M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il ne faut pas laisser tourner notre débat à l’aigre ou à la mise en cause, plus ou moins désagréable, de collègues.
Nous essayons tous ici de faire de notre mieux pour mettre en musique un texte constitutionnel que nous n’avons ni inventé ni demandé, et dont on se demande parfois s’il n’est pas le fruit de discussions d’arrière-salles de rédaction de journaux aussi enfumées que peu informées, voire de café du commerce. (Sourires.)
Même si je comprends parfaitement la position de M. About, les arguments de la commission des lois ne manquent pas de pertinence.
Je voudrais rappeler que chaque président de commission organise les travaux de sa commission comme il l’entend. Si l’ordre d’examen des amendements présente les inconvénients qui ont été signalés tout à l’heure par le président About, chaque président a toujours la possibilité de demander la réserve des votes.
Cela dit, la commission des lois nous ayant annoncé qu’une refonte partielle du règlement pourrait intervenir d’ici un ou deux ans, il faudrait que, à cette occasion, nous examinions la possibilité de ne pas autoriser le dépôt d’amendements identiques qui sont de simples photocopies d’argumentaires de groupes de pression ou de lobbies, généralement rédigés avec un sabot, qui ne veulent rien dire, qui sont d’application difficile et qui ne font souvent que défendre des préoccupations corporatistes pas nécessairement intéressantes.
M. François Trucy. Très bien !
M. Michel Charasse. S’il y a 1 500 amendements sur un texte, n’avoir qu’un seul amendement de cette nature, sur lequel les groupes pourront toujours intervenir en séance pour donner leur opinion, permettrait d’alléger considérablement le travail parlementaire. Est-il vraiment utile d’entendre quarante fois le même argumentaire ?
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur About, je vous prie de m’excuser si je vous ai choqué, car telle n’était pas mon intention. Mais l’article 28 ter a fait l’objet de longs débats au sein du groupe de travail : ce qui pose problème, ce n’est pas le fait de savoir si les amendements doivent être examinés « simultanément ou successivement », c’est bien le délai fixé par la conférence des présidents.
Nous avions précisé que les amendements devaient être déposés au moins l’avant-veille de la réunion pour pouvoir être intégrés au texte de la commission. Je fais appel à la mémoire de ceux qui ont participé au groupe de travail : nous avions eu un long débat sur cette question. On a en effet considéré que les commissaires présents à la réunion devaient pouvoir connaître à la fois le point de vue du rapporteur et celui de leurs collègues. Il est vrai que, antérieurement, nous ne travaillions pas ainsi, mais cette nouvelle méthode contribue à accroître la transparence et la qualité du débat en commission.
Lorsque nous disposons de temps pour examiner les textes, par exemple si le délai de six semaines est respecté, comme cela a été le cas pour certains textes, il n’y a plus vraiment de difficultés. Il n’est pas nécessaire de prévoir que les amendements sont examinés « simultanément ou successivement » : nous pouvons nous organiser comme nous l’entendons.
Mais ce qui m’a fait surtout réagir, c’est la deuxième partie de votre amendement, monsieur About, parce qu’elle est contraire à l’accord que nous avons eu beaucoup de mal à trouver au sein du groupe de travail, auquel vous avez vous-même participé.
M. Nicolas About. Il faut se souvenir que l’examen du titre IV du projet HPST a encore été décalé en conférence des présidents !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous étions bien obligés !
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que ce débat fera l’objet d’un examen complémentaire en conférence des présidents.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après les mots :
des membres de la commission
supprimer la fin du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 51. Ces deux amendements sont en effet les premiers à concerner le développement de la pratique des irrecevabilités élaborée – assez discrètement, il faut le dire – par la proposition de résolution dont nous discutons.
Nous l’avons noté, la majorité sénatoriale n’a pas souhaité retenir le principe du crédit-temps, qui, rappelons-le, n’avait pas de fondement constitutionnel, mais qui est apparu dans la discussion du projet de loi organique relatif à l’application de la révision de la Constitution.
Bien entendu, la fameuse phrase du nouvel article 44 de la Constitution qui dispose que le droit d’amendement s’exerce en séance publique ou en commission ouvrait la voie à ce que nous avons appelé le « 49-3 parlementaire », prôné par M. Balladur et sa commission à dominante présidentialiste.
Le Gouvernement et la majorité s’étaient engagés, lors de la révision constitutionnelle, à respecter le droit d’amendement et la présentation de ces derniers en séance publique. En la matière, sans doute M. Lang et les parlementaires du parti radical de gauche ont-ils fait confiance aux porte-parole de M. Sarkozy, de Mme Dati, de M. Karoutchi ou de M. Warsmann. Bien mal leur en a pris, car c’en est fini du débat démocratique à l’Assemblée nationale. Même M. Accoyer, tel Tartuffe (Exclamations sur les travées de l’UMP), fait celui qui n’a rien vu venir et pousse des cris d’orfraie face à la virulence de son comparse, M. Copé (Mêmes mouvements), dans cette Commedia dell’arte qui pourrait être drôle si la victime n’était pas la démocratie parlementaire.
Le Sénat, dans son extrême sagesse, n’applique pas la limitation des débats et permet a priori la discussion des amendements. Mais cette sagesse est-elle sincère ? Qui peut raisonnablement croire que l’assemblée élue au suffrage universel indirect pourra faire vivre le débat démocratique alors que l’assemblée élue au suffrage direct sera atone ? Personne !
Il faut donc réfléchir à des moyens de tuer le débat de manière plus discrète, plus « civilisée », oserai-je dire. La pratique des irrecevabilités est bien utile pour atteindre cet objectif. En effet, il s’agit d’une arme très efficace aux mains de la majorité sénatoriale ou du Gouvernement.
Comme l’a dit ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat au cours de la discussion générale, c’est une pratique que nous avons déjà constatée par le passé, notamment lors du débat sur les retraites, où le président de la commission des affaires sociales a invoqué l’article 41 de la Constitution de manière totalement arbitraire pour faire disparaître d’un seul bloc plus d’une centaine d’amendements de notre groupe.
La proposition de résolution vise à ce que ces opérations de court-circuitage du débat parlementaire aient lieu en commission. Ce sera plus discret qu’en séance publique…
Pour notre part, nous proposons que la mise en cause du droit d’amendement ait lieu en séance publique. Pour ce qui est des irrecevabilités, le service de la séance, sous la responsabilité du président du Sénat, qui ne doit pas se défausser en la matière, doit demeurer responsable de l’examen de la recevabilité.
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement, après les mots :
des affaires sociales
insérer les mots :
, sous réserve de l'accord du président de la commission des finances
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je voudrais corriger mon amendement, car, tel qu’il est actuellement rédigé, il ne vient pas à la bonne place dans le texte. Les mots « sous réserve de l’accord du Président de la commission » trouveraient mieux à s’insérer au début de la troisième phrase du 1 du texte proposé par le I de l’article 14.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 24 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade et Vall, et qui est ainsi libellé :
Au début de la troisième phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement, ajouter les mots :
Sous réserve de l'accord du président de la commission des finances,
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. La question soulevée par cet amendement est de savoir qui, dans notre assemblée, sera le juge de l’irrecevabilité au titre de l’article 40 ou des dispositions analogues qui peuvent figurer dans la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Jusqu'à présent, mes chers collègues, il y avait une seule autorité, à savoir la commission des finances ou son bureau ou son président. Cette seule autorité, depuis 1958, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, a mis en œuvre une jurisprudence – une pratique plus exactement – qu’on peut toujours contester, mais qui n’a jamais vraiment été remise en cause par le Conseil constitutionnel. Les interprétations des deux commissions des finances ont en effet toujours été validées, ce qui a donné lieu à une grande homogénéité dans l’application de l’article 40.
Or nous allons vers un système qui risque d’introduire un énorme désordre dans la maison et beaucoup de mécontentement entre collègues. En effet, à partir du moment où le nouveau règlement nous propose de rompre avec le juge unique de l’article 40, en l’occurrence la commission des finances, pour laisser le soin aux présidents de commission – ce n’est pas désagréable à leur égard, ils s’en doutent –, dans le cadre des travaux de leur propre commission, d’être eux-mêmes juges de la recevabilité au titre de l’article 40, nous risquons d’aboutir à un parfait désordre dans l’application de l’article 40, même si les présidents de commission font l’effort de s’inspirer de la jurisprudence ancienne et traditionnelle de la commission des finances.
Monsieur le président, je vous le demande à vous qui présidez le Sénat et qui êtes l’auteur de la proposition de résolution : qu’est-ce qui se passera si on vous réveille à deux heures du matin pour trancher un différend, que le règlement ne vous donne pas le pouvoir de régler, parce qu’un président de commission aura déclaré recevable un amendement alors qu’un amendement extérieur identique aura été jugé irrecevable par le président de la commission des finances ?
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la même règle !
M. Michel Charasse. Pas du tout ! Ce n’est pas le même juge !
Je le répète, lors de l’examen d’un texte, il se peut très bien qu’un président de commission déclare un amendement recevable et que le président de la commission des finances décide qu’un amendement identique, mais extérieur à la commission, est irrecevable.
L’objet de mon propos est donc extrêmement simple, et je souhaiterais que la commission des lois entende mon appel, parce qu’elle doit quand même être sensible à l’unification et à l’homogénéité de l’application pratique de l’article 40.
Il n’est pas question de nier un pouvoir d’appréciation aux présidents de commission, qui sont suffisamment qualifiés et entourés pour juger, mais, en matière d’article 40, il ne peut y avoir de décision définitive sans l’accord du président de la commission des finances. Sinon, je ne sais pas où nous allons !
Mais surtout, monsieur le président – le secrétaire général du Sénat, qui est à côté de vous, pourra vous le dire dans le creux de l’oreille –, le jour où il y aura un différend entre deux présidents de commission, qui le tranchera, puisque le règlement n’aura rien prévu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils iront sur le pré ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. J’ai l’impression que l’article 40, pour parler comme le docteur Knock, chatouille ou gratouille un certain nombre de nos collègues. (Nouveaux sourires.)
D’ailleurs, d’autres amendements vont venir en discussion sur cette question.
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Patrice Gélard, rapporteur. L’amendement n° 50 vise à supprimer l’ensemble du dispositif relatif au contrôle de la recevabilité des amendements devant la commission chargée d’élaborer le texte qui sera soumis ultérieurement à la séance publique. Pourtant, s’agissant de l’article 40, le dispositif que nous proposons est plus souple que le système actuellement en vigueur et peut-être même plus adapté puisqu’il prévoit de confier au président de la commission saisie au fond le soin d’apprécier la recevabilité financière des amendements, éventuellement après avis de la commission des finances.
Que va-t-il se passer en fait ? Dorénavant, c’est le président de la commission saisie au fond qui statuera, ce qui va simplifier les choses. Toutefois, rien n’empêchera les présidents de commission de saisir systématiquement la commission des finances, notamment quand ils auront un doute.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur Charasse, l’irrecevabilité refusée par le président de la commission pourra à nouveau être soulevée par le président de la commission des finances en séance publique. À ce moment-là, le différend sera tranché. Le problème pourra ainsi être résolu et la situation que vous craignez n’adviendra pas.
M. Michel Charasse. C’est quand même humiliant pour le président de commission concerné !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !
La solution contenue dans la proposition de résolution est simple, et c’est d’ailleurs celle que le président Hyest entend appliquer au sein de la commission des lois. Lorsque l’irrecevabilité financière est évidente, il ne sera pas nécessaire de saisir la commission des finances. Par contre, s’il y a le moindre doute, on transmettra à la commission des finances, qui répondra, grâce à l’amendement de MM. About et Arthuis, par écrit.
Vous le voyez, toutes les précautions sont prises. Le nouveau système sera beaucoup plus souple que l’ancien et permettra d’aller plus vite. En outre, nous n’aurons pas la surprise de voir brutalement tomber une déclaration d’irrecevabilité en séance publique.
Voilà les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 50.
Quant à l’amendement n° 24 rectifié bis, je demande à M. Charasse de bien vouloir le retirer, car la solution qu’il retient ne facilite pas les choses, je dirai même : au contraire ! Nous verrons ce que donnera la pratique et ferons le bilan dans un an. En attendant, il est préférable de s’en tenir au texte élaboré par le groupe de travail.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat, jusqu’à l’été 2007, ne pratiquait pas le contrôle de recevabilité a priori. La commission des finances attendait la discussion en séance publique et l’éventuelle invocation de l’article 40, généralement par le Gouvernement ou par le président de la commission saisie au fond, pour se prononcer sur la recevabilité financière.
Cette pratique avait suscité chez certains ministres, lorsque l’arbitrage interministériel leur était défavorable, la tentation de rechercher la bienveillante compréhension de l’un d’entre nous, qui déposait un amendement. Au moment de son examen, le Gouvernement s’en remettait bien entendu à la sagesse du Sénat. Personne n’invoquant l’article 40, le ministre obtenait ici un soutien qu’il n’aurait pas pu demander à l’Assemblée nationale. (Sourires.)
Cette situation s’est avérée très commode jusqu’au jour où le Conseil constitutionnel a déclaré irrecevable un certain nombre de dispositions issues d’amendements d’origine sénatoriale, adoptés en particulier lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, avec des considérants d’ailleurs assez sévères.
Nous en avons donc débattu. La conférence des présidents a tranché et, à partir de l’été 2007, nous avons estimé qu’il fallait procéder à un examen systématique de la recevabilité des amendements déposés. Il a en outre été convenu que, au mois de juin 2008, je présenterais un rapport d’évaluation sur cette nouvelle pratique au Sénat.
Puis vint la révision constitutionnelle. Désormais, le Sénat se prononce en séance publique sur le texte issu des travaux de la commission saisie au fond ou de la commission spéciale. Nous devons donc procéder au contrôle systématique du texte de la commission et de tous les amendements qui sont déposés en vue de la discussion en séance publique.
Je peux vous dire que cette tâche réclame une mobilisation considérable des collaborateurs et du bureau de la commission des finances, surtout de son président. De plus, en séance publique, il faut être en état de répondre à une éventuelle invocation de l’article 40 sur des sous-amendements.
Nous nous sommes demandé s’il convenait également de mobiliser des moyens pour être en mesure de prononcer l’éventuelle irrecevabilité d’amendements déposés en commission. À l’issue d’une large concertation au sein du groupe de travail que vous avez présidé, monsieur le président du Sénat, il a été convenu que les présidents des commissions saisies au fond ou le président de la commission spéciale auraient à se prononcer sur la recevabilité au regard de l’article 40. Telle est la pratique que nous observons.
C’est une relation de confiance qui s’instaure entre les présidents des commissions saisies au fond et le président de la commission des finances. En cas de doute, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, je fais procéder à une expertise et j’en communique par écrit l’avis à la commission saisie au fond afin d’éviter toute ambiguïté.
Bien sûr, une erreur d’appréciation peut toujours être commise. Que se passe-t-il alors ? En séance publique, monsieur Charasse, nous avons la possibilité d’invoquer l’article 40. Je tiens à vous dire que, s’il m’apparaissait avant la séance publique qu’il y a doute sur une disposition, je ne manquerais pas d’en informer le président de la commission saisie au fond ou le président de la commission spéciale.
Voilà la procédure que nous avons choisie.
Je reconnais l’existence d’une difficulté pour les propositions de loi. En dépit des précautions extrêmes des auteurs de propositions de loi (Sourires), il peut en effet arriver qu’une proposition de loi soit en tout ou partie irrecevable au regard de l’article 40. Il a été convenu que, pour ne pas exercer de pression ni susciter de frustration chez leurs auteurs, on ne se prononcerait pas sur la recevabilité des propositions de loi.
Cependant, et Michel Charasse l’a signalé, il peut arriver que l’un d’entre nous dépose un amendement qui s’inscrive bien dans la philosophie de la proposition de loi, mais sur lequel la commission des finances, comme il s’agit d’un amendement extérieur aux travaux de la commission, soit amenée à se prononcer. C’est ainsi que la commission des finances, il n’y a pas si longtemps de cela, a prononcé l’irrecevabilité d’un amendement qui ressemblait beaucoup à la proposition de loi. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Monsieur Collombat, nous en avons déjà discuté et il faudra encore quelques semaines avant que je puisse espérer vous convaincre…
Le Gouvernement nous rendrait service si, en cas de doute, il invoquait lui-même la recevabilité au regard de l’article 40.
C’est cette pratique fondée sur la confiance qu’il faut faire vivre maintenant. Je tiens à préciser que, pour ma part, je n’éprouve aucun agrément particulier à devoir me prononcer sur la recevabilité au regard de l’article 40 et que je me dispenserais bien volontiers de cette mission. Je ne fais qu’appliquer ce que la Constitution a prévu.
J’avais même eu l’audace de proposer au Sénat, lors de la révision constitutionnelle, un amendement portant suppression de l’article 40, au motif que nous cet article ne nous avait pas mis à l’abri de la dérive financière qui nous a conduits à accumuler près de 1 000 milliards d’euros de dette publique. Au demeurant, les gouvernements successifs ont pris toute leur part dans cet endettement collectif, et nous aussi, en votant les lois de finances.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 24 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Si j’ai bien compris ce que nous a dit le rapporteur, il va y avoir une transmission quasi systématique des amendements douteux. Je ne parle pas des amendements évidents, du type : « La retraite du combattant est doublée à partir du 1er janvier prochain. » (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien ! Bravo ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Charasse. Non, je parle des cas qui laissent place au doute. Le texte n’est pas très clair, mais le président About me fait remarquer que les amendements sont transmis « le cas échéant ». Si c’est ce système qui prévaut, alors, j’ai satisfaction.
M. Nicolas About. Oui !
M. Michel Charasse. Comprenez bien, monsieur le président, que mon souci est de faire en sorte que le Sénat ne se ridiculise pas auprès du Conseil constitutionnel et ne se fasse pas rappeler à l’ordre, que les présidents de commission ne s’infligent pas des humiliations en créant des situations impossibles entre collègues à propos d’une disposition dont je peux dire – comme membre de la commission des finances et comme ancien membre du Gouvernement, et je crois que Jean Arthuis peut en dire autant – qu’elle n’est facile à appliquer pour personne, que tout cela est souvent d’une extrême complexité…
Mme Jacqueline Gourault. C’est généralement incompréhensible !
M. Michel Charasse. … et nécessite, par conséquent, une habitude et un doigté particuliers.
Si j’étais à la place du président Arthuis, j’envierais quelquefois les autres présidents de commission de ne pas avoir à se coltiner ce travail épouvantable, notamment sur les amendements dits « extérieurs » qui arrivent la veille ou l’avant-veille de la date limite de dépôt !
S'il s’agit bien, désormais, de transmettre les amendements dès qu’il y a doute et si c’est bien l’avis de la commission des finances qui prévaut, sous réserve d’une discussion éventuelle entre les deux présidents de commission, je n’ai plus de raison de maintenir l’amendement n° 24 bis rectifié.
M. le président. L’amendement n° 24 bis rectifié est retiré.
L'amendement n° 1, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :
Le président de la commission saisie au fond et, le cas échéant, ceux des commissions des finances et des affaires sociales se prononcent par avis motivé sur leur recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, mes chers collègues, puisque l’article 40 ne m’a pas été opposé sur cet amendement qui concerne précisément les modalités d’application de l’article 40, je vais avoir le plaisir de le défendre. (Sourires.)
À la suite de la décision du 14 décembre 2006 du Conseil constitutionnel, sur laquelle je préfère passer, le Sénat a mis en place, à partir du mois de juillet 2007, un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution.
Contrairement à ce qu’affirme le président de la commission des finances dans son rapport d’information n° 401, ce système constitue un renforcement de la censure déjà lourde exercée sur les sénateurs, censure a priori et aléatoire, condamnation au silence sans pouvoir se défendre ni s’expliquer, verdict sans recours.
Officiellement, c’est pour mieux assurer la « sécurité juridique » des textes que nous votons. À ce compte-là, cette sécurité sera parfaite le jour où l’on réservera l’initiative des lois et le droit d’amendement au Gouvernement, au nom, bien sûr, du renforcement des droits du Parlement…
C’est même, selon ce qui vient de nous être révélé, légèrement plus compliqué puisque c’est parce qu’il fallait faire régner la discipline chez les ministres, dont certains faisaient passer des amendements « en douce », que la procédure a été modifiée !
Quoi qu'il en soit, depuis la mise en place de la nouvelle procédure, si j’en crois le rapport, le pourcentage des rejets au titre de l’article 40 par rapport au nombre d’amendements présentés a été multiplié par 2,5.
L’interprétation traditionnellement extensive de la notion de « charges publiques » est désormais poussée jusqu’à l’absurde, j’allais dire jusqu’au burlesque. Ainsi, pour prendre le récent exemple de la loi pénitentiaire, préciser qu’un détenu doit être informé de ses droits dans une langue qu’il comprend tombe sous le coup de l’article 40 ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Comme l’observait M. About, par ailleurs rapporteur pour avis de ce texte, « lorsque la commission propose simplement qu’un infirmier puisse veiller en permanence sur les détenus et servir de relais, on lui oppose l’article 40, mais lorsqu’elle demande l’installation d’un bloc opératoire, d’un service de réanimation, etc., on estime que l’article 40 n’est pas applicable ».
Les choses absurdes devant être faites selon des règles, une casuistique byzantine permet de justifier l’injustifiable. Celle-ci distingue notamment les dépenses supplémentaires, qui ne peuvent être ni gagées ni compensées, des diminutions de recettes, qui peuvent l’être. Je pense avoir bien compris, monsieur le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis. Oui.
M. Pierre-Yves Collombat. La leçon a donc été retenue !
Ainsi, une proposition de déductibilité fiscale de pertes boursières peut venir en discussion si l’auteur a pris la précaution de la gager par une taxe sur les tabacs ou sur les carambars. (Rires.) Par contre, rendre facultative l’organisation du service minimum d’accueil par les communes de moins de 3500 habitants n’est pas recevable ! Même si l’hypothétique dépense supplémentaire de l’État qu’elle est censée entraîner est compensée par une économie sur le versement de la contribution de l’État à la commune chargée d’organiser le service, ce n’est pas « compensable ». C’est très pratique pour éviter de parler de ce qui fâche !
Même quand tout le monde est d’accord, seules des acrobaties juridiques bizarres permettent d’aboutir : financements portés par des sous-amendements gouvernementaux – le président Hyest nous a rappelé ce matin même un exemple célèbre –, gages bidon...
Pensez-vous que j’exagère, que je caricature ? Voici quelques jugements glanés sur les bancs de la majorité sénatoriale – pour que je ne sois pas taxé de parti pris – lors de l’examen de la loi pénitentiaire, précédemment évoquée.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur :…