M. Yvon Collin. Ou au coût social de l’absence de mesures !
Mme Raymonde Le Texier. Si vous vous inquiétez de savoir où trouver l’argent, je vous parlerai d’exonérations des heures supplémentaires, de niches fiscales, du bouclier fiscal, des superprofits des grandes entreprises – cette liste n’étant pas exhaustive.
M. Yannick Bodin. Il y a le choix !
Mme Raymonde Le Texier. Au niveau qualitatif, le bilan actuel du service civil volontaire est plus intéressant, mais il n’en est pas moins problématique.
En effet, tous les témoignages de jeunes hommes et de jeunes femmes qui effectuent, ou ont effectué, un service civil volontaire montrent qu’ils en ressortent changés, plus mûrs, plus riches d’une expérience marquante, qui a souvent transformé leur regard sur les autres et sur la société.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
Mme Raymonde Le Texier. Dans le même temps, l’engagement collectif et l’implication de ces jeunes réalisent partout des projets qui améliorent le quotidien, souvent des personnes les plus fragiles – aide aux personnes sans domicile fixe, réhabilitation de locaux associatif, soutien aux personnes âgées ou handicapées. Nous sommes tous d’accord pour le reconnaître, les gains tirés du service civil volontaire ne bénéficient pas aux seuls jeunes, mais à la société dans son ensemble.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Pour autant, malgré notre souhait de voir se développer le service civil volontaire, nous resterons extrêmement vigilants afin que ces jeunes ne constituent jamais une main-d’œuvre bon marché dans laquelle on pourrait puiser à l’excès, ni un dérivatif aux mauvaises statistiques du chômage.
Il y a un autre bémol à ce tableau : bien que toutes les classes sociales soient représentées parmi les volontaires, elles ne sont pas mélangées. Les jeunes sont, en l’état, trop isolés dans des dispositifs séparés. Les enfants de familles aisées s’engagent, par exemple, dans le volontariat civil international, alors que les jeunes venant de milieux défavorisés sont orientés dans des structures locales comme les centres « Défense deuxième chance ». On constate que des jeunes aux origines et aux expériences de vie totalement différentes ne peuvent ni échanger, ni s’enrichir mutuellement du vécu de chacun. C’est l’échec de la mixité sociale, qui est pourtant l’un des principaux enjeux du service civil. Le futur système devra nécessairement veiller à décompartimenter les différents types d’engagement.
Avant de conclure, je souhaiterais évoquer l’expérience des jeunes volontaires effectuant un service civil au sein de l’association Unis-cité du Val-d’Oise, que j’ai déjà nommée. Je les reçois régulièrement et je suis toujours frappée de l’intérêt et de la passion qu’ils mettent à décrire le quotidien de leur action. Certains d’entre eux font partie de ces 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme : grâce au service civil, ils se sont découvert des aptitudes à agir avec d’autres et pour d’autres qu’ils ne soupçonnaient même pas.
Mme Raymonde Le Texier. Ils retrouvent ainsi une image d’eux-mêmes valorisée. Beaucoup m’ont dit posséder, grâce à cette expérience de vie, des acquis que leurs camarades plus favorisés ne découvriront pas nécessairement sur les bancs de l’université.
Mme Raymonde Le Texier. Je pense notamment à ce jeune, « mort de trouille » disait-il, à l’idée de devoir travailler auprès de SDF, et qui concluait pourtant le récit de son expérience en reconnaissant avoir découvert des personnes qui avaient connu, un jour, une existence semblable à la sienne et dont elles n’étaient encore pas si éloignées.
Mme Raymonde Le Texier. Les auditions auxquelles nous avons procédé dans le cadre de la mission commune d’information allaient dans le même sens, ce qui nous a amenés à proposer la prise en compte du service civil volontaire dans la validation des acquis de l’expérience.
En première et dernière analyse, le service civique nous convie à passer d’un modèle de société à un autre, d’un modèle de citoyenneté à un autre : passer d’une société qui vivait dans l’attente de la prochaine guerre au point que la citoyenneté ne pouvait se concrétiser que par le passage dans l’armée, à une société qui peut et veut fonder son « optimum citoyen » sur autre chose que le sacrifice. Pour reprendre les mots d’un sociologue, il s’agit de passer d’une « citoyenneté de sacrifice » à une « citoyenneté de participation ».
Bien sûr, cette perspective progressiste ne nous fait pas oublier le lourd tribut payé par les générations précédentes. C’est précisément parce que, de Jean Monnet à François Mitterrand, nous avons construit l’Europe que ce changement de paradigme citoyen est possible. Si, depuis la fin de la conscription, nous sommes au terme d’un cycle dans lequel une part importante de notre jeunesse a du mal à trouver sa place citoyenne, c’est parce que nous, responsables politiques de tous bords, tardons à franchir le pas vers le nouveau modèle de société que consacrerait la mise en place du service civil volontaire.
Monsieur le haut-commissaire, ce débat relativement consensuel devrait nous permettre, si les parlementaires sont encore un peu écoutés par ce gouvernement…
M. Yvon Collin. Mais vous êtes un exemple, monsieur le haut-commissaire !
Mme Raymonde Le Texier. Nous verrons donc si, ensemble, nous sommes écoutés…
M. Gérard Longuet. … et entendus !
M. le président. Poursuivez ma chère collègue, ne vous laissez pas troubler !
Mme Raymonde Le Texier. Mes chers collègues, je vous remercie de saboter ma conclusion ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Mais non !
M. Jean-Pierre Plancade. Nous l’approuvons par avance !
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le haut-commissaire, il serait donc temps de passer rapidement du décret Borloo à une loi-cadre sur la politique envers les jeunes, qui traiterait de bien d’autres aspects, mais où le service civil volontaire trouverait toute sa place ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, lors de la suppression du service militaire, par la loi du 28 octobre 1997, l’idée du service civil volontaire avait été présentée comme une voie possible pour l’avenir.
Regroupant des dispositifs dispersés entre plusieurs ministères, avec des statuts divers et des ressources budgétaires non consolidées à terme, le service civil volontaire français ne s’est peut-être pas suffisamment inspiré de celui de nos voisins, l’Italie par exemple.
Dans ce pays, il est vrai, son origine est entièrement liée au statut de l’objection de conscience du temps de la conscription. Les intéressés ont par ailleurs toujours été affectés principalement à des tâches d’intérêt général. Pas moins de 60 000 jeunes gens et jeunes filles en Italie et près de 100 000 aux États-Unis sont engagés dans tous les domaines d’activités.
L’Allemagne, en revanche, comme l’a rappelé Jean-Pierre Plancade, a maintenu le principe de la conscription tout en professionnalisant une part importante de ses unités. Elle a conservé les options civiles qui relèvent de moins en moins de la seule objection de conscience. Un service civil obligatoire se substitue donc au service militaire pour les personnes qui refusent ce dernier. Ils représentent environ 150 000 jeunes.
La France n’a, hélas, pas encore su mobiliser l’ensemble de ses structures ni ses jeunes dans la promotion de son service civil volontaire. Ses objectifs sont pourtant louables mais ce programme, que d’ailleurs tout le monde réclame, n’a pas su trouver son public. Il représente cependant un investissement dans l’avenir de notre jeunesse, un facteur de cohésion sociale et de transmission de nos valeurs républicaines.
Ce ne sont guère plus de 3 000 recrutements que l’on comptabilise en 2008 et, à ma connaissance, quasi aucun depuis le début de l’année 2009. Environ 2 200 personnes sont actuellement en poste, dont à peine une trentaine pour la région Picardie et, parmi celles-ci, trois dans mon département, l’Aisne. Nous ne pouvons donc qu’améliorer cette situation.
Si, dans notre pays, les jeunes ignorent dans leur majorité la notion même de volontariat, ils restent cependant demandeurs. Je n’oublie pas ceux d’entre eux qui sont investis dans le bénévolat sportif ou humanitaire, dans les mouvements de jeunesse tels que le scoutisme, où sont développées les valeurs de responsabilité, de citoyenneté et de solidarité.
Tous, nous nous accordons sur la nécessité de réussir la promotion de ce projet. En cette période de crise et de chômage, où les jeunes sont durement touchés, les différents rapports, qu’ils soient de Luc Ferry, dans le cadre du Conseil d’analyse de la société, ou de vous-même, monsieur le haut-commissaire, dans le cadre de la commission de concertation sur la politique de la jeunesse, prônent le renforcement du lien social, la transmission des valeurs de citoyenneté et des règles du vivre-ensemble.
C’est un élan nouveau qu’il nous faut donner dans un cadre réinventé, permettant à notre jeunesse de réaliser concrètement des expériences citoyennes en s’investissant dans des missions d’intérêt général. Cette expérience compléterait le rôle de l’école dans un travail d’intégration et d’apprentissage des valeurs républicaines et civiques.
Il serait dommage, pour des raisons financières, de se contenter d’une simple remise en ordre de l’existant, alors même que la minorité de nos concitoyens et des associations ayant vécu cette expérience y ont trouvé une réponse à leurs attentes.
Certains ont évoqué la possibilité d’un service civil obligatoire. En 2005, un appel lancé par un hebdomadaire avait même recueilli 440 signatures de parlementaires de différentes sensibilités, montrant une adhésion certaine.
Cependant, indépendamment de sa faisabilité logistique et opérationnelle, cette piste n’a pas non plus été suivie par nos partenaires de l’Union européenne. La base du volontariat apparaît la plus fédératrice, surtout auprès des jeunes.
C’est donc à vous, monsieur le haut-commissaire, à nous, mes chers collègues, de trouver ensemble les modalités les plus appropriées à sa mise en place. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je m’exprimerai à la fois en mon nom et en tant que rapporteur de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, qui a rendu ses conclusions à la fin du mois de mai. Le sujet du service civil a été évoqué assez longuement lors des auditions de notre mission et dans notre rapport.
La mission « Jeunes » a constaté l’existence d’un consensus sur une idée simple : il existe chez les jeunes un désir d’aider et une aspiration à l’engagement. Ils ne veulent pas seulement travailler, consommer, profiter, comme d’aucuns pourraient rapidement le penser ; ils souhaitent aussi et surtout s’engager, participer, s’impliquer dans la société.
M. Jean-Pierre Plancade. Oui, il faut le rappeler !
M. Christian Demuynck. Alors que la moitié des Français a une image négative des jeunes, une très grande majorité les trouvant même individualistes, je souhaite insister sur le fait que les jeunes s’engagent tout autant que nos autres concitoyens dans la vie associative et qu’ils souhaitent le plus souvent s’y investir davantage.
Nos auditions ont apporté de multiples témoignages de cette réalité et les déplacements de la mission en province nous en ont définitivement convaincus. Or ce désir d’engagement n’est réellement satisfait par aucun mécanisme étatique. En outre, le manque de moyens et de notoriété des associations ne leur permet pas d’y répondre.
Il existe bien un service civil volontaire. Comme les précédents orateurs l’ont rappelé, il s’étend sur une durée de trois, six ou neuf mois, et est issu de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006. Toutefois, seulement 2 800 volontaires ont pour l’instant bénéficié du dispositif. Le fait que son existence soit assez largement ignorée est la marque de son échec.
Dans ces conditions, nous nous sommes interrogés : faut-il revoir toute notre législation ou s’appuyer sur l’existant ? A-t-on besoin d’une simple rénovation ou d’une véritable reconstruction de notre service civil volontaire ?
La mission a tranché en faveur du maintien du service en l’état. Il permet en effet de rassembler sous un même fronton des dispositifs existants, comme le volontariat associatif, le volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, le volontariat à l’aide technique ou encore le volontariat de solidarité internationale.
Il assure une réelle mixité sociale et répond aux objectifs principaux que l’on peut lui fixer : il satisfait une jeunesse désireuse de servir des causes justes et nobles ; il lui permet d’acquérir une formation et des expériences utiles pour la vie professionnelle ; il permet à la société de bénéficier de la motivation de jeunes soucieux de réaliser des missions d’intérêt général.
En revanche, monsieur le haut-commissaire, sa montée en puissance est un impératif absolu : 2 800 volontaires, ce n’est pas digne du souhait exprimé par le législateur en 2006, ce n’est pas suffisant pour les ambitions que l’on peut avoir pour le « successeur » du service militaire.
Nous avons fixé un objectif de 50 000 jeunes dès 2012. À cette fin, ce sont près de 335 millions d’euros qu’il faudrait investir. Cette somme correspond à la mise en place d’un dispositif à la fois pertinent et consensuel.
Nos collègues Antoine Lefèvre et Jean-Pierre Plancade l’ont rappelé, en Italie, le service civil volontaire concerne 50 000 jeunes et coûte près de 300 millions d’euros à l’État. Les évaluations dont il fait régulièrement l’objet sont extrêmement positives, tant du point de vue des jeunes que des citoyens et des associations. L’un de ses atouts majeurs est de réunir des jeunes de tous les milieux sur des projets associatifs motivants.
Afin de parvenir à ce chiffre de 50 000 volontaires et d’assurer la mixité sociale du public concerné, l’État ne doit pas seulement allouer les moyens nécessaires, il doit aussi mettre en place une communication spécifique. Au vu des habitudes culturelles des jeunes, une campagne télévisuelle et sur internet apparaît nécessaire. Il faut promouvoir très largement ce dispositif aujourd’hui trop méconnu.
Atteindre l’objectif de mixité suppose aussi que les associations et organismes d’accueil mettent en place des projets de dimension collective susceptibles d’accueillir plusieurs volontaires. En outre, le pilotage de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances doit permettre de garantir la mixité sociale dans chaque association.
Selon la mission, le renforcement du service civil doit s’accompagner de la disparition progressive des autres programmes existants – le programme national de soutien à l’engagement et à l’initiative des jeunes, « Envie d’agir », le volontariat associatif, etc. – et de leur unification dans le cadre du service civil.
Par ailleurs, comme le préconise le Conseil national de la jeunesse dans son rapport d’activité de 2007, afin d’ « inscrire le service civil dans un véritable projet de vie pour la personne », il faut le valoriser « dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience ou VAE. ».
Enfin, de nombreux jeunes émettent le souhait de s’engager dans des actions internationales. Le volontariat international administratif permet en partie de répondre à ces demandes, de même que le service volontaire européen destiné à encourager la mobilité des jeunes âgés de dix-huit à trente ans.
J’estime pourtant que l’on pourrait développer un service civil européen qui s’appuierait sur une coordination des dispositifs existants dans les différents pays. Il participerait ainsi au développement d’une citoyenneté européenne et répondrait aux souhaits des jeunes européens. C’est à mon sens extrêmement urgent, au vu de l’abstention massive des jeunes lors des élections européennes de dimanche dernier. Le renouvellement du Parlement européen sera sans doute l’occasion de lancer ce débat.
Monsieur le haut-commissaire, notre jeunesse est une chance. Il nous appartient de lui donner tous les moyens nécessaires à son épanouissement.
Il incombe à chaque génération de préparer l’avenir de la suivante. Le service civil contribue à cet épanouissement que nous recherchons tous. Ce dispositif doit pouvoir compter sur un soutien et une mobilisation sans faille. Ne l’oublions pas, pour les jeunes en difficulté, il est aussi le moyen de trouver leur voie, voire de donner un sens à une vie qui peut parfois en manquer.
Notre responsabilité collective appelle chacun de nous, loin de tout clivage politique, à redonner espoir à cette jeunesse qui s’interroge, mais qui est pleine d’énergie, d’ambition et de rêves.
M. Christian Demuynck. Ce service civique est l’un des outils pour y parvenir.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Christian Demuynck. Au-delà de ce service civique, il faudrait mettre en place, chaque année, des États généraux de la jeunesse. Ceux-ci nous permettraient de faire un point sur les mesures engagées et de travailler sur celles qu’il convient de mener. Plus largement, ils seraient un moyen efficace de répondre tous ensemble aux attentes des jeunes et de construire une société où chacun d’eux trouve sa place. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Parfait !
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir organisé ce débat sur le service civique, dispositif qui dépasse les clivages politiques. Nous pourrons ainsi avancer ensemble dans une même direction pour passer à l’acte et répondre au besoin d’engagement de la jeunesse.
Deux semaines après le débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, présidée par Mme Le Texier et dont M. Demuynck était le rapporteur, je me réjouis que nous reprenions ce sujet.
Lorsque le Président de la République m’a nommé haut-commissaire à la jeunesse, il m’a demandé de ne pas oublier de mettre en place le service civique.
En 2005, dans le rapport qui a donné lieu au RSA, nous avions travaillé sur les questions sociales, notamment sur le service civique. Nous avions alors proposé qu’il soit obligatoire, étendu sur quelques mois, sur le modèle de l’ancien service national, ou bien, de manière fractionnée, sur quelques jours ou quelques semaines dans l’année, afin de s’adapter aux besoins des jeunes.
La commission de concertation sur la politique de la jeunesse, à laquelle certains d’entre vous participent, a remis ce travail sur le métier. Nous souhaitons aboutir rapidement à un dispositif pour que l’on ne nous reproche pas d’en parler beaucoup et d’en faire peu !
Vous m’avez interrogé sur le bilan du service civil volontaire. Dans Le Cid, partis 300, ils se retrouvent 5 000 à l’arrivée au port ; pour le service civil volontaire, c’est l’inverse : partis 50 000, ils sont moins de 3 000 à l’arrivée ! (Sourires.)
Ce service est presque exclusivement associatif : 96 % des structures d’accueil sont des associations. La moitié de ses missions durent neuf mois. Il est plus ou moins actif selon les régions. Les jeunes qui l’ont rejoint ont entre dix-huit et vingt-cinq ans. On constate également qu’il est socialement discriminant, mais pas dans le sens évoqué par certains d’entre vous : globalement, le service civique attire davantage les jeunes de milieux plutôt favorisés et d’un bon niveau d’études mais il reste peu attractif et peu accessible pour des jeunes de milieux modestes.
Il existe des tentatives pour inverser cette tendance. Par exemple, l’association Unis-cité, que vous avez évoquée, a pour viatique de rassembler des équipes de jeunes d’origines différentes pour favoriser la rencontre sociale.
D’une manière générale, le service civique apparaît quantitativement insuffisant et qualitativement peu mixte socialement. En revanche, il convient de souligner un taux de satisfaction inouï : 93 % des personnes qui ont effectué un service civil en sont satisfaits et 90 % voudraient le recommander à des amis. Les témoignages sur le service civique sont à cet égard tout à fait convaincants.
Après avoir constaté que, faute de crédits suffisants, le service civil était effectivement peu développé, nous nous sommes permis d’utiliser le fond d’expérimentation pour la jeunesse créé par le Sénat, ce qui nous permettra de maintenir le dispositif en 2009 et de relancer le recrutement qui avait été stoppé il y a quelques mois. La démarche conduite est expérimentale et nous soutenons notamment un projet de la Ligue de l’enseignement qui a pour objet, suivant le type d’encadrement du service civique, de voir, un an, deux ans ou trois ans après leur mission, ce que les jeunes sont devenus.
Que proposons-nous ?
Tout d’abord, nous pensons que le service civique doit être volontaire. Il nous paraît en effet difficile, d’autant que nous nous efforçons tous de définir une politique cohérente de la jeunesse, de faire peser une obligation supplémentaire sur les jeunes alors même que la société n’est pas capable de tenir les engagements qu’elle a à leur égard.
Mettre en place un service civique obligatoire serait adresser aux jeunes un signal contre-productif. Il vaut mieux que le service civique soit volontaire et que, débordé par son succès, il soit ensuite étendu et rendu systématique
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le fait que le service civique puisse au départ être volontaire n’empêche pas d’envisager rapidement une extension de l’engagement civique des jeunes, des élèves, sous une forme un peu plus souple. Cela permettrait – c’est une demande qui est souvent formulée, notamment au titre de l’enseignement populaire – de reconnaître les compétences des jeunes très tôt, autrement que par les notes qu’ils obtiennent à l’école. À tout âge, il serait possible à des jeunes de pouvoir faire reconnaître un engagement au service des autres, notamment en aidant des élèves un peu à la traîne, en s’investissant dans des manifestations collectives au sein de leur école, en participant à des associations, des clubs, des kermesses, etc. Tout le monde serait ainsi incité à remplir cet engagement, qui pourrait figurer sur une sorte de carnet ou de passeport civique. Le civisme ne passe pas simplement par l’éducation civique classique, c’est également une participation active.
Par ailleurs, on peut imaginer un service civique volontaire d’une durée de six, neuf ou douze mois, bien évidemment indemnisé, qui pourrait s’inscrire dans un système plus large d’engagement civique des jeunes sous des formes beaucoup plus souples. Ces missions figureraient dans le passeport civique et le jeune pourrait en faire état lors la journée d’appel de préparation à la défense, qui serait pour lui l’occasion de faire le point sur ses expériences antérieures. À l’inverse, cette journée permettrait également de présenter aux jeunes le service civique et de leur apporter des informations.
Cela ne dispense évidemment pas de mettre en place des campagnes d’information. J’étais tout à l’heure avec des élus qui me confiaient leur souhait de faire appel à des jeunes en service civique et déploraient qu’il n’y ait même pas un site recensant les jeunes volontaires. Une organisation en ce sens est donc nécessaire.
M. Yvon Collin. Il est temps !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Au-delà du service civique classique ou de l’extension à d’autres formes d’engagement civique pour les jeunes, j’aimerais évoquer un troisième aspect : le service civique pour les seniors. Il serait dommage de se priver d’un débat sur cette question. Si l’on doit aider les jeunes, il faut encourager la mobilisation, à l’heure où l’on parle beaucoup de tutorat, de transmission intergénérationnelle, etc.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. La transmission intergénérationnelle ne consiste pas simplement à dire aux jeunes qu’ils doivent être volontaires pour aider les plus âgés. Les plus âgés – et cela commence assez tôt ! – doivent aussi aider les jeunes. L’une des missions que pourraient d’ailleurs remplir des jeunes dans le cadre d’un service civique pourrait être d’organiser le tutorat des seniors pour les jeunes qui ont le plus de difficulté. Les choses doivent fonctionner dans les deux sens.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Yvon Collin. Nous sommes bien d’accord !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ce n’est pas une boutade, c’est au contraire très sérieux. Il faut inciter celles et ceux qui, en leur temps, ont bénéficié des Trente Glorieuses à d’autres formes d’engagement, notamment en aidant les jeunes à s’engager à leur tour.
Le service civique doit pouvoir remplir un certain nombre de missions. Il doit permettre de mobiliser des jeunes sur des missions dites ponctuelles et urgentes. Dans une société susceptible de connaître des crises majeures, entre le système de gestion de crise et le service civique, il doit y avoir une passerelle. Lors de catastrophes, on doit pouvoir mobiliser le service civique. Après une tempête, par exemple, on devrait, dès le lendemain, voir des jeunes accomplissant leur service civique aux côtés des professionnels sur le terrain
Un autre aspect intéressant est le fait qu’un certain nombre de causes puissent inciter les jeunes à s’engager dans le service civique. Il faut que nous demandions aux jeunes, qui souvent jugent notre société injuste, quels sont les trois ou quatre sujets sur lesquels le service civique doit se mobiliser.
Certains d’entre vous ont évoqué les sans domicile fixe, les centres d’hébergement, les personnes âgées, handicapées, l’environnement. Ainsi, aujourd’hui, seuls 185 jeunes effectuent des missions de service civique en lien avec l’environnement alors que les besoins en ce domaine sont considérables. Il ne faut pas se borner au nettoyage des rivières ; il faut aussi voir ce qu’il est possible de faire en matière d’économies d’énergie. Il existe de nombreuses missions dans le domaine de l’environnement sur lesquelles les jeunes pourraient se mobiliser.
Le service civique volontaire, dès lors qu’il est indemnisé, bien identifié comme servant un certain nombre de causes, doit également être valorisé. Le jeune qui aura effectué un service civique pourra le faire reconnaître à l’université. Il doit être un atout qui facilite l’insertion professionnelle et devra être pris en compte pour la retraite. Ces éléments doivent être inscrits dans la définition même du service civique. On répondrait ainsi à l’aspiration des jeunes et à notre projet de société.
Plusieurs d’entre vous ont affirmé que, si le service civique ne s’était pas assez rapidement développé, ce n’était pas en raison d’une insuffisance de moyens mais par manque de volonté politique. Quand la volonté existe, les moyens suivent, ont-ils dit. Soyons réalistes, c’est aussi une question d’argent ! Si les différentes causes sur lesquelles je travaille – je pense en particulier à la pauvreté, l’autonomie des jeunes, le développement de l’alternance – ne dépendaient pas des moyens, les problèmes seraient déjà réglés.
Au-delà de la volonté politique et de la clarté du projet se pose aussi la question des moyens. Actuellement, je me bats pour obtenir les crédits nécessaires et je vous assure que c’est une bataille à l’arme blanche, quelle que soit la volonté politique qui l’anime.
Nous n’avons plus le droit de décevoir ni celui de faire des annonces générales qui, faute de moyens, ne seraient pas suivies d’une mise en œuvre effective.