SEANCE DU 19 JUIN 2001
ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat
d'orientation budgétaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d'orientation budgétaire
est un temps important de la vie parlementaire. Le Gouvernement dirigé par
Lionel Jospin y expose son cap pour les finances publiques, le Parlement exerce
son rôle d'évaluation et de contrôle, le ministre de l'économie et des
finances, la secrétaire d'Etat au budget informent la représentation nationale
et s'efforcent de répondre à ses questions. C'est d'autant plus nécessaire
aujourd'hui que la conjoncture économique est changeante et assez incertaine.
Dans ce cadre, je présenterai quatre séries d'observations.
Première série d'observations : face au ralentissement économique
international incontestable, la France, même si elle résiste mieux que
d'autres, est concernée avec les autres et par les autres.
La dégradation de la conjoncture nous vient des Etats-Unis. L'économie
américaine affiche aujourd'hui une croissance divisée par cinq par rapport à
l'an 2000. Certes, des informations contradictoires sont quotidiennement
diffusées, mais la prudence me semble s'imposer. En dépit de l'action forte de
la Réserve fédérale, je ne crois malheureusement pas à un retour rapide de
l'économie américaine aux taux de croissance précédents.
Dans le même temps, le Japon, qui constitue avec les Etats-Unis, ne l'oublions
pas, près de la moitié du produit intérieur brut mondial, souffre d'une
croissance atone, voire négative. Le pétrole très cher, trop cher, perturbe
aussi le panorama : dès lors que l'Organisation des pays exportateurs de
pétrole, l'OPEP, refuse d'augmenter sa production, la faiblesse des stocks et
les difficultés des raffineurs alimentent un haut niveau et une forte
volatilité des cours. L'intérêt de tous serait qu'un équilibre global et
durable soit trouvé entre producteurs et consommateurs autour d'un prix de 20
dollars à 25 dollars le baril. C'est le message que la France a adressé et
adresse à l'OPEP, dont les représentants se réuniront début juillet.
La mondialisation des économies signifiant aussi celle de leurs problèmes,
l'onde de choc touche l'Europe avec une rapidité plus grande que dans le passé,
notamment nos voisins - je pense à l'Allemagne et, dans une moindre mesure, à
l'Italie - qui ont fondé leur espoir de reprise sur la dynamique des
exportations. Telle est la situation autour de nous.
La France doit affronter ce ralentissement, en évitant deux erreurs :
minimiser l'évolution, en amplifier les effets. La capacité de résistance de
notre économie est solide. La consommation des ménages reste forte. Certes,
leur moral a chuté depuis le pic d'optimisme atteint en janvier, mais ce moral
restait, selon la dernière estimation connue, très supérieur à celui des années
antérieures. La progression du revenu des ménages est bien orientée grâce aux
créations d'emplois qui ont dépassé le seuil des 100 000 postes au début de
l'année. Le pouvoir d'achat, soutenu par l'évolution des salaires et les
baisses d'impôts, devrait demeurer largement positif en 2001. Dans le même
temps, l'investissement des entreprises, autre moteur de la croissance, s'il
est inférieur au rythme enregistré l'année dernière, restera soutenu cette
année. Le déstockage massif, qui a fortement pesé sur l'activité du premier
trimestre par sa brutalité même, devrait ménager l'activité des mois à
venir.
Dans ce contexte, la croissance française devrait être supérieure à la moyenne
des autres pays, quoique plus faible que prévue. Avec les Etats-Unis et le
Canada, nous nous situons sur la moyenne période dans le peloton de tête du G
7. Nous sommes, avec le Royaume-Uni, le pays dont la croissance enregistre le
moins d'à-coups sur une longue durée. Pour la quatrième année consécutive,
notre croissance sera supérieure à celle de l'Allemagne. Quel chiffre exact
retenir ? J'ai dit récemment, revoyant en baisse nos prévisions précédentes,
que nos perspectives de croissance pour cette année pourraient se situer à un
taux proche de 2,7 %. Je préciserai ce chiffre dans quelques semaines, selon
les calendriers habituels. En tout état de cause, si nous devons prendre nos
précautions face au ralentissement, nous devons rester confiants : notre
économie a la capacité de résister.
Trois éléments supplémentaires, significatifs, doivent cependant être pris en
compte. D'abord, l'inflation a récemment augmenté, à cause de la hausse des
prix du pétrole et de celle des produits frais. Dans le secteur de la grande
distribution et, je l'ai dit, dans le secteur pétrolier, le Gouvernement devra
veiller particulièrement au bon fonctionnement des règles de la concurrence. Si
nous voulons que les gains de pouvoir d'achat jouent à plein, les prix doivent
rester modérés. Il faut donc éviter toute spirale inflationniste. Au total, la
hausse des prix devrait rester cependant plus basse que celle de nos
partenaires. Ensuite, sur le front de l'emploi, le chômage a continué de
diminuer, mais à un rythme moins fort qu'en 2000. Il a retrouvé en ce printemps
son niveau de 1983, résultat d'autant plus remarquable, mesdames, messieurs les
sénateurs, qu'il est intervenu dans un contexte, on ne le dit pas, de forte
progression de la population active, avec plus de 200 000 entrées nouvelles sur
le marché du travail en un an. C'est ainsi qu'en quatre ans plus d'un million
de Français ont retrouvé un revenu du travail. Notre politique économique est
bien celle de l'emploi et nous devons la poursuivre en ce sens.
J'ajoute une dernière donnée, empirique celle-là : depuis 1997, force est de
reconnaître que le Gouvernement de Lionel Jospin a démontré sa capacité à
mettre en oeuvre des stratégies utiles pour affronter et amortir les chocs
extérieurs.
Ma deuxième série d'observations porte sur quelques données relatives à
l'exécution du budget 2001.
S'agissant du volet des dépenses de l'Etat pour 2001, nous avons annoncé une
progression de 0,3 % en volume. Cet engagement sera tenu. L'augmentation
constatée au premier trimestre traduit pour l'essentiel un effort
d'amélioration de la gestion des dépenses militaires en capital : au lieu
d'être concentrées au début de l'année, comme c'était le cas pour les exercices
précédents, ces dépenses sont désormais lissées tout au long de l'année. Le
ministère de la défense avait dépensé fin avril 2001 près de 12 milliards de
francs de plus sur ses crédits d'investissement qu'en 2000, cela fera donc 12
milliards de francs de moins à consommer dans les mois à venir.
S'agissant des recettes, les moins-values enregistrées à ce stade par rapport
à l'an 2000 résultent surtout de l'allégement de la pression fiscale. Les
mesures annoncées depuis le printemps 2000 trouvent ici leur traduction
concrète. La diminution dans l'évolution des recettes provient principalement
de la baisse d'un point de la TVA intervenue en avril 2000 et de l'instauration
de la taxe intérieure sur les produits pétroliers stabilisatrice pour faire
face au choc pétrolier de l'automne 2000. Dans les deux cas, cela traduit la
volonté du Gouvernement de consolider le pouvoir d'achat et de soutenir la
consommation des ménages, donc la croissance. J'ai cru naguère entendre
certains responsables affirmer que la baisse des impôts annoncée par le
Gouvernement n'avait pas de réalité : elle se lit pourtant dans les recettes de
l'Etat et elle se lira aussi sur les avis d'imposition sur le revenu de l'an
2000. Un aléa à la baisse peut toutefois exister en raison du ralentissement de
la conjoncture.
L'exécution du budget 2001 s'accomplit également selon l'impératif de
transparence. Mme Parly et moi-même avons transmis aux assemblées le décret
d'avance, avant sa signature, ce qui, de mémoire de parlementaire - et certains
d'entre vous sont plus anciens que moi - constitue une première. Très
régulièrement, vous recevez les situations budgétaires et vous disposez,
mesdames, messieurs, depuis deux ans, d'une présentation du budget expliquant
les actions financées, les objectifs visés, les résultats obtenus et les marges
de progression escomptées. Tout cela atteste notre souci d'informer et
d'associer, comme il est normal, le Parlement au contrôle et à l'élaboration du
budget. Je sais combien, comme sénateurs, vous y êtes sensibles. C'est
l'occasion pour moi de saluer le rôle de votre Haute Assemblée dans la réforme
de l'ordonnance de 1959, examinée avec une grande compétence par vous-mêmes et
soumise récemment à votre vote. La transparence est une démarche d'ensemble.
Nous partageons le même attachement à cette démarche positive.
Ma troisième série d'observations porte sur l'évolution de la conjoncture, qui
impose la vigilance. Compte tenu des résultats obtenus depuis 1997, elle invite
à maintenir le cap de notre stratégie budgétaire. Nos choix précis pour 2002
seront rendus publics, comme il est normal, lors de la présentation du budget
en septembre. Je veux dès aujourd'hui en réaffirmer le socle : une évolution
modérée et maîtrisée de la dépense publique, la poursuite des baisses d'impôts
pour la croissance et le pouvoir d'achat, la volonté de limiter les déficits et
l'endettement, tout cela afin de contribuer le plus possible à l'emploi et à la
solidarité durables.
La maîtrise de la dépense publique est une clé de voûte de notre stratégie de
finances publiques. Le chiffre de progression des dépenses de l'Etat sera,
ainsi que l'a déterminé le Premier ministre, de 0,5 % en volume pour 2002,
c'est-à-dire, en tout état de cause, très inférieur à la croissance. Cette
évolution doit nous permettre d'être fidèles à nos objectifs pluriannuels. A
ceux qui doutent du bien-fondé de cette démarche, je rappelle que ce dernier
critère conduit les différents acteurs publics, notamment l'Etat, à concevoir
leur action sur le moyen terme en définissant les actions nouvelles et les
possibilités de redéploiement sur une période de trois ans. De cette façon,
depuis 1997, plus de 30 milliards de francs d'économies et de redéploiement ont
été réalisés chaque année, qui contribuent à financer les mesures nouvelles
souhaitées par le Gouvernement et le Parlement. Au terme de cette gestion
active de la dépense, près de 90 % de la progression du budget de l'Etat ont pu
être affectés aux secteurs prioritaires que sont l'éducation, la lutte contre
les exclusions, la sécurité, la justice et l'environnement. Les budgets
correspondant à ces secteurs prioritaires ont progressé de 14 % en valeur entre
1997 et 2001.
Est-il besoin de souligner une fois de plus que laisser filer les dépenses
serait incompatible avec les possibilités économiques et financières de la
France, nos engagements européens et les incertitudes qui pèsent sur
l'environnement économique international ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Vous parlez d'or !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Au ralentissement
actuel de conjoncture ne doit évidemment pas s'ajouter un renversement de
stratégie économique : depuis 1997, nous avons rétabli des fondamentaux sains,
conditions d'une croissance durable et créatrice d'emplois. Des dépenses qui
dérapent, ce serait des taux d'intérêt à la hausse et donc l'emploi à la
baisse.
La vigilance vaut aussi pour les dépenses sociales, en particulier les
dépenses d'assurance maladie qui ne doivent pas s'alourdir au point de
compromettre l'équilibre de la sécurité sociale. N'oublions pas que des efforts
importants et diversifiés resteront à accomplir pour le financement à long
terme des retraites. Le même message vaut pour les dépenses militaires, dont
l'augmentation massive ne m'apparaîtrait ni nécessaire pour notre sécurité ni
compatible avec nos perspectives économiques.
Concernant les prélèvements, le Gouvernement s'est engagé sur un plan triennal
d'allégement des impôts à hauteur de 120 milliards de francs. Ces baisses
portent sur les grands impôts nationaux, tels que la TVA, l'impôt sur le revenu
et l'impôt sur les sociétés, comme sur la fiscalité locale, telle que la taxe
professionnelle ou la vignette. En 2002, et même si l'on peut émettre quelques
réserves sur la pertinence de cette notion, le taux global des « prélèvements
obligatoires » devrait baisser à environ 44,5 %.
Au total, les allégements « volontaristes » de prélèvements obligatoires, tels
que les impôts et les prélèvements sociaux, pourraient représenter 2,2 points
de PIB sur la durée de la législature. Les baisses d'impôts se poursuivront en
2002 conformément au plan pluriannuel 2001-2003. La réduction dégressive du
barème de l'impôt sur le revenu interviendra pour la troisième année
consécutive et elle devrait soutenir la consommation. La deuxième étape de la
suppression de la surtaxe dite « Juppé » sur les bénéfices des entreprises sera
franchie en 2002, concernant prioritairement les petites entreprises. La prime
pour l'emploi sera doublée afin de favoriser le retour à l'activité : les
ménages les plus modestes, souvent non imposables, en bénéficieront.
Ainsi, les engagements pris seront respectés. C'est une question de
crédibilité vis-à-vis des Français qui avaient durement sanctionné, comme vous
vous en souvenez, un candidat à l'élection présidentielle dénonçant les impôts
excessifs, mais entamant son mandat par une augmentation de deux points de la
TVA. Ces baisses, qui doivent être équitables, sont en outre un atout face au
ralentissement de la conjoncture : il serait dangereux, à l'heure où les
ménages ont besoin d'appui et les entreprises de marges d'action, d'inverser
les baisses d'impôts.
J'en viens à la limitation des déficits.
Depuis quatre ans, le besoin de financement des administrations publiques est
passé de 3,5 % du PIB en 1997 à 1 % prévu en 2001. Sur cette période, le
déficit de l'Etat a été réduit de 100 milliards de francs, soit cinq fois plus
que sous la majorité précédente. Nous devons, l'an prochain, à nouveau limiter
le déficit public. La réduction constante de la dette confirme cette gestion
sérieuse : alors qu'elle avait explosé au cours de la précédente législature,
la dette devrait poursuivre sa réduction au rythme d'un point de PIB par an en
moyenne depuis 1998. Il s'agit de bien gérer le présent et de bien préparer le
futur.
Ma quatrième série d'observations est un peu différente.
Dans la discussion sur ces orientations budgétaires, j'écouterai vos
observations, mesdames, messieurs les sénateurs et je m'attacherai,
lorsqu'elles me paraîtront pertinentes, à les intégrer pour la détermination du
budget proprement dit. Il existe pour noter les entreprises un classement, un
rating
: la note la plus haute est le triple A. Le débat budgétaire
mérite malheureusement souvent plutôt un double M : la magie et la myopie.
Magie : n'est-ce pas le mot juste pour qualifier deux attitudes fréquentes ?
Les uns, constatant le ralentissement économique, proposent volontiers comme
remède d'augmenter massivement les dépenses publiques ,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Ce n'est pas notre genre !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... oubliant
ainsi le butoir que constitue le niveau relativement élevé, malgré une nette
amélioration, de nos déficits, oubliant qu'il faut toujours rembourser ces
déficits. Les mêmes soutiennent parfois qu'il faudrait augmenter les
impôts...
M. Alain Joyandet.
Des noms !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De qui peut-il s'agir ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Marini,
vous vous reconnaîtrez dans quelques instants.
... oubliant que les baisses actuelles soutiennent la demande intérieure...
oubliant aussi le fait que la France est un pays ouvert et que si la taxation
des personnes et des entreprises était durablement plus élevée que, chez nos
voisins, les unes et les autres pourraient « voter » avec leurs pieds.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est parfait.
M. Jean Chérioux.
Tout cela est excellent !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'autres
responsables, appartenant à d'autres horizons politiques, se montrent adeptes
de ce que j'appellerai volontiers la « pensée budgétaire magique » en
proposant, à l'inverse, des coupes immédiates et massives. Comme si on pouvait
réduire brutalement les salaires des fonctionnaires ! Comme si on pouvait ne
pas acquitter les intérêts de la dette, qui représente plus de 200 milliards de
francs !
Autre forme fréquente d'appel à la magie : regretter le poids des dépenses
publiques en général et militer pour des coupes massives, tout en
applaudissant, bien sûr, aux inaugurations des TGV, tout en demandant davantage
de policiers, de professeurs, d'infirmières, tout en proposant que les dépenses
militaires - 243 milliards de francs en 2001 - augmentent fortement dans les
années qui viennent, sans oublier non plus d'exprimer des regrets critiques
quant à l'insuffisance du budget de l'agriculture, du budget des collectivités
locales - 340 milliards de francs en 2001 si on additionne dotations
budgétaires et prélèvements sur recettes - ou encore du budget du ministère de
l'équipement 138 milliards de francs.
Le recours à la magie se double parfois d'une forte myopie. Une politique doit
en effet se juger sur la durée ; une politique de solidarité doit être durable,
donc durablement financée. Quelle serait la durabilité, donc la crédibilité,
d'une politique économique qui, comme semblent le proposer certains dans
l'opposition, voudrait financer des dépenses budgétaires reconductibles chaque
année par des recettes enregistrées une seule fois, par exemple telle ou telle
privatisation, sachant que, comme je l'indiquais, nous aurons en tout état de
cause des charges nouvelles à financer dans les années qui viennent je pense
aux retraites ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est à l'Assemblée nationale qu'il faut le dire, pas
ici !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Cette addition
fréquente de la magie et de la myopie, n'est-ce pas cela précisément que l'on
pourrait appeler la démagogie ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas le genre de la
maison !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'un côté, il y a
donc les spécialistes de la boîte de Pandore, qui nous disent : « Dépensez,
dépensez, il en restera toujours quelque chose » ; de l'autre, les disciples de
Tartuffe, qui affirment : « Cachez ces dépenses que nous ne saurions voir ».
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et vous êtes au milieu de tout
cela !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le ministre est centriste !
(Sourires.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Comme vous le
soulignez, monsieur le président de la commission, entre ces deux écueils, je
crois plutôt qu'il faut dépenser juste, ni trop ni trop peu - c'est un peu le
Normand qui parle -, financer les priorités du moment sans hypothéquer
l'avenir.
On critique parfois Bercy. Il est vrai que cette administration aux personnels
très compétents comporte probablement certaines imperfections et qu'elle va
parfois jusqu'à dire non. Il est vrai aussi que les finances ne sont qu'un des
paramètres à considérer dans une décision. Mais cette critique ne
s'adresse-t-elle pas souvent au principe de réalité lui-même ? Gouverner, c'est
choisir. S'opposer, ce devrait être aussi choisir. Là où il y a une volonté, il
y a un chemin ; mais un chemin qui doit offrir une vraie perspective. Là où il
y a une dépense, il faut bien qu'il y ait une recette. Là où on souhaite
davantage de solidarité, il y faut des moyens, en dépenses et en ressources,
sinon il n'y a plus de service public. Là où l'on veut créer des emplois, il ne
faut pas dissuader ceux qui les créent. Disant cela, je crois ne dire que
l'évidence et une part de vérité.
Ni Mme Parly ni moi-même n'entendons « dorer la pilule ». Le débat budgétaire
n'est pas seulement un débat sur les orientations, c'est aussi un débat sur la
vérité, et nous nous attacherons, les uns et les autres, à la respecter.
La politique économique sera d'autant plus efficace qu'elle sera coordonnée en
Europe. Tous les pays de la zone euro subissent aujourd'hui, à la fois, un
ralentissement de l'activité résultant de l'atterrissage brutal de l'économie
américaine et une hausse des prix provenant notamment de la hausse des prix de
l'essence et de certains prix alimentaires. Dans ce contexte, trois principes
devraient conduire la politique des pays européens.
D'abord, il convient de poursuivre la combinaison de politiques budgétaires
sérieuses et d'une politique monétaire favorable à la croissance. La politique
monétaire, avec des taux d'intérêt aussi faibles que possible, ne peut fournir
au secteur privé les crédits dont il a besoin que si le crédit aux
gouvernements connaît une évolution maîtrisée. Dans cette perspective,
l'amélioration des comptes publics est nécessaire. Pour l'obtenir, l'ensemble
des gouvernements doit viser une évolution modérée de la dépense publique. Dans
le contexte présent, une forte hausse des dépenses financée par un fort
endettement supplémentaire pèserait négativement sur la croissance.
Ensuite, il faut adapter les politiques macroéconomiques aux spécificités de
chaque pays. Dans le cadre d'un mouvement d'ensemble d'assainisssement de nos
comptes publics, un effort particulier doit être conduit dans les pays
connaissant une inflation préoccupante : il y en a plusieurs autour de nous, y
compris parmi les pays les plus riches. Ils doivent faire effort pour réduire
leur inflation, faute de quoi nous en subirons les conséquences.
M. Michel Charasse.
C'est exact !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Enfin, dans tous
les pays de la zone euro, une croissance durable et non inflationniste implique
la mise en oeuvre des plus récentes technologies afin de développer à la fois
l'économie de la connaissance et l'amélioration de l'emploi. Cette amélioration
du marché de l'emploi doit permettre de combiner de fortes créations d'emplois
et une évolution positive des salaires.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quand la mer est
incertaine, il faut être d'autant plus assuré de son cap. Notre cap m'apparaît
clair : pour l'emploi, il faut une croissance et une solidarité durables.
Afin de tenir ce cap, nous devons avoir confiance dans les capacités de notre
économie et continuer d'aider les Français et nos entreprises dans leurs
efforts. Bien des réformes utiles et de nombreux progrès ont déjà été accomplis
par le gouvernement de Lionel Jospin, avec et pour les Français. Dans un
contexte devenu plus difficile, c'est en maintenant une politique dynamique et
solidaire, une politique de vérité, que le Gouvernement, avec le soutien du
Parlement, servira la croissance et l'emploi, l'efficacité et la solidarité.
C'est ce chemin que nous entendons suivre pour préparer le budget pour 2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, voici venu ce soir le débat d'orientation
budgétaire, le dernier de la législature, le dernier peut-être avant
l'alternance, qui sait !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Espérons-le !
Mme Hélène Luc.
Vous êtes optimiste !
Mme Nicole Borvo.
Vous rêvez !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voulais susciter votre attention et vos remarques,
mes chers collègues ; je vous remercie de vos protestations, qui prouvent que
vous êtes très attentifs à mes propos.
Plusieurs sénateurs socialistes.
Nous le sommes toujours !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque nous analysons les documents du Gouvernement,
nous sommes en droit de considérer, monsieur le ministre, qu'il est quelque peu
désorienté ; je vais m'efforcer de le montrer à l'aide de certains chiffres.
Cette « désorientation » se voit d'abord dans le fait qu'il n'est plus en
mesure de fixer un cap clair pour nos finances publiques.
Elle se voit également dans l'apparition de désaccords et de tensions de plus
en plus nombreux au sein des forces sociales qui le soutiennent et des
mouvements ou formations qui composent ce que l'on appelle, encore, la «
majorité plurielle ».
De ce point de vue, la désorientation budgétaire du Gouvernement est le
révélateur d'une situation politique que nous observons bien entendu, nous,
membres de la majorité sénatoriale, avec beaucoup d'intérêt.
Voyons les chiffres.
La prévision de croissance pour 2001 avait été établie lorsque nous avons voté
la loi de finances initiale à 3,3 %. En mars, il a été nécessaire de la réviser
à 2,7 % et certaines voix laissent entendre qu'une nouvelle révision dans le
courant de l'été n'est pas complètement improbable.
Or, vous persistez, monsieur le minsitre, à faire apparaître dans vos épures
pour l'année 2002 un taux de croissance de 3 % !
Il semble donc y avoir discontinuité de la série, ce qui appelle une
explication claire et concrète de votre part.
Par ailleurs, la progression pour les dépenses de l'Etat que vous affichez -
0,5 % en volume - ne nous paraît pas crédible compte tenu tant des lourdeurs de
l'Etat que des engagements auxquels il a souscrit et qu'il faudra bien
financer.
Nous avons annexé au rapport écrit une étude que la commission a commandée à
l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, institut de
prévisions économiques indépendant qui n'est pas réputé pour ses approches
ultralibérales ou réactionnaires, monsieur le ministre. Y sont mis en évidence
les risques de dérapage de la dépense publique par rapport aux chiffres que
vous nous donnez et par rapport à ceux que vous avez transmis à l'Union
européenne.
Nous sommes notamment en droit de nous demander, monsieur le ministre, si le
coût total de l'accord Sapin pour les trois fonctions publiques, qui s'élève à
34 milliards de francs pour la période 2001-2003, a bien été intégré dans les
prévisions transmises à l'Union européenne. A-t-il été intégré clairement dans
votre épure d'orientation budgétaire pour 2002 ?
Enfin, parmi ces symptômes de désorientation, je citerai le niveau du déficit
budgétaire de l'Etat, qui demeure élevé en valeur absolue : il était encore de
186,6 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 2001, très
proche du déficit d'exécution de 191 milliards de francs de l'année 2000. Et
pour l'année 2002, monsieur le ministre, vous n'avancez encore aucun chiffre !
Vous faites dépendre la poursuite de sa diminution de la conjoncture et du
niveau de la croissance, et nous voyons s'inverser quelque peu vos
interprétations ou vos appréciations.
En effet, encore tout récemment, on nous disait - non pas vous-même, mais du
moins votre prédécesseur immédiat - que, si la croissance était là, c'était
grâce au Gouvernement ; maintenant, on ne nous dit pas que, si elle se
ralentit, c'est sa faute. Naturellement, il s'agit de l'évolution spontanée des
tendances !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est asymétrique !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le président Lambert a totalement raison : il y a
une asymétrie dans le jugement que l'on porte sur les causes et les effets.
Revenons maintenant sur le cadrage macro-économique.
De 1998 à 2000, nous avons bénéficié d'une très belle période : 3,4 points de
croissance en 1998, 2,9 points en 1999 et 3,1 points en 2000. Monsieur le
ministre, vous avez mangé votre blé en herbe, comme dirait Michel Charasse !
(Sourires.)
En tout cas, vous avez tiré parti d'une conjoncture
exceptionnellement bonne pour faire toute une série de choses qui
correspondaient aux urgences et aux priorités du programme politique de votre
gouvernement, mais qui ne préparaient certainement pas la France à l'avenir,
notamment au ralentissement de la conjoncture.
Or ce ralentissement arrive, nous pouvons tous le constater, et le déplorer :
le rythme annualisé de la croissance, qui était de 4,4 % à la fin de 1999, est
descendu à 2,4 % au premier trimestre de 2000 et à 2 % au premier trimestre de
2001.
Il convient que vous nous disiez, monsieur le ministre, quelle est
aujourd'hui, compte tenu des données enregistrées au cours des tout derniers
mois, votre hypothèse de croissance pour l'année 2001. Sur quelle hypothèse
allez-vous vous fonder pour élaborer les documents budgétaires de l'année 2002
?
Nous savons tous que ce ralentissement est inquiétant, qu'il ne s'agit pas
d'un aléa à très court terme. Nous comprenons, au contraire, que l'atterrissage
brutal de l'économie américaine, le ralentissement de la croissance de la zone
euro, les problèmes structurels rencontrés par notre partenaire allemand ne
peuvent pas ne pas emporter des conséquences très précises et très graves pour
le climat des affaires dans notre pays, pour l'investissement des entreprises,
qui tend à marquer le pas depuis le début de 2001, pour l'évolution de la
consommation des ménages, qui devient plus incertaine, surtout dans une phase
où réapparaissent les tensions inflationnistes.
Cette préoccupation liée à la réapparition de l'inflation est partagée par les
autorités monétaires nationales et, surtout, européennes, nous ne pouvons être
sourds aux avertissements qui nous sont adressés à cet égard.
Voilà quelques jours, lors de son audition par la commission des finances, le
gouverneur de la Banque de France n'a pas caché les appréhensions qu'induit
nécessairement l'analyse de la conjoncture actuelle.
Il est clair que, devant un tel ralentissement, il convient de réaliser -
enfin ! - une réduction cohérente des prélèvements obligatoires, lesquels ont
atteint en 1999 et 2000 un « pic » historique.
Monsieur le ministre, s'il peut y avoir revendications ou désaveu de paternité
en ce qui concerne le taux de croissance de l'économie, en revanche, pour ce
qui est du taux de croissance des prélèvements obligatoires, les
responsabilités sont indiscutablement du côté du Gouvernement. D'ailleurs, vous
le reconnaissez vous-même dans les documents que vous nous transmettez
puisqu'on y distingue le taux de prélèvements « spontané » et le taux de
prélèvements après mesures nouvelles. Or, depuis 1997, les prélèvements
obligatoires ont beaucoup augmenté.
L'année 1999 a été très révélatrice pour l'opinion publique. Avec l'épisode de
la « cagnotte », les contribuables, du moins beaucoup d'entre eux, ont constaté
que le niveau des prélèvements ne cessait de s'accroître alors même qu'on leur
faisait des promesses en sens inverse.
Pour 2002, vous nous faites de nouveau des promesses très alléchantes : vos
documents font, en effet, état d'un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 %
du produit intérieur brut.
Je relève que l'effort de réduction du poids des recettes publiques sur
2000-2002 est nettement inférieur à la moyenne constatée dans la zone euro.
Ainsi, nous observons que toutes les promesses de baisse faites ces dernières
années n'ont jamais été réellement honorées.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oh !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous observons en outre, monsieur le ministre, en
comparant les programmes triennaux que vous adressez à l'Union européenne que,
d'année en année, les chiffres que vous présentez à Bruxelles sont revus à la
hausse.
En 1999, ce sont 30 milliards de francs de plus qui ont été prélevés en France
par rapport à ce qui était prévu et, en 2000, ou passe à 38 milliards de francs
de prélèvements supplémentaires. Je me réfère ici, je le précise, aux documents
que vos services ont élaborés.
Si l'on ajoute à cela que l'on risque de connaître un PIB moins dynamique et,
par conséquent, un dénominateur de la fraction qui n'évoluerait pas comme il le
fit au cours de la période récente, on conclut qu'il existe de réels risques de
ne pas avoir tenu l'objectif de taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % du
PIB que vous mettez en avant dans vos documents.
La pression qui s'exerce sur les recettes de l'Etat, cette année un peu moins
abondantes que prévu, peut s'accentuer en 2002. D'ailleurs, les voix ne
manqueront pas, dans votre majorité, pour remettre en cause un programme fiscal
que vous avez annoncé et commencé de mettre en oeuvre en 2001 mais dont toute
une série d'aspects sont contestés au sein même des forces qui vous
soutiennent.
La critique qu'a adressée la majorité du Sénat à ce programme de baisse
d'impôts concernait non son ampleur, mais sa répartition. Nous avons en effet
estimé que ce programme relevait plus d'un « saupoudrage », ou d'une dilution
des pertes de recettes fiscales, que d'une vision claire et concentrée des
aspects sur lesquels il convient de faire des efforts...
M. Bernard Angels.
Heureusement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... en vue d'un changement de comportements des
agents économiques. Ainsi, il est très peu de mesures qui sont dirigées en
faveur de l'investissement.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions de votre plan de baisses
fiscales ont dû être modifiées dans l'urgence en raison de difficultés d'ordre
juridique ; je fais ici allusion aux décisions prises par le Conseil
constitutionnel, tant sur la ristourne de CSG et de CRDS que sur l'extension de
la taxe générale sur les activités polluantes.
Monsieur le ministre, nous sommes donc loin d'être convaincus par les
perspectives que vous tracez en matière de prélèvements obligatoires. Nous
estimons que les sacrifices qui ont été faits en termes de recettes de l'Etat
et qui, en volume, sont très substantiels, n'ont pas le rôle que l'on pourrait
en attendre au regard de l'évolution des comportements, en particulier ceux des
investisseurs. Telle est la critique essentielle que nous formulons au sujet de
ce programme de baisses fiscales.
Que dire, à présent, des dépenses publiques et de l'effort de maîtrise allégué
par le Gouvernement ? Les objectifs que vous affichez en ce domaine sont, d'une
année sur l'autre, de moins en moins ambitieux : sur la période 1997-2000, la
progression moyenne de la dépense publique en volume a été de 1,6 %, avec un «
pic » de 2,5 %, atteint en 1999.
Que constatons-nous à la lecture des éditions successives du programme
triennal transmis à Bruxelles ? Le programme transmis en 1999 fait état d'une
norme de progression de 1 % par an en volume. Dans le programme transmis un an
après, en janvier 2000, la norme est de 1,3 %. Dans le programme transmis en
janvier 2001, elle est de 1,5 %, taux qu'on ne peut que rapprocher de la
moyenne annuelle enregistrée au cours des années 1997-2000, soit 1,6 %.
Que peut-on en déduire ? Tout simplement, que le Gouvernement, en matière de
maîtrise des dépenses, n'est absolument pas volontariste !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Et la croissance,
monsieur le rapporteur général ? Elle a été de 9 % pendant cette période !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La progression n'est effectivement plus la même.
Mais, en 2001, monsieur le ministre, lorsque vous avez transmis vos prévisions
à Bruxelles, vous étiez encore dans le cadre de la loi de finances pour 2001,
avec une croissance de 3,3 %. Pourtant, à ce moment-là, la norme d'évolution en
volume des dépenses de l'Etat que vous mettiez en avant pour les trois années
suivantes était de 1 %.
Que vous le vouliez ou non, aujourd'hui, avec une dépense publique qui
représente 53 % du produit intérieur brut, la France fait la « course en tête »
parmi les grands pays comparables. Nous nous distinguons, en particulier, d'un
groupe de pays auquel appartiennent tant l'Espagne que la Grande-Bretagne ou le
Canada, et où la dépense publique représente environ 40 % du produit intérieur
brut.
Bien entendu, nous sommes extrêmement éloignés - mais tant de choses nous
différencient ! - des Etats-Unis, où ce taux est de 30 %.
M. Roland Muzeau.
Ce n'est pas un modèle !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'est pas question de modèle : je cite des ordres
de grandeur.
M. Bernard Angels.
On ne parle pas des mêmes dépenses !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
D'ailleurs, monsieur le président, si nous avions,
dans cet hémicycle, la possibilité de disposer, comme en commission, de moyens
modernes de présentation des documents - tableaux, courbes, animations - nos
débats s'en trouveraient grandement enrichis. Dans la moindre de nos mairies,
aujourd'hui, lorsqu'on présente un budget et des perspectives financières, on
le fait à l'aide d'instruments modernes, de façon que tout un chacun comprenne.
Les hémicycles des assemblées parlementaires sont les seuls lieux où cela ne se
fait pas !
M. Charles Descours.
Très juste !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'espère, monsieur le président, qu'il n'en sera plus
trop longtemps ainsi, car la commission des finances a déjà plusieurs fois
formulé des demandes à cet égard.
M. Charles Descours.
Et la commission des affaires sociales aussi, monsieur le rapporteur
général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous sommes une fois de plus associés !
Comment s'explique cette surcharge de l'Etat ? Elle tient à l'inertie du
budget de l'Etat.
Deux rubriques mobilisent l'essentiel des financements : la fonction publique
et le service des emprunts.
Les dépenses de fonction publique constituent le premier poste de dépenses et
augmentent toujours en valeur absolue et relative représentaient 40,7 % du
budget en 1997 et représentent 42,5 % du budget en 2001.
Et si l'on ajoute fonction publique et charges de la dette, j'observe,
monsieur le ministre, mais vous le savez mieux que moi, que depuis 1997, ces
deux postes préemptent très régulièrement la quasi-totalité de l'augmentation
des dépenses du budget général.
Autrement dit, une fois qu'on a payé la fonction publique avec la dynamique
qui est la sienne, due aux accords salariaux et aux créations d'emplois, une
fois qu'on a réglé la dette, il ne reste plus rien que l'on puisse consacrer à
d'autres secteurs. Il faut donc procéder par redéploiement.
Telle est la réalité qui ressort du simple examen du budget de l'Etat.
Au demeurant, pour l'avenir, il y a lieu de souligner qu'au-delà de ces
lourdeurs qui ne font que s'aggraver, il existe un certain nombre de menaces
nouvelles dont l'actuel Gouvernement est très clairement l'auteur.
Je pense aux accords de revalorisation salariale dans la fonction publique -
19,5 milliards de francs, pour le seul Etat au titre des années 2001 à 2003 -
aux emplois-jeunes et à leur pérennisation et même aux mesures consécutives à
la crise de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Si ces mesures sont assurément indispensables, encore faut-il préciser que,
sur 8 milliards de francs, seulement 2,5 milliards de francs ont été financés
en 2001 par le récent décret d'avance que vous avez en effet eu monsieur le
ministre, l'amabilité et la grande correction de transmettre aux commissions
des finances du Parlement en leur laissant un délai assez long pour
l'examiner.
Tout cela se traduit nécessairement, au niveau du solde, par un relâchement de
l'effort de diminution du déficit et par une progression de l'encours de la
dette de l'Etat.
Je voudrais précisément concentrer mon propos sur la dette de l'Etat, qui
représente en volume 4 500 milliards de francs à la fin de l'année 2000. Cela
veut dire que chaque ménage en supporte 180 000 francs et doit financer une
charge annuelle d'intérêt de 10 000 francs. Ce sont les chiffres que l'on peut
tirer de votre communication, monsieur le ministre.
Le Gouvernement, au cours de ces dernières années, de 1997 à 2002, a bénéficié
de la conjoncture. Les efforts de réduction des déficits publics constatés au
cours de cette période résultent d'ailleurs aux deux tiers - je me réfère à vos
propres chiffres - de la conjoncture, tandis que les effets de la politique
structurelle sont extrêmement limités.
Qu'en est-il de l'évolution du stock de la dette sur le moyen terme ? Depuis
1997, le stock de la dette - je parle ici spécifiquement de la dette négociable
- a augmenté de 1 000 milliards de francs pour l'Etat.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est beaucoup !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il était de 3 377 milliards de francs en 1997 et
atteindrait donc 4 330 milliards de francs en 2001 : je parle toujours de la
dette négociable.
Si j'élargis la perspective pour éviter toute interprétation politicienne -
qui ne serait pas de mise.
Pour remonter à l'année 1986, date assez ancienne, je constate que la dette
négociable de l'Etat, qui représentait alors 23 % du produit intérieur brut,
est passée à près de 49 % du produit intérieur brut en 2000. On voit que cet
alourdissement relatif de la dette négociable de l'Etat par rapport à la
richesse nationale...
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est sur la
période 1993-1997 qu'a été battu le record du déficit !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Souvenez-vous : 1992, c'était
vous !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais, monsieur le ministre, cette dette a augmenté
sous tous les gouvernements,...
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Non, sous les
vôtres !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et sous les vôtres en particulier !
La dette a augmenté de 1 000 milliards de francs depuis 1997. Que chacun ait
la franchise de reconnaître sa part ! C'est la réalité des chiffres.
M. Bernard Angels.
Mais non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si la progression continue, du fait, en particulier,
d'une conjoncture plus atone que celle que vous attendiez, il faudra bien un
jour assumer les charges liées à cette facilité à laquelle, en effet, de
nombreux gouvernement,
nolens volens,
se sont en quelque sorte
abandonnés.
Au cours de l'année 2000, l'Etat, vous le savez, a emprunté près de 600
milliards de francs sur les marchés pour rembourser les emprunts précédents, à
hauteur de près de 410 milliards de francs, pour financer 170 milliards de
francs d'investissements - tout de même ! - mais aussi pour financer une
quote-part de 14 milliards de francs de dépenses de fonctionnement de l'Etat,
ce qui est naturellement de la cavalerie pure et simple.
Qu'il s'agisse du déficit public, qu'il s'agisse de la dette publique, ces
chiffres nous situent mal par rapport à nos compétiteurs.
A propos de la dette publique, nous voudrions, monsieur le ministre, être
informés sur ce que vous envisagez pour ce qui restera du produit de la vente
des licences UMTS. Lorsqu'on devait en céder quatre, il était prévu de le
répartir entre le Fonds de réserve des retraites et la Caisse d'amortissement
de la dette publique. Qu'en sera-t-il avec deux licences ?
En tout cas, les perspectives de diminution du volume de la dette publique qui
étaient associées aux espoirs initiaux - espoirs que nous avons d'ailleurs
partagés - et fondées sur l'attribution des licences UMTS semblent bien
disparaître !
Pour conclure mon exposé, je me livrerai à quelques brèves considérations sur
les finances locales et sur les finances sociales.
Les collectivités territoriales, globalement, demeurent excédentaires et
continuent à rembourser leurs dettes. Leurs dépenses de gestion, globalement,
là encore, apparaissent maîtrisées, contenues, malgré les charges qui leur sont
transférées par l'Etat et malgré des questions qui se posent ; je pense, par
exemple, au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie que nous
évoquions tout à l'heure dans cet hémicycle.
M. le ministre, quand la conjoncture générale devient moins favorable, nous
entendons certaines observations de source gouvernementale sur la dynamique des
concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui nous inquiètent.
Certes, on tente de nous rassurer en nous disant que les concours de l'Etat
aux collectivités territoriales ont augmenté de près de 60 milliards de francs
depuis 1998.
Il faut ajouter que ces concours nouveaux proviennent de la suppression de
ressources fiscales locales remplacées par des transferts budgétaires de
l'Etat. Ils rigidifient le budget de l'Etat tout en représentant pour l'avenir
une menace pour l'autonomie des collectivités territoriales et pour l'évolution
de leurs moyens de fonctionnement et d'investissement.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur cet aspect ? Nous
sommes-nous trompés lorsque nous avons trouvé quelque peu excessif, quelque peu
« optimiste » le rythme de progression des concours de l'Etat aux collectivités
territoriales par rapport à l'évolution des autres charges financées par le
budget de l'Etat ?
En d'autres termes, monsieur le ministre, nombre de nos collectivités
territoriales craignent les coups de canif dans le contrat qui lie - ou qui
devrait exister - l'Etat et les finances locales.
S'agissant des finances sociales - mais MM. Jacques Oudin et Charles Descours
y reviendront - nous sommes en alerte, car nous observons que la norme de
progression de l'assurance maladie, l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie, l'ONDAM n'a jamais été respectée.
Nous observons aussi que l'excédent des comptes sociaux qui existe
aujourd'hui, nous le devons à la croissance, à l'amélioration de la situation
de l'emploi et, surtout, à des prélèvements croissants. En effet, les
prélèvements sociaux finançant ces régimes ont augmenté de l'équivalent de un
point de produit intérieur brut entre 1997 et 2001.
Dans ce cadre, monsieur le ministre, nous ne pouvons que déplorer de nouveau
le mode de financement des 35 heures qui, au fil des débats auxquels nous
assistons, nous semble être un facteur particulier de désorientation, voire de
discorde, entre les différents pôles du pouvoir économique de l'Etat.
Nous ne voudrions pas que celui-ci refuse d'assumer ses responsabilités. Nous
ne voudrions pas qu'il se défausse sur les régimes sociaux, au mépris de la loi
Veil de 1994, qui oblige l'Etat à compenser intégralement, pour ces derniers,
tout allégement de charges.
Monsieur le ministre, notre analyse n'est pas, comme vous l'aurez observé,
très optimiste. Nous préférerions être encore dans le contexte économique d'il
y a un an.
Mais lorsque nous relisons les contributions que nous avions alors versées au
débat public, nous y trouvons rétrospectivement et, en quelque sorte, en creux
toutes nos observations d'aujourd'hui.
Les contradictions internes, la relative facilité plus ou moins cachée par un
verbalisme de rigueur : tout cela nous l'avons dit et répété avec constance en
étant souvent complètement inaudibles, car la conjoncture politique, l'état des
mentalités dissuadaient l'opinion de nous écouter.
Aujourd'hui, nous avons le sentiment que le ralentissement de la croissance,
l'exacerbation des contradictions politiques à gauche créent un climat beaucoup
plus favorable pour que les analyses et les mises en garde du Sénat soient
écoutées.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais redire que le Gouvernement a
bénéficié, nous en sommes convaincus, d'une période extraordinairement
favorable et qu'il n'a pas su en tirer tous les bénéfices.
Je crois qu'il vous est encore possible, en quelques mois, d'utiliser
l'autocritique pour élaborer des thèmes de campagne clairs et lisibles ; dans
l'état actuel des choses, il me semble, en effet, que le défaut de lisibilité
et de clarté se situe de votre côté.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre, le Sénat
sait tisser un consensus politique au sens le plus noble quand il est possible
et souhaitable. Il l'a montré mercredi dernier - vous avez eu l'élégance de le
souligner tout à l'heure - quand il s'est agi de travailler à la réforme des
textes qui régissent nos lois de finances pour le bien de tous les Français.
Nous n'en sommes, les uns et les autres, que plus à l'aise aujourd'hui pour
marquer notre différence sur la politique budgétaire. Après M. le rapporteur
général, je veux vous dire qu'il y a lieu, de notre point de vue, d'être sévère
quant à la politique budgétaire conduite par le Gouvernement. Avec d'autant
plus de force que cette politique nous semble engagée dans une impasse et que
nous vous avions prévenus depuis quatre ans, comme le disait M. le rapporteur
général, sans avoir pu retenir votre attention. La dégradation du déficit, qui
nous semble inscrite, n'est pas admissible compte tenu des années que nous
venons de connaître et des données que nous avions soulignées auprès de
vous.
De surcroît, comment ne pas voir les difficultés qui sont devant nous ?
Comment les finances de notre Etat pourront-elles faire face à ce qui va se
produire si elles se grippent au premier coup de froid conjoncturel ?
Nous avons, sans repos, mis en garde le Gouvernement contre la tentation de
laisser filer les dépenses de structure, en particulier les dépenses de la
fonction publique et de la dette. Or que constatons-nous ? Le poids
inexorablement croissant de ces deux postes dans le budget de l'Etat, comme l'a
illustré parfaitement à l'instant M. le rapporteur général. Le budget de l'Etat
devient quasi exclusivement un budget de fonctionnement, un budget de dépenses
passives, imposées, en quelque sorte subies, ne laissant plus aucune marge de
manoeuvre au Gouvernement.
En outre, nous avons dénoncé un assainissement budgétaire en trompe-l'oeil,
fondé uniquement sur l'accroissement des recettes grâce à la bonne conjoncture
et à l'augmentation des impôts. D'ailleurs, vous le reconnaissez dans le
document que vous avez distribué : non seulement vous avez bénéficié d'une
croissance inespérée, mais vous avez aussi augmenté les prélèvements sur cette
croissance pour financer vos priorités.
La conséquence de ce choix se lit très clairement dans le déficit structurel
des administrations publiques, essentiellement imputable à l'Etat. Alors que ce
déficit structurel s'était considérablement réduit de 1993 à 1997, il ne se
réduit plus désormais, selon la Banque de France, comme le disait le rapporteur
général, comme aux termes des documents que vous nous distribuez. Cela révèle
que les charges permanentes de l'Etat demeurent plus élevées que les recettes
permanentes. La France vit structurellement au-dessus de ses moyens, pour
environ 150 milliards de francs chaque année.
Pour utiliser un adjectif favori de la majorité plurielle - vous l'avez
d'ailleurs souligné tout à l'heure dans votre propos, monsieur le ministre,
s'agissant du mot « durable » - force est de constater, pour le regretter, que
le déficit durable ne s'améliore plus et que votre majorité, dans le domaine
budgétaire tout au moins, préfère manifestement l'éphémère au durable.
Hélas, ce n'est pas nouveau !
Depuis 1997, nous affirmions aussi que, dans ces conditions, le moindre
infléchissement conjoncturel mettrait l'assainissement budgétaire en péril. Eh
bien, nous y sommes ! Ce que nous redoutions se déroule sous nos yeux :
l'exécution 2001 se passe mal, Dieu merci, ce n'est pas encore catastrophique,
mais nous allons tout droit vers les 200 milliards de francs de déficit, soit
un plus mauvais résultat qu'en 2000 - il était de 191 milliards de francs - et,
naturellement, plus mauvais encore que la prévision de la loi de finances
initiale, à savoir 186 milliards de francs.
Le Gouvernement n'a pas voulu écouter et le risque que nous avions brandi est,
malheureusement, en train de se réaliser. Si le Gouvernement n'a pas écouté,
c'est parce que, s'agissant de la croissance, son analyse n'était pas la même
que la nôtre, M. le rapporteur général le soulignait tout à l'heure. La
commission des finances n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme. Rappelez-vous.
Nous disions : la prospérité est fugace, elle dépend, pour l'essentiel, de
données externes et il faut la bien utiliser quand elle est au rendez-vous, car
la croissance ne se convoque pas. Le Gouvernement - vous-même, monsieur le
ministre, avec plus de prudence, j'en conviens - répondait - j'espère que je ne
déforme pas son expression - certes, nous nous appuyons sur la conjoncture pour
assainir les finances publiques, mais nous sommes en quelque sorte à l'origine
de la croissance et nous savons la nourrir. « Nourrir », je suis certain que
vous avez employé ce mot, je l'ai tellement entendu !
Le Gouvernement aurait-il perdu la méthode pour nourrir la croissance ?
Monsieur le ministre, la croissance ne se convoque pas et laisser croire le
contraire aux Français les mettraient à la merci de très dangereuses
illusions.
Faudrait-il le répéter pendant dix ans encore, je ne me lasserais pas de le
faire. En effet, la première exigence de la politique, c'est la vérité - vous
l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, et je partage avec vous cette
conviction - et le débat d'orientation budgétaire est le rendez-vous de la
vérité, elle est due aux Français.
Je vais vous exposer la vérité telle que je la conçois.
Non, un assainissement budgétaire ne peut être fondé sur une augmentation des
recettes ! Parce qu'elles sont trop aléatoires : hier, elles dépassaient les
prévisions ; aujourd'hui, elles baissent et nul n'y peut rien. Mais aussi parce
que les impôts sont trop élevés : les impôts sur les revenus des ménages et des
entreprises ont augmenté de 55 % en quatre ans, et le Gouvernement avoue
lui-même que les recettes publiques auraient moins crû s'il n'avait pas
augmenté les impôts.
Oui, un assainissement budgétaire ne peut passer que par la maîtrise des
dépenses, en particulier les plus lourdes, les plus rigides, les plus inertes !
Je compte, parmi elles, les dépenses de la dette publique - ce qui suppose une
réduction très volontariste du déficit budgétaire - et de la fonction publique.
Or, le rapport de M. Philippe Marini le démontre de façon éclatante : le
Gouvernement, non seulement n'a rien tenté pour réduire ces deux postes,
puisqu'ils ont absorbé, à eux seuls, la quasi-totalité de la progression du
budget, mais de plus, il s'est, à mes yeux, abandonné aux tristes pratiques de
la réduction des investissements civils et militaires.
En outre, cette attitude passive face à la dépense, parfois même active quand
il s'agit de l'augmenter - par la création d'emplois de fonctionnaires, les 35
heures, les emplois-jeunes, et j'en passe - empêche le Gouvernement d'atteindre
ses propres objectifs de maîtrise, qu'il ne cesse de revoir à la hausse.
En matière de gestion de nos finances publiques une urgence s'impose : le
courage. Le Gouvernement entend augmenter les dépenses. Soit ! Mais alors, que
le Premier ministre se rende solennellement au journal télévisé de vingt heures
pour présenter aux Français la facture des dépenses nouvelles qu'il propose
d'engager, qu'il leur indique clairement que toute dépense nouvelle sera payée
par eux.
En effet, si la dépense est aussi populaire en France, mes chers collègues,
c'est parce que, j'en suis convaincu depuis toujours, l'on n'a pas assez dit
aux Français que ce sont eux qui la paie ! Il faut aller devant eux et leur
dire : chers compatriotes, vous voulez les 35 heures ? Soit ! Cela équivaut à
signer une reconnaissance de dette de 100 milliards de francs par an, à régler
par vous-mêmes et par vos enfants. Vous voulez les emplois-jeunes ? Soit !
Alors, veuillez signer une reconnaissance de dette de 22 milliards de francs
par an. Vous considérez trop douloureux de réduire davantage le déficit
budgétaire ? Alors, signez une augmentation de la charge de la dette publique
de 10 milliards de francs par an. Vous ne souhaitez pas réduire le nombre des
fonctionnaires, au motif que, dans de nombreux secteurs, ils ne sont pas assez
nombreux ? Soit ! Alors, veuillez signer votre accord pour acquitter d'ici à
2005, 50 milliards de francs, au titre des pensions supplémentaires, et 110
milliards de francs d'ici à 2010.
Voilà, monsieur le ministre, le langage de courage et de vérité dont la France
a besoin et qu'elle attend, j'en suis convaincu.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. -
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Angels.
C'est le langage de la démagogie !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'assume, pour ma part, mes
responsabilités !
Il est déjà tard. Depuis quatre ans, le Gouvernement a fait l'inverse de ce
qu'il aurait fallu. Les facilités prises sont déjà inscrites au découvert du
compte des bébés à naître.
Oui, il est urgent de modifier cette politique : réduisons les dépenses,
remboursons la dette, investissons, augmentons l'offre de main-d'oeuvre,
supprimons les mécanismes qui découragent le travail et les réglementations qui
peuvent entraver l'accès à l'emploi, allégeons les contraintes qui pèsent sur
les entreprises et, à défaut de pouvoir réduire immédiatement les prélèvements
au niveau souhaitable, rendons à ceux qui entreprennent la liberté dont ils ont
besoin pour relever les défis de la concurrence dans laquelle ils sont
inscrits.
M. Alain Joyandet.
Bravo !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est la voie de la
responsabilité et du courage. C'est la voie proposée par la commission des
finances et c'est la voie constante du Sénat. C'est la voie qu'il faut
souhaiter à la France ! Nous sentons déjà qu'elle la choisira bientôt.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures
quarante.)