compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le très profond regret de vous faire part du décès brutal de notre collègue Pierre-Yvon Trémel, sénateur des Côtes-d'Armor depuis 1998. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Chacun de nous a pu apprécier la personnalité attachante de notre excellent collègue et la qualité de ses interventions en commission et en séance publique.
Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement.
Pour l'heure, au nom du Sénat, je présente nos condoléances les plus attristées à toute sa famille et aux membres du groupe socialiste du Sénat et partage leur peine. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
3
Finances publiques et finances sociales
Débat d'orientation sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation, sur les finances publiques et les finances sociales.
Messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, c'est avec un très grand plaisir que j'ouvre ce débat d'orientation budgétaire, le dixième depuis 1990. C'est sur l'initiative de notre commission des finances que l'on doit ce temps fort de notre année financière.
La parole est à M. Thierry Breton, ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous dire combien nous sommes heureux, Jean-François Copé, Xavier Bertrand et moi-même, de venir vous présenter aujourd'hui les grandes orientations de nos finances publiques pour l'exercice 2007.
Ce débat d'orientation budgétaire, nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer en commission, est historique, et ce à trois titres.
Tout d'abord, le document d'orientation budgétaire que vous avez devant vous intègre de manière exceptionnelle l'engagement national de désendettement dont le Premier ministre avait demandé la mise en place dès le mois de janvier, à l'occasion de la conférence nationale des finances publiques, et à la suite du rapport sur la dette que j'avais commandé à M. Pébereau.
Je veux dire ici combien je me réjouis du consensus qui est ressorti des travaux de la commission des finances, en tout cas en ce qui concerne l'objectif, comme M. le président de la commission des finances a pu le vérifier.
Ensuite, comme à l'habitude, vous seront présentées les grandes lignes du budget de l'État pour 2007, dont nous avons voulu faire une étape essentielle de la trajectoire de désendettement, une étape historique, même, puisque la dépense de l'État progressera en 2007 d'un point de moins que l'inflation, du jamais vu depuis plus de vingt ans !
Enfin, ce débat d'orientation budgétaire intègre les grandes orientations de la politique de sécurité sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté à l'automne : je laisserai le soin à Xavier Bertrand de vous les détailler.
Sans plus attendre, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaite entrer dans le vif du sujet.
Concernant les perspectives économiques, je dirai quelques mots sur les hypothèses de croissance que nous envisageons pour la construction du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les bons résultats de la croissance au premier trimestre s'inscrivent clairement dans la fourchette retenue par le Gouvernement pour l'ensemble de l'année 2006, à savoir entre 2 % et 2,5 %. La composition de cette croissance confirme d'ailleurs l'excellente dynamique de notre économie.
D'une part, la consommation des ménages, premier moteur de l'activité, a progressé très vite, de 0,8 %, au premier trimestre, soit un rythme annualisé de 3,2 %, apportant une contribution d'un demi-point de PIB à la croissance.
D'autre part, l'exportation, second moteur de l'activité, poursuit son net redressement depuis l'été 2005 et affiche une nouvelle progression de 2,9 % sur le premier trimestre, à un rythme annualisé de près de 12 % en croissance, soit le meilleur résultat depuis six ans ! Le commerce extérieur apporte ainsi une contribution fortement positive à la croissance, de 0,6 % au premier trimestre.
Les autres indicateurs confirment assez largement cet optimisme sur le deuxième trimestre.
Les enquêtes disponibles font apparaître une poursuite, voire une accélération de cette dynamique au deuxième trimestre : les enquêtes dans l'industrie sont proches de leur plus haut niveau depuis cinq ans, celle de la Banque de France notamment ; les enquêtes dans les autres secteurs, particulièrement dans les services et la construction, sont également nettement au-dessus de leur moyenne.
L'inflation reste bien contenue, autour de 2 % sur un an, malgré la hausse du prix du pétrole. Contrairement à ce que certains commentateurs ont pu écrire, ici ou là, je ne vois pas d'effet de second tour dans les chiffres de cette inflation.
Du reste, ce rythme d'inflation soutient le pouvoir d'achat et la consommation des Français, qui n'ont jamais autant consommé, comme le confirment les statistiques mois après mois.
M. Roland Muzeau. Ah !
M. Thierry Breton, ministre. La conjoncture de nos principaux partenaires commerciaux est par ailleurs favorable. En Allemagne, notre premier partenaire commercial, le moral des industriels est à son meilleur niveau depuis la réunification, ce qui est très important pour nos entreprises.
Enfin et surtout, la situation de l'emploi ne cesse de s'améliorer : le taux de chômage a diminué pour atteindre 9,3 % à la fin du mois d'avril - soit 210 000 demandeurs d'emploi en moins depuis un an. D'après les orientations fournies par mon ministère, nous devrions franchir avant la fin de l'année la barre des 9 % et nous attendons plus de 200 000 créations d'emploi en 2006.
Vous le voyez, la phase de reprise conjoncturelle qu'a connue l'économie française au second semestre de l'an dernier est bel et bien derrière nous : notre économie est désormais installée sur une tendance de 2 % à 2,5 % de croissance, soit la fourchette retenue pour construire le projet de loi de finances pour 2006.
Je note d'ailleurs que la note de conjoncture de l'INSEE publiée la semaine dernière accrédite ce scénario.
La prévision de croissance de l'INSEE, traditionnellement prudente, se situe dans notre fourchette, avec 2 % pour cette année et des progressions trimestrielles sur les trois trimestres à venir qui se situent à un rythme de 2,4 % en taux annualisé, c'est-à-dire à 0,6 % par trimestre. L'INSEE table en outre sur un chômage revenu à moins de 9 % en fin d'année.
Comme quoi le scénario que nous défendons avec mes collègues ministres et avec nos collaborateurs de Bercy n'est finalement pas si irréaliste !
Pour 2007 et les années suivantes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis confiant dans la capacité de notre économie à absorber les chocs comme la hausse du prix du pétrole ou l'appréciation de l'euro et à rester sur un rythme de croissance de 2 % à 2,5 % ; il s'agit d'une hypothèse prudente.
Vous le savez, notre ambition, pour notre pays, est une croissance comprise entre 3 % et 4 %. C'est pourquoi j'ai aussi voulu envisager, dans ce débat d'orientation budgétaire, un scénario à 3 % de croissance, qui nous permettrait d'atteindre plus rapidement - c'est-à-dire avant 2010 - nos objectifs de finances publiques, tout en améliorant le niveau de vie de nos concitoyens.
J'en viens maintenant au coeur de ce débat d'orientation budgétaire de 2006 : l'engagement national de désendettement.
Celui-ci doit nous permettre de parvenir à l'équilibre des comptes publics et de ramener notre endettement sous les 60 % du produit intérieur brut à l'horizon de 2010.
Nous avons construit cette trajectoire de désendettement et d'assainissement des finances publiques en quatre étapes essentielles, qui constituent autant d'engagements.
J'ai d'ailleurs souhaité que chacun de ces engagements fasse l'objet de résultats chiffrés, mesurables, sur lesquels nous pourrons être jugés. Nous associons des moyens précis pour arriver à atteindre ces objectifs que je déclinerai dans un instant.
Chacun de ces moyens s'inscrit dans la stratégie globale de désendettement, qui repose sur les trois piliers que je ne cesse de marteler.
Le premier est le relèvement de notre croissance, grâce à la réforme fiscale, à celle du marché du travail, à la priorité donnée à la recherche et au développement, à la politique de développement des PME. Toutes ces mesures s'inscrivent parfaitement dans la contribution française à la stratégie européenne de Lisbonne.
Le deuxième pilier est la maîtrise de la dépense. La dépense de l'État n'aura pas progressé plus vite que l'inflation pendant quatre ans ! Désormais nous proposons qu'elle baisse d'un point - c'est une première dans notre histoire économique -, car cela me semble indispensable.
Le troisième pilier est la cession d'actifs non stratégiques, et plus généralement la recherche systématique de tous les leviers de désendettement. Ainsi, plus de 15 milliards d'euros auront été affectés au désendettement sur les années 2005 et 2006.
Je reviens rapidement sur notre premier engagement pour 2005, à savoir ramener le déficit public sous la barre des 3 %.
Tel était l'engagement que j'avais pris devant vous il y a un an, en présentant mes objectifs de finances publiques. Cet engagement a été tenu - et au-delà ! - malgré certains pronostics négatifs, voire ironiques. Finalement, nous avons obtenu exactement une baisse de 2,88 % !
M. Roland Muzeau. La Cour des comptes dit que ce n'est pas vrai ! C'est une grosse manipulation !
M. Thierry Breton, ministre. Je précise, du reste, que la Commission européenne, elle-même, nous a donné quitus de ce résultat par la voix de M. Almunia, commissaire européen, qui est chargé de le vérifier en s'appuyant sur les services d'Eurostat.
Je note, d'ailleurs, que la France est le seul des quatre grands pays européens - Allemagne, Royaume-Uni, Italie - à être revenu sous la barre des 3 %.
Notre deuxième engagement porte sur 2006 : réduire l'endettement dès cette année d'au moins deux points de PIB. Je prends l'engagement de ramener l'endettement de 66,6 % à moins de 64,6 % du PIB d'ici à la fin de cette année.
Cela montrera que l'effort de désendettement, qui doit par nature s'inscrire dans la durée, peut aussi porter ses premiers fruits rapidement. C'est un point qui me paraît absolument essentiel pour nos compatriotes.
À cet égard, je comprends pleinement, monsieur le rapporteur général, votre voeu de fixer des objectifs à long terme, c'est-à-dire à 2030. C'est vrai, la dette est un enjeu de long terme, qui demande un effort dans la durée. Encore faut-il commencer dès maintenant à en infléchir la tendance !
Pour autant je suis convaincu que nous ne pouvons pas attendre pour revenir dans les clous de Maastricht en ce qui concerne la dette, soit pour revenir en dessous de la barre des 60 % du PIB.
En outre, avoir des objectifs à court terme me paraît indispensable pour pouvoir mobiliser les Français sur cet enjeu majeur du désendettement. Comment ? Par la mise sous tension systématique de l'ensemble des leviers disponibles de désendettement.
J'ai ainsi pris, mesdames, messieurs les sénateurs, la décision d'actionner très rapidement trois leviers.
D'abord, les recettes de cessions d'actifs seront prioritairement affectées au désendettement. L'affectation du produit des cessions des concessions autoroutières représente déjà 10 milliards d'euros.
En outre, la vente des titres d'Alstom et d'Aéroports de Paris représente plus de 2 milliards d'euros supplémentaires. Au total, entre le 1er janvier et le 31 mai 2006, l'Agence France Trésor a déjà racheté pour plus de 8,6 milliards d'euros de dette, pour l'essentiel grâce aux recettes de cessions.
Ensuite, le pilotage de la trésorerie de l'État sera profondément infléchi. J'ai décidé d'un principe très simple : pas un euro d'endettement de plus que le strict nécessaire pour faire face à la gestion courante !
Par conséquent, tout en veillant à ce que sa capacité de disposer de la trésorerie dont l'État a besoin reste intacte, l'Agence France Trésor va, d'une part, se doter de nouveaux outils tels qu'un bon du Trésor à taux fixe, un BTF, à très court terme pour limiter au minimum son matelas de sécurité et, d'autre part, bénéficier d'une amélioration des remontées d'information de la part des administrations dépensières, au sens non péjoratif du terme.
Dans ces conditions, j'ai demandé à l'Agence France Trésor de limiter les émissions de dette aux stricts besoins de la gestion courante.
Ainsi, l'encours de bons du Trésor à court terme a été réduit de 11,3 milliards d'euros entre le 31 décembre 2005 et le 31 mai 2006.
En outre, je peux d'ores et déjà vous annoncer que l'État va, pour la première fois depuis vingt ans, réduire son appel au marché de 10 milliards d'euros par rapport au niveau prévu dans le programme d'émission initial. Le programme en 2006 de financement net à moyen et à long terme de l'État passera donc de 119,5 milliards à 109,5 milliards d'euros.
Enfin, cet effort d'optimisation de la trésorerie doit être partagé par l'ensemble des acteurs publics : État, organismes sociaux, collectivités locales, ou structures comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV et le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA par exemple.
C'est dans cet esprit que le directeur général du Trésor et de la politique économique coordonnera un comité interministériel de la trésorerie des administrations publiques, dont j'ai annoncé la création à l'occasion du Conseil d'orientation des finances publiques que j'ai présidé la semaine dernière.
Cependant, en même temps que nous réduisons de manière substantielle l'endettement, nous poursuivons nos efforts de réduction du déficit public, qui passera de 2,9 % à 2,8 %, malgré le contrecoup de la soulte des industries électriques et gazières, les IEG, pour 0,5 point de PIB l'année dernière.
D'abord, l'exécution du budget de 2006 sera tenue de manière rigoureuse, à l'euro près. Nous avons, vous le savez, mis en réserve 6 milliards d'euros dès le début de l'année, aux termes de la loi organique relative aux lois de finances.
Concernant les comptes sociaux, nous sommes globalement dans les clous de ce qui était prévu au moment de la loi de financement de la sécurité sociale ; Xavier Bertrand y reviendra.
Notre troisième engagement pour 2007 est de ramener le déficit public sous le seuil du déficit stabilisant.
C'est, mesdames, messieurs les sénateurs, la condition nécessaire pour rendre pérenne la dynamique du désendettement amorcée cette année.
Cette notion est clef dans notre stratégie de désendettement, car le déficit stabilisant est le niveau de déficit pour lequel le ratio dette sur PIB se stabilise en l'absence de tout mouvement d'actifs et de passifs. En d'autres termes, dès que ce déficit est atteint, toute amélioration nouvelle du déficit contribue automatiquement à réduire la dette.
Avec une croissance de l'ordre de 2,25 %, ce déficit stabilisant est d'environ 2,5 % : c'est bien l'objectif que nous nous fixons pour 2007. Comment l'atteindrons-nous ? Jean-François Copé l'expliquera dans un instant.
Pour ma part, je me contenterai de trois remarques.
D'abord, la dépense de l'État l'année prochaine progressera de 1 % moins vite que l'inflation, c'est ce qu'on appelle le « moins un volume ». Je veux souligner que nous appliquerons à Bercy, dès l'année prochaine, la règle du « zéro valeur », c'est-à-dire une stabilisation de nos dépenses en euros courants !
Ensuite, je vous rappelle que ce projet de loi de finances permettra de financer la réforme fiscale par la baisse de la dépense budgétaire.
Enfin, comme le Premier ministre l'a annoncé, la baisse des plafonds d'effectifs sera précisément de 15 032 postes. La baisse pour Bercy sera de 2 988 postes.
Quant à notre quatrième engagement, il est de mettre en oeuvre dès aujourd'hui les outils de gouvernance de l'ensemble de nos finances publiques indispensables pour atteindre l'équilibre des comptes au plus tard en 2010 et passer sous les 60 % d'endettement.
À partir de 2008, pour atteindre ces objectifs, l'effort de maîtrise de la dépense devra se poursuivre. Ce ne sera possible qu'en associant encore mieux l'ensemble des acteurs. C'est tout l'enjeu du Conseil d'orientation des finances publiques que nous avons mis sur les rails la semaine dernière. Un certain nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, y ont participé, et je les en remercie.
Ces objectifs sont ambitieux, mais parfaitement crédibles. Sous l'hypothèse d'une maîtrise collective maintenue de la dépense publique, l'objectif serait atteint en 2009 avec 3 % de croissance par an. Cependant, même en retenant une hypothèse prudente de croissance de 2,25 %, l'objectif serait atteint en 2010.
Outre la croissance, l'autre enjeu est donc bien la maîtrise de l'ensemble des dépenses publiques.
Il faudra, d'abord, maîtriser les dépenses de l'Etat, qui doivent rejoindre progressivement le « zéro valeur », comme nous l'avons fait nous-mêmes à Bercy dès cette année.
Il faudra, ensuite, maîtriser les dépenses sociales, dont il faudra limiter la progression à « plus un volume » sur la période.
Enfin, il faudra maîtriser les dépenses locales, voire les faire tendre vers le « zéro volume », dans le respect évidemment de l'autonomie financière des collectivités locales, pour ne pas risquer une augmentation préjudiciable des prélèvements obligatoires.
L'outil de cette réduction ordonnée et maîtrisée des dépenses publiques est une nouvelle gouvernance plus stable et plus vertueuse des finances publiques que le Conseil d'orientation des finances publiques est chargé de proposer.
Comme premières pistes de travail, je lui ai soumis les différentes options de rénovation de la gouvernance de nos finances publiques, qui figurent dans le débat d'orientation budgétaire ou qui ont été évoquées avec les collectivités locales lors de la concertation engagée au mois de mai.
Pour ce qui est de l'État, la mise en oeuvre de la LOLF assure une meilleure gouvernance des finances publiques. Les audits systématiques ouvrent des pistes nouvelles de réforme afin de dépenser mieux et moins à qualité de service public maintenue ou améliorée.
Pour ce qui est des collectivités locales, dans le cadre du Conseil d'orientation des finances publiques, le Gouvernement souhaite, d'une part, mieux les associer aux décisions les concernant et élargir leurs marges d'initiative et d'action dans le champ des compétences qui leur ont été transférées et, d'autre part, réfléchir aux moyens d'une meilleure maîtrise de la dépense locale ; Jean-François Copé y reviendra dans un instant.
Enfin, pour ce qui est des organismes sociaux je laisse évidemment Xavier Bertrand le soin de revenir sur ces pistes plus en détail.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous présente aujourd'hui, par ce débat d'orientation budgétaire, un acte majeur de responsabilité politique.
Les efforts inédits de pédagogie et de sensibilisation menés par ce Gouvernement quant aux risques d'un endettement incontrôlé de notre société ont porté leurs fruits.
M. Roland Muzeau. Ah bon ?
M. Thierry Breton, ministre. Chacune et chacun ont pu s'approprier le sujet.
Je constate que les Français considèrent aujourd'hui la dette publique comme l'une de leurs cinq préoccupations majeures. Il était temps de s'en préoccuper et je regrette que certains, par des programmes qui fleurissent ici ou là, contribuent de nouveau à accroître potentiellement cet endettement. Je n'ai pas cité le nom des personnes, mais elles se sont reconnues !
Jean-François Copé, qui a fait un chiffrage précis de l'incidence d'un certain nombre de ces programmes sur l'endettement de la nation, reviendra sur ce point.
Je suis donc convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, que les orientations que nous sommes venus vous présenter aujourd'hui répondent aux inquiétudes de nos concitoyens.
Ce programme pluriannuel de désendettement consiste à dire non pas « vous verrez plus tard », mais « donnons-nous les moyens d'agir et de juger sur pièces dès aujourd'hui. » ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget dont nous vous présentons avec Thierry Breton aujourd'hui les grandes orientations est un rendez-vous bien particulier.
Il s'agit de vous présenter les orientations du dernier budget de cette législature.
M. Marc Massion. Bonne nouvelle !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est le moment privilégié de faire le point sur les priorités sur lesquelles nous avons été élus en 2002 et sur lesquelles nous avons des comptes à rendre aux Français
C'est évidemment aussi l'occasion pour nous de prendre date et de marquer nos choix pour l'avenir. Dans ce domaine, croyez-moi, nous ne serons pas en arrière de la main !
Pour construire ce budget et vous présenter ses orientations, nous avons profité d'un contexte totalement inédit.
D'une part, des outils nouveaux sont désormais à notre disposition à travers une nouvelle constitution financière, la LOLF, et le rapprochement entre le ministère du budget et celui de la réforme de l'État. D'autre part, le rapport Pébereau sur l'endettement de la France, qui a été commandé par Thierry Breton, représente également une opportunité remarquable.
Toutes les conditions sont donc réunies pour vous présenter un budget dont le contenu diffère assez largement des précédents. Néanmoins, il continue de s'inscrire dans ce que nous avons fait depuis le début de la législature. Ainsi, nous fixons trois objectifs.
Premier objectif, on remplit le contrat passé par les Français en 2002. La totalité des priorités sur lesquelles les Français attendent de nous des résultats sont financées.
Tout d'abord, en ce qui concerne la restauration de l'autorité de l'État, qu'il s'agisse de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, du budget de la justice ou de la loi de programmation militaire, les crédits sont au rendez-vous.
La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure est appliquée, puisque 1 787 postes en équivalent temps plein de gendarmes et de policiers seront créés. Au total, sur l'ensemble de la législature, plus de 12 000 emplois de policiers et de gendarmes auront été créés auxquels s'ajoutent 2 000 adjoints de sécurité.
Le budget de la justice augmente de 5 %. Il est vrai qu'un peu de retard avait été pris en raison de lourds programmes d'investissement, mais il sera comblé.
Quant à la loi de programmation militaire, elle est entièrement respectée pour la cinquième année.
J'ajoute que la France respecte ses engagements en matière d'aide publique au développement, puisque le seuil de 0,5 % du revenu national brut sera atteint, conformément à ce qu'avait décidé le Chef de l'État.
Ensuite, en ce qui concerne la nécessité de répondre aux défis de l'avenir, ce budget traduit les engagements précis que nous avons pris en matière d'enseignement supérieur et de recherche : 1 milliard d'euros de moyens supplémentaires sont dégagés en leur faveur et 1 500 emplois seront créés dans les universités et les établissements publics de recherche. Là encore, nous sommes au rendez-vous !
Deuxième objectif, nous rendons un meilleur service public aux Français.
Nous avons bien évidemment à coeur de dépenser moins, mais surtout de dépenser mieux. C'est ce qui marque la différence. Comme l'a dit Thierry Breton, la dépense publique est en baisse. Pour la première fois depuis très longtemps, elle progressera moins que l'inflation.
C'est à l'idée de créer une administration plus moderne et moins coûteuse au service des Français que nous travaillons. Dans cet objectif, nous avons décidé de nous appuyer sur trois outils nouveaux.
Le premier est utilisé tous les jours par les Français, je veux parler des nouvelles technologies.
Nous avons l'intention - c'est tout l'intérêt du rapprochement du ministère du budget et de celui de la réforme de l'État - de mettre Internet à tous les étages. Ainsi, près de six millions de Français ont déclaré cette année leurs impôts sur Internet. C'est un record absolu ! À la clé, il y a un meilleur service rendu aux Français, une administration qui se modernise et de moindres besoins en termes d'effectifs.
Le deuxième outil, ce sont les audits de modernisation.
J'ai déjà eu l'occasion d'en parler au Sénat, en particulier devant la commission des finances : il y a six mois, j'ai créé un programme inédit. Ainsi, d'ici à la fin de l'été, 100 audits, qui couvriront 100 milliards d'euros sur les 266 milliards d'euros du budget de l'État, radiographieront l'ensemble des grands programmes de l'État. L'objectif est de faire la chasse aux gaspillages, de chercher des gains de productivité, de mesurer en permanence l'efficacité de la dépense publique afin que les Français en aient pour leurs impôts, que les usagers voient le service public se moderniser et que les fonctionnaires puissent directement profiter des gains de productivité réalisés.
J'ai d'ailleurs lancé cette semaine la quatrième vague, qui comprend 35 audits recouvrant 38 milliards d'euros, sur différents sujets, tels que la dématérialisation de la chaîne pénale, la mise en place de l'agence de délivrance des titres sécurisés de l'État, les aides de l'État accordées aux entreprises, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ou encore l'entretien de l'immobilier de l'État.
Pour certains ministères, les audits ont montré des gisements de modernisation considérables. J'ai évoqué tout à l'heure la déclaration d'impôt sur Internet. Sachez que cela représente 750 emplois.
Je pourrais aussi parler de l'audit sur les décharges de services des enseignants du second degré. Je vous rappelle qu'elles représentent l'équivalent de 28 000 postes et qu'elles sont régies par des textes datant de 1950. L'audit remarquablement réalisé sur l'initiative de Gilles de Robien a conclu à la possibilité de supprimer 10 000 emplois à terme. Néanmoins, nous comptons procéder de manière intelligente, concertée, progressive, adaptée. Ce sont donc 3 000 emplois qui seront économisés cette année.
Le troisième outil, ce sont les outils d'intéressement à la réforme.
Il s'agit des contrats de performance. L'objectif est que tous les ministères puissent signer avec le ministère des finances un contrat d'objectifs visant à moderniser l'administration de l'État.
Un ministre doit bien sûr porter une ligne politique, décider, veiller à ce que les choses avancent et à ce que les réformes soient engagées. Mais il est aussi le patron de son administration. Il a la mission de la moderniser sans cesse. De ce point de vue, les contrats de performance seront des éléments clés.
Thierry Breton et moi-même avons signé ce type de contrat avec l'ensemble de nos directeurs à Bercy. D'autres ministères agissent de la même manière. Je pense, par exemple, au ministère de l'équipement, qui réduira ses effectifs de 1 267 postes en équivalent temps plein.
À travers ces trois leviers, on offre un service public complètement rénové et l'on ouvre de nouvelles voies à la modernisation de notre pays dans l'avenir. L'objectif est de rendre ensemble le meilleur service public au meilleur coût. Comme par hasard, quand on le fait, la dépense publique diminue.
À cet égard, je voudrais prendre un engagement très clair : aucune des baisses de crédits ou des diminutions d'effectifs figurant dans ce budget ne portera atteinte à la qualité du service public.
M. Roland Muzeau. Bien sûr que si !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En particulier, le choix que nous avons fait concernant les 15 000 départs à la retraite non financés - en réalité moins 19 000 et plus 4 000 - est à chaque fois parfaitement argumenté et documenté.
Par exemple, le ministre de l'éducation nationale, Gilles de Robien, a scrupuleusement veillé à ce que les décisions qu'il a prises et qu'il a soumises au Premier ministre soient à chaque fois parfaitement justifiées. Elles sont fondées, soit sur le résultat des audits, soit sur la réalité démographique.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Prenons le cas des décharges de service des enseignements du second degré, qui ont fait l'objet d'une décision courageuse. Voilà en effet des années que les décisions dans ce domaine sont différées. Il a pris l'engagement, et je m'inscris dans ses pas, qu'il n'y aura aucune fermeture de classe, ni aucune baisse d'effectifs dans les classes, ni, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, aucune réduction du nombre de classes accueillant des enfants handicapés. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je le souligne, car la polémique qui s'est développée sur ce sujet est regrettable. Nous concourons tous au même service, celui de l'intérêt général !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il faudra donc faire très attention à éviter la caricature lors du débat budgétaire de l'automne. Rappelons que, lorsque l'on parle de 15 000 fonctionnaires de moins, il s'agit bien entendu de départs à la retraite non remplacés à un moment où le pic sera considérable, à savoir entre 70 000 et 80 000 départs à la retraite. Il faut donc replacer cette notion dans ses justes perspectives.
Je le répète, ces réductions sont totalement argumentées. Avec votre concours, mesdames, messieurs les sénateurs, je veillerai durant tout le débat budgétaire à en faire la démonstration.
Enfin, je serai attentif au fait que le contrat de performance soit « gagnant-gagnant ». Comme je l'ai dit, la négociation avec tous les ministères s'est déroulée dans un contexte très nouveau et elle n'a donné lieu à aucun passe-droit. Il n'y a donc eu ni perdant ni gagnant, car ce n'est pas l'esprit de la LOLF.
Souvenez-vous ! Par le passé, les ministres satisfaits étaient ceux qui pouvaient venir annoncer dans cet hémicycle que leur budget avait augmenté. Ils montraient ainsi leur poids politique à la représentation nationale, à la presse et parfois aux Français.
Demain, les ministres qui réussiront ne seront pas ceux qui auront augmenté leur budget, mais ceux qui auront respecté les engagements pris dans le cadre de la LOLF. Émergeront donc de nouvelles stars que l'on ne connaissait pas forcément auparavant, qui valoriseront leur travail à travers les résultats obtenus. Voilà un point qui, à mon sens, changera beaucoup le regard des Français vis-à-vis des décideurs politiques.
Vous le voyez, à travers nos choix, nous assumons nos responsabilités. C'est d'autant plus important que nous aborderons le débat budgétaire à l'automne dans un contexte bien particulier, celui d'une année précédant l'élection présidentielle.
M. Guy Fischer. Ah bon ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'entends bien faire en sorte qu'à l'occasion de l'examen du projet de budget nous ayons un débat politique au sens noble du terme. Il faudra mettre les pieds dans le plat, et la majorité et l'opposition seront invitées à dire à quoi doit servir l'argent public.
Ce débat ne sera pas inutile, car gouverner, c'est aussi hiérarchiser les priorités, être cohérent avec les engagements que nous prenons devant les Français. De ce point de vue, ce budget nous permettra de prendre date. Et le choix sera simple.
Le premier choix, c'est celui de la responsabilité et du réalisme. Il faudra être capable de dire aux Français : « Nous financerons la totalité des priorités politiques sur lesquelles nous nous engageons et sur lesquelles vous attendez des résultats, à savoir les grandes missions régaliennes de l'État : la sécurité, la défense, la justice, l'éducation, l'emploi. »
Il faudra également veiller en permanence à moderniser l'État en évitant de dire systématiquement que l'administration fonctionne moins bien si l'on ne crée pas plus de postes. Nous sommes capables de faire la démonstration inverse et d'affecter les postes de fonctionnaire là où c'est nécessaire, là où nous avons besoin de moderniser notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai. Il manque de tout partout !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai beaucoup de respect pour le groupe communiste, mais je suis fatigué d'entendre depuis des années ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes fatigués aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... - je l'entendais déjà quand j'étais petit - l'idée selon laquelle l'administration fonctionne moins bien si l'on n'augmente pas sans arrêt les postes dans l'administration.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Alors que c'est l'inverse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez dire cela dans les hôpitaux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur ces sujets, on entend les mêmes propos démagogiques, et je le regrette !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit déjà les effets dans les écoles !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avec ce budget, il n'y aura aucune suppression de postes. Quant aux départs à la retraite non remplacés, ils seront démontrés, justifiés et documentés. Cela s'appelle l'engagement politique, la modernité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le disque du PC est rayé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les réactions que j'ai entendues à gauche de l'hémicycle me conduisent à évoquer le deuxième choix, dont vous avez été l'illustration souriante, madame Borvo Cohen-Seat (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP), mais tout de même criante. Je veux bien évidemment parler du choix classique de la dépense publique supplémentaire financée, comme d'habitude, avec plus d'impôt et plus de dette.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je me permets de vous dire que désormais, sur ce sujet, nous ne vous lâcherons pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous non plus !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. N'ayant pas encore eu le plaisir de lire le projet communiste, ...
M. Josselin de Rohan. Il n'y en a pas !
M. Roland Muzeau. C'est lequel le vôtre ? Celui de Villepin ou de Sarkozy ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et ayant quelques moments à perdre, je me suis livré à la lecture détaillée du projet socialiste. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Non seulement le compte est bon, mais en plus j'en ai eu pour mon argent.
M. Josselin de Rohan. Notre argent, l'argent des Français !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le parti socialiste ne l'avait pas chiffré, tant il avait peur d'y perdre ses lunettes. J'ai donc procédé à son évaluation, et je suis parvenu à 115 milliards d'euros, dont 104 milliards d'euros de dépenses éternelles et 11 milliards d'euros pour la seule renationalisation d'EDF.
M. Dominique Braye. Quand on aime, on ne compte pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même si ces politiques ont toutes échoué au cours du XXe siècle, il faut quand même qu'en 2006 la gauche- si elle est élue l'année prochaine -, ajoute la promesse de renationaliser EDF.
Avec un total de 115 milliards d'euros, c'est une telle horreur financière que le parti socialiste n'a toujours pas chiffré son projet ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Impatient, angoissé à l'idée que l'on puisse contester un travail aussi précis que celui que j'ai pu mener, j'attendais que le parti socialiste annonce mercredi le « contre-chiffrage ».
M. Dominique Braye. On l'attend !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or, hier matin, le parti socialiste a annulé la conférence de presse qu'il devait tenir. Il n'avait certainement pas fini de recompter. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. On aimerait mieux avoir le chiffrage des recettes !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je persiste et signe : le chiffre que j'ai indiqué est exact. Je suis d'ailleurs disponible pour un débat contradictoire sur ce sujet.
En d'autres termes, quand nous proposons de moderniser l'État, de financer nos priorités politiques tout en réduisant la dette publique et en dépensant mieux, vous proposez...
M. Josselin de Rohan. Le contraire !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...d'augmenter dans des proportions absolument folles les dépenses publiques.
MM. Dominique Braye et Alain Vasselle. Comme d'habitude !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et je ne parle pas à la légère. C'est 7 points de PIB supplémentaires !
M. Marc Massion. C'est faux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avec ces 7 points de PIB supplémentaires, nous arriverions à 61 % de dépenses publiques rapportées au PIB !
M. Jean-Claude Frécon. Vous êtes hors sujet !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même les Cubains n'ont pas osé faire cela ! (M. Dominique Braye rit.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et où trouveront-ils l'argent pour financer ces dépenses ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général. Où vont-ils trouver l'argent ?
M. Guy Fischer. Dans les stocks-options !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et dans le CAC 40 !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ils pensent à la bonne vieille formule : « Faire payer les riches. » C'était Georges Marchais qui le disait déjà lorsque j'étais enfant. Ils n'ont pas changé. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. A l'époque, il y avait encore des frontières.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous faites payer les pauvres !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, je vous prie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour ma part, j'ai des doutes. (Brouhaha.) Depuis que je suis devenu ministre du budget, je me demande s'il y aura encore suffisamment de riches en France qui pourront payer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rassurez-vous ! Il y en a de plus en plus, des riches !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le monde a changé depuis Georges Marchais, mais sans vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai ! Aujourd'hui, les pauvres ont de moins en moins et les riches ont de plus en plus !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. À force, les riches se sont délocalisés en nombre important. Cela risque de poser quelques problèmes. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Qu'est-ce que cela signifie, madame Borvo Cohen-Seat ? Ce sont encore les classes moyennes, c'est-à-dire ceux qui travaillent et qui n'ont droit à rien, qui devront payer.
M. Dominique Braye. C'est évident !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous, nous présenterons un projet politique dans lequel nous aurons à coeur que les classes moyennes,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et M. Marini qui fustige les fonctionnaires ! C'est une honte !
M. le président. Un peu de silence, je vous prie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... qui travaillent pour soutenir l'économie du pays, l'emploi et l'investissement, puissent continuer à le faire dans une société de respect. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Fustiger les fonctionnaires ! Quelle honte !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Attendez, madame Borvo Cohen-Seat ! Je n'ai pas complètement terminé. (Exclamations.)
Je souhaitais évoquer un dernier point avant de lancer le débat. Nous aurions pu croire que les Français se laisseraient prendre à un projet socialiste qui rase gratis à 115 milliards d'euros.
Or il y a eu un sondage sur le sujet. Et, puisque la gauche est toujours prompte à commenter les sondages quand ils ne sont pas bons pour le Gouvernement, permettez-moi d'évoquer - une fois n'est pas coutume - un sondage sur le projet socialiste. Là encore, j'en ai eu pour mon argent.
Selon ce sondage, qui a été réalisé voilà quelques jours par l'institut BVA, 60 % des Français jugent ce projet irréaliste...
M. Jean-Claude Frécon. Vous avez loué l'hémicycle pour organiser un meeting de l'UMP ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...et 65 % d'entre eux considèrent qu'il ne donne pas envie de voter pour un candidat socialiste.
M. Josselin de Rohan et M. Dominique Braye. Les socialistes rasent gratis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et votre Gouvernement est soutenu par 20 % des Français à peine !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes. Mais, comme on nous parle toujours des sondages sur le Gouvernement, il n'est, me semble-t-il, pas forcément inutile que vous connaissiez également les sondages à propos du parti socialiste.
J'ajoute que ce projet est seulement socialiste. Vous n'avez pas encore signé avec les communistes, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes. Le jour où vous le ferez, vous doublerez la facture. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ridicule !
M. Roland Muzeau. Apparemment, vous commencez à trembler !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Là, je peux vous dire que nous aurons véritablement de quoi méditer sur la différence entre la gauche et la droite.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas dans un meeting politique !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les points que je souhaitais aborder pour vous présenter ces orientations budgétaires.
Je suis très content d'avoir suscité votre émotion, madame Borvo Cohen-Seat. (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous intéressez beaucoup à moi en ce moment ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela me permet de rappeler qu'en politique, au sens noble du terme, il y a une différence entre la majorité et l'opposition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai ! Avec vous, il n'y a même pas 20 % de social !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit d'un débat de fond à propos duquel nous aurons l'occasion de nous opposer tout au long de l'automne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Trucy. Ah ! Il est vraiment bon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est affligeant !
M. Guy Fischer. Ils ne changeront jamais !
M. Josselin de Rohan et M. Dominique Braye. Les communistes défendent le projet socialiste !
M. Roland Muzeau. Sauf que nous, nous voulons le SMIC à 1 500 euros tout de suite !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande un peu de silence afin de poursuivre notre débat.
M. Alain Vasselle. Maintenant nous allons voir comment nous serons soignés !
M. Guy Fischer. M. Bertrand va nous endormir !
M. Roland Muzeau. Il va nous parler des exonérations non compensées !
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d'orientation sur les finances sociales qui nous réunit aujourd'hui constitue une avancée importante introduite par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
En effet, au moment où le Gouvernement s'engage dans la phase d'élaboration et de préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est essentiel pour le Parlement de disposer d'une présentation générale des orientations et des grands équilibres financiers pour pouvoir mieux préparer les choix budgétaires que nous serons amenés à effectuer à l'automne.
Un impératif de cohérence s'impose plus que jamais dans le pilotage des finances publiques. C'est dans cet esprit que nous travaillons en compagnie de Philippe Bas, de Thierry Breton et de Jean-François Copé.
C'est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre, dans le prolongement de la Conférence nationale des finances publiques, présidée par le Premier ministre. Celle-ci s'est tenue le 11 janvier dernier et a rassemblé le Gouvernement, le Parlement, le Conseil économique et social, les associations d'élus locaux, les partenaires sociaux et les représentants des organismes de protection sociale.
Souhaitant placer notre pays sur la voie de l'équilibre des comptes publics et mettre en oeuvre la stratégie de désendettement que Thierry Breton vient de détailler, le Premier ministre a assigné aux finances sociales deux objectifs.
D'une part, le retour à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale devra être effectif à l'horizon 2009.
D'autre part, afin de tenir compte de la nécessaire hausse des dépenses sociales dans notre pays, notamment pour faire face aux besoins croissants dus aux effets du vieillissement et au progrès médical, nous souhaitons que l'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations de sécurité sociale soit de plus 1 % au-delà de l'inflation.
C'est dans ces perspectives, et dans le prolongement des réformes engagées, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 sera conçu. Il sera ensuite discuté à l'automne.
Je centrerai d'abord mon propos sur les implications sur l'assurance maladie et, par voie de conséquence, sur les dépenses de santé.
Le retour à l'équilibre de la branche maladie du régime général en 2009 suppose que les dépenses d'assurance maladie évoluent en moyenne sur la période de 2,2 % en valeur, soit 0,4 % en volume, sur la base d'une hypothèse d'inflation à 1,8 %.
Cela implique la poursuite de l'inflexion déjà constatée des dépenses d'assurance maladie que nous enregistrons depuis 2004 grâce à la réforme de l'assurance maladie.
Les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, ont augmenté de 6,4 % en 2003, de 4,9 % en 2004 et de 3,9 % en 2005, 2005 étant la première année depuis 1997 au cours de laquelle l'ONDAM adopté par le Parlement a été respecté.
Pour 2006, l'objectif est clair : nous visons une progression de 2,5 %. Nous sommes donc résolument sur la voie de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Nous avons notamment enrayé les rythmes de croissance atteints par le passé.
Il nous faut donc poursuivre dans cette voie. Les tendances qui se dégagent depuis le début de l'année sont d'ailleurs constantes. Mois après mois, on constate une modération des dépenses, en particulier s'agissant des soins de ville. Entre le mois de janvier et le mois de mai de cette année, ces dépenses ont augmenté de 1,4 % seulement par rapport à l'année 2005.
La conséquence de cette modération des dépenses est la réduction très claire du déficit de l'assurance maladie. Après avoir atteint 11,6 milliards d'euros en 2004, ce déficit a été ramené à 8 milliards d'euros en 2005. Sans la réforme que la majorité a adoptée, il aurait été de 16 milliards d'euros.
En 2006, le déficit sera à nouveau significativement réduit, pour se situer légèrement au-delà de 6 milliards. En 2007, notre objectif est de continuer clairement sur cette trajectoire en visant un déficit inférieur à 4 milliards d'euros.
Cela signifie que le déficit de la branche maladie aura été divisé par quatre en moins de trois ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et ce n'est pas négligeable, loin de là !
M. Guy Fischer. Mais les chiffres sont truqués !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quand on est attaché à la pérennité de notre système de sécurité sociale, on doit effectivement se féliciter de tels résultats, qui sont notamment dus à l'action des Français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela fait beaucoup de chiffres. C'est d'ailleurs normal dans le cadre d'un débat d'orientation budgétaire.
Pourtant, ces chiffres ne constituent pas une fin en soi. Ce que nous voulons, en revenant à l'équilibre financier, c'est sauvegarder notre système de sécurité sociale en le modernisant et en l'améliorant.
C'est d'ailleurs en cela que la réforme issue de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie se distingue des autres « plans de sauvetage » qui l'ont précédée. Elle n'a pas contenu, et je l'assume, de mesure par essence brutale ou spectaculaire.
Il s'agit au contraire d'une réforme structurelle, qui vise à soigner mieux en dépensant mieux. Cela repose sur des changements de comportement et place la qualité au premier plan. Selon nous, le redressement financier de l'assurance maladie va de pair avec une politique de santé plus ambitieuse. Nous sommes donc animés par une approche qualitative et structurante sur le long terme.
À cet égard, l'essor du parcours de soins autour du médecin traitant est une réussite. Plus de 40 millions d'assurés sociaux ont aujourd'hui choisi leur médecin traitant. En outre, 78 % des consultations s'effectuent dans le cadre du parcours de soins et moins de 2 % seulement sont des consultations hors parcours de soins, la personne ayant consulté directement un spécialiste alors qu'elle avait un médecin traitant.
La maîtrise médicalisée est également un succès. Rappelez-vous pourtant les « Cassandre », qui nous disaient que celle-ci ne fonctionnerait jamais. Elle est le fruit d'une attention plus grande des professionnels aux conditions de prescription, s'agissant tant des médicaments que des indemnités journalières.
Un tel engagement nous a permis d'obtenir des résultats concrets et favorables. Ainsi, avec l'avenant n° 12 à la convention nationale des médecins, qui a été signé cette année, l'objectif est de 800 millions d'euros pour l'année 2006 et de 600 millions d'euros pour l'année 2007.
Nous sommes donc engagés sur une dynamique qui nous permet également de maîtriser les dépenses en évitant les charges inutiles.
Année après année, la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, ou la Cour des comptes nous indiquent qu'il y a entre 6 milliards et 8 milliards d'euros de dépenses inutiles dans notre système. Pouvons-nous continuer à nous satisfaire de ce constat sans engager les solutions permettant d'y mettre un terme ?
Ces dépenses inutiles pèsent non seulement sur notre déficit, mais nous aurions en plus besoin de ces 6 milliards à 8 milliards d'euros pour investir dans notre système de santé.
Voilà pourquoi nous avons décidé notamment que les examens inutiles, qui représentaient un surcoût compris entre 1 milliard et 1,5 milliard d'euros par an, devaient également constituer une priorité. Nous devons y mettre un terme.
Le secteur du médicament constitue également un élément important de notre politique de redressement.
Nous comptons notamment sur les génériques, qui nous ont permis d'économiser en 2005 au total 234 millions d'euros supplémentaires, dont 170 millions d'euros au titre de l'augmentation de leur pénétration.
Je le rappelle, les accords qui ont été signés entre l'assurance maladie, les pharmaciens et les médecins prévoyaient une progression de la substitution avec un objectif de 70 % à la fin de l'année.
Ces engagements seront non seulement tenus, mais ils seront même très certainement dépassés. En effet, si l'objectif est de 70 % au 31 décembre, nous avions déjà atteint un taux de 67,3 % au 14 juin.
Nous avons donc fait le choix de renoncer à la généralisation du tarif forfaitaire de responsabilité, le TFR, qui avait été envisagée initialement. Nous avons accordé notre confiance au pharmacien et cette confiance n'a pas été démentie par les faits.
Ensuite, la politique des prix est un ressort important, qui a permis de dégager 365 millions d'euros supplémentaires en 2005.
La question des grands conditionnements constitue également un aspect attendu par nombre de Français, à la fois parce que le dispositif relève du bon sens, mais également parce qu'il permet des économies. Ainsi, plus de vingt médicaments sont désormais disponibles en conditionnement de trois mois. Leur délivrance produira ses effets à partir du deuxième semestre 2006.
Au total, toutes les mesures adoptées dans le secteur du médicament produisent leurs effets. Ce qui est encourageant, c'est que nous assistons enfin à un infléchissement indéniable des dépenses médicamenteuses sur les premiers mois de l'année. Les dernières données font état d'un taux d'évolution de seulement 1,8 %pour le mois de mai, contre 2,2 % au mois d'avril, 3,9 % au mois de mars, 4,6 % au mois de février et 5,7 % au mois de janvier.
Pour leur part, les établissements de santé se sont engagés dans les réformes structurelles prévues par le plan « Hôpital 2007 ». La part de tarification à l'activité s'élève aujourd'hui à 35 % pour les établissements publics et privés participant au service public.
Le Gouvernement a également entrepris des travaux de mesure des charges spécifiques en vue d'une convergence réussie entre les tarifs des établissements publics et des établissements privés.
Parallèlement, la rationalisation des achats et l'amélioration du contrôle de gestion et des systèmes d'information permettront également au secteur hospitalier de pouvoir répondre aux objectifs de santé que nous lui avons assignés, tout en proposant les meilleurs services et soins aux meilleurs coûts. Comme le dit souvent le président Nicolas About, il s'agit de « soigner mieux en dépensant mieux ».
Enfin, il nous faut développer la prévention, qui est une condition pour garantir à terme la maîtrise durable des dépenses d'assurance maladie et pour améliorer l'état de santé des Français.
En complément de la dynamique instaurée par la réforme de l'assurance maladie, il y a la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
Je pense également à toute la stratégie de prévention. Nous devons aujourd'hui mettre résolument le cap sur la prévention, tout en ayant aussi à l'esprit que le suivi et les résultats des plans de santé publique et des plans stratégiques en matière de santé sont pour nous une évidence au jour au le jour.
C'est grâce à l'ensemble de ces actions, fidèles à la logique de maîtrise médicalisée des dépenses, que nous continuerons à dégager des marges de manoeuvre pour améliorer la qualité de notre système de santé et renforcer l'accès aux soins.
La majorité a notamment voté des mesures qui ont permis de revaloriser l'aide à la complémentaire. Grâce à cela, celles et ceux qui ont longtemps été considérés comme trop riches pour pouvoir bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU, et qui ne l'étaient pas suffisamment pour pouvoir se payer une complémentaire pourront enfin en avoir une. En effet, le Président de la République a souhaité un relèvement du plafond de revenus des bénéficiaires de ce dispositif.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 permettra de mettre en oeuvre cette mesure, qui profitera à 900 000 personnes supplémentaires.
J'en viens maintenant aux orientations régissant les politiques de sécurité sociale.
La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a confié aux partenaires sociaux la mission de faire des propositions au Gouvernement et au Parlement, afin de réformer et de moderniser la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les partenaires sociaux ont constitué des groupes de travail. Un accord a déjà été trouvé sur une réforme de la gouvernance.
S'agissant de la tarification, qui constitue aussi un levier en matière de prévention, il convient d'en revoir les modalités dans la mesure où les règles actuelles sont franchement peu lisibles et surtout peu sensibles à la sinistralité propre à chaque entreprise.
Le Gouvernement est attaché à ce que les négociations avancent rapidement de manière qu'il puisse, avec le Parlement, prendre ses responsabilités dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Pour ce qui est de la branche vieillesse, le Gouvernement a proposé en 2003 une réforme structurelle et globale qui garantit l'avenir de notre système par répartition. Son adoption reflète un consensus sur la nécessité de préparer d'ores et déjà les échéances démographiques à venir, notamment à l'horizon 2020. La réforme des retraites constitue aussi un processus continu, dans le prolongement des réflexions de long terme sur le fondement du diagnostic du Conseil d'orientation des retraites, le COR.
Nous respecterons le calendrier et les échéances fixées en 2003. Des rendez-vous ont été pris, le premier d'entre eux étant fixé en 2008, date à laquelle le Gouvernement transmettra un rapport à la représentation nationale, qui sera rendu public et discuté.
Ce rapport permettra notamment, grâce aux travaux du COR, d'analyser tous les effets de la réforme et d'envisager, le cas échéant, les mesures complémentaires, au-delà de la consolidation des mesures-clés de 2003.
La dynamique des prestations vieillesse observé en 2006 a conduit la commission des comptes de la sécurité sociale à réactualiser à la hausse ses prévisions de déficit de la branche retraite, en raison d'une forte montée en charge des départs anticipés des salariés ayant effectué de longues carrières. Ce dispositif, nécessaire à l'équilibre à long terme de la réforme des retraites, rencontre un succès plus important que prévu. Cela montre bien quelle était l'attente dans le pays. Ces mesures représentent un coût de 1,8 milliard d'euros en 2006 et pèse sur les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Au-delà de ces effets à court terme, la mise en oeuvre de la réforme des retraites permettra d'améliorer les perspectives financières de la branche vieillesse. Dans son rapport, le COR évalue l'impact de la réforme d'août 2003 sur le régime général à près de 50 % du besoin de financement à l'horizon 2020.
Par ailleurs, nous savons que le redéploiement des cotisations chômage lié à la baisse engagée et progressive du chômage permettra d'équilibrer le régime général. Ainsi, la politique pour l'emploi du Gouvernement, qui a déjà permis une baisse de 200 000 du nombre de chômeurs en un an, est l'un des facteurs de redressement structurel du régime général.
Il faut également souligner l'enjeu fondamental que constitue le niveau d'emploi des séniors pour la viabilité financière de nos régimes de retraite. Cela déterminera notre capacité à conserver un haut niveau de retraite.
La politique de la famille constitue aussi un volet important des dépenses de protection sociale : elle représente près de 50 milliards d'euros, dont 62 % sont gérés par la branche famille du régime général de sécurité sociale. Interviennent également les collectivités locales, notamment au travers de l'action sociale en direction des enfants, la branche maladie, qui prend en charge les dépenses de maternité, ou encore l'État, en tant qu'employeur ou par le financement des bourses, qu'elles soient scolaires ou universitaires.
La politique familiale se traduit par ailleurs par la gratuité des services publics, en particulier l'éducation, ou d'importantes dépenses fiscales.
Au cours de ces dernières années, la conciliation de la vie familiale et professionnelle a constitué un élément structurant de la réorientation des politiques familiales. Ainsi, ce n'est pas un hasard si la France connaît aujourd'hui le taux de fécondité le plus élevé d'Europe continentale. Et si, dans le même temps, le taux d'activité des femmes y est l'un des plus forts, cela reflète le succès de la politique que vous avez soutenue et votée. (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Le travail des femmes favorise en effet la natalité, à condition qu'une politique ambitieuse permette de concilier vie familiale et professionnelle.
C'est précisément pour faciliter les choix familiaux que la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, a été instaurée au 1er janvier 2004. Cette prestation connaît un succès dépassant les espérances puisque, d'ici à la fin de l'année, elle concernera 250 000 bénéficiaires, au lieu des 200 000 prévus. Cette montée en charge rapide a entraîné une progression plus dynamique que prévue des dépenses de la branche famille, qui ont crû de plus de 10 % entre 2004 et 2005. Cette prestation devrait toutefois avoir achevé sa montée en charge d'ici à la fin de l'année 2006.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont aujourd'hui, clairement, les dynamiques sur lesquelles nous sommes engagés. Nous sommes fidèles à la feuille de route tracée par le Président de la République s'agissant du retour à l'équilibre des comptes publics.
En ce qui concerne plus particulièrement la réforme de l'assurance maladie, je souligne de nouveau que celle-ci est en marche. Si la sécurité sociale n'est pas encore aujourd'hui complètement guérie, reconnaissons qu'elle va mieux, ce dont nous pouvons nous réjouir. Cette réforme produit ses résultats et nous allons amplifier en 2006 et en 2007 les dynamiques mises en oeuvre.
C'est toute la logique de la réforme souhaitée par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Il s'agit donc d'un travail de longue haleine, nécessitant un suivi de la réforme, ainsi qu'une véritable constance. C'est dans cet esprit que j'ai décidé de mettre en place, depuis le début du printemps, un comité de suivi de la réforme de l'assurance maladie et de pilotage de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, qui réunit le directeur de la sécurité sociale, le directeur des hôpitaux, le directeur général de la santé, ainsi que le président du comité économique du médicament et le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, afin de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande réactivité, c'est-à-dire, tout simplement, pour suivre l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Ces réformes reposent avant tout sur des changements de comportement. Elles supposent aussi des évolutions, qu'il faut ancrer dans la durée. C'est dans cet esprit que Philippe Bas et moi-même travaillons. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s'inscrira dans cette même logique, une logique de réussite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rendez-vous de ce jour est une première, car en décidant d'organiser un débat d'orientation conjoint sur l'ensemble des finances publiques, celles de l'État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales, nous nous efforçons de mettre en perspective la situation de nos finances publiques. Ainsi, nous marquons de notre empreinte, à un moment crucial, les prochaines discussions de l'automne.
Nous souscrivons pleinement à votre engagement national de désendettement et à vos orientations, messieurs les ministres. C'est une nécessité ! La Cour des comptes elle-même n'a-t-elle pas rappelé que 2005 prolonge les tendances antérieures ?
S'agissant du fond de nos débats, en vous renvoyant pour l'essentiel à l'excellent rapport de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, je centrerai mon intervention sur la nécessaire recherche de la compétitivité. Sans compétitivité, la croissance ne sera pas durable. Sans compétitivité, les ressources de notre système de prélèvements obligatoires seront décevantes. Sans compétitivité, le chômage restera à des niveaux socialement insupportables. Sans compétitivité, notre pacte social ne manquerait pas de se déliter.
Certes, la compétitivité ne se décrète pas, mais nous disposons, me semble-t-il, de deux puissants leviers pour la favoriser.
Le premier, c'est la nécessaire et indispensable réforme de l'État, pour laquelle nous pouvons compter sur un outil puissant et largement consensuel : la LOLF. Nous venons d'en percevoir le potentiel, la puissance latente, pour peu que la volonté politique s'en empare.
Le second levier consiste à sortir du chemin de la croissance atone et, pour cela, à alléger les charges pesant sur la production qui est aisément délocalisable - dans un marché global, les emplois ne manquent pas de suivre - en les reportant sur les produits ; j'y reviendrai dans un instant.
J'évoquerai d'abord l'indispensable réforme de l'État.
Il faut mettre fin à cette accoutumance à la dépense publique, qui constitue l'une des tristes caractéristiques du modèle social français actuel et qui ne nous a pas pour autant permis de renouer avec la compétitivité.
Nous devrions ainsi connaître en 2006, s'agissant de l'État seul, un déficit budgétaire quotidien de près de 125 millions d'euros, car l'État s'autorise, nous le savons bien, ce qu'aucun ménage ni aucune collectivité locale ne pourrait faire : il dépense 20 % de plus que ce qu'il perçoit !
Le corollaire en est l'explosion du montant de la dette publique, qui atteint un niveau historiquement élevé et de moins en moins supportable, ainsi que la commission Pébereau l'a souligné, sans, du reste, faire l'objet d'aucune contestation.
Si l'on ajoute à cette charge les engagements hors bilan résultant du poids des retraites des fonctionnaires - estimé à plus de 800 milliards d'euros par la Cour des comptes, à 430 milliards par la commission Pébereau -, c'est un stock de dette latente correspondant à plus de deux années de produit intérieur brut que nous devons supporter. Je n'ose même pas mesurer le poids effectif des dettes du secteur public. Au total, ce sont donc près de 2 000 milliards d'euros qui doivent être inscrits au passif du bilan de l'État.
Dans le prolongement des travaux de la commission Pébereau, vous disposez, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une seconde occasion pour faire de la pédagogie. Je sais que vous mesurez l'importance que prendra le bilan d'ouverture : en application de la LOLF, le Gouvernement doit établir au 1er janvier 2006 ce bilan qui recensera les actifs et les passifs de l'État.
Croyez bien que la commission des finances veillera à ce que tous les actifs soient correctement évalués et à ce qu'aucun passif ne soit sous-estimé, et ce afin de nous permettre de disposer d'un état des lieux clair, d'une solide base de référence.
Messieurs les ministres, toute omission de dette directe ou indirecte - je pense aux pensions du mois de décembre, payées en janvier de l'année suivante, soit un peu plus de 3 milliards d'euros ; je pense aux régimes spéciaux de retraite, ou bien encore à des entreprises publiques dont chacun sait que la liquidation se soldera par la reprise d'une dette par l'État -, toute sous-évaluation de provisions, toute sous-estimation des obligations à assumer remontera à la surface dans les prochaines années, effacera les bons résultats attendus, neutralisera les signes positifs, polluera tous les messages encourageants.
À cet égard, j'aimerais que vous nous indiquiez dans quels délais vous envisagez de nous présenter ce bilan du patrimoine de l'État au 1er janvier 2006.
M. Jean-Claude Frécon. M. le ministre n'a pas le temps : il fait les comptes du parti socialiste !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne doute pas qu'y seront inscrits - je ne cite que le seul ministère de la défense - les 2,1 milliards d'euros de factures impayées au 31 décembre 2005.
Je sais bien que les PME qui avaient assuré les prestations et les fournitures ont pu mobiliser leurs créances. Autrement dit, au 31 décembre 2005, il y avait des créances reconnues par des entreprises qui pouvaient être négociées auprès des banques, mais l'État n'avait pas constaté sa dette. Par conséquent, au 31 décembre 2005, messieurs les ministres, il faudra bien constater ces 2,1 milliards d'euros, de même que les 45 milliards d'euros de reste à payer sur les dépenses d'équipement militaire, qui représentent à elles seules trois années de la loi de programmation militaire !
La discussion de la loi de règlement a été très instructive et significative. Quatorze ministres sont venus devant le Sénat ; les auditions étaient ouvertes à l'ensemble des sénateurs et au public. Quatre débats ont eu lieu hier et avant-hier. À l'occasion de ces débats, nous avons constaté que la plupart des ministères concernés avaient, ici ou là, des dettes impayées. Nous tenons cet état à votre disposition, messieurs les ministres.
Adepte d'un langage de vérité, vous avez proclamé l'année dernière, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que la France vit au dessus de ses moyens.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà des propos forts, que nous entendons bien, parce qu'ils sonnent juste.
À ce titre, l'annonce faite, grâce à une gestion de la fonction publique plus dynamique, moins statique, de la création de 4 000 postes de fonctionnaires, largement compensée par la suppression de 19 000 emplois, pour une large part non pourvus, va dans le bon sens. Nous sommes donc nombreux à vous soutenir dans cette démarche reposant sur plus de transparence et de sincérité dans la présentation des comptes publics.
Efforçons-nous donc de cultiver l'esprit de la LOLF afin de mieux préserver le consensus qu'elle a suscité et de tenter, ensemble, d'y voir clair. Mettons de la lumière dans chaque pièce de la maison publique. Mais, mes chers collègues, ne nous leurrons pas ; la LOLF n'est qu'un cadre d'action, un mode d'emploi du budget et, en aucun cas, elle ne définit la politique à suivre. C'est un aiguillon certes puissant, mais qu'il faut savoir ou vouloir utiliser. Elle n'est rien sans détermination et volonté politique. Or, chacun le sait, la réforme est difficile à mettre en oeuvre et, surtout, aucune réforme n'est à effet immédiat. Les effets bénéfiques ne se font sentir qu'à moyen terme, selon un calendrier qui n'est pas toujours en phase avec le calendrier politique.
Mais la réforme de l'État ne pourra, seule, nous permettre de renouer avec la compétitivité de la « maison France ». Oui, le chantier de la réforme de l'État est incontournable, mais il nous faut également rompre avec la croissance atone.
Certes, ainsi que vous l'avez rappelé ce matin, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les indices sont encourageants. Veillons à ce que ces bonnes nouvelles ne constituent pas autant d'arguments pour encourager les conservatismes et les corporatismes et justifier leur immobilisme.
Nous le savons tous, pour porter remède à la situation actuelle de nos finances publiques, il faut réformer. Et les bonnes réformes, au stade où nous en sommes, passeront nécessairement par des ruptures.
En ce domaine comme dans d'autres, n'hésitons pas à nous comparer à ceux qui ont su redimensionner le champ des interventions publiques sans nuire, bien au contraire, à la qualité du service public, à comprendre ceux qui ont mené à bien leurs réformes structurelles.
Dans un monde globalisé où s'accélèrent les mutations, changeons nos schémas de pensée pour les adapter aux contraintes du troisième millénaire, faute de quoi nos précieux atouts vont s'altérer chaque jour un peu plus.
Nous devons ainsi, afin de préserver la qualité de nos services publics et notre cohésion sociale, faire évoluer notre système de prélèvements obligatoires.
A l'ère de la globalisation, des entreprises nomades, des délocalisations réelles ou masquées, il nous faut réfléchir à la possibilité d'asseoir l'impôt non plus sur les facteurs de production, désormais volatiles - les productions sont aujourd'hui très facilement délocalisables - mais sur d'autres assiettes, notamment les produits.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cessons, en ce domaine, de demander de nouvelles contributions ou de nouveaux rapports à des experts pour utiliser ce qui existe déjà.
À ce titre, je me félicite tout particulièrement des déclarations qui appellent à renouer avec la valeur « travail » et à envisager pour ce faire une très large palette de moyens.
Tous ceux qui veulent travailler plus - ils sont nombreux -, tous ceux qui sont désireux d'entreprendre - ils sont également nombreux - attendent des gages de liberté et de compétitivité. Il est donc temps de redessiner notre horizon fiscal, avec des mesures simples, lisibles, compréhensibles, expurgées des niches et autres exonérations « ciblées »...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...qui pervertissent notre code général des impôts et que le Conseil constitutionnel, après la Cour des comptes, a dénoncées
Ce grand chantier ne peut se concevoir sans une réhabilitation de l'entreprise, car c'est elle qui crée de l'emploi, qui diffuse la richesse. Cessons donc de demander à nos entreprises de prendre en charge la solidarité édictée par les États pour faire vivre la cohésion sociale et organisons un nouveau partage des tâches : aux entreprises, la responsabilité de l'activité, de l'investissement, de la création de richesses et d'emplois ; aux citoyens, le financement de la solidarité.
Donnons en particulier des gages aux petites et moyennes entreprises : c'est le tissu des PME qui fait la croissance. Je sais bien que les entreprises du CAC 40 sont notre fierté - plus de 80 milliards d'euros de bénéfices et plus de 30 milliards d'euros de dividendes -, mais, au final, bien peu d'emplois y sont créés et des pressions sont parfois exercées sur les fournisseurs pour les inciter à produire ailleurs et à délocaliser leurs emplois, sans parler de quelques cas infimes qui laissent à penser que, dans cette financiarisation à outrance, certains dirigeants peuvent être atteints par la folie de l'argent.
Mme Nicole Bricq. Parlons-en, au contraire !
M. Jean Arthuis., président de la commission des finances. De toute évidence, l'avenir du pays, la croissance, la création d'emplois dépendent des petites et moyennes entreprises.
Parmi les signes les plus tangibles, figure la réforme fondamentale des prélèvements obligatoires.
Tel est le sillon que notre commission trace depuis de nombreuses années et qui, chaque jour, s'élargit et s'approfondit. La « TVA sociale », puisque c'est d'elle qu'il s'agit, doit devenir un thème central de réflexion, et je me félicite que, chaque jour, le nombre de ses disciples s'accroisse.
J'ai bien dit « TVA sociale », et non pas « taxe sur la valeur ajoutée des entreprises ». En effet, cette dernière serait une invention diabolique, qui constituerait une seconde taxe professionnelle, dont nous mesurons les effets quelque peu corrosifs sur l'investissement et sur l'emploi.
Je souhaite que ce débat puisse venir devant l'opinion publique, car il est, à mon avis, l'une des grandes orientations pour stimuler la croissance et sortir de ce niveau d'activité dont la progression est malheureusement atone.
Ainsi, à taux de prélèvement global inchangé, les cotisations sociales assises sur le salaire seront diminuées au profit d'un prélèvement reposant sur l'assiette la plus large, touchant toutes les activités, qu'elles soient nationales ou réalisées hors de nos frontières. Le Danemark et les autres pays scandinaves se sont engagés dans cette voie. Leur réussite est une référence !
L'on pourrait ainsi régler le douloureux problème du plombier polonais. En effet, celui-ci paie a priori ses cotisations sociales en Pologne alors qu'il travaille en France. Si la TVA devient le vecteur du financement de la protection sociale, lorsque le plombier polonais interviendra à Paris ou dans n'importe quel village français, il acquittera une TVA qui participera au financement de la protection sociale en France.
À nous, en liaison avec le Gouvernement, de prendre notre destin en main, de tracer les orientations budgétaires et fiscales au service de la compétitivité de demain et des emplois d'après-demain.
Tel est le sens de notre engagement. Soyez assurés, messieurs les ministres, que nous serons toujours à vos côtés dans cette démarche de lucidité et de courage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation sur les finances sociales qui a lieu ce matin est une première dont je me félicite.
En effet, ces dernières années, nous nous raccrochions au débat d'orientation budgétaire, sans vraiment y être invités. Cette année, nous intervenons conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005 qui, dans son article 6, a prévu la possibilité de ce débat.
Pour les membres de la commission des affaires sociales, ce débat est très important et je voudrais m'arrêter un instant sur les conditions dans lesquelles il a lieu.
L'article LO 111-5-3 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi organique du 2 août dernier, prévoit deux choses : d'une part, un rapport, d'autre part, un débat.
Le rapport, impérativement déposé au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, doit être consacré aux orientations des finances sociales et comporter deux éléments : premièrement, une description des grandes orientations de la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale au regard des engagements européens de la France ; deuxièmement, une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'ONDAM.
Le débat, qui n'est pas obligatoire, est organisé sur la base de ce rapport, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il peut être concomitant du débat d'orientation budgétaire, mais, là encore, la loi ne l'impose pas. Or que se passe-t-il cette année ?
Un rapport a bien été déposé par le Gouvernement la semaine dernière. Mais celui-ci ne répond pas tout à fait aux exigences de la loi organique et ne concerne pas exclusivement les finances sociales.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Intitulé « Engagement national de désendettement », il englobe à la fois des considérations sur l'économie nationale, la présentation de mesures destinées à renforcer le pilotage des finances publiques, tant centrales que locales ou sociales, et les principales orientations aussi bien des finances de l'État que des finances sociales.
Malheureusement - et n'y voyez pas une critique -, sans doute préparé par les services de Bercy, ce document noie un peu les finances sociales dans la masse. À la page 35, par exemple, seul est mentionné le caractère « préparatoire au débat d'orientation budgétaire » de ce rapport, malgré le souci affiché du Gouvernement de renforcer la coordination entre les finances de l'État et les finances sociales.
En outre, contrairement à la lettre de la loi organique, ce document ne comporte aucune évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale et encore moins de l'ONDAM. Seul est rappelé l'objectif d'un retour à l'équilibre du régime général à l'horizon 2009, ce qui est un peu maigre, vous en conviendrez. Là encore, les scénarios pluriannuels décrits pour les recettes et les dépenses du budget de l'État sont bien plus développés et étayés par une analyse plus approfondie.
Notre commission a décidé de considérer cette première application des nouvelles règles de la LOLFSS comme un « galop d'essai »...
M. Roland Muzeau. Un échec !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... qui devra être amélioré l'an prochain. Ainsi, nous souhaitons que le rapport qui sera établi l'année prochaine laisse plus de place aux finances sociales et qu'il soit plus rigoureux dans sa présentation, sur la partie qui nous concerne, bien sûr.
M. Guy Fischer. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, pour en finir avec ces questions de procédure, je voudrais vous faire part d'un très vif désir que M. Alain Vasselle et moi-même avons pour le prochain PLFSS : la commission des affaires sociales souhaite vous entendre, monsieur le ministre délégué au budget, dès la présentation en conseil des ministres du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Une telle audition n'a jamais eu lieu. Compte tenu des imbrications entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, elle me paraît aujourd'hui indispensable. S'y ajoute le fait que les finances sociales sont désormais devenues, pour ainsi dire, la variable d'ajustement des finances de l'État. Il serait bon que le ministre délégué au budget - directement concerné par cet état de fait - vienne en rendre compte devant notre commission.
M. Guy Fischer. On s'y préparera !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le ministre de la santé et le ministre délégué à la sécurité sociale, que nous entendrons aussi, bien sûr, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... car ils sont les principaux responsables de la bonne gestion des finances sociales, n'ont en effet pas la chance de maîtriser tous les cordons de la bourse ni toutes les ficelles des comptes. Aussi, pour que nous puissions voter en toute connaissance de cause le budget social de la nation, nous avons besoin de vos explications, monsieur le ministre délégué au budget.
Le décor du débat étant planté, j'en viens maintenant à la présentation d'une série d'observations sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale lui-même ; M. Alain Vasselle vous exposera ensuite les remarques de notre commission sur l'évolution des finances sociales.
Je rappellerai d'abord les insuffisances que nous avons relevées dans ce projet de loi voilà quelques mois et que nous vous avons demandé de corriger, messieurs les ministres, demande que je réitère aujourd'hui.
Si ces insuffisances sont bien naturelles pour une première application du nouveau cadre organique, il nous avait paru important de les recenser, car des améliorations peuvent et doivent y être apportées, afin que l'intention du législateur organique soit pleinement respectée.
Il conviendra donc de renforcer le cadrage pluriannuel en développant l'annexe B, de façon à justifier plus solidement les évolutions prévues, et en présentant plusieurs scénarios, à l'image de ce qui existe dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.
Ainsi, dans le document de l'année dernière, le Gouvernement nous indiquait que la masse salariale progresserait en moyenne de 4,45 % par an jusqu'en 2009 et que l'augmentation annuelle de l'ONDAM serait contenue à 2,2 %. Aucune explication développée n'était donnée sur le moyen de parvenir à ces chiffres. Il en est de même dans le document qui sert de base à notre débat de ce matin. Il faudra absolument que cela change dans le prochain PLFSS.
De même, il conviendra de fournir, dans l'exposé des motifs du projet de loi, les raisons des diverses évolutions envisagées, notamment pour les prévisions de dépenses, de recettes et d'équilibre. Dans le texte de l'année dernière, aucun des tableaux d'équilibre, des prévisions de recettes ou de dépenses n'était justifié.
Il serait par ailleurs souhaitable que les montants inscrits dans le projet de loi soient présentés en millions d'euros et non en milliards arrondis à la centaine de millions d'euros près. Cette excessive simplification va à l'évidence à l'encontre de la recherche de sincérité et de précision des comptes.
Enfin, il serait utile de disposer d'un chiffrage précis des différentes mesures nouvelles proposées, en recettes et en dépenses, ainsi que cela existe pour le projet de loi de finances.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'ONDAM, l'annexe de l'année dernière, trop succincte, ne permettait pas de prendre l'exacte mesure des ambitions du Gouvernement. Le découpage proposé en six sous-objectifs ne nous donne pas non plus entièrement satisfaction, que ce soit en termes de lisibilité, de clarté ou de précision. En particulier, nous aimerions que l'un des sous-objectifs soit consacré aux dépenses de médicaments, avec une ventilation entre les médicaments prescrits par les médecins de ville et ceux qui sont prescrits à l'hôpital.
Nous souhaitons donc, vous le comprenez, que le Gouvernement étoffe sa présentation et ses projections concernant l'ONDAM, qui se situe au coeur des évolutions et au centre de la réforme.
Des marges de progrès existent. Nous resterons vigilants sur leur mise en oeuvre, car il en va de la crédibilité du Parlement et de la valeur de notre vote sur le budget social de la nation.
À cet égard, je voudrais vous faire part, messieurs les ministres, de ma satisfaction quant aux propositions que vous venez de nous transmettre sur les programmes de qualité et d'efficience. Avec ces programmes, il s'agit d'insuffler un nouvel esprit dans le PLFSS et la gestion des finances sociales. Nous l'avions souhaité en discutant de l'élaboration du nouveau cadre organique. Il prend forme aujourd'hui et nous nous en félicitons.
Cette démarche répond à une priorité : responsabiliser les acteurs. Elle s'inscrit dans la même ligne que les conventions d'objectifs et de gestion conclues entre l'État et les caisses nationales, qui ont déjà permis d'enregistrer de réels progrès dans la gestion des différentes branches de la sécurité sociale.
Je voudrais tout particulièrement souligner notre accord avec la méthode que vous avez retenue pour définir ces programmes de qualité et d'efficience, leurs objectifs et les indicateurs qui leur sont associés. Ainsi, nous partageons tout à fait votre souci d'avoir une approche globale des finances sociales et de faire de la discussion du PLFSS le lieu unique du débat autour des politiques en lien avec la sécurité sociale.
En effet, limiter ce débat au seul champ strictement défini de la loi de financement aurait des inconvénients majeurs. Un seul exemple permet de l'illustrer : parler de l'accès aux soins sans faire allusion à la couverture maladie universelle, ou en ignorant la couverture maladie complémentaire, n'a guère de sens.
Cela signifie que nous ne devons pas exclure de nos réflexions certaines politiques qui figurent dans le projet de loi de finances. L'essentiel des crédits relatifs à la sécurité sociale est toutefois, je le rappelle, retracé dans le cadre de la loi de financement, soit 382 milliards d'euros en 2006 pour les seuls régimes de base de la sécurité sociale, à rapprocher des 276 milliards d'euros du budget de l'État pour ce même exercice.
Le deuxième aspect de la méthode que nous approuvons est l'équilibre que vous avez recherché, dans la définition des objectifs et indicateurs, entre ce qui relève d'une stratégie à moyen terme et ce qui s'inscrit dans des priorités de court terme.
Cela aboutit à des objectifs de politique publique à portée relativement large, s'inscrivant dans une action à moyen et long terme - par exemple « concilier vie familiale et vie professionnelle » ou « assurer un égal accès aux soins », ou encore « garantir la viabilité financière des régimes de retraite » - et à des indicateurs de résultat précis : « le nombre de bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé », « la dispersion territoriale des modes de garde », ou encore « le nombre de bénéficiaires de la mesure de cumul emploi-retraite ».
Nous vous ferons par écrit, messieurs les ministres, quelques remarques ponctuelles sur cette batterie d'objectifs et d'indicateurs. Mais sachez d'ores et déjà que nous attendons beaucoup de cette démarche. Elle doit nous permettre de mesurer effectivement et concrètement les progrès de gestion des finances sociales. Nous en serons des contrôleurs actifs et vigilants, car ce qui préoccupe avant tout notre commission, c'est l'amélioration de la maîtrise des équilibres sociaux, dans l'intérêt général de nos concitoyens.
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)