M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le FSI ne prête pas, il investit. Investir, c’est s’intégrer à la vie des entreprises, pour partager leur avenir et encourager leur développement. Ce fonds est tout récent, mais il a déjà investi 450 millions d’euros en direct dans 13 entreprises, dont 6 PME. Les perspectives d’investissement permettent d’envisager le doublement de ce montant d’ici à la fin de l’année.
Il est toutefois indispensable d’apporter quelques modifications, afin de rendre le Fonds plus efficace dans son soutien aux PME, lesquelles restent structurellement sous-capitalisées.
M. Martial Bourquin. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Alors qu’elles constituent pour la France le plus grand bassin d’emploi de France et un tissu économique vital, les petites et moyennes entreprises sont souvent « coupées » des investissements, à la différence des grandes qui ont accès aux marchés boursiers.
Par conséquent, les PME ne sont pas en mesure de développer des technologies qu’elles ont pu ébaucher. N’oublions pas que, dans un tel contexte de crise, leur situation économique est devenue dangereusement critique. Hormis les secteurs fragilisés, comme l’automobile, ce sont elles qui ont le plus besoin d’investissements. Nos grandes entreprises ont des réserves pour faire face à la crise, alors que les PME souffrent de leur fragilité financière et d’une assise insuffisamment puissante.
Le FSI cible aujourd’hui les PME avec un potentiel de croissance et investit dans des entreprises présentant une forte capacité d’innovation. Il choisit ses partenaires, refuse d’être la « voiture-balai » des entreprises en difficulté et sélectionne les entreprises compétitives, celles qui sont, je le répète, porteuses de croissance, d’innovation, d’exportation, d’hégémonie et d’emploi.
Nous devons nous interroger sur la stratégie à tenir.
Faut-il privilégier certains secteurs particuliers de l’économie et ainsi préparer la France à y être leader ? C’est ce qu’ont fait les Japonais dans les années soixante : leur stratégie de laser beaming leur a permis d’acquérir un quasi-monopole dans la production de télévisions, caméras ou appareils photos.
Faut-il, au contraire, considérer l’économie de façon horizontale et choisir d’investir dans les entreprises dont l’activité est considérée comme déterminante pour l’avenir ?
Dans la mesure où nous avons choisi de soutenir une politique industrielle, il est indispensable de privilégier les entreprises occupant une position stratégique.
Les PME jouent un rôle clé dans l’innovation, mais elles pâtissent d’un manque de fonds propres et ne peuvent donc se consacrer à une prospection qui s’avère coûteuse. Parfois, elles n’ont pas la capacité de se protéger par des brevets mondiaux ou même européens. Chacun en conviendra, il nous faut absolument développer la taille et les capacités de nos petites et moyennes entreprises.
Les entreprises ont besoin d’investisseurs de confiance, stables, qui, loin de privilégier la logique financière au détriment de la vocation entrepreneuriale, consacrent leurs fonds propres à leur développement.
Il est toujours plus facile d’avoir la confiance des banques quand on est une grande entreprise. Pour les autres, le FSI propose une solution alternative de sécurisation, notamment à l’égard des entreprises stratégiques. C’est, à mon sens, une excellente initiative.
En revanche, comme l’a souligné le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, les dossiers « baladeurs » qui ne trouvent pas de guichet présentent un risque systémique et peuvent conduire à la disparition définitive d’emplois dans le secteur industriel.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ne serait-il donc pas opportun de créer un fonds spécifique pour les PME en difficulté, lesquelles doivent absolument disposer d’un adossement financier ?
Par ailleurs, l’accès au crédit des très petites et moyennes entreprises constitue une problématique récurrente ô combien inquiétante. Selon une étude récente, sur les neuf derniers mois, 15 000 d’entre elles se sont retrouvées dans l’obligation de saisir le Médiateur du crédit en raison d’un durcissement des conditions d’accès au crédit. La baisse de 10,8 % du crédit de trésorerie aux entreprises, observée depuis le mois de juillet 2008, est pour le moins inquiétante.
Le plan FSI-PME, lancé le 5 octobre 2009 par le Président de la République, prévoit un renforcement des dispositifs d’investissement en faveur des PME.
Ce programme équilibré comprend quatre outils : l’apport en fonds propres en direct, l’intervention via les fonds habituels, le fonds de consolidation des PME et, surtout, la création d’obligations convertibles.
Un an après, monsieur le secrétaire d’État, il vous est demandé de dresser un premier bilan. L’initiative de notre collègue Nathalie Goulet s’inscrit parfaitement dans la recherche de solutions pour affronter la crise et préparer le futur.
Est-il aujourd’hui possible de tirer des conclusions sur les premiers résultats du FSI ? Comment associer le Parlement dans la gouvernance et le contrôle des choix du FSI ? Le Président de la République s’est engagé à ce que les parlementaires membres du Conseil de surveillance suivent de près l’action de ce fonds et participent à son orientation.
Je pense que le contrôle parlementaire de l’action du FSI peut être renforcé. Le Parlement n’a été associé ni à l’organisation, ni à la gouvernance de ce Fonds. La commission de surveillance de la CDC compte, bien sûr, des parlementaires représentant les deux assemblées et exerçant leur contrôle sur la stratégie et les investissements du FSI. Mais le rapport remis au Parlement est une information a posteriori.
Davantage de contrôle et de transparence sont nécessaires dans l’action même du FSI : compte tenu de l’importance des montants engagés, du caractère stratégique de son intervention et du fait qu’il a l’entière responsabilité de ses actifs, il est essentiel que le Parlement soit pleinement associé dans la gouvernance et le contrôle du FSI.
Je partage l’analyse de Mme Goulet, qui demande une réflexion commune pour mettre en place un pilotage spécifique des actions du Fonds.
En conclusion, je citerai Sir Winston Churchill : « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n’oubliez pas de regarder le résultat. » Monsieur le secrétaire d’État, c‘est le rôle du Parlement ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, d’abord, à remercier Mme Goulet d’avoir attiré notre attention sur les problèmes que pose le Fonds stratégique d’investissement.
Si l’idée de créer cet outil pour faciliter la compétitivité des entreprises était bonne, son fonctionnement actuel pose un certain nombre d’interrogations.
Comme nous sommes en France où rien n’est simple, où rien n’est lisible, les modalités de contrôle de ce Fonds sont compliquées et multiformes. Exercé à trois échelons, le contrôle passe, d’abord, par la Caisse des dépôts et consignations et sa commission de surveillance. Il se poursuit par la surveillance parlementaire du plan de relance ; quand tout sera débloqué, monsieur le secrétaire d'État, le Fonds devrait recevoir 3 milliards d’euros d’argent frais. Il s’achève avec l’intervention de l’Agence des participations de l’État. Rapporteur spécial de la commission des finances, chargé d’examiner le compte spécial « Participations financières de l’État, j’ai auditionné les responsables de l’Agence des participations de l’État et examiné de plus près le fonctionnement du Fonds stratégique d’investissement.
Contrairement à Mme Goulet, je ne pense pas que le Parlement doive participer à la gouvernance du Fonds pour améliorer la lisibilité et garantir l’efficacité. Le rôle du Parlement est, selon moi, non de participer à la gouvernance, mais de contrôler. Pour ma part, je récuse tous les mécanismes qui ont pour objet d’associer des parlementaires à toute une série d’organismes. Je veux bien les admettre tant qu’ils ont une fonction de contrôle. Mais, dès lors qu’il s’agit de gouvernance, la participation des parlementaires se fait au détriment de l’efficacité. Les parlementaires américains ou britanniques ne participent pas à la gouvernance des institutions. Mais leur droit de contrôle est total, et ils ne se privent pas de l’exercer ! Le rôle de contrôle des commissions du Sénat est beaucoup plus important aux États-Unis qu’en France.
Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous soumettre quatre interrogations sur ce Fonds.
Première interrogation, comment le Fonds va-t-il gérer les 14 milliards d’euros de participations qui lui ont été transférés en plein été, à un moment important, le 15 juillet ? L’Agence des participations de l’État a transféré trois types de participations. La Caisse des dépôts et consignations a rassemblé des participations d’origines très diverses. Le Fonds est-il outillé pour gérer ces sommes ? Revendra-t-il certaines participations ? Je pense, notamment, à celles qui viennent de France Télécom. Les fera-t-il fructifier ? Confiera-t-il leur gestion à la Caisse des dépôts et consignations, son actionnaire principal, à hauteur de 51 % ? Toutes ces questions sont ouvertes et j’aimerais avoir quelques explications.
Deuxième interrogation, comment seront ciblés les investissements du Fonds. Sa vocation n’est pas de venir en aide aux entreprises en difficulté. Pour avoir créé moi-même, il y a très longtemps, un mécanisme d’aide aux entreprises en difficulté, le comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, dont je constate, toujours avec un égal plaisir, qu’il fonctionne toujours, je crois qu’il ne faut pas multiplier les mécanismes d’aide aux entreprises en difficulté. Le Fonds stratégique d’investissement doit, au contraire, se concentrer sur les entreprises – grandes, moyennes ou petites – capables de jouer leur rôle dans la mondialisation, de créer des emplois et d’accroître la compétitivité globale de l’économie française.
Tous les économistes le savent, tous les hommes politiques commencent à en être persuadés, ce qui nous manque dans notre pays, ce sont des entreprises moyennes – jusqu’à 5 000 salariés – capables, comme en Allemagne, comme aux États-Unis, de jouer leur rôle sur le plan international.
Il faut mettre en place les outils nécessaires à ce développement. À cet égard, la question s’est posée de savoir s’il était envisageable d’inclure dans le champ d’intervention du Fonds les entreprises en phase de restructuration ; je pense, par exemple, à Nexans.
Dans cette affaire, gardons-nous des tabous et des réglementations préétablies. Quand une entreprise peut, grâce à la technologie qu’elle développe et aux parts de marchés qu’elle a su gagner, se développer, il faut l’aider et investir, même si elle doit passer par un plan social.
Le Fonds ne saurait se contenter d’investir dans les entreprises très fortement capitalisées, dont les résultats sont si satisfaisants qu’ils font la splendeur du CAC 40 !
On ne saurait écarter de sa cible les entreprises qui ne peuvent accéder à un niveau de performances mondiales qu’au prix d’un plan de restructuration conforme aux normes sociales en vigueur.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. Troisième interrogation, monsieur le secrétaire d’État, le grand emprunt servira-t-il à renforcer la masse critique du Fonds spécial d’investissement ? Entend-on lui faire jouer un rôle important dans le cadre de la mise en œuvre des orientations qui sont enfin arrêtées après avoir recueilli l’avis de commissions savantes et de personnes autorisées ?
Pour en finir sur le ciblage des investissements, il me paraît souhaitable de pouvoir aider les entreprises, petites, moyennes ou grandes susceptibles d’apporter une valeur ajoutée à la compétitivité nationale. Mais, une fois les cibles de l’emprunt déterminées, il faudra s’assurer que l’intervention du Fonds spécial d’investissement se situe bien dans ces cibles et n’augmenter ses dotations que si cette condition est remplie. Or pour l’instant, nous ne savons rien. Nous espérons que vous pourrez nous apporter quelques réponses, monsieur le secrétaire d’État.
Dernière interrogation, qu’en est-il de la cohérence de l’action publique en faveur de la compétitivité des entreprises.
Après les annonces du Président de la République, après la création du Fonds, pas moins de quatre organismes - plus leurs filiales ! – s’occupent des mêmes sujets. Outre le Fonds lui-même, il y a Oséo pour les petites et moyennes entreprises, l’Agence des participations de l’État, en capacité de vendre, d’acheter ou de soutenir un certain nombre d’opérations, et la Caisse des dépôts et consignations, avec sa filiale CDC-Entreprises ! Comment peut s’y retrouver le chef d’entreprise de base, celui qui veut développer son entreprise et sa technologie ?
Auditionné hier par la commission des finances, le président d’Oséo nous a expliqué qu’il dispose de nombreux prêts participatifs. Il nous a dit que les obligations convertibles seraient réservées au Fonds spécial d’investissement.
Imaginons, monsieur le secrétaire d’État, une entreprise de 500 salariés qui a une bonne technologie et dont il faut renforcer le capital : en phase d’expansion, elle a absolument besoin d’être modernisée. Pourra-t-on ajouter les prêts participatifs d’Oséo et les obligations convertibles du Fonds ? Le Fonds interviendra-t-il ? Si oui, de quelle manière ?
Comme nous sommes en France, chacun défend sa paroisse ! Il est pourtant clair qu’on obtiendrait de meilleurs résultats en procédant à des décloisonnements et en donnant au Fonds spécial d’investissement et à Oséo un rôle équivalent, l’un et l’autre intervenant pour des entreprises de tailles différentes. C’est un problème de cohérence !
Pour autant, je ne crois pas que le guichet unique soit la solution. Il est clair que les statuts du Fonds spécial d’investissement lui imposent de respecter les conditions du marché et les règles de la concurrence. Il demeure actionnaire toujours minoritaire.
Il faut répondre aux questions sur la concordance entre le grand emprunt et le Fonds spécial d’investissement et sur la cohérence de l’action publique entre tous les organismes en charge des mêmes sujets, si nombreux en France !
Sur le problème des gouvernances, j’ai constaté qu’un parlementaire participe au contrôle interne de l’opération en sa qualité de membre du comité d’orientation du FSI. Cela ne me paraît pas être une bonne chose. Je ne souhaite pas qu’il y en ait plusieurs.
Il faut bien séparer les questions : le Fonds stratégique investit, étudie, travaille avec le milieu bancaire, discute de l’ensemble des problèmes que peuvent rencontrer les entreprises. Le Parlement contrôle, dans des conditions qu’il faut améliorer.
Si le Fonds parvient, grâce à ces 20 milliards d’euros de dotations, à accompagner le développement des PME capables d’exporter et de soutenir notre commerce extérieur, je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, que nous aurons gagné ! Nous réussirons à stabiliser la position de la France sur les marchés internationaux, à stopper le recul et, ensuite, à regagner des parts de marché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question orale avec débat déposée par notre collègue Nathalie Goulet présente un certain nombre de caractéristiques pour le moins intéressantes.
Elle permet d’ouvrir un débat que la loi de finances devrait encore approfondir, ce qui ne peut manquer de donner sens à l’initiative parlementaire, sous tous ses aspects.
Les parlementaires du groupe CRC-SPG ont d’ailleurs pour eux d’avoir, lors de la création du Fonds stratégique d’investissement, marqué leur interrogation quant aux attendus et aux missions confiées à ce qui nous était présenté comme un « fonds souverain à la française ».
Permettez-moi de procéder à un rappel.
S’inspirant sans doute de l’exemple du fonds norvégien Statoil, qui capitalise les bénéfices des investissements réalisés à partir des revenus tirés de l’exploitation des ressources énergétiques de la mer du Nord pour prendre en charge, entre autres choses, le financement de la protection sociale de ce pays nordique, le Président de la République a souhaité mettre en place le FSI pour répondre aux défis de la désindustrialisation.
En mettant sur la table 20 milliards d’euros, apportés à parts quasi égales par l’État et par la Caisse des dépôts et consignations, et destinés à financer des prises de participation dans toute entreprise industrielle de notre pays, on tentait de donner une réponse, que d’aucuns qualifiaient d’ailleurs, à l’époque, de « colbertiste », au problème de l’hémorragie constante d’emplois et d’activités industrielles dans notre pays.
De fait, ainsi que le souligne l’auteur de la question orale, le Fonds d’investissement stratégique est une forme de filiale de la Caisse des dépôts et consignations – dont la spécificité, je le rappelle, est d’être soumise au contrôle du Parlement – alors même que la majorité du capital du Fonds est détenue par la CDC.
Pour le moment, comme chacun le sait, le Fonds n’a qu’une existence juridique particulièrement ténue, découlant de l’application de l’article 5 de la loi de finances rectificative de février dernier, et je me permets de rappeler ce que nous en disions déjà alors.
« Le collectif consacre la création du Fonds stratégique d’investissement, structure dont la gestion est confiée à la fois à Augustin Romanet de Beaune, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et au P-DG de Citroën, qui sort juste d’un plan social massif à Rennes...
« Déjà, avec une telle “carte de visite”, cela promet...
« Mais voilà aussi qu’on apprend que la Caisse des dépôts et consignations s’apprête à apporter 3 milliards d’euros de “cash” pour le capital de ce fameux “fonds souverain à la française”...
« Comment le fait-elle ? En cédant des actifs immobiliers et, en l’espèce, 35 000 logements sociaux appartenant aux filiales immobilières de la CDC et situés notamment dans de nombreuses communes de la proche banlieue parisienne.
« La vente de ce patrimoine, dont la Caisse espère donc obtenir une plus-value de 3 milliards d’euros, risque fort de conduire à la mise sur le marché de ces logements, en dehors de la législation HLM !
« De fait, pour financer des prises de participation prétendument publiques dans des entreprises considérées comme stratégiques, on va commencer par dilapider le logement social ! »
Cette observation liminaire nous amène directement au sujet qui nous préoccupe.
Non content d’avoir fait d’un cadre du groupe PSA le directeur général du Fonds, on a nommé le fils du ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance directeur général adjoint !
Venons-en aux faits plus récents qui ressortent de l’action du Fonds stratégique d’investissement.
Préservation des emplois et des activités industrielles sont la raison d’être du Fonds, si l’on doit croire ses créateurs.
Le problème est que quelques salariés d’entreprises d’ores et déjà recapitalisées par le FSI n’ont pas cette lecture des faits ou, plutôt, ils constatent qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que les faits n’ont qu’un lointain rapport avec les intentions !
Je présenterai ici un exemple significatif de l’intervention du Fonds, que la presse a d’ailleurs traité, celui de la société Nexans, à Chauny dans l’Aisne.
Je confesse que le journal dont j’ai tiré cet exemple n’est pas vraiment favorable à la politique gouvernementale actuelle, puisqu’il s’agit de l’Humanité (M. le secrétaire d'État sourit), mais les faits sont les faits et, Mme Goulet ayant cité Le Figaro, permettez-moi de citer un article dont le titre ne présente pas d’équivoque – « L’État boursicote, les salariés trinquent » – et que son auteur résume lui-même de la façon suivante : « Le Fonds stratégique d’investissement était “l’arme anticrise” de Sarkozy. Voilà qu’elle s’est transformée en bombe contre l’emploi. Dans l’Aisne, la multinationale Nexans va raser l’un de ses berceaux avec l’aide de l’argent public. C’est un scandale qui tient à deux chiffres : 60 millions d’euros et 387 chômeurs ! »
L’article compte ensuite l’histoire de Chauny, cette petite bourgade de l’Aisne qui, depuis 1922, « vit au rythme de ses usines de câbles passées de la Compagnie générale d’électricité à Thomson, puis Alcatel, puis Nexans ».
« Début juillet, la multinationale française Nexans – 22 400 salariés dans le monde, dont 3 000 en France, une marge opérationnelle à 8,9 % et 195 millions d’euros de profits en 2008 – a bénéficié d’un investissement de 60 millions d’euros de la part du Fonds stratégique d’investissement tant vanté par Nicolas Sarkozy comme sa véritable “arme anticrise” censée défendre le travail et les usines en France. À peine trois mois plus tard, voilà qu’avec les largesses de ce fonds à capitaux exclusivement publics, le groupe programme le saccage de l’emploi, en supprimant 14 % de ses effectifs sur le territoire de son berceau historique, qui demeure aussi son principal marché ! “ Cet argent ne peut pas servir pour investir dans des unités déficitaires”, ont osé arguer, devant les salariés, les dirigeants de Nexans.
« Sur place, le vacarme du scandale commence à parasiter la complainte des licenciements. Le délégué syndical central CGT, soupire : “Franchement ? Je sais que le FSI est rentré dans le capital du groupe, mais c’est tout !” À Fumay, dans les Ardennes, sur un autre site de Nexans où cinquante-trois licenciements viennent d’être annoncés, le délégué CGT et membre du comité de groupe européen réclame, par courrier recommandé, une entrevue avec Gilles Michel, le directeur général du FSI. “Ce fonds devait servir à consolider les positions des fleurons industriels et à préserver les emplois en France, se souvient-il. Il ne peut en aucun cas être utilisé pour restructurer ou délocaliser. Or, dans le cas de Nexans, il y a manifestement un petit doute…” À Paris, au conseil d’orientation stratégique, censé être, selon Nicolas Sarkozy, le “gardien de la cohérence et des équilibres de l’action du fonds”, les syndicats sont pour le moins fumasses. “Nous n’avions aucune information sur les conséquences sociales du projet, s’insurge l’un de leurs représentants. N’ayant aucun pouvoir réel dans la gouvernance du FSI, nous ne disposons que de l’information qu’ils veulent bien nous donner. Manifestement, le patron de Nexans se sert du FSI pour améliorer ses fonds propres. Après, c’est vraiment : “Circulez, il n’y a rien à voir !” »
« Dans toute sa communication financière, le groupe, plutôt florissant, avoue ne viser qu’un objectif : “Faire de Nexans, un groupe plus rentable.” Sur le terrain, cela signifie par exemple que, depuis des années, la direction de l’usine organise la sous-activité de son site industriel à Chauny. “Le groupe a trois coulées continues de cuivre en Europe et celle de Chauny est à la fois la plus performante et la plus productive, pointe le délégué syndical. Chez nous, toutes les installations sont doublées, c’est unique au monde ! Mais la direction de Nexans s’en fiche, ils ont décidé qu’on était en surcapacité et que, de toute façon, cette activité ne produisait plus assez de valeur ajoutée.” Au FSI, où travaille un petit commando d’as de la finance débauchés dans les banques d’affaires et les fonds d’investissement traditionnels, on s’excuse de ne pas s’immiscer du tout dans la stratégie industrielle de Nexans. “Moi, je ne sais pas quand le plan social a été préparé, avance le porte-parole du FSI. Nous n’avons pas à décider de la stratégie de l’entreprise, ni de sa gestion. Si on arrivait en disant à l’entreprise qu’on veut jouer un rôle important, elle n’accepterait pas que l’on entre dans son capital. Nous pouvons discuter par exemple du reclassement des salariés, mais c’est l’entreprise qui garde la main.”
« Opacité complète pour les ouvriers et leurs représentants, transparence totale pour les patrons et leurs actionnaires, privés… ou publics ! En avril, Nexans promet “d’accentuer très fortement ses actions de restructuration” et, en juillet dernier, au moment de l’entrée officielle du FSI dans le capital de la multinationale, Frédéric Vincent, son P-DG, se félicite bruyamment : “Le FSI connaît les enjeux auxquels un groupe industriel global comme le nôtre doit faire face.” Détail piquant, à la limite du conflit d’intérêts : le FSI connaît d’autant mieux la stratégie de Nexans qu’un des membres du comité exécutif du fonds, Jérôme Gallot, président de CDC Entreprises, filiale de capital-investissement de la Caisse des dépôts et consignations, siège au conseil d’administration du leader mondial du câble depuis 2007. Alors que Nexans a provisionné des dizaines de millions d’euros pour la restructuration envisagée et qu’il vient de distribuer près de 56 millions d’euros à ses actionnaires, à quoi servent donc les 60 millions d’euros du FSI ? À Chauny comme à Fumay, ou sur les autres sites de Nexans en France, les ouvriers en sont de plus en plus convaincus, le FSI est un fonds d’investissement comme les autres. Ni plus ni moins rapace que les autres. Un fonds qui ne crache même pas sur les “licenciements boursiers” de ceux qui l’ont abondé par leurs impôts… »
Mes chers collègues, s’il convenait de se demander quel sens donner à la réponse à la question posée par notre collègue Nathalie Goulet, ce serait sans doute assez aisé à définir.
Premier aspect, le Fonds stratégique d’investissement doit effectivement être placé sous la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations et, par là même, de sa commission de surveillance, où siègent des parlementaires.
Second aspect, oui, l’argent public est une chose bien trop précieuse et une denrée bien trop rare pour qu’il soit utilisé aux fins de financer des stratégies d’externalisation d’activité – c’est bien ce qui s’est produit dans l’affaire Nexans – et des plans sociaux dont souffrent au premier chef les salariés, leurs familles et les territoires où ils résident !
Au-delà des étranges choix stratégiques qui président au fonctionnement du FSI, on peut remarquer, dans cette affaire, que l’intervention du Fonds se fait sans la moindre information des salariés et, plus encore, sans la moindre participation des premiers intéressés aux choix de gestion opérés par le Fonds.
On ne peut, mes chers collègues, faire le bonheur des gens contre leur gré. C’est une tendance qui semble guider la manière de gérer les affaires du pays et qui prévaut singulièrement depuis le printemps 2007 ; les salariés de notre pays sont suffisamment intelligents pour s’intéresser au premier chef à la gestion de l’entreprise où ils travaillent !
Ce que nous venons de décrire n’empêchera nullement Nexans de tirer pleinement parti de la réforme de la taxe professionnelle, présentée comme la mesure phare du projet de budget pour 2010 et qui ne servira, dans le cas précis, qu’à assurer encore plus aisément le financement du plan social !
Si le Fonds stratégique d’investissement devient l’auxiliaire des plans sociaux et des liquidations d’activité, comme chez Nexans, Technip, Trèves, Valeo ou encore dans la holding des aventuriers qui avaient promis à Jean-Luc Warsmann monts et merveilles lors du rachat, avant la liquidation que l’on sait, de Thomé-Génot, nous sommes en présence d’une opération pure et simple de détournement de fonds publics au profit d’on ne sait trop quoi !
Il est grand temps, et Mme Goulet a eu raison de soulever la question ce matin, que le Fonds stratégique d’investissement soit soumis au contrôle parlementaire, que son action réponde à une éthique plus précise et que les salariés des entreprises où il est appelé à intervenir soient pleinement associés à l’évaluation de l’efficacité de son implication.
Nous nous attacherons à faire valoir cette exigence le moment venu.