiques. Il constituera toutefois, dans un proche avenir, un support particulièrement adapté pour ces chaînes.
Troisième objectif : la qualité et la diversité des programmes sur le numérique terrestre. Nous les assurerons à la fois par le renforcement de notre secteur public et par le développement de nos industries de programmes. Sans doute des mesures d'accompagnement seront-elles nécessaires. J'ai demandé au CNC d'étudier cette question.
Quatrième objectif : permettre à nos industriels de confirmer leur compétitivité sur les marchés internationaux, à l'heure des grands mouvements, dans un domaine où ils ont su acquérir des positions particulièrement enviées. Je pense notamment à Thomson Multimédia.
Cinquième objectif : une meilleure utilisation du spectre, avec la libération à terme des fréquences utilisées par la diffusion analogique.
Ces objectifs seront atteints tout en veillant au respect de deux conditions essentielles : d'une part, l'équilibre du paysage audiovisuel, équilibre entre câble et satellite, gratuit et payant, opérateurs historiques et nouveaux entrants, télévisions nationales et offres locales ; d'autre part, le respect strict des grands principes qui fondent notre droit de l'audiovisuel.
La sauvegarde du pluralisme, l'égalité de traitement, la qualité et la diversité des offres de programme, le développement de la production et de la création audiovisuelles sont autant de principes qui seront réaffirmés et mis en oeuvre avec force. Ils seront à la base des critères de sélection, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, des candidats aux ressources en fréquences.
Le numérique terrestre ne doit pas conduire à une refonte de notre droit de la communication, voire à une déréglementation, souhaitée par certains à l'étranger, et même parfois dans notre propre pays. Il nécessite simplement que soient apportées des adaptations au cadre juridique existant pour tenir compte de certaines spécificités, notamment techniques, et des objectifs que se fixe le Gouvernement après cette très large consultation.
Je ne pense pas que nous puissions aller beaucoup plus loin aujourd'hui. Nous devons maintenant, à partir de la synthèse des contributions de l'ensemble des professionnels et des particuliers qui ont répondu au Livre blanc ou se sont exprimés, prendre le temps nécessaire aux décisions politiques et à leur traduction juridique.
Je serai, bien évidemment, particulièrement attentive aux propositions et aux réflexions du Sénat, dont nous aurons l'occasion de débattre à l'occasion de l'examen de chacun des amendements.
Mais, je l'ai déjà dit, en particulier à M. le rapporteur, nous avons besoin, après la remise du rapport de M. Hadas-Lebel, de tenir un certain nombre de réunions interministérielles décisives sur différents sujets pour préparer l'examen en deuxième lecture et finaliser les dispositions.
Cela étant, je le répète, les propositions du Sénat ont été analysées. Je les commenterai en détail de manière à favoriser l'évolution positive de ce débat.
Pour ce qui est de l'amendement n° 38, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je conçois, madame le ministre, que, face aux mesures que nous proposons et qui permettent le lancement du numérique hertzien, vous ayez le souci prudent de vouloir confronter les différentes données, tout en accélérant peut-être la réflexion puisque désormais ces données sont rassemblées. Je note d'ailleurs que l'ensemble de la réflexion sur le projet de loi de communication audiovisuelle a toujours bénéficié d'un calendrier favorisant la prudence.
Nous vous remercions de nous avoir transmis très rapidement le rapport de M. Hadas-Lebel, dont nous saluons également la célérité, même si nous ne pouvons que regretter que le mandat qui lui a été donné l'ait été dans des conditions telles que son travail n'a pas pu nourrir suffisamment la préparation de ce premier échange parlementaire.
J'ai écouté avec la plus grande attention la description du cadre général que vous proposez pour l'épanouissement du numérique hertzien terrestre français. J'y ai vu le signe de convergences futures avec nos propres réflexions lors de la deuxième lecture.
Nous chercherons toutefois à être plus positifs que vous, qui, au fond, tout en saluant courtoisement notre réflexion, avez laissé entendre qu'elle était totalement aux antipodes de vos attentes. Je crois pouvoir vous prouver le contraire au cours du débat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je tiens à dire à la Haute Assemblée que le groupe socialiste a choisi d'attendre de connaître les propositions précises du Gouvernement, et donc l'examen de ce projet en deuxième lecture, pour se prononcer sur l'organisation du paysage numérique hertzien dans notre pays.
Au cours de la discussion générale, nous avons rappelé quelques principes, comme vient de le faire Mme la ministre. En l'instant, nous nous abstiendrons sur chacun des amendements, dans la mesure où nous pensons qu'il faut étudier un système cohérent et non pas procéder par touches sans avoir connaissance du dispositif d'ensemble.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Pour ma part, je voterai cet amendement. Certes, j'en ai conscience, il ne figurera pas sous cette forme dans le texte qui sera finalement adopté, mais il aura marqué la volonté qu'a notre assemblée de voir le service public fortement présent dans les multiplex qui seront accordés à l'occassion du développement du numérique hertzien.
En fait, tout cela a un coût. On le sait, le numérique hertzien ne desservira, malheureusement, que 60 % à 70 % des téléspectateurs métropolitains. Au-delà, les coûts deviennent exponentiels.
Il se posera donc un grave problème : d'une part, on sera obligé, pour certaines fréquences - il y aura six fréquences par multiples, je le rappelle - de trouver un financement complémentaire, la redevance n'y suffisant pas ; d'autre part, il faudra consentir d'énormes efforts et faire preuve d'une sacrée motivation pour essayer de porter à son maximum le taux de population desservie. Plus il y aura de multiplex, desservant 60 % à 70 % de la population, plus on creusera l'écart entre ceux qui recevront une quantité infinie de chaînes et de services, et ceux qui n'y auront pas accès.
Au-delà des problèmes techniques, au-delà des problèmes liés au mode d'attribution, soit par multiplex, soit par fréquence, se repose donc le grave problème de l'équipement de notre territoire. Si l'on met fortement l'accent sur le développement et la présence du service public - ce à quoi tend le présent amendement - on incite le Gouvernement mais aussi - pourquoi pas ? - les régions et les collectivités territoriales à faire un important effort d'équipement et d'aménagement du territoire. En tout cas, on mobilise tous les moyens potentiels de la nation afin que tous nos concitoyens soient traités de manière équitable s'agissant de ces nouveaux services de télévision numérique hertzienne.
Voilà ce que je tenais à dire. Je n'interviendrai pas sur les autres amendements, je voulais simplement, sur cette question un peu générale, de fond, manifester notre volonté de voir le secteur public très fortement présent sur le numérique hertzien.
Je me permets d'insister sur le principe de l'égalité de nos concitoyens à l'accès aux services qui seront diffusés largement par ce nouveau procédé.
Par ailleurs, qui et comment va-t-on financer l'équipement nécessaire si l'on veut couvrir 90 % de notre territoire ? Selon les techniciens, compte tenu de la géographie française, ce sont des centaines de millions, voire des milliards de francs qu'il faudra investir. Cette dimension doit être prise en compte et le secteur public est bien armé pour cela.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je voterai aussi avec beaucoup de certitude l'amendement proposé par la commission des affaires culturelles. Je regrette, madame le ministre, mais chacun est dans son rôle, la prudence avec laquelle vous abordez la question du numérique.
Je sais que le rapport Hadas-Lebel existe puisque le président de la commission me l'a montré avant-hier à vingt-deux heures trente-cinq, alors que je m'exprimais à la tribune.
Nous ne devons pas faire preuve de prudence excessive, madame le ministre !
C'est comme si nous débattions en ce moment du code de la route et que vous nous proposiez de nous arrêter aux calèches !
Madame le ministre, vous l'avez dit dans votre intervention générale, le numérique existe depuis de nombreuses années. Je suis issu de la presse écrite. Cela fait dix ans que l'on sait que le numérique va changer la communication dans son ensemble. Nous l'avons dit les uns et les autres : le numérique est une voie universelle. Ce n'est pas l'alpha et l'omega de la communication. Cela ne changera rien pour le moment au contenu. Cela permet en particulier de répondre à de lancinantes questions qui sont celles des zones d'ombre ; c'est une obsession que tout parlementaire devrait avoir puisque l'on doit assurer une couverture du territoire national équitable.
Le numérique permet de disposer de télévisions de proximité, d'ouvrir des fréquences à des télévisions associatives, de mettre en place l'interactivité et la convergence des médias. Comment voulez-vous que, à peu près normalement constitué, je refuse un amendement novateur et d'anticipation ?... On nous demande d'attendre la deuxième, voire la troisième lecture, les calendes grecques, 2002, le renouvellement ... Non, ce soir, tout de suite !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, je comprends très bien votre prudence, mais je crois que l'amendement de la commission présente nombre d'avantages, même s'il faudra l'améliorer en fonction des résultats obtenus.
Dans ce domaine de la communication, nous avons été beaucoup trop longtemps à la remorque des techniciens qui nous ont fait gaspiller de l'argent et faire des bêtises considérables.
La commune que j'ai eu l'honneur d'administrer pendant vingt ans, Saint-Cloud, a été l'une des communes pilotes du plan câble. Aujourd'hui, ce réseau ne fonctionne pas. Pourtant, les personnels de France Télécom avaient à l'époque estimé que ledit réseau était le fin du fin. Nous avons un réseau merveilleux qui ne marche pas.
Au niveau de l'utilisateur, la bataille actuelle entre le satellite, le câble et la ligne téléphonique est rude. Or l'ensemble de nos concitoyens ne comprend rien à cette bataille, ponctuée de communiqués triomphants : demain, nous sera servi le branchement sur Internet gratuit ; après-demain, nous bénéficierons d'un système forfaitaire, etc. Aujourd'hui, se met en place une technique nouvelle, le numérique hertzien terrestre, qui va compléter le câble, la ligne téléphonique et le satellite. Pour une fois, il serait bon que le Parlement précède les experts, malgré tout ce que l'on peut entendre.
Je relève deux points intéressants dans l'amendement de la commission.
Premièrement, il vise à donner sa place dès le départ au secteur public. Cela me paraît une indication essentielle à fournir à tous les opérateurs. Il se trouve qu'aujourd'hui j'administre une ville placée au coeur du secteur audiovisuel et que je suis environné d'opérateurs de toutes nationalités et de toutes capacités qui sont en train de faire des trous, de passer des câbles partout, de créer des systèmes. Je suis environné de satellites, de câbles, etc.
Vis-à-vis des opérateurs, il me paraît bon de dire que la volonté du Parlement est de réserver dans le futur au numérique hertzien terrestre un certain nombre de possibilités - chiffrées à deux, mais ce peut être une ou trois, le problème n'est pas là - pour que le secteur public audiovisuel ait sa place dans cette nouvelle technologie qui ne doit pas être complètement abandonnée aux opérateurs privés.
Deuxièmement, je crois qu'il est important d'indiquer que la télévision locale pourra bénéficier de cette nouvelle technologie. Il est essentiel de régler ce problème. Il n'a pu l'être lors du démarrage du câble pour des raisons de coût, d'insuffisance d'abonnés, parce que c'était trop difficile... Là, on aura un véhicule pour les télévisions locales, d'agglomération, régionales, dans des conditions que notre ami M. Pelchat a parfaitement définies. C'est une deuxième indication donnée aux opérateurs futurs tant publics que privés.
Madame la ministre, je comprends que vous vouliez attendre le rapport. Mais on a tellement fait faire de rapports, il y a tellement eu d'experts qui se sont prononcés, on a tellement perdu d'argent avec le premier plan câble, on a tellement installé de prises qui ne serviront jamais à rien, on a tellement gaspillé d'argent que, pour une fois où le Parlement est en avance, il faut le suivre et suivre le rapporteur et la commission. Nous verrons bien si en deuxième lecture ou en troisième lecture, il conviendra de modifier quelques points de détail. Mais compte tenu de la complexité du paysage audiovisuel actuel, il est essentiel que le Parlement indique lui-même un certain nombre de directions, un certain nombre d'orientations. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR).
M. Louis de Broissia. Bravo !
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je voterai cet amendement, tout en étant convaincu qu'il faudra modifier les dispositions qu'il préconise au cours de la navette.
Pourquoi vais-je le voter ? D'abord, pour les raisons qui ont été brillamment exposées par notre collègue Jean-Pierre Fourcade. Je considère, en effet, qu'un signal fort est donné de notre volonté de voir le service public être parmi les premiers à disposer des moyens nécessaires et, par conséquent, de cette ressource la plus rare qui soit, c'est-à-dire les fréquences pour pouvoir développer de la télévision hertzienne terrestre.
Il n'était pas évident, d'ailleurs, qu'il faille donner des fréquences supplémentaires, notamment une deuxième. Mais il est affiché que le service public doit avoir des fréquences. Par ailleurs, il est affiché aussi qu'au niveau régional il doit également en avoir.
Cela étant, Mme le ministre est tout à fait dans son rôle et elle a raison. Il existe des quantités de questions à résoudre, y compris celle des délais nécessaires pour que, par exemple, les câblo-opérateurs ou les opérateurs de satellite puissent véritablement trouver un équilibre financier. Il ne faut donc pas se précipiter.
Il est essentiel aussi que l'expérimentation, notamment par France Télévision, puisse être mise en avant, si nous voulons que le service public continue à jouer un rôle et tenir une place importante en ce domaine.
Comme l'ont fait remarquer M. Michel Pelchat et M. Louis de Broissia, il est certain que cela implique des moyens. Les moyens peuvent aussi être réunis aux termes du texte de l'amendement, qui dispose que, dans certains cas, cela peut être fait en liaison avec d'autres opérateurs.
Des ouvertures importantes sont donc possibles et c'est un signal fort. Le Sénat s'honorerait de donner ce signal fort, quitte, après approfondissement de la réflexion, au cours de la navette, à voir comment il convient de modifier ce texte. Je le répète, je voterai l'amendement de la commission.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Je comprends bien la nécessité de donner des signaux forts mais j'ai le sentiment que les rapports qui viennent d'être publiés, aussi bien le rapport Cottet-Eymery que le rapport Hadas-Lebel, dont je n'ai pas encore pris connaissance, traduisent cette volonté de passer en numérique terrestre.
Personnellement, je comprends la démarche de Mme le ministre et sa prudence parce que - cela a souvent été dit dans la discussion générale - nous sommes là dans un domaine où non seulement les technologies sont en évolution extrêmement rapide mais sont souvent contradictoires. Ne nous racontons pas d'histoire ! En développant massivement le numérique hertzien, on porte un second coup au câble. Le câble, on l'a déjà coulé une fois en multipliant les chaînes. Et on irait le couler une deuxième fois, alors qu'il redémarre ?
Comme vous tous, nous avons auditionné des câblo-opérateurs. Ils nous ont expliqué qu'une fois de plus nous menons une guerre de retard, que l'avenir est au câble, l'avenir est au grand débit. C'est là-dessus, selon eux, qu'il faut faire porter l'effort. Selon eux, nous nous trompons de bataille et nous allons compromettre une deuxième fois ce qui est la technologie d'avenir. Ont-ils tort, ont-ils raison ? Je n'en sais rien, en tout cas cela mérite d'être très sérieusement considéré.
Même chose, nous avons rencontré des responsables de start-up qui nous ont dit que nous étions dans une nouvelle révolution satellitaire. Vous le savez très bien, monsieur Laffitte, dans deux ans on va commercialiser des satellites à basse altitude qui seront capables de réceptionner sur une plaque pas plus grosse que cela plusieurs centaines de chaînes de télévision. (L'orateur brandit un document de format A4.)
Souvenez-vous à l'inverse que, il y a trois ans, on nous expliquait que le numérique hertzien c'était du « pipeau » et qu'il allait rejoindre toutes sortes d'inventions, D2 Mac et autres, dans le musée des horreurs de la technocratie française !
Autrement dit, il y a dans ces domaines non seulement une grande célérité technique, mais aussi une réelle incertitude et des effets de mode.
Le fait de prendre son temps, de réfléchir, de mener des concertations, je ne crois pas que ce soit du luxe. En conséquence, je pense que notre position est sage qui consiste à suivre ce que préconise le Gouvernement, c'est-à-dire attendre d'être en possession d'un ensemble cohérent de propositions concernant les modalités de mise en oeuvre du numérique de terre. Alors, on pourra les discuter avec la réflexion nécessaire. En attendant, nous nous abstiendrons.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Compte tenu des évolutions technologiques qui viennent d'être évoquées, si l'on attend toujours la prochaine, finalement, on ne fait jamais rien. Cela fait un certain nombre d'années que l'on ne fait rien parce que l'on attend toujours les évolutions technologiques et que les politiques sont les otages des techniciens.
M. Henri Weber. Souvenez-vous du Minitel !
M. Alain Joyandet. Il me semble que cet amendement ouvre une voie nouvelle très intéressante. Ce sera, semble-t-il, un vrai coup de pied dans la fourmilière, c'est un renoncement au conservatisme.
Je m'étonne d'ailleurs que le groupe de gauche du Sénat ne soit pas plus hardi, lui qui essaie toujours de dépeindre la droite comme un rassemblement de gens qui reculent et la gauche comme une équipe qui avance.
Je regrette que, sur ce sujet, la gauche ne soit pas plus ouverte, quitte d'ailleurs - nous l'entendons depuis avant-hier - à revoir le dispositif en deuxième lecture puisque nous sommes ici uniquement pour parler de la deuxième lecture ! Je pense d'ailleurs que l'on aurait dû procéder comme pour le Congrès et que l'on aurait dû repousser ce projet de loi à un peu plus tard puisque rien n'est prêt !
Autant donc se prononer sur la base des travaux de la commission. Cela me rappelle ce qui s'est passé avec les radios dans les années quatre vingt. Souvenez-vous, on ne faisait rien pour ouvrir la FM compte tenu des conservatismes et des intérêts ambiants.
M. Henri Weber. C'est nous qui l'avons ouverte !
M. Alain Joyandet. Cela m'étonne d'autant plus que c'est vous...
Mme Danièle Pourtaud. Cela fait plaisir à entendre !
M. Alain Joyandet. ... qui avez, à un moment donné, cédé à la pression, car nous ne faisions rien. Que s'est-il passé ? Etant donné qu'un certain nombre de personnes qui avaient décidé de faire de la radio ont été traduites devant les tribunaux - et un certain nombre de vos amis dont les plus illustres - on a fini par faire une loi, en se disant qu'il serait peut-être bon que ceux qui ont fait de la radio en premier ne soient pas tous traduits devant les tribunaux.
Voilà comment cette loi a été faite dans la douleur ! Les politiques n'ont pas anticipé ; ils ont, une fois de plus, couru derrière. Voilà pourquoi on essaye aujourd'hui de rectifier le paysage radiophonique ! Pour une fois, les politiques anticipent sans inventer des choses très dangereuses. Il suffit de regarder ce qui se passe à l'étranger.
Cela me paraît particulièrement intéressant. En effet, c'est un coup de pied dans la fourmilière ; c'est facile à faire car, sur le plan technique, ce n'est pas un second plan câble ; c'est aisé, sur le plan financier, car cela ne représente pas un effort énorme ; enfin, ce sera vraiment un marché très important pour la création, car cela introduira de la production supplémentaire,...
Mme Danièle Pourtaud. Espérons !
M. Alain Joyandet. ... ce qui est une bonne chose pour l'industrie française, qui risquerait d'être à la traîne.
Cela dit, madame le ministre, je comprends les dangers ; c'est pourquoi, dans sa sagesse légendaire, la commission a clairement dit qu'il sera tenu compte, bien entendu, de ce qui se passera à l'occasion de la deuxième lecture. En effet - vous avez évoqué le problème à juste titre, madame le ministre -, le numérique terrestre hertzien va ouvrir une possibilité à de nouveaux producteurs.
Tout à l'heure, vous vouliez obliger - nous vous avons d'ailleurs un peu suivie sur ce sujet - les bouquets de satellites actuels à s'ouvrir sur de nouveaux programmes. Le numérique terrestre hertzien va justement permettre une telle ouverture.
D'où le problème de l'équité : il faut accueillir des opérateurs nouveaux, tout en ne remettant pas en cause ceux qui existent.
Enfin - et c'est peut-être le problème qui vous préoccupe le plus, ce que je comprends - comme notre collègue M. Pelchat l'a très bien dit, face à ce futur paysage, on ne peut que s'interroger sur le coût. Vous avez levé les bras au ciel, madame le ministre, quand certains ont parlé, lors de la discussion générale, des milliards de francs dont il faudrait doter notre service public. Les 2,5 milliards de francs que vous lui accorderez pour compenser le manque à gagner dans le domaine de la publicité ne suffiront pas !
Si le Sénat, par le biais de la commission des affaires culturelles, réussit à ouvrir la télévision au numérique hertzien - ce qui constituerait, d'une certaine manière, un petit acte historique, en tout cas cela a été considéré comme tel dans d'autres pays européens - j'en serais très heureux. La commission des affaires cuturelles pose clairement le problème et sera attentive à ce qui se passera lors de la navette.
C'est un beau jour pour le Sénat, qui anticipe sur un sujet essentiel touchant à la vie de tous nos concitoyens au lieu d'être à la traîne, et c'est pourquoi je voterai avec beaucoup de bonheur cet amendement de la commission.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Historique, mon cher collègue Alain Joyandet, mais pourquoi nous limiter à deux offres seulement ? Il me semble qu'il s'agit en quelque sorte d'un amendement faux ami. Ce qui est à craindre, c'est qu'au terme de l'aventure la part du pauvre soit laissée au secteur public, comme on l'a vu dans des expériences précédentes.
Les raisons évoquées par Mme la ministre et les explications données par les sénateurs, à droite comme à gauche, montrent que, s'il est nécessaire de prendre une décision à l'occasion de cette loi, sa mise en oeuvre demandera un long travail, travail que la deuxième lecture nous permettra de faire. Je suis par conséquent d'accord avec mes collègues du groupe socialiste, qui vont s'abstenir, pour prendre la mesure du nouveau paysage, pour évaluer les décisions à prendre, leur ampleur, mais surtout pour éviter de tomber dans la précipitation, car si les victoires historiques existent, il existe aussi des défaites historiques !
M. Gérard Collomb. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Collomb.
M. Gérard Collomb. Selon nos collègues, il y aurait deux catégories de sénateurs : ceux qui veulent entrer dans le numérique hertzien et les rétrogrades qui ne le veulent pas. Mais ce que l'on nous propose, ce n'est pas seulement l'entrée dans le numérique hertzien, ce sont les modalités d'entrée !
M. Ivan Renar. Voilà !
M. Gérard Collomb. Quand on met bout à bout l'ensemble des amendements, on s'aperçoit qu'on ne nous propose qu'un certain type d'entrée dans le numérique hertzien. (Marques d'approbations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
De plus, les intérêts sont extrêmement contradictoires, avec la possibilité, selon les cas, d'avantager soit ceux qui sont déjà présents sur le marché, soit ceux qui ne le sont pas encore. On a reçu, par exemple, des gens qui, aujourd'hui, ne sont pas du tout présents sur le marché de la télévision, mais qui se disent que, pour eux, c'est une chance historique d'essayer de briser ce que j'appelais tout à l'heure le segment oligopolistique de l'audiovisuel et d'introduire un peu de concurrence sur le marché.
Tel est le véritable problème qui impose que l'on ait une vue d'ensemble et que l'on n'agisse pas au coup par coup, avec pour perspective un paysage que serait entièrement déterminé.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. L'ambition du Sénat en la matière - mais peut-être dois-je pour l'instant limiter cette ambition à la commission - est de prendre ses responsabilités dans le cadre strict de ses compétences.
Notre rôle n'est pas de construire le secteur économique du nouveau numérique hertzien terrestre. En effet, nous nous positionnons à l'égard d'autres acteurs dont nous ne sous-estimons pas la mission. Ainsi, la mission essentielle du Gouvernement, madame la ministre, est de définir l'ambition nationale en matière de développement audiovisuel et - pourquoi pas ? - de stimuler l'engagement des grands opérateurs dans cette voie.
Bref, marquer le lancement opérationnel du numérique hertzien n'est pas la mission du Sénat.
Ce secteur économique et industriel démarrera lorsque les opérateurs le décideront dans la logique du développement de leur entreprise. Nons n'avons pas l'outrecuidance de prétendre lancer le numérique hertzien terrestre. Nous faisons, avec nos amendements, une démarche que seule le Parlement peut faire : définir le cadre juridique des initiatives qui se feront jour. Mais ce n'est pas le départ des concrétisations elles-mêmes. Je prendrai un simple exemple.
Si les télévisions d'agglomération sont autorisées depuis la loi de 1986, ce n'est que récemment que les opérateurs ont estimé économiquement possible et intéressant leur lancement. L'important, c'est d'anticiper afin que le cadre juridique soit déjà fixé...
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. ... et que les droits, les devoirs et les orientations aient été arrêtés en amont.
On nous fait le procès de vouloir, dans notre précipitation, pousser à l'opérationnel. Nous voulons simplement, madame la ministre, dans les limites de notre mission législative, ne pas rater un défi historique. A nous de définir le plus tôt possible le cadre juridique afin de permettre à ceux qui le veulent de s'investir.
Ce que nous croyons avoir compris, c'est que le Gouvernement prend son temps pour se prononcer sur la définition de l'ambition nationale en la matière, sur le choix des dates de diffusion simultanée en analogique et en numérique, de la date à partir de laquelle le numérique remplacera l'analogique dans le secteur de l'audiovisuel.
Que chacun prenne ses responsabilités et qu'on ne nous reproche pas, à nous parlementaires, de nous positionner - comme toujours le droit par rapport aux évolutions - en amont de l'opérationnel dans le secteur des nouvelles technologies ! En la matière, le Sénat prouve qu'il prend ses responsabilités dans le cadre strict de ses compétences !
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. D'abord, que la France ait un certain retard, c'est évident. Mais ce n'est pas la faute du Gouvernement actuel. Combien de fois, au cours des débats qui se sont déroulés ici, avons-nous dit qu'il fallait s'occuper de ces questions ! Pourtant, comme soeur Anne, on n'a pas vu le numérique venir ! (Sourires.) Plusieurs orateurs ont toutefois produit des documents importants et utiles.
Dans tous les débats relatifs à la télévision ou aux nouvelles technologies, la question se pose de savoir si les évolutions vont entraîner une dérégulation ou, au contraire, élargir une régulation respectueuse des oeuvres, des hommes et des femmes.
A l'automne dernier, à l'occasion des rencontres cinématographiques de Bonn organisées par l'Association des auteurs, réalisateurs, producteurs, l'ARP, le représentant du cinéma américain, par ailleurs homme très compétent, nous a dit : « On vous concède la régulation a minima pour ce qui existait, mais, pour l'arrivée, pas de régulation du tout ! »
M. Fourcade a évoqué le règne des ingénieurs. Si je comprends bien, sous ce règne, vous êtes embêtés ; nous, qui ne le connaissons pas, nous sommes tout aussi embêtés !
Il faut en sortir sur ces questions. Mais nous ne sommes pas des ingénieurs, nous sommes des politiques. C'est pourquoi je n'ai fait que des remarques politiques, et c'est pourquoi l'exposé de Mme la ministre, qui est assez complet, n'est pas un exposé traduisant de la prudence ; c'est un exposé faisant preuve de responsabilité, tant publique, sociale, nationale qu'internationale. Parce qu'elle a joué le rôle que l'on connaît sur ces questions, aussi bien à Seattle que dans les instances européennes ou à l'UNESCO, avec cinquante-trois ministres de la culture, tout à coup nous serions prêts ?
Avant de tirer un coup de feu, il faut quand même s'assurer qu'on le tire dans le bon sens ! Ce n'est donc pas de la prudence, c'est simplement un appel à l'approfondissement de ces questions.
Quand la deuxième lecture interviendra-t-elle ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Fin février.
M. Jack Ralite. Rendez-vous compte !
Combien y a-t-il de jours cette année en février ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Vingt-neuf !
M. Jack Ralite. Nous disposerons même d'un jour de plus !
Cela nous donne un mois de réflexion supplémentaire. On l'a tous dit dans nos discours : il est urgent de prendre la décision nationale d'entrer dans le numérique. Politiquement, si le Sénat en fait un voeu général, je vote, et même des deux mains. Mais je suis d'accord avec mon collègue M. Collomb : quand on réunit les amendements, cela donne un tricot dont je ne voudrais pas ! Ce soir, nous ne sommes pas prêts, même si nous voulons aller vite.
Je terminerai par une citation extraite d'un ouvrage sur les dernières technologies : « L'histoire de l'art n'est pas celle du pinceau. » Je voudrais qu'on manie bien les deux. Si les poils sont un peu mélangés, il faut les nettoyer !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Tout le monde a bien compris que nous étions à un moment très important du débat et, en tant que président de la commission des affaires culturelles, je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, intervenir brièvement.
Je tiens tout d'abord à remercier Mme la ministre de nous avoir communiqué le rapport de M. Hadas-Lebel dès qu'il lui a été remis, c'est-à-dire à la veille de l'ouverture de ce débat. En parcourant ce rapport - je ne peux pas dire que je l'ai étudié à fond, ce ne serait pas honnête - je n'ai pas trouvé d'opposition de fond entre les propositions qui y sont faites et celles de la commission des affaires culturelles.
Qu'il me soit permis de formuler quelques remarques sur les interventions, toutes intéressantes, qui ont été faites, même si elles concluent à des votes différents.
M. Weber a soulevé des problèmes d'ordre technique si complexes que je ne vois pas comment le Gouvernement pourrait être beaucoup plus éclairé dans un mois que maintenant, même si l'année est bissextile. (Sourires.) Je ne crois vraiment pas que les réponses aux questions que vous avez posées, mon cher collègue, soient très faciles à apporter !
Madame la ministre, il faudra bien que vous preniez une position politique, et je rejoins en cela les propos de notre collègue M. Ralite : nous devons prendre une position politique. Mais mon cher collègue Collomb, une position politique ne se borne pas à une simple position de principe ! Comment entrer dans le numérique sans commencer à en dessiner les modalités ?
M. Henri Weber. C'est de cela que l'on parle !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. C'est en tout cas ce qu'essaie de faire le Sénat, et je me réjouis que M. Fourcade et M. Laffitte, ainsi que M. le rapporteur aient insisté sur les deux principes fondamentaux sur lesquels s'appuie l'amendement de la commission.
Il s'agit, premièrement, de la place accordée au service public, aux chaînes du secteur public. A ce propos, je ne comprends pas bien la remarque de M. Renar puisqu'on leur réserve trois multiplex, dont un à partager avec les chaînes locales.
Il s'agit, deuxièmement, de la place réservée aux chaînes locales. On sait, les spécialistes ici présents l'ont rappelé, qu'une législation en la matière est très attendue et qu'il nous faut saisir l'occasion qui nous est donnée.
Enfin, je terminerai mon intervention par une remarque en forme de questions.
Madame la ministre, de quoi aurait l'air le Sénat si nous n'avions pas pris d'initiative dans ce domaine ? Que dirait-on à l'extérieur ? Que diraient ceux qui liront le compte rendu de nos débats ? Devions-nous faire comme si le sujet n'existait pas, comme si le problème n'était pas à traiter ? Impossible !
Je ne veux pas croire, madame la ministre, que vous souhaitiez réserver la primeur des propositions gouvernementales à une autre assemblée. Non, vous n'avez pas eu le temps, après le dépôt du rapport, d'élaborer des propositions suffisamment étudiées. Vous vous êtes donc contentée de rappeler quelques grands principes, sur lesquels nous sommes tous d'accord. Je suis certain, d'ailleurs, que si l'intention du Gouvernement avait été celle que j'évoquais nos collègues socialistes auraient voté avec nous, car ils n'auraient pas pu accepter, non plus que nos collègues Ivan Renar et Jack Ralite, que le Sénat soit traité de la sorte.
Non, vraiment, le Sénat ne pouvait pas ne pas prendre position sur un sujet pareil. Notre position est politique, et c'est bien ce qui fait la dignité de notre assemblée ; c'est bien ce qui fait la force du vote que nous allons émettre.
C'est la raison pour laquelle, je demande, monsieur le président, au nom de la commission des affaires culturelles, que le Sénat se prononce par un scrutin public sur cette affaire importante. (Applaudissemnts sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. J'ai entendu les arguments des uns et des autres. Il était normal que l'examen de cet amendement proposé par la commission des affaires culturelles soit l'occasion pour chacun de définir la position qu'il allait prendre. Pour ma part, j'ai expliqué celle du Gouvernement.
Evidemment, avant que tout le système soit élaboré, je ne suis pas en mesure de donner un avis favorable sur cet amendement, mais la proposition du Sénat existe et elle sera nécessairement prise en compte.
Voilà maintenant des mois que chacun travaille sur cette question du numérique mais, avant de faire quelque proposition que ce soit, il était indispensable d'en vérifier la faisabilité auprès de ceux qui sont directement concernés, qu'il s'agisse des chaînes du secteur public ou, bien évidemment, des diffuseurs privés.
Ainsi, je voudrais attirer votre attention sur les données financières, par exemple. Décider par le biais de cet amendement de l'attribution de trois multiplex aux chaînes du service public, d'abord cela fait beaucoup par rapport au paysage existant, même si le troisième multiplex est consacré aux chaînes locales, ensuite et surtout cela représente un coût. Or je souhaite qu'au sein du Gouvernement les décisions soient prises en tenant compte des modalités financières.
Je souhaite que l'ouverture du numérique hertzien n'entraîne pas une fragilisation au moment où nous devons nous battre contre une forte concurrence internationale dans l'ensemble de notre paysage. Nous devons établir un dispositif, le jouer comme un atout, vérifier qu'il marche, et à partir de là nous engager. C'est ce qui fait l'objet des vérifications actuelles.
M. le président de la commission a souligné que le dépôt de ce rapport était intervenu juste à l'ouverture du débat. J'ai souhaité le mettre à votre disposition le plus rapidement possible, comme d'ailleurs à celle du rapporteur et du président de la commission de l'Assemblée nationale.
Si nous avons procédé ainsi, c'est parce que nous pensons qu'il faut respecter le temps de la concertation. Or, on ne peut lancer une concertation, solliciter l'avis de nombreux intervenants et dire : eh bien, maintenant, on va se décider sans tenir compte de ce que vous pensez et de votre stratégie.
Cette période de concertation a été extrêmement positive. Elle a permis de vérifier un certain nombre d'analyses antérieures et d'en modifier d'autres. Je crois qu'en tous points elle était indispensable. Nous pouvons maintenant, au terme de cette concertation, envisager de présenter nos propositions à l'Assemblée nationale et au Sénat pour la deuxième lecture.
Cela ne signifie pas que ce qui a été voté sera annulé. Non ! Mais certaines dispositions seront fortement modifiées, d'autres pourront être aménagées. C'est ainsi que les choses vont avancer.
Pour aujourd'hui, lors de mes prochaines interventions sur les amendements concernant le numérique, je ne manquerai pas de préciser chaque fois si les dispositions proposées me semblent inenvisageables ou si elles peuvent être retenues comme contribution à la réflexion en cours.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une de la commission des affaires culturelles, l'autre du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 219 |
Majorité absolue des suffrages | 110 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 5 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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