SEANCE DU 6 FEVRIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 202, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 58 pour le titre IV du livre Ier de la
première partie du code de la santé publique, après l'intitulé du chapitre II,
insérer une section additionnelle ainsi rédigée :
« Section 1 A
« Définitions
«
Art. L. 1142-1-A.
- On entend par :
« 1° Accident médical, tout événement imprévu causant un dommage accidentel
ayant un lien de causalité certain avec un acte médical ;
« 2° Affection iatrogène, tout dommage subi par un patient, directement lié
aux soins délivrés ;
« 3° Infection nosocomiale, toute infection qui apparaît au cours ou à la
suite d'une hospitalisation alors qu'elle était absente à l'admission dans
l'établissement de santé. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
La commission propose au Sénat d'adopter un amendement visant
à insérer une division nouvelle intitulée « Définitions » et composée d'un
article unique. Il s'agit d'inscrire dans la loi une définition de l'accident
médical, de l'affection iatrogène et de l'infection nosocomiale.
Dans la mesure où le chapitre II du titre IV du livre Ier de la première
partie du code de la santé publique fait très fréquemment référence à ces trois
notions, il nous a paru nécessaire de les définir, après avoir consulté de
façon approfondie l'Académie nationale de médecine et diverses personnes
compétentes. Cela permettra de rendre la loi plus intelligible.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je prétends au contraire qu'il ne faut pas définir trop
précisément ces termes, car cela risquerait d'amener des difficultés
d'interprétation pouvant porter gravement préjudice aux victimes.
Je donnerai un seul exemple à cet égard : définir l'accident médical comme un
événement imprévu constitue une restriction et va à l'encontre des intérêts des
victimes.
En effet, certains accidents pourraient être prévus. Ainsi, un accident
anesthésique, comme il en survient une fois sur mille, est-il un événement
prévu ou imprévu ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Imprévu !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Eh non ! On peut affirmer le contraire, mais je ne
reprendrai pas ici tous les arguments qui ont pu être avancés par les
juristes.
MM. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis,
et Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il est prévisible !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Vous avez fréquenté la même école, c'est formidable !
Bravo !
(Sourires.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est M. Fauchon qui
m'a formé !
(Nouveaux sourires.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Félicitations, monsieur Fauchon !
Quoi qu'il en soit, je préférerais que l'on n'inscrive pas dans la loi des
définitions qui me semblent trop précises, et c'est pourquoi je suggère à M. le
rapporteur de retirer l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 202.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je prendrai moi aussi un exemple pour justifier mon opposition à cet
amendement.
L'infection nosocomiale est définie par la commission comme une « infection
qui apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation ». Mais cette
infection a pu survenir avant l'hospitalisation et se manifester ensuite, au
terme d'une incubation silencieuse !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Eh oui !
M. Bernard Cazeau.
Par conséquent, soit la formulation proposée par M. Lorrain est trop précise,
soit elle ne l'est pas assez.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je voudrais évoquer, sans le citer - la presse s'en est
amplement chargée ! -, un établissement qu'un patient a quitté en souffrant
d'une infection due à un microbe fréquemment détecté, semblait-il, dans cet
hôpital.
Or l'enquête a prouvé que cette infection avait été contractée dans un autre
établissement. Par conséquent, si vous êtes en mesure de donner une définition
précise de l'infection nosocomiale, alors vous êtes vraiment forts !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Mais nous le sommes !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je ne vous comprends pas, monsieur le ministre. En effet,
avant de poser un acte, nous médecins devons établir un diagnostic, en fonction
notamment d'un certain nombre de définitions.
Il est vrai que toute définition est imparfaite, je vous l'accorde !
Cependant, vous savez très bien que ces notions d'affection iatrogène et
d'infection nosocomiale ont été largement débattues par les sociétés savantes :
l'Académie nationale de médecine nous en a encore communiqué sa définition
voilà quelques heures. En outre, au sein de nombreux hôpitaux, les comités
locaux sur les infections nosocomiales ont mené une réflexion approfondie, et
le sujet est donc maintenant bien circonscrit.
En tout état de cause, je crois important de bien définir des notions
auxquelles nous serons amenés à faire sans cesse référence dans la suite du
débat. Certes, ces définitions resteront imparfaites, mais il est quand même
fondamental que nous sachions de quoi nous parlons.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je m'interroge à propos
de la définition proposée pour l'infection nosocomiale. Ne vaudrait-il pas
mieux la définir comme une infection qui apparaît au cours ou à la suite d'une
hospitalisation et dont l'origine extérieure à l'établissement ne peut être
établie ?
Cela étant, j'approuve bien entendu l'amendement de la commission.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 202, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division et un article additionnels ainsi rédigés sont
insérés après l'intitulé du chapitre II.
ARTICLE L.1142-1 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE