M. Yvon Collin. … trop souvent méprisées par l’État ces derniers temps. En effet, le niveau de leurs dépôts au Trésor, 30 milliards d’euros, permet à l’État d’emprunter moins sur les marchés.
Enfin, je tiens à évoquer la croissance, sans laquelle aucune marge de manœuvre n’est réellement envisageable. En tablant sur un taux de croissance de 1 % pour 2012 – pourcentage déjà revu à la baisse –, contre 0,3 % selon les prévisions de l’OCDE, comment le Gouvernement pourra-t-il respecter ses engagements et passer de 5,7 % de déficit public en 2011 à 4,5 % en 2012 et à 3 % en 2013 ?
Une réduction du déficit fondée essentiellement sur l’austérité et la réduction des dépenses publiques ne nous paraît pas être la bonne solution.
Pour réduire les déficits, il faut stimuler et favoriser la croissance. Or, la majorité des membres du RDSE considère qu’une autre politique économique et fiscale est indispensable pour renouer, enfin, avec la création de richesses et d’emplois, mais également avec la réduction de notre déficit public.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n’approuverons pas les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Francis Delattre. La tonalité sera différente !
M. Jean-Pierre Caffet. On craint le pire !
M. Philippe Dominati. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et nous prononcer sur la charge de la dette française, dans un contexte où, comme on l’a vu ces derniers jours, la position de la France est attaquée sur les marchés comme jamais depuis la création de la monnaie unique.
Ces attaques exigent, de notre part, un grand sens des responsabilités.
Vous le savez, mes chers collègues, le facteur clé pour que notre pays continue à bénéficier de taux d’intérêt extrêmement bas repose sur notre crédibilité à lutter contre l’endettement.
Cette crédibilité passe par le respect de nos engagements de réduction des déficits, selon un calendrier très précis : 5,7 % en 2011, 4,5 % en 2012, puis 3 % en 2013, avec, à l’horizon, le retour à l’équilibre budgétaire en 2016.
Il n’existe pas d’autre voie, et quiconque s’écarterait de cette trajectoire pour assouvir un projet fantaisiste ne tarderait pas à se voir immédiatement rappelé à la réalité ; le réveil pour la France et les Français serait alors fatal.
La charge de la dette deviendrait rapidement le premier poste de dépenses de notre pays, la France perdrait la confiance de tous ses partenaires, elle subirait de violentes attaques de la part des marchés et ne trouverait pas de capitaux à emprunter à un taux raisonnable. Ce serait ni plus ni moins que notre souveraineté nationale et l’euro qui seraient mis en cause. Un tel mécanisme a été démonté tout à l’heure par Mme la rapporteure générale.
Le risque est de nous trouver dans le même cas de figure que la Grèce ou le Portugal et, partant, dans l’ardente obligation d’appliquer des mesures bien plus drastiques que celles que nous connaissons aujourd’hui, comme la baisse des salaires ou des pensions.
M. Jean-Pierre Caffet. Comme Laval en son temps !
M. Philippe Dominati. Fort heureusement, la détermination du Président de la République et du Gouvernement à réduire le déficit public et à désendetter la France est totale.
À travers vous, monsieur ministre, le Gouvernement continue d’agir pour réduire la charge de la dette publique. Croyez-moi, les Français sauront se souvenir, le moment venu,…
M. Alain Néri. On peut toujours rêver !
M. Philippe Dominati. … que, lorsqu’existe une volonté politique, il est possible d’éviter l’augmentation fatale de la dette.
M. Jean-Jacques Mirassou. Capitulation !
M. Philippe Dominati. Le Gouvernement est, désormais, sur la bonne voie. Il lui faut incontestablement poursuivre en ce sens.
Votre rôle, monsieur le ministre, est de ne pas tenir compte des arguments idéologiques d’une opposition qui, au niveau national, est prête à beaucoup de promesses pour revenir aux affaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Richard Yung. Et vous, alors ?
M. Alain Néri. Les promesses, c’est votre spécialité !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez encore des leçons à nous donner en cette matière !
M. Francis Delattre. Le pédalo est déjà très chargé !
M. Philippe Dominati. Pour répondre aux déficits, les diverses formations politiques de l’opposition défendent une vision commune : toujours plus de taxes, sur les ménages, y compris les classes moyennes, mais aussi sur les entreprises, de manière disproportionnée.
Les masques sont en train de tomber : la gauche, dans cet hémicycle, a proposé au travers de ce budget de ponctionner l’ensemble des entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros, au risque de casser le peu de croissance qu’il nous reste.
M. Richard Yung. Croissance zéro !
M. Philippe Dominati. La majorité sénatoriale est d’autant plus imaginative qu’elle sait que ce qu’elle vote ne sera pas appliqué. Elle ne se donne donc même pas la peine de rendre crédibles ses propositions.
M. Jean-Pierre Caffet. Nos propositions sont responsables !
M. Alain Néri. Nos dépenses sont gagées !
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, alors que le Président de la République, le Premier ministre et vous-même pensez à désendetter le pays…
M. Jean-Pierre Caffet. Il serait temps !
M. Richard Yung. C’est vous qui avez créé la dette !
M. Philippe Dominati. … et à l’intérêt supérieur de la France, la gauche, pour l’instant, ne s’intéresse qu’aux échéances de 2012.
M. Jean-Jacques Mirassou. Pourquoi faites-vous une telle fixation sur la gauche ?
M. Philippe Dominati. Après M. Collin, je tiens moi aussi à évoquer l’excellent rapport spécial de notre collègue député Dominique Baert. Celui-ci s’est livré à une étude tout à fait intéressante en comparant, sur la période 2007-2010, l’évolution du poids de la dette par rapport au PIB en France et chez nos principaux partenaires. En voici le principal enseignement : le poids de la dette a augmenté de 17,9 % dans notre pays, mais beaucoup plus fortement ailleurs, de 18,3 % en Allemagne, de 19,1 % dans la moyenne des pays de l’euro, de 29,5 % aux États-Unis, de 35,5 % en Grande-Bretagne, de 30 % au Japon.
Il faut le souligner, grâce à la vigueur du plan de relance, dont les effets positifs sur notre économie ont été reconnus sur le plan international, en particulier par le FMI et l’OCDE, la France a su limiter l’accroissement de la dette et protéger ses concitoyens de bien meilleure façon que ne l’ont fait ses partenaires majeurs, notamment européens.
M. Francis Delattre. Évidemment !
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, le Gouvernement a trouvé la bonne voie. Bien évidemment, le groupe UMP votera, dans un esprit de responsabilité, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et apportera, en cette période difficile, son soutien plein et entier au Président de la République, au Premier ministre et à l’ensemble du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Joël Guerriau. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Richard Yung. Il faut répondre à l’UMP !
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons l’examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », j’ai l’impression, partagée sans doute par bon nombre d’entre vous, que le message que nous recevons, au travers des différents documents diffusés, est répétitif et linéaire, notamment en ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
La preuve en est que les crédits affectés aux programmes 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État » et 732 « Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État » sont rigoureusement les mêmes que les deux années précédentes.
Cet électro-encéphalogramme plat, pourrait-on dire, autorise à se poser des questions sur le manque de volonté politique du Gouvernement, qui paraît de plus en plus évident à mesure que l’on s’enfonce dans la crise.
On est en droit de se demander quelles sont ses intentions. Pourtant, il dispose, pêle-mêle, de l’Agence de participations de l’État, de la Commission des participations et des transferts, du Fond stratégique d’investissement, le FSI, de la Caisse des dépôts et consignations et, bien sûr – j’ai failli l’oublier ! – d’un ministre chargé de ce secteur, qui ne nous fait pas l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui…
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Ce n’est pas bien de dire cela ! Le Gouvernement est là !
M. Jean-Jacques Mirassou. Peut-être faut-il chercher les raisons du manque de lisibilité politique que j’évoquais tout à l’heure dans le nombre des acteurs concernés ou la multiplicité des niveaux d’intervention. Dans ce cas, la responsabilité du capitaine du navire – je veux parler du ministre aujourd’hui absent – serait engagée.
Je pense très sincèrement, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l’État a choisi de se cantonner délibérément dans le rôle d’un actionnaire, gérant ses participations en fonction de l’évolution de la crise, c’est-à-dire avec une approche comptable, qui s’apparente parfois à celle d’un rentier.
Pourtant, de notre point de vue, c’est bien parce que la crise est là qu’il aurait dû choisir une option plus offensive en opérant des choix au service d’une véritable stratégie industrielle, crédible, courageuse, ancrée sur les territoires et en lien avec les régions. L’État aurait dû se comporter tout à la fois en actionnaire avisé et en stratège pariant sur l’avenir. Ce n’est pas l’option qui a prévalu !
Je serais tenté de vous dire, monsieur le ministre, qu’il n’est pas trop tard pour redresser la situation et regarder l’avenir en préservant une industrie enracinée dans les territoires et tournée vers les technologies de pointe. Cela suppose de la part de l’État un changement de politique réel et rapide, qui passe non seulement par l’abandon de la cession de ses actions, mais aussi par le renforcement de sa participation dans les secteurs stratégiques porteurs d’avenir. S’il avait agi ainsi pour Renault, nous aurions pu éviter des délocalisations intempestives et, surtout, le mauvais traitement réservé aux sous-traitants hexagonaux. Cela aurait dispensé aussi notre collègue Jean-Pierre Raffarin d’interpeller hier, ici même, le ministre chargé de l’industrie – il était là ! – pour lui demander d’intervenir auprès du P-DG de Renault afin que la fonderie du Poitou puisse continuer à livrer des culasses et assurer ainsi sa survie.
Dans un autre domaine qui me tient à cœur, j’évoquerai le groupe EADS. Il n’est pas nécessaire de rappeler son importance cruciale pour notre pays, tant par ses potentialités industrielles que par le rôle stratégique qu’il joue. Toutefois, force est de constater que son devenir a un peu été laissé à l’abandon. Quid en effet du suspense tout à fait déplacé concernant les parts de l’étonnant M. Lagardère fils ? L’État français doit, d’une manière ou d’une autre, reprendre la main dans ce dossier ; j’en profite pour rappeler que le groupe Daimler est en train de céder ses parts d’EADS à l’État allemand. On est en droit de se demander, dans la mesure où le rapport de force en termes d’actionnariat évoluera sans doute dans le mauvais sens, avec les Allemands d’un côté et les Français de l’autre, comment cette affaire va évoluer. Il est inadmissible, monsieur le ministre, que les parlementaires que nous sommes ne soient pas tenus au courant au jour le jour de l’évolution de l’actionnariat d’une grande entreprise, fleuron de l’aviation, et à laquelle je suis très attaché en tant que sénateur de Haute-Garonne.
Il est temps de revenir à une véritable politique des participations de l’État et, partant, à une véritable politique économique, à laquelle les parlementaires doivent être associés bien plus étroitement et régulièrement, notamment par rapport au tableau de bord que j’évoquais tout à l’heure et qui repose sur la compétence du ministre de l’industrie et de ses collaborateurs.
Il importe avant tout, je le répète, de cesser de vendre – je ne dirais pas « brader » ! – les actifs de l’État et de s’engager dans une logique d’investissement et de reconquête, par la puissance publique, de ses moyens d’action.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles, vous l’avez compris, le groupe socialiste n’est pas favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui manque non seulement d’ambition, mais aussi de sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dette publique française représente près de 1 700 milliards d’euros, soit 85,5% de notre PIB. Ainsi, il faudrait près de sept années consécutives de recettes fiscales pour rembourser notre dette : sept années sans financer aucune mission, sans financer le moindre service public… Finalement, c’est peut-être la raison pour laquelle la majorité du Sénat rejette les crédits de presque toutes les missions !
Qui plus est, ce chiffre ne prend pas en compte nos engagements hors bilan, à savoir les 1 200 milliards d’euros destinés à assurer, d’ici à quarante ans, le financement des pensions, les 313 milliards d’euros de garantie de l’épargne et les garanties bancaires accordées dans le cadre du démantèlement du groupe Dexia.
Concernant les banques, je souhaite apporter un témoignage personnel. Au plus fort de la crise, à l’automne 2008, j’étais vice-président de l’Institut mondial des caisses d’épargne, qui réunit 110 établissements financiers dans 92 pays. De nombreux opposants critiquaient avec une ironie certaine et des allégations mensongères le gouvernement français, qui osait apporter sa garantie aux banques, pour leur permettre d’emprunter sur les marchés, en prenant parallèlement des participations dans le capital de plusieurs établissements bancaires, afin de renforcer les fonds propres de ces derniers.
Comme le souligne le rapport spécial, le groupe Banques populaires-caisses d’épargne, BPCE, a procédé le 23 mars dernier au dernier remboursement de cet apport. L’État a ainsi réalisé un « bénéfice » de 2,4 milliards d’euros par la perception d’intérêts progressifs en 2009 et 2010.
Il convient de souligner la pertinence du plan français, qui a permis de stopper le vent de panique qui commençait à souffler, d’autant que ce plan s’avère aujourd’hui profitable alors que, dans la plupart des pays voisins, c’est par dizaines de milliards d’euros que les contribuables ont été sollicités.
Après cette digression, j’en reviens à la gestion de ce stock faramineux de dette publique qui nous impose davantage d’efforts dans un contexte économique contraint.
En 2012, la charge de la dette, avec 48 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur les sociétés, représentera une nouvelle fois le deuxième poste de dépenses de l’État. Il faudrait parvenir à une croissance de 2,5 % pour résorber les intérêts de la dette. Or les prévisions de croissance ne sont pas favorables. Le remboursement des emprunts ne peut plus se concevoir comme un pari sur l’avenir. Il est déraisonnable d’emprunter pour rembourser les intérêts de la dette. Une telle fuite en avant ne pourra être arrêtée que par la conduite d’une politique courageuse de réduction des dépenses.
Comme l’a rappelé Valérie Pécresse, « notre pudeur dût-elle en souffrir, nous sommes scrutés » : nos créanciers nous surveillent et exigent de nous de la crédibilité dans nos prises de décision. Nos taux de financement de long terme comme de court terme tendent à augmenter, illustrant la défiance ambiante. Les marchés sont fébriles, notre croissance économique patine et nous nous apprêtons à émettre près de 182 milliards d’euros de bons du Trésor sur les marchés.
Je persiste à croire que nos fondamentaux sont encore fiables et solides et qu’ils nous permettront de ne pas perdre la qualité supérieure que chacun reconnaît à notre signature.
En 2008, le Conseil d’analyse économique a présenté un rapport faisant état des crises de dettes souveraines dans les pays en voie de développement. Nous pensions être à l’abri d’une crise argentine ou d’une crise russe, a fortiori en tant que membre de la zone euro. Nous savons aujourd’hui que ce risque existe et qu’il faut nous résoudre à prendre les mesures nécessaires pour aller, au-delà de la seule gestion de la dette, vers un désendettement durable.
La crise qui est devant nous est d’ordre politique ; elle nous imposera d’adopter des dispositions courageuses pour enrayer la spirale dans laquelle nous sommes entraînés. Le Gouvernement a pris des engagements importants en matière de réduction des déficits publics, de façon à ce que nos créanciers nous conservent leur confiance ; à nous maintenant d’accorder la nôtre !
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine voteront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Monsieur Mirassou, lorsque vous regrettez l’absence de tel ou tel ministre, en laissant entendre que ce serait la preuve d’un désintérêt du Gouvernement pour le projet de budget que nous examinons ce matin, je vous réponds très clairement que le Gouvernement de la France est bel et bien représenté par le ministre de la fonction public, qui a l’intention de répondre aux questions que vous avez posées. J’ai présenté tout à l’heure les excuses de Mme Valérie Pécresse, qui est actuellement à l’Assemblée nationale, où elle défend un texte visant, compte tenu des circonstances, à adapter le budget. Face à la crise, il faut être réactif. Pour avoir été parlementaire moi-même, je mesure l’engagement du Gouvernement dans la défense du projet de loi de finances devant le Parlement, et en particulier devant le Sénat. Je trouve donc déplacées les allusions selon lesquelles le Gouvernement ne serait pas présent, en la personne du ministre en charge, lors d’une séance importante du Sénat.
M. Jean-Jacques Mirassou. N’extrapolez pas, monsieur le ministre ! Si je veux parler clairement, je le fais !
M. François Sauvadet, ministre. Les mots ont un sens, monsieur Mirassou, surtout à cette tribune !
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous présenter très brièvement les grandes lignes de la gestion de la dette pour l’année 2012, sujet particulièrement important pour l’avenir de notre pays et que nous avons en partage, vous l’avez dit, madame la rapporteure générale.
Le besoin de financement de l’État en 2012 s’élèvera à 179,9 milliards d’euros. Ce chiffre recouvre à la fois le déficit budgétaire, qui est de 79,7 milliards d’euros, et les amortissements de dettes négociables, qui atteignent 100,2 milliards d’euros en 2012.
Ce besoin de financement sera essentiellement couvert par des émissions de moyen et long terme, c'est-à-dire de deux à cinquante ans, à hauteur de 179 milliards d’euros. L’encours des émissions de bons du Trésor à moins d’un an pourra être légèrement réduit d’environ 3,2 milliards d’euros, grâce à des effets d’un même montant sur le niveau du compte du Trésor.
La charge de la dette en 2012 est évaluée à 48,8 milliards d’euros, en légère augmentation par rapport à l’exécution 2011, dans le cadre de laquelle elle atteignait 46,4 milliards d’euros.
Ce chiffre repose sur des hypothèses prudentes : le taux à trois mois prévisionnel est anticipé à 1,4 %, alors qu’il est de 0,4 % aujourd’hui. Le taux à dix ans qui a été retenu est de 3,7 % pour l’année, contre 3,4 % aujourd’hui.
Vous avez souligné que les Français étaient sensibles à la question de la charge de la dette, qui est en effet centrale. Les agences de notation ont toutes confirmé la note de la France, soit triple A avec perspective stable. Cette notation s’explique par la diversité et la force de l’économie française, ainsi que par l’engagement du Gouvernement à redresser les finances publiques.
Madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est déterminé, comme le démontrent l’ensemble des décisions qu’il a prises récemment, à ce que la situation demeure ainsi. Il ne s’agit en aucun cas, madame Beaufils, de la réponse à un « diktat du marché ». C’est la conduite d’une politique responsable vis-à-vis de nos concitoyens, comme vis-à-vis des générations futures. C’est l’effort que vous appelez de vos vœux, monsieur Guerriau. Les agences de notation et les investisseurs ne font qu’en prendre acte. Ils nous confirment que nos choix sont les bons.
Sur la question, qui revient souvent, de l’écart de taux avec l’Allemagne, le Gouvernement s’inscrit en faux contre tous ceux qui prétendent que la France aurait déjà perdu le triple A.
S’il est vrai que l’écart avec les conditions de financement de l’Allemagne s’est creusé ces derniers mois, la France se finance toujours à des conditions de taux qui restent bonnes, sa signature étant considérée comme solide par les investisseurs.
L’écart de taux d’intérêt entre la France et l’Allemagne pour les emprunts à dix ans a fluctué depuis le début de l’année 2011, de 29 points de base au plus bas à 189 points de base au plus haut. Il se situait hier à environ 90 points de base, en nette amélioration.
L’augmentation de l’écart de taux avec l’Allemagne n’est toutefois pas propre à la France, puisque d’autres États notés triple A, tels que la Finlande, l’Autriche ou les Pays-Bas, ont récemment été confrontés à un phénomène similaire.
Si l’écart de taux reflète également partiellement un écart du niveau des déficits publics, le Gouvernement met tout en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Vous l’avez souligné, monsieur Dominati, nous n’avons pas à rougir de notre gestion par rapport à celle de nos partenaires.
Madame la rapporteure générale, vous avez également soulevé, tout comme M. Collin, la question du niveau de détention de dette par des non-résidents.
Il me semble que, à cet égard, la France est parvenue à un équilibre satisfaisant : un premier tiers de sa dette est détenu par des résidents, un autre tiers par des non-résidents ressortissants de la zone euro et le dernier tiers par des non-résidents extérieurs à la zone euro.
La politique de diversification poursuivie par la France l’est aussi par tous les émetteurs les mieux notés de la zone euro, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas. Elle vise à diminuer le coût de la charge de la dette en étendant l’espace de la concurrence pour l’achat des titres de dette française.
En outre, le fait que la base d’investisseurs à laquelle s’adresse l’offre de ces titres s’élargisse est un gage de sécurité, dans la mesure où la diversification de l’origine géographique des détenteurs et des catégories dont ils relèvent permet de limiter les fluctuations de la demande. Elle permet également de sécuriser les interventions d’investisseurs moins sensibles au niveau absolu des taux, comme certaines banques centrales étrangères.
À propos des primes d’épargne logement, madame la rapporteure générale, vous m’avez interrogé sur la baisse des crédits alloués au programme 145, « Épargne », ainsi que sur le risque de reconstituer la dette contractée par l’État à l’égard du Crédit foncier de France, qui a été résorbée en 2011. Je puis vous assurer que cette reconstitution n’aura pas lieu. Le montant prévu des crédits doit permettre de couvrir de manière satisfaisante le versement des primes d’épargne logement en 2012, compte tenu de l’évolution des niveaux d’exécution constatée depuis 2009, notamment entre 2010 et 2011.
J’en viens au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », ou CASPFE, qui retrace l’ensemble des opérations en capital réalisées par l’État, qu’il s’agisse de dépenses ou de recettes, c’est-à-dire de prises de participation ou de cessions de titres et de réductions de capital.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Mirassou, l’affectation de moyens à ce compte d’affectation spéciale s’inscrit dans le cadre d’une vision renouvelée du rôle industriel de l’État actionnaire.
Le Président de la République a indiqué très clairement, notamment lors de la clôture des états généraux de l’industrie, que l’État actionnaire avait pour mission de contribuer activement à la politique industrielle française.
En particulier, nous suivons précisément la répartition par pays, ou par grandes zones, des investissements, de l’emploi et de la valeur ajoutée des entreprises.
Le rapport relatif à l’État actionnaire, qui fait partie des documents budgétaires remis à votre assemblée, présente des chiffres encourageants, je crois devoir le souligner. Il fait notamment état d’une accélération de 7 % en 2010 – contre seulement 2 % en 2009 – des investissements réalisés sur le territoire français par les entreprises au capital desquelles l’État participe. De surcroît, la valeur ajoutée créée en France par ces entreprises a augmenté de 2 % en 2010.
Madame la rapporteure générale, vous vous êtes préoccupée de la place des femmes dans les organes de gouvernance des entreprises. Sachez que l’État actionnaire conduit une politique ambitieuse de féminisation dans les sphères de direction des entreprises de son périmètre. Au sein de celles-ci, le taux global de féminisation des organes de gouvernance s’élève à 15 %. Quant au seuil de 20 % auquel nous devons parvenir dans un délai de trois ans, il est d’ores et déjà atteint au sein du collège des représentants de l’État.
L’État actionnaire veille également à ce que la plus grande modération soit observée dans la rémunération des dirigeants. Les informations figurant dans le rapport relatif à l’État actionnaire le prouvent. C’est une question sur laquelle, je l’espère, nous allons nous entendre !
En 2012, l’État actionnaire s’assurera, comme le Premier ministre l’a dit le 7 novembre dernier, que les entreprises publiques maintiennent au même niveau la rémunération de leurs dirigeants et qu’elles ne leur accordent pas d’avantages nouveaux – retraite chapeau ou « clause parachute ».
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Au-delà des entreprises publiques, il y a toutes celles dans lesquelles l’État détient des participations…
M. François Sauvadet, ministre. Cette vision industrielle de l’État actionnaire s’est exprimée de manière particulièrement nette dans l’accompagnement des entreprises pendant la sortie de crise.
Les entreprises appartenant au périmètre des participations de l’État ont plutôt bien résisté à la baisse de l’activité, permettant à l’État actionnaire de percevoir en 2011 des dividendes stables : 4,4 milliards d’euros, soit, comme en 2010, 55 % du résultat net par groupe. C’est une donnée importante que je souhaitais porter à votre connaissance.
Toutefois, cette stabilité des dividendes ne signifie pas que l’État actionnaire applique un même taux de distribution à ses participations, indépendamment de la situation financière et de la capacité distributive des entreprises. À ce propos, je vous rappelle que le taux moyen de distribution dans les entreprises du portefeuille de l’État a été abaissé à 23 % en 2009, pour tenir compte du contexte économique.
Au-delà de ces résultats financiers, l’État actionnaire s’attache désormais à promouvoir une véritable stratégie industrielle globale : il anticipe les enjeux stratégiques des entreprises et mène une réflexion sectorielle au sein des filières.
Cette ambition a permis, par exemple, la constitution autour de Systra d’une entreprise d’ingénierie de premier plan, regroupant les forces tournées vers l’international des filiales d’ingénierie de la SNCF et de la RATP.
Le renforcement de la situation financière des entreprises et la consolidation des filières industrielles stratégiques ont également figuré parmi les objectifs assignés par le Gouvernement au Fonds stratégique d’investissement.
À la suite du Président de la République et du Premier ministre, j’insiste sur le fait que l’État sera extrêmement attentif à la situation sociale dans les entreprises dont il est actionnaire. L’emploi ne doit pas être une variable d’ajustement à la crise que nous traversons !
Pour ce qui concerne les principales opérations en capital envisagées en 2012, elles sont présentées de manière conventionnelle dans le CASPFE, au sein duquel 5 milliards d’euros sont inscrits en recettes comme en dépenses.
Monsieur Tandonnet, monsieur Mirassou, ce montant représente davantage un plafond qu’une prévision. En effet, l’État ne peut ni prévoir précisément les opérations qui pourront avoir lieu, car elles dépendront évidemment du contexte de marché, ni risquer, en rendant publics d’éventuels projets, de dégrader la valeur de ses participations.
Permettez-moi, avant de vous présenter les perspectives du CASPFE pour 2012, de dire un mot des prévisions portant sur l’exercice 2011.
Le budget du compte d’affectation spéciale devrait être équilibré cette année, 415 millions d’euros de recettes nouvelles permettant, avec les 303 millions d’euros reportés, de faire face aux dépenses programmées pour un montant, estimé au 31 octobre, de 717 millions d’euros.
En 2012, l’opération la plus marquante sera sans doute, comme l’a rappelé Mme la rapporteure générale, la poursuite de l’augmentation du capital de La Poste.
La seconde opération d’envergure prévue en 2012 est le rachat par l’État, pour un montant de 270 millions d’euros, des titres de l’entreprise AREVA détenus par le Commissariat à l’énergie atomique, afin de permettre à celui-ci de faire face à ses obligations financières.
Concernant l’établissement public de financement et de restructuration, l’EPFR, qui porte la dette de la défaisance du Crédit lyonnais, j’insiste sur l’absence de déconsolidation comptable ou de maquillage des comptes de l’État : la dette de l’EPFR, qui s’élève aujourd’hui à environ 4,4 milliards d’euros, est évidemment intégrée à la dette publique.
De plus, l’EPFR se refinance auprès du Crédit lyonnais à un taux avantageux, inférieur à 1 %.
En tenant compte de ces données, mais aussi des faibles disponibilités en liquidités sur le compte d’affectation spéciale, nous n’anticipons pas le versement d’une dotation budgétaire à l’EPFR cette année.
Par ailleurs, nous allons commencer de préparer l’échéance d’extinction de la défaisance, fixée au 31 décembre 2014.
Monsieur Tandonnet, vous avez évoqué l’idée d’une reprise des privatisations, suggérant que l’État cède certaines des participations minoritaires qu’il détient au capital de grandes entreprises cotées, comme France Télécom, Air France-KLM ou Renault.
Je répète, au nom du Gouvernement, que les cessions d’actions sont seulement envisageables lorsqu’elles ont un sens pour la stratégie des entreprises concernées et qu’elles permettent à l’État, en vendant ses titres à un bon prix, de valoriser au mieux notre patrimoine national. Aujourd’hui, ne serait-ce qu’en raison du faible niveau de valorisation des sociétés, ces conditions ne semblent pas réunies.
Vous avez exprimé, monsieur Mirassou, une inquiétude qui mérite réponse. Je vous rappelle que le groupe Lagardère a publiquement annoncé qu’il ne se désengagerait pas d’EADS. L’État français, pour sa part, est fermement déterminé à demeurer un actionnaire de référence du groupe EADS et à continuer de l’accompagner dans ses programmes stratégiques.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands enjeux pour l’avenir de l’État actionnaire.
J’ai apprécié, madame la rapporteure générale, de vous entendre dire que nous partagions le même point de vue sur l’importance du problème de la dette…