M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons : on touche un des cœurs du dispositif.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 34.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 35, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail :
« Art. 5411-6-3. - Le projet personnalisé d’accès à l’emploi est actualisé périodiquement. Le demandeur d’emploi peut demander qu’à l’occasion de cette actualisation, soit procédé à une modification de son projet personnalisé.
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi correspondant à la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché ainsi qu’a ses qualifications ou équivalente à l’emploi précédemment occupé. La rémunération proposée ne peut être inférieure au salaire antérieurement perçu ou, si celui-ci était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, elle doit être au moins équivalente au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit depuis plus de douze mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi correspondant à la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché ainsi qu’a ses qualifications ou équivalente à l’emploi précédemment occupé. L’offre proposée ne peut entraîner un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, supérieur à une heure, ou un trajet au moins égal à une distance à parcourir de trente kilomètres. La rémunération proposée ne peut être inférieure à 85 % du salaire antérieurement perçu ou, si celui-ci était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, elle doit être au moins équivalente au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit depuis plus de vingt-quatre mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi correspondant à la nature, la durée d’engagement et la forme contractuelle de l’emploi recherché ainsi qu’a ses qualifications ou équivalente à l’emploi précédemment occupé. L’offre proposée ne peut entraîner un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, supérieur à une heure, ou un trajet au moins égal à une distance à parcourir de trente kilomètres. La rémunération proposée ne peut être inférieure au revenu de remplacement prévu à l’article L.5421-1 si celle-ci est inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance. À défaut, elle doit être au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Je défendrai en même temps les amendements nos 35 et 37, qui ont tous les deux le même objet.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis étonné – si tant est qu’on puisse encore l’être après vous avoir écouté – de voir comment le Gouvernement ne voit rien d’immoral à sanctionner les demandeurs d’emploi alors même que l’offre est rare et parfois même inadaptée. Et, disant cela, je ne vise pas l’offre inscrite récemment à l’ANPE proposant un travail en Inde pour un salaire de misère. Cela ne s’invente pas !
Nous serions dans une situation de plein-emploi, le débat pourrait être différent. Lorsque je parle de situation de plein-emploi, je ne parle pas de votre conception du plein-emploi composé de temps partiels ou éclatés. Lorsque je parle de plein-emploi, il faut comprendre CDI et à temps plein.
L’amendement n° 35 que nous vous proposons d’adopter apporte un certain nombre de modifications qui nous semblent substantielles et dignes d’intérêt.
Tout d’abord, nous proposons de transformer la révision périodique du projet personnalisé actuellement automatique en une faculté ouverte au demandeur d’emploi s’il en exprime le besoin. Cela n’est pas anodin puisque nous entendons renforcer l’idée de co-rédaction et nous nous opposons à l’idée selon laquelle, à l’occasion de cette révision, la nouvelle institution pourrait renforcer les sanctions, sous forme d’une obligation de dégressivité dans les conditions de retour à l’emploi.
On s’étonnera d’ailleurs du fait que le projet soit personnalisé, alors que les sanctions sont automatiques et générales, un peu comme si vous n’aviez qu’un reproche à faire aux demandeurs d’emploi dans leur ensemble, celui de se complaire dans l’assistanat.
En outre, bien qu’opposé au principe de la dégressivité des droits en règle générale, nous proposons de modifier les paliers afin d’éviter de priver les demandeurs d’emploi des indemnités auxquelles ils ont droit à l’heure actuelle.
Vous me direz que la question de l’indemnisation n’est pas mentionnée ici, et c’est vrai. Elle n’en est pas moins concernée dans la mesure où le palier final du projet personnalisé, qui conditionne l’indemnité, est fixé à douze mois.
Mes chers collègues, il serait tout de même paradoxal de limiter les droits à indemnité, alors même que nous examinons un projet de loi censé renforcer les droits et les devoirs des salariés privés d’emploi.
Quant à l’amendement n° 37, il vise à modifier le palier de trois mois prévu au second alinéa de l’article L. 5411-6-3. En effet, la durée initialement prévue de trois mois n’est pas suffisante, selon nous, pour mesurer les effets de ce projet personnalisé.
Au lieu de votre empressement à punir, il nous semble plus important, avant toute chose, de donner une réelle chance au demandeur d’emploi comme à son projet personnalisé. Autant de raisons et d’arguments, mes chers collègues, qui devraient vous inciter à voter nos deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de permettre à ce que vous nommez « projet personnalisé d’accès à l’emploi » d’accomplir réellement la mission que son intitulé semble prédire.
En effet, la phrase que nous entendons supprimer est ainsi rédigée : « Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi sont révisés notamment pour accroître les perspectives de retour à l’emploi. »
En une seule phrase, vous mettez à bas toute votre rhétorique selon laquelle le « projet » conclu entre la nouvelle institution et le demandeur d’emploi repose sur une base claire : la personnalisation. Il s’agirait non pas, à vous écouter, d’un document type qui prendrait la forme d’un contrat de gré à gré, mais bel et bien d’une co-rédaction.
La rédaction d’un réel projet personnalisé nécessite une approche, un contenu et une finalité radicalement différents, et elle ne peut être intégrée à un projet de loi !
Autant nous aurions pu voter pour l’idée de la conclusion d’un tel projet, la rédaction du PPAE étant laissée aux personnes concernées, à savoir l’agent de la nouvelle agence et le demandeur d’emploi, comme le demandent d’ailleurs les partenaires sociaux, autant nous ne pouvons accepter la proposition que vous faites.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, cette modification qui nous semble être le minimum acceptable pour voter le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Cet amendement pourrait d’ailleurs trouver un écho favorable auprès de nos collègues soucieux de faire du sur-mesure plutôt que du prêt-à-porter ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail, remplacer les mots :
plus de trois mois
par les mots :
plus de six mois
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 36, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail, remplacer les mots :
compatible avec
par les mots :
correspondant à
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement n’est pas moins important que les autres dans la mesure où l’on ne peut contraindre un demandeur d’emploi à accepter un travail dans le même champ d’intervention, mais avec une moindre qualification et donc, nécessairement, une moindre rémunération. Or c’est souvent ce qui se passe.
Je connais des doctorants titulaires d’un diplôme qui, avec cette qualification, ont été obligés d’accepter un emploi en étant sous-rémunérés.
De même, pourrait-on imaginer un ingénieur contraint d’accepter un poste de technicien, puisqu’il serait compatible avec sa formation. Compatible certes, mais pas identique !
Avec cette mesure, tout ce qui vous importe, c’est de faire sortir de la liste des demandeurs d’emploi le plus grand nombre possible de salariés, en appliquant la règle devenue incontournable de l’employabilité.
Je me souviens même avoir entendu en commission l’un de vos amis, monsieur le secrétaire d’État, dire qu’il ne voyait pas d’inconvénient à prévoir un tel dispositif, puisque le demandeur d’emploi retrouverait ainsi un travail. Dès lors, pourquoi le refuserait-il ?
À notre sens, un problème se pose, et ce à plus d’un titre.
Tout d’abord, contrairement à l’idée que vous vous faites du travail, il s’agit non pas d’une simple occupation, mais de l’échange d’une rémunération contre une activité, un savoir-faire et des compétences. À ce titre, nous nous devons d’être clairs : n’importe quel travail ne remplace pas un emploi.
Ensuite, la disposition que vous défendez pose également problème au regard de votre politique. Une fois encore, elle permet à votre gouvernement d’éviter de répondre aux exigences légitimes du droit au maintien dans l’emploi.
Enfin, pour en revenir à l’exemple de l’ingénieur, en répondant très partiellement à la situation de ce dernier, on aggrave celle du technicien, qui doit, lui-même, se rabattre, par un effet de dominos, sur un poste à qualification inférieure. Cet escalier sera particulièrement vicieux pour ceux qui, en raison de leur formation, seront en bas des marches.
Je ne résiste d’ailleurs pas à faire mien le célèbre dicton provençal : « Si les chats gardent les chèvres, qui attrapera les souris ? » (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le bon sens !
M. Robert Bret. Vous n’êtes pas obligés d’apporter la réponse tout de suite !
M. le président. Ce dicton n’a pas cours qu’en Provence ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. Enfin, et plus sérieusement, il s’agit là d’un bien mauvais signal envoyé aux salariés désireux de se former et de progresser dans l’entreprise. À quoi bon une formation professionnelle si les compétences acquises n’ont, en cas de perte d’emploi, que peu d’intérêt puisqu’elles ne seront pas reconnues comme telles et que les salariés se retrouveront déqualifiés.
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail, remplacer les mots :
à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu
par les mots :
par un salaire au moins identique au salaire antérieurement perçu ou, si celui-ci était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, par un salaire au moins équivalent au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 38 et 39.
L’amendement n° 38 vise à préciser que la rémunération, caractéristique essentielle de l’offre raisonnable d’emploi, doit impérativement correspondre au salaire antérieurement perçu par le salarié ou être au moins égale au SMIC si le salarié percevait une rémunération inférieure à ce niveau.
Nous doutons fort que vous adoptiez cet amendement de justice sociale, mes chers collègues, dans la mesure où vous utilisez, depuis un an, tous les moyens pour parvenir à réduire le coût du travail : contrat de portage, allongement des périodes d’essai, ou encore amoindrissement des droits en matière de licenciement.
Il paraissait tout de même important aux membres du groupe CRC de préciser que d’autres voies que celles qui sont défendues par le MEDEF et le Gouvernement sont possibles.
Pour bon nombre de salariés de notre pays, la réalité professionnelle est synonyme de précarité, de petits boulots et de temps partiel. Cette réalité se conjugue d’ailleurs trop souvent au féminin, car elle est devenue le seul mode, ou presque, d’organisation du travail parmi les métiers de service ou de la grande distribution. Elle concerne également les publics les moins formés. En somme, la précarité s’ajoute à la précarité.
L’article 1er que vous nous proposez d’adopter, monsieur le secrétaire d’État, aurait pour effet de rendre l’offre d’emploi opposable au salarié dès lors que la rémunération proposée serait égale à 95 % du salaire antérieurement perçu. Outre le fait que vous prenez ainsi acte de la nécessité de réduire le montant du salaire pour permettre le retour à l’emploi et donc, indirectement, que vous vous rangez à l’idée défendue par le patronat selon laquelle le coût du travail est trop élevé en France, vous aggravez considérablement les conditions de vie de nos concitoyens, qui ont à connaître des temps partiels : 95 % d’un salaire à temps partiel revient à percevoir 95 % de pas grand-chose !
L’amendement n° 39 vise donc à remettre un peu d’égalité dans un projet de loi qui en manque cruellement. Nous proposons de reconstituer le temps partiel en un temps plein pour y appliquer cette règle des 95 %.
Outre le fait que cette suggestion améliorerait les conditions de vie de nos concitoyens, elle limiterait également le risque, déjà grand, de voir cette mesure peser sur l’ensemble des salaires et conduire immanquablement à une baisse généralisée. On devine d’ailleurs que les organisations patronales ont trouvé là raison à sa signature.
Pour conclure, j’aimerais, à mon tour, citer quelques chiffres fournis par l’INSEE.
Dans une étude publiée le 19 décembre 2006, l’INSEE notait que le nombre de salariés ayant vécu un déclassement socioprofessionnel avait plus que doublé en vingt ans, passant de 3 % au début des années quatre-vingts à 7 % dans les années deux mille. Très rare entre 1980 et 1985, le phénomène n’est plus marginal entre 1998 et 2003. Cette étude précise d’ailleurs que le fait de descendre l’échelle sociale intervient souvent à la suite d’un passage par le chômage ou l’inactivité, cette mobilité descendante constituant un moyen de conserver un emploi ou, pour les chômeurs, d’en retrouver un plus rapidement.
Dans cette course à l’abîme, ce sont les femmes, les ouvrières qualifiées, qui sont les plus mal loties des salariés, puisque 11,8 % d’entre elles ont connu un déclassement entre 1998 et 2003. Il s’agit principalement de femmes travaillant dans l’industrie qui, touchées par la diminution du nombre d’emplois, ont migré vers un emploi dans les services de niveau de qualification inférieur, tel que celui d’aide-ménagère.
Pour notre part, nous ne voulons pas de cette mobilité descendante que le Gouvernement propose de pérenniser et, en quelque sorte, d’institutionnaliser.
Le principe de dégressivité entraînera une baisse de revenu non seulement pour les demandeurs d’emploi, mais également pour l’ensemble des salariés.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail par les mots :
reconstitué, le cas échéant, sur la base d’un équivalent temps plein
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 40, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail :
Ce taux est porté à 85 % au bout de douze mois d’inscription.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le secrétaire d’État, en faisant passer de 95 % à 85 % le montant de la rémunération acceptable, vous transformez votre offre raisonnable en une offre dégradable dans le temps, mais également dans les conditions. Or cette mesure qui revient, au final, à rabattre d’abord 5 %, puis 15 %, sur le montant de la rémunération aura des effets dramatiques non seulement sur le demandeur d’emploi, mais aussi sur l’ensemble des salariés.
Votre gouvernement fait comme si – vous ne pouvez le nier, monsieur le secrétaire d’État – des situations conjoncturelles particulières pouvaient justifier durablement une diminution de la rémunération. Autrement dit, vous prenez pour prétexte un coût du salaire prétendument trop élevé, alors que la France est devenue un pays de bas salaires, pour satisfaire une fois de plus les exigences d’un patronat qui cherche toujours à augmenter ses marges de rentabilité et ses profits.
Ainsi, l’argent que vous prenez au salarié, anciennement demandeur d’emploi, vous le mettez immédiatement dans la poche du patronat ! Ne nous y trompons pas, les entreprises ne manqueront pas d’élaborer des stratégies d’entreprise et de management pour disposer de salariés aux prix les plus bas.
Alors que tout le monde reconnaît que les revenus du travail ne sont pas assez élevés par rapport aux minima sociaux, vous aggravez encore la situation. D’après ce que nous savons du projet de loi de modernisation de l’économie, vous voulez développer demain le hard discount, mais, dès aujourd’hui, vous inventez le « hard travail ». Autant dire que c’est en décalage total avec le discours du Président de la République, qui voulait revaloriser le travail en le rémunérant à sa juste valeur. Or, monsieur le secrétaire d’État, votre proposition tend à faire croire que la rémunération est soluble dans le temps ! Voilà une bien curieuse conception !
La situation de l’emploi est telle que nous ne pouvons nous satisfaire des dispositions prévues dans ce projet de loi. Chaque jour, une entreprise ferme et délocalise non par manque de rentabilité, mais parce que des actionnaires voraces ne se satisfont pas d’une rentabilité à 9 %, qu’ils jugent insuffisante. Pour eux, la seule rentabilité qui vaille est une rentabilité à deux chiffres !
Pour notre part, nous nous refusons à plonger plus encore le salarié dans la précarité après six mois d’inscription comme demandeur d’emploi. Cette mesure est d’autant plus scandaleuse que vous aggravez le processus de dégressivité, qui intervient à l’heure actuelle tous les quatre mois.
Voilà autant de raisons de voter l’amendement n° 40, mes chers collègues.
M. le président. L’amendement n° 41, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail :
Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’emploi dont la rémunération est égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, je souhaite présenter en même temps les amendements nos 41 et 42 dont la finalité est similaire.
Nous avons déposé un certain nombre d’amendements relatifs au principe de dégressivité des droits des demandeurs d’emploi pour vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la finalité de cette mesure et sur ses risques.
Il ne fait pas de doute que vous cherchez, sous couvert de renforcer les droits et devoirs des demandeurs d’emploi, à satisfaire le patronat dans son désir ancien, mais toujours réaffirmé, de réduire le coût du travail, qui serait, selon Mme Parisot, l’obstacle à toutes les évolutions de salaire et limiterait l’emploi.
Or, telle n’est pas notre conception, et je dois dire que bon nombre de publications, y compris gouvernementales, viennent nous conforter dans notre position. J’en veux pour exemple le rapport remis, en octobre 2007, par la Conférence « Emploi-Pouvoir d’achat ».
Dans son troisième chapitre, intitulé « Coût du travail », qui procède à une étude comparée sur le sujet en droit international, on découvre une phrase complexe, quoique claire : « Le coût du travail élevé n’est pas un handicap majeur à la compétitivité extérieure de l’économie française vis-à-vis des pays développés. » On y lit encore : « De manière générale, les pays ayant un coût du travail élevé sont également ceux dont la productivité moyenne du travail est élevée, et la France occupe à cet égard une position médiane au sein des pays de l’OCDE. »
Un autre document, publié par l’INSEE en 2006, confirme ce dernier point et prouve, schéma à l’appui, que le coût du travail en France est plus que médian. Ainsi est-il même inférieur, si l’on compare le revenu brut mensuel moyen des salariés à temps complet dans l’industrie et les services, à celui qui est pratiqué en Autriche, en Finlande, en Suède, en Belgique, voire en Allemagne, pays que vous prenez souvent en exemple.
La preuve en est faite : la question du coût du travail n’est pas une cause de développement du chômage, elle n’est qu’une exigence du patronat, soucieux d’accroître les bénéfices accordés à leurs actionnaires.
La question de la baisse progressive du salaire de référence constituant l’offre raisonnable d’emploi apparaît alors comme une véritable sanction, alors même que l’institution censée présenter au moins deux offres raisonnables d’emploi ne peut s’engager à le faire. Là encore, la situation actuelle est éloquente. Combien d’offres d’emploi sont proposées alors qu’elles ne correspondent pas à la situation des demandeurs d’emploi ?
C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail par les mots :
, sous réserve que des moyens de transports en commun existent pour ce trajet aux horaires de début et de fin de l’emploi en question
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le projet de loi enjoint aux demandeurs d’emploi inscrits depuis plus de six mois d’accepter des offres d’emploi dans un périmètre géographique étendu imposant jusqu’à deux heures de transports journaliers.
Or, il est nécessaire de se pencher sur les conditions matérielles de ces déplacements. La mobilité des travailleurs est une exigence du marché du travail, mais elle ne peut être imposée hors de toutes considérations économiques et écologiques. Vous le savez, nous sommes particulièrement attentifs à ces aspects.
Il nous faut permettre aux demandeurs d’emploi de conserver le libre choix de leurs modes de transports, tout le monde ne pouvant se permettre d’avoir un véhicule individuel ! Les demandeurs d’emploi doivent donc pouvoir refuser une offre dont l’embauche est si matinale qu’ils ne peuvent utiliser les transports en commun pour se rendre au travail.
De même, ils doivent pouvoir refuser une offre si l’emploi est éloigné de leur domicile – quelle que soit la distance – et que le réseau de transports en commun, insuffisamment développé dans leur localité, ne leur permet pas d’effectuer le trajet domicile-travail.
Vous me direz, monsieur le rapporteur, qu’ils n’ont qu’à acheter une voiture. Mais rendez-vous compte du coût que cela représente pour quelqu’un ayant, par exemple, un emploi pour trois mois, emploi qu’il n’est pas sûr de conserver. L’investissement est très important.
Pour cette raison, le présent amendement conditionne l’acceptation de l’offre d’emploi à la possibilité d’utiliser les transports en commun pour aller au travail.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-3 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Les frais de trajet occasionnés par le déplacement domicile — travail ne devront pas excéder 10 % du salaire net proposé par l’offre d’emploi.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. En cohérence avec le précédent amendement, nous nous devons d’anticiper les exigences imposées par ce projet de loi dans la réalité quotidienne des demandeurs d’emploi.
Il faut en effet penser aux conséquences financières de l’obligation faite aux chômeurs d’accroître leur mobilité dans la recherche d’emploi. Il serait pour le moins désinvolte de leur imposer cela sans prendre en compte le coût des déplacements et le coût de la vie ! Ce coût, les demandeurs d’emploi, eux, ne peuvent se permettre de le négliger, d’autant qu’il augmente ! Le prix des carburants est en hausse constante. Et, je peux vous l’assurer, comme je le faisais déjà il y a quelques années : ce n’est pas fini.
Il est donc impératif d’encadrer financièrement l’exigence de déplacement imposée aux demandeurs d’emploi. C’est pourquoi nous réclamons que soient plafonnés les frais occasionnés par le transport à 10 % du salaire net proposé dans l’offre d’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les amendements nos 35 et 37 ont presque le même objet : ils proposent de remplacer tous les critères retenus pour l’offre raisonnable d’emploi par des critères beaucoup moins exigeants. Or, nous avons déjà expliqué que les critères définis par le projet de loi nous semblent tout à fait raisonnables, voire beaucoup moins rigoureux que ceux qui existent dans des pays voisins tels que l’Allemagne. Modifier le dispositif comme vous le proposez, c’est l’affaiblir. Par conséquent, la commission est défavorable à ces deux amendements.
L’amendement n° 20 concerne l’évolution de l’offre d’emploi dans le temps. Vous proposez de supprimer cette disposition, alors qu’il me semble tout à fait normal que les critères soient réévalués de façon périodique, et cela, bien sûr, uniquement dans l’objectif d’élargir le champ de la recherche si celle-ci n’a pas abouti dans un premier temps. L’avis de la commission est également défavorable.
L’amendement n° 36 vise à restreindre le champ de recherche en interdisant à l’ANPE de proposer des offres d’emploi ne correspondant pas rigoureusement à la qualification du demandeur d’emploi. Or, nous le savons, il faut justement que le demandeur d’emploi puisse évoluer vers un métier peut-être légèrement différent de celui auquel il postulait et qu’il avait exercé jusqu’à présent, tout en restant bien sûr compatible avec les qualifications et les compétences retenues dans le PPAE. Je ne peux donc que donner un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 38 propose, lui aussi, de modifier un critère de l’offre raisonnable d’emploi. Là encore, certains équilibres, constituant le cœur du projet de loi, doivent être conservés. Est-il choquant de demander à une personne inscrite depuis un certain temps à l’ANPE d’accepter un emploi rémunéré à hauteur de 95 % de son salaire antérieur ? Là encore, l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 39 a pour but de rendre inopérante l’hypothèse où un demandeur d’emploi, employé auparavant à temps partiel, rechercherait, en vertu d’un choix personnel, un autre emploi à temps partiel. Dans ce cas, l’idée d’offre raisonnable ne trouverait plus à se concrétiser. L’avis est donc, évidemment, défavorable.
L’amendement n° 40 propose, encore une fois, de retenir des exigences moindres par rapport à la définition de l’offre raisonnable d’emploi donnée par le projet de loi. Il a donc reçu également un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 41, vous verrez, si vous prêtez bien attention, qu’il est bien écrit, à la fin de l’article 1er, qu’on ne peut pas obliger quelqu’un à accepter une offre d’emploi dont le niveau de rémunération serait inférieur au SMIC. Cela signifie que le SMIC, bien évidemment, s’impose !
L’amendement n° 42 porte, lui aussi, sur la référence au SMIC. Je le répète : il n’y a aucune ambiguïté dans le projet de loi. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Pour ce qui est des amendements nos 17 et 50, monsieur Desessard, il est certain que les propos que vous avez tenus en les défendant prennent une acuité particulière dans le contexte actuel. Toutefois, le texte propose une définition de ce que peut raisonnablement accepter le demandeur d’emploi.
De plus, vous savez que le Gouvernement a récemment annoncé qu’il prendrait des dispositions de soutien et d’aide aux transports pour permettre aux salariés de faire face, dans des conditions acceptables, aux dépenses qui y sont liées.
Il est évident que, pour ceux qui réintègrent le monde du travail, cette mesure revêt une importance particulière. M. le secrétaire d’État évoquera peut-être le sujet. L’avis sur ces deux amendements est défavorable.