M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 48.
M. Thierry Foucaud. Nous partageons les préoccupations exprimées à travers ces amendements par nos collègues du groupe socialiste quant à la détermination des dividendes distribuables. J’observe d'ailleurs avec intérêt que, par l’amendement n° 48, nos collègues ont repris le texte de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par Alain Bocquet et les autres députés communistes. Sur cet amendement, comme sur les précédents, nos points de vue convergent donc.
En effet, partout dans le monde, les bourses s’affolent et des milliards d'euros partent en fumée. Plus qu’une crise financière, il s'agit, à l’évidence, de l’échec d’un système économique et financier. Toutefois, comme l’a rappelé Nicole Bricq, ce n’est pas au monde du travail de régler la facture de la faillite de ce système !
En outre, on ne peut, d’un côté, au prétexte de cette crise et aux frais du contribuable, dilapider des milliards d'euros pour venir au secours des milieux bancaires et boursiers et, de l’autre, rester sourd aux difficultés grandissantes de milliers de salariés, et donc de leurs familles, qui sont condamnés aujourd'hui au chômage technique et à la diminution de leur pouvoir d’achat.
Cette situation est encore plus inacceptable quand on sait que le coût du chômage partiel repose en partie sur les contribuables puisque l’État se substitue aux entreprises pour assumer une part significative de la charge financière que ce dispositif entraîne.
Comment ne pas déclarer l’urgence pour tous ces salariés victimes d’arrêts temporaires d’activité et auxquels on impose une diminution de salaire alors qu’ils ne demandent qu’à travailler ?
Comment, en pareilles circonstances, ne pas prendre des mesures immédiates pour maintenir leur rémunération, alors que les grands groupes annoncent toujours des profits en hausse, ceux des entreprises du CAC 40 enregistrant une progression de 12 % ?
Comme l’a souligné Nicole Bricq, les salariés ne peuvent être la variable d’ajustement d’un capitalisme exclusivement soucieux de ses intérêts propres et de ses profits.
Par exemple, Renault, qui brise l’outil de production de Sandouville et impose le chômage technique, ne garantit pas l’intégralité des salaires des personnels alors que ce groupe a réalisé 2,4 milliards d'euros de bénéfices en 2007.
Comme la presse l’a noté avec beaucoup d’honnêteté, les dividendes de Renault permettraient de financer la masse salariale de 30 000 personnes ! Rappelons que les dividendes distribués en 2007 par cette même entreprise ont été de 860 millions d'euros, soit 3,91 euros par action. Ils représentent 32 % du résultat net consolidé et, malgré les difficultés économiques, semblent devoir être maintenus pour 2009. Si nous prenons pour hypothèse un salaire moyen mensuel de 1500 euros, soit, sur treize mois et en comptant les charges sociales, 28 275 euros, la distribution des dividendes de l’année dernière permettrait bien de financer la masse salariale annuelle de 30 000 personnes ! Ce chiffre est à mettre en parallèle avec l’actuel plan de restructuration, qui touche 4900 salariés.
Seulement 1 % des dividendes des actionnaires de Renault suffirait à maintenir à 100 % le salaire des 20 000 employés du constructeur concernés par le chômage technique !
Il en va de même pour le groupe PSA, dont les profits ont été multipliés par cinq entre 2006 et 2007, pour atteindre 885 millions d'euros.
La démonstration vaut aussi pour la sidérurgie – ArcelorMittal a versé 2,2 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires en 2008 et annonce d'ores et déjà qu’ils devraient s’élever à 1,8 milliard d'euros en 2009 – ou pour l’industrie pharmaceutique. Ainsi, Pfizer prétend supprimer 1 061 emplois en 2009 alors que son bénéfice net a triplé au troisième trimestre dernier de 2008. Avec un cash flow qui pourrait atteindre 13 milliards d'euros, je crois que ce groupe a de quoi voir venir la crise ! Je rappelle d'ailleurs qu’en 2007 Pfizer a versé 5,5 milliards d'euros à ses actionnaires.
C’est dire que, comme l’a indiqué Nicole Bricq, la crise n’est pas la même pour tout le monde ! Ayant l’oreille favorable du Gouvernement, le grand patronat et les milieux d’affaires multiplient les pressions et les décisions pour en tirer des avantages et des rémunérations supplémentaires. Le diktat des dividendes qui vont toujours aux mêmes est, sachez-le, mes chers collègues, insupportable pour le monde du travail.
Il est donc urgent de faire évoluer cette conception de l’économie. Oui, il faut limiter la distribution de dividendes quand la situation économique est vécue aussi difficilement par le plus grand nombre ! C'est pourquoi nous voterons cet amendement et invitons l’ensemble du Sénat à nous suivre.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le dernier amendement de cette série me paraît tout de même singulièrement adapté à la période que nous vivons puisqu’il vise l’indemnisation du chômage partiel et les contreparties à exiger des entreprises qui recevront un « coup de pouce » de la part de l’État.
Je note tout de même que la majorité et le Gouvernement font preuve d’un grand conservatisme. La crise est là, nous nous y enfonçons, et on ne change rien ! On préfère écouter les recommandations du MEDEF, qui refuse toute législation sur ces questions, et on laisse agir les acteurs privés, c'est-à-dire précisément ceux qui nous ont conduits dans le mur !
Nous sommes tombés dans une ornière, dont nous ne sommes pas prêts de sortir, à cause de ces dirigeants économiques ou de ces grands managers qui ont fait primer la dimension financière sur les aspects industriels. Or on continue comme par le passé, comme s’il n’y avait pas de crise, semblant dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »
Il est clair que, dans la situation présente, cette attitude n’est pas du tout adéquate. Mais nous serons certainement appelés à revenir sur ces questions, car, dans ces conditions, la situation n’a malheureusement aucune chance de s’améliorer et il nous faudra bien, à un moment, passer par la loi pour prendre les mesures adaptées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais formuler deux observations.
Tout d'abord, dans les argumentaires qu’ils ont développés, nos collègues ont longuement évoqué le sort des salariés des constructeurs automobiles, notamment de Renault. Toutefois, je souhaiterais que nous ayons aussi une pensée pour les sous-traitants et leurs salariés.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Charles Revet. Vous avez tout à fait raison !
M. Michel Charasse. C’est déjà dur de ne pas penser aux fonctionnaires, alors, les sous-traitants…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, il ne faut pas perdre de vue la pression qu’exercent les constructeurs, comme les centrales d’achat d'ailleurs, sur les sous-traitants, non plus que les mécanismes qui sont à l’œuvre et organisent, en quelque sorte, les délocalisations d’activité.
Cela étant, je ne suis pas certain que ce soit par la loi que nous réglerons ce genre de problèmes : c’est bien davantage l’éthique des dirigeants qui est en cause. À cet égard, au-delà de la question des dividendes, je voudrais insister sur ce que représente le rachat d’actions par les sociétés.
En 2007, les entreprises du CAC 40 ont racheté leurs propres titres à leurs actionnaires pour un montant d’un peu plus de 19 milliards d'euros. Monsieur le ministre, à l’heure où nous nous interrogeons sur les délais de paiement, ne serait-il pas plus simple d’inviter ces sociétés à payer un peu plus rapidement leurs fournisseurs, notamment leurs sous-traitants, au lieu de racheter leurs propres actions ?
Nous constatons aujourd'hui que des banques viennent lever des capitaux propres ou des quasi-capitaux propres pour des montants qui correspondent aux rachats d’actions auxquels elles ont procédé il y a deux ans…
Mais, encore une fois, tous ces problèmes me semblent relever moins d’un traitement législatif que d’une éthique assumée et mise en œuvre par les dirigeants d’entreprise, quels qu’ils soient.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Le groupe UMP ne peut rester indifférent aux problèmes que Mme Bricq a justement soulevés et que M. Foucaud a détaillés.
Il est vrai qu’à l’heure actuelle toutes les formes de chômage partiel ou technique sont préférables aux licenciements purs et simples. Par conséquent, nous devons tout mettre en œuvre – comme le Gouvernement l’a fait dans le domaine financier et comme nous nous efforçons de le faire à travers les deux textes dont nous débattons cette semaine – pour que les salariés puissent passer sans trop d’encombre ce moment difficile, qui voit la crise financière se transformer en crise économique. Nous comprenons donc l’objectif visé par le Gouvernement.
Cela dit, comme vous le savez, mes chers collègues, l’indemnisation du chômage partiel ou technique se trouve au cœur de négociations entre les partenaires sociaux. Or ceux-ci sont agacés – j’ai eu l’occasion d’en discuter récemment avec l’un des dirigeants d’une grande organisation syndicale – de voir le Parlement intervenir sans cesse dans la négociation, par voie d’amendements, pour fixer certaines règles.
M. Michel Charasse. Ils ne sont pas agacés quand on bouche les trous !
M. Jean-Pierre Fourcade. En l’occurrence, un accord a été signé – par un seul syndicat pour l’instant, mais on cherche des formules permettant d’y associer d’autres organisations –, qui majore l’indemnisation du chômage technique. L’adoption de l’amendement n° 48 nuirait, me semble-t-il, à cette négociation.
C'est pourquoi, tout en comprenant l’objectif du groupe socialiste et tout en reconnaissant qu’il s'agit là d’un véritable problème, dont le Gouvernement et la majorité suivent de très près l’évolution parce qu’il suscite leur inquiétude, nous ne pouvons approuver cet amendement, qui serait mal reçu par les partenaires sociaux et qui compliquerait les choses au lieu de les simplifier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaiterais prolonger, un instant seulement, le propos du président Jean Arthuis sur les rachats de leurs actions par les entreprises cotées.
Il faut tout de même se souvenir que c’est dans cette assemblée, sur l’initiative de la commission des finances, que le dispositif sur la traçabilité des rachats d’actions, à mon avis sans doute encore trop timide, a été voté : lorsqu’une entreprise intervient sur le marché pour racheter ses titres, il faut qu’elle explique pourquoi elle le fait et l’ensemble des titres ainsi acquis doit être affecté à une finalité clairement affichée.
Malgré toutes les réserves de celui qui était à l’époque en charge de l’économie et des finances, et qui était soutenu par sa puissante administration (Sourires), ce mécanisme a donc été voté par le Sénat et traduit dans le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Je persiste à penser que, sur le sujet, ce règlement est insuffisant et qu’il faudra y revenir. En effet, la gestion active du capital a des limites, notamment en période de crise.
Certes, nous nous éloignons de l’amendement de Nicole Bricq,…
M. Michel Mercier. Ça, c’est vrai ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. … qu’il convient bien entendu de rejeter, mais le propos de Jean Arthuis nous rappelle très opportunément, à propos des banques et des constructeurs automobiles, l’existence de cette problématique de rachat de capital sur le marché.
En tout cas, monsieur le ministre, c’est un dossier que nous devrons réexaminer avec l’Autorité des marchés financiers et avec votre collègue Christine Lagarde.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
(L'amendement n'est pas adopté.)
RESSOURCES AFFECTÉES
Article 1er
L'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les dispositions du III sont remplacées par celles des deuxième, troisième et cinquième alinéas du II ;
2° Au premier alinéa du III tel qu'il résulte du 1°, le mot : « Toutefois » est supprimé ;
3° Au troisième alinéa du III tel qu'il résulte du 1°, la référence : « présent II » est remplacée par la référence : « II » ;
4° Le II est ainsi rédigé :
« II. - Pour les bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée mentionnés à l'article L. 1615–2, autres que ceux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent II, les dépenses réelles d'investissement à prendre en considération pour la détermination des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une année déterminée sont celles afférentes à la pénultième année.
« Pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération instituées respectivement aux articles L. 5214–1 et L. 5216–1, les dépenses réelles d'investissement à prendre en considération sont celles afférentes à l'exercice en cours.
« Pour les bénéficiaires du fonds qui s'engagent, avant le 1er avril 2009 et, après autorisation de leur assemblée délibérante, par convention avec le représentant de l'État dans le département, sur une progression de leurs dépenses réelles d'équipement en 2009 par rapport à la moyenne de leurs dépenses réelles d'équipement de 2005, 2006 et 2007, les dépenses à prendre en considération sont, à compter de 2009, celles afférentes à l'exercice précédent. En 2009, pour ces bénéficiaires, les dépenses réelles d'investissement éligibles de 2007 s'ajoutent à celles afférentes à l'exercice 2008 pour le calcul des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.
« Si les dépenses réelles d'équipement constatées au titre de l'exercice 2009, établies par l'ordonnateur de la collectivité bénéficiaire avant le 15 février 2010 et visées par le comptable local, sont inférieures à la moyenne de celles inscrites dans les comptes administratifs 2005, 2006 et 2007, cette collectivité est à nouveau soumise, dès 2010, aux dispositions du premier alinéa du présent II ; elle ne perçoit alors aucune attribution au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée en 2010 au titre des dépenses réelles d'investissement de 2008 ayant déjà donné lieu à attribution. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, sur l’article.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le commentaire que je souhaite formuler en cet instant pourra être mis en facteur commun sur un grand nombre des amendements auxquels cet article 1er a donné lieu, ce qui permettra de clarifier nos débats, voire de les accélérer.
Monsieur le ministre, nous avons choisi, majorité et Gouvernement, une relance par le soutien à l’investissement et nous avons très largement évoqué, dans cet hémicycle, la place centrale que les collectivités territoriales devaient jouer dans le dispositif. Elles sont effectivement les acteurs majeurs de la relance concrète sur le terrain.
L’article 1er met en place un mécanisme doublement favorable à l’investissement des collectivités territoriales.
En premier lieu, il s’agit de les inciter à maintenir, en 2009, un niveau d’investissement défini par rapport à une période de référence : nous demandons aux collectivités territoriales de dépenser au moins autant que ce qu’elles ont dépensé au cours de cette période, alors que, dans ces temps d’incertitude, de doute, de crise, de « manque de visibilité » diraient certains à juste titre, une réaction assez naturelle de la part de leurs gestionnaires serait de définir des budgets d’investissement en baisse.
En second lieu, les collectivités qui accepteront de jouer ainsi le jeu de la relance bénéficieront du remboursement anticipé du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, dû au titre des investissements de l’année 2008. Cela conduira à affecter deux annuités de FCTVA à la section d’investissement du budget, étant entendu que les montants en question doivent concourir au financement de l’ensemble des investissements de l’année 2009.
On peut toujours vouloir plus, mais ce dispositif a le mérite d’exister, il est clair et, à mon sens, suffisamment simple pour être incitatif. Il doit donc être salué.
La discussion devrait nous permettre, monsieur le ministre, de mieux préciser un certain nombre de points, car, même si le dispositif est clair, nous souhaiterions qu’il le soit encore plus à la sortie de cet hémicycle.
Sur le fond, notre commission a jugé souhaitable de s’intéresser aux investissements des communautés de communes et d’agglomération. Certes, il ne peut être question de leur donner ce dont elles bénéficient déjà en termes de rythme de perception du FCTVA. Mais un plan de relance devant être avant tout nourri par un souci de réalisme, pourquoi se priver d’anticiper 10 milliards d’euros sur les 40 milliards d’euros d’investissements publics locaux ?
C’est là une question que nous souhaitons soulever dans ce débat. D’ailleurs, nous avons pu observer – notre collègue Louis Nègre y a plus particulièrement insisté – que, bizarrement, en ce qui concerne le décalage de perception du FCTVA, les communautés urbaines étaient placées sous le régime des communes, et non sous celui des communautés de communes ou d’agglomération, ce qui ne paraît pas totalement logique !
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. À ce stade de mon intervention, je voudrais évoquer l’amendement du président Jean Arthuis, qui soulève la question, évidemment pertinente, de la viabilité à terme des calendriers de versement du FCTVA, calendriers qui diffèrent selon les niveaux de collectivités. Un jour, sans doute, il faudra mettre de l’ordre dans tout cela.
Se pose en outre le problème de la période de référence la plus appropriée. Il sera bien sûr débattu ici, comme il l’a été à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, notre attention sera retenue par des questions de mise en œuvre pratique, questions essentielles pour les gestionnaires locaux que sont beaucoup d’entre nous.
Premièrement, il serait souhaitable, monsieur le ministre, d’inciter dès maintenant les collectivités à préparer leurs états de FCTVA de 2008, afin qu’elles puissent bénéficier du versement du fonds le plus tôt possible. Michel Charasse nous l’a rappelé en commission et le fera certainement à nouveau en séance publique et il a ainsi pointé une question tout à fait concrète. Car, nous le savons bien, le plan de relance est un art d’exécution, avant d’être un ensemble de grandes idées. (M. Michel Charasse acquiesce.)
Deuxièmement, le Gouvernement devra, me semble-t-il, nous préciser le contenu des conventions qui permettront de contrôler que les engagements sont tenus, sans remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il faudra trouver le juste équilibre : ne pas créer, comme certains le craignent, une « usine à gaz » et permettre aux préfets d’exercer leur droit de regard au nom de l’État, car telle est leur mission, sans pour autant interférer dans des choix d’opportunité qui sont des choix locaux.
Monsieur le ministre, vous qui connaissez intimement le sujet, d’un côté comme de l’autre, nous espérons que vous voudrez bien nous éclairer sur ce point.
Troisièmement, il conviendrait de confirmer que tous les investissements sont bien pris en compte, notamment les subventions d’investissement et les opérations inscrites dans les différents budgets annexes. Il me semble que cela a été dit à l’Assemblée nationale, mais il serait sans doute bon pour la clarté de nos travaux de le redire ici.
Quatrièmement, nous attendons des précisions quant aux modalités de mise en œuvre du dispositif pour les collectivités dont le périmètre de compétences aura évolué depuis la période de référence. Comment les données de référence seront-elles prises en compte dans ce cas ? Cette question a été soulevée par notre collègue Louis Nègre, qui connaît bien cette situation sur le plan local.
Cinquièmement, il conviendra d’éclairer notre assemblée sur le sort des opérations d’investissement qui ne pourraient pas être mises en œuvre du fait du retard d’un participant financier, qu’il s’agisse de l’État, du département ou de la région. Que se passerait-il si une collectivité se trouvait dans l’impossibilité de réaliser une opération qu’elle a projetée parce qu’une décision n’aurait pas été honorée par l’un ou l’autre des partenaires financiers ? La convention serait-elle remise en cause dans tous ses effets ? C’est une question que notre collègue Albéric de Montgolfier, notamment, a estimé nécessaire de verser au débat.
Enfin, nous souhaiterions – suivant, en particulier, l’initiative de notre collègue Yvon Collin – un report de quinze jours du délai limite de signature des conventions. Cela nous semblerait utile pour garantir qu’aucune collectivité ne sera évincée du dispositif pour des raisons purement matérielles de mise en œuvre.
Monsieur le ministre, nous sommes naturellement, je le confirme, très favorables à ce dispositif, tout en attendant les éclaircissements nécessaires sur tous ces points.
MM. Jean-Pierre Fourcade et Michel Charasse. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet article 1er représente un sérieux « appel du pied » aux collectivités locales pour les inciter à réaliser un maximum de dépenses d’équipement dans le courant de l’année 2009 et participer ainsi à la relance de l’activité économique.
Comme nous l’avons vu, il soulève un certain nombre de questions.
La première d’entre elles est liée au fait que cet article est proposé dans un cadre très contraint, s’agissant des relations entre l’État et les collectivités locales, de sorte que la moindre anticipation de remboursement du FCTVA pèsera par la suite.
On ne peut que pointer le caractère tout simplement injuste de l’encadrement des dotations budgétaires de l’État aux collectivités locales. En effet, chaque dotation a son économie et sa logique propres, et toute approche globalisante est négative du point de vue des élus locaux.
Davantage de dotation globale de fonctionnement pour l’intercommunalité, c’est moins de dotation de solidarité urbaine, de dotation de solidarité rurale ou encore de dotation de compensation de la taxe professionnelle. Ce peut être aussi moins de dotation globale d’équipement !
En fait, l’enveloppe normée et fermée des concours de l’État aux collectivités locales constitue à elle seule un système, au sens de l’approche systémique. La moindre évolution affectant un élément de l’ensemble interagit évidemment sur les autres. On l’a bien vu avec la malheureuse dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui est devenue une variable d’ajustement de l’enveloppe en 1995 et n’a cessé de diminuer au fil du temps, jusqu’à perdre les deux tiers de son « pouvoir d’achat ». Au demeurant, tout donne à penser que cette dotation risque fort de disparaître avant même que la taxe professionnelle ne soit réformée !
Une deuxième question concerne le problème de la convention passée entre l’État et les collectivités locales.
L’article tel qu’il nous est soumis précise que l’aide prévue sera mobilisée au travers d’une convention dont le contenu doit être rapidement défini par les assemblées délibérantes des collectivités locales.
Nous estimons que ce dispositif porte atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, dès lors que sont en cause les choix de gestion des élus locaux. Ceux-ci devront, en quelque sorte, justifier les investissements qu’ils feront et préciser les opérations qu’ils s’apprêtent à mener.
Cela nous amène naturellement à reprendre à notre compte la proposition qui a été formulée par les associations d’élus et qui vise à considérer le seul volume des investissements, sans préciser le contenu et la nature de ces opérations.
Se pose, troisièmement, la question de la disparition pure et simple du décalage de remboursement du FCTVA, selon la nature des collectivités.
Comme chacun le sait ici, les groupements intercommunaux ne supportent aucun délai de remboursement dans ce domaine, tandis que les communes, les départements et les régions doivent attendre. Comment justifier le maintien de cette disposition, qui, si je ne m’abuse, date de 1992 et a constitué une sorte de « prime à l’intercommunalité » ? À dire vrai, plus grand-chose puisque les collectivités locales, confrontées à d’évidentes difficultés en termes de capacité de financement, sont avant tout à la recherche d’une dotation prenant véritablement en compte la réalité de leurs dépenses d’équipement.
Quelles sont, aujourd’hui, les communes ou les structures intercommunales capables, dans le contexte d’aggravation de la crise économique et sociale de ce début d’année 2009, de prévoir qu’elles vont accroître leurs dépenses d’équipement ? Je n’en connais guère ! Peut-être s’agit-il de collectivités où la pression de la crise sociale n’est pas assez forte pour consommer largement les capacités financières locales ? Mais nous ne voulons pas voter un article dont l’application se limiterait à la future communauté urbaine de Nice, aux villes de Neuilly-sur-Seine, Courbevoie ou Puteaux, toutes villes dont le potentiel financier est suffisamment fort pour leur permettre de « passer à travers les gouttes » de la crise économique.
Pour ma part, je connais très bien une commune qui va perdre 500 000 euros par an de recettes sur le foncier bâti à cause du départ de deux grosses entreprises et qui se trouvera en fait pénalisée deux fois : une première fois du fait de la disparition ces entreprises et une seconde fois parce qu’elle ne pourra pas bénéficier du dispositif prévu à l’article 1er, étant trop pauvre pour engager à l’avenir des dépenses supplémentaires, même si cela est nécessaire pour satisfaire les besoins de la population.
Fin du décalage du versement du FCTVA, respect du principe de libre administration des collectivités locales, indépendance de l’évolution de la dotation : voilà ce qui, à notre avis, doit figurer dans cet article 1er. C’est le sens des amendements que nous avons déposés.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étudions un plan de relance centré essentiellement sur l’investissement, et le présent article vise, par le biais du FCTVA, à inclure les collectivités territoriales dans ce dispositif. Vouloir s’appuyer ainsi un peu sur le terrain part plutôt d’une bonne intention.
Néanmoins, la vertu de l’investissement public pour faire « repartir la machine », ne saurait nous faire oublier que la consommation des ménages reste un élément extrêmement important. Or, dans votre plan, monsieur le ministre, la seule mesure tendant à la favoriser est le versement dès le 31 mars de la prime de 200 euros accordée au titre du RSA.
Cette mesure m’inspire quelques réflexions.
Tout d’abord, présentée comme un geste de solidarité, elle pèse bien peu par rapport à la multiplication, ces dernières années, des cadeaux faits aux riches :…
M. Éric Doligé. C’est reparti !
M. Jacques Muller. … une baisse de l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui profite aux plus élevés parmi ceux-ci, le bouclier fiscal, que M. le président de la commission des finances évoquait récemment dans Les Échos et qui provoque des injustices insupportables, ou encore l’exonération de cotisations sociales des stock-options et des actions gratuites.
Le versement anticipé de la somme de 200 euros aux bénéficiaires du RSA ne représente pas grand-chose en regard de tous ces cadeaux faits aux plus aisés !
Ensuite, l’effet du versement de cette prime reste décalé dans le temps. Or c’est sur un tel décalage que portent les critiques à adresser aux mesures de relance par l’investissement.
Enfin, je fais observer que cette mesure n’aura qu’une portée très limitée sur le niveau de la demande globale : verser un peu plus tôt que cela n’était prévu initialement 200 euros à 3,8 millions de personnes n’est pas de nature à la hisser bien haut !
Bien sûr, monsieur le ministre, nous sommes favorables à ce que les collectivités territoriales soient « mises dans le coup », sous réserve qu’un certain nombre de précautions soient prises, mais votre plan est terriblement bancal dès lors qu’il ne comporte aucune mesure visant à soutenir la consommation. Il aurait fallu agir aussi sur les minima sociaux ou, à tout le moins, prévoir une réduction de la TVA ciblée sur les produits de première nécessité.